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21/03/2024 | LUXEMBOURG | N°42/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 21 mars 2024, 42/24


N°42 / 2024 pénal du 21.03.2024 Not. 2/22/UE Numéro CAS-2023-00114 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-et-un mars deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de 1) le limited liability partnership de droit anglais SOCIETE1.) LLP, établi et ayant son siège social à ADRESSE1.), inscrit au « Registrar of Companies » (Registre de Commerce du Royaume-Uni) sous le numéro NUMERO1.), représenté par le « Managing Partner », sinon par tout autre organe autorisé à le représenter légalement, sinon 2) le limited liabil

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N°42 / 2024 pénal du 21.03.2024 Not. 2/22/UE Numéro CAS-2023-00114 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-et-un mars deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de 1) le limited liability partnership de droit anglais SOCIETE1.) LLP, établi et ayant son siège social à ADRESSE1.), inscrit au « Registrar of Companies » (Registre de Commerce du Royaume-Uni) sous le numéro NUMERO1.), représenté par le « Managing Partner », sinon par tout autre organe autorisé à le représenter légalement, sinon 2) le limited liability partnership de droit anglais SOCIETE1.) LLP, établi et ayant son siège social à ADRESSE1.), inscrit au « Registrar of Companies » (Registre de Commerce du Royaume-Uni) sous le numéro NUMERO1.), représenté par le « Managing Partner », sinon par tout autre organe autorisé à le représenter légalement, agissant au travers de sa succursale luxembourgeoise SOCIETE1.), Luxembourg Branch, établie à L-ADRESSE2.), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), représentée par le représentant permanent, sinon par le ou les représentants légaux, sinon par tout autre organe autorisé à la représenter, sinon 3) SOCIETE1.), Luxembourg Branch, succursale luxembourgeoise du limited liability partnership de droit anglais SOCIETE1.), établie à L-ADRESSE2.), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), représentée par le représentant permanent, sinon par le ou les représentants légaux, sinon par tout autre organe autorisé à la représenter, demanderesse en cassation, comparant par Maître Marie BENA, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, en présence du Ministère public et du PARQUET EUROPEEN, organe de l’Union européenne ayant la personnalité juridique, créé par le règlement (UE) no. 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, établi à L-ADRESSE3.), défendeur en cassation, comparant par le procureur européen délégué Philipp ZANGERLE, établi à L-

ADRESSE4.), 5e étage, au sein de l’Office duquel domicile est élu.

l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 23 mai 2023 sous le numéro 492/23 Ch.c.C. par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Fanny GILLIERS, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Marie BENA, avocat à la Cour, au nom du limited liability partnership de droit anglais SOCIETE1.), sinon du limited liability partnership de droit anglais SOCIETE1.), agissant au travers de sa succursale luxembourgeoise SOCIETE1.), Luxembourg Branch, sinon de SOCIETE1.), Luxembourg Branch, suivant déclaration du 20 juin 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 14 juillet 2023 par le limited liability partnership de droit anglais SOCIETE1.), sinon le limited liability partnership de droit anglais SOCIETE1.), agissant au travers de sa succursale luxembourgeoise SOCIETE1.), Luxembourg Branch, sinon SOCIETE1.), Luxembourg Branch, au Parquet européen, déposé le 18 juillet 2023 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 9 août 2023 par le PARQUET EUROPEEN au limited liability partnership de droit anglais SOCIETE1.), sinon au limited liability partnership de droit anglais SOCIETE1.), agissant au travers de sa succursale luxembourgeoise SOCIETE1.), Luxembourg Branch, sinon à SOCIETE1.), Luxembourg Branch, déposé le 11 août 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY ;

Vu le mémoire complémentaire déposé par la demanderesse en cassation au greffe de la Cour en date du 20 février 2024.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le juge d’instruction directeur du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait, suite au réquisitoire du Procureur européen délégué, ordonné une perquisition avec saisie au siège ou aux dépendancesquelconques de SOCIETE1.), Luxembourg Branch. La chambre du conseil de la Cour d’appel a confirmé cette ordonnance.

Sur la recevabilité du pourvoi Le Ministère public et le défendeur en cassation concluent sur base de l’article 407 du Code de procédure pénale à l’irrecevabilité du pourvoi en cassation pour défaut de qualité dans le chef de la demanderesse en cassation.

La demanderesse en cassation conclut à la recevabilité du pourvoi au motif qu’une décision d’irrecevabilité en application de l’article 407 du Code de procédure pénale la priverait du droit à un recours effectif, garanti par l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-

après « la Convention »). Elle fait valoir qu’en raison de sa qualité d’avocat et du secret professionnel s’y attachant, elle ne saurait être considérée comme simple tiers-

saisi.

Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire.

L’article 2 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose « Les cas d’annulation ou de cassation en matière pénale sont réglés par le Code de procédure pénale. ».

L’article 407 du Code de procédure pénale dispose « Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort en matière criminelle, correctionnelle ou de police, peuvent être annulés en cas de violation de la loi sur pourvoi en cassation formé par le ministère public, le prévenu ou la partie civile, (…) ».

L’article 13 de la Convention garantit à toute personne, dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés, un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Le droit d’accès au juge n’est cependant pas absolu. Les Etats membres peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et à en fixer les conditions d’exercice, pourvu que ces réglementations aient pour but d’assurer une bonne administration de la justice. Les limitations au droit d’accès peuvent résulter de règles procédurales tenant aux conditions de recevabilité d’un recours.

L’appel immédiat ouvert contre l’ordonnance du juge d’instruction dans les conditions de l’article 136-48, paragraphe 3, du Code de procédure pénale constitue un recours effectif.

L’article 407 du Code de procédure pénale, en ce qu’il limite l’exercice du recours en cassation contre l’arrêt rendu en matière pénale au Ministère public, auprévenu et à la partie civile, fixe les modalités de ce recours extraordinaire sans enfreindre l’article 13 de la Convention.

Il s’ensuit que le pourvoi, introduit par une personne qui n’est ni prévenue ni partie civile et qui ne représente pas le Ministère public, est irrecevable sur base de l’article 407 du Code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation déclare le pourvoi irrecevable ;

condamne la demanderesse en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 2,25 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-et-un mars deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Société de droit anglais SOCIETE1.), en présence du Parquet européen (affaire n° CAS-2023-00114 du registre) Par déclaration du 20 juin 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Fanny GILLIERS, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Marie BENA, avocat à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de la société de droit anglais SOCIETE1.) un pourvoi en cassation contre l’arrêt n° 492/23 Ch.c.C., rendu le 23 mai 2023 par la chambre du conseil de la Cour d’appel, confirmant une ordonnance de perquisition et de saisie d’un juge d’instruction près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, qui avait été entreprise par la demanderesse en cassation.

Cette déclaration de pourvoi a été suivie du dépôt d’un mémoire en cassation.

Sur la qualité du Procureur général d’Etat de conclure devant votre Cour sur des pourvois formés dans le cadre des matières relevant de la compétence du Parquet européen Par votre arrêt n° 11/2023 pénal, numéro CAS-2022-00038 du registre, du 26 janvier 2023, ayant statué sur un pourvoi en cassation formé par le Parquet européen, vous avez admis le Procureur général d’Etat à conclure dans le cadre d’un pourvoi formé dans une matière relevant de la compétence du Parquet européen et en concomitance avec ce dernier.

Cette solution se justifie pour les motifs suivants, qui avaient été exposés dans les conclusions du Parquet général relatives au pourvoi ayant donné lieu à l’arrêt précité :

« Le Parquet européen est un organe de l’Union européenne créé par le Règlement [(UE) n° 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen (ci-après « le Règlement »)1]. Sa mission est de « rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union [européenne] »2. A cette fin « le Parquet européen diligente des enquêtes, effectue des actes de poursuite et exerce l’action publique devant les juridictions compétentes des Etats membres »3. Il engage donc des enquêtes et des actions publiques. Ces dernières sont mises en œuvre devant les juridictions des Etats membres. Le Parquet européen assume donc, devant ces juridictions, le rôle de Parquet dans le cadre des affaires qui relèvent de ses missions. Les Procureurs européens délégués « agissent au nom du Parquet européen dans leurs Etats membres respectifs »4.

1 Journal official de l’Union européenne, L 283 du 31.10.2017, page 1.

2 Article 4 du Règlement.

3 Idem.

4 Article 13, paragraphe 1, alinéa 1, du Règlement.Le Règlement est entré en vigueur le 20 novembre 20175. Le Parquet européen a commencé à exercer ses compétences, d’enquête et de poursuite, lui incombant en vertu du Règlement à partir du 1er juin 20216.

Pour mettre en œuvre le Règlement le législateur adopta deux lois :

-

une loi, d’ordre organisationnel, du 31 mars 2021 portant modification de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire en vue de l’organisation de l’Office des procureurs européens délégués7 et -

une loi, d’adaptation de la procédure pénale, du 22 juillet 2022 modifiant le Code de procédure pénale aux fins de la mise en œuvre du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen8, entrée en vigueur le 9 août 20229.

La seconde de ces lois compléta, par son article 1er, l’article 17 du Code de procédure pénale, qui dispose dorénavant que :

« Art. 17. (1) Le procureur général d'Etat représente en personne ou par ses substituts le ministère public auprès de la cour de cassation et de la cour d'appel.

(2) Le procureur européen délégué représente le Parquet européen auprès de la cour de cassation et de la cour d’appel. ».

Cette disposition a pour objet de « rendre conforme le Code de procédure pénale aux dispositions de l’article 4 du Règlement. En effet, cet article dispose que le Parquet européen diligente des enquêtes, effectue des actes de poursuite et exerce l’action publique devant les juridictions compétentes des Etats membres jusqu’à ce que l’affaire ait été définitivement jugée.

Par ailleurs, le considérant numéro 31 du Règlement précise que l’exercice de l’action publique devant les juridictions compétentes s’applique jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir si le suspect ou la personne poursuivie a commis l’infraction, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur toute action en justice ou tout recours disponible jusqu’à ce que cette décision soit devenue définitive. »10.

Cette loi, qui est une loi de procédure, s’applique, conformément au droit commun, de façon immédiate aux procédures en cause11.

5 L’article 120, paragraphe 1, du Règlement dispose qu’il entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication du Journal officiel de l’Union européenne, qui est intervenue le 31 octobre 2017, de sorte qu’il est entré en vigueur le 20 novembre 2017.

6 L’article 120, paragraphe 2, alinéas 2 et 3, du Règlement dispose que la date de début d’exercice des tâches d’enquête et de poursuite du Parquet européen est fixée par la Commission européenne. Celle-ci a adopté à cet effet le 25 mai 2021 la Décision d’exécution (UE) 2021/856, qui a fixé cette date au 1er juin 2021 (Journal officiel de l’Union européenne L 188 du 28.5.2021, page 100).

7 Mémorial, A, 2021, n° 282 du 8 avril 2021.

8 Mémorial, A, 2022, n° 428 du 5 août 2022.

9 La loi est entrée en vigueur suivant le droit commun de la mise en vigueur des lois défini par l’article 4 de la loi du 23 décembre 2016 concernant le Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg (Mémorial, A, 2016, n° 309 du 28 décembre 2016, page 6460), c’est-à-dire le quatrième jour qui suivait sa publication au Mémorial, soit en l’occurrence, la publication ayant eu lieu le 5 août 2022, le 9 août 2022.

10 Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre des députés, du 6 juillet 2022, sur le projet de loi n° 7759 (Document parlementaire n° 7759-11), page 13, sous « VI. Commentaire des articles. Articles 1er et 2 », premier et deuxième alinéa.

11 La loi du 22 juillet 2022 ne comporte pas de disposition transitoire. Sur les principes régissant l’application dans le temps des lois de procédure : Franklin KUTY, Principes généraux du droit pénal belge, Tome I, Bruxelles, Larcier, 3e édition, 2018, n° 498, page 353.

Il en suit que, s’agissant des pourvois formés dans le cadre des actions publiques engagées par le Parquet européen, ce dernier est actuellement, sur base de cette disposition, représenté auprès de votre Cour par le Procureur européen délégué.

Si ce point est acquis, il reste la question de savoir si cette innovation a pour effet de remettre en cause, dans le cadre des pourvois du Parquet européen, la présence, devant votre Cour, du Procureur général d’Etat, qui, à l’admettre, serait alors concomitante à celle du Procureur européen délégué, représentant le Parquet européen.

Il s’entend que, dans le cadre des dossiers traités par le Parquet européen, le Ministère public luxembourgeois, dont le Procureur général d’Etat, n’engage plus des enquêtes ou des poursuites, donc n’est pas une partie poursuivante. Or, suivant votre jurisprudence, son rôle devant votre Cour ne consiste pas à défendre l’action publique. Vous considérez, en effet, qu’en matière pénale, sauf s’il est lui-même demandeur en cassation, il n’est pas à considérer comme partie principale.

Vous avez précisé son rôle de façon très explicite comme suit :

« Attendu que lorsque le Ministère Public ne s’est pas pourvu en cassation en conformité de l’article 5 de la loi [modifiée] du 18 février 1885 [sur les pourvois et la procédure en cassation] [relatif au pourvoi en cassation dans l’intérêt de la loi, actuellement prévu par l’article 422 du Code de procédure pénale], il est nécessairement partie jointe et, comme telle, dispensé de remplir les formalités prescrites aux articles 42 et 44 ;

Attendu que si le Ministère Public est intéressé en matière de cassation pénale, il n’est cependant pas à considérer comme partie défenderesse au pourvoi introduit par un prévenu ;

Attendu, en effet, que hormis les quelques cas exceptionnels […] où le Ministère Public est demandeur en cassation, le Procureur général remplissant les fonctions du Ministère public près la Cour de cassation, jouit d’une entière indépendance tant vis-

à-vis de la défense qu’à l’égard de l’officier qui a soutenu l’accusation devant les juridictions de fond ; que n’étant pas « partie en cause », il ne peut être considéré comme l’adversaire virtuel du prévenu dont la condamnation ou l’acquittement peuvent donner lieu à un pourvoi, ni son adversaire effectif, quant il conclut devant la Cour au rejet de sa thèse ;

Attendu que le Ministère Public près la Cour de cassation est, suivant les conceptions fondamentales de l’organisation judiciaire, un conseiller de la Cour, l’amicus curiae devant laquelle il exerce une fonction de jurisconsulte officiel ;

que son rôle consiste essentiellement à veiller au respect de la légalité, et, par les avis qu’il exprime en son âme et conscience, à aider la Cour à rendre la Justice, la meilleure, selon lui, et à contrôler la légalité des décisions attaquées »12.

Vous avez, dans des arrêts plus récents, confirmé cette jurisprudence en rappelant « que [en matière pénale] le Ministère Public est auprès de la Cour de cassation un organe d’avis [et qu’il] n’e[st] pas partie défenderesse en cassation »13.

12 Cour de cassation, 25 octobre 1979, Pas. 24, page 343.

13 Idem, 3 juillet 2008, n° 40/2008 pénal, numéro 2583 du registre ; idem, 11 février 2010, n° 7/2010 pénal, numéro 2711 du registre.Le rôle du Ministère public auprès de la Cour de cassation se limite donc, sauf s’il est lui-même demandeur en cassation, à celui d’une partie jointe, d’un amicus curiae, d’un « jurisconsulte officiel ». Or, le maintien de ce rôle est compatible avec l’article 17, nouveau, du Code de procédure pénale. En effet, si cet article dispose, dans son paragraphe 2, que le Parquet européen est représenté devant votre Cour dans les affaires qui le concernent, et que cette représentation est assumée par le Procureur européen délégué, il n’exclut pas pour autant la présence complémentaire du Ministère public auprès de votre Cour, assumé par le Procureur général d’Etat et prévu par le paragraphe 1, pour permettre à ce dernier d’exercer son rôle traditionnel d’amicus curiae, qui n’est pas concurrente à celui du Parquet européen de défendre sa poursuite pénale.

Dans cette lecture, dans les pourvois intéressant le Parquet européen, ce dernier est donc, sur base du paragraphe 2 de l’article 17, représenté auprès de votre Cour, et ce par le Procureur européen délégué. De façon complémentaire, le Ministère public auprès de votre Cour participe également, sur base du paragraphe 1, de l’article 17, à la même procédure, mais ce non pas pour défendre la poursuite pénale du Parquet européen, mais aux fins d’assumer son rôle traditionnel de partie jointe et d’amicus curiae.

Cette lecture est compatible tant avec le texte de la loi, qu’avec « les conceptions fondamentales de l’organisation judiciaire » qui confèrent au Procureur général auprès de votre Cour, en toutes matières, qu’elle soit civile ou pénale, et quelles que soient les parties, le rôle d’amicus curiae.

Il en suit que le Procureur général d’Etat a qualité pour conclure. ».

Sur la recevabilité du pourvoi Les deux lois précitées, des 31 mars 2021 et 22 juillet 2022, ne comportent aucune disposition relative à l’introduction du pourvoi en cassation. Celle-ci reste dès lors régie par le droit commun, résultant du Code de procédure pénale, dans lequel s’insèrent les dispositions procédurales spécifiques consacrées au Parquet européen14, et de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le pourvoi a été formé, conformément à l’article 41 de la loi précitée de 1885 dans un délai d’un mois à partir de la notification de l’arrêt attaqué15. Il a été suivi, conformément à l’article 43, dans le mois, du dépôt d’un mémoire en cassation16, signé par un avocat à la Cour, précisant les dispositions attaquées de l’arrêt et contenant des moyens de cassation17. Il respecte donc ces formalités.

L’arrêt attaqué a statué sur un appel dirigé, sur base de l’article 136-48, paragraphe 3, second alinéa, du Code de procédure pénale, par une « personne concernée justifiant d’un intérêt légitime », en l’occurrence par une personne morale dans les locaux de laquelle une perquisition et saisie ordonnée par le juge d’instruction sur réquisitoire du Procureur européen délégué luxembourgeois devait être exécutée18 à Luxembourg dans le cadre d’une enquête menée par le 14 Ces règles figurent pour l’essentiel au Titre V du Livre I du Code de procédure pénale, intitulé « Parquet européen », comportant les articles 136-3 à 136-75 de ce Code.

15 L’arrêt attaqué ayant été rendu le 23 mai 2023, donc ayant forcément été notifié postérieurement à cette date, la date de notification étant le point de départ du délai, et le pourvoi ayant été formé le 20 juin 2023.

16 Le 18 juillet 2023.

17 Le mémoire a été signifié au Parquet européen, ce qui, au regard de l’article 43 de la loi précitée de 1885 et en assimilant au sens des articles 42 et 43 le Parquet européen au Ministère public, n’aurait pas été nécessaire.

18 Arrêt attaqué, page 5, avant-dernier alinéa.Parquet européen au Portugal19, donc dans le cadre d’une enquête transfrontière au sens de l’article 31 du Règlement, partant dans de ce qui correspond par analogie à une demande d’entraide judiciaire intra-européenne entre les offices portugais et luxembourgeois du Parquet européen.

Le pourvoi a donc été formé par un tiers concerné, n’ayant ni la qualité de prévenu ni celle de partie civile. Or, comme le Parquet européen le relève à juste titre dans son mémoire en réponse20, l’article 407 du Code de procédure pénale, auquel renvoie l’article 2 de la loi précitée de 1885, qui dispose que « [l]es cas d’annulation ou de cassation en matière pénale sont réglés par le Code [de procédure pénale] », réserve le pourvoi en cassation en matière pénale à trois catégories de personnes limitativement énumérées, à savoir au prévenu, à la partie civile et au Ministère public, soit dans notre contexte au Parquet européen.

La demanderesse en cassation ne relevant d’aucune de ces trois catégories de personnes, elle est irrecevable à former un pourvoi en cassation21, qui est une voie extraordinaire de recours qui n’est ouverte que dans les cas prévus par la loi22.

Cette conclusion n’est pas remise en question par le droit à un recours effectif prévu par l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, invoqué par la demanderesse en cassation23. Cet article, qui garantit à toute personne, dont les droits et libertés reconnus par la Convention ont été violés, un recours effectif devant une instance nationale, n’a pas d’existence indépendante et ne peut être appliqué que combiné avec ou au regard d’un ou de plusieurs articles de la Convention24. Même à vouloir le mettre d’office en rapport avec l’article 6 de la Convention, qui garantit le droit d’accès au juge, il est à observer que ce droit d’accès n’est pas absolu et que les Etats peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et à en fixer les conditions d’exercice25. Le droit luxembourgeois permet à la demanderesse en cassation de contester en justice le bien-fondé de l’ordonnance de perquisition et de saisie par un appel formé devant la chambre du conseil de la Cour d’appel. Le pourvoi en cassation qu’elle entend exercer contre l’arrêt rendu par cette juridiction est, comme rappelé ci-avant, une voie extraordinaire de recours qui n’est ouverte que dans les cas prévus par la loi, qui la réserve aux personnes dont l’implication dans la procédure pénale est plus importante que celle des tiers concernés par une mesure d’instruction, à savoir aux prévenus, objet d’une poursuite pénale, et aux parties civiles, victimes d’infractions pénales.

Cette conclusion n’est pas non plus remise en question par le Règlement, qui dispose dans son article 41, paragraphe 3, que « […] les autres personnes concernées par les procédures du Parquet européen jouissent de tous les droits procéduraux que le droit interne applicable leur 19 Idem, page 4, antépénultième alinéa.

20 Mémoire en réponse du Parquet européen, pages 11 à 13, sous IV. A.

21 Voir, à titre d’illustration: Cour de cassation, 22 avril 1999, n° 16/99 pénal, numéro 1595 du registre (recours, analogue au cas d’espèce, d’un tiers concerné contre une ordonnance de perquisition et saisie dans le cadre de l’exécution à Luxembourg d’une demande d’entraide judiciaire internationale régie à cette époque encore par le droit commun de la procédure pénale, donc non par la loi modifiée du 8 août 2000 sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale, qui exclut depuis lors formellement le pourvoi en cassation par quiconque dans cette matière) ; idem, 15 juillet 1999, n° 28/99 pénal, numéro 1622 du registre ; idem, 3 juillet 2008, n° 35/2008 pénal, numéro 2566 du registre (recours en restitution par un tiers concerné) ; idem, 21 décembre 2023, n° 153/2023 pénal, numéro CAS-2022-00092 du registre (idem).

22 Voir, à titre d’illustration: idem, 9 juin 2022, n° 83/2022 pénal, numéro CAS-2021-00100 du registre.

23 Mémoire en cassation, page 4, sous II.

24 Cour de cassation, 21 décembre 2023, n° 153/2023 pénal, numéro CAS-2022-00092 du registre, précité.

25 Idem.accorde » et dans son article 42, paragraphe 1, que « [l]es actes de procédure du Parquet européen qui sont destinés à produire des effets juridiques à l’égard de tiers sont soumis au contrôle des juridictions nationales compétentes conformément aux exigences et procédures prévues par le droit national ». En effet, le droit luxembourgeois soumet, sur base de l’article 136-48, paragraphe 3, alinéa 1, du Code de procédure pénale, l’émission d’un acte de perquisition et saisie requis par le Procureur européen délégué au contrôle juridictionnel d’un juge d’instruction, appelé, avant d’ordonner l’acte, d’en contrôler la légalité et confère, sur base de l’article 136-48, paragraphe 3, alinéa 2, du même Code, à toute personne concernée justifiant d’un intérêt légitime le droit de former appel de l’acte devant la chambre du conseil de la Cour d’appel. Par ailleurs, en cas d’émission d’une ordonnance de perquisition et saisie dans le cadre d’une procédure pénale de droit interne ou dans celui d’une procédure d’exécution, à Luxembourg, d’une décision d’enquête européenne ou d’une demande d’entraide judiciaire internationale en matière pénale émise par une autorité judiciaire étrangère, une personne concernée justifiant d’un intérêt légitime n’est pas non plus en droit de former un pourvoi en cassation contre la décision de la juridiction d’instruction ayant procédé, en dernier ressort, au contrôle juridictionnel de cette ordonnance26.

Il s’ensuit que le pourvoi est irrecevable.

Vous n’avez donc pas à statuer sur les moyens de cassation, dont le second critique la chambre du conseil de la Cour d’appel d’avoir retenu qu’il n’appartient pas au juge d’instruction, statuant dans le cadre de l’article 136-48 du Code de procédure pénale, d’apprécier la proportionnalité de la mesure d’instruction requise par le Parquet européen. Il est signalé dans cet ordre d’idées que la Cour de justice de l’Union européenne vient de préciser le domaine du contrôle à effectuer, dans le cadre d’une enquête transfrontière au sens de l’article 31 du Règlement, au sein de l’Etat membre dont le Procureur européen délégué est chargé d’exécuter une mesure d’enquête déléguée (donc doit, comme en l’espèce, par analogie, exécuter une demande d’entraide adressée par l’office du Parquet européen d’un autre Etat membre). Dans un tel cas et lorsque, conformément à l’article 31, paragraphe 3, du Règlement, le droit de l’Etat membre du Procureur européen délégué assistant (donc chargé de l’exécution de la mesure d’enquête sur demande d’un Procureur européen délégué d’un autre Etat membre) requiert une autorisation judiciaire, ce contrôle juridictionnel ne peut porter que sur les éléments relatifs à l’exécution de la mesure, à l’exclusion de ceux relatifs à la justification et à l’adoption de celle-

ci, qui, en cas d’ingérence grave dans les droits de la personne concernée garantis par la Charte 26 En procédure pénale de droit interne, le tiers concerné est, sur base de l’article 407 du Code de procédure pénale, dépourvu de qualité pour former un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel statuant sur un recours en nullité, fondé sur les articles 48-2 ou 126 du même Code. Dans le cadre de l’exécution, à Luxembourg, d’une décision d’enquête européenne fondée sur la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant la décision d’enquête européenne (Journal officiel de l’Union européenne L 130 du 1.5.2014, page 1), aucun recours, y compris aucun pourvoi en cassation, n’est, sur base de l’article 27, paragraphe 4, de la loi modifiée du 1er août 2018 portant transposition de la directive précitée (Mémorial, A, 2018, n° 787 du 11 septembre 2018), admissible contre l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement ayant examiné d’office la régularité formelle de la procédure et répondu aux mémoires contenant des observations sur la régularité de la procédure déposés notamment par les tiers concernés justifiant d’un intérêt légitime personnel. Dans le cadre de l’exécution, à Luxembourg, d’une demande d’entraide judiciaire internationale en matière pénale aux fins d’exécution de mesures coercitives, telles que des perquisitions et saisies, aucun recours, y compris aucun pourvoi en cassation, n’est, sur base de l’article 10, paragraphe 4, de la loi modifiée du 8 août 2000 sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale (Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg (public.lu)), admissible contre l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement ayant examiné d’office la régularité formelle de la procédure et répondu aux mémoires contenant des observations sur la régularité de la procédure déposés notamment par les tiers concernés justifiant d’un intérêt légitime personnel.des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel préalable dans l’Etat membre du Procureur européen délégué chargé de l’affaire, à l’exclusion de l’Etat du Procureur européen délégué saisi de l’exécution de la mesure d’enquête déléguée27.

Conclusion :

Le pourvoi est irrecevable.

Pour le Procureur général d’Etat Le Procureur général d’Etat adjoint John PETRY ANNEXE - Arrêt C-281/22 de la Cour de justice de l’Union européenne, Grande chambre, du 21 décembre 2023, G.K. e.a. (Parquet européen), ECLI:EU:C:2023:1018.

27 Cour de justice de l’Union européenne, Grande chambre, 21 décembre 2023, C-281/22, G.K. e.a. (Parquet européen), ECLI:EU:C:2023:1018.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42/24
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-03-21;42.24 ?

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