GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49263Ca ECLI:LU:CADM:2024:49263a Inscrit le 4 août 2023 Audience publique du 19 mars 2024 Appel formé par la société anonyme (A) S.A., …., contre un jugement du tribunal administratif du 27 juin 2023 (n° 46133 du rôle) ayant statué par rapport à une demande en nomination d’un commissaire spécial Revu la requête d’appel inscrite sous le numéro 49263Ca du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 4 août 2023 par Maître Marianne GOEBEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme (A) S.A., établie et ayant son siège social à L-… …, …, …., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …., représentée par son conseil d’administration en fonctions, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 27 juin 2023 (n° 46133 du rôle) par lequel celui-ci a rejeté sa demande en nomination d’un commissaire spécial suite au jugement du tribunal administratif du 13 janvier 2021 (n° 43436 du rôle) ayant déclaré son recours partiellement fondé sous différents aspects et renvoyé le dossier devant le bureau d’imposition compétent pour exécution ;
Revu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 10 octobre 2023 par Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA ;
Revu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13 novembre 2023 par Maître Marianne GOEBEL au nom de la société (A) S.A. ;
Vu l’arrêt du 30 janvier 2024 ;
Vu la communication du délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA du 14 février 2024 suivant laquelle les bulletins rectificatifs concernant les pertes reportables des années d’imposition 2017 et 2018 avaient été émis le même jour ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;
1Le rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Allyson NOEL, en remplacement de Maître Marianne GOEBEL et Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA en leurs plaidoiries à l’audience publique du 14 mars 2024.
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Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 4 août 2023, la société anonyme (A) S.A., ci-après « la société (A) », fit interjeter appel contre un jugement du tribunal administratif du 27 juin 2023 (n° 46133 du rôle) par lequel celui-ci a rejeté sa demande en nomination d’un commissaire spécial suite au jugement du tribunal administratif du 13 janvier 2021 (n° 43436 du rôle) ayant déclaré son recours partiellement fondé sous différents aspects et renvoyé le dossier devant le bureau d’imposition compétent pour exécution.
Par arrêt du 30 janvier 2024, la Cour déclara cet appel recevable et le dit en principe justifié en retenant qu’en principe, la demande en nomination d’un commissaire spécial au titre de l’article 84 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif était justifiée.
En considérant que la mise en place d’un commissaire spécial s’analysait en ultima ratio, la Cour refixa l’affaire à l’audience publique du 14 mars 2024 afin de permettre au bureau d’imposition d’exécuter en conformité le jugement définitif du tribunal administratif du 13 janvier 2021, précité, par l’émission de bulletins rectificatifs pour les années fiscales 2017 et 2018 tenant compte des pertes reportables s’en dégageant, tout en réservant la question des indemnités de procédure sollicitées respectivement par les deux parties au litige et celle des dépens.
Par communication du 14 février 2024, le délégué du gouvernement informa la Cour que le bureau d’imposition avait émis le même jour les bulletins rectificatifs en incluant la prise en compte des pertes reportables dans le chef de la société (A) pour les années d’imposition 2017 et 2018.
En ce qu’à l’audience des plaidoiries du 14 mars 2024, la mandataire de la société (A) a reconnu que de la sorte une exécution conforme du jugement précité du 13 janvier 2021 était finalement intervenue, sa demande en institution d’un commissaire spécial se trouve en conséquence devenue sans objet.
Reste la question des demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées de part et d’autre, de même que celle des dépens.
Le jugement a quo avait condamné la société (A) à payer à l’Etat une indemnité de procédure de 1.000.- € tout en ayant rejeté sa propre demande d’un montant de 3.500.- €.
En instance d’appel, les deux parties réclament respectivement une indemnité de procédure de 3.500.- €.
2En première instance, le tribunal avait motivé l’allocation d’une indemnité de procédure en faveur de l’Etat en ce que, suivant son analyse, la requête en nomination d’un commissaire spécial avait été introduite de manière « superflue » et devait dès lors être considérée « comme s’inscrivant dans le contexte d’un usage abusif du service public de la justice ayant pour conséquence l’encombrement du rôle venant encore accroître l’arriéré judiciaire » pour juger qu’il était ainsi inéquitable de laisser des frais non répétibles à charge de l’Etat.
Au vu des circonstances particulières du litige, des devoirs et du degré de difficultés de l’affaire, ainsi que du montant réclamé, le tribunal évalua ex aequo et bono l’indemnité à allouer à l’Etat à un montant de 1.000.- €.
A travers son arrêt du 30 janvier 2024, la Cour opéra un changement de paradigme en déclarant la demande en institution d’un commissaire spécial en principe justifiée, après avoir constaté l’absence d’exécution conforme du jugement du 13 janvier 2021 concernant la question des pertes reportables sur les résultats des exercices 2017 et 2018 et laissa à l’Etat la possibilité de voir émettre par le bureau d’imposition compétent les bulletins d’imposition rectificatifs requis, ce que ce dernier fit en date du 14 février 2024.
Il découle éminemment de cette situation que la demande en allocation d’une indemnité de procédure étatique pour la première instance est injustifiée et qu’il convient d’en décharger la partie demanderesse, appelante actuelle.
Les mêmes considérations valent pour la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’Etat concernant l’instance d’appel, cette demande étant dès lors tout simplement à rejeter.
Reste la question des demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées successivement en première instance et en instance d’appel par l’appelante actuelle.
Le mémoire en réplique demande à voir statuer conformément à la requête d’appel.
En appel, la partie appelante se limite à réclamer, dans le dispositif de la requête d’appel, l’allocation d’une indemnité de procédure de 3.500.- € pour la seule instance d’appel.
Tel que la Cour a déjà pu le retenir dans son arrêt du 30 janvier 2024, le cas de figure de l’espèce est particulier, concernant plus précisément la prise en compte de pertes reportables confirmées par un jugement devenu définitif par rapport à un recours concernant des années d’imposition antérieures et son impact direct pour les années subséquentes, le cas échéant, au biais de bulletins rectificatifs à émettre sans délai dans le cas de figure où les bulletins émis pour les années en question étaient entre-temps devenus définitifs en ayant acquis l’autorité de chose décidée.
3Il est vrai, tel que le délégué du gouvernement l’a souligné, que la partie appelante n’avait pas réclamé en son temps contre les bulletins d’imposition en question et n’avait pas fait valoir ses prétentions concernant la question des pertes reportables devant le directeur pour les années d’imposition 2017 et 2018.
Dans la mesure où la solution trouvée à travers l’arrêt du 30 janvier 2024 procède d’un raisonnement à plusieurs temps dans un cas de figure complexe, tel que ci-avant relaté, le caractère inéquitable justifiant l’allocation d’une indemnité de procédure dans le chef de la partie appelante ne se trouve pas à suffisance vérifié en l’espèce, étant acquis que le problème d’exécution a été définitivement solutionné par l’arrêt du 30 janvier 2024.
Partant, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel, seule maintenue suivant sa requête d’appel, est à son tour à rejeter.
Compte tenu de l’issue du litige, il convient de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer à la partie publique qui a finalement succombé dans ses moyens.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
vidant l’arrêt du 30 janvier 2024 ;
constate l’exécution conforme du jugement du 13 janvier 2021 finalement réalisée à travers les bulletins d’imposition rectificatifs émis en date du 14 février 2024 concernant les années d’imposition 2017 et 2018 restées seules litigieuses ;
déclare la demande en institution d’un commissaire spécial devenue sans objet ;
par réformation du jugement dont appel décharge la partie appelante de la condamnation à une indemnité de procédure de 1.000.- € prononcée en première instance en faveur de la partie étatique ;
rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure respectives formulées par les deux parties pour l’instance d’appel ;
fait masse des dépens des deux instances et les impose à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.
4Ainsi délibéré et jugé par :
Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour …… s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 mars 2024 Le greffier de la Cour administrative 5