GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 49858C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:49858 Inscrit le 27 décembre 2023 Audience publique du 27 juin 2024 Appel formé par Monsieur (A), …. (République tchèque), contre un jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2023 (numéro 40878 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER en matière d’amende d’ordre Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 49858C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2023 par Maître Pierre GOERENS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à CZ-… … (République tchèque), …, …., dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 21 novembre 2023 (numéro 40878 du rôle), l’ayant débouté de son recours dirigé contre une décision de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER du 8 décembre 2017 lui ayant imposé une amende d’ordre de ……-euros sur base de l’article 17 de la loi modifiée du 19 mai 2006 sur les offres publiques d’acquisition en raison de sa participation à une action de concert au sens de cette loi et ayant rejeté sa demande en paiement d’une indemnité de procédure ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Geoffrey GALLÉ, demeurant à Luxembourg, du 9 janvier 2024, portant signification de cette requête d’appel à la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER, en abrégé CSSF, établissement public de droit luxembourgeois, établie et ayant son siège social à L-1150 Luxembourg, 283, route d’Arlon, représentée par sa direction en fonctions, inscrite au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro J 26 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 9 février 2024 par la société à responsabilité limitée RODESCH AVOCATS A LA COUR S.à r.l., ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 7-11, route d’Esch, immatriculée au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro B 265.322, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Virginie VERDANET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la CSSF, préqualifiée ;
1Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 mars 2024 par Maître Pierre GOERENS au nom de l’appelant, préqualifié ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 avril 2024 par la société à responsabilité limitée RODESCH AVOCATS A LA COUR S.à r.l. au nom de la CSSF, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Pierre GOERENS et Virginie VERDANET en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 avril 2024.
La société anonyme de droit luxembourgeois (F) S.A., ci-après « la société (F) », se porta acquéreuse de parts sociales de la société anonyme de droit luxembourgeois (H) S.A., ci-après « la société (H) », au courant de l’année 2016, de sorte à détenir, par l’intermédiaire d’une de ses filiales, à savoir la société de droit chypriote (J), ci-après par « la société (J) », 97,31 % des droits de vote dans la société (H). A la suite de cette prise de contrôle, la société (J) lança une offre publique d’achat obligatoire, ci-après « OPA obligatoire », en soumettant une offre d’achat des actions restantes. Ladite OPA obligatoire fut soumise à l’approbation de l’établissement public COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER, ci-après « la CSSF ».
L’OPA obligatoire projetée fit l’objet de communiqués de presse de la part de la société (F), respectivement de la société (H) en dates des 8 et 10 juin 2016.
La CSSF adressa en date du 19 janvier 2017 un courrier à Monsieur (A), en sa qualité de bénéficiaire économique de la société (K), ci-après « la société (K) », l'invitant à lui faire part, dans les 8 jours, de ses observations concernant son intention de prononcer à son encontre une amende d’ordre de ……- euros sur base de l'article 17, paragraphe (1), de la loi modifiée du 19 mai 2006 portant transposition de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, ci-après « la loi OPA », la CSSF se fondant sur un rapport d'enquête préparé par le département MAF II- Métier Surveillance des Marchés d’Actifs Financiers, ci-après « MAF II », annexé à ladite lettre, comportant 561 annexes, ledit rapport concluant à l’existence d’une action de concert au sens de la loi OPA, entre Monsieur (L) et Monsieur (M), d’une part, et de Monsieur (L) et certaines autres personnes, dont Monsieur (A), d’autre part, dans le cadre de la société (H).
Par courrier du 27 janvier 2017, Monsieur (A) informa la CSSF qu'il contestait les conclusions retenues à son égard dans le courrier du 19 janvier 2017 et que le délai lui accordé pour répondre à ce courrier était trop court.
Par courrier du 3 février 2017, la CSSF prolongea le délai accordé à Monsieur (A) pour la communication de ses observations jusqu’au 31 mars 2017.
Par courrier électronique du 9 février 2017 le mandataire de Monsieur (A) sollicita, d’une part, une nouvelle prolongation du délai pour répondre aux conclusions du courrier précité du 219 janvier 2017, et, d’autre part, la communication de l’intégralité du dossier administratif sur lequel la CSSF entendait se baser pour prendre une décision à son égard.
Par courrier du 10 février 2017, le mandataire de Monsieur (A) informa la CSSF de son désaccord quant à la décision de cette dernière de publier son intention d'imposer une amende d’ordre à son égard.
Le 16 février 2017, la CSSF émit un communiqué, intitulé « Press Release (a) », annonçant qu’elle envisageait de ne pas approuver l’OPA obligatoire en raison de son intention de retenir l’existence d’une action de concert qui n’aurait pas été dévoilée, le même communiqué énonçant encore l’existence de violations de la loi OPA en raison de l’allégation d’une action de concert illégale.
Par courrier de son mandataire du 27 mars 2017, Monsieur (A) sollicita de nouveau la communication de l’intégralité des documents à la base du rapport d’enquête du 19 janvier 2017 conformément aux dispositions des articles 5, 11 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ».
Par courrier du 28 mars 2017, la CSSF répondit à cette demande que l'intégralité du dossier administratif au sens de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, à savoir le rapport d’enquête et ses annexes, lui aurait d’ores et déjà été communiqué, tout en ajoutant « (…) qu'au cas où le rapport d'enquête du 19 janvier devait être complété à l'avenir par un ou plusieurs suppléments suite à des observations soumises à la CSSF par une partie concernée ou par un tiers intéressé, ce(s) suppléments(s) vous sera (seront) communiqué(s) pour préserver le principe du contradictoire avec indication d'un délai adéquat pour y prendre position. (…) ».
Par courrier de son mandataire du 31 mars 2017, Monsieur (A) fit transmettre à la CSSF ses observations quant à l’intention de cette dernière de prononcer à son encontre une amende d’ordre.
Par décision du 8 décembre 2017, la CSSF informa Monsieur (A) de sa décision de ne pas approuver l’OPA obligatoire relative à la société (H) et prononça à son encontre la sanction d’une amende d’ordre de …..-euros, ladite décision étant libellée comme suit :
« (…) III.
Observations submitted to the CSSF The following developments provide, for illustrative purposes and on a summary basis, the CSSF analysis of your most relevant comments. The below developments are without prejudice to any additional argument that the CSSF may raise in potential proceedings before the Luxembourg courts.
In reaching the above mentioned conclusion, the CSSF has also taken into account the additional documents provided in support of the observations submitted on your behalf but does not consider that those documents require material amendments to be made to the findings and/or conclusions of the Investigation Report.
3 (i) The Observations Letter formally contests that you acted in concert with other persons as found in the Report, mainly on the basis of the argument that you were an independent investor solely acting on his own account and purpose.
The CSSF has analysed the various arguments and explanations put forward in the Observations Letter in support of the claim that you were an independent investor in (H) shares and has come to the conclusion that those arguments and explanations do not materially invalidate the findings and conclusions of the Investigation Report. Furthermore, upon analysis, the CSSF considers that the contents of the Observations Letter appear to call into question (rather than establish) your alleged independence, in particular, but without limitation, in light of the generality and vagueness of the explanations and lack of supporting documents proffered on your other real estate investments with (N) in general and on your investment in shares of (P) S.A.
("(P)") shares in 2014 and in (H) shares in 2014 and 2016 in particular.
By way of illustration, as regards your investment in (P) shares in April 2014 for an amount of EUR ….. the Observations Letter states that:
"In spring 2014, Mr. (R) (or maybe another person from (N)) informed Mr. (A) that (H) was looking for a buyer of a major stake in (P) S.A.. Mr. (A) was well aware that this investment was exposed and risky, but as the (N) agreed to provide him with a credit he decided and managed to complete the transaction. Also please note that Mr. (A) invested through a corporate vehicle to limit his risk and share the decision with (sic) director of the company ((K)).
From the point of view of Mr. (A) there are no anomalies regarding that transaction. […] Also, the other allegations are formally contested and the investment by Mr. (A) in (P) S.A.
was a fully independent investment. The financing through the bank is as well in the normal scope of the business of both the bank and Mr. (A). It is also normal that Mr. (A) contacted at first the bank in order to obtain some information about the credit they were willing to issue, and signed only afterwards to share purchase agreement. This way to proceed cannot constitute any hint that the investment has not been a normal investment." The CSSF notes that those observations are very general in nature and considers that they are unapt to demonstrate the decision of an independent investor to invest an amount of EUR …..
in the shares of a listed company. Further, your observations seem to suggest that a decisive element of the investment was the financing provided by (N), which is in line with the findings of the Report. The CSSF also does not share your view that the financing granted by (N), i.e. a 100% financing granted to a special purpose vehicle with a limited share capital and with as sole meaningful collateral a pledge over the securities acquired with the loan monies, is in the normal scope of business of credit institutions. Lastly, the CSSF notes that your observations are not in line with the documented evidence on which the Report is based.
(ii) The Observations Letter also contests the existence of a concert action between Mr. (A) and Mr. (L) because of Mr (L)'s pre-existing control over (H). The Observations Letter states that:
"The MAF II Department of the CSSF considers that Mr. (L) acquired the control of (H) within 4the meaning of the Takeover Law on the 10 and 11 January 2013. This situation was thus completed on this date, and it is no longer relevant to consider the share deals after this date, as they have no longer any influence on the control of (H) by Mr. (L) in consideration of the Takeover Law. This situation was thus completed on this date, and Mr. (L)'s alleged control even decreased as his participation in (H) was diluted. For this reason it is materially impossible that Mr. (A) has breached any rule resulting from the Takeover Law, and especially the mandatory bid rule, as in any circumstances, this rule was already breached in January 2013." The CSSF does not consider this analysis to be legally founded. The Report's finding that Mr (L) acquired control over (H) on 10 and 11 January 2013 and failed in that context to launch a mandatory bid under Article 5 (1) of the Takeover Law does not mean that only persons who held (H) shares on or around 10 and 11 January 2013 may qualify as concert parties. The CSSF considers that your analysis rests on a misinterpretation based upon a joint reading of Article 2 (1) (d) and Article 5 (1) of the Takeover Law. The CSSF considers that Article 2 (1) (d) should be read autonomously where considering the persons who may qualify as persons acting in concert in the context of an undisclosed concert action under the Takeover Law.
(iii) The Observations Letter generally contests the existence of evidence as regards the concert action in question, in particular as regards the participation of Mr (A), either directly or through (K).
The CSSF takes note of your observation, but does not share your views. Reference is made in this respect to the Report and the body of serious, precise, consistent and documented indicators on which it is based.
(iv) The Observations Letter also contests that you have violated provisions of the Transparency Law.
The CSSF takes note of the observation but wishes to remind that the CSSF Intention Letter together with the Report and its annexes are primarily concerned with violations of the Takeover Law.
(v) The Observations Letter disputes that (K) was used for market manipulation, mainly on the basis of the argument that Mr (A)'s situation must be considered individually and not together with the other two 30% SPVs.
The CSSF takes note of your observation but does not agree with your conclusion. The Report finds that each of the 30% SPVs was used to conceal the identity of Mr (L), which amounts to a market manipulation within the meaning of Article 1 (2) (b) of the Market Abuse Law.
(vi) The Observations Letter also puts forward several observations regarding (1) the cooperation of Mr (A) with the CSSF, (2) the on-going investigation of the CSSF since 2013 and (3) the possibility for third parties to access personal information received by the CSSF in the course of the investigation.
5The CSSF takes note of your observations without sharing all of your views, assessments and conclusions. In any event, the CSSF does not consider that the observations in question necessitate material amendments to the Investigation Report.
IV. Takeover Law Infringements The Investigation Report and the evidence included therein concludes that you, Mr (A), as former beneficial owner of (K) (until on or around 8 June 2016), acting through (K), together with Mr (L), acted in concert within the meaning of Article 2, paragraph (1), sub-paragraph d) of the Takeover Law in order to facilitate and/or further strengthen Mr (L)'s acquisition of control over (H).
This concert action occurred within the more general context of the acquisition and strengthening of control by Mr (L) over (H) whereby during the Period under Investigation Mr (L) had been (i) principally acting in concert with Mr (M) with respect to (H) with a resulting acquisition of control within the meaning of Article 5 (3) of the Takeover Law by Mr (L) over (H) that the CSSF considers to have started on 10 and 11 January 2013, (ii) subsidiarily acting in concert with (C), (E) and (I) and with Mr (O) (as former beneficial owner of (S) (until on or around 8 June 2016)) and with Mr (T) (as former beneficial owner of (U) (until on or around 8 June 2016)) for the purposes of facilitating and/or further strengthening Mr (L)'s acquisition of control over (H).
On the basis of the Investigation Report, the CSSF considers that your implication in the concert action with Mr (L) constitutes a significant breach of the general principles set out in Article 3 of the Takeover Law and in particular those laid-down under subparagraphs (a) and (d) thereof and contributed to the infringement by Mr (L) of Article 5 (1) of the Takeover Law read together with Article 5 (3) of the Takeover Law. It is further referred to the Directive 2004/25/EC of the European Parliament and of the Council of 21 April 2004 on takeover bids and in particular to its Article 4 ("Supervisory authority and applicable law") as regards any further actions which could be initiated as a result of the abovementioned determination made by the CSSF pursuant to Article 5 (1) read together with Article 5(3) of the Takeover Law.
V.
Administrative Measures and Sanctions The CSSF hereby informs you that it has decided to impose on you an administrative fine of EUR ….. (in words: ……. euros) as a result of the above mentioned breaches to the Takeover Law on the basis of Article 17 (1) of the Takeover Law.
The CSSF further informs you of its decision not to approve the offer document in the context of the current Mandatory Takeover Offer, which, as a result of Mr (L)' s pre-existing control over (H) since 10 and 11 January 2013 and based upon the violations of Article 3 (a) and (d), Article 5 (1) and (3) and in accordance with the provisions of Article 13 (a) of the Takeover Law, is declared null and void.
Based upon Article 5 of the aforementioned Réglement grand-ducal of 8 juin 1979, Article 4 (2) (a) of the Takeover Law read together with the general principles laid down under 6Article 3 (a) and (d) of the same law and in order to further ensure the transparency and integrity of the market of the (H) shares, the CSSF will make public through a CSSF press release (the "CSSF Press Release on Takeover Law Infringements") its decision not to approve the offer document in the context of the current Mandatory Takeover Offer as a result of the aforementioned concert action and the resulting control over (H) since 10 and 11 January 2013 and to declare the Mandatory Takeover Offer null and void. In accordance with the principles of proportionality and necessity, the abovementioned press release will not make reference to you on a nominative basis. (…) ».
Parallèlement, par deux décisions séparées également datées au 8 décembre 2017, la CSSF prononça des amendes administratives à l’encontre de Monsieur (L) pour violation de la loi OPA et de la loi modifiée du 9 mai 2006 relative aux abus de marché, ci-après « la loi Abus », et à l’encontre de Monsieur (M) pour violation de la loi OPA.
Par requête inscrite sous le numéro 40878 du rôle et déposée le 8 mars 2018 au greffe du tribunal administratif, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du 8 décembre 2017 dans la mesure où la CSSF a prononcé une amende d’ordre d’un montant de …..- euros à son encontre et a décidé la publication du communiqué de presse n° (b).
Par un jugement du 21 novembre 2023, le tribunal déclara le recours principal en réformation recevable et le rejeta, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, tout en rejetant les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées par les parties à l’instance et en condamnant le demandeur aux frais.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2023, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel du jugement du 21 novembre 2023, en demandant à la Cour, selon le dispositif de la requête d’appel, par réformation dudit jugement, de réformer sinon d’annuler la décision de la CSSF du 8 décembre 2017 de lui infliger une amende d'un montant de ….. euros et de publier cette décision, tout en sollicitant la condamnation de la CSSF au paiement d’une indemnité de procédure de …. euros et au paiement des frais, de même que la distraction des frais au profit de son mandataire.
Au niveau de l'exposé des faits, l'appelant fait valoir qu’il disposerait bel et bien du background financier et opérationnel nécessaire pour réaliser un investissement tel que celui litigieux, de sorte que ce serait à tort que la CSSF et le tribunal ne l’ont pas reconnu comme étant un investisseur indépendant.
Il serait en effet un entrepreneur et investisseur indépendant, de nationalité tchèque et serait actif sur le marché tchèque depuis le milieu des années 1990. En août 2008, il serait devenu actionnaire fondateur de la société (V), ci-après « la société (V) », une société établie aux Pays-Bas, qui serait devenue son principal véhicule d'investissement et d'affaires après la vente de ses autres activités commerciales.
Il exercerait ses activités sur le marché immobilier tchèque principalement en relation avec la gestion et la location d'immeubles résidentiels et de bureaux à (c), ainsi que dans certaines 7régions de la République tchèque, l'appelant détaillant ses activités à cet égard. Il en déduit qu'il disposerait d'importantes capacités financières qui l’auraient autorisé à investir dans la société (H).
Il explique encore qu'il réaliserait ses projets d'investissement selon deux schémas, à savoir soit avec des partenaires, tel que cela serait le cas de la société (V), soit de manière indépendante s’il entend réaliser l'intégralité du bénéfice et assumer l'intégralité des risques. L’investissement dans le groupe (Q) correspondrait à son premier investissement personnel d’envergure. Quant à la raison pour laquelle il avait réalisé cet investissement seul, il explique qu'il aurait senti le potentiel de développement de ce groupe, tandis que son partenaire aurait eu un autre profil de risque.
Il reproche à la CSSF d’exiger de sa part de prouver sa bonne foi et son innocence. Tout en protestant contre cette façon de procéder, il déclare néanmoins essayer d’établir sa qualité d'investisseur autonome.
A cet égard, il se prévaut d'un extrait du registre commercial tchèque montrant qu'il serait impliqué, en tant qu'actionnaire ou membre de l’organe exécutif, dans la gestion de 34 sociétés ayant toutes réalisé des investissements et projets immobiliers d'une importante envergure. Il produit encore des extraits du registre de commerce de (c) dont il ressortirait qu'il serait gérant de multiples sociétés actives dans l'immobilier, détenues par la société (V). Ce même extrait se référerait encore à un droit de gage sur des actions accordées à la (N), de sorte que le reproche de la CSSF selon lequel il n'aurait pas auparavant eu de relations commerciales avec cette banque tomberait à faux. Par ailleurs, il déclare fournir les preuves d'un autre investissement très important qu'il aurait réalisé seul en donnant un exemple concret.
La CSSF ne pourrait dès lors pas affirmer qu'il ne réaliserait ses investissements que par l'intermédiaire de la société (V) comme partenaire. Par ailleurs, le fait que de nombreuses banques tchèques et régionales auraient financé ses investissements confirmerait qu'il serait à qualifier d'investisseur crédible. Sur base de ces explications, ce serait à tort que le rapport de la CSSF du 19 janvier 2017 le qualifierait de « director of a small or medium sized real estate company ».
Ensuite, l'appelant identifie brièvement les personnes et sociétés visées par la CSSF et les conditions de l’OPA de la société (H).
L’appelant prend ensuite position quant aux investigations menées par la CSSF sur la période du 1er septembre 2012 au 30 juin 2016 et reproche à la CSSF de s’être adressée à lui dans ce contexte, sans l’informer qu'une enquête était ouverte à son encontre.
Les explications factuelles fournies pour le surplus par lui se recoupent en substance avec les faits et rétroactes visant le déroulement de la procédure tel qu’exposé ci-avant.
Globalement par rapport aux reproches soulevés par la CSSF à son égard, l’appelant estime que le dossier de la CSSF ne comporterait aucun élément suffisant à sa charge et que les reproches reposeraient en substance sur de simples suppositions.
En droit, il invoque les moyens suivants :
8(i) Violation de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, ci-après « la loi du 1er décembre 1978 », et du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, (ii) Violation du principe du contradictoire et de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ci-après « la CEDH », (iii) Violation de l'article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, (iv) Violation de l'article 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, (v) Absence de non-respect de la loi OPA.
La Cour constate à titre liminaire que l’appelant ne remet pas en question l’analyse du tribunal quant à la nature du recours susceptible d’être introduit contre la décision de prononcer une amende d’ordre sur le fondement de la loi OPA à son égard, à savoir un recours en réformation.
1) Quant au moyen fondé sur une violation de la loi du 1er décembre 1978 et du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 Arguments des parties L’appelant critique en premier lieu la procédure suivie par la CSSF avant la prise de la décision litigieuse en reprochant à celle-ci de ne pas avoir pris en considération les moyens soulevés par lui et d’avoir en somme pris la décision déjà dans le cadre du rapport d'enquête. S'il avait certes eu le droit de prendre position avant la prise de la décision litigieuse, ce droit n’aurait été que purement apparent, puisque la CSSF n'aurait pas pris en considération les éléments avancés par lui, en l'occurrence ses considérations fondées sur sa qualité d'investisseur indépendant et celles consistant à contester toute action de concert.
Analyse de la Cour La Cour constate que si en première instance l’appelant a lié le reproche d’un défaut de prise en compte de ses explications à l’article 6 CEDH, en instance d’appel il le fonde sur la loi du 1er décembre 1978 et sur le règlement grand-ducal du 8 juin 1979, sans toutefois indiquer quelle disposition précise en aurait été violée en l’espèce.
Au-delà de ce constat et indépendamment de la question de la base juridique sur laquelle l’appelant entend appuyer son reproche, celui-ci est en tout état de cause non vérifié dans les faits, tel que les premiers juges l’ont relevé à juste titre. En effet, à l’instar des premiers juges, la Cour relève que s’il ressort de la décision déférée que la CSSF s’est certes référée au rapport d’enquête, elle a néanmoins pris position sur les explications fournies par l’appelant, en concluant que celles-ci n’emportaient pas sa conviction. L’appelant n’est dès lors pas fondé à affirmer que la direction de la CSSF aurait déjà pris sa décision dès l’établissement du rapport. A cet égard, il convient de relever, à l’instar des premiers juges, que le seul fait que l’administration arrive à une autre conclusion que l’administré ne saurait impliquer qu’elle n’ait pas pris en compte les éléments 9et arguments développés par lui, mais signifie simplement qu’elle n’a pas partagé son point de vue.
Le premier moyen a partant à juste titre été rejeté par les premiers juges, sans que cette conclusion ne soit énervée par les critiques soulevées par l’appelant en instance d’appel, qui se recoupent en substance avec celles de première instance si ce n’est qu’il a changé la base égale à leur appui.
2) Quant au moyen fondé sur une violation du principe du contradictoire et de l’article 6 de la CEDH Arguments des parties En second lieu, l'appelant se prévaut d'un moyen fondé sur une violation du principe du contradictoire et de l'article 6 de la CEDH, en faisant d’abord valoir que les délais lui laissés pour instruire le dossier et pour prendre position auraient été excessivement courts, ce compte tenu de la complexité de la matière et du volume du dossier. Tout en admettant que son droit d’intervenir dans la procédure préalable avait été mis en œuvre, tel que cela ressortirait des communications entre parties depuis la communication du rapport d'investigation du 19 janvier 2017 et antérieurement dès la fin de 2014, l'appelant fait valoir que la sanction prise à son égard serait néanmoins entachée d'illégalité pour ne pas avoir été prise dans des conditions respectueuses du principe du contradictoire.
Il donne à considérer que les sanctions administratives en tant qu'instrument répressif à la disposition de l’administration seraient sujettes au respect des exigences de garanties essentiellement procédurales procédant tant du droit interne, en l’occurrence l'article 14 de la Constitution, que du droit européen, en l’occurrence l'article 6 de la CEDH et le Protocole additionnel n° 7 à la CEDH du 22 novembre 1984, ci-après « le Protocole additionnel n° 7 ».
Comme les mesures critiquées seraient à qualifier de sanctions administratives, elles encourraient la réformation sinon l'annulation pour avoir été édictées sans respect des prescriptions de l'article 6 de la CEDH tenant à l'impartialité du tribunal qui prononce la sanction, cette disposition étant de l’avis de l’appelant applicable aux autorités administratives disposant d'un pouvoir de sanction, à l'instar de la CSSF.
Dans ce contexte, l’appelant insiste sur la considération que les délais dont il aurait disposé auraient toujours été d'une durée inacceptable compte tenu des circonstances et seraient incompatibles avec les exigences minimales d'une procédure contradictoire.
Il reproche encore aux premiers juges d’avoir retenu qu’il n’aurait pas établi en quoi il n’aurait pas pu présenter utilement ses observations, en faisant valoir que l'existence seule de délais inacceptables serait suffisante pour annuler la décision.
En tout état de cause, il aurait subi un préjudice puisqu’il n'aurait pas pu prendre de manière convenable connaissance du dossier, ce qui l’aurait empêché de faire valoir ses moyens. Il donne à considérer que les dispositions de l'article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, auxquelles 10la CSSF se serait référée pour lui donner un délai respectivement de 8 et de 20 jours pour prendre position, seraient à mesurer à l'aune du volume du dossier et en l’occurrence du rapport d'investigation, de sorte que cette disposition serait violée en l’espèce.
Par ailleurs, il n’aurait pas été informé en temps utile qu'une instruction avait été ouverte à son encontre. La CSSF se serait, en effet, adressée à lui en termes généraux afin d'obtenir des informations sous couvert des dispositions de la loi modifiée du 11 janvier 2008 relative aux obligations de transparence des émetteurs, ci-après « la loi Transparence », et il aurait donné de bonne foi des informations avec le risque de se charger lui-même. Or, il aurait dû être informé dès le début de la procédure de la possibilité qu'une sanction allait être prise à son encontre. Il insiste sur la considération que même dans l'exercice de sa mission d'intérêt général, telle que relevée par les premiers juges, la CSSF devrait respecter les droits fondamentaux des citoyens, dont celui à un procès équitable. Dans une procédure aboutissant à une amende, il serait inadmissible qu'une personne concernée soit entendue sans l’informer de l'existence d'une enquête en cours.
La sanction administrative serait encore entachée d'illégalité pour avoir été prise par une autorité statuant de manière partiale.
A cet égard, l’appelant fait valoir que les sanctions administratives, en tant qu'instrument répressif à la disposition de l’administration, seraient soumises au respect des exigences découlant des articles 14 de la Constitution et 6 de la CEDH et du Protocole additionnel n° 7.
Si le principe d’une autorité publique de régulation détenant à la fois le pouvoir de définir des règles, d'en assurer le respect et de prononcer des sanctions constituait une combinaison de pouvoirs qui ne contrevenait pas in abstracto aux dispositions de l'article 6, paragraphe (1), de la CEDH, elle devrait toutefois avoir pour contrepoids le respect des garanties découlant de ces dispositions.
Il donne à considérer que si le respect du contradictoire était requis en matière disciplinaire, tel devrait être le cas aussi en la présente matière. Il poursuit en relevant que certains organes administratifs, eu égard à leur nature, leur composition et leurs attributions pourraient, tout en prenant des actes administratifs, être qualifiés de tribunal au sens l'article de 6 de la CEDH. Il conviendrait encore de considérer que des droits et obligations à caractère civil seraient en cause lorsqu'un organe administratif adoptait par exemple une mesure pouvant comprendre l'exercice d'une activité professionnelle telle qu'une suspension ou une interdiction.
Au regard du principe d'impartialité, l’autorité saisie devrait distinguer la phase de recherche des faits de celle de leur qualification. Le principe d'impartialité serait susceptible d'être méconnu dès lors que l’autorité administrative se serait forgée un préjugement dès le stade de la formulation des griefs. L'organe chargé de la phase d'instruction devrait dès lors être séparé de celui prenant la décision d'engager une procédure de sanction. Le rôle du rapporteur dans la procédure de sanction serait également important. Le principe d'impartialité serait encore méconnu si celui-ci participait à la formation du jugement.
11L’appelant affirme qu’en l’espèce, le rapport de la CSSF ne serait même pas signé et n'indiquerait pas ses auteurs, de sorte qu'il lui serait impossible de vérifier si ses droits avaient été respectés.
Cette façon de procéder serait contraire à l'article 6, paragraphe (1), de la CEDH et ce indépendamment du fait que la mesure querellée s’analyserait in fine en une sanction ou une simple mesure de police administrative.
Par rapport à l'analyse faite par le tribunal de son moyen, l'appelant fait valoir que la situation de l'espèce ne serait pas comparable à une affaire disciplinaire.
Analyse de la Cour La Cour relève qu’à l’instar de ses développements en première instance, l’appelant a conjugué son moyen fondé sur une violation de l’article 6 de la CEDH autour de trois reproches :
(i) il n’aurait pas eu suffisamment de temps pour présenter ses observations avant la prise de la décision litigieuse, (ii) il n’aurait pas été informé en temps utile de l’ouverture d’une enquête à son égard et (iii) la CSSF ne présenterait pas les garanties d’impartialité requises.
La Cour est amenée à retenir, indépendamment de la question de savoir si la sanction administrative prononcée s’analyse en une accusation en matière pénale et partant de celle de l’applicabilité des dispositions de l’article 6 de la CEDH en la présente matière, de même que celle de l’applicabilité de l’article 14 de la Constitution, actuel article 19 de la Constitution révisée, et du Protocole additionnel n° 7, que la CSSF, lorsqu’elle est amenée à prendre une décision de prononcer une amende administrative sur le fondement de la loi OPA, n’est en tout état de cause pas dispensée de respecter durant la phase administrative précontentieuse un certain nombre de principes généraux du droit, parmi lesquels figure plus particulièrement le principe d’une procédure équitable, comprenant le respect du contradictoire, qui est garanti en l’occurrence par les dispositions des articles 9 et 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, de même que le principe de bonne administration, qui sous-tend toute la réglementation en matière de procédure administrative non contentieuse telle qu’introduite à travers la loi du 1er décembre 1978 et le règlement grand-ducal du 8 juin 19791 et qui englobe notamment le respect des droits de la défense2 et auquel se rattache l’obligation pour la CSSF d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce. De la sorte, la CSSF doit, lorsqu’elle est amenée à prononcer des sanctions administratives en application de la loi OPA, respecter des garanties minimales d’impartialité et d’indépendance, de même qu’elle doit s’assurer que la phase administrative se passe de telle manière qu’aucun préjugement ne transperce, cette obligation s’apparentant au respect de la présomption d’innocence sous l’égide de l’article 6 de la CEDH.
La Cour rappelle qu’en l’espèce, une enquête a été diligentée ayant abouti à un rapport d’enquête. De même, l’appelant a été informé au préalable de ce que la CSSF envisage de prendre à son égard une amende sur le fondement de la loi OPA, tout en l’informant des éléments de fait et de droit qui l’amènent à prendre cette décision, et la possibilité lui avait été conférée de prendre 1 En ce sens : Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle.
2 Ivan Verougstraete, Amaryllis Bossuyt, Le principe (général) (de droit) de bonne administration, Journal des tribunaux 2020/28, p.567 – 573.
12position, possibilité à laquelle il a eu recours. Enfin, en application de l’article 18 de la loi OPA, l’appelant avait à sa disposition la possibilité d’exercer un recours contentieux devant les juridictions administratives, statuant en double degré de juridiction et disposant en vertu de la loi d’un pouvoir de réformation.
S’agissant plus précisément du reproche de l’appelant, réitéré en appel, qu’il n’aurait pas disposé de suffisamment de temps pour prendre position sur la décision envisagée, la Cour rejoint entièrement les premiers juges dans leur constat qu’en phase précontentieuse, l’appelant a disposé de deux mois et demi pour faire valoir ses observations par rapport au rapport d’enquête dressé par la CSSF et qu’il reste en défaut d’établir, en première instance et en appel, en quelle mesure ce délai ne lui aurait pas permis de préparer utilement ses observations. Tel que relevé par les premiers juges, l’appelant ne fournit aucun élément concret établissant qu’il aurait été empêché de faire valoir ses observations à suffisance, faute de temps, étant relevé que bien au contraire, il a utilement pris position par rapport au rapport de la CSSF par un courrier circonstancié du 31 mars 2017, rédigé par un professionnel de la postulation. A l’instar des premiers juges, la Cour constate que l’argumentation développée ultérieurement dans le cadre de la procédure contentieuse ne diffère pas de celle avancée au niveau précontentieux, l’appelant continuant au contraire à y renvoyer en instance d’appel, de sorte qu’il y a lieu de conclure qu’il n’avait aucun élément supplémentaire à faire valoir au niveau précontentieux et dont il aurait été empêché de se prévaloir faute du temps nécessaire à la préparation de sa défense. La Cour rejoint dès lors le tribunal dans sa conclusion que l’appelant prétend de manière abstraite et théorique à un droit, en l’occurrence le principe du contradictoire, sans avancer des éléments concrets permettant de conclure à une atteinte effective audit droit. C’est dès lors à juste titre que le tribunal a rejeté le reproche afférent.
S’agissant de la référence faite par l’appelant à l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et à admettre qu’il entend réitérer le moyen afférent présenté en première instance, la Cour retient que les premiers juges ont à juste titre rejeté ledit moyen pour défaut de pertinence au motif que cette disposition ne s’applique pas en l’espèce, l’objectif dudit article 5 étant de protéger les tiers contre les éventuels effets que les décisions que l'administration est amenée à prendre peuvent produire à leur égard, tandis que l’appelant est le destinataire direct de la décision déférée du 8 décembre 2017 ayant prononcé une sanction administrative à son égard et non pas un tiers.
S’agissant ensuite du reproche de ne pas avoir été informé plus tôt de l’ouverture d’une enquête, la Cour est amenée à confirmer l’analyse pertinente des premiers juges à cet égard par adoption des motifs, fondés sur l’absence d’obligation légale à charge de la CSSF de révéler l’ouverture d’une enquête et des considérations tenant à la mission d’intérêt général de la CSSF, étant relevé que les développements afférents présentés en instance d’appel, qui se recoupent en substance avec ceux de première instance, ne viennent pas énerver cette conclusion.
Le reproche afférent a dès lors à bon droit été rejeté par les premiers juges.
Enfin, en ce qui concerne le reproche d’un manque d’impartialité dans le chef de la CSSF, la Cour retient que, dans la mesure où le système instauré en la présente matière est tel qu’en toute occurrence un double degré de juridiction se trouve ouvert devant les juridictions administratives, investies d’un pouvoir de réformation, pour faire examiner en fait et en droit la décision ayant prononcé la sanction administrative - l’article 18 de la loi OPA prévoyant un recours en 13réformation contre une décision de prononcer une amende d’ordre -, l’application du principe d’impartialité aux organes administratifs ne peut se concevoir avec la même rigueur que pour les magistrats3.
La Cour relève ensuite qu’elle a décidé dans un arrêt récent du 19 juillet 2023, n° 48647C du rôle, qu’indépendamment de la qualification de la mesure prise dans cette affaire par la CSSF comme une accusation pénale au sens de l’article 6 de la CEDH, en tout état de cause, un éventuel non-respect du principe d’impartialité au cours de la procédure administrative au niveau de l’organisation de la CSSF, que ce soit au regard des dispositions supranationales ou que ce soit en tant que principe général du droit, ne conduit pas à la réformation de la sanction prononcée du moment que l’administré concerné avait à sa disposition un recours en réformation dans le cadre duquel les juridictions administratives ont pu analyser le bien-fondé des reproches retenus à son encontre et auraient pu redresser un vice éventuel affectant la décision si la mesure prise par la CSSF avait été empreinte de partialité, à condition que l’appelant leur demande d’opérer ce contrôle4.
En effet, la CSSF ne correspond pas, selon le droit luxembourgeois, à une instance juridictionnelle, et ne doit d’ailleurs pas l’être dans la mesure où, même à supposer que les sanctions qu’elle prononce aient un caractère pénal ou une « coloration pénale », la Cour européenne des droits de l'homme, ci-après « la CourEDH », a décidé dans l’affaire (d) du 4 mars 20145, à propos de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH6 que rien ne s’oppose à ce qu’une sanction administrative répondant aux critères ENGEL soit prononcée par une autorité administrative du moment que l’administré auquel la sanction est appliquée dispose d’un recours contentieux devant un tribunal répondant aux conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH7. L’arrêt (d) se trouve dans la lignée de la jurisprudence de la CourEDH, de même que de celle de la CJUE, qui contrôlent le respect de l’article 6 de la CEDH non pas de façon isolée, mais par rapport à la procédure dans son ensemble, y compris le volet contentieux8.
La CourEDH a retenu, après avoir constaté que les sanctions litigieuses dans cette affaire n’avaient pas été infligées par un juge à l’issue d’une procédure judiciaire contradictoire, mais par une autorité administrative, que le fait de confier à de telles autorités la tâche de poursuivre et de réprimer les contraventions n’est pas incompatible avec la CEDH, à condition que l’administré ait le droit de saisir de toute décision prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de l’article 6 de la CEDH9. La CourEDH en a conclu que le respect de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH n’excluait ainsi pas que dans une procédure de nature administrative, une « peine » soit imposée d’abord par une autorité administrative, mais qu’il faudrait cependant que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions de l’article 6, précité, subisse 3 Par analogie en matière de discipline : Cour adm. 17 décembre 2009, n° 25839C du rôle, Pas. adm 2022, V° Fonction publique, n° 292, rappelé dans des arrêts du 25 février 2021, n° 45262C du rôle et du 10 novembre 2022, n° 47475C du rôle ; Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle, Cour adm. 23 août 2023, numéro 47837C du rôle.
4 Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle.
5 Requête numéro 18640/10.
6 points 138 et 139.
7 Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle.
8 CourEDH, 21 février 1984, ÖZTÜRK c. Allemagne, point n° 56 ; CourEDH, 26 octobre 2009, CHAUDET c. France, points 36-38 ; CJUE, 9 septembre 2010 (T-(a) P).
9 Affaire (d), point 138.
14le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction ayant en l’occurrence le pouvoir de réformer en tous points en fait et en droit la décision entreprise10.
La CourEDH a encore retenu dans cette même affaire, concernant une situation dans laquelle l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH a trouvé application, que les constats faits par elle dans cette affaire quant à un manque d’impartialité objective dans le chef de la Commission nationale des sociétés et de la bourse italienne en raison de l’exercice consécutif de fonctions d’enquête et de jugement au sein d’une même institution, étaient à eux seuls insuffisants pour conclure à une violation de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, mais elle a examiné l’existence d’un contrôle ultérieur par un organe judiciaire de pleine juridiction11.
Il s’ensuit que conformément aux enseignements à tirer de l’arrêt précité de la CourEDH, la circonstance qu’une autorité administrative qui, le cas échéant, ne répond pas elle-même à toutes les conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, n’est pas incompatible avec le respect de cette disposition - ni d’ailleurs avec le principe d’impartialité en tant que principe général du droit -, du moment qu’un contrôle ultérieur a pu être fait par un organe judiciaire de pleine juridiction.
A partir de cette jurisprudence de la CourEDH, le constat s’impose qu’en l’espèce, indépendamment de la question de la qualification de la mesure litigieuse en tant que sanction pénale, et même à admettre que, comme l’entend l’appelant, la CSSF ne répondrait elle-même pas aux garanties d’impartialité requises, en tout état de cause la conséquence n’en est pas pour autant la réformation de l’amende d’ordre litigieuse pour vice de procédure, mais il importe de vérifier si celui-ci a eu in fine à sa disposition un recours juridictionnel répondant aux conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, ce qui implique qu’il y a lieu de prendre en compte l’ensemble de la procédure ayant abouti à la sanction administrative critiquée, ensemble la procédure contentieuse 12.
Comme toutefois, tel que cela a été relevé ci-avant, en la présente matière, l’appelant dispose d’un double degré de juridiction devant les juridictions administratives, à savoir devant le tribunal administratif et devant la Cour administrative, dont il n’est pas contesté qu’ils répondent aux exigences de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, en ce qu’ils sont investis tous les deux d’un pouvoir de pleine juridiction en application de l’article 18 la loi OPA et partant chargés non seulement d’un contrôle de légalité de la décision ayant prononcé la sanction administrative, mais pouvant aussi se substituer à l’administration à travers une nouvelle appréciation en fait et en droit, la conclusion s’impose que l’appelant a pu porter les reproches soulevés à son égard et tenant au non-respect des dispositions de la loi OPA devant un tribunal indépendant et impartial à la suite d’une procédure administrative.
Il s’ensuit que les critiques à l’adresse de la CSSF telles que formulées par l’appelant ne sont en tout état de cause pas de nature à emporter la sanction de la décision de prononcer une amende d’ordre à son encontre, et ce indépendamment de la question du caractère justifié de ces reproches, un vice éventuel au niveau du requis d’impartialité pouvant être purgé par les 10 idem, points 139 et 161.
11 Ibidem, point 139.
12 Cour adm., 19 juillet 2023, précité 15juridictions administratives statuant dans le cadre d’un recours de pleine juridiction, en ce qu’elles peuvent revoir la sanction en fait et en droit lorsqu’elle n’aurait pas été prise dans le respect des requis d’impartialité.
Sur base de l’ensemble des considérations qui précèdent, la Cour rejoint la conclusion des premiers juges ayant rejeté le reproche d’une violation du principe d’impartialité.
3) Quant au moyen fondé sur une violation de l'article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 Arguments des parties En troisième lieu, l’appelant se prévaut d'une violation de l'article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et fait valoir que le rapport du 19 janvier 2017 serait à assimiler à un avis pris préalablement à une décision au sens de cette disposition. Comme ledit rapport ne mentionnerait aucun nom, n'indiquerait pas le nom des personnes ayant enquêté et ne serait signé que par le département MAF II, il contreviendrait aux prescriptions de l'article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. Par ailleurs, il ne pourrait actuellement pas contrôler si les personnes ayant rédigé le rapport et celles ayant pris la décision ne sont pas les mêmes.
Analyse de la Cour La Cour rejoint entièrement, par adoption des motifs, l’analyse pertinente faite par les premiers juges du moyen basé sur une violation de l'article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, le rapport d’instruction n’étant en effet pas à qualifier d’avis au sens de cette disposition, de sorte que celle-ci ne trouve pas application.
Le moyen afférent a dès lors à juste titre été rejeté par les premiers juges, sans que cette conclusion ne soit énervée par les développements de l’appelant produits en instance d’appel, qui se recoupent en substance avec son argumentation de première instance.
4) Quant au moyen fondé sur une violation de l’article 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 Arguments des parties L’appelant se prévaut d'une violation de l'article 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en contestant avoir eu accès à tous les éléments du dossier à charge et à décharge et en faisant valoir que le dossier ne comporterait que les éléments à sa charge. Malgré sa demande, il n'aurait pas eu un accès illimité à son dossier, de sorte qu’il y aurait aussi violation de l'article 6, paragraphe (3), sub b), de la CEDH.
Par rapport à l'analyse des premiers juges selon laquelle il lui appartenait de préciser concrètement quel élément du dossier ferait défaut, il donne à considérer qu'il ne connaîtrait pas la nature et le contenu des documents et informations gardés en secret par la CSSF. Aussi, le droit d’accès à l'intégralité du dossier serait un droit absolu en ce sens qu'il serait en droit de vérifier si 16la CSSF n'a pas basé sa décision ou du moins orienté son investigation en prenant en compte des documents obtenus de façon illégale, ce qui impliquerait que les pièces et investigations subséquentes devraient être écartées. Il critique l'analyse des premiers juges fondée sur le constat que la CSSF ne serait pas un tribunal, en donnant à considérer qu’elle aurait pour conséquence que la CSSF pourrait librement et sans contrôle enquêter et prendre des décisions au mépris des droits élémentaires des administrés. Le jugement attaqué serait par ailleurs la preuve que le recours devant les juridictions administratives ne serait pas effectif puisque le jugement se résumerait en une simple analyse superficielle du bien-fondé du fond de la décision querellée.
Analyse de la Cour La Cour relève de prime abord qu’en l’espèce, le droit pour l’appelant de se voir communiquer le dossier administratif dès la phase précontentieuse sur demande afférente de sa part n’est pas contesté.
En effet, en application de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, l’administré qui en fait la demande a droit à la communication du dossier administratif, étant relevé que durant la phase contentieuse, l’article 8, paragraphe (5), de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », met à charge de l’administration qui a posé l’acte attaqué l’obligation de déposer au greffe des juridictions administratives l’intégralité du dossier administratif.
Il n’est pas non plus contesté que l’appelant s’est vu communiquer, avant la prise de la décision du 8 décembre 2017, le rapport d’enquête avec ses annexes et que ces mêmes pièces ont été déposées par la CSSF dans le cadre de la procédure contentieuse.
Les parties à l’instance sont en revanche en désaccord sur la question de savoir si cette communication est suffisante, l’appelant affirmant que la CSSF aurait disposé encore d’autres pièces, potentiellement à sa décharge, qui feraient partie du dossier à communiquer, tandis que la CSSF est formelle pour dire que tous les éléments sur lesquels elle a basé sa décision ont été communiqués tant en phase précontentieuse, qu’en phase contentieuse.
La Cour est amenée à confirmer entièrement l’analyse du moyen fondé sur un accès insuffisant au dossier, telle que faite par les premiers juges sur base de la solution retenue par la Cour dans son arrêt du 17 décembre 2019, inscrit sous le numéro 42666C du rôle, rendu à l’égard de Monsieur (L) et ayant définitivement rejeté le recours de celui-ci visant sa demande d’avoir accès au dossier, au-delà du rapport d’enquête et de ses annexes, sur base de moyens similaires à ceux présentés par l’appelant dans la présente affaire - l’analyse de la Cour dans cette affaire ayant été faite tant par rapport au droit national que par rapport à l’article 6 de la CEDH -, et ce par adoption des motifs des premiers juges tant en ce qui concerne le parallélisme retenu par eux entre la présente affaire et celle de Monsieur (L), qu’en ce qui concerne la solution proprement dite quant au reproche d’une violation du droit d’accès au dossier administratif.
Ainsi, la Cour a retenu dans son arrêt du 17 décembre 2019 que la notion de « dossier relatif à [l]a situation administrative » de l’administré au sens de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 doit être comprise par rapport à l’autorité administrative à laquelle la 17communication du dossier est demandée et à la compétence qu’elle met en œuvre à travers la décision administrative projetée ou déjà prise. Ainsi, lorsque l’autorité a informé l’administré de son intention de prendre une certaine décision à son égard, la demande en vue de la communication du dossier intégral vise nécessairement les éléments factuels et les documents qui peuvent être pertinents pour l’exercice de la compétence de l’autorité en question à l’égard de l’administré et de la décision concrètement envisagée.
En l’espèce, face à l’affirmation de la CSSF que la décision litigieuse se fonde exclusivement sur le rapport d’enquête et ses annexes, le constat s’impose que la communication de ces pièces était a priori suffisante au regard de l’article 11, précité.
Tel que cela a été retenu dans l’affaire de Monsieur (L), dans le cadre de l’application de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il incombe à l’administré de préciser concrètement quel élément lui aurait fait défaut dans un dossier administratif lui communiqué et l’empêcherait ainsi de pourvoir utilement à la défense de ses intérêts face à la décision projetée par l’autorité, respectivement dans le cadre du recours contentieux qu’il a introduit.
Or, tel que les premiers juges l’ont relevé à juste titre, l’appelant ne fait pas valoir, pas plus que Monsieur (L) dans l’affaire précitée, des indices suffisamment concrets indiquant que la CSSF ne se serait en réalité pas conformée à son obligation de communication de tous les éléments de fait et documents considérés comme relatifs à sa situation administrative par rapport à la mesure projetée, de sorte que les premiers juges ont à juste titre rejeté le moyen tiré du non-respect de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Par rapport au moyen de Monsieur (L) en ce qu’il était fondé sur les articles 6 de la CEDH et 47 et 48 de la Charte, la Cour a retenu dans son arrêt du 17 décembre 2019 que le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire n’implique pas en faveur de la personne concernée un droit d’accès illimité et absolu à l’ensemble des informations traitées par l’autorité compétente dans le cadre de son enquête13, mais que ledit droit doit être mis en balance avec les droits de tiers et le secret professionnel de l’autorité et qu’en outre, si en principe la totalité des éléments tant à charge qu’à décharge doivent pouvoir être examinés par l’administré concerné et que la validité d’une restriction de l’accès à ces éléments pour des motifs de secret professionnel est susceptible de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, l’autorité est cependant autorisée à exclure du dossier administratif les éléments qui n’ont aucun rapport avec les allégations de fait et de droit figurant dans la communication préalable du résultat d’une enquête, destinés à être mis à la base d’une future décision administrative, et qui sont dès lors sans aucune pertinence pour l’enquête14. C’est à juste titre que les premiers juges ont fait application de cette solution, dont la Cour n’entend pas se départir.
A cet égard, il convient encore de se référer à l’arrêt de la CourEDH du 30 juin 2011 ((e) c. France), invoqué par la CSSF, ayant retenu par rapport à une affaire similaire, où l’autorité administrative avait collecté un volume impressionnant de pièces mais en a écarté un grand nombre pour ne pas être pertinentes, qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 6 de la CEDH, en retenant que tous les concernés avaient eu accès au dossier retenu par l’autorité administrative, 13 Par référence au considérant numéro 68 de l’arrêt de la CJUE du 13 septembre 2018 de la CJU, affaire (r), C-358/16.
14 Considérant numéro 67 de l’arrêt de la CJUE du 13 septembre 2018, affaire (r), C-358/16.
18que le requérant n’avait pas indiqué en quoi des éléments qui n’auraient pas été versés au dossier auraient pu contribuer à sa défense, qu’encore que dans cette espèce il fournissait la liste des pièces manquantes, il n’avait pas indiqué en quoi elles auraient été de nature à influer sur l’issue de l’affaire et que le requérant a eu l’occasion de faire valoir ses griefs successivement devant deux juridictions qui ont examiné les arguments soulevés avant de les rejeter15.
Dans ce contexte, la Cour rappelle encore que l’enquête diligentée par la CSSF concernant les opérations tendant à l’acquisition du contrôle du groupe (H) sous le non-respect de certaines obligations imposées par la loi OPA portait essentiellement sur des transactions auxquelles l’appelant avait en partie personnellement participé, de manière qu’il doit être considéré comme ayant été de façon suffisante en mesure d’évaluer si le rapport du 19 janvier 2017 et les annexes documentaires y relatives étaient de nature à retracer la réalité des opérations et transactions effectuées et du cadre dans lequel elles ont eu lieu en respectant la nécessité de tenir compte des éléments tant à charge qu’à décharge et, plus loin, s’il estimait que certains éléments à décharge auraient à tort été exclus de ce rapport, de les identifier et de les mettre en relation avec les éléments du rapport d’enquête sur lesquels la CSSF s’est basée.
Or, au lieu d’identifier des pièces qui devraient figurer au dossier auquel il a un droit d’accès, l’appelant se limite à affirmer de façon péremptoire que la CSSF avait potentiellement à sa disposition des éléments à décharge qui auraient été exclus du dossier, tout en affirmant en même temps être dans l’impossibilité d’identifier des pièces pertinentes auxquelles il devrait avoir accès.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appelant ne se prévaut pas de façon concrète d’éléments factuels non repris dans le rapport ou de lacunes dans l’accomplissement de son enquête par la CSSF et qui pourraient utilement nourrir le soupçon que le dossier à la base du rapport du 19 janvier 2017 et communiqué ensemble avec ce dernier ne correspondrait pas au dossier complet des éléments potentiellement pertinents en vue d’apprécier le bien-fondé des sanctions qui étaient ultérieurement prononcées à son encontre. L’appelant ne fournit ainsi pas d’éléments pertinents permettant de retenir que la CSSF n’aurait pas correctement exercé son pouvoir d’écarter les éléments factuels sans aucune relevance pour son enquête en question.
Dans ces conditions, les premiers juges ont à juste titre conclu, par référence à l’arrêt de la Cour du 17 décembre 2019, que la demande de l’appelant s’analyse en substance en la prétention à un droit d’accès à l’ensemble des éléments et documents inspectés par la CSSF dans le cadre de son enquête ayant abouti au rapport du 19 janvier 2017 et ce de manière abstraite sans avancer concrètement des indices tangibles d’une atteinte potentielle à ses droits de la défense à laquelle ce droit d’accès devrait remédier et qu’une telle demande s’analyse essentiellement en une recherche tous azimuts, susceptible notamment de porter atteinte aux intérêts légitimes de la CSSF découlant de son secret professionnel et ne saurait être considérée comme tendant légitimement au contrôle afin de savoir si la CSSF n’a pas écarté à tort des éléments pertinents pour le résultat de son enquête plutôt que de n’écarter que des éléments sans relevance pour l’enquête en question.
15 Points 58, 59, 61 et 63 de l’arrêt (e).
19Le moyen fondé sur une violation de son droit à l’accès au dossier a dès lors à juste titre été rejeté par les premiers juges.
5) Quant au fond Arguments des parties Quant au fond, l’appelant demande sa mise hors cause, conteste les critiques découlant du rapport du 19 janvier 2017 et de la décision entreprise et déclare maintenir l'ensemble des moyens et arguments présentés à la CSSF dans son courrier du 31 mars 2017.
Il n'aurait jamais agi avec les personnes mentionnées dans le rapport d'enquête, mais aurait agi exclusivement à titre personnel et pour son propre compte, en renvoyant à ses explications fournies en ce qui concerne le déroulement des faits. Tel que relevé dans sa lettre du 31 mars 2017, il explique qu'il serait un entrepreneur et un investisseur immobilier. Il déclare connaître tant Monsieur (M) que Monsieur (L) et admet ne pas avoir ignoré que ce dernier possédait une participation dans la société (H). Compte tenu de ses ambitions professionnelles, il aurait toujours été attentif aux activités de la société (H) et se serait d'ailleurs vu proposer des actions déjà en 2006 et 2007, sans avoir pris de participation à ce moment-là.
En début 2014, il aurait consulté la banque tchèque (N) pour avoir son opinion quant à une possibilité d'acquérir une participation dans la société (H). Il aurait été informé que cette société cherchait un acquéreur pour prendre une participation importante dans (P). Bien qu'il s'agisse d'un investissement financièrement exposé et risqué, la banque (N) lui aurait, en raison de sa réputation, octroyé un prêt pour réaliser la transaction. Il aurait investi par l'intermédiaire d'un special purpose vehicle, en abrégé « SPV », pour limiter ses risques, à savoir la société (K), ci-après « la société (K) ». Il aurait dès lors investi de façon légale et en toute indépendance dans la société (P) sur base d'un intermédiaire bancaire dans le cadre de relations d'affaires parfaitement légitimes et univoques.
Fin de l'année 2014, la situation financière de la société (H) se serait aggravée, impliquant la nécessité d'obtenir une nouvelle capitalisation. Dans ce contexte, il aurait initialement proposé d'acquérir deux propriétés immobilières de cette société, ce qui n'aurait toutefois pas été accepté, celle-ci lui ayant, au contraire, proposé de prendre une participation par souscription de nouvelles actions, ce qu'il aurait accepté avec le soutien financier de (N). Il aurait acquis cette participation en acceptant une décote du prix de sa souscription à hauteur de 20 % par rapport à la valeur de l'action sur le marché. A la suite de cette acquisition, il aurait demandé à être membre du conseil d'administration afin d'avoir une influence concrète sur la gestion de la société (H) dans le cadre de son investissement.
La situation financière d'(H) aurait toutefois continué à se dégrader et le cours de ses actions à décroître, ce qui l’aurait contraint à fournir à la banque une garantie personnelle. En même temps, il aurait cherché à sortir du capital d’(H).
Celle-ci aurait finalement décidé de vendre des actifs pour se recapitaliser et d'émettre de nouvelles actions pour réaliser une nouvelle augmentation de capital destinée à apurer les dettes.
20Le prix d'émission aurait été affecté d'une décote par rapport au prix de cotation. Dans le cadre de cette émission de nouvelles actions, il aurait montré son intérêt à obtenir une nouvelle participation, mais n'aurait pas obtenu le support de la (N), de sorte qu'il aurait finalement financé cette participation par l'intermédiaire de (W), l’acquisition ayant été faite à travers la société (K).
Il donne à considérer qu'à ce moment, il aurait dû participer à l'augmentation de capital, afin que sa participation ne soit pas diluée.
Concernant le fait qu'il a souscrit l'augmentation de capital à la même date que les autres investisseurs ou encore que la vente à (J) ait eu lieu à la même date, il donne à considérer qu'il serait important pour les actionnaires et la société de faire ce genre de cessions à la même date pour éviter qu'aucun investisseur n'obtienne une majorité ne serait-ce qu'à un moment. En mai 2016, il aurait été contacté par l’administrateur-délégué de la société (F) pour discuter d'une possible vente de sa participation dans (H) et, dans le cadre de ces discussions, la société (K) aurait cédé ses actions. La société (F) aurait indiqué qu'elle nécessitait une aide dans le financement du prix de cession et lui aurait proposé d'investir le résultat des cessions dans les obligations de la société (G). Il aurait remboursé les banques et détiendrait toujours personnellement sa participation dans (G).
Quant aux autres personnes mentionnées dans le rapport de la CSSF, l'appelant affirme n'avoir jamais entretenu de relations avec elles.
De même, il devrait être considéré comme tiers par rapport aux liens entre Monsieur (L) et le groupe (H).
Il souligne qu'il n'y aurait aucune preuve qu'il aurait entretenu de quelconques relations avec les autres protagonistes du dossier avant son entrée dans le capital de la société (H) et que ses propres investissements seraient sans aucune relation avec les autres investissements analysés par la CSSF, ses investissements se distingueraient clairement des autres investissements. A cet égard, il donne à considérer que la CSSF consacrerait la très grande partie de son rapport aux autres protagonistes lorsqu’elle se réfère à lui-même ou à la société (K) et qu’elle tirerait des parallèles qui n'existeraient en réalité pas. A titre d'exemple, l'appelant critique le fait que le rapport mentionnerait que la société (K) n'aurait pas proposé de changer la composition du conseil d’(H) ou de réorienter la stratégie d'investissement, alors que dans une note de bas de page, elle admettrait qu’il avait demandé la nomination du conseil d’administration de la société (H).
Par ailleurs, il aurait bel et bien participé aux réunions du conseil d’administration. Même s'il avait eu une attitude plus passive, il ne saurait en être déduit qu'il n'aurait pas assumé cette fonction.
La CSSF ferait en outre un amalgame entre le sort du prix de cession des actions de la société (H) par les autres actionnaires et le sort du prix de vente des actions détenues par la société (K). A cet égard, il donne à considérer que le prix de cession de ses actions serait intégralement rentré dans son patrimoine, tel que la CSSF l’aurait retenu à juste titre. Or, le tribunal n’aurait pas tenu compte de cet élément. Dès lors, les quatre indices du rapport concernant les SPV tomberaient 21à faux en ce qui concerne sa personne : il aurait financé personnellement les investissements, il aurait joué un rôle important dans l’administration de la société (H) et aucun élément ne permettrait d'affirmer que la société (K) n'aurait pas été un investisseur indépendant, et les sommes payées à titre de cession des actions seraient rentrées et resteraient toujours dans son patrimoine, sous réserve des montants remboursés à la banque.
Par ailleurs, l'appelant conteste la conclusion du tribunal selon laquelle le prix de cession de juin 2016 n'aurait pas été attribué aux bénéficiaires économiques respectifs des sociétés, mais aurait fini sur les comptes détenus par Monsieur (L), l’appelant donnant à considérer que lui-même serait titulaire des obligations acquises par le biais du prix de vente.
Enfin, il fait valoir que la qualification de « personnes agissant de concert » devrait être établie sur base d'un ensemble d'éléments sérieux, précis et cohérents et sur base de preuves circonstancielles indiquant l’existence d’une coopération entre les parties concernées afin d'acquérir le contrôle de la société visée. Or, au regard des explications fournies par lui, cette preuve ne serait pas rapportée.
Dans sa réplique, l'appelant réitère ses critiques à l’adresse de la CSSF dans la mesure où celle-ci l’assimilerait, sans autre analyse, aux autres SPV à 30 % en faisant abstraction des différences objectives avec celles-ci. Il réitère qu'il apporterait l'ensemble des pièces confirmant son statut d'investisseur immobilier et donne à considérer que les deux investissements de 2014 et 2016 auraient été faits à des dates tout à fait logiques en considération du contexte de l'affaire. Ni le montage financier, ni l'exécution des investissements avec notamment une prise de contrôle par lui en tant qu'administrateur de la société, ni la cession des participations ne seraient suspects. En ce qui concerne la cession, l'appelant fait valoir que la CSSF aurait finalement, dans son mémoire en réponse, affirmé que la situation entre lui-même et les autres SPV à 30 % serait différente, puisque les bénéfices des autres SPV seraient arrivés sur des comptes de Monsieur (L). Il souligne qu'il aurait eu le bénéfice de son investissement et ce peu importe de nouveaux investissements. Il importerait, par ailleurs, peu de savoir si cet investissement avait été annulé par la suite, puisqu’en tout état de cause, il serait resté propriétaire de son bénéfice réalisé. Les faits seraient dès lors fondamentalement différents de ceux concernant les autres concertistes secondaires, de sorte que les situations ne seraient pas assimilables. Enfin, il insiste sur le fait que la CSSF aurait la charge de la preuve et que la présomption d'innocence jouerait en sa faveur.
Analyse de la Cour A titre liminaire, la Cour relève qu’elle ne répond que par rapport aux moyens développés par l’appelant dans sa requête d’appel et dans sa réplique. En effet, les moyens présentés par les parties à l’instance doivent figurer dans les requête et mémoires, un simple renvoi à des moyens développés dans des pièces étant insuffisant à cet égard, de sorte que la Cour ne donnera pas suite au renvoi fait par l’appelant aux moyens présentés dans son courrier du 31 mars 2017 à la CSSF.
Il est reproché à l’appelant d’avoir agi de concert au sens de l’article 2, paragraphe (1), point d), de la loi OPA avec Monsieur (L), actionnaire majoritaire de la société (F), dans le contexte de l’acquisition et de la consolidation du contrôle de Monsieur (L) sur la société (H). Ce reproche se situe dans le contexte plus général de reproches d’actions de concert ayant permis à 22Monsieur (L) d’acquérir et de consolider son contrôle sur la société (H) et visant comme concertistes principaux Monsieur (L) et Monsieur (M), d’une part, et comme concertistes secondaires Monsieur (L) et les sociétés (C), ci-après « la société (C) », (E), ci-après « la société (E) », (I), ci-après « la société (I) », (S), ci-après « la société (S) », (U), ci-après « la société (U) », et la société (K) dont l’appelant est le bénéficiaire économique, d’autre part. En l’occurrence, il est reproché à l’appelant d’avoir permis à Monsieur (L) d’employer de façon cachée la société (K) pour consolider son contrôle sur la société (H), voire pour enlever à celle-ci un actif important, à savoir la participation dans la société (P).
Au regard des contestations de l’appelant, qui prétend ne pas avoir agi de concert avec Monsieur (L) au sens de l’article 2, paragraphe (1), point (d), de la loi OPA, mais qui souligne être un investisseur indépendant, la question centrale est de savoir si les investissements massifs par l’appelant à travers sa société (K) en actions (P) et (H) en 2014 et 2016 étaient réels ou si, comme retenu par la décision attaquée, cet investissement constitue en réalité un portage d'actions en faveur de Monsieur (L) pour masquer l'acquisition et l'exercice du contrôle de ce dernier sur (H).
Force est de constater que la décision litigieuse de la CSSF, ayant retenu l’action de concert plus large telle qu’énoncée ci-avant, repose sur 8 indices, énoncés et examinés dans le rapport d’enquête qui a été entériné par la direction de la CSSF et dont la CSSF déduit la preuve d’actes de coopération entre Monsieur (L) et Monsieur (M), d’une part, et entre Monsieur (L) et les sociétés (C), (E) et (I) (les SPV chypriotes) et (K), (U) et (S) (les SPV à 30%) et leurs bénéficiaires économiques respectifs, dont l’appelant, d’autre part, et ce afin de permettre à Monsieur (L) d’acquérir et de consolider le contrôle sur la société (H), prise de contrôle que celui-ci a officialisée en juin 2016 - selon les reproches de la CSSF à un moment où cette société avait été vidée de sa substance et que les cours de bourse de ses actions étaient plus bas qu’en janvier 2013 -, alors qu’en réalité, le contrôle avait déjà été acquis en janvier 2013.
Dans son arrêt du même jour rendu à l’égard de Monsieur (L), inscrit sous le numéro 49889C du rôle, la Cour a retenu que l’ensemble des indices ainsi décrits, qu’il y a lieu d’apprécier non pas pris isolément, mais dans leur globalité, révèlent de nombreuses anomalies dans les agissements des protagonistes majeurs, à savoir les sieurs (L) et (M), et les protagonistes secondaires agissant de concert avec Monsieur (L), à savoir les sociétés (C), (E), (I), (K), (U), et (S) et leurs bénéficiaires économiques respectifs, et sont suffisants pour établir l’existence d’une action de concert ayant abouti à la violation des obligations inscrites à l’article 5, paragraphes (1), et (3), de la loi OPA et ne sauraient raisonnablement être rattachés à une simple coïncidence ou à un agissement normal.
Le rôle joué plus particulièrement par la société (K) et l’appelant en tant que bénéficiaire économique de cette société est décrit au rapport d’enquête sous les indices 6 et 8 et se résume en substance en une fonction d’« homme de paille » ayant agi pour le compte de Monsieur (L).
Ainsi, le rapport d’enquête décrit, sous l’indice numéro 6, la manière dont un actif important appartenant au groupe (Q), à savoir la société (P), est parvenu dans le patrimoine de Monsieur (L) et le rôle joué en l’occurrence par la société (K) à cet égard.
23Selon le rapport d’enquête, l’étape décisive de la perte du contrôle de la société (H) sur la société (P) est à voir non seulement dans l’émission de nouvelles actions de cette société au bénéfice des sieurs (L) et (M) en décembre 2013 et mars 2014 à un prix très bas, mais aussi dans le rôle joué par les sociétés (X) et (K) dans l’acquisition de participations dans la société (P) et la cession ultérieure le 12 juin 2014 à Monsieur (L), le rapport retenant qu’il peut raisonnablement être exclu que les acquisitions des parts dans la société (P) par ces deux sociétés correspondent à un investissement ordinaire par des clients de la (N) agissant de façon indépendante et sans collusion avec Monsieur (L) et/ou ceux qui l’ont aidé.
Le rapport d’enquête retient un certain nombre d’anomalies par rapport à l’acquisition par la société (K) de parts dans la société (P) en avril 2014, en l’occurrence (i) le timing choisi pour trouver des liquidités pour la société (H) et le fait d’avoir attendu jusqu’en mars 2014 pour trouver un acquéreur pour les parts dans la société (P), (ii) la circonstance que le contrat de prêt entre la société (N) et la société (K) pour financer l’acquisition des parts a été signé avant le début des négociations sur l’acquisition des parts, (iii) les conditions de financement accordées par la société (N), (iv) la circonstance que l’appelant était un nouveau client pour la (N) n’ayant été introduit qu’en avril 2014 et avait pourtant tout de suite obtenu un prêt de l’ordre de grandeur de …. d’euros pour investir dans une société dont la valeur des parts a baissé durant des années, (v) la circonstance que l’avocat tchèque de Monsieur (L) avait joué un rôle dans la préparation des transactions entre la société (H) et la société (K).
Sous l’indice numéro 8, le rapport d’enquête retient en substance que les SPV à 30%, dont la société (K), ont été employés de façon cachée par Monsieur (L) pour acquérir des participations dans la société (H) et voit des signes d’actes de coopération qui ont permis, facilité ou consolidé la prise de contrôle par lui de cette société dans (i) la souscription par ces trois sociétés de …..
milliard de nouvelles actions de la société (H) le 10 novembre 2014 et/ou le 10 mai 2016 et la cession subséquente du 8 juin 2016 de ces sociétés à Monsieur (L), agissant à travers la société (F), elle-même agissant à travers la société (J), (ii) la participation des sieurs (A) et (O), à travers les sociétés (K) et (S), dans l’adoption de la décision des actionnaires de réduire le capital social de la société (H) le 2 mai 2016 sans annulation des actions à travers une réduction de la valeur unitaire des parts de 0,1 à 0,01 euro, tel que décrit sous le point 107 du rapport d’enquête, et (iii) les déclarations incomplètes faites par les bénéficiaires économiques des sociétés (K), (S) et (U) à la CSSF, tel que décrit sous les paragraphes 110 et 111 du rapport d’enquête16. Pour conforter sa conclusion, le rapport retient, sous le point 119, le fait que les bénéficiaires économiques des SPV à 30% n’ont pas financé leurs investissements substantiels par leurs propres moyens, mais par des crédits ayant suscité des questions, que ceux-ci n’avaient, bien qu’étant des actionnaires importants, pas joué de rôle dans la définition de la stratégie de la société (H) durant la période de détention des participations, que les informations obtenues sur les négociations entre Monsieur (L) et les bénéficiaires économiques de ces trois SPV à 30% ne permettent pas de conclure qu’il s’agit d’investisseurs indépendants et le fait que le prix des cessions du 8 juin 2016 s’est finalement retrouvé sur les comptes de Monsieur (L).
Ainsi, au niveau de l’entrée des trois SPV à 30%, dont la société (K), dans le capital social de la société (H) en novembre 2014, le rapport d’enquête relève les anomalies suivantes : (i) la circonstance que cette entrée dans le capital de la société (H) a considérablement dilué la 16 Point 124.3. du rapport d’enquête.
24participation de Monsieur (L) sans que celui-ci, qui pourtant à ce moment-là avait acquis une participation importante dans cette société - selon le rapport pour une valeur de plus de …… d’euros -, ait réagi d’une quelconque manière pour défendre sa position, (ii) celle qu’aucun des investisseurs soi-disant indépendants ayant acquis chacun 30 % dans la société (H) n’avait fait état d’une quelconque stratégie pour cette société ou a joué un quelconque rôle dans les nouveaux projets dans lesquels la société (H) avait investi quelques jours après l’émission des nouvelles actions acquises par eux, (iii) le caractère peu crédible des raisons données par Monsieur (L) pour ne pas participer à l’augmentation du capital de la société (H) le 10 novembre 2014 compte tenu du fait qu’à ce moment-là il était le plus important actionnaire de cette société, (iv) le fait que la facilité avec laquelle Monsieur (L) avait accepté la dilution de sa participation est d’autant plus incompréhensible vu la force qu’il avait mise en œuvre pour gagner la bataille en vue d’obtenir le contrôle sur la société contre les investisseurs (Y) et (Z) et (v) la circonstance que la société (K) et les deux autres SPV à 30% apparaissent, tel que le rapport le décrit, « out of the blue », dans la mesure où ils sont mentionnés pour la première fois lors d’une réunion du conseil d’administration le 31 octobre 2014, partant moins de deux semaines avant l’émission de nouvelles actions de la société (H) acquises par elles le 10 novembre 2014, le rapport d’enquête insistant sur le caractère à la fois rapide et apparemment superficiel des discussions en relation avec cette opération comparé à l’importance de l’investissement et la circonstance que ces sociétés vont devenir les actionnaires les plus importants de la société (H), combiné au fait qu’aucune banque d’investissement, contrairement à d’autres investissements majeurs de la société (H), n’avait été mandatée par celle-ci en novembre 2014 ou en mai 2016 pour trouver de nouveaux investisseurs.
S’agissant de l’émission de nouvelles actions pour ….. d’euros de la société (H) en mai 2016 en faveur des SPV à 30 %, le rapport relève aux points 107 et 108 les conditions surprenantes dans lesquelles cette émission de nouvelles actions avait été opérée. Par ailleurs, le rapport d’enquête relève sous le point D) le caractère incomplet des réponses fournies par les bénéficiaires économiques des trois SPV à 30 % aux questions posées par la CSSF. S’agissant de l’implication personnelle de Monsieur (A) dans la société (H), il convient de relever que celui-ci était certes devenu membre du conseil d’administration de la société (H), tel que cela ressort du point 112 du rapport d’enquête. Il en résulte toutefois également qu’il n’avait joué aucun rôle actif en tant que tel, seules deux interventions ayant été relevées, à savoir (i) la cession du portfolio (f) à la société (F), dont Monsieur (L) est le bénéficiaire économique, et (ii) la réunion du conseil d’administration du 10 mai 2016 dans le contexte de l’augmentation du capital social de la société (H), occasion lors de laquelle il n’a pas pris part au vote puisque sa société figurait parmi les souscripteurs potentiels.
Le rapport d’enquête décrit également les conditions douteuses dans lesquelles les trois SPV à 30 %, dont celle de Monsieur (A), sont sorties du capital social de la société (H), le rapport d’enquête relevant en l’occurrence l’absence de traces de négociations particulières ayant précédé les cessions au bénéfice de Monsieur (L) ayant abouti en juin 2016 et concluant comme étant peu crédible que des négociations avec trois investisseurs majeurs soi-disant indépendants en relation avec un important paquet de participations avaient été clôturées endéans trois semaines et ce d’autant plus que ces acquisitions par Monsieur (L) avaient été faites le même jour que celle de la société (g), ci-après « la société (g) », ayant comme bénéficiaire économique Monsieur (M) que le rapport d’enquête a qualifié comme étant le concertiste principal ensemble avec Monsieur (L), et les sociétés (C), (E) et (I). Le rapport d’enquête relève encore, sous le point 116, qu’il est peu 25crédible que Monsieur (L) avait acquis en juin 2016, sans qu’il n’y ait eu une quelconque concertation entre les différents intervenants, l’ensemble des parts à un prix de 0,28 euro par part s’il avait pu acquérir la même participation à un prix de 0,08 euro quatre semaines plus tôt, à savoir au moment de l’augmentation du capital en mai 2016, lors de laquelle entre autres la société (K) avait souscrit sa participation, vendue à Monsieur (L) en juin 2016. Le rapport d’enquête relève sous le point C) que le prix de cession à la suite de l’acquisition des participations des trois SPV à 30 % par Monsieur (L) est en fin de compte arrivé sur les comptes de ce dernier, en l’occurrence par un réinvestissement dans ses propres sociétés, la CSSF ayant relevé que le produit de vente en faveur de la société (K) avait été immédiatement réinvesti dans des obligations de la société (F), annulées en novembre 2017. La CSSF a relevé encore à juste titre que les bénéfices réalisés sur la vente de la société (K) à la société (J) et partant à Monsieur (L) ne résultent pas d’une évolution positive du prix de marché des actions de la société (H), mais de la différence entre le prix de souscription de 0,08 euro par action payé par la société (K) le 10 mai 2016 pour souscrire les actions nouvellement émises et la valorisation de ces mêmes actions à 0,28 euro par action dans le cadre de la vente par la société (K) à la société (J) intervenue seulement un mois plus tard.
L’appelant reste en tout état de cause en défaut d’expliquer la motivation des différents intervenants permettant d’éclairer ce modus operandi.
La Cour rejoint la CSSF dans ses conclusions selon lesquelles les explications plutôt générales fournies par l’appelant quant aux opérations effectuées ne permettent pas d’énerver de façon crédible le modus operandi tel que décrit dans le rapport d’enquête et qui montre de multiples éléments qui se trouvent en contradiction avec la thèse défendue par l’appelant selon laquelle il aurait été un investisseur indépendant ayant agi pour son propre compte et sans avoir agi de concert avec Monsieur (L) ou encore avec les deux autres SPV à 30 %, ayant acquis dans des conditions similaires des participations d’une importance similaire à celle acquise par l’appelant et chacune restant tout juste en dessous du seuil de contrôle prévu à l’article 5, paragraphe (3), de la loi OPA.
La Cour est dès lors amenée à retenir qu’il résulte à suffisance des multiples indices recueillis dans le rapport d’enquête et entériné par la direction de la CSSF, qui ne sont pas énervés de façon sérieuse et convaincante par les explications fournies par l’appelant, que celui-ci n’était pas à considérer comme un investisseur indépendant, mais qu’en réalité il s’agissait d’un portage d’actions en faveur de Monsieur (L) pour masquer l’acquisition et l’exercice du contrôle de celui-
ci sur la société (H) qui a finalement abouti en juin 2016 à la détention de 97,31 % des droits de vote acquis pour la grande partie le même jour des trois SPV à 30 %, dont la société (K), des sociétés (C), (E) et (I) et enfin de la société (J).
Les moyens invoqués sous le titre relatif à une violation alléguée de la loi OPA et à une mise hors cause de l’appelant sont partant rejetés, de sorte qu’à défaut d’autres moyens, le quantum de l’amende retenue n’étant par ailleurs pas remis en cause par l’appelant, l’amende est à confirmer.
Ensuite, la Cour relève que si selon le dispositif de la requête d’appel, l’appelant demande, par réformation du jugement, de réformer la décision de la CSSF du 8 décembre 2017 non seulement en ce qu’une sanction administrative lui a été infligée, mais encore en ce que la publication de cette sanction par voie de communiqué de presse a été décidée, il n’a pas invoqué de moyen spécifique par rapport à ce deuxième volet de cette décision. Or, à défaut d’être saisie 26de moyens visant la décision de publier l’amende retenue, la Cour ne peut que confirmer ce volet de la décision du 8 décembre 2017.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est fondé en aucun de ses moyens, de sorte qu’il est à rejeter et le jugement dont appel à confirmer.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de ….
euros telle que formulée par l’appelant est à rejeter.
La demande de la CSSF de voir condamner l’appelant au paiement d’une indemnité de procédure de ….. euros est pareillement à rejeter en ce qu’il n’est pas établi à suffisance en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.
S’agissant de la demande en distraction des frais telle que formulée par le mandataire de l’appelant, celle-ci est rejetée, pareille façon de procéder n’étant point prévue en matière de procédure contentieuse administrative.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme l’appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2023, inscrit sous le numéro 40878 du rôle ;
au fond, dit l’appel non fondé et en déboute l’appelant ;
partant, confirme le jugement du 21 novembre 2023 ;
rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées de part et d’autre ;
rejette la demande en distraction des frais telle que formulée par le litismandataire de l’appelant ;
condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, 27et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour …….
s. …… s. DELAPORTE 28