GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49851C ECLI:LU:CADM:2024:49851 Inscrit le 22 décembre 2023 Audience publique du 20 juin 2024 Appel formé par la société civile immobilière (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 20 novembre 2023 (46198 du rôle) ayant statué sur son recours contre une délibération du conseil communal de Strassen et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général (refonte) Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 49851C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 22 décembre 2023 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX s.à r.l., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1461 Luxembourg, 31, rue d’Eich, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 251584, représentée aux fins de la présente instance d’appel par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile immobilière (A), établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par ses gérants en fonctions, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 20 novembre 2023 ayant déclaré recevable mais non fondé son recours en annulation de la délibération du conseil communal de Strassen du 10 mars 2020 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de Strassen et de la décision d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 23 mars 2021, tout en la condamnant aux frais et dépens de l’instance ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine KOVELTER, en remplacement de l’huissier de justice Martine LISÉ, les deux demeurant à Luxembourg, immatriculées près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 29 décembre 2023 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de Strassen, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, ayant sa maison communale à L-8041 Strassen, 1, Place Grande-Duchesse Charlotte ;
1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2024 par la société à responsabilité limitée RODESCH AVOCATS A LA COUR s.à r.l., inscrite à la liste V du tableau des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 7-11, route d’Esch, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 265322, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 janvier 2024 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A. inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.-F. Kennedy, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 186371, représentée aux fins de la présente instance d’appel par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, sous la signature de Maître Martial BARBIAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Strassen ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 23 février 2024 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX s.à r.l., sous la signature de Maître Serge MARX, pour compte de l’appelante ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 18 mars 2024 par Maître Stéphane SUNNEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la société à responsabilité limitée RODESCH AVOCATS A LA COUR s.à r.l., au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 25 mars 2024 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., sous la signature de Maître Martial BARBIAN, en remplacement de Maître Christian POINT, au nom de l’administration communale de Strassen ;
Vu les courriers des mandataires respectifs des parties déclarant voir prendre l’affaire en délibéré sans autres formalités et demandant à la Cour de statuer suivant les mémoires déposés ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;
Le rapporteur entendu en son rapport, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 26 mars 2024.
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Lors de sa séance publique du 27 février 2019, le conseil communal de Strassen, ci-après « le conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la même commune, ci-après « le collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de Strassen qu’il mit sur orbite en 2conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.
Par courrier de son mandataire du 29 mars 2019, la société civile immobilière (A), ci-après « la société (A) », fit valoir ses objections à l’encontre dudit projet d’aménagement général, en sa qualité de propriétaire d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Strassen, section B des Bois, sous le numéro (P1).
Lors de sa séance du 23 octobre 2019, le collège échevinal retint en ce qui concerne l’objection de la société (A) ce qui suit :
« (…) - précise que la zone HAB2 a été constituée en transition avec la zone HAB1 existant derrière la parcelle concernée - propose de garder la version originale du PAG mis en procédure en absence d’éléments concrets relatifs au pôle d’échange projeté par le ministère. Une adaptation éventuelle pour tenir compte du pôle d’échange devrait se faire ultérieurement par une modification ponctuelle du PAG (…) ».
Lors de sa séance publique du 10 mars 2020, le conseil communal adopta à l’unanimité des voix : « (…) - (…) les modifications proposées dans sa délibération du 19 décembre 2019 par le collège échevinal au projet d’aménagement général suite aux avis étatiques et découlant du redressement d’erreurs matérielles mineures - (…) les modifications proposées dans sa délibération du 19 décembre 2019 par le collège échevinal au projet d’aménagement général suite aux objections des réclamants et aux réunions d’aplanissement des différends - (…) le projet d’aménagement général parties graphique et écrite en sa version modifiée suite aux deux votes ci-dessus. (…) ».
Par courriers recommandés avec avis de réception des 13 mars et 26 juin 2020, le collège échevinal informa la société (A) de l’adoption par le conseil communal du projet d’aménagement général.
Par courrier de son mandataire du 10 juillet 2020, la société (A) introduisit auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », une réclamation à l’encontre de la décision du conseil communal du 10 mars 2020 portant adoption du projet d’aménagement général en ce qui concerne sa parcelle prémentionnée.
Par décision du 23 mars 2021, le ministre approuva ladite délibération du conseil communal du 10 mars 2020 et déclara la réclamation de la société (A) partiellement fondée.
Ladite décision ministérielle est libellée comme suit :
« (…) Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que j’approuve la délibération du conseil communal du 10 mars 2020 portant adoption du projet de la refonte du plan 3d’aménagement général (dénommé ci-après « PAG ») de la commune de Strassen, présenté par les autorités communales.
La procédure d’adoption du projet d’aménagement général s’est déroulée conformément aux exigences des articles 10 et suivants de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
La Commission d’aménagement a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 3 mars 2021.
Le conseil communal a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 4 novembre 2020.
Conformément à l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, j’ai fait droit à certaines objections et observations formulées par les réclamants à l’encontre du projet d’aménagement général.
Les modifications ainsi apportées à la partie graphique sont illustrées dans la présente décision et en font partie intégrante. Les autorités communales sont tenues de me faire parvenir les plans et documents modifiés, suite aux réclamations déclarées fondées par la présente décision, pour signature.
Il est statué sur les réclamations émanant (…) de Maître Serge Marx au nom et pour le compte de la société civile immobilière (A) (…).
Ad réclamations (…) IMMOBILIÈRE (A) S.C.I. (…) Les réclamantes s’opposent au classement des parcelles cadastrales n°(P2) et (P1), section B des Bois, classées en « zone mixte urbaine [MIX-u] », en « zone d’habitation 2 [HAB-2] » et en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier "nouveau quartier" [PAP NQ] ».
Plus particulièrement, les réclamantes sollicitent à ce que la « zone d’habitation 2 [HAB-2] » soit remplacée par une « zone mixte urbaine [MIX-u] », à ce que les coefficients urbanistiques fixés pour ces parcelles soient relevés, à ce que les parcelles soient soumises à un seul PAP NQ au lieu de deux PAP NQ différents et à ce que la « zone de servitude "couloirs et espaces réservés" » et la « zone de bruit » soient supprimées.
Tout d’abord, en ce qui concerne la « zone de servitude "couloirs et espaces réservés" », les réclamations sont fondées, alors que cette zone ne correspond plus à l’état actuel de la planification du projet du pôle multimodal prévu en ces lieux.
La partie graphique est partant remaniée en conséquence comme suit : (…) Ensuite, pour ce qui est de la fixation des coefficients de densités, ceux-ci s’avèrent cohérents et adaptés au site, étant cependant précisé qu’ils pourront en présence d’un projet urbanistique concret être revus à la hausse.
Les réclamations sont partant non fondées en ces volets. (…) ».
4 Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2021, la société (A) fit introduire un recours tendant à l’annulation de la délibération du conseil communal de Strassen du 10 mars 2020 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de Strassen et de la décision d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 23 mars 2021.
Par jugement du 20 novembre 2023, le tribunal déclara ce recours recevable mais non fondé et en débouta la partie demanderesse avec condamnation aux frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 22 décembre 2023, la société (A) a fait entreprendre le jugement précité du 20 novembre 2023 dont elle sollicite la réformation dans le sens de voir accueillir son recours initial et de voir annuler en conséquence la délibération communale d’adoption du PAG refondu du 10 mars 2020, ainsi que la décision d’approbation afférente du ministre du 23 mars 2021, tout en demandant à voir statuer quant aux dépens ce qu’en droit il appartiendra.
Il convient tout d’abord de mettre en exergue que la présente affaire est parallèle à celle introduite le même jour sous le numéro 49852C du rôle à la requête de la société à responsabilité limitée BOOMERANG STRASSEN s.à r.l., toisée par arrêt parallèle de ce jour.
En effet, le terrain litigieux sous analyse de l’appelante et celui de la société BOOMERANG STRASSEN sont contigus, étant précisé que celui de l’appelante concerné dans le présent rôle constitue de loin l’étendue la plus prononcée, tandis que celui de la société BOOMERANG STRASSEN, contigu, touchant à la route d’Arlon, présente une surface bien inférieure. Toutefois, la problématique globale afférente se présente comme étant quasiment la même.
De manière essentielle, l’affaire peut être résumée en ce sens que la partie appelante demande la réformation du jugement dont appel pour ne pas avoir accueilli ses moyens de première instance et ne pas avoir tenu compte de la situation telle qu’elle se présente à l’endroit en ce que, d’après elle, compte tenu de la certitude entre-temps acquise de la mise en place d’un pôle d’échange dans le cadre du projet d’installation du tram à l’endroit, situation potentiellement présupposée au moment de la prise de la délibération communale d’adoption du PAG refondu et de la décision ministérielle d’approbation afférente, le classement, à la lisière de la frontière communale avec la Ville de Luxembourg, des terrains litigieux dans les deux affaires tel qu’intervenu ne correspondrait plus à un urbanisme valablement structuré.
En faisant la comparaison avec quasiment tous les autres sites de pôles d’échange du tram d’ores et déjà installés ou prévu sur le territoire de la commune de Luxembourg et des communes avoisinantes, des densités de construction beaucoup plus importantes pourraient y être dénotées, de manière quasiment récurrente.
Dès lors, le classement intervenu en l’espèce ne se trouverait pas justifié.
5En conséquence, la partie appelante conclut à un dépassement de la marge d’appréciation dans le chef des autorités communales et étatiques au niveau des délibération communale et décision ministérielle d’approbation déférées et en sollicite l’annulation.
Tant la commune que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg sollicitent la confirmation du jugement dont appel et estiment que les premiers juges ont fait une appréciation correcte et adéquate de la situation telle qu’elle s’est présentée aux moments respectifs de la prise des deux décisions en question.
Tel que le ministre l’avait déjà mis en exergue au niveau de sa décision d’approbation du PAG refondu et de sa prise de position sur réclamation des parties réclamantes, il y aurait toujours moyen, une fois qu’un projet concret serait présenté, d’adapter, le cas échéant vers le haut, les coefficients d’urbanisation actuellement critiqués par la partie appelante.
Avant de rentrer dans le détail des argumentaires déployés par les parties en cause, la Cour se rend compte qu’il lui appartient de poser un premier aiguillage en fait, compte tenu de l’évolution de la situation à l’endroit.
En effet, tel que ci-avant déjà annoncé, la continuation des lignes du tram à partir de la place de l’Etoile vers l’endroit appelé « Bâtiself » où se trouvent la parcelle litigieuse dans le présent rôle tout comme celle dans l’affaire parallèle inscrite sous le numéro 49852C du rôle, n’était évoquée à l’époque de la prise de la délibération communale d’adoption du PAG refondu de Strassen et de la décision ministérielle d’approbation afférente, toutes deux déférées, qu’à titre de potentialité non encore définitivement arrêtée à l’époque dans les documents publics disponibles.
Entre-temps, non seulement la continuation des lignes de tram vers les terrains litigieux se trouve-t-elle passablement acquise, mais encore assiste-t-on en plus à la mise en place d’un système cohérent de liaisons de lignes de tram passant fort probablement par la gare centrale vers le site « Bâtiself » sous analyse, rejoint à partir de la place de l’Etoile par une ligne de tram appelée à suivre la route d’Arlon jusqu’à l’endroit en question.
De plus, la mise en place d’un pôle d’échange à la hauteur des terrains « Bâtiself » se trouve également d’ores et déjà hautement probable.
Le ministre compétent a ainsi annoncé à plusieurs reprises le dépôt du projet de loi de financement afférent avant la fin de l’année 2024.
Ainsi, ce qui était potentialité au moment de la prise des délibération communale d’adoption du PAG refondu et décision d’approbation ministérielle afférente est devenu quasi-
certitude actuellement.
Il appert des éléments versés à la Cour que les densités de constructions prévues à travers les coefficients respectifs COS (coefficient d’occupation du sol) et DL (densité logement) ont été celles se dégageant essentiellement à partir d’une urbanisation entrevue en dehors de la connexion 6à réaliser, le cas échéant, des terrains litigieux par rapport à une future ligne de tram appelée à passer à l’endroit.
Il est constant que les plans d’aménagement sont essentiellement des documents appelés à cadrer des situations à venir servant à définir les règles urbanistiques à valoir pour les projets futurs compte tenu plus précisément de la contexture du tissu urbanisé à réaliser.
Il est communément admis qu’un plan d’aménagement général comportant la décision d’adoption communale et la décision d’approbation ministérielle ensemble les positions respectives du conseil communal et du ministre par rapport aux objections et réclamations successivement formulées constitue un acte réglementaire.
A l’instar de tous les autres actes réglementaires, le recours prévu par la loi est un recours en annulation.
Si dans le cadre d’un recours en annulation le juge saisi est amené à se placer à la date de la prise des décisions respectives d’adoption et d’approbation du PAG pour tenir compte des éléments de fait et de droit tel que se cristallisant à ces dates nécessairement situées dans le passé, la qualité intrinsèque du PAG, en tant que document de planification urbanistique destiné à rencontrer des situations futures d’ores et déjà prévisibles, doit amener le juge administratif à inclure dans son analyse également des éléments qui, aux moments respectifs des prises des décisions lui soumises, n’étaient certes pas encore définitivement acquis, mais qui revêtaient d’ores et déjà une potentialité suffisamment vérifiée pour être utilement pris en considération dans le cadre de l’adoption et de l’approbation d’un PAG.
Tel est le cas en l’espèce, au vu de l’installation fort probable, mais non définitivement vérifiée au moment de la prise de la délibération communale d’adoption du PAG refondu et de la décision ministérielle d’approbation afférente, d’une ligne de tram à l’endroit.
Or, pareil pôle d’échange qui ouvre des éléments de mobilité accrus et plus amplement déployés ne concerne plus seulement la seule ligne de tram, mais met également en corrélation les lignes d’autobus prenant leur départ et s’y voyant fixée leur arrivée à proximité de pareil pôle, de même que, dans une optique de mobilité douce, les stations à vélo.
La Cour est partant amenée à statuer en incluant dans son analyse cette donnée fondamentale de la mise en place dans un futur non trop lointain du pôle d’échange de la ligne de tram désignée à certains endroits des écritures comme étant celui du « Bâtiself ».
Or, force est de constater à la Cour, que si certes la venue du tram jusqu’à la hauteur des terrains litigieux respectivement dans le présent rôle et dans l’affaire parallèle (n° 49852C) n’était pas totalement absente dans les réflexions des décideurs de l’époque, il n’en reste pas moins que ceux-ci n’ont de toute évidence pas tenu compte dans toute son ampleur de la concrétisation de cette situation et n’ont dès lors pas inclus dans leur réflexion de l’époque l’exigence, dans le cas d’un urbanisme adéquat, de fournir la chance à un maximum de personnes potentiellement impliquées de trouver soit leur logement, soit leur endroit de fréquentation plus ou moins habituelle 7à proximité de pareil pôle d’échange correspondant en pratique à un lieu de passage privilégié et accru en nombre de personnes appelées à profiter des services amplifiés de transport public ainsi mis en place.
Tel que la partie appelante le met en exergue de façon non sérieusement contestée, il est acquis à partir des différents exemples de pôles d’échange cité tels la place de l’Etoile, Hamilius, Gare, Howald, Stade – Cloche d’Or, Hollerich et Bouillon, que par rapport aux zones de base qui sont tantôt des zones [Mix-c] et tantôt des zones [Mix-u] considérées par rapport aux PAP NQ à mettre en place dans les contextes respectifs, les coefficients précisément litigieux que sont le COS et le DL se situent largement au-dessus de ceux actuellement prévus pour les deux parties du PAP « Bâtiself » mis en place à travers le PAG adopté par la délibération communale déférée et la décision ministérielle d’approbation afférente.
Ainsi, le COS est prévu au niveau du PAP « Bâtiself - partie 1 » à hauteur de 0,70 et du PAP « Bâtiself - partie 2 » de 0,4, tandis que le DL y figure comme étant respectivement de 45 et 60. Au niveau des parcelles longeant les autres pôles d’échange précités, le COS navigue entre 1,75 correspondant à l’arrêt Bouillon au niveau du nouveau quartier de la porte de Hollerich à mettre en place, pour arriver jusqu’à 5,70 au Hamilius et se situer entre 3,30 et 4 à la Place de l’Etoile, pôle d’échange géographiquement le plus proche de celui du futur « Bâtiself ».
Pour le DL, les taux les plus bas se retrouvent à nouveau au niveau du futur projet de la porte de Hollerich, pôle d’échange Bouillon, où ils sont indiqués comme se situant entre 80 et 160 pour atteindre des seuils de 500 au niveau du Hamilius et de 400 à celui de la place de l’Etoile.
Sans devoir aller plus dans le détail, il saute aux yeux que les coefficients actuellement prévus à travers la délibération communale d’adoption du PAG refondu et la décision ministérielle d’approbation afférente, tant pour le COS que pour le DL, se situent très nettement en-dessous même des minima prévus pour un nouveau quartier tel celui de la porte de Hollerich et bien plus bas encore que celui, assez comparable, de la Place de l’Etoile.
De plus, il ne faut pas perdre de vue que le terrain litigieux sous analyse, tout comme celui de l’affaire parallèle (n° 49852C du rôle), se trouvent aux confins du territoire communal de Strassen à la lisière de celui de la Ville de Luxembourg quasiment à hauteur du croisement de la route d’Arlon avec la rue des Aubépines et la rue Federspiel. Autour de ce croisement, de manière d’ores et déjà acquise, se trouvent du côté de la Ville de Luxembourg, d’un côté, les bâtiments administratifs d’une consistance certaine actuellement occupés notamment par la CSSF et, de l’autre côté de la route d’Arlon, ceux faisant partie du complexe du Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL), actuellement en reconstruction et en voie d’atteinte d’une densité et d’une consistance toujours plus prononcées.
Dans une optique de continuité d’un territoire communal vers l’autre et de ponts urbanistiques valablement jetés de l’un à l’autre, une adaptation des coefficients dans le chef des deux parcelles litigieuses s’impose dès lors de manière assez patente.
8La partie communale soulève la question de la mise en intervention, le cas échéant, des autres propriétaires de parcelles avoisinantes pour lesquelles les mêmes coefficients ont été prévus au niveau du PAG refondu respectivement par les PAP « Bâtiself - partie 1 » et « Bâtiself -
partie 2 ».
La Cour estime qu’il convient de cadrer les procédures actuellement engagées, dans une optique d’aplanissement des difficultés, par rapport aux terrains dont le classement reste litigieux devant elle.
L’annulation à prononcer aura néanmoins pour conséquence, de manière plus globale, que la commune se repose la question des coefficients à mettre en place suivant une démarche cohérente pour l’ensemble des terrains concernés au niveau du pôle d’échange provisoirement désigné par « Bâtiself », de sorte à impliquer, en termes normaux, au-delà des terrains litigieux devant la Cour, également d’autres parcelles logées à la même enseigne, le tout dans l’optique d’un urbanisme cohérent et adéquat.
Dans ce contexte la distinction entre les parties 1 et 2 du PAP « Bâtiself » sera nécessairement à revoir également.
Il est vrai que les parties publiques avaient pressenti pareille augmentation de densité en mettant en exergue à certains endroits de la procédure que si un projet concret était présenté, une adaptation vers le haut des coefficients actuellement litigieux devait pouvoir être opérée.
Un urbanisme de qualité vit d’une prévisibilité certaine, sachant que les projets d’avenir ne se réalisent pas au lance pierre, mais nécessitent de nombreuses années de préparation.
Cette donnée basique plaide encore de manière éminente pour la mise en place réaliste, d’ores et déjà au niveau du PAG refondu, compte tenu des données ci-avant constatées, de coefficients COS et DL adaptés à la situation d’ores et déjà acquise et nettement supérieurs à ceux actuellement inscrits au niveau des actes litigieux.
Partant, le jugement dont appel encourt la réformation et le classement concernant les coefficients COS et DL pour la parcelle faisant l’objet du présent appel est appelé à encourir l’annulation de manière à permettre aux instances communales et étatiques compétentes de résorber la difficulté, parallèlement à celle se posant pour le terrain litigieux relevant du rôle 49852C également toisé par arrêt de ce jour.
L’avocat à la Cour représentant la partie étatique sollicite la distraction des dépens à son profit, affirmant en avoir fait l’avance.
Pareille distraction n’étant point prévue en matière de procédure administrative contentieuse, il y a lieu de rejeter cette demande.
9Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
déclare l’appel recevable ;
au fond, le dit également justifié ;
partant, par réformation du jugement dont appel, annule la délibération du conseil communal de Strassen du 10 mars 2020 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de Strassen et la décision d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 23 mars 2021 dans la mesure des coefficients d’utilisation du sol COS et DL concernant la parcelle de l’appelante inscrite au cadastre de la commune de Strassen, section B des Bois sous le numéro (P1) et renvoie l’affaire dans cette mesure devant le conseil communal de Strassen en prosécution de cause ;
rejette la demande en distraction des dépens de l’avocat à la Cour de la partie étatique ;
fait masse des dépens des deux instances et les impose pour moitié à la commune de Strassen et pour l’autre moitié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.
Ainsi délibéré et jugé par :
Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….
s. … s. DELAPORTE 10