GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49213C ECLI:LU:CADM:2024:49213 Inscrit le 26 juillet 2023
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Audience publique du 26 mars 2024 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 27 juin 2023 (n° 46022 du rôle) dans un litige l’opposant à Madame (A), ….., en matière de protection internationale
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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49213C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 26 juillet 2023 par Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sur base d’un mandat afférent lui conféré par le ministre de l’Immigration et de l’Asile le 24 juillet 2023, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 27 juin 2023 (n° 46022 du rôle), par lequel ledit tribunal reçut en la forme le recours en réformation introduit au nom de Madame (A), née le …. à … (Iran), de nationalité iranienne, demeurant à L-… …, …, rue …., à l’encontre de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 13 avril 2021 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, déclara ce recours justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation, annula ladite décision et renvoya le dossier devant ledit ministre en prosécution de cause, rejeta la demande de communication du dossier administratif et condamna l’Etat aux frais et dépens ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 13 octobre 2023 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Madame (A) ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST et Maître Frank WIES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 octobre 2023.
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Le 18 juin 2019, Madame (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Madame (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, du même jour. Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche effectuée dans la base de données EURODAC, que l’intéressée avait été appréhendée sur le territoire allemand en date du 19 mai 2019 et qu’elle y avait introduit une demande de protection internationale le 22 mai 2019.
Le 19 juin 2019, Madame (A) passa encore un entretien auprès du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
Le 19 novembre 2019, Madame (A) passa également un entretien auprès du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 13 avril 2021, notifiée à l’intéressée ainsi qu’à son mandataire par lettres recommandées expédiées le 15 avril 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », rejeta la demande de protection internationale de Madame (A) comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée comme suit :
« (…) En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 18 juin 2019, le rapport d’entretien Dublin III du 19 juin 2019 et votre rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 19 novembre 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande.
Vous signalez être née le …., être de nationalité iranienne, d’ethnie turque, célibataire et originaire de ……, où vous auriez vécu avec votre mère, votre frère et votre sœur et travaillé en tant que … puis comme …. Vous auriez quitté l’Iran parce que vous feriez partie d’un « cercle de la révolte » (p. 5 du rapport d’entretien) des Moudjahidines, que plusieurs de ces cercles auraient été dévoilés par les autorités à …… et que vous auriez par conséquent craint d’être exécutée en Iran, si jamais « ils arrivaient à moi » (p. 5 du rapport d’entretien).
Premièrement, vous expliquez que vous seriez née dans une famille très politisée, que vos oncles et tantes auraient depuis longtemps été des sympathisants des Moudjahidines et que depuis votre enfance, vous auriez régulièrement visité avec votre mère des membres de famille emprisonnés, dont deux oncles, une tante et (B), l’époux d’une de vos tantes, qui habite désormais au Luxembourg. Vers 19….., un de vos oncles et une de vos tantes auraient été tués par le régime dans le cadre d’exécutions de masse, tandis qu’avec le temps les autres membres de votre famille auraient été petit à petit relâchés de prison. Ainsi, vous auriez grandi dans la « haine » contre le régime et les mollahs. Après le décès de votre père en 19….., (B) vous aurait pris « sous ses ailes » et vous aurait expliqué en détail l’idéologie des Moudjahidines, « leur doctrine et leur chemin » (p. 5 du rapport d’entretien). Vous expliquez ensuite que cette initiation aux valeurs et aux buts des Moudjahidines vous aurait été donnée par (B) après que vous ayez terminé vos études secondaires « car avant il était en prison. Donc je devais avoir une vingtaine d’années » (p. 7 du rapport d’entretien).
Vers 20….., vous auriez terminé vos études universitaires et vous auriez alors travaillé en tant que comptable avant de devenir …., « Ma vie passait ainsi paisiblement sans incidents notables » (p. 5 du rapport d’entretien).
En 20…. ou 20….., vous seriez entrée dans un cercle de la révolte des Moudjahidines avec l’aide de (B). Vous précisez que ces cercles seraient composés de quatre ou de cinq membres et que leurs tâches consisteraient dans le collage d’affiches du couple (C) et le déchirement d’affiches des dirigeants du pays. En plus, votre cercle aurait fait des pancartes contenant des slogans pro-(C) respectivement anti-régime. Vous déclarez dans ce contexte que vous auriez enregistré des vidéos vous montrant en train d’afficher ces pancartes sans toutefois montrer votre visage et que vous auriez alors envoyé ces vidéos aux Moudjahidines qui se seraient occupés de leur publication en ligne ou sur leurs propres médias. Vous précisez encore que ces cercles n’auraient pas existé avant cette époque, raison pour laquelle vous auriez attendu toutes ces années avant de rejoindre les Moudjahidines.
En ….. 20…, votre cercle de révolte moudjahidine aurait été dénoncé et vous auriez tous été arrêtés par la police lorsque vous auriez voulu vous filmer avec vos pancartes. Vous auriez tous été frappés, menottés et emmenés les yeux bandés dans un centre de rétention à …… où vous auriez été retenue pendant deux semaines. Pendant ce temps, vous auriez été torturée psychologiquement et physiquement et un mollah serait venu vous parler pour vous expliquer que vous seriez sur le mauvais chemin et que surtout vous, au vu de vos antécédents familiaux, risqueriez de subir le même sort que votre tante ou votre oncle. Vous auriez en outre été interrogée et on aurait voulu savoir le nom de votre agent de liaison au sein des Moudjahidines, nom que vous ne leur auriez pas donné tout en précisant auprès de l’agent chargé de votre entretien concernant vos motifs de fuite qu’il s’agirait de (B). Après avoir été relâchée « parce que c’était la première fois » et parce que les agents n’auraient pas réussi à avoir les réponses souhaitées tout en étant au courant de votre adhésion aux Moudjahidines (p. 8 du rapport d’entretien), vous auriez dû informer les autorités de vos déplacements. Vous seriez par la suite partie en Turquie. Or, comme votre mère, votre frère et votre sœur seraient restés en Iran, vous seriez retournée vivre à …… trois jours plus tard. Après trois jours, vous auriez de nouveau pris la décision de partir en Turquie et vous continuez vos dires en expliquant que suite à votre nouveau retour en Iran à une date inconnue, vous vous seriez tenue « tranquille » (p. 5 du rapport d’entretien) et vous ne seriez plus sortie par peur des autorités alors que vous ne les auriez pas informées de votre séjour en Turquie. En même temps, vous prétendez cependant aussi que vous auriez « diminué » (p. 6 du rapport d’entretien) vos activités au sein du cercle de révolte moudjahidine, que vous auriez « vécu ainsi » (p. 6 du rapport d’entretien) et réussi un concours universitaire pour accéder à des études « master ». En octobre 2018, vous auriez entamé vos études et en sortant de chez vous, vous auriez senti que vous seriez suivie.
En janvier ou février 20…., en rentrant chez vous, une voiture de police vous aurait barrée la route, une femme en serait sortie et vous aurait frappée avant de vous menotter et de vous conduire dans un bâtiment de ….. à ……. Vous auriez été placée en cellule d’isolement et interrogée par deux hommes qui auraient voulu savoir avec qui vous auriez été en contact en Turquie lors de vos deux voyages, à qui vous auriez passé des informations et le nom de votre agent de liaison au sein des Moudjahidines. Vous leur auriez répondu que vous vous seriez trouvée en Turquie pour raisons personnelles et que vous n’auriez eu de contact avec personne tout en précisant auprès de l’agent chargé de votre entretien concernant vos motifs de fuite que vous n’auriez pas voulu informer auparavant les autorités iraniennes de vos déplacements en Turquie alors qu’il ne faudrait jamais les informer de telles choses, étant donné que cela serait perçu « comme une faiblesse » (p. 8 du rapport d’entretien) et qu’il faudrait du coup rester courageux.
On ne vous aurait toutefois pas cru et on vous aurait amenée au sous-sol où vous auriez d’abord été flagellée puis violée à plusieurs reprises en l’espace de quelques jours. Vous auriez en outre été blessée et auriez eu besoin d’un médecin mais cette demande vous aurait été refusée. Après deux mois, vous auriez été libérée moyennant le versement d’une caution sous forme d’un titre de propriété familial parce que ….. aurait compris qu’elle n’aurait aucune possibilité d’obtenir une quelconque information de votre part. Vous seriez par la suite devenue une étudiante « étoilée », à savoir une étudiante qui a commis une infraction, voire, vous auriez été exclue de l’université et vous ne seriez plus sortie de chez vous. Après avoir vécu quelques mois de cette façon, (B) vous aurait appelée pour vous informer que plusieurs cercles de révolte moudjahidine auraient été dénoncés à …… en ajoutant que « s’ils arrivaient à moi, cette fois-ci je risquais d’être exécutée » (p. 6 du rapport d’entretien). Vous précisez par la suite que (B) vous aurait mise au courant de ces faits, dix jours après votre libération (p. 8 du rapport d’entretien). Vous auriez alors pris la décision de quitter l’Iran avec l’aide d’un passeur qui habiterait en Inde. Vous auriez par la suite gagné le bureau des passeports où vous auriez appris que vous seriez sous le coup d’une interdiction de sortie. En expliquant cela à votre passeur, ce dernier vous aurait donné un numéro de téléphone que vous devriez appeler et la personne à l’autre bout du fil vous aurait expliquée qu’il serait possible de « bloquer » cette interdiction de sortie pendant six heures moyennant …. millions de tomans.
Vous lui auriez alors donné cette somme et vous seriez immédiatement partie en bus à destination d’….. en … 20…., de manière officielle et « légale » (rapport du Service de Police Judiciaire).
Après être restée une dizaine de jours en Turquie, vous seriez montée à bord d’un avion pour le Bahreïn, puis d’un autre avion en direction de l’Inde. En Inde, on vous aurait remis un faux passeport espagnol avec lequel vous auriez d’abord dû voyager vers la Malaisie puis revenir en Inde, où vous seriez alors montée à bord d’un avion pour l’Allemagne, où vous auriez été « obligée » de donner vos empreintes. Vous précisez dans ce contexte que votre but aurait dès le départ été de venir au Luxembourg vue la présence de membres de votre famille.
A noter qu’il ressort de votre dossier administratif que vos empreintes ont été prises en Allemagne le 19 mai 2019 et que le 27 mai 2019, vous y avez exprimé votre souhait de rechercher une protection internationale. Après un mois passé en Allemagne dans trois foyers différents, vous seriez arrivée au Luxembourg le 16 juin 2019 à bord d’un train. Vous précisez avoir quitté l’Allemagne sans attendre la réponse des autorités à votre demande de protection internationale.
Vous ajoutez que votre mère, votre frère et votre sœur continueraient à vivre en Iran alors qu’« Ils sont en dehors de la politique. Ils vivent normalement » (p. 9 du rapport d’entretien).
En cas d’un retour en Iran, vous seriez immédiatement arrêtée à l’aéroport alors que votre nom se trouverait sur une liste de personne interdites de sortie du pays, puis condamnée à une peine de prison.
Vous ne présentez pas de pièce d’identité en précisant que votre passeport original vous aurait été confisqué par les autorités allemandes.
A l’appui de vos dires, vous avez versé un carnet de famille et deux rapports de l’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés (OSAR): « Iran: retour des personnes en lien avec les Moudjahiddines du peuple (OMPI) » datant de juillet 2018 et « Iran: violences envers les femmes. Renseignement de l’analyse-pays de l’OSAR » datant de mai 2011.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
Madame, je soulève avant tout autre développement en cause que la sincérité de vos propos et, par conséquent, la gravité de votre situation dans votre pays d’origine doivent être réfutées au vu de vos déclarations incohérentes, contradictoires et non plausibles, d’informations en mes mains, de votre comportement adopté en Europe et du fait que vous n’êtes pas en mesure de prouver vos allégations par la moindre pièce.
En effet, je constate en premier lieu que vous n’avez versé aucune pièce à l’appui de vos dires et que vous ne semblez à aucun moment lors de votre séjour en Europe et de votre recherche d’une protection internationale avoir eu le réflexe ou l’envie de vous procurer une quelconque preuve qui permettrait d’appuyer vos dires, respectivement, de vous faire envoyer ces documents. Or, on peut attendre d’un demandeur de protection internationale réellement persécuté respectivement à risque de subir des atteintes graves, qu’il mette au moins tout en œuvre pour prouver ses dires auprès des autorités desquelles il demande une protection, ce qui n’a manifestement pas été votre cas de sorte que l’ensemble de vos déclarations reste au stade de pures allégations.
Je conclus en tout cas que depuis votre arrivée en Europe, respectivement au Luxembourg, suite à un séjour en Turquie, au Bahreïn, en Malaisie et en Inde, vous êtes restée totalement inactive dans ce domaine, en ne jugeant à aucun moment opportun de corroborer la moindre partie de vos dires, grâce à des pièces qui seraient en mesure d’établir vos allégations notamment concernant votre identité, votre vie familiale, sociale, professionnelle, vos études ou votre prétendue exclusion de l’université, voire, votre supposée appartenance aux Moudjahidines ainsi que votre prétendu activisme au sein de ce « cercle de la révolte » tout comme les vidéos susmentionnées qui auraient pour le surplus été téléchargées et publiées, la prétendue dénonciation et arrestation de membres de cercles de révolte moudjahidines à ……, la prétendue politisation de votre famille depuis des décennies, vos arrestations, vos interrogatoires, les blessures ainsi que « tortures » subies ou votre libération sous caution liée à une propriété familiale qui aurait été mise en gage.
Je souligne qu’à ce jour toute votre famille proche réside encore en Iran de sorte qu’il vous aurait été parfaitement possible de vous faire envoyer ces preuves. En effet, il ressort de votre dossier administratif que votre mère, votre frère et votre sœur vivraient toujours à …… et cela, comme vous le précisez, sans être inquiétés par les autorités. Je constate en tout cas que vous n’avez à aucun moment entrepris des démarches pour appuyer votre demande de protection internationale avec une quelconque preuve, hormis les deux rapports généraux concernant l’Iran, versés par votre mandataire, et qui ne sont pas liés à vos motifs de fuite;
d’autant plus que vous ne vous plaignez nullement du statut de la femme en Iran et que les rapports ont été versés sans remarque ou commentaires et sans référence à une quelconque partie précise.
Je note ensuite qu’on est en droit d’attendre d’un demandeur de protection internationale réellement persécuté ou à risque d’être persécuté et en défaut de toute pièce et de toute preuve à l’appui de ses dires, qu’il présente du moins un récit crédible et cohérent.
Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, alors que vos dires présentent justement de nombreuses contradictions ou incohérences qui ne font que confirmer le constat selon lequel vous ne jouez pas franc-jeu avec les autorités desquelles vous souhaitez vous faire octroyer une protection internationale.
Je soulève tout d’abord que vous restez non seulement en défaut total de prouver votre prétendue adhésion aux Moudjahidines, mais que vos explications à ce sujet ne font également pas de sens. Ainsi, vous justifiez tout d’abord votre « haine » du régime et des mollahs ainsi que votre adhésion aux Moudjahidines par votre enfance qui se serait déroulée dans un contexte très politisé à la maison, où vous auriez uniquement entendu des discussions politiques depuis votre plus jeune âge. Vous rappelez aussi les nombreuses visites que vous auriez faites à des membres de famille en prison en tant qu’enfant accompagnée de votre mère ou l’exécution d’un oncle et d’une tante dans les années 1980, qui aurait beaucoup affecté votre famille proche. Or, interrogée par la suite quant au maintien de toute votre famille proche en Iran, vous justifiez cela par le simple fait qu’« Ils sont en dehors de la politique. Ils vivent normalement » (p. 9 du rapport d’entretien).
Il est évident que ces deux versions sont totalement contradictoires et qui si vous aviez vraiment vécu l’enfance mentionnée, alors il ne fait pas de sens que contrairement à vous, toute votre famille proche serait « en dehors de la politique ». Il s’agit là d’une tentative d’excuse manifestement pas convaincante censée justifier le maintien de votre famille proche en Iran et leur vie toute à fait normale qu’elle y mènerait, contrairement à votre supposé besoin de protection.
Concernant d’ailleurs l’éducation moudjahidine que vous auriez reçue par le dénommé (B), je note que vous précisez d’abord que celle-ci aurait débuté après que vous auriez été « prise sous ses ailes » suite à la mort de votre père en 19….., de sorte que vous insinuez donc clairement qu’elle aurait débuté pendant votre adolescence. Vous précisez toutefois par la suite que (B) vous aurait certainement donné cette formation moudjahidine après l’époque du lycée, lorsque vous auriez été dans votre vingtaine. A cela s’ajoute que vous précisez encore que (B) se serait trouvé en prison jusqu’à la fin de vos études au lycée, de sorte qu’il est tout simplement impossible qu’il vous ait prise « sous ses ailes » suite à la mort de votre père en 19…..
Il est d’autant plus établi que vous n’avez nullement vécu les incidents mentionnés alors que vous vous contredisez de nouveau de manière flagrante quant à votre supposée « fuite » d’Iran. Ainsi, vous prétendez d’abord que vous auriez dû fuir l’Iran trois à quatre mois après votre prétendue libération par ….., lorsque (B) vous aurait appelée pour vous avertir que des cercles de révolte auraient été dénoncés à ……. Vous précisez encore que vous auriez pendant ces quelques mois suivi des études universitaires et que vous auriez alors été fichée en tant qu’« étudiante étoilée ». Or, vers la fin de votre entretien vous changez totalement de version en expliquant que (B) vous aurait appelée seulement une dizaine de jours après votre prétendue libération et que vous auriez alors immédiatement quitté le pays.
Si des incohérences chronologiques légères peuvent évidemment s’expliquer, tel n’est pas le cas pour une si grande différence dans le temps, d’autant plus que vous omettez donc complètement vos prétendues études universitaires dans le cadre de cette deuxième version.
De même, je constate que vous prétendez d’un côté que suite à votre libération par ….., vous ne seriez plus sortie de chez vous, mais de l’autre côté, que vous auriez suivi des cours à l’université. Concernant ces études, vous précisez donc aussi d’un côté avoir été fichée comme « étudiante étoilée » à l’université, mais de l’autre côté, en avoir été exclue.
Ensuite, concernant la période vécue suite à votre prétendue libération par ….., vous précisez d’une part vous être tenue « tranquille » et ne plus être sortie de chez vous, par peur des autorités que vous n’auriez pas informées de vos voyages en Turquie, mais de l’autre côté avoir uniquement « diminué » votre activisme au sein du cercle de révolte moudjahidine, de sorte que vous auriez donc encore entrepris des actions sans pourtant donner plus détails à cet égard à l’agent chargé de votre entretien concernant vos motifs de fuite.
Au vu de tout ce qui précède, je retiens en tout cas qu’il est réfuté que vous ayez vécu en Iran les problèmes mentionnés, respectivement, que vous ayez fait partie d’un cercle moudjahidin clandestin. Ce constat vaut d’autant plus que si vous aviez vraiment fait partie d’un tel cercle moudjahidin dénoncé et arrêté, vous n’auriez certainement pas tout simplement été relâchée après deux semaines parce que les autorités iraniennes, tout en étant au courant de votre adhésion aux Moudjahidines, auraient compris que vous ne dévoileriez pas le nom de votre agent de liaison au sein des Moudjahidines et au motif qu’il se serait agi de la « première fois ».
En effet, les Moudjahidines constituent « l’ennemi public numéro 1 » aux yeux du régime iranien qui combat ce groupe activement et farouchement depuis le début des année 1980, qui a même redoublé d’efforts au cours de ces dernières années, et arrête et condamne ses membres à de longues peines de prison, voire, les exécute, tel que cela ressort notamment du rapport que votre mandataire a versé.
Il est dès lors exclu et totalement inimaginable que vous ayez été dénoncée, dévoilée et arrêtée en flagrant délit par la police iranienne comme étant membre d’une cellule clandestine moudjahidine, mais que vous ayez été relâchée pour ne pas avoir donné des informations quant à votre cellule et parce qu’il se serait agi de la « première fois ». Il est évidemment pareillement tout à fait invraisemblable que vous ayez été libérée une deuxième fois, cette fois par ….., de nouveau parce que les agents auraient compris que vous ne dévoileriez pas le nom de votre agent de liaison, sans même que vous n’ayez dû faire face à une quelconque accusation.
Je soulève qu’il est pareillement inimaginable qu’un prétendu membre des Moudjahidines et d’un « cercle de la révolte », dénoncé, arrêté et torturé en Iran, ne décide pas de s’enfuir de son pays une fois relâché et continue d’y poursuivre ses études universitaires, mais décide ensuite tout de même de s’enfuir en toute hâte, après avoir été informé que d’autres « cercles de la révolte », dont il ne ferait pourtant pas partie, auraient été dévoilés.
Dans ce même contexte, je soulève qu’il ne fait aucun sens non plus lorsque vous précisez que votre « cercle de la révolte » aurait été dénoncé et dévoilé en …. 20……, mais que vous auriez décidé de fuir le pays en … 20….., parce que vous auriez eu peur « qu’ils arrivent à moi » après que des cercles de la révolte dont vous ne feriez pas partie auraient eux aussi été dévoilés ou dénoncés début 20…….
Je note encore à ce sujet que les recherches ministérielles n’ont pas non plus permis de donner plus de crédibilité à vos dires alors qu’elles n’ont pas permis d’établir une quelconque vague d’arrestations de Moudjahidines à …… ou en Iran en 20….., voire de cellules moudjahidines clandestines dénoncées ou dévoilées à …… ou en Iran au cours de ces dernières années. Les recherches ont toutefois permis de conclure que les Moudjahidines ne sont plus d’une grande importance et n’ont plus aucune influence en Iran, qu’ils ont dû fuir le pays au début des année 1980 et qu’ils sont pour le surplus également rejetés par la population iranienne et perçus comme des traîtres du peuple iranien pour avoir participé à la guerre Iran-Irak du côté de Saddam HUSSEIN.
Je conclus au vu de tout ce qui précède, que votre prétendue appartenance aux Moudjahidines ou à un cercle de la révolte moudjahidin dévoilé en Iran est réfutée et il s’ensuit qu’aucune crédibilité ne saurait être accordée par rapport aux problèmes qui l’auraient suivie.
Ce constat vaut d’autant plus au vu du comportement que vous avez adopté dans le cadre de vos multiples départs du pays. En effet, je constate tout d’abord que vous faites état de deux retours volontaires en Iran après avoir été prétendument dévoilée et arrêtée comme Moudjahidine et avoir gagné officiellement la Turquie. Je soulève dans ce contexte qu’on doit évidemment pouvoir attendre d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée, qu’elle ne retourne pas à deux reprises dans son pays d’origine et même dans sa ville d’origine après s’être trouvée dans un pays sûr, la Turquie, terre d’accueil pour de nombreux Iraniens, d’autant plus que les Moudjahidines craignent de lourdes peines, voire, l’exécution en Iran.
Je note ensuite qu’il n’est pas non plus plausible qu’une personne qui craindrait comme vous que les autorités « arrivent à moi » après avoir été dévoilée comme membre d’un cercle clandestin moudjahidin, décide justement de s’adresser auxdites autorités, à savoir le bureau des passeports, dans le cadre de sa « fuite » pour s’informer si une éventuelle interdiction de voyage existerait à son encontre. Hormis la contradiction flagrante qui existe entre craindre les autorités et volontairement se rendre auprès de celles-ci, je soulève aussi qu’une telle démarche est dénuée de tout sens dans le cadre d’une fuite alors que vous auriez justement mis les autorités au courant de votre désir de quitter le pays.
Dans ce même contexte, je note encore que vous précisez tout au long de votre entretien avoir entrepris des voyages officiels et légaux en Turquie, ainsi que des retours supposément officiels en Iran qui se seraient déroulés sans problème, et ce même avant d’avoir prétendument payé un pot-de-vin à une personne en charge des interdictions de sortie du pays, de sorte que vos explications par rapport à l’existence d’une telle interdiction de sortie dans votre chef sont donc également à rejeter.
Ce constat vaut d’autant plus qu’il peut d’ailleurs être exclu que vous ayez réussi en quelque sorte à contourner cette interdiction en payant à peu près la somme de 400 euros à une personne que vous auriez eue au téléphone. En effet, sur base des informations en mes mains « Whether or not a travel ban is imposed depends on the individual case. A travel ban can be imposed in court cases related to national security or in political cases. However, in serious criminel cases, where the judgement is ruled in absentia, a travel ban will be issued automatically. According to the same DIS report, it is virtually impossible to exit the country legally when a travel ban has been issued. Sources consulted by DIS state that border security is very strict and the borders are controlled by the army. Moreover, exiting the country illegally - using bribes - is virtually impossible as this would be very expensive and complex due to the many checks ».
L’histoire du paiement du pot-de-vin à cette personne inconnue est d’autant moins crédible alors qu’il ne fait aucun sens qu’après avoir engagé un passeur pour vous faire quitter du pays, celui-ci ait tout de même estimé que vous devriez vous-même téléphoner et parler à un supposé fonctionnaire corrompu et lui payer la somme désirée. Il s’agirait là en toute logique du « travail » à faire par le passeur et non pas par la personne ayant eu recours aux services d’un passeur. A cela s’ajoute que je m’interroge sur les circonstances de ce prétendu versement d’un pot-de-vin, alors que vous expliquez uniquement à ce sujet avoir « donné » l’argent à la personne se trouvant à l’autre bout du fil, tout en ne soufflant mot sur les circonstances du déroulement du paiement de cette somme, notamment où et comment vous auriez rencontré cette personne dans le cadre de votre « fuite » entreprise le même jour.
Enfin, je constate également que le comportement que vous avez adopté depuis votre supposé troisième et dernier départ d’Iran endéans peu de temps n’est pas non plus compatible avec celui d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée et qui serait réellement à la recherche d’une protection.
En effet, je m’interroge en premier lieu quant aux raisons vous ayant poussée à vouloir à tout prix quitter votre pays de manière officielle et légale avec votre passeport iranien et ne pas tout simplement avoir opté pour une fuite « ordinaire » vers la Turquie si vous aviez réellement éprouvé une telle crainte d’être dans le collimateur des autorités iraniennes.
Je soulève en deuxième lieu, et hormis le fait d’avoir quitté la Turquie sans raison apparente et contrairement à une multitude d’Iraniens qui y ont trouvé refuge tel que susmentionné, pour entreprendre un voyage à travers plusieurs pays d’Asie, que vos empreintes ont été prises en Allemagne le ……20…., pays où vous auriez été « obligée » de demander l’asile après avoir été interpellée par les autorités. En effet, vous prétendez que vous auriez été obligée d’y introduire une demande de protection internationale, alors qu’il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous n’y avez exprimé votre désir de rechercher une protection internationale qu’en date du …… 20….., c’est-à-dire une semaine après avoir été une première fois en contact avec les autorités allemandes. Vous avez ensuite encore vécu pendant un mois en Allemagne et dans trois foyers différents avant de vous décider à quitter ce pays et de venir introduire une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg. Or, on est en droit d’attendre d’une personne réellement persécutée et vraiment dans le besoin d’une protection qu’elle introduise une demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, et surtout, qu’elle ne quitte pas ce pays sans attendre la réponse des autorités à sa demande de protection internationale.
Au vu de tout ce qui précède il convient de conclure qu’une protection internationale ne vous est pas accordée alors que votre récit laisse d’être crédible dans son ensemble.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Madame, au vu de tout ce qui précède, la crédibilité de vos dires est donc formellement réfutée et j’en déduis que des motifs économiques ou de convenance personnelle sous-tendent votre demande de protection internationale, demande que vous étoffez avec des éléments plus « dramatiques » censés augmenter vos chances de vous faire octroyer le statut de réfugié.
Ce constat vaut d’autant plus au vu de votre comportement adopté en Europe, qui n’est donc manifestement pas celui d’une personne réellement en danger et à la recherche d’une protection. En effet, alors qu’on peut attendre d’une personne réellement persécutée ou à risque de subir des atteintes graves, qu’elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr, vous avez préféré quitter la Turquie et par la suite l’Allemagne sans apparemment jamais songer à vous installer de manière définitive dans un de ces pays visités ou à y bénéficier d’une protection quelconque.
Ce n’est qu’après votre arrivée au Luxembourg, un pays qui pourrait vous garantir un style de vie plus élevé, respectivement qui propose des avantages sociaux ou des prestations sociales plus intéressantes, en apparence, par rapport aux autres pays visités, que vous avez choisi de vous installer dans ce pays pour y rechercher une protection internationale. Or, un tel comportement ne correspond pas à celui d’une personne qui aurait été forcée à quitter son pays à la recherche d’une protection internationale et qui aurait forcément été reconnaissante de pouvoir profiter de la protection des pays visités, mais votre façon de procéder correspond à pratiquer du forum shopping en soumettant votre demande dans l’Etat membre qui, selon vos estimations, satisfera au mieux vos attentes.
Des motifs économiques ou de convenance personnelle ne sauraient toutefois pas justifier l’octroi du statut de réfugié alors qu’ils ne sont nullement liés aux cinq critères prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015, à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social.
Quant à vos prétendues craintes d’être arrêtée en cas d’un retour en Iran alors que vous n’auriez pas eu le droit de quitter le pays, je note, qu’hormis le manque de crédibilité général retenu, que celles-ci doivent être perçues comme étant non fondées alors que: « There is no law in Iranian legislation that makes applying for asylum abroad a punishable offence. An illegal exit is punishable on the basis of Section 34 of Iranian criminal law. Leaving the country without a valid or personal passport can be punished with a fine, a prison sentence of two to six months or both, depending on the circumstances. In actual practice, people are only given a fine for an illegal exit, as is evident from research by the Danish Immigration Service (DIS). If a person has left Iran illegally but was not wanted by the authorities, only a fine will be issued. If a person was wanted by the authorities, they will only be punished for the crime committed, but not for illegally leaving the country ».
J’ajoute à toutes fins utiles que les problèmes, les peines de prison ou de mort qu’auraient connus des oncles ou des tantes en Iran dans les années 1980, à cause de leur adhésion ou de leur soutien aux Moudjahidines, à les supposer avérés, sont définitivement trop éloignés dans le temps pour fonder une demande de protection internationale plus de trois décennies plus tard. Ces problèmes ne vous auraient d’ailleurs pas directement touchée alors que vous confirmez avoir pu vivre et travailler « paisiblement sans incidents notables » en Iran pendant toutes ces années, jusqu’à vos supposés problèmes personnels rencontrés à cause du prétendu dévoilement de votre cellule moudjahidine en 2018. J’ajoute au vu de la libération de prison des membres de votre famille que ceux-ci ont d’ailleurs selon toute apparence abjuré leur soutien aux Moudjahidines: « Iranian authorities imprisoned and/or killed large numbers of those who remained: In 1988, Ayatollah Khomeini issued a fatwa (religious instruction) that mentioned apostasy as a legitimate reason to execute MeK members, leading to the execution of at least 3000MEK prisoners (a conservative estimate).
Most MEK prisoners who escaped execution have reportedly renounced their membership in exchange for easier conditions of detention, or have subsequently been released from prison ».
Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d’être persécuté respectivement que vous risquez d’être persécuté en cas de retour dans votre pays d’origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi. L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Madame, au vu du manque de crédibilité général retenu et des motifs économiques et de convenance personnelle qui sous-tendent votre demande de protection internationale, il ne saurait conséquemment pas être établi que vous risqueriez être victime d’une telle atteinte grave en cas d’un retour en Iran.
Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément pertinent de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l’Iran, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2021, Madame (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de cette décision ministérielle du 13 avril 2021.
Dans son jugement du 27 juin 2023, le tribunal administratif constata qu’il n’était pas saisi de l’ordre de quitter le territoire, mais uniquement du refus d’octroi d’une protection internationale, reçut ce recours en la forme et, quant au fond, le déclara justifié et, dans le cadre du recours en réformation, annula la décision ministérielle du 13 avril 2021 portant refus d’octroi d’une protection internationale, de sorte à renvoyer le dossier devant ledit ministre en prosécution de cause. Le tribunal rejeta encore la demande de communication du dossier administratif et condamna l’Etat aux frais et dépens.
Pour aboutir à cette solution, le tribunal conclut à une violation de l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 en retenant en substance que le ministre, ayant essentiellement mis en doute la crédibilité générale du récit de la demanderesse, ne lui avait toutefois pas donné la possibilité concrète, avant la prise de la décision litigieuse, de présenter les éléments nécessaires pour étayer sa demande de manière aussi complète que possible, et notamment celle de fournir une explication concernant les éléments manquants, les incohérences, voire les contradictions dans son récit.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 26 juillet 2023, l’Etat a fait régulièrement relever appel de ce jugement du 27 juin 2023.
A l’appui de son appel, l’Etat relate l’exposé des faits à la base de la demande de protection internationale de l’intimée tel qu’il a été repris dans la décision ministérielle litigieuse précitée.
Quant à la légalité externe de la décision entreprise Moyens des parties En droit, l’Etat reproche au tribunal d’avoir annulé la décision ministérielle litigieuse au motif tiré du non-respect de l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015. Il fait valoir que cette disposition concernerait le fond de la demande de protection internationale, et plus précisément l’entretien personnel du demandeur de protection internationale, et qu’elle définirait le rôle du ministre dans cette phase de procédure en mettant à sa charge l’obligation de veiller à ce que le demandeur de protection internationale ait la possibilité de présenter les éléments nécessaires pour étayer sa demande. En revanche, l’article 37 de la loi du 18 décembre 2015 préciserait le rôle du demandeur de protection internationale dans le cadre de l’instruction de sa demande en lui imposant l’obligation de présenter tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale. Dès lors, en décidant que le ministre n’aurait pas respecté l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 en n’ayant pas donné à l’intimée la possibilité de présenter les éléments nécessaires pour s’expliquer sur les éléments manquants, les incohérences, voire les contradictions dans son récit avant de prendre sa décision de rejet litigieuse, le tribunal aurait procédé à une interprétation erronée de cette disposition qui viserait à imputer au ministre une obligation de convoquer un demandeur de protection internationale à un entretien complémentaire en cas de mise en doute de la crédibilité de son récit.
Or, selon l’Etat, l’obligation faite par l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 au ministre de veiller à ce que le demandeur de protection internationale ait la possibilité de présenter les éléments nécessaires pour étayer sa demande, se résoudrait en l’organisation d’un entretien personnel durant lequel il peut présenter son récit et l’article 37 de la même loi obligerait le demandeur de protection internationale de présenter tous les éléments nécessaires dans le cadre de cet entretien prévu en sa faveur. L’Etat insiste sur le fait que tant le tribunal administratif que la Cour administrative auraient déjà reconnu ce principe à travers d’autres décisions visées plus précisément par le délégué du gouvernement. L’Etat en déduit que le ministre n’aurait commis aucun manquement et n’aurait, contrairement à ce que le tribunal avait retenu, eu aucune obligation de reconvoquer l’intimée aux fins d’un entretien complémentaire afin qu’elle s’explique sur les contradictions et autres incohérences relevées dans ses déclarations. La reconnaissance d’une telle obligation à charge du ministre aurait plutôt comme conséquence la méconnaissance de l’obligation à la charge du demandeur de protection internationale, prévue par l’article 37 de la loi du 18 décembre 2015, de présenter tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale. Ce serait en effet à ce dernier qu’incomberait un rôle actif dans le cadre de la procédure en ce qu’il lui appartiendrait tout seul d’étayer sa demande.
L’Etat souligne encore qu’en l’espèce, l’intimée avait été assistée par un avocat dans le cadre de sa procédure de protection internationale et que ledit avocat aurait par ailleurs assisté à l’entretien sans insister autrement auprès de sa cliente d’étayer davantage ses déclarations. En outre, contrairement à ce que le tribunal suggérerait, l’agent ministériel aurait bien, dès le début de l’entretien, expliqué à l’intimée l’importance de ce dernier en lui rappelant son obligation de coopérer, de répondre à toutes les questions et de ne rien omettre dans son récit. A la fin de l’entretien, l’agent aurait encore bien demandé à l’intimée si elle avait quelque chose à ajouter sur un quelconque volet de son récit et aurait procédé à la relecture du rapport de l’entretien pour s’assurer que tout ce qui a été acté correspondait effectivement au récit de l’intimée. Finalement, en signant le rapport d’entretien, l’intimée aurait attesté que ledit rapport constituait un résumé fidèle et complet des motifs de sa demande de protection internationale. Par voie de conséquence, d’après l’Etat, le tribunal serait malvenu de critiquer l’agent ministériel en charge de l’entretien de l’intimée pour ne pas avoir spécifié les pièces qui auraient pu être utiles pour étayer le récit, notamment en redemandent l’existence de pièces concernant les gardes à vue. Les questions afférentes de l’agent n’auraient en effet pas pour effet d’exonérer l’intimée de son obligation générale de fournir des documents probants concernant tous les volets de son récit.
Dans la même logique, l’Etat critique encore le tribunal pour avoir reproché à l’agent ministériel de ne pas avoir confronté l’intimée déjà dans le cadre de l’entretien aux différentes incohérences dans la chronologie des faits présentés par elle sur les différents volets relevés dans le jugement a quo, ainsi que par rapport aux volets du récit à l’égard desquels le ministre a, dans la suite, constaté des imprécisions ou des incohérences. Ici encore, l’Etat soutient que ces reproches tomberaient à faux, au motif que l’intimée aurait été libre de s’exprimer et de s’expliquer davantage sur ces différents sujets et conteste le reproche du tribunal suivant lequel elle n’aurait pas eu la possibilité de s’exprimer davantage sur ces différents éléments qui lui étaient reprochés dans la suite. Il argue qu’en suivant le raisonnement du tribunal, il faudrait conclure qu’il appartiendrait à l’agent ministériel de poser de plus amples questions sur l’intégralité du récit de l’intimée dans la mesure où elle serait restée sommaire par rapport à l’ensemble des questions abordées. Or, il ne serait pas admissible que l’agent ministériel devrait lui-même indiquer et préciser, voire énumérer chaque élément qu’il estime utile et nécessaire d’obtenir du demandeur de protection internationale afin d’étayer sa demande, ce qui reviendrait à imposer à l’agent ministériel un rôle qui ne serait pas le sien.
Finalement, l’Etat fait valoir que l’intimée aurait encore eu largement la possibilité de fournir des réponses et de redresser les contradictions et autres incohérences relevées par le ministre dans la décision litigieuse dans le cadre de la phase contentieuse, mais qu’elle n’aurait déployé aucun effort en première instance afin de lever les doutes émis par le ministre quant à la crédibilité de ses déclarations. Il affirme ensuite que le tribunal, au lieu de renvoyer le dossier devant le ministre aux fins d’un entretien complémentaire impliquant un allongement conséquent de la procédure, aurait pu ordonner la production d’un mémoire supplémentaire afin de mettre l’intimée en mesure d’étoffer son récit et de répondre aux doutes formulés par le ministre.
Plus loin, l’Etat estime que le ministre, non seulement, ne serait pas tenu de convoquer l’intimée à une audition complémentaire, mais que, d’une manière plus générale, il n’aurait pas non plus l’obligation de procéder à un entretien complémentaire pour confronter un demandeur de protection internationale aux éventuelles interrogations qui se seraient posées dans le cadre de l’analyse de sa demande protection internationale en raison de contradictions provenant d’éléments extérieurs à ses déclarations. Ainsi, le ministre n’aurait, notamment, aucune obligation de convoquer un demandeur de protection internationale à un entretien complémentaire afin de le confronter aux trouvailles faites suite à des recherches effectuées sur les réseaux sociaux par exemple. L’obligation faite au ministre par l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 de rendre possible au demandeur de présenter les éléments nécessaires pour étayer sa demande se référerait, en effet, seulement à ses déclarations en elles-mêmes. Le raisonnement du tribunal reviendrait en dernière analyse à imposer au ministre l’obligation de convoquer un demandeur de protection internationale à un entretien complémentaire dès qu’il décide de refuser sa demande pour défaut de crédibilité.
Sur base de ces développements, l’Etat conclut à la réformation du jugement entrepris dans le sens qu’il n’y a pas lieu à annulation de la décision ministérielle litigieuse et au renvoi du dossier devant le ministre en prosécution de cause.
L’intimée rétorque que l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 prévoirait que l’agent ministériel en charge de l’entretien du demandeur de protection internationale devrait lui permettre de fournir des explications quant aux éléments manquants, aux incohérences, ainsi qu’aux contradictions qui ressortiraient de l’entretien. Elle se réfère au contenu du jugement a quo pour faire valoir que ce serait à juste titre que le tribunal a reproché au ministre d’avoir remis en cause la crédibilité de son récit sur de nombreux points sans lui laisser l’opportunité de prendre position quant aux prétendues incohérences et explications manquantes, ce qui aurait été qualifié à juste titre de non-respect de l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 par le tribunal. Elle conclut partant à la confirmation du jugement entrepris.
Analyse de la Cour L’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 dispose en son paragraphe (1) que :
« (1) Lors de l’entretien personnel sur le fond d’une demande de protection internationale, le ministre veille à ce que le demandeur ait la possibilité concrète de présenter les éléments nécessaires pour étayer sa demande de manière aussi complète que possible, conformément à l’article 37. Cela inclut la possibilité de fournir une explication concernant les éléments qui pourraient manquer et toute incohérence ou contradiction dans les déclarations du demandeur. ».
S’il est vrai que cette disposition prévoit la possibilité de fournir des explications sur des éléments manquants ou sur des incohérences ou contradictions dans les déclarations du demandeur de protection internationale, cette possibilité est à entrevoir dans le contexte de l’entretien lui-même et s’applique au demandeur qui a ainsi la faculté de compléter voire préciser ses déclarations. Cela est confirmé par le paragraphe (2) dudit article 15 qui dispose que : « A la fin de l’entretien, le demandeur a la possibilité de faire des commentaires ou d’apporter des précisions soit oralement soit par écrit concernant toute erreur de traduction ou tout malentendu dans le rapport ». Cette disposition ne prévoit toutefois pas, contrairement à ce que suggère l’intimée, une obligation dans le chef du ministre de demander des clarifications au demandeur de protection internationale dans le cadre d’un entretien complémentaire. D’ailleurs, le paragraphe (3) dudit article 15 prévoit que : « Le demandeur est invité à confirmer que le contenu du rapport reflète correctement l’entretien », ce qui a été le cas en l’espèce.
Il s’y ajoute que l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 constitue la transposition de la disposition afférente de l’article 16 de la directive 2013/32/UE du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale et que la Cour de Justice de l’Union européenne a jugé dans son arrêt du 22 novembre 2012 (M.M., aff. C-277/1, ECLI:EU:C:2012:744) par rapport à la disposition correspondante de l’ancienne directive 2005/85 que l’obligation de coopération de l’autorité compétente n’implique pas l’exigence pour les Etats de communiquer préalablement les motifs fondant une décision négative et que le devoir de coopération vise l’établissement des circonstances factuelles qui soutiennent la demande de protection internationale et non pas l’appréciation juridique de ceux-ci à la lumière des conditions de reconnaissance du statut de réfugié ou d’octroi de la protection subsidiaire, cette appréciation juridique relevant de la seule responsabilité de l’autorité compétente.
Ainsi, tout comme la confrontation, dans le cadre de l’instruction d’une demande de protection internationale par le ministre, du contenu factuel du récit aux sources d’informations externes accessibles afin de vérifier la réalité des faits invoqués relève de la seule responsabilité du ministre (cf. Cour adm. 30 janvier 2024, n° 49163C), l’analyse du contenu du récit sous l’aspect de son caractère complet par rapport aux éléments factuels pertinents pour la demande de protection internationale et de sa cohérence en ce qui concerne le déroulement et la chronologie des faits rentre pareillement dans le champ de sa responsabilité exclusive du moment où le demandeur de protection internationale a été mis en mesure d’exposer librement tous les aspects pertinents de son récit et d’apporter toutes les précisions qu’il juge utiles lors de son entretien individuel.
C’est à juste titre que l’Etat se prévaut à cet égard encore de l’article 37, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, lequel, en disposant que « Il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale. Il appartient au ministre d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande », confirme ce partage des rôles, imputant au demandeur de protection internationale la charge de mettre en avant dans le cadre de son entretien tous les éléments factuels nécessaires à l’examen de sa demande. La précision dans le paragraphe (2) dudit article 37 que « Les éléments visés au paragraphe (1) correspondent aux déclarations du demandeur et à tous les documents dont le demandeur dispose (…) » doit à cet égard être comprise comme visant essentiellement les déclarations faites dans le cadre de l’entretien personnel.
Or, en l’espèce, l’Etat relève pertinemment que lors de son entretien du 19 novembre 2019, l’intimée a pu librement exposer tout son récit et a pu apporter toutes les précisions qu’elle jugeait utiles. En outre, l’agent instructeur lui a demandé des précisions quant à certains éléments de son récit et l’a, à plusieurs reprises, interrogée si elle avait des précisions à apporter ou des documents afin d’étayer son récit. De même, il a demandé à l’avocat ayant assisté l’intimée s’il entendait voir celle-ci ajouter des précisions. Finalement, après relecture du rapport, l’intimée a apporté certaines précisions et corrections à ses déclarations. Le rapport d’entretien ne permet partant point de déceler des indices dans le sens que l’intimée n’aurait pas eu l’occasion, dans le cadre de son entretien du 19 novembre 2019, d’exposer librement et exhaustivement le récit des faits à la base de sa demande de protection internationale et de corriger d’éventuelles lacunes, incohérences ou contradictions.
C’est encore à juste titre que l’Etat fait valoir que l’agent instructeur n’était pas tenu de déceler directement au cours de l’entretien d’éventuelles lacunes ou incohérences dans le récit de l’intimée et de lui poser spécifiquement des questions sur tous ou du moins l’essentiel de ces points au regard de l’obligation de sincérité et d’exhaustivité incombant au demandeur de protection internationale.
Il s’ensuit que c’est à tort que les premiers juges ont retenu dans le chef du ministre un non-respect de l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils ont annulé la décision ministérielle du 13 avril 2021 dans le cadre du recours en réformation introduit et renvoyé le dossier devant le ministre en prosécution de cause.
L’Etat demande alors à la Cour de se saisir de l’intégralité du litige et de statuer sur le bien-fondé de la décision déférée, tandis que l’intimée ne conteste pas cette demande et développe ses moyens quant au fond de sa demande de protection internationale, de sorte à réitérer en substance sa demande tendant à l’octroi d’une protection internationale.
En présence de cette demande étatique et en l’absence de conclusions contraires de la part de l’intimée, il y a lieu d’y faire droit et de statuer sur le bien-fondé de la décision déférée.
Quant au bien-fondé de la décision déférée Arguments des parties En ce qui concerne la crédibilité du récit de l’intimée, l’Etat fait valoir que cette dernière n’aurait « à aucun moment lors de son séjour en Europe et de sa recherche d’une protection internationale, eu le réflexe ou l’envie de se procurer une quelconque preuve qui permettrait d’appuyer ses dires », alors même qu’il serait légitime d’attendre d’un demandeur de protection internationale réellement persécuté qu’il mette au moins tout en œuvre pour prouver ses dires auprès des autorités desquelles il demande une protection, ce qui n’aurait manifestement pas été le cas de l’intimée. Ainsi, au-delà d’un carnet de famille, l’intimée n’aurait versé aucune pièce concernant son identité, sa vie familiale, sociale et professionnelle, ses études ou sa prétendue exclusion de l’université, voire sa supposée appartenance aux Moudjahidines et son activisme au sein du cercle de la révolte. Il relève encore que toute la proche famille de l’intimée résiderait encore en Iran, de sorte qu’il lui aurait été parfaitement possible de se faire envoyer de telles preuves.
Par rapport aux pièces soumises par l’intimée en première instance, l’Etat épingle le fait qu’il s’agirait de pièces médicales, de photos et de documents concernant le dénommé (B) qui aurait été sa personne de contact auprès des Moudjahidines. Quant aux certificats médicaux, l’Etat reconnaît certes qu’ils attesteraient une blessure, mais considère que lesdits certificats ne pourraient pas confirmer que cette blessure lui avait été infligée dans des circonstances telles que décrites par elle. En outre, concernant les trois photos censées montrer l’engagement politique de l’intimée même encore suite à son arrivée au Luxembourg, l’Etat considère qu’il s’agit de simples photos où elle poserait seule, munie d’une pancarte et d’un drapeau illisible, et que ces photos à elles seules ne seraient pas une preuve suffisante de son engagement politique. Concernant ensuite les pièces relatives au dénommé (B), l’Etat, tout en reconnaissant que celui-ci a obtenu le statut de réfugié, argue cependant que cette reconnaissance aurait trait à la situation individuelle et personnelle de cet oncle de l’intimée et non pas à celle particulière de cette dernière. En outre, le document intitulé « attestation » n’aurait pas été établi par le dénommé (B) en bonne et due forme conformément aux exigences de la loi pour être qualifié d’attestation testimoniale et il n’aurait pas été traduit, de sorte à ne pas avoir à être pris en considération. La conclusion s’imposerait partant que l’intimée est toujours en défaut de soumettre des pièces pertinentes pour voir confirmer le contenu de son récit.
L’Etat relève la contradiction entre, d’un côté, la haine alléguée à l’égard des mollahs par toute sa famille et l’adhésion de l’intimée aux Moudjahidines et, d’un autre côté, l’affirmation de l’intimée que toute sa famille vivrait actuellement en dehors de la politique et normalement en Iran. L’Etat relève ensuite la contradiction entre les affirmations de l’intimée quant à la période durant laquelle elle aurait reçu la prétendue éducation moudjahidine de la part du dénommé (B). Elle indiquerait ainsi, d’une part, que cette éducation aurait commencé à une époque assez rapprochée du décès de son père en 19….., soit durant son adolescence, tandis qu’elle affirme par la suite que cette éducation aurait eu lieu après l’époque du lycée lorsqu’elle avait été dans sa vingtaine, l’Etat ajoutant que l’intimée aurait également affirmé que le dénommé (B) s’était trouvé en prison jusqu’à la fin de ses études au lycée.
L’Etat épingle ensuite une contradiction dans les déclarations de l’intimée par rapport à sa fuite de l’Iran en ce que, d’un côté, elle aurait affirmé avoir dû fuir l’Iran trois à quatre mois après sa deuxième libération, mais d’avoir, d’un autre côté, affirmé vers la fin de son entretien que l’appel du dénommé (B) qui l’aurait motivée à quitter le pays serait intervenu une dizaine de jours après sa deuxième libération. L’Etat considère que si des incohérences chronologiques légères pouvaient trouver des explications plausibles, tel ne serait pas le cas pour une différence tellement grande dans le temps, d’autant plus que l’intimée omettrait ainsi complètement ses prétendues études universitaires dans le cadre de cette deuxième version des faits.
Le délégué du gouvernement réitère ensuite les doutes émis par le ministre en ce qui concerne la réalité de la participation de l’intimée à un cercle moudjahidin clandestin, au motif que si elle avait effectivement fait partie d’un tel cercle, elle n’aurait certainement pas été tout simplement relâchée après deux semaines par les autorités iraniennes sur base du simple constat qu’elle ne dévoilerait pas le nom de son agent de liaison au sein des Moudjahidines et au motif qu’il se serait agi de la première arrestation. L’Etat expose, à cet égard, que les Moudjahidines constitueraient « l’ennemi public numéro un » aux yeux du régime iranien qui les combattrait activement depuis le début des années 1980. Il serait dès lors exclu et inimaginable que l’intimée avait été libérée à deux reprises, malgré son appartenance clandestine au mouvement moudjahidin. L’Etat ajoute qu’il serait pareillement peu plausible qu’une personne dénoncée, arrêtée et torturée en Iran ne déciderait pas, surtout suite à sa deuxième libération, de s’enfuir directement de son pays dès après avoir été relâchée, mais de rester sur le territoire iranien jusqu’à ce qu’une prétendue nouvelle de démantèlement d’autres cercles de la révolte l’amènerait à quitter précipitamment le pays. L’Etat souligne encore que les recherches effectuées par le ministre n’auraient pas permis d’établir une quelconque vague d’arrestations de Moudjahidines à …… ou en Iran en l’année 20……., mais que les recherches effectuées auraient plutôt abouti à la conclusion que le mouvement des Moudjahidines n’avait plus une grande importance et influence en Iran.
Ensuite l’Etat épingle le fait que l’intimée affirme avoir fait deux retours volontaires en Iran depuis la Turquie après sa première arrestation, alors qu’on pourrait attendre d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée, qu’elle ne retournerait pas à deux reprises dans son pays d’origine à partir d’un pays sûr, soit la Turquie. De même, l’Etat souligne qu’il ne serait pas non plus crédible que l’intimée, suite à sa deuxième libération, s’adresserait quand même aux autorités de son pays pour s’enquérir sur l’existence d’une éventuelle interdiction de voyage à son encontre, ce qui aurait nécessairement mis lesdites autorités au courant de son désir de quitter le pays, et qu’il ne serait pas davantage plausible que ce serait un pot-de-vin à une personne en charge des interdictions de sortie du pays qui lui aurait permis de quitter le pays sans problème, l’intimée étant par ailleurs restée en défaut de donner une quelconque précision sur les circonstances de remise de ce prétendu pot-de-vin.
La partie étatique ajoute encore que du moment où l’intimée prétend avoir déjà antérieurement contacté un passeur pour la faire quitter le pays, la charge d’organiser son départ aurait incombé plutôt au passeur qu’à elle-même. Au-delà, l’Etat estime qu’il faudrait s’interroger sur les raisons ayant poussé l’intimée à vouloir à tout prix quitter son pays d’origine de manière officielle avec son passeport iranien et de ne pas avoir opté pour une fuite « ordinaire » vers la Turquie, si elle avait vraiment éprouvé une crainte réelle d’être dans le collimateur des autorités iraniennes.
En dernier lieu, l’Etat met en avant l’itinéraire de l’intimée suite à son départ définitif de l’Iran en ce qu’elle aurait entrepris un voyage à travers plusieurs pays d’Asie avant de se rendre en Allemagne, où elle prétend avoir été contrainte de soumettre une demande de protection internationale, et d’être ensuite partie après un mois en direction du Luxembourg en mettant en avant son désir de rejoindre ce pays où se trouveraient des membres de sa famille. L’Etat insiste, à cet égard, sur le fait qu’il serait légitime d’attendre d’une personne réellement persécutée et ayant vraiment besoin d’une protection qu’elle soumette une demande à ces fins dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais.
Sur base de l’ensemble de ces éléments, reprenant en substance les motifs déjà énoncés dans la décision ministérielle déférée, l’Etat conclut partant à ce que le récit de l’intimée soit qualifié comme non crédible par la Cour.
De son côté, l’intimée apporte en premier lieu certaines précisions par rapport à son récit développé dans le cadre de son entretien afin de dissiper les reproches du défaut de crédibilité réitérés par le délégué du gouvernement.
Elle précise ainsi d’abord que la contradiction entre la haine affirmée de toute sa famille par rapport au régime des mollahs et la vie actuellement sans implication politique menée par sa famille, s’expliquerait par la volonté de sa famille de vivre tranquillement et « invisiblement » à l’égard des autorités iraniennes. Elle précise encore que son oncle (B) aurait été libéré en ….-…. 19…… et que son père serait décédé au cours de la même année.
Ainsi, le contact avec ledit oncle (B) aurait débuté dès après le décès de son père et l’introduction aux enseignements moudjahidins aurait débuté après qu’elle avait fini son lycée.
Par rapport aux reproches d’absence de précisions par rapport au contenu effectif de son activisme moudjahidin, l’intimée fait d’abord valoir que l’agent instructeur ne lui aurait pas posé des questions plus précises à cet égard lors de son entretien, qu’elle aurait indiqué qu’il se serait agi d’un cercle de personnes qui auraient détruit les affiches du régime et collé des affiches moudjahidines et finalement que les photos versées en instance contentieuse établiraient la continuation de son engagement suite à son arrivée au Luxembourg.
Elle précise que sa deuxième arrestation aurait eu lieu le ……20……, qu’elle aurait été libérée le ….. 20…… et que les certificats médicaux soumis au tribunal établiraient la réalité des viols qu’elle aurait subis dans le cadre de cette deuxième détention.
Elle indique encore qu’elle aurait entamé ses études de Master en …. 20….., ce qui expliquerait sa déclaration qu’elle aurait continué ses études, et que suite à sa deuxième libération le ….. 20……, elle aurait été fichée comme « étudiante étoilée » et aurait été exclue de l’université. L’intimée explique encore que l’apparente contradiction par rapport à la période s’étant écoulée entre sa deuxième libération et son départ de l’Iran suite à l’information reçue de la part du dénommé (B), s’expliquerait par une erreur matérielle de transcription de la date suivant le calendrier persan à laquelle elle aurait reçu l’information.
En réalité, elle aurait vécu environ quatre mois dans l’isolation jusqu’au moment de recevoir cette information et de quitter l’Iran à sa suite.
Finalement, l’intimée précise qu’elle aurait contacté le bureau des passeports dans le seul but de vérifier l’existence ou non d’une interdiction de quitter le pays à son égard sans donner d’autres indications et que ce serait le passeur qui lui aurait fourni le contact avec cette autre personne qui lui aurait permis de quitter le pays en contrepartie d’un pot-de-vin, malgré cette interdiction. Par rapport à l’argument étatique que l’intimée aurait dû demander une protection internationale dès son arrivée en Turquie, elle fait valoir que la Turquie ne pourrait pas être considérée comme un pays sûr pour les ressortissants iraniens.
En droit, l’intimée se prévaut de la règle du bénéfice du doute qui serait prévue par l’article 4 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale et qui serait également reconnue par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle rappelle qu’elle aurait indiqué dès son entretien ne pas être en possession de documents justifiant ses arrestations en Iran et ne pas pouvoir s’en procurer du fait que les autorités iraniennes ne laisseraient aucune trace de leurs arrestations.
Sur base des certificats médicaux soumis en première instance, elle estime que la réalité des viols subis lors de cette deuxième détention serait établie et que le troisième certificat médical soumis attesterait la crédibilité de ses déclarations d’un point de vue psychiatrique.
Elle souligne encore que l’attestation testimoniale de son oncle (B) n’aurait certes pas été établie en bonne et due forme, mais attesterait quand même de l’engagement de l’intimée auprès du mouvement des Moudjahidines et de la réalité des deux arrestations qu’elle aurait subies. Elle souligne que ce dernier se serait vu reconnaître le statut de réfugié politique par le ministre.
L’intimée conclut qu’il ne saurait être exigé de sa part de documenter tous les volets de son récit au vu des difficultés, voire de l’impossibilité de se procurer des preuves en provenance de l’Iran et au vu du récit détaillé qu’elle avait fait dans le cadre de son entretien le 19 novembre 2019. Elle renvoie encore au contenu du jugement déféré, qui aurait reconnu que les éléments soumis en cause par elle établiraient, voire étayeraient du moins certains volets de son récit, ainsi que l’absence de divergences fondamentales. Elle reproche ainsi au ministre de vouloir décrédibiliser par tout moyen ses déclarations, alors que l’oncle (B), qui aurait aussi été son mentor, se serait vu reconnaître le statut de réfugié le 10 mai 2019 et qu’elle aurait fui son pays d’origine pour des motifs liés pareillement à son activité pour les Moudjahidines afin de trouver refuge au Luxembourg, dans le seul pays européen où un membre de sa famille résiderait. Le ministre serait partant malvenu de lui imputer des motifs économiques ou de convenance personnelle à la base de son arrivée au Luxembourg et de lui reprocher une incohérence ou un défaut de crédibilité de son récit.
Analyse de la Cour Il se dégage de la combinaison des articles 2, sub h), 2, sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la même loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de ladite loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions énoncées ci-dessus doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Il convient d’ajouter que l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existante dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
Or, dans le cadre du recours en réformation dans lequel il est amené à statuer sur l’ensemble des faits lui dévolus, le juge administratif doit fondamentalement procéder à une évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile en ne se limitant pas à la pertinence des faits allégués, mais il se doit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’examen du bien-fondé d’une demande de protection internationale, et plus particulièrement dans la mesure où des éléments de preuve matériels font défaut.
Ceci étant rappelé, il convient, au vu des moyens développés de part et d’autre, d’examiner en premier lieu la question de la crédibilité du récit de l’intimée face à toutes les incohérences et contradictions soulevées par le ministre dans sa décision litigieuse et reprises pour l’essentiel par le délégué du gouvernement dans le cadre de son appel.
La Cour admet que les explications supplémentaires fournies par l’intimée dans le cadre de son recours contentieux, et notamment à travers son mémoire en réponse en instance d’appel, sont susceptibles de clarifier certains aspects des incohérences soulevées par l’Etat.
Ainsi, l’apparente contradiction mise en avant en ce qui concerne le rôle politisé de sa famille durant les années 1980 et la vie de toute sa famille actuellement en dehors de la politique, à l’exception près de son propre engagement dans le cadre du mouvement des Moudjahidines ainsi que de celui de son oncle (B), ainsi que les déclarations divergentes par rapport à l’époque à laquelle son oncle (B) aurait commencé à la prendre « sous les ailes » et l’aurait ensuite initiée aux enseignements des Moudjahidines ont été rencontrées de manière pertinente par les explications soumises en instance d’appel. De même, l’intimée a clarifié dans une certaine mesure la contradiction apparente par rapport à ses affirmations quant à l’accomplissement de ses études et sa prétendue vie dans l’isolation suite à sa deuxième libération de prison.
Finalement, la Cour peut encore retracer que les allers-retours répétés de l’intimée entre l’Iran et la Turquie, chaque fois pour quelques jours, suite à sa libération après la première arrestation qu’elle situe en juin 2018, peuvent trouver leur explication, ainsi que l’intimée l’a avancé dans le cadre de son entretien, par les conséquences psychologiques de son arrestation et des tortures subies, ainsi que de la perte d’équilibre qui en découlait pour elle, l’intimée affirmant en substance avoir été étirée entre le désir de fuir et la volonté de ne pas quitter sa famille.
En revanche, les explications de l’intimée quant à la contradiction sur le délai s’étant écoulé entre sa deuxième libération et le coup de téléphone de l’oncle (B) l’avertissant du démantèlement des cercles de la révolte à …… et de la nécessité pour elle de quitter l’Iran ne trouve pas une explication suffisante aux yeux de la Cour par l’affirmation dans le cadre de son mémoire en réponse en appel que cette contradiction résulterait d’une simple erreur de transcription de dates du calendrier persan, étant donné qu’il se dégage du rapport de l’entretien de l’intimée qu’elle a apporté cette précision de l’écoulement d’un délai de seulement 10 jours sur demande de son avocat expressément dans le cadre dudit entretien. De même, il n'apparaît toujours pas convaincant aux yeux de la Cour qu’une personne qui quitte son pays d’origine en direction de la Turquie et qui, à la fin du compte, affirme avoir voulu rejoindre le Luxembourg en raison de la présence d’un membre de sa famille fasse quand même un périple allant de la Turquie vers le Bahreïn pour passer par la Malaisie et l’Inde pour retourner ensuite vers l’Allemagne en se prévalant de l’origine indienne de son passeur.
En sens opposé, la Cour se doit toutefois de constater que Monsieur (B), soit la personne que l’intimée désigne de manière constante comme l’oncle (B), s’est vu reconnaître le statut de réfugié politique au Luxembourg par une décision ministérielle du 10 mai 2019.
Or, il se dégage du rapport de l’entretien de Monsieur (B) dans le cadre de sa demande de protection internationale qu’il confirme en substance son propre engagement politique, l’existence de cellules actives chargées d’écrire des slogans sur les murs et de mettre des pancartes et le démantèlement de certaines de ces cellules. S’il peut paraître à première vue un peu étonnant que Monsieur (B) n’ait pas mentionné l’intimée dans le cadre de son entretien personnel, malgré les liens étroits affirmés par l’intimée, il n’en reste pas moins qu’il confirme dans le cadre de son entretien le démantèlement d’une cellule, alors qu’il était encore lui-même présent sur le territoire iranien, son départ en direction du Luxembourg ayant eu lieu en septembre 2018. En outre Monsieur (B) a confirmé une attestation testimoniale du 12 octobre 2023, accompagnée d’une traduction afférente, que l’intimée a fait partie d’un cercle de la révolte des Moudjahidines et qu’elle a fait l’objet des deux arrestations dont elle fait état dans le cadre de son propre récit. Ces déclarations de Monsieur (B), soit d’une personne dont le récit confirme en ses éléments fondamentaux le récit de l’intimée et qui ont nécessairement été considérés comme crédibles par le ministre en vue de l’octroi du statut de réfugié, ainsi que l’attestation testimoniale de sa part dont le contenu n’a pas été autrement remis en cause par l’Etat, sont ainsi de nature à conforter la réalité des éléments de fait fondamentaux à la base du récit de l’intimée, consistant en son engagement en faveur du mouvement des Moudjahidines et ses deux arrestations successives en raison de cet engagement.
En outre, le certificat médical du docteur (C) du 5 mai 2021 fait état d’une fissure anale qui est susceptible d’avoir été causée par les traitements que l’intimée déclare avoir subis durant sa deuxième arrestation, étant cependant remarqué que le certificat médical insinue certes que cette fissure anale pourrait bien provenir des viols subis par l’intimée durant sa deuxième arrestation sans cependant affirmer concrètement cette origine.
Enfin, la Cour constate que dans son certificat médical du 14 septembre 2023, le docteur (D) atteste qu’au vu des diagnostics confirmés et des expériences traumatisantes vécues par l’intimée « en tant que prisonnière politique dans les prisons du régime iranien ainsi que des mauvais traitements brutaux aux conséquences traumatisantes infligés par les détenus en Iran (torture et viol), il n’y a aucun doute pour moi, d’un point de vue psychiatrique, sur la crédibilité de ses déclarations ».
Considérés ensemble, ces deux certificats sont de nature à rendre plausibles les faits essentiels du récit de l’intimée relatifs à ses deux arrestations et aux mauvais traitements infligés dans ce cadre.
A partir de l’ensemble de ces éléments, la Cour conclut que si le ministre a certes pu émettre légitimement des doutes concernant la crédibilité du récit de l’intimée en raison des incohérences et des éléments particuliers relevés par lui, la Cour arrive cependant à la conclusion que ce récit doit être considéré comme crédible en ses éléments essentiels, à savoir la réalité de son engagement politique dans le cadre du mouvement des Moudjahidines, de ses deux arrestations en juin et en décembre 2018 et de violences subis dans le cadre de ses arrestations.
Si le délégué du gouvernement épingle certes de manière légitime le fait que l’intimée n’a pas jugé nécessaire, voire simplement utile de se procurer encore des éléments de preuve concernant la réalité des faits mis à la base de sa demande de protection internationale, plus particulièrement son engagement politique, ses arrestations et ses études alléguées, alors même que l’ensemble de sa famille est resté en Iran et aurait pu lui envoyer des preuves afférentes, l’intimée doit cependant bénéficier à cet égard du bénéfice du doute concernant les éléments de son récit qui ne sont pas établis à l’exclusion de tout doute par des éléments de preuve, au vu des volets de son récit étayés par le récit et l’attestation de Monsieur (B) qui sous-tendent la réalité des faits essentiels invoqués par l’intimée.
L’examen de la crédibilité du récit de l’intimée devant ainsi aboutir à la conclusion confirmative à cet égard, il importe dès lors encore d’examiner les faits invoqués au regard des conditions de fond concernant le statut de réfugié politique.
Il est indéniable que l’engagement de l’intimée dans une cellule du mouvement des Moudjahidines et les activités développées par elle dans ce cadre constituent l’expression d’opinions politiques au sens de l’article 2, point f), de la loi du 18 août 2015.
En deuxième lieu, il est également indéniable que les mauvais traitements subis par l’intimée durant ses deux arrestations, ensemble les autres conséquences de son engagement politique, dont notamment son exclusion de l’université, revêtent un caractère de gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 car surtout les violences subies par l’intimée durant ses deux arrestations sont clairement de nature à ébranler une personne dans sa dignité humaine élémentaire.
En troisième lieu, il est évident que les services de la police iranienne et les services secrets iraniens ayant commis ces actes sont à considérer comme des acteurs étatiques, conformément à l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015.
Finalement, il ne saurait pas non plus être nié que ces actes d’une gravité suffisante trouvent leur origine dans les opinions politiques de l’intimée trouvant leur expression dans son engagement dans le mouvement des Moudjahidines, de sorte que ces actes s’analysent en des actes de persécution.
Il faut partant conclure que l’intimée démontre à suffisance à travers son récit qu’elle a subi des actes de persécution en Iran en raison de son engagement politique et qu’elle justifie ainsi de l’existence d’une crainte fondée de persécution au cas où elle serait amenée à retourner en Iran. Il s’ensuit que les conditions pour l’octroi du statut de réfugié en faveur de l’intimée se trouvent réunies et qu’il y a lieu de lui accorder ledit statut.
Il découle de l’ensemble de ces développements que l’appel étatique est partiellement fondé en ce sens que, contrairement aux conclusions des premiers juges, la décision ministérielle du 13 avril 2021 n’encourt pas l’annulation pour non-respect de l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 et qu’il n’y a pas lieu à un renvoi de l’affaire devant le ministre en vue d’un nouvel examen du dossier de l’intimée. Par contre, l’appel étatique est à rejeter pour le surplus et le recours initial de l’intimée dirigé contre la décision ministérielle déférée est justifié en ce sens qu’il y a lieu de lui accorder le statut de réfugié.
La Cour se doit cependant de relever que le tribunal a déjà constaté dans son jugement déféré du 27 juin 2023 que l’actuelle intimée avait introduit un recours en réformation exclusivement contre le volet de la décision ministérielle déférée relatif à sa demande de protection internationale sans pour autant déférer au tribunal également l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision. Il s’ensuit que la Cour, saisie sur appel du litige ainsi circonscrit et limité au refus de la demande de protection internationale, ne saurait se prononcer quant aux conséquences de la reconnaissance du statut de réfugié politique sur la validité de cet ordre de quitter le territoire, encore qu’il ne serait que logique que ce dernier, en tant que conséquence automatique du refus de la protection internationale, soit rapporté au vu de l’octroi du statut de réfugié par le présent arrêt.
PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 26 juillet 2023 en la forme, au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute l’Etat, déclare le recours en réformation de l’intimée contre la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 13 avril 2021 justifié et lui accorde le statut de réfugié, renvoie l’affaire devant le ministre des Affaires intérieures, ayant l’asile parmi ses attributions et dorénavant compétent, pour exécution, fait masse des dépens des deux instances et les met entièrement à charge de l’Etat.
Ainsi délibéré et jugé par :
Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu à l’audience publique du 26 mars 2024 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier assumé de la Cour …… s. ….
s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 mars 2024 Le greffier de la Cour administrative 24