N° 37 / 2024 du 07.03.2024 Numéro CAS-2023-00067 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept mars deux mille vingt-quatre.
Composition:
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre PERSONNE1.), avocat à la Cour, demeurant professionnellement à L-
ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Nadia CHOUHAD, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et 1) la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) la société anonyme SOCIETE2.) (LUXEMBOURG), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE3.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Isabelle GIRAULT, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.
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Vu l’arrêt attaqué, numéro 22/23 - VII - CIV, rendu le 15 février 2023 sous le numéro CAL-2020-01080 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 8 mai 2023 par PERSONNE1.) à la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) ») et à la société anonyme SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) (ci-après « la société SOCIETE2.) »), déposé le même jour au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 26 juin 2023 par la société SOCIETE2.) à PERSONNE1.) et à la société SOCIETE1.), déposé le 6 juillet 2023 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 30 juin 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.) et à la société SOCIETE2.), déposé le 6 juillet 2023 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, PERSONNE1.) avait été chargé par la société SOCIETE2.) du recouvrement par voie de saisies-arrêts bancaires de créances à charge de deux cocontractantes de cette dernière. Celles-ci ayant payé sous réserve les montants réclamés, la société SOCIETE2.) se désista des actions introduites à leur encontre.
Sur base des demandes de ses deux cocontractantes, la société SOCIETE2.) fut condamnée à leur rembourser les montants payés sous réserve.
La société SOCIETE2.) saisit le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, d’une demande dirigée contre PERSONNE1.) afin de le voir condamner, pour avoir commis une faute dans l’exercice de la profession d’avocat, à lui payer les montants au remboursement desquels elle avait été condamnée et les honoraires d’avocat qu’elle avait exposés au profit de PERSONNE1.) dans le cadre de la gestion des dossiers contentieux l’opposant à ses deux cocontractantes. La société SOCIETE2.) assigna encore l’assureur en responsabilité civile professionnelle de PERSONNE1.), la société SOCIETE1.), aux fins de condamnation solidaire.
Contre paiement par la société SOCIETE1.) dans le cadre d’une transaction d’un montant forfaitaire en couverture des montants au remboursement desquels la société SOCIETE2.) avait été condamnée, celle-ci se désista de l’action introduite contre la société SOCIETE1.) et réduisit sa demande à l’encontre de PERSONNE1.) pour ne demander plus que le remboursement des honoraires d’avocat qu’elle lui avait payés dans le cadre de la gestion des deux contentieux.
Le Tribunal avait fait droit à la demande en condamnation telle que réduite dirigée par la société SOCIETE2.) contre PERSONNE1.), ainsi qu’à la demande incidente en garantie dirigée par PERSONNE1.) contre la société SOCIETE1.).
La Cour d’appel a confirmé ce jugement en ce qu’il a fait droit à la demande en condamnation dirigée par la société SOCIETE2.) contre PERSONNE1.), et, par réformation, a dit non fondée la demande incidente en garantie dirigée par PERSONNE1.) contre la société SOCIETE1.).
Sur les deux premiers moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « Premier moyen : violation de l’article 1164 du Code civil Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 1164 du Code civil qui dispose que : .
En ce que la Cour d’appel a retenu que :
dans le cadre de laquelle le remboursement des honoraires est réclamé par le mandant en guise d’indemnisation en raison d’une faute de son mandataire-avocat.
L’article 80 de la loi du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance dispose que : "le présent chapitre est applicable aux contrats d’assurance qui ont pour objet de garantir l’assuré contre toute demande en réparation fondée sur la survenance du dommage prévu au contrat et de tenir dans les limites de la garantie, son patrimoine indemne de toute dette résultant d’une indemnité établie".
Les conditions générales B01.2012 de l’assurance responsabilité contractuelle des avocats définit le sinistre comme "la demande en réparation qui donne ouverture en garantie ou l’ensemble des demandes en réparation relatives à des dommages résultant d’un même fait générateur ou d’une série de faits générateurs identiques".
Sous l’article 3 intitulé "fonctionnement de la garantie", il est précisé au point 1 que "la garantie s’applique aux demandes en réparation formulées par écrit à l’encontre de l’assuré ou de la compagnie".
L’article 1 intitulé "exclusion" prévoit en son point 3) que sont exclus de l’assurance "toutes les réclamations relatives aux honoraires et frais personnels".
Dans le cadre de l’assurance responsabilité professionnelle de l’avocat, une demande en responsabilité contractuelle dans le cadre de laquelle le remboursement des honoraires est réclamé par le mandant en guise d’indemnisation en raison d’une faute de son mandataire-avocat est à qualifier de réclamation relatives aux honoraires.
La SOCIETE1.) soutient à juste titre qu’en retenant que la clause d’exclusion vise à l’évidence les seuls litiges d’honoraires entre le client et son avocat, et non pas les demandes en restitution d’honoraires dans le contexte d’une mise en cause de la responsabilité contractuelle de l’avocat, la juridiction de première instance a opéré une distinction que le contrat ne fait pas.
Les premiers juges ont dès lors à tort retenu que la clause d’exclusion vise à l’évidence le contentieux des honoraires entre l’avocat et son client hormis les demandes en répétition d’honoraires.
En effet, eu égard au libellé de la clause 1 point 3), et notamment eu égard à l’emploi du terme "toutes", les juges de première instance ne pouvaient considérer que les demandes en répétition des honoraires sont exceptées de la clause d’exclusion » Alors que la clause d’exclusion ne concerne que les réclamations relatives aux honoraires stricto sensu et non pas, par extension, les dommages et intérêts sollicités à titre indemnitaire en lien causal avec une responsabilité.
Qu’en effet l’article 1 des conditions générales B01.2012 présente une série d’exclusions de dommages spécifiquement et limitativement énumérés.
Concernant les honoraires, l’exclusion indiquée sous l’article 3 des conditions générales se limite aux seules réclamations relatives aux honoraires et ne concernent pas le remboursement des honoraires à titre indemnitaire.
Que ce faisant, la Cour a méconnu l’article 1164 du Code civil et a restreint l’engagement de l’assureur.
L’arrêt encourt donc la cassation de ce chef. » et le deuxième, « Deuxième moyen : violation de l’article 1157 du Code civil Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 1157 du Code civil consacrant le principe de l’effet utile dans l’interprétation des contrats.
L’article 1157 du Code civil dispose que :
susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun. » En ce que la Cour d’appel a retenu que :
dans le cadre de laquelle le remboursement des honoraires est réclamé par le mandant en guise d’indemnisation en raison d’une faute de son mandataire-avocat.
L’article 80 de la loi du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance dispose que : "le présent chapitre est applicable aux contrats d’assurance qui ont pour objet de garantir l’assuré contre toute demande en réparation fondée sur la survenance du dommage prévu au contrat et de tenir dans les limites de la garantie, son patrimoine indemne de toute dette résultant d’une indemnité établie".
Les conditions générales B01.2012 de l’assurance responsabilité contractuelle des avocats définit le sinistre comme "la demande en réparation qui donne ouverture en garantie ou l’ensemble des demandes en réparation relatives à des dommages résultant d’un même fait générateur ou d’une série de faits générateurs identiques".
Sous l’article 3 intitulé "fonctionnement de la garantie", il est précisé au point 1 que "la garantie s’applique aux demandes en réparation formulées par écrit à l’encontre de l’assuré ou de la compagnie".
L’article 1 intitulé "exclusion" prévoit en son point 3) que sont exclus de l’assurance "toutes les réclamations relatives aux honoraires et frais personnels".
Dans le cadre de l’assurance responsabilité professionnelle de l’avocat, une demande en responsabilité contractuelle dans le cadre de laquelle le remboursement des honoraires est réclamé par le mandant en guise d’indemnisation en raison d’une faute de son mandataire-avocat est à qualifier de réclamation relatives aux honoraires.
La SOCIETE1.) soutient à juste titre qu’en retenant que la clause d’exclusion vise à l’évidence les seuls litiges d’honoraires entre le client et son avocat, et non pas les demandes en restitution d’honoraires dans le contexte d’une mise en cause de la responsabilité contractuelle de l’avocat, la juridiction de première instance a opéré une distinction que le contrat ne fait pas.
Les premiers juges ont dès lors à tort retenu que la clause d’exclusion vise à l’évidence le contentieux des honoraires entre l’avocat et son client hormis les demandes en répétition d’honoraires.
En effet, eu égard au libellé de la clause 1 point 3), et notamment eu égard à l’emploi du terme "toutes", les juges de première instance ne pouvaient considérer que les demandes en répétition des honoraires sont exceptées de la clause d’exclusion. » Alors que la clause d’exclusion ne concerne que les réclamations relatives aux honoraires stricto sensu et non pas, par extension, les dommages et intérêts sollicités à titre indemnitaire en lien causal avec une responsabilité.
En effet l’article 1 des conditions générales B01.2012 présente une série d’exclusions de dommages spécifiquement et limitativement énumérés. Concernant les honoraires, l’exclusion se limite aux réclamations et ne concernent pas les dommages y relatifs.
Que ce faisant, la Cour a méconnu l’article 1157 du Code civil et a privé d’effet la garantie contractuelle.
L’arrêt encourt donc la cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour Les articles 1164 et 1157 du Code civil n’ont pas un caractère impératif, leurs dispositions constituant des conseils donnés aux juges par le législateur pour l’interprétation des conventions et non des règles absolues dont la méconnaissance donne ouverture à cassation.
Il s’ensuit que les deux moyens sont irrecevables.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Troisième moyen : violation de l’article 1134 du Code civil Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil qui dispose que : .
En ce que la Cour a retenu que :
PERSONNE1.) n’était précisément pas partie à ladite transaction et eu égard au fait que celle-ci ne porte que sur certains postes de préjudice, tout en précisant que le paiement interviendra sans aucune reconnaissance préjudiciable au détriment de l’assuré Maître PERSONNE1.) qui est libre de continuer à contester toute faute et toute responsabilité dans son chef, les développements de Maître PERSONNE1.) sur une identité d’objet, de cause et de parties entre la transaction et le présent litige manquent de pertinence. » Alors que les conditions générales B01.2012 prévoient en leur article 8, DIRECTION DU PROCES, que : et liaient la SOCIETE1.) et le demandeur en cassation.
Cette disposition contractuelle est conforme à l’article 82 la loi modifiée du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance prévoit en outre que :
En ce qui concerne les intérêts civils, et dans la mesure où les intérêts de l'assureur et de l'assuré coïncident, l'assureur a le droit de combattre, à la place de l'assuré, la réclamation de la personne lésée. Il peut indemniser cette dernière s'il y a lieu.
Ces interventions de l'assureur n'impliquent aucune reconnaissance de responsabilité dans le chef de l'assuré et ne peuvent lui causer préjudice. » C’est à tort que la Cour a considéré que l’assureur pouvait valablement transiger pour son seul compte.
En effet, la transaction semble exclure expressément le demandeur en cassation.
Or, l’assureur doit agir avec loyauté et dans le respect des droits de son assuré conformément à l’article 1134 alinéa 3 du Code civil.
Il résulte tant de la loi que du contrat d’assurance liant les parties, que l’assureur traite le litige en lieu et place de l’assuré.
Il ne doit donc pas simplement chercher à s’extraire du litige mais doit rechercher une issue favorable à son assuré.
Effectivement, l’assureur s’était engagé à traiter le litige en lieu et place de l’assuré donc à son bénéfice.
Ce faisant, la Cour a méconnu l’article 1134 du code civil qui impose une obligation de loyauté entre parties.
L’arrêt encourt donc la cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour Il ne ressort pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait fait valoir le moyen tiré de l’absence d’exécution loyale et de bonne foi du contrat d’assurance le liant à la société SOCIETE1.) devant les juges d’appel.
Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Quatrième moyen : violation de l’article 2052 du Code civil Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 2052 du Code civil dispose que : .
En ce que la Cour a retenu que la transaction convenue entre SOCIETE1.) et SOCIETE2.) avait un effet relatif dont ne bénéficierait pas le demandeur en cassation qui ne serait pas partie à la transaction.
PERSONNE1.) n’était précisément pas partie à ladite transaction et eu égard au fait que celle-ci ne porte que sur certains postes de préjudice, tout en précisant que le paiement interviendra sans aucune reconnaissance préjudiciable au détriment de l’assuré Maître PERSONNE1.) qui est libre de continuer à contester toute faute et toute responsabilité dans son chef, les développements de Maître PERSONNE1.) sur une identité d’objet, de cause et de parties entre la transaction et le présent litige manquent de pertinence. » Alors que la compagnie d’assurance agit en lieu et place de l’assuré.
La transaction est nécessairement conclue pour le compte de l’assuré qui est réputé être partie à la transaction.
D’autant plus que ladite transaction crée expressément à charge du demandeur en cassation une obligation au (arrêt p.20).
En conséquence, et par application de l’article 2052 du Code civil, la transaction intervenue entre SOCIETE1.) et SOCIETE2.) a autorité de la chose jugée en dernier ressort également à l’égard du demandeur en cassation.
C’est donc à tort que la Cour a exclu le demandeur en cassation du bénéfice de ladite transaction.
L’arrêt encourt donc la cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 2052 du Code civil en ayant refusé d’étendre les effets de la transaction conclue entre la société SOCIETE2.) et la société SOCIETE1.) au demandeur en cassation.L’article 2052 du Code civil traite des effets de la transaction à l’égard des personnes qui y sont partie.
En retenant « La transaction conclue par un coobligé et le créancier n’a qu’un effet relatif et ne lie pas les autres intéressés (Cass. com., 14 févr. 1989, n° 86-13.876 : JurisData n° 1989-700290 ; Bull. civ. IV, n° 67).
La transaction indique que le paiement intervient sans aucune reconnaissance préjudiciable au détriment de Maître PERSONNE1.), qui est libre de continuer à contester toute faute et toute responsabilité dans son chef.
Eu égard à l’effet relatif de la transaction en raison du fait que Maître PERSONNE1.) n’était précisément pas partie à ladite transaction et eu égard au fait que celle-ci ne porte que sur certains postes de préjudice, tout en précisant que le paiement interviendra sans aucune reconnaissance préjudiciable au détriment de l’assuré Maître PERSONNE1.) qui est libre de continuer à contester toute faute et toute responsabilité dans son chef, les développements de Maître PERSONNE1.) sur une identité d’objet, de cause et de parties entre la transaction et le présent litige manquent de pertinence.
Après avoir constaté que la transaction ne porte que sur la demande indemnitaire de la société SOCIETE2.) à l’encontre de la SOCIETE1.) correspondant aux montants des créances devenues irrécupérables à l’encontre des sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.) suite aux désistements d’action conseillés et concrétisés par Maître PERSONNE1.) dans les procédures de recouvrement relatifs à ces créances, les juges de première instance ont dès lors correctement retenu que la transaction entre la société SOCIETE2.) et SOCIETE1.) est, comme le soutient d’ailleurs Maître PERSONNE1.) lui-même, inopposable à ce dernier en vertu de l’article 1165 du Code civil qui dispose que les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes. », les juges d’appel ont exclu dans le chef du demandeur en cassation la qualité de partie à la transaction conclue entre la société SOCIETE2.) et la société SOCIETE1.).
Dès lors, en n’étendant pas les effets de la transaction conclue entre la société SOCIETE2.) et la société SOCIETE1.) au demandeur en cassation, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Cinquième moyen : violation de la règle de droit qui s’applique aux effets du désistement d’action Le cinquième moyen est tiré de la violation de la règle de droit qui s’applique aux effets du désistement d’action.
Tel que l’a indiqué la Cour, seulement abandon d'une instance introduite à un certain moment, mais abandon du droit qui forme la base de cette instance. Le désistement d'action emporte dès lors renonciation définitive et extinction du droit lui-même et rend irrecevable toute nouvelle action. » (T. HOSCHEIT, Le droit judiciaire privé au Grand-duché de Luxembourg, 2012, page 559).
En ce que la Cour a retenu que :
la transaction du 11 mai 2018 est dès lors clairement limité à l’action indemnitaire engagée à l’encontre de la SOCIETE1.), la transaction stipulant une réserve expresse de continuer l’action en rapport avec les fautes professionnelles reprochées à Maître PERSONNE1.) exclusivement à l’encontre de celui-ci avec pour seul but d’obtenir le remboursement des frais et honoraires d’avocat déboursés la réclamation s’y rapportant n’étant pas couverte par la police d’assurance liant la SOCIETE1.). (p.21 de l’arrêt) […] Le désistement d’action et d’instance du 27 juin 2018 émanant de la société SOCIETE2.) limité aux seuls rapports entre la société SOCIETE2.) et la SOCIETE1.) ne saurait dès lors valoir anéantissement et extinction du droit de créance de la société SOCIETE2.) au titre de la responsabilité contractuelle, sinon délictuelle de Maître PERSONNE1.), celle-ci s’étant expressément réserver le droit de poursuivre son action en relation avec les fautes professionnelles reprochées à Maître PERSONNE1.).
Eu égard à son effet relatif, le désistement d’action et d’instance du 27 juin 2018 ne vaut pas renonciation au droit de créance de la société SOCIETE2.) à l’égard de Maître PERSONNE1.) au titre de sa responsabilité contractuelle, sinon délictuelle. » Alors que SOCIETE2.) avait par le désistement d’action du 27 juin 2018 abandonné tout droit à la base même de l’action en responsabilité pour faute professionnelle du demandeur en cassation et y avait nécessairement renoncé.
Il n’était donc pas possible de poursuivre la même action en responsabilité professionnelle contre le demandeur en cassation.
La Cour ne pouvait créer une scission artificielle des dommages invoqués pour faire subsister une action en responsabilité éteinte.
SOCIETE2.) avait renoncé à l’action même en responsabilité par la voie du désistement d’action dont les demandes indemnitaires ne sont théoriquement qu’une suite en lien causal direct.
Les demandes en dommages et intérêts relatives aux honoraires ne peuvent pas subsister si l’action en responsabilité dont elles découlent est éteinte.
Ainsi, c’est à tort que la Cour a décidé que le désistement d’action du 27 juin 2018 se limitait aux seuls rapports entre la société SOCIETE2.) et SOCIETE1.).
C’est également à tort qu’elle a décidé que ledit désistement n’éteignait pas le droit de créance de SOCIETE2.) au titre de la responsabilité contractuelle du demandeur en cassation.
La Cour a donc méconnu les effets du désistement d’action.
L’arrêt encourt donc la cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour Par les motifs reproduits au moyen, les juges d’appel, sans encourir le reproche formulé au moyen, ont limité les effets du désistement d’action consécutif à la transaction conclue entre la société SOCIETE2.) et la société SOCIETE1.) aux prétentions que la société SOCIETE2.) pouvait élever contre la société SOCIETE1.) sur base de l’action directe ouverte à la victime contre l’assureur en responsabilité civile en rapport avec des montants au remboursement desquels la société SOCIETE2.) avait été condamnée.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « Sixième moyen : violation du principe général de droit d’estoppel ou de cohérence Le sixième moyen est tiré de la violation du principe général d’estoppel ou de cohérence.
En ce que la Cour a indiqué que :
position contraire à celle qu’elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d’un tiers. Cette interdiction de se contredire a comme conséquence que sont déclarés irrecevables les moyens en raison de leur incompatibilité avec la position adoptée antérieurement par les parties. L’estoppel a deux éléments constitutifs essentiels : tout d’abord, la partie à laquelle il est opposé doit s’être contredite ; ensuite, la partie qui l’oppose doit en avoir pâti (cf.
L’interdiction de se contredire en procédure civile luxembourgeoise G. Cuniberti Pas 34, p. 381 ; TAL 9 janvier 2018, n° du rôle 172.028).
[…] Les conclusions des parties sur les effets juridiques des désistements d’action respectifs peuvent être différentes sans constituer nécessairement une incohérence dans la position défendue.
[…] Le moyen d’irrecevabilité tiré de part et d’autre du principe de l’estoppel est à rejeter. » Alors que la jurisprudence retient que s'applique, le comportement critiqué doit être de nature à tromper les attentes légitimes de l'adversaire, partant, en d'autres mots, à l'induire en erreur (voir Cour d'appel, 9 janvier 2019, numéro du rôle 45277). » La Cour de cassation a également précisé dans un arrêt 82/2021 du 06 mai 2021 n°CAS-2020-00087 du registre que Dans son assignation du 30 octobre 2017, la société SOCIETE2.) soutenait que les désistements d’action du 23 septembre 2013 et du 30 septembre 2013 emportaient extinction intégrale et abandon du droit qui forme la base de sa demande.
A contrario, elle conclut le 21 janvier 2021 que le désistement d’action aurait un effet désormais relatif qui lui permettrait de prospérer sur le droit de créance auquel elle a pourtant renoncé par désistement d’action.
L’extinction et l’abandon du droit n’aurait donc plus de caractère extinctif comme le prétendait pourtant SOCIETE2.) dans son assignation.
Ce changement opportuniste de position a causé un important préjudice au demandeur en cassation qui s’est trouvé contraint de changer de position puis a finalement été condamné au paiement de dommages pour un droit auquel SOCIETE2.) avait pourtant renoncé par transaction et désistement d’action consécutif.
La Cour aurait donc dû sanctionner le changement de position défendue par SOCIETE2.) et déclarer le moyen irrecevable. ».
Réponse de la Cour La violation d’un principe général du droit ne donne ouverture à cassation que s’il trouve son expression dans un texte de loi ou s’il est consacré par une juridiction supranationale.
Le demandeur en cassation n’invoque pas de texte de loi qui exprimerait le principe énoncé au moyen ni une jurisprudence d’une juridiction supranationale qui consacrerait ce principe.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur les septième, huitième et neuvième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le septième, « Septième moyen : violation de l’article 1149 du Code civil Le septième moyen est tiré de la violation de l’article 1149 du Code civil qui dispose que : .
En ce que la Cour a retenu que :
Maître PERSONNE1.) au titre du préjudice le remboursement du montant de 5.063,73 euros au titre des honoraires payés dans le dossier SOCIETE3.) et du montant de 5.293,23 euros au titre des honoraires payés dans le dossier SOCIETE4.), de sorte que les développements de Maître PERSONNE1.) sur les préjudices de 11.172,69 euros et de 11.702,20 euros au titre des condamnations intervenues dans le cadre des affaires de répétition de l’indu, respectivement sur les montants 694,73 euros payés au titre d’un décompte de Me X) du 5 janvier 2014 ne sont pas pertinents et qu’il y a lieu d’en faire abstraction.
[…] Le jugement déféré est à approuver en ce qu’il a relevé que les honoraires dont la société SOCIETE2.) demande le remboursement constituent bien un poste de préjudice indemnisable dans son chef en relation causale avec le désistement d’action fautivement instigué par Maître PERSONNE1.) alors que par suite du désistement d’action, tous les efforts déployés par Maître PERSONNE1.) antérieurement à ce désistement pour récupérer les créances dont s’est prévalue la société SOCIETE2.), ont été définitivement anéantis, privant de toute justification les honoraires exposés par la société SOCIETE2.).
Dans la mesure où les demandes en répétition de l’indu ont été directement causées par les désistements d’action fautivement intervenus et déclarées fondées sur base de ceux-ci, les magistrats de première instance sont encore à confirmer en ce qu’ils ont retenu que les honoraires relatifs à la défense par Maître PERSONNE1.) assurée dans le cadre des instances en répétition de l’indu constituent un poste de préjudice indemnisable en relation causale avec lesdits désistements.
L’appel incident de Maître PERSONNE1.) est dès lors à déclarer non fondé. » Alors que la Cour aurait dû au préalable déterminer la perte de SOCIETE2.) ou le gain dont elle a été privée.
Or, la Cour n’a pas procédé à l’évaluation des chances de succès de l’action en recouvrement de SOCIETE2.) pour évaluer la réelle perte de SOCIETE2.) ou le potentiel gain dont elle a été privé.
Ainsi, c’est à tort que la Cour a considéré que le remboursement de la totalité des honoraires constituait un préjudice indemnisable sans avoir au préalable évalué la perte faite ou le gain manqué dans le chef de SOCIETE2.).
L’arrêt encourt donc la cassation de ce chef. », le huitième, « Huitième moyen : violation de l’article 1151 du Code civil Le huitième moyen est tiré de la violation de l’article 1151 du code civil qui dispose que : .
En ce que la Cour a décidé de condamner Me PERSONNE1.) au remboursement des honoraires sans avoir déterminé au préalable la perte réellement éprouvée par SOCIETE2.) ou le gain dont elle a été véritablement privée par suite immédiate des désistements d’action du 23 septembre 2013 et du 30 septembre 2013.
Alors qu’elle aurait dû au préalable vérifier si SOCIETE2.) avait établi avoir des chances réelles et sérieuses et non seulement hypothétiques de voir aboutir son action en recouvrement, indépendamment du désistement d’action opéré en 2013.
En effet, si la Cour était d’avis que le désistement d’action opéré en 2018 n’éteignait pas toute action en responsabilité alors elle devait se livrer à un exercice de procédure hypothétique au regard des contestations formulées par les parties adverses (SOCIETE3.) et SOCIETE4.)) concernant les demandes en recouvrement de SOCIETE2.) pour lesquelles le désistement d’action a été erronément opéré en 2013.
Dès lors, la Cour n’a pas procédé à une évaluation du préjudice conformément à l’article 1151 du Code civil.
La jurisprudence est pourtant constante sur le procédé (Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 24 février 2012, N° 136-235 du rôle ; Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 5 février 2001, N° 65-212 du rôle ; Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 8 janvier 2001, N° 65-931 du rôle).
C’est donc à tort qu’elle a condamné le demandeur en cassation au remboursement intégral des honoraires.
L’arrêt encourt donc la cassation de ce chef. » et le neuvième, « Neuvième moyen : violation de l’article 1150 du Code civil Le neuvième moyen est tiré de la violation de l’article 1150 du Code civil qui dispose que : .
En ce que la Cour a décidé de condamner le demandeur en cassation au remboursement des honoraires touchés dans le cadre du contrat liant SOCIETE2.) et le demandeur en cassation alors que cela n’était pas prévu contractuellement.
Qu’ainsi la Cour a violé l’article 1150 du Code civil qui limite la condamnation au dommage prévisible en matière contractuelle.
L’arrêt encourt donc la cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour Il ne ressort pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait discuté devant les juges d’appel le quantum des dommages-intérêts devant revenir à la société SOCIETE2.) sur base de moyens tirés de la violation des articles 1149, 1151 et 1150 du Code civil.
Les moyens sont dès lors nouveaux et, en ce qu’ils comporteraient un examen des circonstances de fait, mélangés de fait et de droit.
Il s’ensuit que les moyens sont irrecevables.
Sur le dixième moyen de cassation Enoncé du moyen « Dixième moyen : défaut de réponse à conclusions Le dixième moyen est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, de l’article 249 en combinaison avec l’article 587 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que la violation de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l’homme, du défaut de réponse à conclusion constituant également un défaut de motivation (première branche) et de l’insuffisance de motivation (deuxième branche).
Il s’agit du défaut de réponse à conclusions alors que le demandeur en cassation avait invoqué dans ses conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel le 1er juillet 2021 les conditions particulières du contrat d’assurance.
En ce que la Cour n’a pas tenu compte des conditions particulières qui prévoient en leur article 6, intitulé MONTANT DE LA GARANTIE, que :
particulières 1), 2) et 3) du présent contrat à concurrence de 2 500 000,00 EUR par sinistre et par assuré.
En aucun cas l’assureur ne pourra être tenu à une indemnisation plus étendue que celle qui résulterait de l’application du droit en vigueur au moment du sinistre.
Le montant assuré comprend les frais, intérêts, dépens et honoraires de toute nature. » L’article 85 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance prévoit en outre que :
Les intérêts dus en vertu de l'article 29 point 2 sont néanmoins dus même au-
delà des limites de la garantie. » Il est clairement établi que le montant assuré comprend les frais, intérêts, dépens et honoraires de toute nature.
C’est donc à tort que la Cour n’a pas considéré les conditions particulières et a condamné le demandeur en cassation au remboursement des honoraires ainsi qu’à une indemnité de procédure et aux frais et dépens et a rejeté la demande en garantie.
En l’espèce, en ne répondant pas au moyen du demandeur en cassation tiré de l’abus de droit, la Cour d’appel a violé les textes susmentionnés et a manqué de répondre aux conclusions formulées, ce qui constitue un défaut de motivation (première branche) et a subsidiairement insuffisamment motivé l’arrêt attaqué (deuxième branche). ».
Réponse de la Cour Sur les deux branches réunies Il ne ressort pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait fait valoir devant les juges d’appel le moyen tiré de l’abus de droit en relation avec l’application des conditions particulières du contrat d’assurance.
Les juges d’appel n’avaient pas à répondre à un moyen qui n’était pas dans les débats.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge des défenderesses en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer à chacune une indemnité de procédure de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation à payer à chacune des défenderesses en cassation une indemnité de procédure de 5.000 euros, le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Jean MINDEN, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Sandra KERSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Maître PERSONNE1.) contre la société anonyme SOCIETE1.) S.A.
la société anonyme SOCIETE2.) (Luxembourg) S.A.
Le pourvoi en cassation, introduit par Maître PERSONNE1.) par un mémoire en cassation signifié le 8 mai 2023 aux parties défenderesses en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le même jour, est dirigé contre un arrêt rendu par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, en date du 15 février 2023 (arrêt n°22/23) dans une affaire portant le numéro du rôle CAL-2020-01080.
L’arrêt ne semble pas avoir été signifié au demandeur en cassation.
Le pourvoi en cassation a été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
La partie défenderesse en cassation SOCIETE1.) S.A. a signifié un mémoire en réponse le 30 juin 2023 et elle l’a déposé au greffe de la Cour le 6 juillet 2023.
Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.
La partie défenderesse en cassation SOCIETE2.) (Luxembourg) S.A. a signifié un mémoire en réponse le 26 juin 2023 et elle l’a déposé au greffe de la Cour le 6 juillet 2023.
Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.
Sur les faits et antécédents :
En date du 11 décembre 2012, la société anonyme SOCIETE2.) (LUXEMBOURG) S.A.
(ci-après la société SOCIETE2.)) a confié à Maître PERSONNE1.) (ci-après Maître PERSONNE1.)) deux dossiers de recouvrement de factures impayées contre les sociétés SOCIETE3.) S.A. SICAV-SIF (ci-après SOCIETE3.)) et SOCIETE4.) SA. (ci-après SOCIETE4.)).
En date du 15 février 2013, Maître PERSONNE1.) a, au nom et pour le compte de la société SOCIETE2.), été autorisé par le juge de paix à pratiquer deux saisies-arrêts sur les comptes respectifs des sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.).
Par exploit d’huissier du 26 février 2013, la société SOCIETE2.) a fait citer les sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.) devant la Justice de Paix de et à Luxembourg afin de les voir condamner à lui payer la somme de 6.075,59 euros, respectivement de 6.553,55 euros, ainsi qu’une indemnité de procédure de 900,- euros et afin de voir déclarer bonnes et valables les saisies-arrêts pratiquées.
Par courrier du 28 février 2013, les sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.), par le biais de leur avocat, ont informé Maître PERSONNE1.) de leur accord de procéder au paiement des montants réclamés en précisant « sans reconnaissance aucune du bien-fondé de vos demandes, mais avec la réserve expresse d’en contester le fondement et considérant l’importance de voir leurs comptes bancaires opérationnels instamment afin de limiter le préjudice qu’ils subissent du fait du blocage de leurs avoirs, mes mandants vous proposent de transférer le montant des factures litigieuses en faveur de votre client contre mainlevée immédiate des saisies-arrêts. Les débats quant au fond seront maintenus dans le cadre des citations en condamnation et en validité des saisies-arrêts que vous avez initiées afin de permettre à mes mandants de réclamer le remboursement des montants ».
Par télécopie en réponse du même jour, Maître PERSONNE1.) a informé l’avocat des sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.) de l’accord de sa mandante à donner mainlevée des saisies-arrêts pratiquées à condition de recevoir le paiement d’un montant de 7.370,32 euros correspondant au montant en principal (6.075,59 euros), aux frais de justice (394,73 euros) et à une indemnité de procédure (900 euros), en ce qui concerne SOCIETE3.), et d’un montant de 7.848,28 euros correspondant au montant en principal (6.553,55 euros), aux frais de justice (394,73 euros) et à une indemnité de procédure (900 euros), en ce qui concerne SOCIETE4.).
Par courrier du 1er mars 2013, Maître PERSONNE1.) a informé la banque du fait que sa mandante accorde mainlevée des deux saisies-arrêts à condition que les sommes de 7.370,32 euros, respectivement de 7.848,28 euros, soient préalablement payées.
Le versement desdits montants a été effectué le même jour.
Par courrier déposé auprès du greffe de la Justice de Paix le 23 septembre 2013, Maître PERSONNE1.) a, pour le compte et au nom de la société SOCIETE2.), procédé au désistement pur et simple des deux actions à la base de l’exploit d’huissier du 26 février 2013.
Un deuxième acte de désistement d’action a été déposé auprès du greffe de la Justice de Paix de et à Luxembourg le 30 septembre 2013 en ce qui concerne les dénonciations/citations en validation des saisies-arrêts autorisées le 15 février 2013.
Par deux jugements du 6 novembre 2013, la Justice de Paix de et à Luxembourg a donné acte à la société SOCIETE2.) de son désistement des actions introduites suivant exploits d’huissier du 26 février 2013 à l’encontre des sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.) et a décrété les désistements d’action à l’égard des sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.) aux conséquences de droit.
Les mêmes jugements, après avoir donné acte aux sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.) de leurs demandes reconventionnelles en répétition d’indu des sommes de 7.370,32 euros, respectivement de 7.848,28 euros, les a dits irrecevables et a condamné la société SOCIETE2.) à payer la somme de 300,- euros à titre d’indemnité de procédure à chacune des sociétés, SOCIETE3.) et SOCIETE4.).
Par exploits d’huissier du 2 avril 2014, les sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.) ont fait citer la société SOCIETE2.) devant la Justice de Paix de et à Luxembourg pour la voir condamner à leur payer principalement la somme de 6.975,59 euros, respectivement 7.453,55 euros.
Par jugements rendus en date du 2 octobre 2014, la Justice de Paix de et à Luxembourg a déclaré les demandes des sociétés SOCIETE3.) et SOCIETE4.) fondées et a condamné la société SOCIETE2.) à payer à la société SOCIETE3.) la somme de 6.975,59 euros et à la société SOCIETE4.) la somme de 7.453,55 euros, avec les intérêts légaux à partir du 1er mars 2013.
Par deux jugements du 19 mai 2015, le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a déclaré l’appel de la société SOCIETE2.) non fondé et a confirmé les deux jugements du 2 octobre 2014.
Par arrêt du 26 mai 2016, la Cour de Cassation a rejeté les pourvois de la société SOCIETE2.) contre les jugements susmentionnés et l’a condamnée à payer à la société SOCIETE3.) et à la société SOCIETE4.) une indemnité de procédure de 2.000,- euros.
Concernant le dossier SOCIETE3.), la société SOCIETE2.) a payé un total de 5.063,73 euros à Maître PERSONNE1.) à titre d’honoraires, et elle a payé un total de 5.293,23 euros à titre d’honoraires pour le dossier SOCIETE4.).
Par versements du 20 juillet 2016, la société SOCIETE2.) a procédé au paiement d’un montant total de 11.172,69 euros à la société SOCIETE3.), et d’un montant total de 11.702,20 euros à la société SOCIETE4.), sur la base des décomptes présentés par leur mandataire.
Par exploit d’huissier du 30 octobre 2017, la société SOCIETE2.) a donné assignation à Maître PERSONNE1.) et à la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après la SOCIETE1.)), en qualité d’assureur du demandeur en cassation, à comparaître devant le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière civile pour faire constater que Maître PERSONNE1.) a engagé sa responsabilité contractuelle, sinon délictuelle, alors qu’il n’a pas adopté la conduite d’un avocat avisé dans le cadre des dossiers SOCIETE3.) et SOCIETE4.). La société SOCIETE2.) a demandé à voir condamner les parties assignées solidairement, sinon in solidum, sinon chacune pour le tout, à lui payer le montant de 16.931,15 euros à titre de préjudice subi en lien causal avec les fautes commises dans le cadre de la gestion du dossier SOCIETE3.), et le montant de 17.690,16 euros à titre de préjudice subi en lien causal avec les fautes commises dans le cadre de la gestion du dossier SOCIETE4.)., ainsi qu’une indemnité de procédure de 3.000 euros sur base de l’article 240 Nouveau Code de procédure civile.
En date du 11 mai 2018, une transaction a été conclue entre la société SOCIETE2.), SOCIETE5.) et la SOCIETE1.) concernant les montants payés par SOCIETE2.) à SOCIETE3.) et SOCIETE4.), en excluant expressément la demande en remboursement des honoraires de Maître MBOYUMUTWA.
Suite à cette transaction, la société SOCIETE2.) s’est désistée en date du 27 juin 2018 de l’instance et de l’action introduites contre la SOCIETE1.) par exploit du 30 octobre 2017.
Par jugement du 2 octobre 2020, le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, onzième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, a donné acte à SOCIETE2.) de son désistement d’instance et d’action en ce qui concerne sa demande pour autant que dirigée à l’encontre de la SOCIETE1.) et a déclaré éteintes l’instance et l’action introduites par la société SOCIETE2.) à l’encontre de la SOCIETE1.). Ce même jugement a déclaré la demande indemnitaire de la société SOCIETE2.) à l’encontre de Maître PERSONNE1.) fondée pour le montant de 10.356,96 euros, partant, a condamné Maître PERSONNE1.) à payer à la société SOCIETE2.) le montant de 10.356,96 euros, et a condamné Maître PERSONNE1.) à payer à la société SOCIETE2.) une indemnité de procédure de 1.000,- euros sur base de l’article 240 Nouveau Code de procédure civile. La demande incidente en garantie de Maître PERSONNE1.) à l’encontre de la SOCIETE1.) a été déclarée fondée et la SOCIETE1.) a été condamnée à tenir Maître PERSONNE1.) quitte et indemne des condamnations intervenues à son encontre en faveur de la société SOCIETE2.).
Par exploit d’huissier du 25 novembre 2020, la SOCIETE1.) a régulièrement relevé appel du jugement du 2 octobre 2020.
Un arrêt de la Cour d’appel rendu en date du 15 février 2023 :
« reçoit les appels principal et incident ;
dit fondé l’appel principal, dit non fondée l’appel incident, partant, par réformation du jugement déféré, dit non fondée la demande incidente de Maître PERSONNE1.) à l’encontre de la société anonyme SOCIETE1.), décharge la société anonyme SOCIETE1.) de la condamnation de tenir Maître PERSONNE1.) quitte et indemne des condamnations intervenues à son encontre en faveur de la société anonyme SOCIETE2.) (COMPANY) LUXEMBOURG, par réformation du jugement déféré, condamne Maître PERSONNE1.) à payer à la société anonyme SOCIETE1.) la somme de 1.000,- euros à titre d’indemnité de procédure pour la première instance, confirme le jugement entrepris pour le surplus;
condamne Maître PERSONNE1.) à payer à la société anonyme SOCIETE1.) une indemnité de 2.000,- euros sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile, condamne Maître PERSONNE1.) à payer à la société anonyme SOCIETE2.) (COMPANY) LUXEMBOURG une indemnité de 2.000,- euros sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile, laisse les frais et dépens de première instance relatifs à la demande incidente en garantie à charge de Maître PERSONNE1.), condamne Maître PERSONNE1.) aux frais et dépens de l’instance d’appel […] ».
Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.
Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis :
Le premier moyen de cassation est tiré de violation de l’article 1164 du Code civil qui dispose :
« Lorsque dans un contrat on a exprimé un cas pour l'explication de l'obligation, on n'est pas censé avoir voulu par là restreindre l'étendue que l'engagement reçoit de droit aux cas non exprimés. » Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 1157 du Code civil qui dispose :
« Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun. » Dans un arrêt rendu en date du 8 juillet 20211, votre Cour a clairement décidé :
« Les articles 1156 à 1164 du Code civil n’ont pas un caractère impératif. Leurs dispositions constituent des conseils donnés aux juges par le législateur pour l’interprétation des conventions et non des règles absolues dont la méconnaissance donne ouverture à cassation ».
En visant tous les articles 1156 à 1164 du Code civil, cet arrêt a une portée très large, mais il s’insère dans une série d’arrêts qui ont plus ponctuellement refusé tout caractère impératif à certaines de ces dispositions :
- un arrêt n° 24/2017 du 9 mars 2017 visant l’article 1162 du Code civil ;
1 Cass. n° 114 / 2021 du 08.07.2021, n°CAS-2020-00113 du registre - un arrêt n°108/2018 du 15 novembre 2018 visant les articles 1156, 1159, 1160, 1161 et 1162 du Code civil ;
- un arrêt n° 112/2018 du 22 novembre 2018 visant les articles 1156, 1162 et 1163 du Code civil ;
- un arrêt n°162/2020 du 3 décembre 2020 visant les articles 1156 et 1162 du Code civil ;
- un arrêt n°114/2021 du 8 juillet 2021 et un arrêt n° 100/2023 du 12 octobre 2023 visant l’article 1156 du Code civil ;
- un arrêt n° 36/2022 du 10 mars 2022, un arrêt n° 107/2022 du 7 juillet 2022 et un arrêt n°100/2023 du 12 octobre 2023 visant l’article 1156 du Code civil ;
- un arrêt n° 44/2022 du 24 mars 2022 visant l’article 1163 du Code civil ;
et un arrêt n° 58/2023 du 25 mai 2023 visant les articles 1156 et 1161 du Code civil.
Il découle de votre jurisprudence que les articles 1164 et 1157 visés aux deux premiers moyens ne sont pas des règles absolues dont la méconnaissance donne ouverture à cassation.
Les deux moyens sont irrecevables.
Sur le troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil qui dispose :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » Le demandeur en cassation reproche à l’arrêt entrepris d’avoir à tort considéré que l’assureur pouvait valablement transiger pour son seul compte. La transaction semble exclure expressément le demandeur en cassation, alors que, conformément à l’article 1134 alinéa 3 du Code civil, l’assureur doit agir avec loyauté et dans le respect des droits de son assuré.
A l’appui de cette obligation de loyauté, le demandeur en cassation invoque encore les conditions générales applicables et la législation sur le contrat d’assurance.
Aux termes de l’article 8 des conditions générales B01.2023 liant la SOCIETE1.) et le demandeur en cassation, « en cas de sinistre garanti, la compagnie traite en lieu et place de l’assuré avec les tiers ou leurs ayants droits et en cas de procès, la compagnie a la direction de celui-ci tant que les intérêts civils ne sont pas réglés. La Compagnie s’engage toutefois à informer l’assuré de la gestion du sinistre. Pour autant que la responsabilité soit établie, la compagnie s’efforcera de régler les litiges avec la plus grande discrétion et, autant que possible par un arrangement amiable avec les tiers lésés ».
De même, l’article 82 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance prévoit qu’« à partir du moment où la garantie de l’assureur est due, et pour autant qu’il y soit fait appel, celui-ci a l’obligation de prendre faire et cause pour l’assuré dans les limites de la garantie».
Il ressort de l’arrêt attaqué que le demandeur en cassation a invoqué en instance d’appel l’article 8 des conditions générales B01.2023 pour plaider que l’assureur traiterait en nom et place de son assuré dans le cadre d’un litige, de sorte que la société SOCIETE2.) ne saurait maintenir son action même en scindant les notes et honoraires du reste de la demande alors que cette action porte sur le même objet, la même cause et les mêmes parties que la transaction signée2. En instance d’appel, le demandeur en cassation n’a toutefois invoqué ni l’article 1134 du Code civil ni une obligation de loyauté pesant sur l’assureur.
Le moyen est partant nouveau et il est mélangé de fait et droit. L’appréciation du respect d’une obligation de loyauté constitue une question de fait que votre Cour n’est pas compétente pour résoudre.
Le moyen est irrecevable.
Sur le quatrième moyen de cassation:
Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 2052 du Code civil qui dispose :
« Les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. » Le moyen fait grief à l’arrêt entrepris d’avoir retenu que la transaction entra la SOCIETE1.) et SOCIETE2.) avait un effet relatif dont ne bénéficierait pas le demandeur en cassation qui ne serait pas partie à la transaction. Il fait valoir que la compagnie d’assurance aurait agi en lieu et place de l’assuré et que la transaction serait nécessairement conclue pour le compte de l’assuré qui serait réputé être partie à la transaction.
La Cour d’appel a retenu qu’ «eu égard à l’effet relatif de la transaction en raison du fait que Maître PERSONNE1.) n’était précisément pas partie à ladite transaction et eu égard au fait que celle-ci ne porte que sur certains postes de préjudice, tout en précisant que le paiement interviendra sans aucune reconnaissance préjudiciable au détriment de l’assuré Maître PERSONNE1.) qui est libre de continuer à contester toute faute et toute responsabilité dans son chef, les développements de Maître PERSONNE1.) sur une identité d’objet, de cause et de parties entre la transaction et le présent litige manquent de pertinence»3.
En effet, étant donné que la transaction n’a porté que sur certains postes de préjudice et que le remboursement des frais et honoraires d’avocat en était expressément exclu, même à supposer que la transaction invoquée ait autorité de chose jugée à l’égard du demandeur en cassation, celui-ci ne saurait en tirer aucun profit dans le cadre du litige l’opposant à SOCIETE2.) et à la SOCIETE1.) concernant le remboursement des frais et honoraires.
2 Arrêt du 15 février 2023, page 25, dernier paragraphe et premier paragraphe de la page 26 3 ibidem, page 26, 7e paragraphe Le moyen est inopérant.
Sur le cinquième moyen de cassation :
Le sixième moyen est tiré de la violation de la règle de droit qui s’applique aux effets du désistement d’action.
Le moyen n’indique ni la source ni le contenu de la règle de droit dont la violation est invoquée.
Le moyen est irrecevable.
Sur le sixième moyen de cassation :
Le sixième moyen de cassation est tiré de la violation du principe général de droit d’estoppel ou d’incohérence.
D’après la jurisprudence constante de votre Cour, un principe général du droit ne donne ouverture à cassation que s’il trouve son expression dans un texte de loi ou s’il est consacré par une juridiction supranationale.4 Le moyen ne précise pas de texte de loi qui exprimerait le principe invoqué ou une jurisprudence d’une juridiction supranationale qui consacrerait ce principe5.
Il en suit que le moyen est irrecevable.
Sur les septième et huitième moyens de cassation réunis :
Le septième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 1149 du Code civil qui dispose :
« Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après. » Le huitième moyen est tiré de la violation de l’article 1151 du Code civil qui dispose :
« Dans le cas même où l'inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre, à l'égard de la perte éprouvée par le 4 p.ex.Cass. n° 27 / 2019 du 14.02.2019, n° 4022 du registre, deuxième branche du deuxième moyen; Cass. n° 158 / 2019 du 28.11.2019, cinquième moyen Numéro CAS-2018-00108 du registre.
5 L’extrait de votre arrêt n°82/2021 du 6 mai 2021 (n° CAS-2020-00087) cité à la page 21 du mémoire en cassation (premier paragraphe) constitue en fait un extrait des motifs de l’arrêt d’appel que vous avez analysés dans le cadre d’un moyen tiré de la violation de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil (premier moyen) créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention. » Ces deux moyens reprochent à l’arrêt dont pourvoi de ne pas avoir déterminé au préalable la perte de SOCIETE2.) ou le gain dont elle a été privée. Plus précisément, la Cour d’appel aurait dû procéder à une évaluation des chances de succès de l’action en recouvrement de SOCIETE2.). Ainsi ce serait à tort que la Cour d’appel aurait considéré que le remboursement de la totalité des honoraires constituait le préjudice indemnisable.
Il ressort de l’arrêt entrepris qu’en instance d’appel le demandeur en cassation a contesté tout préjudice et tout lien entre les honoraires dont le remboursement est réclamé et la prétendue faute découlant du désistement d’action. Par contre, il n’a à aucun moment invoqué les articles 1149 et 1151 du Code civil ou fait valoir que le préjudice indemnisable devait, le cas échéant, être fixé en fonction de l’évaluation des chances de succès de l’action en recouvrement de SOCIETE2.).
Ces moyens sont partant nouveaux, et ils sont mélangés de fait et de droit dans la mesure où leur examen requiert l’analyse de faits qui n’ont pas été constatés par les juges du fond.
Ces deux moyens sont irrecevables.
Subsidiairement :
Sous le couvert d’une violation des dispositions visées aux moyens, le demandeur en cassation souhaite remettre en discussion la détermination par les juges du fond du quantum du préjudice, qui relève de leur appréciation souveraine6.
Les deux moyens ne sauraient être accueillis.
Sur le neuvième moyen de cassation :
Le neuvième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 1150 du Code civil qui dispose :
« Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée ».
Il ressort de l’arrêt entrepris qu’en instance d’appel le demandeur en cassation a contesté tout préjudice et tout lien entre les honoraires dont le remboursement est réclamé et la prétendue faute découlant du désistement d’action. Par contre, il n’a à aucun moment invoqué l’article 6 p.ex. Cass. n° 39 / 08 du 3.7.2008, n° 2551 du registre., première branche de l’unique moyen ; Cass. n°28 / 2008 pénal du 8.5.2008, n° 2535 du registre, quatrième moyen ; Cass. n° 69 / 15 du 9.7.2015, n° 3515 du registre.
1150 du Code civil ou fait valoir que le remboursement des honoraires constituerait un préjudice qui n’aurait pas été prévisible lors de la conclusion du contrat.
Ce moyen est partant nouveau, et il est mélangé de fait et de droit dans la mesure où l’examen de la question de la prévisibilité du préjudice requiert l’analyse de faits qui n’ont pas été pris en constatés par les juges du fond.
Ce moyen est partant irrecevable.
Subsidiairement :
Le moyen fait grief à l’arrêt entrepris de l’avoir condamné au remboursement des honoraires touchés dans le cadre du contrat entre lui-même et SOCIETE2.), alors que cela n’aurait pas été prévu contractuellement.
L’article 1150 du Code civil ne limite pas les dommages-intérêts à ceux qui ont été expressément prévus dans le contrat. « En matière contractuelle, seules les conséquences prévues ou prévisibles de l'inexécution contractuelle au moment de la formation du contrat ne peuvent donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts. »7 La disposition visée est partant étrangère au grief invoqué et le moyen est irrecevable.
Sur le dixième moyen de cassation :
Le dixième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, de l’article 249 combiné avec l’article 587 du Nouveau code de procédure civile, ainsi que de la violation de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’Homme pour défaut de motivation (première branche) et insuffisance de motivation (deuxième branche).
Le grief tiré de la violation des dispositions visées au moyen s’analyse en un défaut de motivation qui constitue un vice de forme.
Sur la première branche :
Le demandeur en cassation soulève un défaut de réponse à conclusions et soutient avoir invoqué dans ses conclusions du 1er juillet 2021 « les conditions particulières du contrat d’assurance ».
Il reproche ensuite à l’arrêt entrepris de ne pas avoir tenu compte de l’article 6 des conditions particulières et de l’article 85 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance.
In fine, il reproche encore à l’arrêt entrepris de ne pas avoir répondu « au moyen du demandeur en cassation tiré de l’abus de droit »8.
7 Lexbase freemium, La lettre juridique n°502 du 18 octobre 2012 : Responsabilité, Prévoir l'imprévisible dommage prévisible, Séverin Jean, docteur en droit privé, Université Toulouse I Capitole (IEJUC), I - La détermination de la prévisibilité du dommage 8 Mémoire en cassation, page 25, 4e paragraphe Le demandeur en cassation ne cite pas les extraits de ses conclusions, auxquels les juges d’appel auraient manqué de répondre. Il ressort de la lecture des conclusions du 1er juillet 2021 que dans le cadre de l’appel de la SOCIETE1.), le demandeur en cassation a invoqué les articles 1 et 3 des conditions générales B01.2012 et l’article 80 de la loi du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance, mais non pas l’article 6 desdites conditions générales, ni l’article 85 de ladite loi, ni un quelconque abus de droit.
La première branche du moyen manque en fait.
Subsidiairement :
Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.
Il ressort de la motivation relative à l’appel principal de SOCIETE1.) que la Cour d’appel a bien pris en compte les conditions générales B01.2012 :
« La SOCIETE1.) demande, par réformation du jugement entrepris, à voir dire non fondée la demande incidente de Maître PERSONNE1.) tendant à se voir tenir quitte indemne de la condamnation du chef d’honoraires perçus au motif que ce poste de préjudice ne serait pas couvert par la police d’assurances.
Maître PERSONNE1.) demande la confirmation de la décision entreprise sur ce point.
La demande litigieuse est une demande en responsabilité contractuelle dans le cadre de laquelle le remboursement des honoraires est réclamé par le mandant en guise d’indemnisation en raison d’une faute de son mandataire-avocat.
L’article 80 de la loi du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance dispose que: « le présent chapitre est applicable aux contrats d’assurance qui ont pour objet de garantir l’assuré contre toute demande en réparation fondée sur la survenance du dommage prévu au contrat et de tenir dans les limites de la garantie, son patrimoine indemne de toute dette résultant d’une indemnité établie ».
Les conditions générales B01.2012 de l’assurance responsabilité contractuelle des avocats définit le sinistre comme « la demande en réparation qui donne ouverture en garantie ou l’ensemble des demandes en réparation relatives à des dommages résultant d’un même fait générateur ou d’une série de faits générateurs identiques ».
Sous l’article 3 intitulé « fonctionnement de la garantie », il est précisé au point 1 que « la garantie s’applique aux demandes en réparation formulées par écrit à l’encontre de l’assuré ou de la compagnie ».
L’article 1 intitulé « exclusion » prévoit en son point 3) que sont exclus de l’assurance « toutes les réclamations relatives aux honoraires et frais personnels ».
Dans le cadre de l’assurance responsabilité professionnelle de l’avocat, une demande en responsabilité contractuelle dans le cadre de laquelle le remboursement des honoraires est réclamé par le mandant en guise d’indemnisation en raison d’une faute de son mandataire-
avocat est à qualifier de réclamation relatives aux honoraires.
La SOCIETE1.) soutient à juste titre qu’en retenant que la clause d’exclusion vise à l’évidence les seuls litiges d’honoraires entre le client et son avocat, et non pas les demandes en restitution d’honoraires dans le contexte d’une mise en cause de la responsabilité contractuelle de l’avocat, la juridiction de première instance a opéré une distinction que le contrat ne fait pas.
Les premiers juges ont dès lors à tort retenu que la clause d’exclusion vise à l’évidence le contentieux des honoraires entre l’avocat et son client hormis les demandes en répétition d’honoraires.
En effet, eu égard au libellé de la clause 1 point 3), et notamment eu égard à l’emploi du terme « toutes », les juges de première instance ne pouvaient considérer que les demandes en répétition des honoraires sont exceptées de la clause d’exclusion.
L’appel principal est dès lors fondé. » L’arrêt entrepris est partant motivé sur le point en question.
La première branche du moyen n’est pas fondée.
Sur la deuxième branche :
L’insuffisance de motivation ou le défaut de base légale constitue un vice de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit.9 Les dispositions légales visées au moyen sont étrangères au grief formulé dans la deuxième branche, de sorte que la deuxième branche du moyen est irrecevable.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 9 Cass. n°135 / 2022 du 17.11.2022, n°CAS-2022-00017 du registre, sixième moyen 29