GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50324C ECLI:LU:CADM:2024:50324 Inscrit le 15 avril 2024 Audience publique du 27 juin 2024 Appel formé par Madame (B), …, contre un jugement du tribunal administratif du 12 mars 2024 (n° 49057 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 50324C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 15 avril 2024 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (B), née le … à … (Biélorussie), de nationalité biélorusse, demeurant à L-… …, …, route …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 12 mars 2024 (n° 49057 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré non fondé son recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 mai 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 mai 2024 par le délégué du gouvernement pour compte de l’Etat ;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans formalités ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 11 juin 2024.
Le 15 juin 2021, Madame (B) introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».Le même jour, Madame (B) fut entendue par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Une recherche effectuée dans la base de données VISABIO révéla que l’intéressée avait précédemment été en possession d’un visa polonais valable du … 20… au … 20…, qui lui fut délivré au nom de (B), née le … à … (Biélorussie).
Toujours le 15 juin 2021, Madame (B) fut encore entendue par un agent du ministère, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après « le règlement Dublin III ».
Il ressort encore d’un rapport de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée - volet immigration, référencé sous le numéro …, du 30 juin 2021, que l’intéressée était titulaire d’un visa type … valable du … 20… au … 20…, émis par les autorités polonaises au nom de Madame (B).
En date du 30 juin 2021, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités polonaises en vue de la prise en charge de l’examen de la demande de protection internationale de Madame (B) sur base de l’article 12, paragraphe (2), du règlement Dublin III, demande à laquelle les autorités polonaises firent droit par un courrier du 21 juillet 2021.
Par décision du 24 août 2021, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministre », informa Madame (B) de sa décision de la transférer dans les meilleurs délais vers la Pologne sur base des dispositions de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 12, paragraphe (2), du règlement Dublin III, laquelle fut confirmée par un jugement du tribunal administratif du 5 octobre 2021, inscrit sous le numéro 46438 du rôle.
En date du 3 décembre 2021, le ministre refusa à Madame (B) l’octroi d’un premier sursis à l’éloignement pour motifs médicaux.
Par un courrier du 25 février 2022, les autorités polonaises informèrent les autorités luxembourgeoises de leur décision de suspendre les transferts à partir du 28 février 2022 en raison de la situation en Ukraine.
Les 25 février et 1er mars 2022, la requérante introduisit une nouvelle demande de sursis à l’éloignement pour motifs médicaux.
Le 14 avril 2022, le ministre rapporta sa décision de transfert du 24 août 2021 et informa Madame (B) la requérante de la prise en charge de sa demande de protection internationale par les autorités luxembourgeoises sur base de l’article 29, paragraphe (2), du règlement Dublin III.
Le 20 octobre 2022, Madame (B) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.Par décision du 12 mai 2023, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée expédiée le 16 mai 2023, le ministre informa Madame (B) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, ladite décision étant libellée comme suit :
« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 15 juin 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »). A noter que votre époux (D) a également introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.
Notons avant tout autre développement en cause que par décision du 24 août 2021, vous avez été informée que le Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et que vous seriez transférée en Pologne, pays responsable pour la traiter sur base du règlement « Dublin III » et qui avait accepté votre prise en charge le 21 juillet 2021. Cette décision a été confirmée par jugement du Tribunal administratif du 5 octobre 2021 (n° 46438 du rôle). Votre transfert en Pologne, prévu pour le 16 novembre 2021 a ensuite été annulé après que vous avez, à l’instar de votre époux, demandé un sursis à l’éloignement le 11 novembre 2021 pour motifs médicaux, demande refusée le 3 décembre 2021. Votre transfert prévu pour le 9 décembre 2021 a ensuite dû être annulé après que votre époux avait refusé de passer un test « Covid-19 ». Votre prochain transfert prévu pour le 10 mars 2022 a à nouveau été annulé après que vous aviez introduit une nouvelle demande de sursis à l’éloignement pour motifs médicaux les 25 février et 1er mars 2022 et après que la Pologne a décidé de ne plus accepter de tels transferts depuis le 28 février 2022 au vu de la situation en Ukraine. Le 14 avril 2022, vous avez été informée que le Luxembourg est devenu responsable de l’examen de votre demande de protection internationale après que votre transfert en Pologne n'a pas pu se faire dans les délais prévus par la loi.
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire et le rapport d’entretien « Dublin III » du 15 juin 2021, le rapport du Service de Police Judiciaire du 30 juin 2021, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 20 octobre 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande.
Il ressort des rapports du Service de Police Judiciaire que vous disposiez de visas pour la Pologne, valables du … au …. et du … au …. Vous prétendez avoir quitté la Biélorussie en début juin 2021 à bord d’un camion et que vous seriez arrivée au Luxembourg le 10 ou 11 juin 2021. Rendue attentive au fait que vous aviez initialement prétendu avoir quitté la Biélorussie en bus, vous prétendez alors avoir quitté la Biélorussie en BlaBlaCar pour gagner la Pologne via la Russie. Par la suite, vous auriez traversé la Pologne cachée à bord d'un camion. Rendue attentive au fait qu’il n’y pas de frontière entre la Russie et la Pologne vous répondez ne pas être en mesure d’expliquer comment vous auriez gagné la Pologne. Après examen de votre portable, ont pu être trouvées des photos vous montrant devant des monuments en Pologne datées du 7 au 9 juin 2021, ainsi que des photos informant sur des lignes de bus à Varsovie et la direction à prendre pour rejoindre le (F). Vous prétendez toutefois que vous auriez passé la Pologne en camion en un jour et que votre prétendu passeur aurait uniquement une fois fait une pause dont vous vous seriez servie pour prendre des photos. Comme il n’y aurait pas eu de fenêtres dans le camion, vous ne pourriez rien dire de plus sur votre trajet. Après une autre pause de camion, vous seriez partie vous laver et le conducteur serait parti sans vous 3 informer. Après avoir compris que vous vous trouveriez au Luxembourg, votre époux aurait appelé une connaissance qui y habiterait et qui vous aurait conseillés d’introduire des demandes de protection internationale. Vous auriez introduit une demande de protection internationale parce que vous auriez participé à des manifestations et pour avoir été arrêtée à deux reprises en raison de « transgressions administratives ». La première fois vous auriez été condamnée à payer …. euros, la deuxième fois ….
euros. Vous auriez par la suite été licenciée de votre travail, voire, vous n’auriez plus été apte à travailler et il vous serait impossible de trouver un autre travail en Biélorussie. Vous prétendez en outre avoir reçu des coups de la part de policiers et avoir été privée de soins.
Il ressort du rapport d’entretien que vous signalez être originaire de ……, où vous auriez dernièrement vécu avec votre époux que vous auriez marié le … dans cette même ville. Vous auriez par le passé travaillé comme … et …. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez de vous faire condamner à une peine de prison.
Vous seriez issue d’une famille qui n’aurait jamais soutenu la politique de Lukaschenko en précisant que votre père aurait été membre depuis 1993 de l’organisation « Weissrussische Volksfront » et qu’il aurait participé à des manifestations. Vous vous rappelez qu’en tant qu’enfant vous auriez une fois récité des poèmes en public devant un drapeau blanc-rouge-blanc jusqu’à ce que votre père ne vous ait demandé de plus le faire en 1996. Vous auriez en outre participé à des manifestations dont celles de 2010 et de 2016, mais ça ne serait qu’à partir de 2020, que vous auriez été « komplett wachgerüttelt » (p. 5 du rapport d’entretien). Vous prétendez avoir participé à toutes les manifestations qui auraient eu lieu à … Le 18 septembre 2020, vous auriez été arrêtée avec 1500 à 2000 autres manifestants sous prétexte d’avoir causé un trouble à l’ordre public et pour avoir porté un brassard aux couleurs blanc-rouge-blanc. Pendant dix jours, vous auriez été placés à vingt-cinq dans une cellule destinée à quatre personnes et notamment privés de produits d’hygiène ou d’insuline dont vous auriez besoin. Votre deuxième arrestation aurait eu lieu le 26 octobre 2020 dans le cadre d’une manifestation organisée suite à l’assassinat du dénommé (C) durant laquelle vous auriez été présente comme … pour vous occuper des blessés. Vous auriez été arrêtée pour avoir porté un brassard blanc contenant une croix rouge. Etant donné que vous auriez résisté [à] votre arrestation, vous auriez reçu deux coups dans l’abdomen et seriez convaincue que vous auriez alors souffert d’une hémorragie interne mais la gynécologue consultée après votre libération aurait « uniquement » diagnostiqué un saignement utérin. Vous auriez à nouveau été placée dans des conditions similaires et gardée en détention pendant cinq jours. Vous précisez que votre histoire se terminerait là et que vous auriez depuis débuté votre « réhabilitation » (p. 6 du rapport d’entretien). Après votre deuxième libération, vous auriez passé votre temps à la maison. En raison de votre prétendue incapacité de travailler, vous auriez toutefois perdu votre emploi et n’auriez par la suite plus réussi à en trouver un autre vu votre casier judiciaire et votre activisme. Vous n’auriez que difficilement pu rechercher du travail dans une autre branche que la médecine, d’autant plus que vous souffririez de … ce qui serait perçu comme problématique en Biélorussie.
Vous ajoutez qu’en date du 21 août 2022, une nouvelle loi serait entrée en vigueur aux termes de laquelle les réfugiés politiques risqueraient de se faire condamner sur base de 48 articles différents.
Vous auriez en outre lu que des Biélorusses séjournant à l’étranger, en tentant de rentrer chez eux, auraient été arrêtés à la frontière à cause de leur participation à des manifestations. Les Biélorusses qui quitteraient le pays risqueraient en plus de se faire déchoir de leur nationalité. Enfin, vous prétendez être abonnée à plusieurs canaux sur Instagram perçus comme étant extrémistes en Biélorussie et que vous risqueriez par conséquent une arrestation si votre portable devait être examiné lors de votre retour dans le pays. Suite à votre libération, vous auriez pris le choix de quitter votre pays mais y auriez finalement encore séjourné pendant huit mois parce que vous auriez voulu attendre votre visa et épargner de l’argent.
A l’appui de votre demande de protection internationale, vous versez les pièces suivantes :
4 -
Un témoignage qui aurait été écrit par votre père le 17 juillet 2022, informant que des personnes se présenteraient à lui pour signaler que vous et votre époux seriez convoqués à un commissariat de police, voire, auprès de la « Untersuchungshaft » pour une « discussion » (p. 6 du rapport d’entretien). Vous prétendez que les autorités biélorusses seraient toujours à votre recherche, après vous avoir pourtant libérée à deux reprises, pour maintenir la pression psychologique, pour vous intimider et parce que « sie wollen einfach dass die Fachkräfte im Land bleiben und wir wie Ameisen oder Roboter unsere Funktion ausüben » (p. 7 du rapport d’entretien) ;
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des photos et vidéos qui montreraient votre participation à des manifestations en Biélorussie, deux photos vous montrant en tant qu’enfant devant un drapeau blanc-rouge-blanc ainsi que des photos et vidéos montrant des scènes de manifestations ;
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votre acte de mariage conclu le …. 20.. et versé le …. 20… 2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant à la crédibilité de votre récit Avant tout autre développement, je suis amené à remettre en cause la crédibilité de votre récit, alors que celui-ci est truffé de contradictions et d'incohérences.
Il y a lieu de rappeler dans ce contexte qu’il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d’un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l’administration en mesure de saisir l’intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l’analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d’évaluation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé d’une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.
Force est toutefois de constater que vos motifs de fuite doivent être réfutés alors qu’il est établi que vos réponses données dans le cadre de vos entretiens respectifs ne sont pas sincères. En effet, dès le début de votre procédure d’asile il est établi que vous avez pris le choix de ne pas répondre honnêtement aux questions vous posées en voulant faire croire que vous auriez dû fuir votre pays d’origine en juillet 2021 et que vous auriez alors passé la Pologne en un jour cachée à bord d’un camion. En effet, l’examen de votre portable et de celui de votre époux a permis de démontrer que votre récit ne colle aucunement à la réalité et que vous avez tenté de cacher votre véritable vécu. Ainsi, il est établi qu’avant de venir au Luxembourg, vous ainsi que votre époux étiez détenteurs de visas de longue durée émis par la Pologne et non pas seulement d’un visa touristique comme vous voulez le faire croire, tout comme il est établi que vous n’avez manifestement pas passé la Pologne en un jour cachée dans un camion, en tentant de manière évidemment non convaincante de justifier lesdites photos trouvées par le fait que vous auriez profité d’une petite pause en Pologne pour prendre quelques photos.
5 En effet, au vu des visas et des photos trouvées, datant de plusieurs jours différents, il est établi que vous avez passé beaucoup plus de temps en Pologne que vous ne voulez le faire croire, moyennant un visa vous permettant notamment d’y travailler et que vous y aviez fait du tourisme, notamment à Varsovie, avant de vous décider de venir introduire des demandes de protection internationale au Luxembourg. Sur base de ces constats et de votre non sincérité sur ce sujet, il doit être retenu que vous vous trouviez en fait en Pologne pendant beaucoup plus de temps que vous ne l’avez prétendu, voire, que vous aviez travaillé en Pologne avant de vous décider à venir au Luxembourg, de sorte que votre récit tournant autour de votre vécu allégué précédant votre prétendue « fuite » de la Biélorussie doit évidemment être réfuté. Ce constat vaut d’autant plus que vous n’auriez évidemment pas eu besoin de demander un visa de longue durée pour la Pologne, si comme vous le prétendez, vous n’auriez prévu que de passer ce pays en un jour cachée à bord d’un camion.
Le constat que vous ne jouez manifestement pas franc jeu avec les autorités desquelles vous souhaitez vous faire accorder une protection internationale se trouve davantage confirmé par de nombreuses autres incohérences ou contradictions ressortant de vos dires.
Ainsi on peut noter qu’il n’est pas cohérent non plus qu’une personne qui serait réellement persécutée ou qui craindrait d’être persécutée par les autorités de son pays d’origine et qui serait véritablement à la recherche d’une protection internationale, décide de quitter son pays de manière officielle en choisissant de demander un visa et d’attendre sans réelle raison encore huit mois chez elle, plutôt que de tout simplement fuir le pays. Force est d’ailleurs de constater que vous semblez clairement avoir compris ce dilemme ou cet illogisme à la base de votre demande de protection internationale, alors que vous développez la théorie non convaincante selon laquelle « Vous nous demandez pourquoi nous aurions demandé un Visa D polonais pour y entrer clandestinement. Nous avons planifié notre départ assez longtemps mais la situation là-bas change très rapidement. Nous avons donc été forcé de quitter directement » (rapport du Service de Police Judiciaire). Cette théorie doit en effet être réfutée pour être dénuée de sens alors qu’après votre prétendue libération en octobre 2020, plus rien ne vous serait arrivé pendant les huit prochains mois jusqu’à votre prétendu choix en juillet 2021, de quitter la Biélorussie de manière officielle. En effet, il ressort clairement de vos dires que vous auriez passé votre temps à la maison, voire, en recherchant du travail et que vous auriez tout simplement attendu votre visa. Vos tentatives d’explication de possession de ce visa polonais de longue durée ne tiennent donc pas la route de sorte qu’il faut évidemment en venir à la conclusion que vous cachez aux autorités luxembourgeoises des éléments essentiels de votre vécu et qui seraient importants et pertinents dans le cadre de l’analyse de votre demande de protection internationale. Force est par ailleurs de constater que votre tentative d’explication supplémentaire selon laquelle « Wir haben uns auf diesen Schritt vorbereitet. Wir mussten ja gültige Visen haben, wir haben auch Geld angespart » (p. 10 de votre rapport d’entretien) ne permet manifestement pas de donner plus de sens à vos dires, si comme vous le prétendez, vous auriez passé la Pologne en un seul jour cachée dans un camion.
Dans le cadre de ces incohérences, il s’agit en outre de soulever que vous développez vous-même la théorie selon laquelle vous ne pourriez plus jamais retrouver un travail en Biélorussie dans le monde médical à cause de votre prétendue participation à des manifestations et casier judiciaire. Vous prétendez de même que la clinique dans laquelle vous auriez travaillé aurait dû fermer pendant quelques semaines pour examiner le dossier de chaque employé « auf ihre „korrekte Einstellung” zu überprüfen. Alle, die in irgendeiner Form gegen die heutige Regierung waren, wurden rausgeschmissen » (p. 6 de votre rapport d‘entretien). Etant donné que selon vos dires, les autorités n’auraient donc manifestement plus 6 eu la volonté de vous faire travailler dans le monde médical biélorusse, il n’est pas non plus intelligible que vous prétendez en même temps que vous n’auriez pas pu quitter votre pays officiellement alors que « sie wollen einfach dass die Fachkräfte im Land bleiben und wir wie Ameisen oder Roboter unsere Funktion ausüben » (p. 7 du rapport d'entretien). En se tenant à vos dires concernant vos soucis professionnels, vous n’auriez donc manifestement pas été obligée de travailler comme un « robot » en Biélorussie, bien au contraire, on vous aurait apparemment fait comprendre qu’on n’aurait plus besoin de vous.
Au vu de tout ce qui précède, il doit en tout cas être conclu qu’après avoir reçu vos visas, vous et votre époux avez quitté la Biélorussie de manière officielle, pour aller vous installer pendant un temps en Pologne et que vous avez par la suite décidé de faire part d'un récit inventé de toutes pièces et de vous défaire de vos passeports, respectivement de les cacher, dans le cadre de vos demandes de protection internationale introduites au Luxembourg afin de ne pas permettre aux autorités desquelles vous souhaitez obtenir une protection de pouvoir retracer votre vécu, respectivement, de pouvoir comparer votre récit avec votre réel vécu.
Que vous ne craigniez rien des autorités biélorusses est davantage confirmé par votre mariage officiel, conclu auprès des autorités de … en …., alors que vous prétendez craindre ces mêmes autorités depuis vos prétendues arrestations en septembre et octobre 2020. Il n’est dans ce même contexte manifestement pas crédible non plus que les autorités biélorusses, qui vous auraient libérée en octobre 2020 et vous auraient depuis laissée vivre votre vie de façon désinvolte et se seraient totalement désintéressées de vous, auraient commencé, comme par hasard, immédiatement à vous rechercher et à vous convoquer après que vous auriez quitté le pays huit mois plus tard. Le fait que vous tentez de justifier cette recherche et les convocations que vous et votre époux auriez reçues par le constat susmentionné selon lequel les autorités biélorusses voudraient faire pression sur vous alors qu’elles ne voudraient pas que les « Fachkräfte » quittent le pays, ne permet évidemment pas non plus de donner plus de poids ou de sens à vos dires et vos prétendus soucis.
Pour être complet sur ce constat, notons que vous êtes aussi restée en défaut de verser des pièces qui permettraient de corroborer vos dires concernant votre passé professionnel et votre prétendu licenciement, voire, votre démission, respectivement, que vous devriez être perçue comme une « Fachkraft » dont les autorités biélorusses ne voudraient ou ne pourraient pas s’en priver. Il reste en outre totalement incompréhensible que vous voulez dans ce même contexte faire croire que vous n’auriez pas pu rechercher un travail en Biélorussie dans une autre branche que le médical ce d’autant plus que vous souffririez de ….. ce qui serait perçu comme « problématique » dans votre pays. En effet, si cette supposée problématique ne vous aurait par le passé pas empêchée de trouver un travail dans une branche sensible comme la médecine, il reste incompréhensible en quoi elle vous empêcherait de travailler dans n’importe quel autre secteur.
Force est par ailleurs de constater que les autorités biélorusses ont encore émis un nouveau passeport à votre époux après votre mariage de …, alors que le visa lui accordé par la Pologne sur base de son passeport contient déjà votre nom de famille qu’il aurait adopté depuis. Votre couple ne se trouve donc clairement pas dans le collimateur des autorités, alors que notamment des personnes recherchées ou visées en raison de procédures pénales ou de poursuites civiles n’ont pas le droit de quitter le pays et ne se voient donc logiquement pas non plus émettre de titre de voyage. Rappelons dans ce contexte que votre époux avait prétendu, comme vous, avoir pris part auxdites manifestations depui s le début des « Unruhen », donc depuis août 2020.
7 Concernant les incohérences ressortant de vos dires, soulevons encore que vous débutez votre récit en expliquant que vous auriez participé à « toutes les manifestations » qui auraient eu lieu à …, de sorte que vous voulez clairement vous présenter comme une fervente militante ou activiste. Or, il ressort par la suite tout aussi clairement de vos dires, qu’après avoir prétendument été arrêtée en septembre 2020 : « Natürlich hatte ich Angst gehabt. Ich habe an den Demonstrationen auch nicht mehr im klassischen Sinne teilgenommen. Bei meiner zweiten Festnahme war ich dort mit einem anderen Ziel und zwar als medizinische Fachkraft. Ich wollte bloβ den Menschen helfen, die zusammengeschlagen am Straβenrand lagen » (p. 8 du rapport d’entretien), de sorte à clairement devoir corriger l’image d’une fervente militante ayant participé à toutes les manifestations.
Dans ce contexte, il échet en outre de constater que ni les photos non datées versées, ni les vidéos non datées versées ne permettent de retenir que vous auriez participé à plusieurs manifestations en Biélorussie et surtout pas à toutes celles qui auraient eu lieu à …, ni que vous auriez accompagné le train des manifestants en tant qu’… pour vous occuper des blessés.
En effet, pour ce qui est de votre prétendue participation à des manifestations, soulevons qu’il n’existe finalement qu’une seule photo vous montrant au sein d’une manifestation avec deux copines dont une qui porte un drapeau blanc-rouge-blanc à …, trois autres photos vous montrent assise avec une copine en étant éloignée d’une manifestation et une dernière photo vous montre habillée en noir avec une copine. Aucune des photos versées ne vous montre en tout cas lors d’une quelconque manifestation à laquelle vous auriez participé à … en tant que militante, voire, une manifestation quelconque à laquelle vous auriez participé en tant qu’… Le constat est identique pour ce qui est des vidéos versées, alors qu’uniquement une vidéo de quelques secondes vous concerne lorsque vous avez filmé autour de vous, en étant habillée en noir. Pour ce qui est du reste des photos et vidéos versées, celles-ci ne vous concernent pas mais constituent des pièces que vous vous êtes procurées de manière inconnue et représentant des scènes dans un lieu et à une date inconnue. Soulevons finalement quant aux pièces versées que trois quarts de ces photos et vidéos transmises sous forme d’un fichier sur clé USB ont été modifiées le 16 juin 2021, le jour suivant l’introduction de votre demande de protection internationale tandis que les fichiers restants auraient été modifiés en juillet 2022, quelques jours avant l’entretien de votre époux concernant ses motifs de fuite.
Pour ce qui du manque de réel activisme ou militantisme dans votre chef on peut encore ajouter à toutes fins utiles que vos différents comptes sociaux n’en témoignent pas non plus, ne présentent aucune prise de parole de votre part et ne permettent même pas de retenir un quelconque intérêt pour la politique ou des événements concernant votre pays d’origine.
Concernant ce manque de preuves quant à un quelconque activisme dont vous auriez fait preuve en Biélorussie, notons aussi que vous êtes restée en défaut de verser une quelconque pièce qui permettrait de corroborer vos dires en relation avec vos prétendues activités sur des plateformes digitales ou réseaux sociaux qui seraient perçues comme étant extrémistes en Biélorussie. Dans ce même contexte on peut ajouter que vous êtes aussi restée en défaut de verser une preuve quelconque quant aux arrestations et incarcérations que vous auriez subies à cause de votre participation à des manifestations, voire, les amendes ou « transgressions administratives » de … euros et de …. euros prononcées contre vous et que vous auriez payées grâce à l’aide de votre famille. Vous n’avez en outre pas jugé utile de verser le certificat médical qui aurait été dressé après votre incarcération et qui aurait retenu que vous auriez souffert d’une hémorragie interne.
Quoi qu’il en soit, étant donné qu’au vu de tout ce qui précède et surtout du fait que votre vécu antérieur à votre arrivée au Luxembourg ne correspond en tout cas pas à vos dires, il est évident qu’aucune crédibilité ne saurait être accordée à vos déclarations supplémentaires concernant vos prétendus motifs à la base de votre demande, alors qu’il est 8 donc établi que vous avez décidé de ne pas recourir à des réponses sincères dans le cadre de votre recherche d’une protection internationale, respectivement, de vouloir induire en erreur les autorités luxembourgeoise.
Partant, votre récit n’étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.
Quand bien même une once de crédibilité devrait être accordée à vos dires, ce qui reste contesté, aucune suite positive à votre demande de protection internationale ne saurait être envisagée sur base des motifs étayés ci-dessous.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée la « Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ». L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Soulevons en premier lieu au vu des constats qui précèdent, qu’il paraît établi que seuls des motifs économiques, d’ordre médical ou de convenance personnelle fondent votre demande de protection internationale, demande que vous étoffez avec un récit tournant autour d’un prétendu activisme politique et d’arrestations dans le but de rendre votre histoire plus dramatique et ainsi augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.
Que des motifs économiques, médicaux ou de convenance personnelle fondent votre demande de protection internationale - à l’instar de celle de votre époux - se trouve notamment confirmé par le constat qu’après vos prétendues arrestations ou condamnations à payer des amendes, vous auriez décidé de rester vivre encore pendant huit mois en Biélorussie, huit mois au cours desquels vous ne faites état d’un quelconque souci impliquant les autorités, mais que vous auriez simplement passés à la maison, en recherchant en vain un travail après que vous vous seriez sentie obligée de démissionner de votre travail, voire que vous auriez été licenciée. Il paraît par ailleurs établi que vous auriez vécu dans une situation financière précaire étant donné que vous précisez sur votre fiche de motifs manuscrite avoir uniquement été en mesure de payer lesdites amendes grâce à l’aide de votre famille.
A cela s’ajoute que vous faites donc part de soucis médicaux et que vous aviez à l’instar de votre époux refusé de voir la Pologne examiner votre demande de protection internationale en avançant des problèmes de santé dans le cadre de votre demande d’un sursis à l’éloignement introduite au Luxembourg. Rappelons que vous aviez dans ce contexte saboté ensemble avec votre époux votre transfert en Pologne, Etat retenu comme étant compétent pour le traitement de votre 9 demande de protection internationale suivant une décision ministérielle de surcroît confirmée par un jugement des autorités judiciaires. Or, une personne réellement à la recherche d’une protection, d’une part, introduit une demande de protection internationale dans le premier pays sûr qu’elle atteint, en l’occurrence la Pologne, d’autre part, ne s’oppose pas aux décisions prises par les autorités administratives et judiciaires qui ne lui conviennent pas.
Un tel comportement ne correspond clairement pas à celui d’une personne qui aurait été forcée à quitter son pays à la recherche d’une protection internationale et qui aurait évidemment été reconnaissante de pouvoir bénéficier de la protection offerte notamment par la Pologne, mais votre façon de procéder correspond à pratiquer du asylum shopping en soumettant votre demande dans l’Etat membre qui, vous pensez, satisfera au mieux vos attentes, notamment en termes médicaux.
Quoi qu’il en soit, des motifs économiques, médicaux ou de convenance personnelle ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié alors qu’ils ne rentrent nullement dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d’être persécutée à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.
Quant à vos motifs concernant vos prétendues craintes de retourner en Biélorussie parce que vous craindriez d’être recherchée par les autorités et de vous faire condamner à une peine de prison, il faut soulever au vu des constats qui précèdent, que ces craintes, à les supposer réelles, ce qui n’est pas le cas, devraient être définies comme étant totalement hypothétiques ou infondées. Ce constat vaut d’autant plus qu’après avoir prétendument été libérée en octobre 2020 « Weil die mir angehängte Straffrist abgelaufen war » (p. 7 du rapport d’entretien), respectivement, après avoir été condamnée à payer deux amendes de … et de … euros, vous seriez tout simplement restée à la maison pendant les huit prochains mois, sans jamais avoir été embêtée ou inquiétée d’une quelconque façon par qui que ça soit et manifestement aussi sans être recherchée par les autorités. Vous laissez par ailleurs de prouver par une pièce quelconque que vous seriez recherchée en Biélorussie.
Le constat est identique quant à vos prétendues craintes supplémentaires selon lesquelles vous craindriez aussi de vous faire condamner en Biélorussie alors que les « réfugiés politiques » risqueraient désormais de s’y faire condamner sur base de 48 articles différents. Hormis les considérations concernant le manque de crédibilité de l’ensemble de vos dires, vous ne sauriez manifestement pas vous imputer la qualité de « réfugié politique » alors qu’aucun procès n’aurait jamais été tenu contre vous en Biélorussie et que vous auriez quitté votre pays de manière officielle après avoir attendu votre visa de longue durée pour la Pologne. Il en est d’ailleurs de même de vos prétendues craintes additionnelles qui seraient basées sur le fait que vous auriez entendu que des Biélorusses, en tentant de rentrer en Biélorussie, auraient été arrêtés à la frontière à cause de leur activisme, ainsi que sur le fait que des Biélorusses qui quitteraient le pays risqueraient de se faire déchoir de leur nationalité.
En effet, ces allégations doivent dans leur ensemble être définies comme étant totalement hypothétiques, voire, non fondées, et ne permettent à elles seules manifestement pas non plus de retenir que vous remplissiez les conditions prévues par la loi pour vous faire octroyer le statut de réfugié.
Enfin, cette conclusion vaut aussi pour ce qui est de vos prétendues craintes en rapport avec votre prétendu activisme sur les réseaux sociaux, respectivement, vos prétendus abonnements à plusieurs canaux Instagram qui seraient perçus comme extrémistes en Biélorussie et à cause desquels vous risqueriez une arrestation si votre portable devait être 10 examiné lors de votre retour dans votre pays d’origine. En effet, rappelons que vous restez en défaut de prouver ce prétendu activisme en ligne par des preuves quelconques et que même à supposer que vous vous seriez après coup réellement abonnée à des chaînes sur Instagram, cela ne ferait toujours pas de vous une activiste. Ajoutons à titre totalement hypothétique que si vous craigniez vraiment de vous faire arrêter à la frontière si votre portable était contrôlé par les autorités et que vous seriez réellement abonnée à des canaux « extrémistes », ce qui reste contesté, il vous suffirait donc de changer de portable avant de retourner chez vous ou de simplement supprimer tout contenu et tout abonnement que vous estimeriez pourraient être perçus comme extrémistes par les autorités biélorusses.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi. Or, en l’espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.
Outre les conclusions ci-dessus retenues quant aux doutes manifestes relatifs à la crédibilité de vos déclarations, il y a encore lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour en Biélorussie, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.
En effet, vous omettez d’établir qu’en cas de retour en Biélorussie, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Votre seule allégation vague et non circonstanciée selon laquelle vous craindriez de vous faire condamner à une peine de prison doit en tout cas être définie comme étant totalement hypothétique et ne saurait pas suffire pour retenir l’existence d’un risque réel dans votre chef d’être victime d’une atteinte grave telle que définie par l’article 48 précité.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
11 Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.
Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Biélorussie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2023, Madame (B) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 12 mai 2023 par laquelle elle s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et portant à son égard ordre de quitter le territoire.
Par un jugement du 12 mars 2024, le tribunal déclara non fondé le recours en réformation, en rejoignant en substance la conclusion du ministre ayant remis en question la crédibilité du récit de Madame (B), la débouta de son recours dirigé contre le refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire et la condamna aux frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 15 avril 2024, Madame (B) a régulièrement relevé appel de ce jugement du 12 mars 2024.
Arguments des parties A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante critique de prime abord les premiers juges pour avoir confirmé le constat du ministre selon lequel son récit n’est pas crédible.
Pour appuyer son argumentation, elle reprend exactement les mêmes explications que celles d’ores et déjà développées dans sa requête introductive de première instance et résumées par le tribunal dans son jugement du 12 mars 2024 et concernant (i) le reproche selon lequel elle avait menti quant à la durée de son séjour en Pologne, (ii) celui qu’elle aurait séjourné en Pologne pendant un temps beaucoup plus long durant lequel elle aurait travaillé avant de venir au Luxembourg, (iii) la considération selon laquelle elle avait voulu quitter son pays de manière officielle en choisissant de demander un visa et d’avoir attendu sans réelle raison encore huit mois au lieu de tout simplement quitter immédiatement son pays d’origine, (iv) le reproche qu’il serait invraisemblable que les autorités biélorusses l’aient soudainement recherchée après son départ de son pays d’origine, alors qu’elle y avait passé huit mois après les incidents qu’elle a relatés sans y être inquiétée, (v) l’absence de preuves confirmant son activité professionnelle, (vi) le fait que les autorités biélorusses avaient émis un nouveau passeport à son époux après leur mariage en …, ce dont le ministre a déduit que le couple ne se trouvait pas dans le collimateur des autorités et (vii) la mise en doute de sa qualité de militante au regard de ses propres déclarations faites lors de son entretien et le défaut de preuve concernant l’activisme affirmé.
Au-delà de la simple réitération des mêmes arguments que ceux développés dans la requête introductive de première instance, l’appelante affirme qu’elle verserait en cours de procédure la traduction officielle du document d’ores et déjà remis au ministre concernant la preuve de son activité professionnelle en Biélorussie.
Pour le surplus, elle critique de façon générale la conclusion des premiers juges à propos de la crédibilité de son récit, en rappelant les principes dégagés par les lignes directrices du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) à propos de l’évaluation de la crédibilité d’undemandeur de protection internationale, tout en soulignant que la situation spécifique de personnes traumatisées devrait être prise en compte. Elle se prévaut encore d’une note du HCR concernant la charge de la preuve et les critères d’établissement de la preuve, faisant également référence à des expériences traumatisantes d’un demandeur de protection internationale. Dans ce contexte, elle invoque un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) du 22 novembre 2012, dont elle déduit l’importance de la coopération de l’Etat d’accueil avec le demandeur d’asile, et elle souligne qu’il appartiendrait à l’Etat d’accueil de veiller à ce que des informations précises et actualisées soient obtenues sur la situation générale existant dans le pays d’origine du demandeur de protection internationale.
L’appelante poursuit qu’il conviendrait de tenir compte de la vulnérabilité du demandeur d’une protection internationale et des difficultés pratiques et psychologiques auxquelles il pourrait être confronté lorsqu’il s’agit d’établir ses craintes et de réunir des preuves. Il faudrait en l’occurrence tenir compte des conditions d’accueil, de l’état physique et mental du demandeur de protection internationale, de son niveau de scolarité, de son isolement, de sa maîtrise des langues et de l’absence de moyens financiers afin d’évaluer son aptitude à réunir les preuves à la base de sa demande de protection internationale et de les exprimer de manière complète. Dans ce contexte, l’appelante se prévaut encore de jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme à propos des conditions d’accès des demandeurs d’asile aux procédures de détermination de ce statut.
Sur base de ces considérations, l’appelante critique les premiers juges pour ne pas avoir considéré à suffisance les éléments de preuve versés par elle et notamment la photo confirmant sa présence à l’occasion d’une manifestation regroupant des opposants au régime, tout en soulignant qu’eu égard à la pression exercée par les autorités biélorusses, il serait difficile pour les opposants biélorusses de se procurer des éléments de preuve quant à leur militantisme.
Dans ce contexte, l’appelante reproche aux premiers juges d’avoir fait preuve d’une exigence excessive quant à la charge de la preuve en fondant leur décision sur le simple doute. Comme les incohérences relevées par les premiers juges ne porteraient pas sur des éléments essentiels visant à déterminer le droit à une protection internationale, le doute devrait lui profiter.
Pour le surplus, l’appelante prend position par rapport au bien-fondé de sa demande de protection internationale.
Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, l’appelante se prévaut du principe de non-refoulement et affirme qu’en conséquence de la réformation du refus d’octroi d’une protection internationale, l’ordre de quitter le territoire devrait être réformé à son tour.
Le délégué du gouvernement sollicite la confirmation du jugement entrepris et se rallie aux conclusions du tribunal.
Analyse de la Cour La Cour relève que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub f), 2 sub h), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que doit être considérée comme réfugié toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
14 La Cour relève que dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite point à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile, la crédibilité du récit de ce dernier constituant, en effet, un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut. Sous cet aspect, les premiers juges se sont à bon escient référés à l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015 et aux conclusions qu’il convient d’en déduire, à savoir que le demandeur de protection internationale ne peut bénéficier du doute qu’à condition que son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance, alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves.
En l’espèce, l’appelante fait état de craintes de persécutions, respectivement d’atteintes graves en raison de sa participation à des manifestations en Biélorussie et affirme avoir été arrêtée à deux reprises lors de telles manifestations et être recherchée de ce fait par les autorités policières biélorusses depuis qu’elle a quitté son pays d’origine.
Le ministre a remis en question la réalité de ce récit et des craintes en déduites par l’appelante et a en substance retenu que l’appelante a en réalité quitté la Biélorussie de façon officielle pour s’installer pendant un certain temps en Pologne d’où elle a poursuivi par après son chemin vers le Luxembourg sur base d’un récit inventé.
La Cour partage entièrement et fait sienne l’analyse pertinente et détaillée faite par les premiers juges des incohérences et invraisemblances relevées par le ministre et qui l’ont conduit à considérer le récit de l’appelante comme globalement non crédible, à savoir (i) les versions manifestement divergentes quant à son mode de fuite de son pays d’origine, l’appelante admettant d’ailleurs avoir menti sur ce point, (ii) l’incompatibilité de son comportement avec une personne réellement persécutée, pour avoir demandé un visa pour quitter de façon officielle son pays et pour avoir néanmoins attendu sans raison valable plusieurs mois au lieu de fuir immédiatement, (iii) l’absence de procédure en cours au moment où elle a quitté son pays d’origine et le fait que les démarches administratives diligentées auprès des autorités biélorusses ont pu être faites sans qu’elle ait été inquiétée, (iv) l’absence de pièces quant à son activité professionnelle, (v) le défaut de crédibilité de l’activisme politique allégué et l’absence de preuves convaincantes et (vi) l’absence de preuves de pressions prétendument subies par les autorités biélorusses.
A titre complémentaire, la Cour relève que s’il peut être admis que des déclarations lacunaires en ce qui concerne le trajet proprement dit d’un demandeur de protection internationale n’affectent pas nécessairement la crédibilité du récit à la base de sa demande de protection internationale, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, les déclarations mensongères de l’appelante en ce qui concerne les conditions dans lesquelles elle a transité la Pologne et la durée de son séjour dans ce pays, mises en relation avec les autres incohérences et invraisemblances, sont de nature à impacter de façon sérieuse la crédibilité globale de ses explications. Sous cet aspect, les déclarations mensongères de l’appelante sur la durée et sur les conditions de son séjour en Pologne ne font que confirmer les doutes du ministre sur la question de savoir si elle a dévoilé au ministre l’ensemble de son vécu.
Globalement, la Cour relève qu’il n’est pas crédible que l’appelante qui (i) n’a fait état, que ce soit en première instance ou en instance d’appel, d’aucun élément qui permettrait de retenir qu’elle avait une activité politique dans son pays d’origine à tel point affirmée qu’elle se serait trouvée dans le viseur des autorités de son pays d’origine, (ii) après avoir été libérée après une arrestation en octobre 2020, n’a par la suite plus jamais été inquiétée par les autorités de son pays jusqu’à son départ en juin 2021, (iii) durant la même époque a pu entreprendre des démarches administratives toujours sans être inquiétée (iv) n’a pas non plus fait état de la poursuite d’une activité politique qui pourrait faire en sorte qu’elle est rentrée dans le collimateur des autorités biélorusses, soit soudainement recherchée par les autorités policières dès qu’elle a quitté son pays et ce avec un acharnement tel que la police se serait présentée en moyenne deux fois par mois chez son père, voire l’appellerait de façon régulière.
S’agissant plus particulièrement de la réalité de son activisme politique, la Cour relève non seulement les déclarations contradictoires de l’appelante dans la mesure où elle déclare tantôt avoir été active au niveau politique, tantôt ne plus avoir pris part à des manifestions, mais encore le fait qu’elle ne fournit aucun élément tangible permettant de confirmer la réalité de ce prétendu activisme. Bien au contraire, la partie étatique a relevé, sans que cela ne soit contesté par l’appelante, que la consultation des réseaux sociaux par les services du ministère n’a pas permis de dégager que l’appelante ait eu un engagement politique particulier puisque ces réseaux ne présentent aucune prise de parole ou un quelconque signe d’un intérêt pour la politique de son pays d’origine. Le ministre n’a pas non plus pu trouver de traces qui permettraient de corroborer les dires de l’appelante en relation avec ses activités sur des plates-
formes perçues comme extrémistes en Biélorussie, alors que pourtant elle a déclaré ne pas avoir quitté son pays d’origine de façon officielle par peur que son portable puisse être consulté et que de telles activités puissent être découvertes.
S’il est vrai qu’en instance d’appel, l’appelante a produit une traduction de son diplôme qui n’était pas à la disposition des premiers juges, la Cour retient néanmoins que cette pièce à elle seule n’est pas de nature à énerver l’ensemble des interrogations du ministre quant à la réalité du récit. A cet égard, la Cour rejoint encore le ministre dans son constat que l’appelante a donné des explications contradictoires quant à l’incidence de sa profession, en ce qu’elle a tantôt déclaré ne pas avoir trouvé de travail comme … tantôt que les autorités biélorusses empêcheraient le personnel médical, jugé comme important pour le pays, de quitter la Biélorussie.
Enfin, s’agissant des développements de l’appelante quant aux lignes directrices du HCR à propos de l’examen de la crédibilité du récit et des éléments qu’il conviendrait de prendre en compte, la Cour rappelle les dispositions l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015 selon lesquelles le bénéfice du doute ne peut jouer qu’en cas de récit cohérent, ce qui n’est justement pas le cas en l’espèce. Par ailleurs, l’appelante se limite à citer de façon générale les lignes directrices, sans expliquer concrètement en quelle mesure elle serait concernée par les critères qu’elle énumère.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est pour de justes motifs que les premiers juges ont confirmé le constat du ministre d’un défaut de crédibilité du récit de l’appelante.
Le récit de l’appelante étant jugé comme non crédible, il devient surabondant d’examiner ses contestations, d’une part, quant aux conditions d’octroi du statut de réfugié et, d’autre part, quant à celles d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, étant relevé que par rapport à la protection subsidiaire, l’appelante se prévaut exclusivement d’un risque de subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 48, point b), de la loi du18 décembre 2015 et ne fait état ni d’un risque de subir la peine de mort ou l’exécution au sens du point a) de cette disposition, ou encore des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens du point c) de cette même disposition. En effet, le constat d’un défaut de crédibilité du récit et par suite d’un défaut de sérieux des craintes est à lui seul suffisant pour confirmer le refus d’octroi d’une protection internationale.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que les premiers juges ont confirmé le ministre pour avoir refusé de faire droit à la demande de protection internationale de l’appelante.
Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelante le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.
En ce qui concerne le moyen fondé sur le principe du non-refoulement, à admettre que l’appelante ait entendu l’invoquer à titre autonome, la Cour relève qu’au regard de ce qui vient d’être retenu par rapport au sérieux des craintes de l’appelante en cas de retour dans son pays d’origine, son récit étant non crédible et partant ses craintes n’étant pas vérifiées, et à défaut d’autres éléments, la Cour n’entrevoit pas en quoi le principe du non-refoulement n’ait pas été respecté en l’espèce.
Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que le jugement du 12 mars 2024 est à confirmer et que l'appelante est à débouter de son appel.
PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 15 avril 2024 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante, partant, confirme le jugement entrepris du 12 mars 2024, condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. SPIELMANN 18