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14/05/2024 | LUXEMBOURG | N°49939C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 mai 2024, 49939C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49939C ECLI:LU:CADM:2024:49939 Inscrit le 16 janvier 2024

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Audience publique du 14 mai 2024 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 19 décembre 2023 (n° 45907 du rôle) ayant statué sur un recours de Madame (A-B), ….., contre une décision du directeur de l’Agence pour le Développement de l’Emploi en matière de garantie de salaire



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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49939C ECLI:LU:CADM:2024:49939 Inscrit le 16 janvier 2024

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Audience publique du 14 mai 2024 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 19 décembre 2023 (n° 45907 du rôle) ayant statué sur un recours de Madame (A-B), ….., contre une décision du directeur de l’Agence pour le Développement de l’Emploi en matière de garantie de salaire

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Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 49939C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 16 janvier 2024 par Maître François KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat luxembourgeois, représenté par son ministre d’Etat, sinon par son ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 19 décembre 2023 (n° 45907 du rôle) ayant déclaré justifié le recours de Madame (A-B), demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du 8 février 2021 du directeur de l’Agence pour le Développement de l’Emploi portant refus de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de sa créance salariale déclarée dans le cadre de la faillite de la société à responsabilité limitée (D) SARL et annulé cette décision directoriale avec renvoi du dossier devant ledit directeur;

Vu le mémoire en réponse, erronément intitulé « mémoire en réplique », déposé au greffe de la Cour administrative le 15 février 2024 par Maître Paulo FELIX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A-B), préqualifiée;

Vu l’ordonnance du président de la Cour administrative du 15 mars 2024 portant prolongation du délai de réplique de la partie étatique de manière à s’achever le 15 avril 2024 à 17.00 heures;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mars 2024 au nom de l’Etat luxembourgeois;

Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe de la Cour administrative le 4 avril 2024 au nom de Madame (A-B);

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 30 avril 2024.

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Le 1er mai 2012, Madame (A-B) signa un contrat de travail à durée indéterminée avec la société à responsabilité limitée (D) SARL, ci-après la « société (D) » en vertu duquel elle fut engagée en qualité de « coiffeuse mixte » avec effet au même jour, la durée de travail hebdomadaire ayant été fixée à 20 heures par semaine.

La société (D) fut déclarée en état de faillite par un jugement du 18 mai 2020 rendu par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale.

Le 25 septembre 2020, Madame (A-B) déposa au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg une déclaration de créance dans le cadre de la faillite de la société (D) à hauteur de ….. €, laquelle fut acceptée par le curateur de la faillite ainsi que par le juge-commissaire au passif privilégié de la faillite en date du 16 octobre 2020.

Par une décision du 8 février 2021, le directeur de l’Agence pour le Développement de l’Emploi, ci-après le « directeur », respectivement l’« ADEM », informa Madame (A-B) de l’impossibilité de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de la créance salariale demandée, sur le fondement des considérations suivantes :

« (…) Selon votre déclaration de créance dans l’affaire émargée, vous occupiez au sein de la société (D) S.A.R.L. la fonction de coiffeuse mixte depuis le 1er mai 2012.

Or, suite à un contrôle de votre dossier, il semble que votre emploi soit à considérer comme fictif, alors qu’il résulte de plusieurs attestations testimoniales que vous n’auriez jamais travaillé auprès de ladite société.

Il en ressort que le contrat de travail entre vous et votre époux, lequel est associé et gérant unique de la société, ait été signé dans le seul but de pouvoir profiter des indemnités prévues par les dispositions de l’article L.125-1 du Code du Travail.

Au vu de ce qui précède, j’ai le regret de vous informer que je suis dans l’impossibilité de faire libérer les fonds nécessaires à la liquidation de la créance salariale demandée (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 avril 2021, Madame (A-B) fit introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du directeur du 8 février 2021.

Par jugement du 19 décembre 2023, le tribunal déclara ce recours justifié et annula la décision directoriale attaquée du 8 février 2021, avec renvoi du dossier devant le directeur en prosécution de cause, tout en rejetant la demande de la demanderesse tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- € et en condamna l’Etat aux frais et dépens.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 16 janvier 2024, l’Etat a régulièrement relevé appel du jugement précité du 19 décembre 2023 dont il sollicite la réformation dans le sens de voir rejeter pour manquer de fondement le recours introductif de première instance de Madame (A-B).

Liminairement, la Cour est appelée à résoudre la question préalable de l’admissibilité du mémoire en réponse déposé pour compte de Madame (A-B), telle que soulevée par la partie étatique en concluant à son rejet pour ne pas lui avoir été communiqué dans le délai légal y afférent. En effet, selon le mandataire de l’Etat, si ledit mémoire a bien été déposé au greffe de la Cour dans le délai légal d’un mois, il ne lui aurait été communiqué qu’en date du 14 mars 2024, soit en dehors du délai imparti par l’article 5, paragraphe 5, de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après la « loi du 21 juin 1999 ».

C’est à bon droit que la partie intimée conclut au rejet de ce moyen tendant à voir écarter son mémoire en réponse.

En effet, s’il est a priori vrai que dans un cas de représentation de l’Etat non pas par un délégué du gouvernement, mais par un avocat inscrit à la liste I du tableau dressé par les conseils des ordres des avocats, comme c’est le cas en l’espèce, l’application conjuguée des paragraphes (1), (4) et (5) de l’article 39 de la loi du 21 juin 1999 ensemble son article 49, alinéa 1er, apparaît requérir que la partie intimée soit appelée, au-delà d’un dépôt au greffe de la Cour dans le mois de la signification de la requête d’appel, d’opérer la communication de son mémoire en réponse directement au mandataire constitué de l’Etat par une signification telle que prévue en matière de procédure civile, le cas échéant par voie postale ou par voie directe, il n’en reste pas moins que la Cour a déjà eu l’occasion de considérer (arrêt du 25 avril 2019, n° 42201C du rôle) que pareille conclusion se révèle être inconciliable avec les dispositions de l’article 39, paragraphe (3), de la loi du 21 juin 1999, suivant lesquelles le dépôt du mémoire en réponse vaut signification à l’Etat dans l’hypothèse de l’espèce où l’Etat est partie appelante et que le maintien de la cohérence du système et de conciliation de dispositions passablement non compatibles, il n’y a pas lieu d’écarter un mémoire en réponse notifié seulement après l’écoulement du délai de la loi, comme c’est le cas en l’espèce.

Ceci dit, à l’appui de son acte d’appel, l’Etat reproche aux premiers juges d’avoir fait une mauvaise appréciation des circonstances factuelles de l’espèce et d’avoir retenu la preuve de l’exercice d’un travail effectif de Madame (A-B) auprès de la société (D).

Ce serait ainsi à tort que les premiers juges seraient, sans dire mot, passés outre le fait que Madame (A-B) serait l'épouse du gérant et associé unique de la société (D), à savoir Monsieur (B), et auraient dégagé des seules certificat d'affiliation du Centre commun de la sécurité sociale (« CCSS ») du 18 février 2021 et fiches de salaire émises à son égard par la société (D) un faisceau d’indices suffisants permettant de retenir l'existence d'une relation de travail effective entre Madame (A-B) et la société (D).

L’Etat déclare contester l'existence d'un lien de subordination entre la société (D) et la partie intimée au vu de son lien avec son gérant-associé unique.

Il fait encore soutenir que les explications de l’intimée seraient contradictoires et qu’il serait impensable qu’une salariée employée pendant huit ans n’aurait jamais été vue par les autres salariés sur le lieu de travail.

Le défaut de toute activité concrète se dégagerait par ailleurs des attestations testimoniales versées en cause et la fictivité du contrat de travail ne saurait être contestée, la décision directoriale serait partant justifiée à suffisance.

La partie intimée conclut en substance à la confirmation du jugement entrepris.

En effet, elle aurait été engagée en tant que coiffeuse mixte au sein de la société (D) suivant contrat de travail en date du 1er mai 2012 à raison de 20 heures par semaine et un salaire brut de … €, état de fait qu’elle estime rapporter en preuve par la production de certificats de salaires, de retenues d'impôts et de crédits d'impôts bonifiés pour les années 2017, 2018 et 2019, ainsi que la fiche de retenue d'impôt pour l'année 2020 et un certificat d'affiliation établi par le CCSS du 18 février 2021 confirmant son inscription comme salariée auprès de la société (D) du 1er mai 2012 au 26 octobre 2018. Elle précise que du 27 octobre 2018 au 26 avril 2019, elle se serait trouvée en congé parental à temps plein et qu'elle aurait repris son activité salariale le 27 avril 2019 jusqu'au 17 mai 2020.

Elle soutient qu’il ne saurait être reproché aux premiers juges de ne pas s’être prononcés sur le fait qu’elle serait l'épouse du gérant-associé unique de la société (D), au motif que le simple fait pour le gérant d'une société d'avoir embauché sa femme ne permettrait nullement de conclure à la fictivité de l'emploi de cette dernière.

Elle fait valoir que le contrat de travail aurait été réel et qu’elle aurait exercé ses activités sous l'autorité de son époux « qui lui donnait des ordres concernant l'exécution du travail, qui en contrôlait son accomplissement et en vérifiait les résultats ».

Sur ce, elle estime que la partie étatique, à laquelle incomberait la charge de la preuve, omettrait de prouver son allégation d’un emploi fictif.

Pour ce faire, la partie étatique se contenterait de différentes attestations testimoniales de salariées, qui seraient insuffisantes pour ce faire. Or, ces « simples témoignages, dont la véracité est formellement contestée et qui ne sont d'ailleurs accompagnés d'aucunes preuves supplémentaires, ne sauraient suffire à qualifier le contrat de travail comme étant fictif ».

Ainsi, le fait qu’elle n’avait pas de contact avec les témoins (F), (G) et (H) ne permettrait pas de prouver qu’elle ne travaillait pas effectivement pour la société (D).

En outre, ces témoignages seraient contredits par l'attestation testimoniale de Madame (J), « qui occupait le poste de gérante technique de la société (D) depuis 2015 sans préjudice quant à la date exacte », qu’elle aurait effectivement travaillé pour ladite société. Son témoignage détaillerait avec précision les tâches lui confiées, à savoir la gestion de la comptabilité (virements des salaires du personnel, tenue du livre de caisse), la gestion des achats divers et variés, la gestion du stock de l'entreprise, le nettoyage ainsi que la décoration du salon de coiffure qui variait selon les événements de l'année. Ce témoin confirmerait également que le bureau de la société était situé au domicile conjugal depuis 24 ans. En termes de duplique, l’intimée fait préciser que le fait pointé par la partie étatique que ce témoin n'apparaissait pas comme « gérante technique » dans les extraits du RCS n’empêcherait pas qu’en fait, elle aurait exercé les fonctions afférentes depuis le départ en 2014 de l'ancienne gérante technique.

D’ailleurs, même si elle n’était pas à considérer comme gérante technique de la société (D), son attestation testimoniale resterait précise et détaillée au sujet de l’effectivité de son travail essentiellement à son domicile.

Quant à la mise en balance de ce qu’il serait « tout simplement impossible qu'une salariée travaille pendant huit (8) heures pour une société sans que les autres salarié(e)s n'aient jamais vu la salariée en question sur le lieu de travail », elle expose que la société (D) aurait utilisé un modèle de contrat de travail basique pour son contrat, de sorte « qu'en pratique, cette dernière réalisait son travail à des horaires différents de ceux mentionnés dans ledit contrat ».

Elle réitère avoir travaillé depuis son domicile et se serait occupée notamment de la gestion du stock de la société, de la gestion des salaires et de la commande des produits. Elle se serait aussi occupée de travaux de ménage en dehors des heures d'ouverture du salon, de sorte que ses collègues de travail ne pouvaient pas la voir au quotidien.

Compte tenu des éléments concrets versés par l'intimée en relation avec son emploi au sein de la société (D), de simples attestations testimoniales ne sauraient remettre en doute l'existence d'une relation de travail effective entre cette dernière et la partie intimée.

Ses dires seraient en outre confirmés par l’admission au passif privilégié de sa déclaration de créance et par le fait qu’une plainte pour escroquerie aux subventions publiques, abus de confiance, détournement de fonds et abus de biens sociaux contre le gérant de la société (D) aurait abouti à une ordonnance de non-lieu rendue en date du 2 novembre 2023 par la chambre du conseil du tribunal d'arrondissement de Luxembourg.

La Cour rejoint les premiers juges en ce qu’ils ont tracé à juste titre le cadre légal applicable pour la solution du litige sous examen par rapport à l’article L.126-1 du Code du travail, en vertu duquel, en cas de faillite d’un employeur, le Fonds pour l’emploi garantit, dans les limites et conditions y fixées, les créances des salaires et indemnités de toute nature dues au salarié à la date du jugement déclaratif de la faillite pour les six derniers mois de travail et résultant de la rupture du contrat de travail.

C’est encore à bon droit qu’ils ont relevé que dans ce contexte, ce n’est pas l’admission par le curateur d’une créance salariale au passif privilégié d’une société en faillite qui est décisif, mais que l’ADEM a le droit et même l’obligation de vérifier elle-même l’existence de la qualité de salarié dans le chef d’un demandeur de la garantie salariale sollicitée1.

Ainsi, l’administration est appelée à examiner les créances qui lui sont soumises et de vérifier si l’intervention du Fonds pour l’emploi est justifiée. Cet examen l’amène donc à vérifier aussi la qualité de salarié de l’intéressé et donc l’existence d’une relation de travail entre celui-ci et le failli.

En l’espèce, en présence d’un contrat de travail signé entre la société (D) et l’intimée, de fiches de salaires régulièrement établies et de cotisations sociales payées, soit d’un contrat de travail apparent, la partie étatique entend y opposer un caractère simplement fictif, état des choses que l’intimée conteste avec véhémence estimant avoir établi l'effectivité de la relation de travail.

Au niveau de la charge de la preuve, il convient de rappeler qu’en la matière, elle repose de façon primaire du côté de l’Etat, auquel il appartient de justifier le bien-fondé de sa décision et partant des motifs la sous-tendant, de sorte qu’il doit établir, face à un contrat de travail apparent, son caractère fictif et ce n’est qu’une fois cette preuve rapportée, que 1 Cour adm., 18 mai 2006, n° 21111C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Travail, n° 21 et les autres références y citées.

l’administré est, le cas échéant, appelé à démontrer que, malgré les éléments excluant, a priori, l’existence d’un contrat de travail, il se trouve néanmoins en réalité lié à son employeur par un contrat de travail correspondant à une relation réelle et sérieuse.

Il est patent que la réalité de pareil contrat ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination ou de la qualification qu’elles ont données à leurs conventions, mais des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité de la personne concernée.

Ainsi, la preuve du contrat de travail peut résulter d’un ensemble d’éléments qui constituent des présomptions précises et concordantes faisant conclure à l’existence d’une relation de travail effective.

En l’espèce, complémentairement aux trois attestations testimoniales produites par l’Etat défendeur en première instance et émanant de trois coiffeuses employées par la société (D) et qui se limitent à des déclarations sur l’honneur de ce que l’intimée n’avait jamais travaillé comme coiffeuse dans le salon de coiffure exploité par la société (D), l’Etat appelant se prévaut en instance d’appel de trois nouvelles attestations émanant de ces trois personnes.

La Cour constate qu’il se dégage de l’attestation additionnelle du 3 novembre 2021 de Madame (H), employée au salon de coiffure de la société (D) du 9 octobre 2018 au 15 mars 2020, que l’intimée n’a jamais travaillé audit salon que ce soit comme coiffeuse ou comme femme de ménage. Elle précise notamment que « moi-même ainsi que les autres membres du personnelles exerçaient notre profession de coiffeuse, ainsi que le ménage du salon du sol au plafond, jusqu’au toilettes ».

Madame Sandra (F) employée de 2001 à 2014, ainsi que du 15 mars 2019 jusqu’à la cessation des activités, déclare notamment que « in all den Jahren als ich bei (D) Coiffure in Junglinster gearbeitet habe, habe ich Frau (A-B) nie gesehen im Salon zu arbeiten ».

Madame (G) atteste que pendant toute la durée de son emploi auprès de la société (D) du 15 janvier 2008 jusqu’au 19 mai 2020 que « Madame (A-B) n’a jamais travaillé dans le salon ».

Aux yeux de la Cour, ces déclarations testimoniales véhiculent incontestablement un faisceau d’indices concrets, précis et concordants qui ne font pas seulement surgir des doutes quant à l’existence d’une relation de travail effective entre Madame (A-B) et la société (D), mais qui dépeignent et démontrent une réalité afférente invraisemblable voire non plausible.

En tout cas, il s’en dégage clairement que le contrat de travail relatif à un emploi comme « coiffeuse mixte » n’a à aucun moment correspondu à la réalité des choses et ces indices impliquent à eux seuls une forte probabilité, voire une forte plausibilité d’un défaut d’existence d’une véritable relation de travail entre l’intimée et son prétendu employeur, dont son mari était l’associé unique et le gérant.

La Cour arrive encore à la conclusion que la partie intimée reste en défaut de rapporter des éléments de preuve suffisants de nature à renverser la susdite présomption de fait d’une relation de travail fictive.

En effet, la Cour se doit de pointer le fait qu’après avoir fait soutenir n’avoir travaillé comme coiffeuse que dans une première période et par la suite s’être occupée, à la maison, de travaux de comptabilité et de gestion, et en soirée de travaux de ménage dans le salon de coiffure, pour ensuite insister et ne plus parler que des prétendus travaux de gestion et de comptabilité et de travaux de ménage et de décoration en soirée et d’en dégager un changement manifeste de position, lequel n’est guère de nature à conforter les dires de l’intéressée, cette dernière apparaissant plutôt adapter son récit en réaction à des éléments de preuve flagrants.

Au-delà, il est un fait que les travaux de ménage que ce soit en journée ou en soirée se trouvent fondamentalement contredits par les déclarations tout à fait crédibles du témoin (H).

Quant à la mise en balance par l’intimée de l’attestation testimoniale de Madame (J), déclarant être la gérante technique de la société (D) et employée comme coiffeuse mixte et attestant que le bureau de la société se serait trouvé au domicile privé de l’intimée et de son mari, Monsieur (B), et que lors de « visites à leur domicile », elle a pu constater que l’intimée « a bien travaillé sur les documents de l’entreprise. Comptabilité : virement de salaires du personnelle, livre de caisse Achats : Quotidien, journaux, café, lait, sucre, les grossistes chez (K) S.a.r.l. la (L) au besoin de l’entreprise. Nettoyage : Serviettes, Peignoirs Decoration : selon l’evenement de l’année [sic] », indépendamment du fait que la nomination de l’intéressée n’a jamais été rendue publique et au-delà même du fait que ce témoin est la belle-sœur de l’intimée, sœur de son époux, de sorte que ses attestations sont a priori à considérer avec précaution, la Cour arrive à la conviction que si ces déclarations dépeignent une assistance familiale de la part de l’intimée dans le cadre de la société de son mari, elles ne permettent cependant point de dégager ni d’activités concrètes à raison de 20 heures par semaine ni encore et surtout l’existence d’une relation de travail effective entre l’intimée et son prétendu employeur.

Enfin, ni l'admission au passif privilégié de la déclaration de créance de l’intimée, ni l’ordonnance de non-lieu prévisée rendue le 2 novembre 2023 par la chambre du conseil du tribunal d'arrondissement de Luxembourg suite à une plainte pour escroquerie aux subventions publiques, abus de confiance, détournement de fonds et abus de biens sociaux visant l’époux de Madame (A-B) et gérant de la société (D) n’établissent l'existence d'une réelle activité salariale dans le chef de Madame (A-B) et ne suffisent partant pas non plus pour renverser la susdite présomption.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel étatique est justifié et, par réformation du jugement du tribunal administratif du 19 décembre 2023, il y a lieu de rejeter le recours de Madame (A-B) dirigé contre la décision du 8 février 2021 du directeur de l’ADEM portant refus de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de sa créance salariale déclarée dans le cadre de la faillite de la société (D).

Compte tenu de l’issue du litige, la demande de l’intimée tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- €, pour l’instance d’appel, est à rejeter pour manquer de fondement. La demande formulée par l’Etat tendant à la condamnation de l’intimée au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- € est, à son tour, à rejeter, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies en cause.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

déclare l’appel recevable;

dit qu’il n’y a pas lieu à écarter des débats le mémoire en réponse déposé par la partie intimée;

dit l’appel fondé et, réformant le jugement du 19 décembre 2023, déclare le recours en annulation introduit par Madame (A-B) contre la décision du 8 février 2021 du directeur de l’Agence pour le Développement de l’Emploi portant refus de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de sa créance salariale déclarée dans le cadre de la faillite de la société à responsabilité limitée (D) SARL non justifié et en déboute;

rejette comme non justifiées les demandes en allocation d’une indemnité de procédure telles que formulées par l’Etat, d’une part, et par Madame (A-B), d’autre part;

condamne l’intimée aux frais et dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour …… s. …… s. CAMPILL 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49939C
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-05-14;49939c ?

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