GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 49886C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:49886 Inscrit le 29 décembre 2023 Audience publique du 27 juin 2024 Appel formé par Monsieur (M), … (France), contre un jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2023 (numéros 39761a + 40874a du rôle) ayant statué sur ses recours contre des décisions de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER en matière d’amende d’ordre et d’accès au dossier administratif Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 49886C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 29 décembre 2023 par Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, au nom de Monsieur (M), demeurant à F-… … (France), …, …., dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 21 novembre 2023 (numéros 39761a et 40874a du rôle), ayant joint les recours inscrits sous les numéros 39761 et 40874 du rôle, l’ayant débouté des deux recours dirigés contre des décisions de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER des 20 et 31 mars 2017 portant refus de communiquer l’intégralité du dossier administratif et contre une décision de la même autorité du 8 décembre 2017 ayant 1) constaté l’existence d’une action de concert non divulguée concernant la société anonyme (H) S.A. entre deux concertistes principaux, à savoir Monsieur (M) et Monsieur (L), 2) refusé l’approbation de l’offre publique d’acquisition obligatoire sur des actions d’(H) S.A. par une société appartenant majoritairement à Monsieur (L), 3) ayant décidé de rendre publiques les branches de sa décision sub 1) et 2) par voie d’un communiqué de presse sous une forme nominative en ce qui concerne Monsieur (M), ainsi que le deuxième concertiste principal et 4) imposé à Monsieur (M) une amende d’ordre de ….. euros sur base de l’article 17 de la loi modifiée du 19 mai 2006 sur les offres publiques d’acquisition en raison de sa participation à l’action de concert précitée et ayant rejeté sa demande en paiement d’une indemnité de procédure ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly FERREIRA SIMOES, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, les deux demeurant à Luxembourg, du 2 janvier 2024, portant signification de cette requête d’appel à la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER, en abrégé CSSF, établissement public de droit luxembourgeois, établie et ayant son siège social à L-1150 Luxembourg, 283, route d’Arlon, représentée par sa direction en fonctions, inscrite au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro J 26 ;
1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 2 février 2024 par la société à responsabilité limitée RODESCH AVOCATS A LA COUR S.à r.l., ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 7-11, route d’Esch, immatriculée au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro B 265.322, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Virginie VERDANET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la CSSF, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 mars 2024 par Maître Nicolas THIELTGEN au nom de l’appelant, préqualifié ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 avril 2024 par la société à responsabilité limitée RODESCH AVOCATS A LA COUR S.à r.l. au nom de la CSSF, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nicolas THIELTGEN, assisté de Maître Nicolas VIGUIÉ, inscrit au barreau de Paris, et Maître Virginie VERDANET en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 avril 2024.
La société anonyme de droit luxembourgeois (F) S.A., ci-après « la société (F) », se porta acquéreuse de parts sociales de la société anonyme de droit luxembourgeois (H) S.A., ci-après « la société (H) », au courant de l’année 2016, de sorte à détenir, par l’intermédiaire d’une de ses filiales, à savoir la société de droit chypriote (J), ci-après « la société (J) », 97,31 % des droits de vote dans la société (H). A la suite de cette prise de contrôle, la société (J) lança une offre publique d’achat obligatoire, ci-après « OPA obligatoire », en soumettant une offre d’achat des actions restantes. Ladite OPA obligatoire fut soumise à l’approbation de l’établissement public COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER, ci-après « la CSSF ».
L’OPA obligatoire projetée fit l’objet de communiqués de presse de la part de la société (F) respectivement de la société (H) en dates des 8 et 10 juin 2016.
La CSSF adressa en date du 19 janvier 2017 un courrier à Monsieur (M), en sa qualité d’actionnaire majoritaire de la société (g), ci-après « la société (g) », ainsi qu’en sa qualité de président du conseil d’administration de la société (H), l'invitant à lui faire part, dans les 8 jours, de ses observations concernant son intention de prononcer à son encontre une amende d’ordre de … euros sur base de l'article 17, paragraphe (1), de la loi modifiée du 19 mai 2006 portant transposition de la directive 2004/25/CE, du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, ci-après « la loi OPA », respectivement « la directive 2004/25/CE », la CSSF se fondant sur un rapport d'enquête préparé par le département MAF II-
Métier Surveillance des Marchés d’Actifs Financiers, ci-après « MAF II », annexé à ladite lettre, comportant 561 annexes, ledit rapport concluant à l’existence d’une action de concert au sens de la loi OPA, entre autres, entre Monsieur (M) et Monsieur (L) dans le cadre de la société (H).
2Par courrier du 27 janvier 2017, Monsieur (M) informa la CSSF qu'il avait bien reçu sa lettre d'intention du 19 janvier 2017, mais non les annexes du rapport.
Par courrier du 3 février 2017, la CSSF prolongea le délai accordé à Monsieur (M) pour la communication de ses observations jusqu’au 31 mars 2017.
Le 16 février 2017, la CSSF émit encore un communiqué, intitulé « Press Release (a) », annonçant qu’elle envisageait de ne pas approuver l’OPA obligatoire en raison de son intention de retenir l’existence d’une action de concert qui n’aurait pas été dévoilée, le même communiqué énonçant encore l’existence de violations de la loi OPA en raison de l’allégation d’une action de concert illégale.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 février 2017, enregistrée sous le numéro 39147 du rôle, la société (F) fit déposer un recours en annulation contre la décision de la CSSF de publier l’avis précité ainsi que contre la décision de la CSSF l’invitant à procéder à une diffusion effective du « Press Release (a) », et par requête déposée concomitamment et enregistrée sous le numéro 39148 du rôle, elle sollicita encore au président du tribunal administratif, dans l’attente de la décision sur le mérite de son recours au fond, l’obtention de l’effet suspensif et l’instauration de plusieurs mesures de sauvegarde à l’encontre de ces décisions. Cette dernière requête fut rejetée par ordonnance présidentielle du 9 mars 2017, tandis que l’affaire au fond fit l’objet d’une radiation en date du 8 mai 2018.
Par courrier de son mandataire du 16 mars 2017, Monsieur (M) sollicita de la CSSF la communication de l'intégralité du dossier administratif relatif à sa situation, conformément aux dispositions de l'article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ».
Par courrier du 20 mars 2017, la CSSF répondit au mandataire de Monsieur (M) que l'intégralité du dossier administratif au sens de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, à savoir le rapport d’enquête et ses annexes, lui aurait d’ores et déjà été communiquée.
Par courrier de son mandataire du 30 mars 2017, Monsieur (M) fit souligner qu’à la suite de l’examen des annexes au courrier du 19 janvier 2017 de la CSSF, il serait arrivé à la conclusion que l’intégralité du dossier n’était pas en sa possession, de sorte à considérer que la CSSF « refuse de lui adresser copie de l’intégralité du dossier administratif le concernant ».
La CSSF répondit par courrier du 31 mars 2017 au mandataire de Monsieur (M) « (…) que l’intégralité du dossier sur lequel [elle] entend se baser (et qui contient tous les éléments de fait et de droit) pour prendre les décisions annoncées dans sa lettre du 19 janvier 2017 à l’attention de [son] client, à savoir le rapport d’enquête du 19 janvier 2017 et ses annexes, a été délivré à [son] client, une première fois, en date du 23 janvier 2017 à (j) et, une seconde fois, en date du 30 janvier 2017 à (c), en conformité avec les dispositions du règlement du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes (…) ». Elle le pria encore de noter « par ailleurs, que les pièces référencées dans le rapport d’enquête ne sont pas numérotées dans un ordre chronologique ou en continu. Toutes les pièces référencées dans le rapport 3d’enquête ont été communiquées à [son] client en janvier 2017 (cf. supra). Au cas où une pièce référencée dans le rapport d’enquête n’aurait pas été communiquée à [son] client, veuillez s.v.p.
[l’] en avertir dans les meilleurs délais (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 juin 2017, inscrite sous le numéro 39761 du rôle, Monsieur (M) fit introduire un recours en annulation contre « la décision de la CSSF en date du 20 mars 2017 » ainsi que « la décision de confirmation » de la CSSF du 31 mars 2017 « portant un refus implicite de la CSSF » de lui communiquer l’intégralité du dossier administratif.
Par un jugement du 9 octobre 2018, le tribunal administratif déclara ledit recours en annulation « irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la lettre de la CSSF du 20 mars 2017 », mais recevable en ce « qu’il est dirigé contre la décision de la CSSF du 31 mars 2017 » pour ensuite retenir qu’« avant tout progrès en cause, le tribunal sursoit à statuer jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt de la Cour administrative à rendre dans les affaires portant les numéros 37084C et 37602C du rôle, à la suite de l’arrêt de la CJUE du 13 septembre 2018 rendu dans l’affaire C-358/16 (r), …… et consorts ».
Pour arriver à cette conclusion, le tribunal retint que le courrier déféré de la CSSF du 20 mars 2017 était dépourvu de tout élément décisionnel, de sorte à ne pas être susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux. En revanche, le tribunal retint que le courrier du 31 mars 2017 était à considérer comme décision de refus de la CSSF, par rapport à laquelle le demandeur disposait d’un intérêt personnel, direct, légitime, né et actuel pour en faire contrôler la légalité, de sorte que les moyens d’irrecevabilité de ce volet du recours soulevés par la CSSF étaient à rejeter pour ne pas être fondés et que ledit volet du recours était recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond du recours, le tribunal constata que les parties étaient en désaccord sur la question du caractère complet ou non du dossier administratif transmis au demandeur, lequel s’emparait de l’absence de numérotation continue des annexes du rapport et de la non-communication de certains courriers pour estimer que la version du dossier administratif lui transmise ne serait pas complète, tandis que la CSSF prétendait que le dossier remis au demandeur contiendrait l’ensemble des pièces sur lesquelles elle se serait basée pour prendre la décision à son égard. La CSSF expliqua, par ailleurs, que le choix des documents à communiquer aurait toutefois dû être opéré dans les limites du cadre posé par le secret professionnel auquel elle serait soumise et ajoute qu’elle aurait été confrontée à plus de 15.000 documents et plusieurs dizaines de milliers de courriels concernant d’autres protagonistes. Le tribunal retint ensuite que le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 avait vocation à s’appliquer au cas d’espèce, dont notamment son article 11, aux termes duquel : « Tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l´être, par une décision administrative prise ou en voie de l´être ». Le tribunal releva encore la spécificité de manière générale de la présente matière, à savoir du domaine financier dont certains aspects seraient susceptibles d’être couverts par le secret professionnel et plus particulièrement de la décision sous examen, laquelle serait basée selon les dires de la CSSF sur plus de 15.000 documents et plusieurs dizaines de milliers de courriels. Dans ce contexte de la communication du dossier administratif à la base d’une décision prise par la CSSF dans le domaine financier soumis 4à la surveillance de celle-ci, le tribunal renvoya ensuite à un arrêt du 13 septembre 2018 de la Cour de Justice de l’Union Européenne, ci-après « la CJUE », dans une affaire C-358/16 (r) (Luxembourg) SA, e.a., ci-après « l’affaire (r) », répondant à une question préjudicielle lui posée par un arrêt de la Cour administrative du 21 juin 2016, inscrit sous les numéros 37084C et 37602C du rôle. Le tribunal retint, à cet égard, que malgré la disparité entre l’affaire ainsi tranchée par la CJUE et celle sous examen, le trait commun caractérisant ces deux affaires ayant trait à une décision de la CSSF en tant qu’autorité de surveillance des marchés financiers, était celui de la question de l’existence ou non d’une limite au droit d’accès au dossier pour un administré face au secret professionnel des affaires auquel est tenue la CSSF en l’absence de tout texte particulier organisant une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l'administré que celles du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. Eu égard notamment à la nature et à l’importance des enjeux gisant à la base de l’affaire, le tribunal décida, avant tout progrès en cause, de surseoir à statuer jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt de la Cour administrative devant intervenir à la suite de l’arrêt précité de la CJUE, dans les affaires portant les numéros 37084C et 37602C du rôle.
Par décision du 8 décembre 2017, la CSSF informa Monsieur (M) de sa décision de ne pas approuver l’OPA obligatoire relative à la société (H) et prononça à l’encontre de Monsieur (M) la sanction d’une amende d’ordre de … euros sur le fondement de l’article 17, paragraphe (1), de la loi OPA, ladite décision étant libellée comme suit :
« We refer to the CSSF letter sent to your attention and dated 19 January 2017 (O/Ref.:
……) by which the CSSF communicated to you, amongst other things, its intention to impose an administrative sanction on you as announced therein (the "CSSF Intention Letter").
We make further reference to the investigation report dated 19 January 2017 drawn up by the CSSF department MAF II - Métier Surveillance des Marchés d’Actifs Financiers (the " MAF II Department") that was attached to the CSSF Intention Letter together with its 561 annexes (in electronic form) on the existence of an undisclosed concert action between you, Mr (L) and other persons named therein with respect to (H) S.A. (the "Investigation Report" or the "Report") infringing the law of 19 May 2006 on takeover bids (the "Takeover Law"). The period covered by the Investigation Report runs from 1st September 2012 until 30 June 2016 (the "Period under Investigation").
I.
Background Information in relation to the Mandatory Takeover Offer It is reminded that (H) S.A. ("(H)") has its registered office in Luxembourg and its shares ([…] hereinafter the "(H) shares") are admitted to trading on the regulated markets of the Warsaw and Luxembourg stock exchanges (their trading being currently suspended on the abovementioned stock exchanges).
(H) is subject to a mandatory takeover offer (the "Mandatory Takeover Offer") by (J) ("(J)"), an entity under the indirect control of Mr (L). The Mandatory Takeover Offer was publicly announced on 8 June 2016. The Mandatory Takeover Offer and in particular the approval of the offer document containing the information necessary to enable the holders of (H) shares to reach 5a properly informed decision on the Mandatory Takeover Offer falls under the CSSF competence pursuant to Article 4 (2) (a) of the Takeover Law.
It is further reminded that within the context of the Mandatory Takeover Offer, Mr (k) from PricewaterhouseCoopers was appointed as independent expert following a request of the CSSF for the appointment of an independent expert to determine the equitable price (prix équitable) of the (H) shares to be offered to the other (H) shareholders pursuant to Article 5, paragraphs 1 and 4, of the Takeover Law. As at 19 January 2017, which is the date when the CSSF Intention Letter and the Report were sent to you, no final and complete version of the valuation report had been submitted to the CSSF.
As at the date of this letter, the approval of the offer document to be drawn-up in connection with the Mandatory Takeover Offer is on hold, pending the decision of the CSSF in the context of the above referenced matter and the submission of a complete offer document (including a complete valuation report) to be drawn-up in connection with the Mandatory Takeover Offer.
II.
Summary of Proceedings Leading to this Decision Letter The main steps of the proceedings leading to this decision letter may be summarized as follows:
i.
On 19 January 2017, the CSSF sent to you the CSSF Intention Letter together with the Investigation Report and its annexes. On the same date the CSSF notified the other alleged concert parties of its intention to take administrative measures and to sanction them for breach of the Takeover Law.
ii.
The CSSF Intention Letter indicated two deadlines within which comments and/or explanations could be provided to the CSSF:
a first deadline of eight calendar days as from the receipt of the CSSF Intention Letter (the "First Deadline") with respect to the intention of the CSSF to publish, on the basis of Article 5 of the Règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, its intention to take certain decisions under the Takeover Law with respect to (H) S.A. (the "Adequate Disclosure") because of the impact of those contemplated decisions on the Mandatory Takeover Offer to allow third parties whose rights and interests may be affected thereby to present their arguments ("faire valoir leurs moyens"); and a second deadline of twenty calendar days as from the receipt of the CSSF Intention Letter with respect to all other comments and/or explanations on the administrative sanctions and measures contemplated in the CSSF Intention Letter and the Investigation Report (the "Second Deadline").
iii.
By CSSF letter dated 3 February 2017, the First Deadline was extended until 10 February 2017 and the Second Deadline was extended until 31 March 2017.
iv.
On 16 February 2017, the Adequate Disclosure took place through the publication of the CSSF press release (a) regarding (H) S.A.
6v.
By letter dated 16 March 2017, Me Nicolas Thieltgen of the law firm Brucher Thieltgen & Partners informed the CSSF that he had been appointed as your legal representative in this matter.
vi.
Observations on the CSSF Intention Letter and on the Investigation Report were submitted respectively by you per letter dated 27 January 2017 and on your behalf by your legal representative per letters dated 16 March 2017 and 30 March 2017.
It is further noted that on 16 June 2017, the CSSF was notified of a recours en annulation introduced on your behalf by Me Nicolas Thieltgen before the Luxembourg Administrative Court (Tribunal administratif de et à Luxembourg) against two so-called CSSF decisions of 20 March 2017 and 31 March 2017 supposedly denying the communication of the integrality of the administrative file (the "Judicial Proceedings"). These Judicial Proceedings are currently pending before the Luxembourg Administrative Court where it has been registered under number n°39761 of the roll.
The CSSF has reviewed the observations submitted by all concerned parties, including those of the persons defined in the Investigation Report as primary and secondary concert parties as well as the observations submitted to the CSSF by interested third parties following the Adequate Disclosure. As regards more particularly the observations submitted by you, the CSSF considers that your arguments do not materially invalidate the findings of the Investigation Report and in particular the legal and factual grounds upon which the CSSF communicated its intention take the relevant administrative measures and to sanction you as per the CSSF Intention Letter.
The same also applies as regards the observations submitted by the other concerned parties to the CSSF. The CSSF therefore considers that the Investigation Report dated 19 January 2017 does not need to be amended or complemented in material respects.
III.
Observations submitted to the CSSF You have provided no observations directly and specifically dealing with the CSSF Intention Letter and the Investigation Report (including its 561 annexes) but have generally informed the CSSF in your letter dated 27 January 2017 that you strongly contest at least the conclusions of the Report and reserve all your rights and arguments.
The CSSF takes note of your general objection but does not consider that it requires the Investigation Report to be amended or complemented in any material respect because of the generality of its nature.
Your legal representative has subsequently requested access to the integrality of your administrative file in his two letters respectively dated 16 March 2017 and 30 March 2017 on the basis of Article 11 of the règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.
The CSSF has responded to this request by pointing out, in its letters dated 20 March 2017 and 31 March 2017, that the CSSF decisions announced in the CSSF Intention Letter will be taken on the basis of the Investigation Report and the annexes thereto and that the integrality of the 7administrative file within the meaning of Article 11 of the aforementioned règlement, i.e. the Investigation Report and its annexes, had been delivered to you by the CSSF. This procedural related matter being subject to the aforementioned on-going Judicial Proceedings, reference is further made for all intents and purposes to the CSSF pleadings in said matter.
For the purposes of this decision letter, the CSSF notes that you and your legal representative have not provided any detailed comment on the contents and/or substance of the CSSF Intention Letter, the Investigation Report and the annexes thereto.
IV. Takeover Law Infringements The Investigation Report and the evidence included therein conclude on a principal basis that you, acting directly and indirectly (in particular as sole shareholder of (g) and incidentally in your functions as CEO and chairman of (H)’s board of directors until your respective removal and resignation from these positions on 18 March 2014 and 27 March 2014) together with Mr (L) were persons acting in concert with respect to (H) during the course of the Period under Investigation within the meaning of Article 2, paragraph (1), sub-paragraph d) of the Takeover Law.
According to the Investigation Report, as a result of the aggregation of your direct and indirect holdings in (H) shares (in particular those (H) shares held through (g)) together with the direct and indirect holdings of (H) shares held by Mr (L), Mr (L) acquired the control over (H) within the meaning of Article 5 (3) of the Takeover Law on 10 and 11 January 2013 but failed in that context to comply with his obligation to launch a mandatory takeover offer over (H) as required by Article 5 (1) of the same law. It is further referred to the Directive 2004/25/EC of the European Parliament and of the Council of 21 April 2004 on takeover bids and in particular to its Article 4 ("Supervisory authority and applicable law") as regards any further actions which could be initiated as a result of the abovementioned determination made by the CSSF pursuant to Article 5 (1) read together with Article 5(3) of the Takeover Law.
The Investigation Report allows to conclude on a subsidiary basis that during the Period under Investigation, the following persons were also persons acting in concert with Mr (L) with respect to (H) in order to facilitate and/or further strengthen his creeping acquisition of control over (H). These persons are respectively (i) (C) (beneficial owner: Mr (m)); (ii) (E) (beneficial owner: Mr (n)); (iii) (I) (beneficial owner: Mr (h); (iv) (K) ("(K)") (beneficial owner until on or around 8 June 2016: Mr (A)), (v) (U) ("(U)") (beneficial owner until on or around 8 June 2016:
Mr (T)) and (vi) (S) ("(S)") (beneficial owner until on or around 8 June 2016: Mr (O)).
On the basis of the Investigation Report, the CSSF considers that your concert action with Mr (L) constitutes a significant breach of the general principles set out in Article 3 of the Takeover Law and in particular those laid-down under subparagraphs (a) and (d) thereof and contributed to the infringement by Mr (L) of Article 5(1) of the Takeover Law read together with Article 5 (3) of the Takeover Law.
V.
Administrative Measures and Sanctions 8The CSSF informs you of its decision not to approve the offer document in the context of the current Mandatory Takeover Offer, which, as a result of your undisclosed concert action with Mr (L) on a principal basis and Mr (L)’s pre-existing control over (H) since 10 and 11 January 2013 and based upon the violations of Article 3 (a) and (d), Article 5 (1) and (3), and in accordance with the provisions of Article 13 (a) of the Takeover Law, is declared null and void.
Based upon Article 5 of the aforementioned Règlement grand-ducal du 8 juin 1979, Article 4 (2) (a) of the Takeover Law read together with the general principles laid down under Article 3 (a) and (d) of the same law and in order to further ensure the transparency and integrity of the market of the (H) shares, the CSSF will make public through a CSSF press release (the "CSSF Press Release on Takeover Law Infringements") its decision not to approve the offer document in the context of the current Mandatory Takeover Offer as a result of your undisclosed concert action with Mr (L) and the resulting control over (H) since 10 and 11 January 2013 and to declare the Mandatory Takeover Offer null and void. The abovementioned press release will make reference to you and to Mr (L) on a nominative basis taking into consideration your respective roles as main parties acting in concert.
Pursuant to Article 17 (1) of the Takeover Law, and taking into consideration your role along with Mr (L) as main concert parties in the undisclosed concert action described above, the CSSF imposes on you an administrative fine of EUR ….. (in words: ….. euros) for undisclosed concert action in breach of the general principles set out in Article 3 subparagraphs (a) and (d) of the Takeover Law.
VI. Procedural Matters A court action against this decision may be lodged before the Tribunal administratif (Administrative Court) by an Attorney-at-law (Avocat à la Cour) registered at the Bar of Luxembourg or at the Bar of Diekirch. This action must, under penalty of foreclosure, be filed within 3 (three) months as from the notification of this decision.
Please refer to the attached document for detailed payment instructions. (… ) ».
Par requête inscrite sous le numéro 40874 du rôle et déposée le 8 mars 2018 au greffe du tribunal administratif, Monsieur (M) fit introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision précitée du 8 décembre 2017.
Par requête introduite le même jour, inscrite sous le numéro 40875 du rôle, Monsieur (M) sollicita encore le sursis à exécution par rapport à la décision précitée de la CSSF du 8 décembre 2017 « jusqu’à ce que le Tribunal administratif ou la Cour administrative ait définitivement statué sur le recours au fond dirigé contre la même décision », demande ayant été rejetée par ordonnance présidentielle du 22 mars 2018.
Par une requête en intervention volontaire, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 septembre 2018, 1) la société (o)., une « exempt company » de droit caïmanais, 2) la société (p) LP, une « limited partnership » de droit du ….. (USA), et, 3) la société (q) LP, une « limited partnership » de droit du …., sollicitèrent le droit d’intervenir volontairement dans le 9cadre de la procédure portant le numéro 40874 du rôle. Par un jugement interlocutoire du 14 juin 2019, le tribunal déclara anticipativement et avant tout progrès en cause irrecevable cette requête en intervention volontaire.
Dans le cadre du recours inscrit sous le numéro 39761 du rôle, par rapport auquel le tribunal avait, par jugement précité du 9 octobre 2018, décidé de surseoir à statuer en attendant l’arrêt de la Cour administrative à intervenir suite à l’arrêt (r), la Cour administrative prononça le 28 février 2019 son arrêt dans les affaires inscrites sous les numéros 37084CA et 37602CA du rôle. Elle renvoya par ledit arrêt la question gisant à la base dudit litige, à savoir celle de la communication de certains documents au demandeur, au tribunal pour être jointe au fond, au motif que le tribunal, même s’il n’était pas la juridiction ayant saisi la CJUE de la question préjudicielle afférente, est le juge du fond, lequel est le mieux placé pour statuer sur la question litigieuse. Pour arriver à cette solution, la Cour administrative précisa qu’elle entendait « (…) entériner la solution proposée par l’arrêt de la CJUE du 13 septembre 2018 comportant le double contrôle à effectuer par le juge national seul, à l’exclusion des parties et de leurs représentants, consistant en premier lieu dans l’analyse de savoir si les informations déposées sous le sceau de la confidentialité par la CSSF concernent les personnes visées par les sanctions administratives litigieuses et présentent un lien objectif avec les griefs retenus à leur égard et, dans l’affirmative, dans un deuxième stade, de mettre en balance l’intérêt de ces personnes en cause à disposer des informations nécessaires aux fins d’être en mesure d’exercer pleinement leurs droits de la défense, d’un côté, et les intérêts liés au maintien de la confidentialité des informations couvertes par l’obligation du secret professionnel, de l’autre, avant de décider de la communication de chacune des informations sollicitées.
D’après la CJUE, seul le juge national peut procéder à ces évaluations. Aux yeux de la Cour, il peut tout au plus s’associer un conseiller technique, expert en la matière, confident nécessaire à ces fins. (cf. Cour adm. 1er février 2007, n°21572C et 21712C du rôle, Cour adm.
1er juillet 2010, n°26420C et 26421C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Environnement, n°212).
De manière objective et raisonnable, le juge saisi du fond serait le mieux placé pour effectuer le contrôle proposé par la CJUE. Or, le juge national visé par la CJUE dans son arrêt est classiquement le juge ayant soumis la question préjudicielle à la juridiction européenne et appelé à se servir de la solution fournie par celle-ci en vue de résoudre utilement le cas qui le préoccupe. (…).
Au vu de toutes ces considérations, la Cour est amenée à retenir que la seule manière valable de dénouer utilement la problématique posée à partir de la solution proposée par l’arrêt de la CJUE consiste à voir rejoindre dans les meilleurs délais l’incident et le fond.
La Cour est ainsi amenée à prononcer le renvoi de l’incident devant le tribunal saisi du fond. (…) ».
Par un jugement du 21 novembre 2023, le tribunal ordonna la jonction des recours inscrits sous les numéros 39761 et 40874 du rôle, vidant les jugements des 9 octobre 2018 et 14 juin 2019, déclara le recours inscrit sous le numéro 39671 du rôle non justifié et en débouta le demandeur, reçut en la forme le recours en annulation inscrit sous le numéro 40874 du rôle, le déclara non 10fondé et en débouta le demandeur, tout en rejetant les demandes en paiement d’une indemnité de procédure formulées par les parties à l’instance et en condamnant Monsieur (M) aux frais et dépens de l’instance.
Dans son jugement, le tribunal rappela qu’il avait d’ores et déjà tranché la question de la recevabilité du recours inscrit sous le numéro 39761 du rôle et portant sur le courrier de la CSSF du 20 mars 2017, par rapport auquel il avait retenu l’absence d’éléments décisionnels, de sorte à déclarer ce recours irrecevable à travers son jugement interlocutoire du 9 octobre 2018, mais à le déclarer recevable en ce qu’il est dirigé contre la décision de la CSSF du 31 mars 2017.
Ensuite, en ce qui concerne la décision du 8 décembre 2017, déférée à travers le recours inscrit sous numéro 40874 du rôle, le tribunal retint que la nature du recours susceptible d’être introduit contre la décision de prononcer une amende d’ordre à l’égard de Monsieur (M) était à déterminer par rapport à la loi OPA en sa version applicable au jour de la prise de la décision. En conséquence, en application de l’article 18 de la loi OPA applicable à ce moment, le tribunal retint qu’il était compétent pour statuer en tant que juge du fond sur un recours dirigé contre une décision de la CSSF ayant prononcé une amende d’ordre. En revanche, le tribunal constata qu’en dépit de la possibilité plus large et plus favorable accordée à Monsieur (M) par le législateur d’introduire un recours en réformation contre une décision ayant prononcé une amende d’ordre en matière d’offre publique d’acquisition, celui-ci s’est limité à demander l’annulation de la décision déférée.
Le tribunal déclara le recours en annulation ainsi introduit recevable dans la limite des moyens de légalité.
Le tribunal constata ensuite que le seul moyen soulevé par Monsieur (M) tant par rapport à la décision de refus de communication du dossier administratif que par rapport à la décision du 8 décembre 2017 a trait à une violation de ses droits de la défense en raison d’un défaut de communication de l’intégralité du dossier administratif.
En ce qui concerne la question litigieuse de la communication du dossier administratif, le tribunal se référa à un arrêt de la Cour administrative du 17 décembre 2019, inscrit sous le numéro 42666C du rôle, ayant rejeté le recours de Monsieur (L) tendant à l’annulation de la décision de refus de la CSSF de lui communiquer le dossier administratif intégral et arriva à la conclusion qu’au regard du parallélisme entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour précité et à défaut d’autres précisions ou d’informations avancées par Monsieur (M) que celles avancées par Monsieur (L) dans l’affaire précitée, le tribunal estima qu’il n’avait aucune raison de s’écarter de la solution retenue par la Cour administrative dans l’arrêt précité du 17 décembre 2019. En conséquence, il rejeta le moyen de Monsieur (M) tiré d’une violation de ses droits de la défense au motif d’une communication incomplète du dossier administratif incomplet.
Par rapport à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après « la CEDH », invoqué par ailleurs par Monsieur (M), le tribunal arriva à la conclusion qu’il ne se dégagerait pas du dossier en quelle mesure le droit de celui-ci à un procès équitable aurait été violé dans la mesure où il aurait pu, en application de l’article 18 de la loi OPA, introduire un recours contentieux contre l’amende d’ordre lui infligée et valablement défendre sa cause. Pour les mêmes considérations, le tribunal rejeta encore les moyens basés sur 11les articles 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après « la Charte ».
S’agissant de la demande de Monsieur (M) de se voir réserver le droit de déposer un mémoire supplémentaire pour présenter ses observations par rapport à l’appréciation des faits opérée par la CSSF, le tribunal constata que Monsieur (M) s’était limité dans sa requête introductive d’instance et dans son mémoire en réplique au moyen tiré d’un vice de procédure et a conclu à l’annulation de la décision litigieuse de ce seul fait. En s’appuyant sur l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », requérant l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués dans la requête introductive d’instance et aux articles 5 et 7 de la même loi limitant le nombre des écrits, le tribunal arriva à la conclusion que Monsieur (M) avait développé l’intégralité de ses moyens dans le cadre de la requête introductive d’instance et que, par ailleurs, le choix fait par son litismandataire, professionnel de la postulation, de limiter les écrits à des moyens déterminés impliquerait que Monsieur (M) n’était pas admis à se réserver simplement la possibilité de produire ultérieurement un mémoire supplémentaire pour invoquer de nouveaux moyens sous peine de contrevenir aux dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 21 juin 1999.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 29 décembre 2023, Monsieur (M) a régulièrement relevé appel du jugement du 21 novembre 2023, en demandant à la Cour, selon le dispositif de la requête d’appel, par réformation dudit jugement, d’annuler (i) la décision de la CSSF du 31 mars 2017 portant refus de lui communiquer l'intégralité du dossier administratif et (ii) la décision de la CSSF du 8 décembre 2017 de lui infliger une amende d'un montant de ….. euros, tout en sollicitant la condamnation de la CSSF au paiement d’une indemnité de procédure de …. euros pour la première instance et de … euros pour l’instance d’appel.
A titre liminaire et quant aux décisions ayant fait l’objet des recours inscrits sous les numéros 39761 et 40874 du rôle, la Cour constate qu’au-delà d’un refus de communiquer le dossier administratif selon courrier du 31 mars 2017, Monsieur (M) a dirigé son recours contre la décision de la CSSF du 8 décembre 2017, en la critiquant dans la seule mesure où elle lui a infligé une amende d’ordre.
Toujours à titre liminaire, la Cour constate que si l’appelant s’est en première instance limité à faire état d’un vice tiré d’un défaut d’accès à l’intégralité du dossier administratif, en instance d’appel, il expose plusieurs moyens nouveaux.
Ainsi, après avoir exposé les faits et rétroactes de l’affaire, l’appelant fait état des moyens d’appel suivants, qui sont invoqués de façon indistincte contre le refus de communication de l’intégralité du dossier administratif et contre la décision du 8 décembre 2017 de lui infliger une amende d’ordre :
- violation de l’article 3 de la loi modifié du 24 février 1984 sur le régime des langues, ci-après « la loi du 24 février 1984 », - violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, - violation de l’article 11 du règlement grand-ducal 8 juin 1979, - violation des paragraphes (1), (2), et (3), de l’article 6 de la CEDH, 12- violation du droit au double degré de juridictions, - violation de la loi OPA, ensemble le principe de légalité des peines.
La Cour constate encore que si la décision de refus de communiquer l’intégralité du dossier administratif, prise sur le fondement de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, est seulement susceptible d’un recours en annulation, tel que retenu par le tribunal dans son jugement du 9 octobre 2018, l’article 18 de la loi OPA prévoit un recours en réformation contre une décision de la CSSF ayant prononcé une amende d’ordre. Or, tel que les premiers juges l’ont relevé, bien que l’appelant actuel ait eu à sa disposition le droit d’introduire un recours en réformation contre la décision du 8 décembre 2017 lui infligeant une amende d’ordre, il a choisi de ne solliciter que l’annulation de cette décision, de sorte à ne pouvoir invoquer que des moyens de légalité et corrélativement à empêcher les juridictions administratives, sous peine de statuer ultra petita, à épuiser le pouvoir de reformation prévu par la loi OPA. C’est à la lumière de cette limitation choisie par l’appelant, que les moyens présentés en instance d’appel seront examinés.
1) Quant à la violation de l’article 3 de la loi du 24 février 1984 Arguments des parties L’appelant reproche à la CSSF d’avoir rédigé le rapport d’enquête et la décision du 8 décembre 2017 en langue anglaise, ce qui serait contraire à l’article 3 de la loi du 24 février 1984, tout en soulignant que l’exception y prévue et visant des « dispositions spéciales concernant certaines matières » serait d’interprétation stricte et ne trouverait pas application en l’espèce. La loi OPA ne prévoirait l’usage de la langue anglaise que dans des cas très précis qui ne relèveraient pas de la matière administrative contentieuse ou non contentieuse ni de l’élaboration par la CSSF d’un acte administratif de sanction. En se prévalant d’une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ci-après « la CourEDH », à propos de l’usage des langues, l’appelant fait valoir qu’au regard des enseignements de cette jurisprudence et ce d’autant plus qu’il ferait l’objet d’une amende administrative de nature pénale, la question des langues relèverait de la sécurité juridique et de la confiance légitime que l’administré serait en droit d’avoir dans l’Etat, tout en soulignant que ces principes seraient considérés comme ayant valeur constitutionnelle.
Dès lors, les décisions des 31 mars et 8 décembre 2017 seraient viciées et devraient être annulées pour violation de la loi du 24 février 1984, qui serait à qualifier de loi spéciale primant tout autre texte de valeur égale ou inférieure, tel que cela serait rappelé par la jurisprudence européenne.
Dans sa réplique et par rapport à la loi OPA à laquelle la CSSF renvoie pour justifier l’usage de l’anglais, l’appelant fait valoir que cette loi permettrait l’emploi de cette langue uniquement pour la rédaction du document de l’offre, tandis que son article 17 relatif aux sanctions ne permettrait pas l’usage de la langue anglaise. En tout cas, les articles 6 et 17 de la loi OPA ne constitueraient pas des dispositions spéciales permettant de déroger à l’article 3 de la loi du 24 février 1984.
Pour appuyer son argumentation, l’appelant se réfère à une jurisprudence du Conseil d’Etat français à propos de l’usage de la langue française, par référence à l’article 2 de la Constitution 13française, tout en soulignant que l’article 4 de la Constitution luxembourgeoise aurait un contenu similaire, de sorte que cette jurisprudence serait transposable en l’espèce. En outre, il se réfère à une jurisprudence récente du tribunal administratif du 12 décembre 2023, numéro 46658 du rôle, à propos de l’emploi des langues, à une jurisprudence de la Cour administrative du 3 mai 2022, numéro 46817C du rôle, et à la position défendue par l’Etat dans d’autres affaires par rapport à la loi du 24 février 1984. En tout cas, la thèse de la CSSF selon laquelle l’anglais serait la langue la plus communément utilisée sur les marchés d’actifs financiers ne ressortirait ni de la Constitution ni de la loi du 24 février 1984. L’appelant donne encore à considérer que la CSSF ne pourrait s’appuyer que sur la loi OPA sur base de laquelle la décision litigieuse avait été prise, à l’exclusion de toute autre loi.
Monsieur (M) réfute encore le reproche de la CSSF selon lequel il n’évoquerait aucun préjudice en raison de la rédaction de la décision litigieuse et du rapport en langue anglaise, en faisant valoir que la seule question à trancher serait celle de la légalité de la décision administrative prise.
Il souligne que la thèse de la CSSF selon laquelle les personnes impliquées auraient répondu en anglais serait erronée. Ainsi, il aurait répondu en langue française le 27 janvier 2017 au courrier de la CSSF du 19 janvier 2017 et la CSSF lui aurait adressé le 30 août 2016 une demande d’informations en langue française à laquelle il aurait répondu en français.
Enfin, il se réfère à une jurisprudence de la Cour de cassation pour souligner l’importance de l’emploi des langues officielles.
Analyse de la Cour La Cour relève de prime abord que le moyen sous analyse ne saurait être pertinent que par rapport à la décision de la CSSF du 8 décembre 2017 et non pas par rapport à celle du 31 mars 2017, cette dernière étant rédigée en langue française.
Aux termes de l’article 3 de la loi du 24 février 1984 : « En matière administrative, contentieuse ou non contentieuse, et en matière judiciaire, il peut être fait usage des langues française, allemande ou luxembourgeoise, sans préjudice des dispositions spéciales concernant certaines matières ».
L’article 4 de la même loi dispose que : « Lorsqu’une requête est rédigée en luxembourgeois, en français ou en allemand, l’administration doit se servir, dans la mesure du possible, pour sa réponse de la langue choisie par le requérant ».
L’article 3 précité consacre le principe de la liberté dans le choix entre le français, l’allemand et le luxembourgeois en matière administrative, contentieuse ou non contentieuse, ainsi qu’en matière judiciaire, tandis que l’article 4 prévoit qu’une administration, qui se voit adresser une demande dans une des trois langues administratives, doit fournir, dans la mesure du possible, sa réponse dans la même langue que celle utilisée dans cette demande.
14La Cour constate de prime abord, à l’instar de la CSSF, que c’est pour la première fois en instance d’appel que l’appelant se plaint d’un non-respect de la loi du 24 février 1984 au motif que le rapport d’enquête et la décision litigieuse du 8 décembre 2017 étaient rédigés en anglais.
Force est de constater que, contrairement à l’affaire à la base de l’arrêt de la Cour administrative du 12 octobre 2023, numéro 48637C du rôle, dont se prévaut l’appelant - dans laquelle l’administré concerné avait à d’itératives reprises demandé à l’administration de communiquer avec lui non pas en langue française, qu’il déclarait ne pas maîtriser, mais en langue allemande -, Monsieur (M) n’a en l’espèce à aucun moment, que ce soit en phase précontentieuse ou en première instance, fait valoir qu’il ne comprendrait pas l’anglais, voire qu’il ne comprendrait pas à suffisance cette langue pour saisir le sens du rapport d’enquête ou de la décision, ou encore demandé à ce que ces communications soient faites en langue française, son litismandataire ayant d’ailleurs à l’audience des plaidoiries, bien qu’insistant sur l’importance de disposer de la décision et du rapport en langue française, reconnu que Monsieur (M) maîtrise l’anglais. S’y ajoute qu’il se dégage des annexes au dossier d’enquête que Monsieur (M) a aussi utilisé dans ses communications et documents d’ordre professionnel la langue anglaise, ce qui implique qu’il maîtrise cette langue à suffisance (voir par exemple annexes I.24.4, III.670, III 806, IV. 27.5, IV.205, IV. 207, IV. 208 et IV.210 du rapport d’enquête).
Dans la mesure où l’objectif de l’article 4, précité, tend en fin de compte à garantir que l’administré soit en mesure de comprendre l’administration et de participer à la prise de la décision administrative dans le cadre de la collaboration procédurale de l’administration et à assurer le respect des droits de la défense de l’administré, conformément aux règles de la procédure administrative non contentieuse, l’administré ne saurait prospérer dans une demande d’annulation d’une décision administrative prise dans le cadre d’un processus décisionnel n’ayant pas directement rencontré la loi du 24 février 1984 que pour autant que l’emploi d’une langue, qui ne correspond à aucune des trois langues officielles, ait porté atteinte à ses droits de la défense.
En l’espèce, s’il est certes exact que le rapport d’enquête et la décision du 8 décembre 2017 sont rédigés en anglais, partant une langue ne correspondant pas aux trois langues administratives prévues par la loi du 24 février 1984, la Cour relève que l’appelant reste en défaut de justifier en quoi ses droits de la défense auraient été lésés de ce fait. Il se limite, au contraire, à faire état de manière tout à fait théorique d’une violation de la loi du 24 février 1984 sans expliquer concrètement en quoi l’emploi de la langue anglaise, qui correspond à celle employée de façon régulière par lui dans ses correspondances professionnelles, l’ait empêché de prendre utilement position sur le rapport d’enquête qui lui a été adressé avant la prise de la décision du 8 décembre 2017, voire de préparer sa défense dans le cadre du recours contentieux dirigé contre cette dernière décision.
Il s’ensuit, indépendamment de la question de l’incidence du fait que la loi OPA, voire d’autres lois dans le domaine des marchés financiers, prévoient l’emploi de la langue anglaise dans certaines hypothèses, qu’en tout état de cause le moyen tiré d’une violation de l’article 3 de la loi du 24 février 1984, tel qu’invoqué par l’appelant sans justifier une atteinte à ses droits de la défense, ne saurait en l’espèce emporter l’annulation de la décision du 8 décembre 2017, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.
152) Quant à la violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 Arguments des parties L’appelant critique le fait qu’il n’aurait pas été informé de son droit d’être entendu en personne tel que découlant de l’article 9 du règlement grand-ducal 8 juin 1979.
Il fait valoir qu’outre le fait de ne pas avoir été informé de la possibilité d’être entendu, la CSSF n’aurait jamais eu l’intention de l’entendre, tel que cela ressortirait des termes employés dans le courrier de la CSSF du 19 janvier 2017. Il poursuit que s’agissant d’une sanction administrative qu’il qualifie être de nature pénale et comme le rapport d’enquête aurait été par essence à sa charge, son accès au contradictoire devrait en tout état de cause intervenir avant toute décision de sanction.
Dans sa réplique, l’appelant reproche à la CSSF de ne pas lui avoir donné accès à l’intégralité de son dossier administratif, ce qui expliquerait qu’il n’aurait pas eu d’autre choix que de ne pas fournir d’observations sur le fond de l’affaire.
Il insiste sur l’obligation de la CSSF au respect du contradictoire tant en tant que principe général du droit qu’en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, ci-après « la loi du 1er décembre 1978 », tout en se prévalent de la jurisprudence de la Cour administrative du 3 mai 2022, numéro 46817C du rôle, et en soulignant que la CSSF serait en aveu de ne pas l’avoir informé qu’il pouvait être entendu.
L’appelant appuie son argumentation sur la doctrine et la jurisprudence des juridictions administratives, tout en soulignant que la considération avancée par la CSSF selon laquelle le droit d’être entendu présupposerait une démarche active de l’administré ne dispenserait pas l’autorité administrative de son obligation de rendre celui-ci spécialement attentif à la possibilité de demander à être entendu en personne et en soulignant que même la jurisprudence de la Cour administrative du 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle, citée par la CSSF insisterait sur l’obligation de celle-ci de respecter une instruction contradictoire et en l’occurrence le droit de l’administré d’être entendu au préalable.
Enfin, l’appelant prend position par rapport aux « dates-clés » citées par la CSSF dans son mémoire en réponse.
Analyse de la Cour L’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose ce qui suit :
« Sauf s´il y a péril en la demeure, l´autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d´office pour l´avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d´une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l´amènent à agir.
16 Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d´au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.
Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne.
L´obligation d´informer la partie concernée n´existe que pour autant que l´autorité compétente est à même de connaître son adresse. Les notifications sont valablement faites à l´adresse indiquée par la partie ou résultant de déclarations officielles. ».
L’article 9 s’inscrit dans le cadre des objectifs de la loi habilitante du 1er décembre 1978, contenus à l’alinéa 2 de son article 1er énonçant que les règles générales destinées à réglementer la procédure administrative non contentieuse à résulter précisément du règlement grand-ducal d’application du 8 juin 1979 « doivent notamment assurer le respect des droits de la défense de l’administré en aménageant dans la mesure la plus large possible la participation de l’administré à la prise de la décision administrative », l’alinéa 3 du même article 1er précisant que dans ce cadre, les règles générales en question « assurent la collaboration procédurale de l’administration, consacrent le droit de l’administré d’être entendu (…) », étant toutefois relevé que la loi du 1er décembre 1978 ne crée pas des obligations autonomes et doit être lue ensemble avec son règlement d’exécution.
Si le refus de communiquer le dossier administratif n’avait pas à respecter le régime prévu par l’article 9, précité, puisqu’il s’agit d’une décision prise sur initiative de l’administré et ne tombant de ce fait pas dans le champ d’application de cette disposition, la Cour retient qu’en application de celle-ci, la CSSF, lorsqu’elle se propose de prendre une sanction sur le fondement de la loi OPA, qualifiant de décision prise en dehors de l’initiative de l’administré au sens de cet article, avait l’obligation de respecter le contradictoire et de garantir l’engagement d’un dialogue préalable à la prise de la décision de sanction litigieuse et que, sous cet aspect, le droit a dû être reconnu à l’appelant de prendre position par rapport à la décision envisagée, voire celui de solliciter une entrevue pour être entendu.
La Cour relève toutefois encore qu’il est de jurisprudence constante que les dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, si elles ont certes trait aux droits de la défense, ne constituent pas pour autant une fin en soi, mais consacrent des garanties visant à ménager à l’administré concerné une possibilité de prendre utilement position par rapport à la décision projetée, de sorte que dans l’hypothèse où il est établi que cette finalité est atteinte, la question du respect de toutes les étapes procédurales préalables prévues afin de permettre d’atteindre cette finalité devient sans objet1, et que, par ailleurs, ledit article 9 n’impose pas obligatoirement et d’office l’organisation d’une entrevue, mais confère uniquement à l’administré le droit d’en solliciter une2.
En l’espèce, la Cour constate que par un courrier du 19 janvier 2017, l’appelant a été averti de l’intention de la CSSF de prononcer à son encontre une amende d’ordre sur le fondement de 1 Cour adm. 4 juillet 2023, numéro 48540C du rôle.
2 Idem.
17l’article 17, paragraphe (1), de la loi OPA sur base d’un rapport d’enquête communiqué à l’appelant et qu’un délai de 8 jours lui avait été accordé pour fournir ses commentaires quant à la publicité que la CSSF envisageait de donner à l’ouverture des procédures administratives susceptibles d’avoir un impact sur l’OPA annoncée et un délai de 20 jours lui permettant de formuler des observations quant au rapport d’enquête et quant à la sanction envisagée, délai prolongé par la suite jusqu’au 31 mars 2017 à la demande de l’appelant.
Force est, par ailleurs, de constater qu’à partir du 16 avril 2017, partant bien avant la prise de la décision du 8 décembre 2017, l’appelant était assisté d’un avocat en la personne de son litismandataire actuel, qui évidemment a pu le conseiller sur les droits lui conférés par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, à savoir non seulement celui de présenter ses observations mais aussi le droit de demander à être entendu. Dans ces conditions, l’appelant, homme d’affaire qui, selon les explications fournies par la CSSF et non contestées par l’intéressé, a par le passé à de multiples reprises eu un dialogue sur place avec la CSSF, ne saurait raisonnablement argumenter qu’il était dans l’ignorance de la possibilité d’être entendu et que ses droits de la défense auraient été violés dans la seule mesure où il n’avait pas été spécialement averti dans le courrier du 19 janvier 2017 de ce droit. En tout cas, le fait que le courrier du 19 janvier 2017 parle d’urgence et suggère d’envoyer toute communication par voie électronique ne saurait pas être interprété comme étant un refus de la CSSF de répondre favorablement à une demande de l’intéressé à être entendu en personne.
Au contraire, la Cour se doit de constater que loin d’avoir été privé de son droit à un dialogue avant la prise de la décision annoncée, l’appelant a choisi de ne pas présenter des observations. En effet, contrairement à d’autres personnes visées par les reproches de la CSSF tenant à une concertation, l’appelant a de façon délibérée choisi de ne pas présenter des observations écrites, si ce n’est qu’il a écrit de façon générale qu’il marquait son désaccord avec les conclusions du rapport, ni n’a-t-il demandé à être entendu, mais s’est limité à critiquer, à travers le courrier du 30 mars 2017 de son litismandataire actuel, un défaut de communication intégral du dossier administratif, jugeant le rapport d’enquête lui communiqué comme étant insuffisant.
Dans ces conditions, la Cour ne peut que rejeter le moyen fondé sur une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, dans la mesure où, dans les conditions de l’espèce telles que relevées ci-avant, elle ne décèle aucune violation des droits de la défense dans le chef de l’appelant qui puisse être de nature à emporter l’annulation de la décision du 8 décembre 2017. Le moyen afférent est partant à rejeter.
3) Quant à la violation de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, ensemble le moyen basé sur une violation de l’article 6 de la CEDH pris en ses différents branches Arguments des parties Quant à l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 L’appelant souligne que l’obligation de communiquer le dossier administratif serait fondée tant sur l’objectif de transparence et de dialogue que sur la considération de permettre à l’administré de décider en connaissance de cause de l’utilité de saisir une juridiction au vu des 18éléments dont dispose l’administration. Comme la communication intégrale du dossier administratif toucherait au droit fondamental de l’administré à une protection juridique effective, il serait primordial que cette communication porte tant sur le document sur lequel l’administration a basé sa décision que sur les éléments d’informations dont elle dispose, ce d’autant plus qu’il s’agirait d’une amende administrative de nature pénale.
Quant aux principes à respecter, l’appelant s’appuie encore sur l’arrêt de la CourEDH du 4 novembre 2021 rendu à l’égard de Monsieur (L), en faisant valoir que bien que la CEDH ait déclaré la requête de celui-ci comme étant prématurée, elle aurait néanmoins retenu un certain nombre de principes en la matière dont il conviendrait de tenir compte en l’espèce.
Il reproche à la CSSF de ne pas lui avoir communiqué l’intégralité du dossier administratif, en relevant qu’il y aurait de nombreux éléments factuels et concrets qui démontreraient que certains éléments et informations potentiellement importants et qui auraient été à la disposition de la CSSF ne lui auraient pas été communiqués.
A titre d’exemple, il cite le non-respect d’une numérotation continue des annexes du rapport d’enquête, ce qui laisserait apparaître que plusieurs annexes seraient manquantes. D’autre part, il cite le fait que les questionnaires à l’origine de certains courriers explicatifs feraient défaut.
Tel serait le cas par exemple pour les annexes portant les numéros I.299.24 et I.262.2 du rapport d’enquête, à savoir les courriers adressés à la CSSF par la (N) et par Monsieur (L) pour donner suite à des interpellations de la CSSF, puisque les courriers de la CSSF auxquels ces courriers répondraient ne se trouveraient pas au dossier administratif. Il en serait de même de certains courriers échangés entre la CSSF et l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), l’homologue français de la CSSF, qui ne figureraient pas au dossier, de même que les actes constitutifs des différentes sociétés qui auraient été dans le viseur de la CSSF durant cette enquête, les alertes informatiques relatives aux opérations atypiques conformément aux dispositions européennes applicables en matière d’abus de marché ou encore la déclaration de soupçon émanant de banques à l’attention de la CSSF.
L’appelant se prévaut d’une jurisprudence de la Cour administrative du 16 décembre 2014, numéro 34766C du rôle, dont il déduit que toutes les pièces devraient figurer au dossier administratif y compris celles ne fondant pas directement la décision de l’administration.
Dans ces conditions, le fait de laisser à la CSSF le choix de communiquer uniquement le rapport d’enquête du 19 janvier 2017 violerait le principe de transparence et de protection juridique effective instauré par l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
En tout état de cause, la CSSF n’aurait pas le droit d’écarter arbitrairement, au risque de se voir reconnaître le pouvoir d’être juge et partie en même temps, certaines pièces qui pourraient potentiellement être à décharge. Le défaut de communication de l’intégralité du dossier aurait pour effet de porter atteinte à ses droits de la défense et au principe du contradictoire puisque le rapport d’enquête serait par essence à charge et que l’accès à l’entier dossier administratif lui permettrait de s’assurer que certains éléments de preuve potentiellement à décharge n’avaient pas été écartés par la CSSF.
19Dans sa réplique, l’appelant prend position par rapport à l’arrêt de la Cour administrative du 17 décembre 2019, numéro 42666C du rôle, rendu à propos d’un refus de communiquer l’intégralité du dossier opposé à Monsieur (L), et à l’arrêt (r) de la CJUE, invoqués par la CSSF dans sa réponse.
Il procède à une analyse détaillée de l’arrêt de la Cour du 17 décembre 2019 en réitérant plus particulièrement que certaines annexes du rapport d’enquête seraient manquantes et fait valoir que la CSSF serait en possession d’éléments factuels sinon de documents qui seraient pertinents pour l’exercice de sa compétence et qui le concerneraient, voire qui concerneraient la condamnation lui infligée, et qu’elle resterait en défaut de communiquer spontanément. L’appelant insiste sur la pertinence des pièces critiquées par lui, en faisant valoir que les questions posées par la CSSF et auxquelles les courriers de la (N) et de Monsieur (L) répondraient, auraient certainement une pertinence. Pour illustrer sa thèse, l’appelant produit une pièce portant le numéro 15, identifiant, d’une part, des documents qui ne seraient pas en sa possession, marqués en rose, et, d’autre part, des réponses selon lui incompréhensibles à défaut de disposer de la question posée, marquées en jaune, et concernant trois annexes au rapport d’enquête, à savoir les annexes I.314.1, I.299.24 et I.315.2 correspondant à des courriers de la (N) à la CSSF.
A défaut d’être en possession des éléments fournis par différents acteurs dans le cadre de l’enquête, il n’aurait pas pu utilement préparer sa défense.
Il fait valoir que, contrairement au cas de Monsieur (L) tel qu’examiné par la Cour dans son arrêt du 17 décembre 2019, lui-même aurait démontré de façon concrète que la CSSF ne se serait pas conformée à son obligation de communiquer spontanément tous les éléments de fait et documents relatifs à sa situation administrative et à la sanction projetée, en renvoyant aux éléments épinglés par lui qui viseraient nécessairement sa situation administrative, ce dont il conclut que l’arrêt précité ne serait pas transposable à son cas.
L’appelant cite ensuite des passages du mémoire en réponse de la CSSF et lui reproche en substance d’avoir affirmé péremptoirement qu’il n’existerait pas de pièces à décharge. Il donne à cet égard à considérer que comme la preuve de l’existence d’une concertation ne serait pas fournie par un accord écrit, mais par la méthode probatoire du faisceau d’indices, cela laisserait justement une place importante à des pièces potentielles à décharge.
Dans ce contexte, l’appelant reproche à la CSSF de manquer de transparence, dans la mesure où elle définirait de façon arbitraire le contenu du dossier soumis à l’appréciation des juridictions en n’y insérant que les éléments à charge sans possibilité pour lui de prendre connaissance du dossier d’instruction et d’invoquer des pièces à décharge. Cette position de la CSSF mettrait d’ailleurs également à mal sa neutralité et son impartialité.
S’agissant de l’arrêt (r), l’appelant donne en substance à considérer que cette jurisprudence ne serait pas pertinente, puisque (i) dans la présente affaire, il ne s’agirait pas d’obtenir la communication de pièces spécifiquement demandées, puisqu’il ne pourrait pas cibler et identifier exactement les documents manquants ne connaissant tout simplement pas les éléments détenus par la CSSF et que (ii) la présente procédure ne concernerait pas un prétendu secret professionnel qui couvrirait ces pièces, secret qui n’aurait pas été invoqué jusqu’à présent par la CSSF. La 20présente procédure viserait, en effet, uniquement à voir reconnaître l’illégalité des deux décisions de la CSSF des 31 mars et 8 décembre 2017.
L’appelant critique ensuite la lecture faite par la CSSF de l’arrêt (r) et plus particulièrement de son point 67. Il reproche à la CSSF d’avoir exclu les éléments en rapport avec la condamnation lui infligée, en l’occurrence les courriers adressés par la CSSF dans le cadre de son enquête notamment à la (N) et à Monsieur (L), ce qui correspondrait à l’hypothèse envisagée par la CJUE dans son considérant numéro 67.
Par ailleurs, comme il ne s’agirait pas de discuter d’un secret professionnel, non prouvé et allégué pour la première fois en appel, il serait superfétatoire dans la présente affaire de procéder au double contrôle tel qu’envisagé par la CJUE, à savoir le contrôle de l’existence d’un lien direct objectif des pièces incriminées et celui de la mise en balance des intérêts.
A cet égard, il fait valoir que les courriers adressés par la CSSF à la (N) et à Monsieur (L), de même que les courriers échangés entre la CSSF et l’AMF dans le cadre de cette enquête et les auditions ou passages d’auditions auraient certainement un lien direct objectif avec sa situation administrative, tout en soulignant que la CSSF se limiterait à affirmer que les échanges avec l’AMF seraient couverts par le secret professionnel sans prendre position par rapport aux courriers adressés à la (N) et à Monsieur (L).
Par rapport à l’application du critère de la mise en balance des intérêts envisagé par l’arrêt (r), l’appelant se prévaut de la jurisprudence de la CourEDH à propos de l’article 6 de la CEDH et fait valoir que la révélation d’informations en possession de la CSSF, qui auraient une pertinence certaine dans son cas, ne pourrait pas être de nature à léser « les droits fondamentaux d’un autre individu », ni même un « intérêt public important » au sens de cette jurisprudence. Il insiste en substance sur l’importance de ses propres droits de la défense qui devraient primer sur les intérêts du secteur financier, tout en insistant qu’il appartiendrait à la CSSF de démontrer en quoi un défaut de communication de l’entier dossier administratif sous prétexte d’un secret professionnel serait une mesure « absolument nécessaire ».
En guise de conclusion, il fait valoir qu’il aurait droit à l’accès à la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense et que les seules réserves seraient celles qui n’auraient jamais été invoquées par la CSSF en l’espèce, à savoir le secret d’affaires concernant d’autres personnes, les documents internes de la CSSF ou encore les informations confidentielles, en se référant à une jurisprudence de la CJUE du 7 janvier 20043.
Sur base des enseignements à tirer de l’arrêt (r), l’appelant fait valoir qu’il n’appartiendrait pas à la CSSF de déterminer les documents utiles à sa défense.
Toujours dans le cadre de son moyen fondé sur une violation de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, l’appelant prend encore position par rapport aux développements de la CSSF fondés sur les critères ENGEL dégagés par la CourEDH4 à propos de la qualification 3 Numéros C204/00P, C05/00P, C211/00P, C213/00P, C217/00P et C219/00P.
4 CourEDH 8 juin 1976, 5100/71.
21d’une sanction comme étant pénale, en concluant en substance que les critères afférents seraient donnés en l’espèce.
Enfin, il réitère son argumentation fondée sur l’arrêt de la CourEDH du 4 novembre 2021 rendu dans l’affaire de Monsieur (L) et invoque un arrêt de la Cour administrative du 2 février 2016, numéro 37452C du rôle, dont il déduit que la non-communication de l’entier dossier administratif constituerait nécessairement et automatiquement une cause d’annulation des décisions dans l’hypothèse d’une violation vérifiée des droits de la défense, violation qui serait indéniablement donnée en l’espèce.
Quant à la violation de l’article 6 de la CEDH L’appelant est d’avis que l’amende d’ordre litigieuse serait de nature pénale, de sorte que les droits et garanties tels qu’ils ressortent de l’article 6 de la CEDH devraient trouver application en l’espèce.
Pour ce qui est de la décision du 31 mars 2017, encore qu’elle ne soit pas elle-même de nature pénale, l’appelant est avis que le refus de communication de l’intégralité du dossier administratif serait néanmoins contraire à l’article 6 de la CEDH en ce qu’il entraverait ses droits de la défense.
Pour justifier l’applicabilité de l’article 6 de la CEDH aux décisions prises par la CSSF, telles que litigieuses en l’espèce, l’appelant se réfère à la jurisprudence de la CourEDH fondée sur les critères ENGEL et conclut que l’amende prévue à l’article 17 de la loi OPA aurait pour objet de prévenir et de sanctionner les infractions à cette loi, de sorte que le caractère général de ces dispositions et le but à la fois préventif et répressif de la sanction établiraient à suffisance sa nature pénale.
L’appelant développe ensuite son argumentation basée sur une violation de l’article 6 de la CEDH, qui serait de différents ordres, à savoir (i) une violation du paragraphe (1) de l’article 6 de la CEDH, pour non-respect des principes d’égalité des armes, du contradictoire et d’impartialité et d’indépendance, (ii) une violation du paragraphe (2) de l’article 6 de la CEDH pour non-respect de la présomption d’innocence, (iii) une violation du paragraphe (3) de la CEDH pour ne pas avoir disposé du temps et des facilités nécessaires à sa défense et (iv) une violation du droit au double degré de juridiction.
Pour ce qui est du reproche d’une violation du principe d’égalité des armes, il fait valoir qu’il serait amené à se défendre contre une amende administrative qui serait de nature pénale, prise sur base d’un rapport d’enquête qui serait uniquement à sa charge et qui contiendrait des éléments possiblement probants et importants qui pourtant auraient été caviardés voire noircis et auxquels il n’aurait pas eu accès, bien que ces éléments aient nécessairement fondé la décision litigieuse.
Cette situation créerait un déséquilibre manifeste, de sorte qu’il y aurait violation du principe d’égalité des armes. Pour appuyer sa thèse, l’appelant se réfère à la jurisprudence de la CourEDH, à la pratique française de l’AMF, à la jurisprudence française, de même qu’à l’arrêt de la CourEDH du 4 novembre 2021 rendu à propos de Monsieur (L) dont il déduit qu’encore que la requête de celui-ci avait été déclarée prématurée, la Cour aurait néanmoins retenu un certain nombre de 22principes par rapport à l’article 6 de la CEDH en ce qui concerne la question de la communication intégrale du dossier.
S’agissant du reproche d’une violation du principe du contradictoire, l’appelant fait état du même reproche. Il se dégagerait de l’arrêt de la Cour administrative du 17 décembre 2019, rendu à l’égard de Monsieur (L) et tel que cité par les premiers juges, que le rapport d’enquête du 19 janvier 2017 comporterait en annexe des passages noircis, alors que par application du principe du contradictoire, il aurait dû avoir le droit de s’exprimer sur toutes les pièces du dossier. En s’appuyant sur diverses jurisprudences de la CourEDH à propos de l’article 6 de la CEDH, l’appelant fait valoir qu’il aurait été privé de son droit d’accès à plusieurs éléments importants de son dossier pour exercer ses droits de la défense, tels que notamment des documents et des auditions ayant été noircis. Il s’appuie par ailleurs sur la pratique administrative française de l’AMF et sur la jurisprudence française.
Quant aux reproches d’une violation du principe d’impartialité et d’indépendance, l’appelant fait valoir qu’il n’existerait aucune séparation interne entre le pouvoir d’investigation et le pouvoir sanctionnateur/décisionnel au sein de la CSSF.
Pour justifier sa thèse, l’appelant fait état de ce que le courrier d’accompagnement du rapport d’enquête du 19 janvier 2017 comporterait la mention « Commission de surveillance du secteur financier » au-dessus des signatures, à l’instar de la mention figurant sur la décision lui ayant infligé l’amende, sans référence à une entité d’enquête ou à une entité décisionnelle. Par ailleurs, tous ces courriers comporteraient la même adresse e-mail, à savoir celle de la direction de la CSSF. Le manque d’indépendance serait encore confirmé par la circonstance que le rapport d’enquête ne contiendrait que des éléments à sa charge, alors que la CSSF aurait également dû instruire à sa décharge. L’appelant souligne qu’il existerait un lien hiérarchique et de subordination entre le pouvoir investigateur de la CSSF et la direction, qui endosserait le rôle de pouvoir de signature et décisionnel.
Pour appuyer son argumentation, l’appelant se réfère à la jurisprudence de la CourEDH en la matière, à la pratique administrative de l’AMF et à la jurisprudence française.
En ce qui concerne le reproche d’une violation de la présomption d’innocence, l’appelant fait valoir que le doute devrait lui profiter et qu’en tout état de cause il ne devrait pas être contraint de prouver son innocence. Dès lors, dans l’hypothèse du moindre doute quant à l’existence dans son chef d’une action de concert, la décision du 8 décembre 2017 devrait être annulée.
Pour appuyer son moyen, l’appelant se réfère à la jurisprudence de la CourEDH et aux principes retenus par le tribunal dans le jugement a quo au sujet de la présomption d’innocence.
Quant au reproche d’une violation du paragraphe (3) de l’article 6 de la CEDH, l’appelant réitère qu’il n’aurait pas eu accès à l’entièreté du dossier et des pièces ayant donné lieu au rapport d’enquête, en ce compris les éléments ayant pourtant fondé la décision du 8 décembre 2017. Il n’aurait dès lors pas bénéficié des facilités élémentaires, mais nécessaires à sa défense.
23Quant au reproche d’une violation du double degré de juridiction, l’appelant réitère le reproche qu’il n’aurait pas eu accès à toutes les informations nécessaires à charge et à décharge ayant fondé la décision et ce, alors qu’il se trouve actuellement en dernier degré de juridiction administrative et partant sans avoir eu la possibilité de développer tous les moyens nécessaires et utiles à sa défense. Il fait valoir que bien qu’il ait indiqué dès la requête introductive d’instance dans l’affaire inscrite sous le rôle numéro 40874 qu’il se réserverait le droit de prendre position quant au fond et qu’il avait invoqué principalement une violation de son droit d’accès au dossier administratif, le tribunal aurait rendu son jugement sans lui laisser la possibilité de développer des moyens au fond, de sorte qu’il y aurait eu violation de son droit au double degré de juridiction. Il n’aurait en effet pas pu développer l’intégralité de ses moyens comme il ne serait pas en possession de tous les éléments du dossier de la CSSF.
Le jugement encourrait dès lors la réformation pour violation de son droit au double degré de juridiction tel qu’il résulterait de l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », et de l’article 14, paragraphe (5), du Pacte relatif aux droits civils et politiques adopté par l’assemblée générale des Nations unies du 16 décembre 1966, sinon de l’article 2 du Protocole 7 de la CEDH, tout en soulignant que son moyen se recouperait avec celui fondé sur une violation du principe d’égalité des armes.
Dans sa réplique et par rapport à l’argumentation de la CSSF selon laquelle l’article 6 de la CEDH ne trouverait pas application comme il ne s’agirait pas d’une sanction de nature pénale mais de nature administrative, l’appelant renvoie à ses explications au sujet des critères ENGEL de la jurisprudence de la CourEDH tels que développés dans son acte d’appel.
Par rapport à l’affirmation de la CSSF que même à admettre que la sanction prise en l’espèce serait de nature pénale, il n’y aurait pas lieu à annulation de la décision dans la mesure où il aurait eu la possibilité d’intenter un recours de pleine juridiction devant les juridictions administratives, l’appelant fait valoir que s’il avait bien eu l’occasion d’introduire un recours devant les juridictions administratives, ce recours ne serait pas un « recours de pleine juridiction » dans la mesure où, contrairement aux exigences de la jurisprudence de la CourEDH, lui-même n’aurait eu la possibilité que d’introduire un recours en annulation contre les décisions du 31 mars et 8 décembre 2017, recours ne correspondant pas au recours de plein contentieux. Pour autant que la Cour devrait estimer « pouvoir agir en réformation », l’appelant sollicite la possibilité de prendre des mémoires additionnels.
D’autre part, il est d’avis que la possibilité d’introduire un recours devant les juridictions administratives ne pourrait purger l’irrégularité constatée en première instance que si celle-ci est rattrapable et ne vicie pas irrémédiablement la suite de la procédure. Or, comme il n’aurait pas eu accès aux éléments du dossier ayant fondé son « accusation », il s’agirait d’une irrégularité irrattrapable et viciant irrémédiablement la suite de la procédure. A cet égard, il donne à considérer qu’à ce jour, ni lui-même ni les juridictions administratives n'auraient connaissance de l’entièreté du dossier administratif relatif à la condamnation dont il a fait l’objet. Dans ce contexte, il réitère ses reproches à l’adresse de la CSSF en ce qu’elle aurait défini de manière partiale le contenu du dossier administratif, en excluant des éléments factuels et des documents qui pourraient être pertinents pour l’exercice de sa compétence pour la prise de la décision litigieuse, ce qui serait 24contraire à la jurisprudence de la Cour administrative. En procédant de la sorte, la CSSF empêcherait les juridictions administratives de se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige.
L’appelant critique ensuite l’argumentation de la CSSF selon laquelle celle-ci estime ne pas pouvoir recevoir la qualification d’une juridiction, en se prévalant de diverses jurisprudences de la CourEDH sur cette question. Par ailleurs, il fait valoir que même à admettre que la CSSF ne serait pas à considérer comme un tribunal, cela ne la dispenserait pas du respect des droits consacrés tant par la CEDH que par le droit luxembourgeois.
Par ailleurs, la jurisprudence (d) de la CourEDH5, telle qu’invoquée par la CSSF, ne pourrait être transposée en l’espèce, puisque justement il ne disposerait pas d’un recours de pleine juridiction, l’appelant réitérant par ailleurs que la CSSF, en ce qu’elle aurait agi comme autorité d’enquête, de poursuite et de condamnation, ne satisferait pas aux critères d’impartialité et d’indépendance consacrés par l’article 6 de la CEDH.
En ce qui concerne le reproche d’une violation du principe d’égalité des armes, l’appelant prend position par rapport aux développements de la CSSF basés sur la jurisprudence de la CJUE dans l’affaire (r), en réitérant que la CSSF se serait fondée sur des faits et documents qui ne lui auraient pas été communiqués. Bien que la CSSF agisse en tant que tribunal dans le cadre de condamnations administratives qui auraient un caractère pénal, elle n’aurait pourtant pas communiqué tous les informations et documents à la base de sa décision et pertinents pour ce litige, de sorte qu’il y aurait violation de son droit à un recours juridictionnel effectif.
Pour appuyer son argumentation, l’appelant se réfère aux conclusions de l’avocat général dans l’affaire (r) et renvoie encore à la jurisprudence de la CourEDH ayant retenu qu’il pourrait y avoir atteinte à l’égalité des armes lorsque l’accusé a eu un accès limité à son dossier ou à d’autres documents et ce même pour des motifs d’intérêt public et que l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH exigerait que les autorités de poursuite communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession tant celles à charge que celles à décharge.
Dans ce contexte, l’appelant réitère la référence faite à l’arrêt de la Cour administrative du 17 décembre 2019 rendu à propos de Monsieur (L), dont il se dégagerait que les annexes du rapport d’enquête comporteraient des passages noircis, ce dont il déduit qu’il y aurait un déséquilibre manifeste entre la position de la CSSF et la sienne, alors qu’en vertu du principe de l’égalité des armes, chaque partie devrait se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions ne le plaçant pas dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire.
Par rapport au reproche d’une violation du principe du contradictoire, l’appelant réitère que la CSSF aurait traité des informations ayant un lien objectif avec l’enquête qui ne lui auraient pourtant pas été communiquées. Ces informations et renseignements concerneraient des courriers adressés par la CSSF à différents acteurs durant l’enquête, de même qu’une audition qui aurait été entièrement noircie. S’y ajouterait qu’il n’aurait pas été informé de son droit d’être entendu.
5 Arrêt du 4 mars 2014, requête numéro 18640/10.
25Quant au reproche d’une violation du principe d’impartialité et d’indépendance, l’appelant réitère que la CSSF serait à considérer comme une juridiction, de sorte à devoir répondre aux conditions d’impartialité et d’indépendance requises par l’article 6 de la CEDH et consacrées par la jurisprudence de la CourEDH dont l’appelant cite divers exemples. En l’espèce, le défaut d’impartialité serait d’ordre fonctionnel, l’appelant réitérant les considérations avancées dans la requête d’appel selon lesquelles il existerait un lien hiérarchique et de subordination entre le pouvoir d’investigateur et la direction.
Pour démontrer son reproche d’une partialité objective dans le chef de la CSSF, l’appelant renvoie au code de conduite pour les membres du personnel de cette institution.
En second lieu, il se prévaut d’une partialité subjective dans le chef de la CSSF en renvoyant à certains passages du mémoire en réponse de celle-ci qui illustreraient un « parti pris » dans son chef.
S’agissant de ses critiques fondées sur l’adresse e-mail indiquée sur les différents écrits de la CSSF, l’appelant se réfère à la pratique de l’AMF et à la jurisprudence belge, en affirmant en substance qu’une apparence de partialité serait suffisante.
L’ensemble de son argumentation développée par rapport au reproche d’un manque d’impartialité s’appliquerait également par rapport au reproche d’un manque d’indépendance de la CSSF, l’appelant épinglant qu’il n’y aurait aucune preuve d’indépendance entre le pouvoir investigateur, qui selon les explications de la CSSF reviendrait aux agents du service en charge de la surveillance des administrés concernés, et la direction ayant le pouvoir de sanction. Sous cet aspect, l’appelant se réfère encore au code de conduite pour les membres du personnel de la CSSF.
En ce qui concerne le reproche d’une violation de la présomption d’innocence, l’appelant insiste sur l’applicabilité de ce principe et reproche à la CSSF d’avoir publié un communiqué de presse qui n’aurait laissé planer aucun doute sur son identité dans le cadre de l’enquête menée.
Pour ce qui est de la violation de son droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à sa défense au sens du paragraphe (3) de l’article 6 de la CEDH et par rapport à l’argumentation de la CSSF selon laquelle l’article 6 ne serait pas applicable, l’appelant renvoie à son analyse des critères ENGEL et cite pour le surplus les principes retenus dans le guide de la CourEDH à propos de l’article 6 de la CEDH. Il réitère que la CSSF aurait utilisé des informations voire des documents pour fonder sa décision qui ne lui auraient pas été communiqués, de sorte qu’il n’aurait pas bénéficié des facilités nécessaires à sa défense.
Par rapport au reproche d’un non-respect du double degré de juridiction et aux explications fournies par la CSSF dans son mémoire en réponse, l’appelant insiste sur un manque de séparation entre les pouvoirs d’enquête et de sanction au sein de la CSSF et conteste, par ailleurs, avoir eu accès au dossier relatif à sa situation administrative, de sorte qu’il n’aurait pas pu bénéficier d’un double degré de juridiction.
26Analyse de la Cour La Cour constate que les reproches de l’appelant tournent essentiellement autour du respect du contradictoire et de son droit à un procès équitable, par référence non seulement à l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, mais aussi à l’article 6 de la CEDH – Monsieur (M) ne se prévalant plus, tel qu’il l’a fait en première instance, des articles 47 et 48 de la Charte. Sous cet aspect, les critiques de l’appelant peuvent en substance être résumées comme suit : il invoque (i) une violation du principe du contradictoire au motif d’un accès insuffisant au dossier à la disposition de la CSSF, accès qui devrait aller au-delà du rapport d’enquête et de ses annexes qui lui ont été communiqués avant la prise de la décision litigieuse, (ii) une violation du principe d’égalité des armes au motif que le rapport d’enquête serait rédigé uniquement à charge et qu’il n’aurait pas eu accès à l’intégralité du dossier, englobant des éléments potentiellement à sa décharge, (iii) une violation du principe d’impartialité au motif qu’il n’y aurait aucune séparation entre le pouvoir d’investigation et le pouvoir de décision au sein de la CCSF, (iv) une violation de la présomption d’innocence au regard des termes du communiqué de presse du 16 février 2017 et au motif que l’absence de preuve d’une concertation aurait dû conduire la CSSF à la conclusion qu’il n’y avait pas de violation de la loi OPA et (v) une violation du double degré de juridiction au motif que le tribunal avait rendu son jugement sans lui laisser la possibilité de rédiger un mémoire complémentaire en première instance et qu’il ne disposerait que d’un recours en annulation.
L’article 11, alinéa 1er, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose que « tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l’être, par une décision administrative prise ou en voie de l’être », tandis que l’article 9 du même règlement grand-ducal examiné ci-avant, permet à l’administré de prendre position avant la prise des catégories de décisions y envisagées, ces deux dispositions garantissant le respect du contradictoire.
L’article 6 de la CEDH dispose que « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas 27les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. » A titre liminaire et à titre de considération d’ordre général, la Cour est amenée à retenir, indépendamment de la question de l’applicabilité des dispositions de l’article 6 de la CEDH en la présente matière et partant indépendamment du débat mené par les parties à l’instance autour de la question de l’applicabilité de cette disposition, sur base des critères ENGEL dégagés par la CourEDH, à une décision de la CSSF de prononcer une amende d’ordre sur le fondement de la loi OPA, que la CSSF, lorsqu’elle est amenée à prendre une telle mesure n’est en tout état de cause pas dispensée de respecter durant la phase administrative précontentieuse un certain nombre de principes généraux du droit, parmi lesquels figure plus particulièrement le principe d’une procédure équitable, comprenant le respect du contradictoire, qui est garanti en l’occurrence par les dispositions des articles 9 et 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, de même que le principe de bonne administration, qui sous-tend toute la réglementation en matière de procédure administrative non contentieuse telle qu’introduite à travers la loi du 1er décembre 1978 et le règlement grand-ducal du 8 juin 19796 et qui englobe notamment le respect des droits de la défense7 et auquel se rattache l’obligation pour la CSSF d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce. De la sorte, la CSSF doit, lorsqu’elle est amenée à prononcer des sanctions administratives en application de la loi OPA, respecter des garanties minimales d’impartialité et d’indépendance, de même qu’elle doit s’assurer que la phase administrative se passe de telle manière qu’aucun préjugement ne transperce, cette obligation s’apparentant au respect de la présomption d’innocence sous l’égide de l’article 6 de la CEDH.
Il convient dès lors d’examiner si, en l’espèce, ces principes ont été respectés et en l’occurrence si Monsieur (M) a pu se défendre, en connaissance de cause, contre les reproches soulevés à son encontre sur le fondement de la loi OPA.
A cet égard, la Cour rappelle qu’une enquête a été diligentée ayant abouti à un rapport d’enquête, ce qui implique que la charge de la preuve de la réalité des reproches soulevés par la CSSF a été considérée comme reposant sur la CSSF. De même, l’appelant a été informé au préalable de ce que la CSSF envisage de prendre à son égard l’amende d’ordre litigieuse tout en l’informant des éléments de fait et de droit qui l’amènent à prendre cette décision, et la possibilité lui avait été conférée de prendre position, possibilité à laquelle il n’a toutefois pas eu recours, si ce n’est qu’il a soulevé une contestation tout à fait générale. De même, le rapport d’enquête, ensemble ses annexes, lui ont été communiqués avant la prise de la décision litigieuse. Enfin, en application de l’article 18 de la loi OPA, l’appelant avait à sa disposition la possibilité d’exercer un recours contentieux devant les juridictions administratives, statuant en double degré de juridiction et disposant en vertu de la loi d’un pouvoir de réformation.
6 En ce sens : Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle.
7 Ivan Verougstraete, Amaryllis Bossuyt, Le principe (général) (de droit) de bonne administration, Journal des tribunaux 2020/28, p.567 – 573.
28Nonobstant ces circonstances, l’appelant estime que ses droits de la défense n’auraient pas été respectés.
La Cour est toutefois amenée à retenir que les critiques soulevées par l’appelant à l’égard de la CSSF et du processus décisionnel ayant mené à la prise de la décision litigieuse ne permettent pas de retenir une violation des principes dégagés ci-avant.
S’agissant, en effet, de prime abord d’un prétendu non-respect de la présomption d’innocence, la Cour constate qu’au-delà de développements théoriques concernant l’étendue de ce principe au regard de l’article 6 de la CEDH, Monsieur (M) n’explique pas en quoi consisterait concrètement la violation alléguée. S’il évoque brièvement le contenu du communiqué de presse du 16 février 2017, il reste toutefois en défaut d’expliquer en quoi il estime que ledit communiqué, ne contenant pas son nom, précisant expressément qu’aucune décision définitive n’avait encore été prise et employant le conditionnel, préjugerait de l’existence d’une violation de la loi OPA dans son chef. Les contestations invoquées pour le surplus par l’appelant n’ont pas trait à un potentiel vice de procédure, mais visent le fond du litige, en ce qu’il estime qu’à défaut de preuve de l’existence d’une concertation avec Monsieur (L), la présomption d’innocence aurait dû jouer en sa faveur au niveau de la prise de la décision de la CSSF, et ne sont partant pas pertinentes par rapport au moyen d’ordre procédural sous examen.
Pour ce qui est ensuite les critiques à l’adresse de la CSSF, qui ne répondrait pas aux garanties d’impartialité requises, la Cour retient de prime abord que, dans la mesure où le système instauré en la présente matière est tel qu’en toute occurrence un double degré de juridiction se trouve ouvert devant les juridictions administratives, investies d’un pouvoir de réformation, pour faire examiner en fait et en droit la décision ayant prononcé la sanction administrative – l’article 18 de la loi OPA prévoyant un recours en réformation contre une décision de prononcer une amende d’ordre -, l’application du principe d’impartialité aux organes administratifs ne peut se concevoir avec la même rigueur que pour les magistrats8. Cette conclusion n’est pas infirmée par le fait que Monsieur (M) s’est limité, tel que cela a été relevé ci-avant, à demander la seule annulation de la décision de prononcer à son encontre une amende d’ordre, dans la mesure où cette limitation résulte de son propre choix, rien ne l’ayant empêché de solliciter la réformation de la décision litigieuse, tel que la loi le lui permet, tout en invoquant ses moyens tirés d’une violation de ses droits de la défense.
La Cour retient ensuite que l’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’entité concernée qui est en charge de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens qu’elle doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime9.
8 Par analogie en matière de discipline : Cour adm. 17 décembre 2009, n° 25839C du rôle, Pas. adm 2022, V° Fonction publique, n° 292, rappelé dans des arrêts du 25 février 2021, n° 45262C du rôle et du 10 novembre 2022, n° 47475C du rôle ; Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle, Cour adm. 23 août 2023, numéro 47837C du rôle.
9 Par analogie à la jurisprudence de la CJUE à propos des exigences découlant de l’article 41 de la Charte, applicable aux seules institutions, organes et organismes de l’Union, au sujet de mesures prises par la Commission européenne en matière de concurrence : CJUE 11 juillet 2013, ….. c/ Commission, C‑439/11 P, rappelé dans l’arrêt de la CJUE du 12 janvier 2023, affaire ….., point 77.
29En l’espèce, force est de retenir que l’appelant reste en défaut d’établir une quelconque partialité subjective ou objective au niveau des entités au sein de la CSSF ayant été impliquées dans le processus d’élaboration de la décision litigieuse.
Selon l’appelant, le manque d’impartialité reproché à la CSSF se dégagerait de la circonstance qu’il n’y aurait aucune séparation entre le pouvoir d’investigation et le pouvoir de décision au sein de la CSSF, l’appelant en voulant pour preuve les mentions figurant à côté de la signature des différentes correspondances échangées avec la CSSF, d’une part, et la considération que le rapport d’enquête serait rédigé uniquement à charge, d’autre part.
Or, la Cour retient qu’au-delà d’affirmer de façon péremptoire que le rapport d’enquête serait rédigé uniquement à charge, l’appelant reste en défaut d’indiquer un quelconque indice concret résultant de l’analyse faite par les rédacteurs dudit rapport ou encore de la décision finalement prise, qui témoignerait d’un parti pris ou encore d’un défaut de prise en compte à leur juste mesure d’éléments concrets à décharge. Il convient encore de relever que les rédacteurs du rapport ont expressément souligné sous le point 120 que le service MAF II ne fait que des recommandations à la direction de la CSSF et ont rappelé le respect des dispositions des articles 5 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Par ailleurs, la Cour retient que le libellé du courrier ayant annoncé la sanction projetée ne permet pas de retenir que, dans le cadre du processus mis en œuvre sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, la CSSF n’ait pas laissé ouverte la question de la décision finalement à prendre et ait fait preuve d’un préjugé délibéré ou définitif relatif à la question d’une violation de la loi OPA dans le chef de l’appelant.
La Cour relève ensuite que d’un point de vue organisationnel, la CSSF est, aux termes de l’article 1er de la loi du 23 décembre 1998, un établissement public, doté de la personnalité juridique et jouissant de l’autonomie financière, ayant pour mission, entre autres, selon l’article 2, paragraphe (1), de la même loi « la surveillance prudentielle des établissements de crédit, des PSF au sens de la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier (…) », tout en tenant compte « de la dimension communautaire et internationale de la surveillance ainsi que de la convergence, en matière d’outils de surveillance et de pratiques de surveillance, de l’application des obligations législatives , réglementaires et administratives imposées par le droit de l’Union ». Elle est au vœu de l’article 4 de la loi du 23 décembre 1998 composée de différents organes, parmi lesquels figure en l’occurrence la direction, organe collégial selon l’article 12 de la loi du 23 décembre 1998, qui est l’autorité exécutive au sens de l’article 9, paragraphe (1), de la même loi, qui, selon le paragraphe (2) de cet article, « élabore les mesures et prend les décisions requises pour l’accomplissement des missions de la CSSF » conformément à ladite loi.
Un premier constat s’impose, à savoir que si l’article 17 de la loi OPA donne compétence à la CSSF de prononcer une amende d’ordre, une lecture combinée de cette disposition avec les dispositions précitées de la loi du 23 décembre 1998 mène à la conclusion que c’est la direction de la CSSF qui est l’organe compétent pour prendre la mesure ainsi visée.
Ensuite, au regard des explications afférentes fournies par la CSSF dans ses mémoires quant à la séparation interne du pouvoir d’investigation, revenant aux agents du service en charge 30de la surveillance des administrés concernés, et du pouvoir décisionnel, revenant à la direction en application des dispositions précitées, ensemble le fait qu’en l’espèce, le rapport d’enquête émane du service MAF II, que ledit rapport ne fait que suggérer à la direction de prononcer une amende d’ordre et que la décision du 8 décembre 2017 émane de la direction et a été signée par les membres de celle-ci, la Cour ne saurait suivre l’appelant lorsqu’il fait état d’un manque d’impartialité au motif d’une confusion entre l’enquête et la prise de décision, de sorte que, sous cet aspect, c’est à tort qu’il affirme que la CSSF, lorsqu’elle prend une sanction administrative sur le fondement de l’article 17 de la loi OPA, ne répondrait pas aux exigences d’impartialité au niveau de la phase précontentieuse.
Cette conclusion n’est pas infirmée par le fait, relevé par l’appelant, que l’adresse e-mail générique de la direction figure sur les deux courriers précités ou encore que les signatures des deux courriers font référence à la CSSF, dans la mesure où ces mentions ne permettent pas de conclure que la direction se soit immiscée dans l’enquête ou à l’inverse que la direction n’ait pas pris ou ne soit pas susceptible de prendre sa décision en prenant en compte les explications éventuellement fournies en amont par l’administré concerné.
La Cour relève encore qu’elle a retenu dans son arrêt récent du 19 juillet 2023, précité, et invoqué par les parties à l’instance, qu’indépendamment de la qualification de la mesure prise dans cette affaire par la CSSF comme une accusation pénale au sens de l’article 6 de la CEDH, en tout état de cause, un éventuel non-respect du principe d’impartialité au cours de la procédure administrative au niveau de l’organisation de la CSSF, que ce soit au regard des dispositions supranationales ou que ce soit en tant que principe général du droit, ne conduit pas à la réformation de la sanction prononcée du moment que l’administré concerné avait à sa disposition un recours en réformation dans le cadre duquel les juridictions administratives ont pu analyser le bien-fondé des reproches retenus à son encontre et auraient pu redresser un vice éventuel affectant la décision si la mesure prise par la CSSF avait été empreinte de partialité, à condition que l’appelant leur demande d’opérer ce contrôle10.
En effet, la CSSF ne correspond pas, selon le droit luxembourgeois, à une instance juridictionnelle, et ne doit d’ailleurs pas l’être dans la mesure où, même à supposer que les sanctions qu’elle prononce aient un caractère pénal ou une « coloration pénale », la CourEDH a décidé dans l’affaire (d) du 4 mars 2014, précitée, à propos de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH11 que rien ne s’oppose à ce qu’une sanction administrative répondant aux critères ENGEL soit prononcée par une autorité administrative du moment que l’administré auquel la sanction est appliquée dispose d’un recours contentieux devant un tribunal répondant aux conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH12. L’arrêt (d) se trouve dans la lignée de la jurisprudence de la CourEDH, de même que de celle de la CJUE, qui contrôlent le respect de l’article 6 de la CEDH non pas de façon isolée, mais par rapport à la procédure dans son ensemble, y compris le volet contentieux13.
10 Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle.
11 Affaire (d), points 138 et 139.
12 Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle.
13 CourEDH, 21 février 1984, …… c. Allemagne, point n° 56 ; CourEDH, 26 octobre 2009, ….. c. France, points 36-
38 ; CJUE, 9 septembre 2010 (T-(a) P).
31La CourEDH a retenu, après avoir constaté que les sanctions litigieuses dans cette affaire n’avaient pas été infligées par un juge à l’issue d’une procédure judiciaire contradictoire, mais par une autorité administrative, que le fait de confier à de telles autorités la tâche de poursuivre et de réprimer les contraventions n’est pas incompatible avec la CEDH, à condition que l’administré ait le droit de saisir de toute décision prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de l’article 6 de la CEDH14. La CourEDH en a conclu que le respect de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH n’excluait ainsi pas que dans une procédure de nature administrative, une « peine » soit imposée d’abord par une autorité administrative, mais qu’il faudrait cependant que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions de l’article 6, précité, subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction ayant en l’occurrence le pouvoir de réformer en tous points en fait et en droit la décision entreprise15.
La CourEDH a encore retenu dans cette même affaire, concernant une situation dans laquelle l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH a trouvé application, que les constats faits par elle dans cette affaire quant à un manque d’impartialité objective dans le chef de la Commission nationale des sociétés et de la bourse italienne en raison de l’exercice consécutif de fonctions d’enquête et de jugement au sein d’une même institution, étaient à eux seuls insuffisants pour conclure à une violation de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, mais elle a examiné l’existence d’un contrôle ultérieur par un organe judiciaire de pleine juridiction16.
Il s’ensuit que conformément aux enseignements à tirer de l’arrêt précité de la CourEDH, la circonstance qu’une autorité administrative qui prononce une mesure telle que celle en cause et qui, le cas échéant, ne répond pas elle-même à toutes les conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, n’est pas incompatible avec le respect de cette disposition - ni d’ailleurs avec le principe d’impartialité en tant que principe général du droit -, du moment qu’un contrôle ultérieur a pu être fait par un organe judiciaire de pleine juridiction.
A partir de cette jurisprudence de la CourEDH, le constat s’impose qu’en l’espèce, indépendamment de la question de la qualification de la mesure litigieuse en tant que sanction pénale, et même à admettre que, comme l’entend l’appelant, la CSSF ne répondrait elle-même pas aux garanties d’impartialité requises, en tout état de cause la conséquence n’en est pas pour autant l’annulation, dans le cadre de la réformation, de l’amende d’ordre litigieuse pour vice de procédure tel que sollicitée par Monsieur (M), mais il importe de vérifier si celui-ci a eu à sa disposition un recours juridictionnel répondant aux conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, ce qui implique qu’il y a lieu de prendre en compte l’ensemble de la procédure ayant abouti à la sanction administrative critiquée, ensemble la procédure contentieuse17.
Comme toutefois, tel que cela a été relevé ci-avant, en la présente matière, l’appelant dispose d’un double degré de juridiction devant les juridictions administratives, à savoir devant le tribunal administratif et devant la Cour administrative, dont il n’est pas contesté qu’ils répondent aux exigences de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, en ce qu’ils sont investis tous les deux d’un pouvoir de pleine juridiction en application de l’article 18 la loi OPA et partant chargés non 14 Affaire (d), point 138.
15 idem, points 139 et 161.
16 Ibidem, point 139.
17 Cour adm., 19 juillet 2023, précité 32seulement d’un contrôle de légalité de la décision ayant prononcé la sanction administrative, mais pouvant aussi se substituer à l’administration à travers une nouvelle appréciation en fait et en droit, la conclusion s’impose que l’appelant a pu porter les reproches soulevés à son égard et tenant au non-respect des dispositions de la loi OPA devant un tribunal indépendant et impartial à la suite d’une procédure administrative.
Tel que cela a été retenu ci-avant, le fait que l’appelant a choisi de limiter son recours à une demande d’annulation et partant de saisir les juridictions administratives exclusivement de moyens de légalité, mettant de la sorte celles-ci dans l’impossibilité d’épuiser le pouvoir de réformation prévu par la loi, ne porte pas à conséquence, dans la mesure où au regard de la question de savoir si l’administré a à sa disposition un tribunal répondant aux conditions de l’article 6 de la CEDH, il y a lieu de se référer aux possibilités lui conférées par la loi et non pas à la situation dans laquelle il s’est placé par ses propres choix18.
Il s’ensuit que les critiques à l’adresse de la CSSF telles que formulées par l’appelant ne sont en tout état de cause pas de nature à emporter la sanction de la décision de prononcer une amende d’ordre à son encontre, et ce indépendamment de la question du caractère justifié de ces reproches, un vice éventuel au niveau du requis d’impartialité pouvant être purgé par les juridictions administratives statuant dans le cadre d’un recours de pleine juridiction, en ce qu’elles peuvent revoir la sanction en fait et en droit lorsqu’elle n’aurait pas été prise dans le respect des requis d’impartialité.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le reproche d’une violation du principe d’impartialité, que ce soit sur base de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH ou que ce soit en tant que principe général du droit, est à rejeter, les violations invoquées en l’espèce n’étant en toute hypothèse pas de nature à conduire à l’annulation de l’amende prononcée dans le sens voulu par Monsieur (M), cette conclusion se dégageant des enseignements à tirer de l’arrêt (d) de la CourEDH.
S’agissant ensuite de la question de savoir si l’appelant a eu accès à l’entièreté du dossier, qu’il soulève en relation avec ses moyens tirés d’une violation du principe du contradictoire, du respect des droits de la défense et du principe d’égalité des armes, la Cour relève de prime abord qu’en l’espèce, le droit pour Monsieur (M) de se voir communiquer le dossier administratif dès la phase précontentieuse sur demande afférente de sa part n’est pas contesté.
En effet, tel que relevé ci-avant, en application de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, l’administré qui en fait la demande a droit à la communication du dossier administratif, étant relevé que durant la phase contentieuse, l’article 8, paragraphe (5), de la loi du 21 juin 1999 met à charge de l’administration qui a posé l’acte attaqué l’obligation de déposer au greffe des juridictions administratives l’intégralité du dossier administratif.
Il n’est pas non plus contesté que Monsieur (M) s’est vu communiquer, avant la prise de la décision du 8 décembre 2017, le rapport d’enquête avec ses annexes et que ces mêmes pièces ont été déposées par la CSSF dans le cadre de la procédure contentieuse.
18 Cf. CourEDH, 20 novembre 1995, (l) Ltd c. Pays-Bas.
33Les parties à l’instance sont en revanche en désaccord sur la question de savoir si cette communication est suffisante, l’appelant affirmant que la CSSF aurait disposé encore d’autres pièces, potentiellement à sa décharge, qui feraient partie du dossier à communiquer, tandis que la CSSF est formelle pour dire que tous les éléments sur lesquels elle a basé sa décision ont été communiqués tant en phase précontentieuse, qu’en phase contentieuse.
La Cour est amenée à confirmer entièrement l’analyse du moyen tiré d’un accès insuffisant au dossier, telle que faite par les premiers juges sur base de la solution retenue par la Cour dans son arrêt du 17 décembre 2019, inscrit sous le numéro 42666C du rôle, rendu à l’égard de Monsieur (L) et ayant définitivement rejeté le recours de celui-ci visant sa demande d’avoir accès au dossier, au-delà du rapport d’enquête et de ses annexes, sur base de moyens similaires à ceux présentés par l’appelant dans la présente affaire - l’analyse de la Cour dans cette affaire ayant été faite tant par rapport au droit national que par rapport à l’article 6 de la CEDH -, et ce par adoption des motifs des premiers juges tant en ce qui concerne le parallélisme retenu par eux entre la présente affaire et celle de Monsieur (L), qu’en ce qui concerne la solution proprement dite quant au reproche d’une violation du droit d’accès au dossier administratif.
Ainsi, la Cour a retenu dans son arrêt du 17 décembre 2019 que la notion de « dossier relatif à [l]a situation administrative » de l’administré au sens de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, sur base duquel la décision du 31 mars 2017 visée avait été prise, doit être comprise par rapport à l’autorité administrative à laquelle la communication du dossier est demandée et à la compétence qu’elle met en œuvre à travers la décision administrative projetée ou déjà prise. Ainsi, lorsque l’autorité a informé l’administré de son intention de prendre une certaine décision à son égard, la demande en vue de la communication du dossier intégral vise nécessairement les éléments factuels et les documents qui peuvent être pertinents pour l’exercice de la compétence de l’autorité en question à l’égard de l’administré et de la décision concrètement envisagée.
En l’espèce, face à l’affirmation de la CSSF que la décision litigieuse se fonde exclusivement sur le rapport d’enquête et ses annexes, le constat s’impose que la communication de ces pièces était a priori suffisante au regard de l’article 11, précité.
Tel que cela a été retenu dans l’affaire de Monsieur (L), dans le cadre de l’application de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il incombe à l’administré de préciser concrètement quel élément lui aurait fait défaut dans un dossier administratif lui communiqué et l’empêcherait ainsi de pourvoir utilement à la défense de ses intérêts face à la décision projetée par l’autorité, voire dans le cadre du recours contentieux qu’il a introduit.
Or, tel que les premiers juges l’ont relevé à juste titre, l’appelant ne fait pas valoir, pas plus que Monsieur (L) dans l’affaire précitée, des indices suffisamment concrets indiquant que la CSSF ne se serait en réalité pas conformée à son obligation de communication de tous les éléments de fait et documents considérés comme relatifs à sa situation administrative par rapport à la mesure projetée, de sorte que les premiers juges ont à juste titre rejeté le moyen tiré du non-respect de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
34Par rapport au moyen de Monsieur (L) en ce qu’il était fondé sur les articles 6 de la CEDH et 47 et 48 de la Charte, la Cour a retenu dans son arrêt du 17 décembre 2019 que le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire n’implique pas en faveur de la personne concernée un droit d’accès illimité et absolu à l’ensemble des informations traitées par l’autorité compétente dans le cadre de son enquête19, mais que ledit droit doit être mis en balance avec les droits de tiers et le secret professionnel de l’autorité et qu’en outre, si en principe la totalité des éléments tant à charge qu’à décharge doivent pouvoir être examinés par l’administré concerné et que la validité d’une restriction de l’accès à ces éléments pour des motifs de secret professionnel est susceptible de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, l’autorité est cependant autorisée à exclure du dossier administratif les éléments qui n’ont aucun rapport avec les allégations de fait et de droit figurant dans la communication préalable du résultat d’une enquête, destinés à être mis à la base d’une future décision administrative, et qui sont dès lors sans aucune pertinence pour l’enquête20. C’est à juste titre que les premiers juges ont fait application de cette solution, dont la Cour n’entend pas se départir.
A cet égard, il convient encore de se référer à l’arrêt de la CourEDH du 30 juin 2011 ((e) c. France), invoqué par la CSSF, ayant retenu par rapport à une affaire similaire, où l’autorité administrative avait collecté un volume impressionnant de pièces mais en a écarté un grand nombre pour ne pas être pertinentes, qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 6 de la CEDH, en retenant que tous les concernés avaient eu accès au dossier retenu par l’autorité administrative, que le requérant n’avait pas indiqué en quoi des éléments qui n’auraient pas été versés au dossier auraient pu contribuer à sa défense, qu’encore que dans cette espèce il fournissait la liste des pièces manquantes, il n’avait pas indiqué en quoi elles auraient été de nature à influer sur l’issue de l’affaire et que le requérant a eu l’occasion de faire valoir ses griefs successivement devant deux juridictions qui ont examiné les arguments soulevés avant de les rejeter21.
Dans ce contexte, la Cour rappelle encore que l’enquête diligentée par la CSSF concernant les opérations tendant à l’acquisition du contrôle du groupe (H) sous le non-respect de certaines obligations imposées par la loi OPA portait essentiellement sur des transactions auxquelles l’appelant avait personnellement participé, tant en qualité de bénéficiaire économique d’une des entités ayant acquis des parts dans la société (H) qu’en sa qualité de président du conseil d’administration et d’administrateur-délégué de la société (H), de manière qu’il doit être considéré comme ayant été de façon suffisante en mesure d’évaluer si le rapport du 19 janvier 2017 et les annexes documentaires y relatives étaient de nature à retracer la réalité des opérations et transactions effectuées et du cadre dans lequel elles ont eu lieu en respectant la nécessité de tenir compte des éléments tant à charge qu’à décharge et, plus loin, s’il estimait que certains éléments à décharge auraient à tort été exclus de ce rapport, de les identifier et de les mettre en relation avec les éléments du rapport d’enquête sur lesquels la CSSF s’est basée.
Or, au lieu d’identifier des pièces qui devraient figurer au dossier auquel il a un droit d’accès, l’appelant se limite à affirmer de façon péremptoire que la CSSF avait potentiellement à sa disposition des éléments à décharge qui auraient été exclus du dossier, tout en affirmant en 19 Par référence au considérant numéro 68 de l’arrêt (r).
20 Considérant numéro 67 de l’arrêt (r).
21 Points 58, 59, 61 et 63 de l’arrêt (d).
35même temps être dans l’impossibilité d’identifier des pièces pertinentes auxquelles il devrait avoir accès.
A cet égard, la Cour relève que s’il est vrai que le dossier des annexes au rapport du 19 janvier 2017, tel que communiqué à l’appelant et soumis à la Cour, comporte certains documents présentant des passages noircis pour des raisons de confidentialité, force est de relever que l’appelant, pas plus que Monsieur (L) dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt précité du 17 décembre 2019, ne soulève aucune critique concrète par rapport à ces passages de nature à contester le bien-fondé de leur noircissement en relation avec son incidence sur ses droits de la défense.
Force est encore de constater qu’en instance d’appel, au-delà de la référence tout à fait générale et vague faite, telle que mise en avant déjà en première instance, à de la correspondance potentielle entre la CSSF et l’AMF, à des actes constitutifs de sociétés, à de potentielles alertes informatiques ou à des déclarations de soupçon de banques, sans autres précisions quant à la nature et la pertinence de tels documents, l’appelant insiste en appel essentiellement sur les annexes numéros I.314.1, I.315.2 et I.299.24 du rapport d’enquête qu’il a analysées dans la pièce portant le numéro 15, jointe à son mémoire en réplique.
L’examen des critiques soulevées par l’appelant par rapport à ces trois courriers de la (N) à la CSSF, mises en relation avec les informations tirées de ces trois courriers que le rapport de la CSSF du 19 janvier 2017 a pris en compte, amène la Cour toutefois à la conclusion que l’appelant reste en défaut de faire état d’éléments suffisamment concrets qui puissent permettre de retenir que ses droits de la défense ont été lésés en ce sens que la CSSF aurait à tort écarté des éléments qui en réalité auraient été pertinents.
S’agissant de l’annexe numéro I.314.1, à savoir un courrier de la (N) du 23 août 2016, la Cour constate que le rapport d’instruction se réfère à cette pièce uniquement dans la note de bas de page numéro 47 et cite l’information utilisée, à savoir le fait que « the client relationship between (N) and (M) was established in January 2013 », qui correspond à la réponse « to the point g », point 2 du courrier du 23 août 2016 de la (N). Force est de constater que Monsieur (M) n’indique pas en quoi le défaut de disposer de la question posée à la (N), qui pourtant tombe sous les yeux au regard de la réponse fournie, puisse porter atteinte à ses droits de la défense. S’il affirme encore qu’il n’aurait pas eu accès aux extraits de compte auxquels il est renvoyé sous ce même point, la Cour relève qu’il s’agit de documents bancaires le visant personnellement, de sorte à avoir disposé nécessairement de ces documents. En tout état de cause, si Monsieur (M) estimait que ses relations d’affaires avec la (N) avaient débuté à une autre époque que celle retenue par la CSSF, il dispose nécessairement des informations et pièces nécessaires pour l’établir, étant personnellement impliqué.
Si Monsieur (M) critique ainsi certes ne pas connaître les questions à la base de certaines réponses de la (N), il reste toutefois en défaut d’indiquer en quoi ces réponses aient d’une quelconque manière été employées dans le rapport d’instruction et par la force des choses dans la décision finalement prise par la CSSF, de sorte que la Cour n’entrevoit pas en quoi il puisse y avoir atteinte à ses droits de la défense sous cet aspect.
36Quant à l’annexe I.315.2, à savoir le courrier de la (N) du 31 octobre 2016, Monsieur (M) se réfère dans son mémoire en réplique aux points 4, 5, 6, 7, 8 et 10 de cette lettre et dans sa pièce annotée numéro 15 aux points 21, 22 et 23, en suggérant qu’il y aurait eu violation de ses droits de la défense à défaut d’avoir eu accès au questionnaire adressé à la (N).
Force est de constater que le rapport d’instruction renvoie à cette annexe sous les notes de bas de page numéros 38, 46, 269, 282, 292, 307, 312, 341, 378 et 386 et que ces références concernent les points 11, 13, 14, 18, 19 et 24 du courrier du 31 août 2016.
La Cour relève de prime abord que le rapport d’instruction contient pour l’ensemble de ces références une explication qui permet parfaitement de comprendre les informations données dans le courrier du 31 octobre 2016 et ce même sans disposer du questionnaire auquel il répond.
Par ailleurs, ces références ne concernent, à l’exception d’une seule, pas les réponses par rapport auxquelles l’appelant affirme qu’il y aurait atteinte à ses droits de la défense à défaut de connaître les questions.
Seule la note de bas de page numéro 341 fait référence à la réponse numéro 8, critiquée par Monsieur (M). La Cour constate toutefois que le rapport d’instruction a déduit de cette réponse que « the CSSF has be informed that (s) B.V is not an affiliate of (N) (or (W)). ».
Par ailleurs, la Cour relève que Monsieur (M), au-delà de critiquer de façon tout à fait théorique une violation de ses droits de la défense, reste en défaut d’expliquer en quoi le fait de ne pas disposer de la question à laquelle il est répondu sous ce point 8, qui pourtant de façon évidente est à déduire de la réponse fournie par la (N)22, puisse d’une manière quelconque porter atteinte à ses droits de la défense, voire puisse contenir un élément à sa décharge. L’appelant n’explique par ailleurs pas en quoi la phrase figurant sous ce point et mise en évidence par lui ait été employée par la CSSF dans le cadre de la prise de la décision litigieuse, ni n’explique-t-il la pertinence potentielle de l’indication selon laquelle la (N) n’est pas en mesure d’indiquer la nature des paiements faits par la société (s).
En ce qui concerne l’annexe numéro I.299.24, à savoir le courrier de la (N) du 21 octobre 2016, la Cour constate que le rapport d’instruction se réfère à ce courrier dans les notes de bas de page numéros 48 et 50, qui concernent des transactions en relation avec l’acquisition de parts dans la société (H) par Monsieur (M) lui-même, la CSSF se référant à l’indication suivante :
« The two trades in question were direct trades between (g) and (t) executed OTC and (N) was the settlemenet agent » et en a déduit que nonobstant le grand nombre de parts dans la société (H) qui ont été négociées dans le contexte de deux transactions, il serait surprenant que Monsieur (M) ait été dans l’impossibilité d’identifier les personnes lui ayant vendu les parts de la société (H), tout en relevant qu’il aurait indiqué, dans le cadre de son audition, de façon incorrecte que les parts auraient été acquises sur (u). Sachant qu’il n’est pas contesté que la société (g) est une société dont Monsieur (M) est le bénéficiaire économique et que c’est elle qui a acquis les parts auxquelles il est fait référence à cet endroit du rapport d’enquête, le constat s’impose que Monsieur (M) doit nécessairement disposer de pièces en relation avec les faits retenus par la CSSF sur base des 22 A la lecture du point 8 du courrier du 31 octobre 2006, la conclusion s’impose de façon évidente que la question à cette réponse était celle de savoir s’il y avait une relation sociétaire entre la société (s) BV et (N) ou (W).
37déclarations de la (N), dont Monsieur (M) était par ailleurs client, de sorte que la Cour n’entrevoit pas en quoi le fait que le questionnaire à la base de cette réponse, qui se suffit à elle-même, n’a pas été communiqué à Monsieur (M) puisse être de nature à porter atteinte à ses droits de la défense.
La même conclusion s’impose en ce qui concerne le courrier auquel la lettre de l’avocat de Monsieur (L) du 2 août 2016 répond, l’appelant restant ici encore en défaut d’expliquer en quel sens le défaut de disposer du courrier en question puisse, au regard des conclusions tirées par la CSSF de cette pièce, avoir une incidence quelconque sur ses droits de la défense.
La Cour est dès lors amenée à retenir qu’à l’instar de Monsieur (L) dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 décembre 2019, l’appelant ne se prévaut pas de façon concrète et pertinente d’éléments factuels non repris dans le rapport ou de lacunes dans l’accomplissement de son enquête par la CSSF et qui pourraient utilement nourrir le soupçon que le dossier à la base du rapport du 19 janvier 2017 et communiqué ensemble avec ce dernier ne correspondrait pas au dossier complet des éléments potentiellement pertinents en vue d’apprécier le bien-fondé des sanctions qui étaient ultérieurement prononcées à son encontre. L’appelant ne fournit ainsi pas des éléments pertinents permettant de retenir que la CSSF n’aurait pas correctement exercé son pouvoir d’écarter les éléments factuels sans aucune relevance pour son enquête en question.
Dans ces conditions, les premiers juges ont à juste titre conclu, par référence à l’arrêt de la Cour du 17 décembre 2019, que la demande de l’appelant s’analyse en substance en la prétention à un droit d’accès à l’ensemble des éléments et documents inspectés par la CSSF dans le cadre de son enquête ayant abouti au rapport du 19 janvier 2017 et ce de manière abstraite sans avancer concrètement des indices tangibles d’une atteinte potentielle à ses droits de la défense à laquelle ce droit d’accès devrait remédier et qu’une telle demande s’analyse essentiellement en une recherche tous azimuts, susceptible notamment de porter atteinte aux intérêts légitimes de la CSSF découlant de son secret professionnel et ne saurait être considérée comme tendant légitimement au contrôle afin de savoir si la CSSF n’a pas écarté à tort des éléments pertinents pour le résultat de son enquête plutôt que de n’écarter que des éléments sans relevance pour l’enquête en question.
S’agissant du reproche d’une violation du double degré de juridiction au motif que le tribunal n’a pas réouvert les débats pour permettre à l’appelant de prendre un mémoire additionnel, la Cour partage entièrement l’analyse exhaustive des premiers juges sur cette question et la confirme par adoption des motifs.
La Cour rappelle, à l’instar des premiers juges, que le législateur a limité à deux le nombre des écrits susceptibles d’être déposés devant les juridictions administratives.
Si la loi permet encore le dépôt de mémoires additionnels sous autorisation du président du tribunal ou du président de chambre, tel ne saurait être le cas que si une telle mesure est dictée par la nécessité du respect des droits de la défense, tel que par exemple en cas de survenance d’éléments nouveaux, mais non pas lorsqu’un plaideur fait le choix d’asseoir son argumentation sur un seul moyen et se limite à se réserver simplement le droit de développer d’autres moyens.
Tel est justement le cas en l’espèce, dans la mesure où l’appelant a fait le choix de limiter ses moyens en première instance au seul reproche tenant à une violation des droits de la défense au 38motif d’un défaut d’accès au dossier administratif, sans prendre position par rapport au rapport circonstancié, accompagné de multiples pièces, tel qu’il lui a été communiqué et ne prend position à cet égard qu’en instance d’appel. S’il est vrai que de ce fait, ses explications quant au bien-fondé de la décision litigieuse n’ont pas été discutées en double degré de juridiction, cet état de fait ne saurait toutefois conduire à l’annulation des décisions litigieuses pour violation de son droit à un double de degré de juridiction, puisqu’il n’est pas le résultat d’un manquement à charge de la CSSF ou d’une défectuosité du système judicaire à sa disposition, mais résulte de ses propres choix.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les moyens tirés d’une violation des articles 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et 6 de la CEDH pris en leurs différentes branches, sont à rejeter.
S’agissant enfin du reproche d’une violation du principe de légalité des peines, le moyen tel que libellé a trait à la légalité interne de la décision ayant prononcé une amende d’ordre et sera examiné ci-après.
4) Quant au moyen fondé sur une violation de la loi OPA Arguments des parties L’appelant fait valoir que la CSSF n’aurait pas démontré en dehors de tout doute raisonnable que lui-même et Monsieur (L) pourraient répondre à la définition de « personne agissant de concert » au sens de l’article 2, paragraphe (1), point d), de la loi OPA et n’aurait de la sorte pas démontré avec certitude une quelconque coopération ou un accord formel ou tacite, oral ou écrit ou encore un objet visant à « obtenir le contrôle d’une société ou à faire échouer une offre ». La CSSF ne démontrerait par ailleurs aucune violation des principes généraux énoncés aux points a) et d) de l’article 3 de la loi OPA, alors que pourtant la charge de la preuve reposerait sur elle, le doute devant profiter à l’appelant en application de l’article 6 de la CEDH, s’agissant selon lui d’une sanction à caractère pénal. Après avoir relevé qu’il n’existerait aucun accord écrit sur une action de concert, l’appelant procède à un examen des indices utilisés par la CSSF pour retenir un accord entre lui-même et Monsieur (L) afin de permettre à ce dernier de prendre le contrôle du groupe (Q).
En l’occurrence, il prend position sur les indices numéros 3, 8, 5 et 6 dont il déduit en substance qu’ils ne démontreraient aucune action de concert.
Il fait plus particulièrement valoir que les opérations de cessions d’actifs par le groupe (Q) ne sauraient s’analyser en un dépouillement d’actifs, mais s’inscriraient dans la nécessité de réaliser certains actifs pour garantir la survie du groupe, tout en soulignant que des cessions d’actifs à elles seules ne permettraient pas de prendre le contrôle d’une société mère.
Il prend encore position sur les indices numéros 1, 2, 4 et 7 retenus dans le rapport d’enquête.
39S’agissant de l’indice numéro 1, à savoir la constitution de la position d’actionnaire minoritaire de Monsieur (L), l’appelant fait valoir que les termes employés par la CSSF ne pourraient donner lieu à l’application de la loi OPA, qui n’évoquerait pas une situation d’« effort coordonné ».
Il explique encore que le groupe (Q) aurait à l’époque eu besoin du soutien d’acteurs économiques capables d’investir de façon importante et de le protéger contre les tentatives de prise de contrôle hostile de deux hedgefonds. Il critique le fait que la CSSF a déduit une action de concert du fait de retards au niveau de la publication du franchissement de seuils par Monsieur (L) et de réunions avec ce dernier, en faisant valoir que de tels retards ne lui seraient pas imputables et ne constitueraient, par ailleurs, aucun indice d’un accord entre lui et Monsieur (L). Il donne encore à considérer que des dirigeants de sociétés cotées ne concluraient pas d’accords avec des actionnaires pour ne pas publier des franchissements de seuil. Il ajoute qu’il aurait à cette époque rencontré de nombreux investisseurs potentiels dans le monde entier dans le cadre de sa mission de faire survivre le groupe (Q), de sorte qu’il aurait rencontré Monsieur (L) dans cette perspective sans qu’un accord n’ait toutefois été conclu avec celui-ci.
S’agissant de l’indice numéro 2, à savoir la prise de participation d’environ 8,50% par Monsieur (M) dans la société (H) par l’intermédiaire de la société (g) en janvier 2013, l’appelant reproche à la CSSF de se contenter d’achats considérés comme suspects pour lui infliger l’amende d’ordre.
Selon lui, les éléments présentés par la CSSF en relation avec cet indice ne justifieraient pas l’application de la loi OPA.
A cet égard, il rappelle être le fondateur du groupe (Q) et en avoir toujours été l’actionnaire de référence jusqu’à la crise financière des années 2007-2008 à la suite de laquelle il aurait perdu la quasi-totalité de ses actions. Il explique qu’au cours de l’automne 2012, à la suite de la prise d’une position minoritaire par Monsieur (L), lui-même aurait décidé de reprendre une position minoritaire. Or, cet état de fait ne révélerait aucun accord entre lui et Monsieur (L).
Il critique encore la CSSF pour lui avoir reproché d’avoir participé à une augmentation du capital d’(H) au lieu de réaliser une acquisition de parts en faisant valoir qu’il n’aurait pas disposé de moyens financiers suffisants pour assurer la recapitalisation nécessaire de la société et qu’il aurait simplement souhaité reprendre une position minoritaire à la suite de l’arrivée de Monsieur (L) comme investisseur. A cette époque, il aurait pu entrer en contact avec une banque ayant accepté de le financer, ce qui prouverait que cette acquisition n’était pas disproportionnée.
Il ne serait, par ailleurs, pas interdit de faire financer un investissement par une banque de la place connaissant le groupe.
S’agissant de la remarque de la CSSF d’avoir utilisé la société (g) avec siège social aux Seychelles pour réaliser l’opération, il donne à considérer qu’il s’agirait d’une structure légale qui serait couramment utilisée dans les milieux financiers, de sorte que cet état de fait ne pourrait constituer un indice d’une action de concert.
40Quant au reproche d’avoir acquis les actions de la société (H) à un prix supérieur à celui du cours de bourse de l’époque, Monsieur (M) fait valoir que cette pratique ne serait pas interdite et ne serait en tout cas pas un indice d’une action de concert puisqu’il serait courant d’accepter de payer un peu plus cher que le prix du cours de bourse pour se constituer une position actionnariale.
S’agissant du reproche de la CSSF d’avoir eu recours à la (N) et à la (t) en vue de réaliser son acquisition, Monsieur (M) fait valoir que la CSSF n’expliquerait pas en quoi ces banques seraient considérées comme proches de Monsieur (L). Par ailleurs, il serait habituel de choisir des opérateurs connaissant la société dont les parts sont susceptibles d’être acquises. Par ailleurs, la (t) aurait été le conseiller financier du groupe (Q) depuis l’ouverture de la procédure de sauvegarde en 2009.
Aucun indice d’une action de concert ne pourrait dès lors être déduit du fait qu’un investissement avait été réalisé avec l’appui de banques spécialisées dans ces opérations et connaissant le groupe (Q).
Pour ce qui est du reproche de la CSSF que Monsieur (L) aurait agi en faveur de cette acquisition, l’appelant fait valoir que ce reproche ne serait pas établi si ce n’est qu’à travers des courriels de la société (Z), ci-après « la société (Z) », dont il met en question l’objectivité. Il ne serait, par ailleurs, pas anormal que Monsieur (L), venant de constituer une position actionnariale minoritaire importante, lui indique les conseillers et banques qu’il avait lui-même utilisés à cet effet.
S’agissant du reproche en relation avec la revente en juin 2016 à Monsieur (L) des actions de la société (H) acquises en janvier 2013, l’appelant donne à considérer que ne serait ni inhabituel ni à qualifier d’indice d’une action de concert, le fait de revendre une participation - trois ans après son acquisition, après avoir été révoqué et après que plusieurs actifs de la société avaient été cédés - à l’actionnaire de référence, à savoir Monsieur (L), qui aurait été le seul à proposer de les racheter.
Loin de constituer une convergence de comportements révélant une action de concert, l’acquisition en janvier 2013 et la revente en 2016 correspondraient à une décision expliquée ayant pour but de se renforcer au capital d’(H) au moment où des signes rassurants auraient existé.
En ce qui concerne l’indice numéro 4, à savoir la bataille pour le contrôle d’(H), ce serait encore à tort que la CSSF estime que les décisions au sein du conseil d’administration et au niveau des assemblées de la société (H) auraient révélé l’existence d’un accord entre lui et Monsieur (L).
Il souligne qu’en sa qualité de dirigeant du groupe et de président du conseil d’administration, il aurait à cette époque été confronté à la double nécessité de trouver des financements pour assurer la survie du groupe, mais aussi de concilier deux blocs d’actionnaires, à savoir, d’une part, les sociétés (Y), ci-après « la société (Y) », et (Z), détenant environ 23 % du capital et, d’autre part, Monsieur (L), détenant environ 30 % du capital. Ce serait dans un tel contexte difficile que de nombreuses décisions auraient dû être prises au niveau du conseil d’administration et des assemblées des actionnaires.
41Outre sa révocation agressive par Monsieur (L) en mars 2014, état de fait qui ne pourrait constituer un indice d’une action de concert, l’appelant fait valoir que la période entre automne 2012 et mars 2014 aurait été marquée par de nombreux désaccords, de profonds différends et des votes discordants entre lui et Monsieur (L), en citant divers exemples à cet égard qui témoigneraient du contraire d’un accord avec ce dernier.
Face à l’affirmation de la CSSF selon laquelle un indice d’une action de concert résulterait de réunions, de votes convergents entre lui et Monsieur (L) et surtout de son vote lors de l’assemblée générale du 6 janvier 2014, considéré par la CSSF comme étape décisive dans la prise de contrôle d’(H) par Monsieur (L), l’appelant réitère qu’à l’époque, il aurait rencontré de très nombreux investisseurs potentiels dans le monde entier dans sa mission d’assurer la survie du groupe (Q). Ce serait dans cette perspective qu’il aurait rencontré Monsieur (L) à compter de la fin de l’année 2012, sans toutefois qu’un accord ait été conclu avec lui. Lui-même et Monsieur (L) auraient connu de nombreux désaccords et n’auraient pas systématiquement voté dans le même sens, l’appelant relevant qu’ils n’auraient pas poursuivi les mêmes objectifs. Monsieur (L), en sa qualité d’actionnaire minoritaire, aurait, en effet, dû s’assurer de la rentabilité de son investissement, tandis que lui-même, en sa qualité de dirigeant du groupe, aurait dû s’assurer de son développement et de sa pérennité. En tout cas, une simple convergence de comportements ponctuels serait à distinguer d’un accord matérialisé sur une action de concert.
S’agissant de son abstention lors de l’assemblée du 6 janvier 2014 ayant porté sur la révocation des représentants des sociétés (Y) et (Z) au conseil d’administration de la société (H), l’appelant donne à considérer qu’il aurait simplement refusé de prendre parti entre les deux blocs d’actionnaires s’opposant. En tout cas, un vote d’abstention ne témoignerait pas d’une action de concert.
S’agissant de l’indice numéro 7, à savoir le reproche d’un soutien continu de Monsieur (L) à compter de mars 2014, l’appelant donne à considérer qu’il aurait été violemment révoqué de ses fonctions de président de la société (H), ce qui serait le contraire d’une action de concert. Après sa révocation, il serait certes resté actionnaire jusqu’en juin 2016 à travers la société (g) et aurait pu continuer à voter aux assemblées des actionnaires. Si la CSSF voyait un indice d’action de concert dans les votes lors de l’assemblée générale du 28 mai 2014, l’appelant donne à considérer que ces votes auraient dû contribuer à mettre en place les augmentations de capital nécessaires à la survie d’(H). Lui-même n’aurait pas agi de concert avec quiconque, mais aurait poursuivi ses démarches afin de pérenniser le groupe et aurait ainsi agi dans l’intérêt social de la société (H). En tout cas, un vote convergent entre deux actionnaires au cours d’une ou de plusieurs assemblées ne constituerait pas une preuve d’une action de concert.
Dans sa réplique, l’appelant donne à considérer que la présomption d’innocence devrait lui profiter et que la CSSF aurait la charge de la preuve des faits justifiant l’application de l’amende d’ordre, en réitérant qu’il ferait l’objet d’une accusation de nature pénale selon les critères ENGEL de la CourEDH. Or, la CSSF ne démontrerait pas de manière certaine qu’il avait enfreint la loi OPA, de sorte que le doute devrait lui profiter.
Il invoque en second lieu un défaut de base légale, sinon une erreur de base légale comme étant un manquement à l’obligation de motivation, en faisant valoir que l’article 3, points a) et d), 42de la loi OPA ne consacrerait pas une obligation de divulguer une action de concert. En fondant sa décision sur cette base, la CSSF aurait agi en violation de son obligation de motivation, sinon par défaut de base juridique ou sinon par erreur d’indication de la base légale.
Sur base de la même considération, à savoir que l’article 3, points a) et d), de la loi OPA ne viserait pas une obligation de divulguer une action de concert, la CSSF n’aurait pas respecté le principe de légalité des peines tel que ressortant non seulement de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, mais aussi des articles 7 de la CEDH et 19 de la Constitution.
Enfin, à titre surabondant, il se penche encore une fois dans sa réplique sur les indices employés par la CSSF, en réitérant en substance ses explications fournies dans la requête d’appel, tout en contestant formellement l’existence d’un accord entre lui et Monsieur (L).
S’agissant de la méthode du faisceau d’indices utilisée par la CSSF, il fait valoir que cette mode probatoire ne se résumerait pas à additionner des éléments ni à procéder par voie d’affirmation, mais qu’il conviendrait de rassembler des indices graves précis et concordants, qui ne pourraient pas s’expliquer autrement.
A cet égard, il reproche à la CSSF de refuser de tenir compte de ses explications et de procéder par pure affirmation dans son mémoire en réponse, voire de se référer au seul rapport d’enquête ou à la décision litigieuse.
La CSSF ne tirerait aucune conséquence des explications fournies par lui au sujet du fait que le groupe (Q) aurait dû assurer sa survie après être sorti d’une longue et très difficile procédure de sauvegarde sous l’égide du Tribunal de commerce de (j) et avoir été confronté à un énorme endettement. En l’occurrence, la CSSF n’expliquerait pas pourquoi les besoins de la situation financière critique du groupe ne pourraient pas constituer une explication alternative à l’existence d’une action de concert avec Monsieur (L).
A cet égard, il se réfère à titre d’exemple à ses explications fournies par rapport aux indices numéros 1, 5 et 6.
Ainsi, la situation difficile du groupe (Q) aurait expliqué qu’il avait rencontré depuis 2008-
2009 dans le monde entier plusieurs investisseurs potentiels susceptibles de contribuer à la survie d’(H), parmi lesquels aurait figuré Monsieur (L) à partir de l’automne 2012. Il insiste que la CSSF serait incapable de prouver le contenu des discussions à ces occasions. Par ailleurs, la seule connaissance d’un retard de publication d’un franchissement de seuil ne pourrait constituer un indice grave d’une action de concert.
D’autre part, en raison de la position des sociétés (Y) et (Z), et ensuite de celle de Monsieur (L), il aurait été impossible en 2013 de faire voter une augmentation de capital de la société (H) d’un montant suffisant pour assainir la situation financière. Le groupe, toujours confronté à une situation financière critique, aurait alors été obligé de procéder à des cessions d’actifs aux conditions les moins mauvaises possibles. Dans cette situation, Monsieur (L) aurait été le seul candidat réaliste. Ce serait dès lors à tort que la CSSF qualifierait ces cessions de dépouillement d’actifs.
43 L’appelant critique la CSSF pour accepter des explications alternatives ainsi fournies par lui sans pour autant en tirer une conséquence.
Il donne encore à considérer que la CSSF considérerait, par pure affirmation, le rapport d’enquête comme étant ni critiquable ni contestable, sans fournir des preuves suffisamment solides et convaincantes pour justifier l’existence d’une action de concert, les indices même pris ensemble n’étant pas susceptibles de rapporter cette preuve.
En ce qui concerne les indices numéros 3, 5, 6 et 8, l’appelant estime qu’il y aurait lieu d’en écarter la moitié.
Ainsi, la prise de participation de trois special purpose vehicle chypriotes, ci-après « SPV chypriotes » (indice numéro 3) et l’émission de nouvelles actions de la société (H) à partir de 2014 (indice numéro 8), ne le concerneraient pas.
S’agissant de l’indice numéro 5, à savoir la cession d’(v), et l’indice numéro 6, à savoir la cession d’(P), ceux-ci ne constitueraient pas d’élément probant d’un accord avec Monsieur (L) en vue de la prise de contrôle d’(H).
Dans ce contexte, l’appelant insiste de nouveau sur la considération que le groupe (Q) aurait dû se séparer de certains actifs pour assurer sa survie, ce que reconnaîtrait d’ailleurs la CSSF, de sorte qu’il ne saurait être question de dépouillement d’actifs. De la sorte, il aurait fourni une explication alternative à ces cessions des actifs. Par ailleurs, des cessions d’actifs ne seraient pas des opérations permettant de prendre le contrôle d’une société mère.
En tout cas, les indices numéros 5 et 6 ne prouveraient nullement les trois critères de l’action de concert.
La CSSF, pour sa part, conclut au rejet de l’ensemble de ces contestations.
En ce qui concerne en l’occurrence le contenu du rapport d’enquête et des conclusions en déduites par la CSSF dans sa décision litigieuse, elle relève dans sa duplique ce qui suit :
Premièrement, le rapport d’enquête prouverait comment, en automne 2012, Monsieur (L) était monté de façon occulte dans le capital de la société (H) et ce avec la connivence de Monsieur (M), l'administrateur-délégué de cette société.
Il établirait en second lieu comment, en janvier 2013, Monsieur (M) avait acquis un important paquet d'actions de la société (H) avec la connivence de Monsieur (L).
Troisièmement, ledit rapport établirait qu'au courant de 2013, trois SPV chypriotes, liés à des personnes à leur tour liées à Monsieur (L), avaient acquis des actions dans le capital social de la société (H). Ces sociétés auraient joué un rôle crucial lors d'une assemblée générale du 6 janvier 2014 ayant révoqué les deux administrateurs liés à des actionnaires importants autres que Monsieur (L) et Monsieur (M), à savoir les représentants des sociétés (Y) et (Z).
44 Quatrièmement, le rapport établirait comment des tensions entre deux blocs d'actionnaires représentés au conseil d'administration de la société (H) se seraient accrues en 2013 pour atteindre leur apogée fin novembre 2013/début janvier 2014. Officiellement, il y aurait eu, d'un côté, Monsieur (L) et, de l'autre côté, les deux fonds d'investissement alternatifs (Z) et (Y), tandis qu’à y regarder de plus près, on constaterait que Monsieur (M) avait agi de plus en plus dans le sens voulu par Monsieur (L). Le conflit aurait culminé fin 2013/début 2014 : lors d'une assemblée générale du 6 janvier 2014, les deux administrateurs liés aux sociétés (Z) et (Y) auraient été écartés, avec les votes attachés aux actions (H) détenues par Monsieur (L) et la neutralisation des votes attachés aux actions (H) détenues par Monsieur (M).
Cinquièmement, le rapport d’enquête montrerait comment à partir d'automne 2012 à 2013, Monsieur (M) avait utilisé sa position d'administrateur-délégué au sein d'(H) pour faire en sorte que les actifs de l’entité (v), appartenant à la société (H), puissent être acquis par Monsieur (L) à des prix a priori favorables à ce dernier et non par des tiers.
Sixièmement, le rapport d’enquête montrerait comment, au courant de l'année 2013, Monsieur (L) avait provoqué de plus en plus, par des propositions radicales, les représentants des autres actionnaires importants ayant siégé au conseil d'administration de la société (H) et avait refusé toute augmentation de capital de cette société et comment, lorsque le conflit avait éclaté fin novembre 2013, Monsieur (M) avait arrangé l'entrée de Monsieur (L) dans le capital de la société (P), la filiale la plus importante de la société (H). Il montrerait encore comment, en parallèle, des actions de la société (P) avaient été vendues par la société (H) à deux acquéreurs au profil improbable et avec des liens avec les mandataires de Monsieur (L).
Septièmement, le rapport montrerait comment, même après son départ du groupe (Q) au printemps 2014, Monsieur (M) avait accepté de voter en faveur de résolutions d'actionnaires qui, eu égard à son départ du conseil d'administration d'(H), n’étaient plus dans son intérêt, mais dans l'intérêt de Monsieur (L).
Huitièmement, le rapport d’enquête montrerait comment le capital de la société (H) avait été augmenté massivement en novembre 2014 et plus massivement encore en mai 2016 en faveur de SPV dont les souscriptions avaient toutes été intégralement financées par le groupe (x1) et qui, à l'issue de chaque augmentation de capital, détenaient chacun des participations improbables de 30% et qui avaient finalement vendu leurs parts le 8 juin 2016 à Monsieur (L) avec des bénéfices considérables, ayant néanmoins été acheminés soit sur le compte de Monsieur (L), soit réinvestis dans des obligations émises par la société (F), anciennement (P), une société appartenant à plus de 90% à Monsieur (L) et qui, conformément à l'information financière publiée par la société (F), auraient été annulées une année plus tard sans contrepartie apparente. Les trois SPV chypriotes, évoqués à l’indice numéro 3, et Monsieur (M) auraient également vendu leurs actions dans la société (H) à Monsieur (L) le 8 juin 2016 avant que ce dernier n’annonce qu'il détient plus de 95% des actions et des droits de vote d'(H), ce qui lui conférait le droit d'exiger le retrait obligatoire des autres actionnaires d'(H), en grande partie des investisseurs de détail résidant en Alsace et en Pologne, et ce au prix auquel il a acquis les actions de la part des SPV à 30% et de Monsieur (M).
45La CSSF souligne encore que comme toutes les personnes pour lesquelles elle a retenu la qualification de personnes agissant de concert au sens de loi au OPA n’auraient pas joué un rôle de premier plan pendant toute la durée de l’action de concert, il ne serait pas étonnant que certains indices du faisceau ne mentionnent pas Monsieur (M).
Analyse de la Cour La Cour rappelle de prime abord que l’appelant, bien que disposant en vertu de l’article 18 de la loi OPA du droit d’introduire un recours en réformation, a expressément et volontairement limité son recours à des moyens de légalité, de sorte à avoir soustrait au contrôle de la Cour celui conféré en l’espèce par le législateur. Au risque de statuer ultra petita, la Cour ne saurait dès lors examiner les explications fournies par l’appelant que sous l’angle des moyens de légalité. Au vu de cette conclusion, la demande de l’appelant de déposer un mémoire additionnel devient sans objet, cette demande ayant été faite pour l’hypothèse où la Cour estimait pouvoir opérer un contrôle de pleine juridiction.
Il convient de relever que dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en un dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité. En revanche, le contrôle de légalité n’implique pas celui de l’opportunité de la décision.
Encore que dans ces circonstances la Cour ne puisse pas épuiser ses pouvoirs de réformation, cette situation n’est néanmoins pas contraire aux exigences découlant de l’article 6 de la CEDH invoquées par l’appelant et ne saurait conduire à l’annulation de la décision litigieuse.
En effet, indépendamment de la question de l’applicabilité de cette disposition, il suffit, au regard des exigences en découlant, que Monsieur (M) avait à sa disposition un tribunal ayant en vertu de la loi un pouvoir de réformation, tel que cela a été retenu ci-avant.
La Cour constate ensuite que la décision litigieuse a été prise dans le contexte d’une demande d’approbation d’une OPA obligatoire des actions de la société (H) par la société (J), sous le contrôle de Monsieur (L), des droits de vote à la suite de l’atteinte par celle-ci, au courant de l’année 2016, d’un seuil de participation correspondant à 97,31 % des droits de vote dans la société (H).
Selon la motivation de la décision du 8 décembre 2017, ensemble les explications fournies par la CSSF en cours de procédure contentieuse, il est reproché à l’appelant d’avoir, au cours de 46la période visée par l’investigation, à savoir entre septembre 2012 et juin 2016, de façon directe ou sinon de façon indirecte, à savoir à travers la société (g) en tant qu’actionnaire de la société (H) et en tant qu’administrateur-délégué et président du conseil d’administration de la société (H) jusqu’à sa révocation respectivement démission les 18 et 27 mars 2014, agi de concert avec Monsieur (L) en violation des principes généraux de l’article 3, points a) et d), de la loi OPA.
Ce reproche se situe dans le contexte plus général de reproches d’actions de concert ayant permis à Monsieur (L) d’acquérir et de consolider son contrôle sur la société (H) et visant comme concertistes principaux Monsieur (L) et Monsieur (M), d’une part, et comme concertistes secondaires Monsieur (L) et les sociétés (C), ci-après « la société (C) », (E), ci-après « la société (E) », (I), ci-après « la société (I) », les trois étant nommées « les SPV chypriotes », (S), ci-après « la société (S) », (U), ci-après « la société (U) », et la société (K), ci-après « la société (K) », les trois étant nommées « les SPV à 30% », d’autre part.
En l’occurrence, il est reproché à l’appelant d’avoir, grâce à sa participation dans la société (H) à travers la société (g), ensemble avec la possession directe ou indirecte de parts dans la même société par Monsieur (L), permis à ce dernier d’acquérir le contrôle sur la société (H) dès les 10 et 11 janvier 2013, sans pour autant respecter son obligation de lancer une OPA obligatoire, tel que requis par l’article 5, paragraphe (1), de la loi OPA, et partant de dévoiler le dépassement des seuils déterminants prévus par la loi déclenchant cette obligation. La CSSF a retenu que cette action concertée avec Monsieur (L) constituait une violation grave des principes généraux prévus sous les points a) et d) de l’article 3 de la loi et aurait contribué à la violation par Monsieur (L) de l’article 5, paragraphes (1) et (3), de la loi OPA.
La définition de « personnes agissant de concert » est énoncée à l'article 2, paragraphe (1), point d), de la loi OPA, aux termes duquel cette notion vise « les personnes physiques ou morales qui coopèrent avec l'offrant ou la société visée sur la base d'un accord, formel ou tacite, oral ou écrit, visant à obtenir le contrôle de la société visée ou à faire échouer l'offre ».
La Cour rejoint les explications fournies par la CSSF conformément auxquelles, selon l’esprit de la loi OPA et de la directive qu’elle transpose23, la notion de « personnes agissant de concert » joue essentiellement un rôle anti-abus en relation avec la règle de l'OPA obligatoire en ce sens qu’un offrant ne peut pas contourner cette règle instituée en vue de la protection des actionnaires minoritaires en cas de changement de contrôle en agissant ensemble avec d'autres personnes, de sorte à conclure, à l’instar de la CSSF, que cette définition de personnes agissant de concert est large.
La Cour est de prime abord amenée à rejeter le moyen de l’appelant, pris en ses différentes branches, consistant à affirmer que l’article 3, points a) et d), de la loi OPA, tel qu’invoqué par la CSSF, ne consacrerait aucune obligation de divulguer une action de concert, de sorte que la décision litigieuse n’aurait aucune base légale.
En effet, s’il est vrai que cette disposition ne mentionne expressément aucune telle obligation, il n’en reste pas moins qu’une lecture combinée (i) de l’article 17 de la loi OPA -
permettant à la CSSF de prononcer une amende d’ordre en cas d’infraction à la loi OPA qui est de 23 Directive 2004/25/CE.
47nature à porter atteinte aux principes généraux énoncés sous les points a) à e) de l’article 3 de la même loi -, (ii) de l’article 3, points a) et d), de la même loi - consacrant le principe de protection des autres actionnaires en cas d’acquisition du contrôle d’une société par une personne et l’interdiction de fausser le marché pour les titres -, et (iii) de l’article 5, paragraphes (1) et (3), de la loi OPA - imposant une obligation de faire une offre en vue de protéger les actionnaires minoritaires de la société dans l’hypothèse de l’acquisition d’une participation par une personne physique ou morale agissant soit elle-même, soit de concert avec d’autres, dépassant certains seuils -, ensemble (iv) la définition de l’action de concert au sens de l’article 1er, paragraphe (1), point d), de la même loi, permet de retenir qu’est susceptible d’être sanctionnée par une amende d’ordre une action de concert ayant mené à l’acquisition d’une participation conférant des droits de vote dépassant les seuils prévus par la loi, déclenchant l’obligation de lancer une OPA obligatoire, sans pour autant respecter cette obligation, ce qui correspond justement au reproche de l’espèce.
De même, l’appelant n’est pas fondé à insister sur une nuance entre la notion d’action de concert au sens de l’article 2, paragraphe (1), point d), de la loi OPA et un effort coordonné, la CSSF ayant clairement fondé sa décision sur l’article 2, précité, et ayant reproché une action de concert entre l’appelant et Monsieur (L) en vue de la prise du contrôle de la société (H), dont une étape était l’acquisition, en janvier 2013, des parts à travers la société (g) sans respecter l’obligation de lancer une OPA obligatoire.
Force est de constater qu’en l’absence d’une preuve directe d’un accord entre Monsieur (M) et Monsieur (L) sur une action de concert dans le but de permettre à ce dernier d’acquérir le contrôle de la société (H), la CSSF a eu recours à la méthode du faisceau d’indices.
La Cour rejoint la CSSF dans son constat que le recours à la méthode du faisceau d'indices pour établir une action de concert, à défaut de disposer d’une preuve directe d’un accord, n’est pas critiquable en soi, cette méthode étant d’ailleurs en la présente matière consacrée par la jurisprudence française24, de même que plus particulièrement en droit de la concurrence afin d’examiner l’existence d’une entente prohibée25. Le fait que la CSSF s’est basée sur un faisceau d’indices, en l’occurrence sur 8 ensembles d’indices, qui doivent être appréciés globalement même si chaque indice pris isolément est insuffisant pour conclure à l’existence d’une action de concert, n’est dès lors pas de nature à emporter l’annulation de la décision litigieuse.
Dans ce contexte, la Cour relève encore qu’indépendamment de la question de savoir si la sanction appliquée en l’espèce est susceptible d’être qualifiée de sanction pénale, le fait que la décision se fonde, en termes de preuve, sur un faisceau d’indices ne contrevient pas per se au principe de présomption d’innocence invoqué par l’appelant, sous réserve de la vérification de la question de savoir si les indices relevés sont suffisamment concluants pour permettre de retenir une violation de la loi OPA au sens de l’article 17 de cette même loi.
24 Cass. Com fr.15 mai 2012, n° 11-11633 : « en l'absence d'accord écrit, l'existence d'une action de concert peut être démontrée par un faisceau d'indices graves, précis et concordants ».
25 Autorité de la concurrence française 13 mars 2006, affaire dite des Parfums, n° 06-D-04, analyse confirmée par la Cour d’appel de Paris 26 janvier 2012, n° 2010/23945 ; méthode traditionnellement appliquée par le Conseil de la concurrence luxembourgeois, par exemple Décision 2023-D-01.
48 Enfin, la Cour ne saurait déceler, dans l’appréciation faite par le CSSF des différents indices résultant du rapport d’enquête, un dépassement de la marge d’appréciation ou un doute légitime qui aurait dû subsister quant à l’implication de l’appelant.
Force est en effet de constater que la décision litigieuse de la CSSF, ayant retenu l’action de concert plus large telle qu’énoncée ci-avant, repose sur 8 indices, énoncés et examinés dans le rapport d’enquête qui a été entériné par la direction de la CSSF et dont la CSSF déduit la preuve d’actes de coopération, en ordre principal, entre Monsieur (M) et Monsieur (L), et ce afin de permettre à ce dernier d’acquérir et de consolider le contrôle sur la société (H), prise de contrôle que celui-ci a officialisée en juin 2016 - selon les reproches de la CSSF à un moment où cette société avait été vidée de sa substance et que les cours de bourse de ses actions étaient plus bas qu’en janvier 2013 -, alors qu’en réalité, ce contrôle avait déjà été acquis en janvier 2013.
A la lecture du rapport d’enquête, la Cour ne peut que confirmer l’appréciation faite par la CSSF de la situation sur base des indices ainsi décrits dans ledit rapport, appréciation qui n’est pas remise en cause par les explications avancées par l’appelant, étant relevé que selon le point 124.1 du rapport d’enquête, les indices 1, 2, 4, 5, 6 et 7 concernent plus particulièrement Monsieur (M).
Les trois premiers faisceaux d’indices décrivent (i) une acquisition au cours des mois d’octobre et novembre 2012 d’une participation à hauteur de 29,65 % par Monsieur (L), à travers les sociétés contrôlées par lui, à savoir la société (w), ci-après « la société (W) », et la société (x), ci-après « la société (x) », dans la société (H), fondée et initialement contrôlée par Monsieur (M), avec l’aide de ce dernier, sans que les informations nécessaires à propos du dépassement du seuil de 5 % prévu par l’article 8 de la loi modifiée du 11 janvier 2008 relative aux obligations de transparence des émetteurs, ci-après « la loi Transparence », aient été faites immédiatement et sans que l’identité du bénéficiaire économique des sociétés ayant procédé à l’acquisition de ces parts n’ait été dévoilée immédiatement, (ii) une acquisition d’une participation de 8,43 % du capital dans la même société par Monsieur (M) lui-même à travers la société (g) en janvier 2013 et (iii) des acquisitions de parts dans la société (H) par trois sociétés de droit chypriote, à savoir les sociétés (C), (E) et (I).
Selon les points 10 à 19 et 124.1.1. du rapport d’enquête, visant l’indice numéro 1 du même rapport, il est reproché à Monsieur (M) d’avoir agi de concert avec Monsieur (L) en relation avec la première acquisition de parts mentionnée ci-dessus, à savoir (i) à travers une certaine coopération durant la période des acquisitions d’automne 2012 sur le marché secondaire par Monsieur (L), (ii) des efforts coordonnés dans ce contexte au niveau des stratégies de communication (divulgation tardive du dépassement des seuils, divulgation tardive de l’identité de Monsieur (L) en tant que bénéficiaire économique des acquéreurs de parts), (iii) des efforts coordonnés à l’égard des investisseurs institutionnels (Y) et (Z), (iv) des efforts coordonnés pour dissiper des soupçons concernant des irrégularités au niveau du conseil d’administration de la société (H) et (v) des réunions non divulguées entre les sieurs (M) et (L) à cette époque à des dates clés26.
26 Indice numéro 1 et point 124.1.1 du rapport d’enquête.
49S’agissant de l’indice numéro 2, le rapport de la CSSF relève un certain nombre de caractéristiques de l’acquisition opérée en janvier 2013 par la société (g), dont elle déduit un caractère suspect de celle-ci. A cet égard, le rapport met en avant, premièrement, le contexte et le timing de l’acquisition, deuxièmement, l’investissement démesuré opéré par Monsieur (M), tant par rapport à sa situation financière de janvier 2013 qu’au regard de ses investissements antérieurs, troisièmement, certaines anomalies affectant l’acquisition, à savoir (i) le fait qu’elle a été faite à travers la société (g), un special purpose vehicle (SPV) créé le 21 février 2012, établie aux Seychelles et jamais jusqu’alors utilisée par Monsieur (M) pour détenir des parts et sans disposer d’une activité signifiante au niveau de ses comptes bancaires jusqu’à l’acquisition litigieuse, (ii) le fait que les sommes significatives investies en janvier 2013 ont été financées par la (N) à travers un découvert en compte courant, bien que la relation d’affaires entre cette banque et l’appelant vint juste de débuter, (iii) les indications contradictoires et peu plausibles sur le marché sur lequel les deux transactions importantes avaient été opérées et sur l’identité du ou des vendeurs, (iv) le prix moyen payé par la société (g) comparé au prix du marché, (v) la circonstance que malgré le fait que Monsieur (M) était, à ce moment-là, administrateur-délégué de la société (H) et son fondateur, qui aurait en tant que tel a priori dû être soucieux de la survie du groupe, n’avait pas offert à la société (H) son assistance à travers une acquisition de parts dans le cadre d’une augmentation de capital, mais avait, au contraire, acquis des parts sur un marché secondaire à un prix supérieur au prix du marché ce qui n’avait eu aucun effet direct sur la situation financière de la société (H), quatrièmement, l’implication constatée de Monsieur (L) dans ces acquisitions de janvier 2013, cinquièmement, le fait que l’acquisition a été opérée à l’aide des mêmes intermédiaires que ceux utilisés par Monsieur (L) dans le cadre des premières acquisitions par la société (W), sixièmement, la cession des parts par Monsieur (M) à Monsieur (L) en date du 8 juin 2016 avec une perte ce qui est qualifié par la CSSF comme anomalie significative au regard du découvert en compte de ….. millions à rembourser à la (N), et enfin, septièmement, une similitude de comportement de Monsieur (M) en relation avec l’acquisition des parts dans la société (H) avec d’autres transactions suspectes, en l’occurrence l’investissement dans la société (P), détenue par la société (H), et qui, selon les explications concordantes recueillies par la CSSF, consistait dans l’actif ayant eu le plus de valeur, et leurs cessions ultérieures également à Monsieur (L)27.
La Cour rappelle encore que sous l’indice numéro 3, ne visant certes pas directement Monsieur (M), il est reproché à Monsieur (L) d’avoir acquis de façon indirecte des participations complémentaires dans la société (H) à travers les sociétés (C), (E) et (I), dont le lien est établi grâce à un faisceau d’indices recueillis sous la rubrique « indicator n° 3 » du rapport d’enquête, qui permet de conclure à des acquisitions dans des conditions douteuses et qui se fonde en substance sur les liens existants entre ces trois sociétés, sur les transferts d’argent après la cession des parts le 8 juin 2016 à Monsieur (L) à travers la société (J), sur le fait que le 8 juin 2016 les participations de ces trois sociétés ont été cédées pour le même prix à la même société, à savoir la société (J), et le fait que ces sociétés ont investi dans la société (H) sans avoir eu au préalable une quelconque activité en relation avec cette société, les acquisitions de la société (C) se situant en plus de façon concomitante avec l’acquisition de Monsieur (M). Globalement la CSSF juge comme étant anormal le fait que des participations importantes de la société (H) ont été acquises par des investisseurs prétendument indépendants et ce à quelques semaines d’intervalle à travers les mêmes intermédiaires financiers, jugeant que ce parallélisme de comportement serait difficile à expliquer autrement que par une coopération étroite entre ces investisseurs.
27 Points 20 à 22 de l’indice numéro 2.
50 Ensuite, le rapport de la CSSF relève sous les indices 4 et 7 le rôle joué par Monsieur (M) dans le cadre du combat pour la prise de contrôle de la société (H) entre novembre 2012 à mai 201428 et même après la fin de ses mandats de président du conseil d’administration et d’administrateur-délégué29. Il s’agit-là de décisions prises au niveau de la composition du conseil d’administration, en l’occurrence lors des réunions des 6 janvier et 8 avril 2014 ayant abouti à l’élimination de représentants des deux investisseurs (Y) et (Z), et au niveau du capital social de la société (H), à savoir des augmentations du capital social avec annulation de droits préférentiels de souscription, en l’occurrence lors d’une assemblée du 28 mai 2014. Selon le rapport, trois actionnaires majeurs avaient participé à cette assemblée, à savoir la société (g), contrôlée par Monsieur (M), la société (W), contrôlée par Monsieur (L), et la société (Y). Les trois résolutions sur l’ordre du jour ont été adoptées avec les votes conjoints de Monsieur (L) et de Monsieur (M), le rapport relevant que si ces résolutions n’avaient pas été adoptées, les sociétés (K) et (S), que la CSSF a qualifiées de sociétés-écrans agissant pour compte de Monsieur (L), n’auraient pas pu entrer dans le capital de la société (H) en novembre 2014 dans les mêmes conditions, c’est-à-dire à des prix d’acquisition intéressants.
Le rapport d’enquête considère encore comme indice d’une coopération entre Monsieur (M) et Monsieur (L), en l’occurrence sous les indices 5 et 6, la manière dont deux actifs importants appartenant au groupe (Q), à savoir la société (P) et les actifs liés au fonds (v), sont parvenus dans le patrimoine de Monsieur (L) et le rôle joué par Monsieur (M) à cet égard30.
Pour ce qui est de la société (P), il s’agit en l’occurrence (i) du support accordé par Monsieur (M) à Monsieur (L) au niveau de l’adoption de la décision du conseil d’administration des 27 et 29 novembre 2013e en vue d’augmenter le capital social de la société (P), ayant permis la souscription d’une participation importante par Monsieur (L) en décembre 2013 dans cette société, (ii) de la souscription par Monsieur (M) à travers la société (g) de nouvelles parts dans cette société en date du 3 mars 2014, dans des conditions de financement douteuses, bien qu’il ait déclaré le 29 novembre 2013 qu’il n’allait pas participer à une augmentation du capital de la société (P), et la cession subséquente le 12 juin 2014 à Monsieur (L) et (iii) du défaut entre autres par Monsieur (M) de vérifications au sujet du bénéficiaire économique de la société (X), ci-après « la société (X) », dans le contexte de la cession d’un bloc important de parts dans la société (P) à cette société en juin 2013. Selon le rapport, l’étape décisive de la perte du contrôle de la société (P) dans le chef de la société (H) est à voir dans l’émission de nouvelles actions de cette société au bénéfice des sieurs (L) et (M) en décembre 2013 et mars 2014 à un prix très bas. Le rapport conclut sous le point 99 que sans l’initiative et le vote de Monsieur (M), Monsieur (L) n’aurait pas pu souscrire les actions en décembre 2013 et que sans le financement fourni par la banque (N), Monsieur (M) n’aurait pas pu souscrire ses parts en mars 2014. A côté de l’émission de nouvelles parts acquises par Monsieur (L) et Monsieur (M), le rapport retient encore le rôle joué par les sociétés (X) et (K) dans l’acquisition de participations dans la société (P) et la cession ultérieure le 12 juin 2014 à Monsieur (L), le rapport retenant qu’il peut raisonnablement être exclu que les acquisitions des parts dans la société (P) par ces deux sociétés correspondent à un investissement 28 Indice numéro 4 29 Indice numéro 7.
30 Cf aussi points 124.1.4 et 124.1.5. du rapport d’enquête.
51ordinaire par des clients de la (N) agissant de façon indépendante et sans collusion avec Monsieur (L) et/ou ceux qui l’ont aidé.
S’agissant des actifs sous le nom d’(v), le rapport relève, sous le numéro 124.1.4, l’appui de Monsieur (M) durant les étapes cruciales dans le processus ayant mené à l’acquisition du contrôle de cet actif par une société contrôlée par Monsieur (L), par renvoi à la vitesse avec laquelle Monsieur (M) avait avancé au sein du conseil d’administration de la société (H) la vente d’actifs immobiliers à la (N), agissant de façon non dévoilée pour compte de Monsieur (L), à défaut de négociation du prix de vente, le fait que Monsieur (M) savait que la (N) agissait pour compte de Monsieur (L) sans en informer les autres directeurs de la société (H), le support de Monsieur (M) du processus d’acquisition ayant impliqué différentes entités en relation avec Monsieur (L), en l’occurrence une cession à une société appartenant à la mère de Monsieur (L) à un prix de vente en-dessous d’une autre offre, et une perte pour la société (H), indices dont le rapport conclut qu’il est difficile d’expliquer le comportement de Monsieur (M) autrement que par le fait d’une action de concert avec Monsieur (L) en vue de permettre à ce dernier d’obtenir le contrôle des actifs litigieux dans des conditions douteuses.
La Cour est amenée à retenir que l’ensemble des indices ainsi décrits, qu’il y a lieu d’apprécier non pas pris isolément, mais dans leur globalité, étant relevé que les événements postérieurs à l’acquisition des parts en janvier 2013 par la société (g) confortent en réalité le constat fait pas la CSSF d’un non-respect de la loi OPA en janvier 2013, qui relèvent de nombreuses anomalies dans les agissements des protagonistes majeurs, à savoir les sieurs (L) et (M), sont suffisants, dans le contexte donné et les circonstances particulières vérifiées, pour établir l’existence d’une action de concert ayant abouti à la violation des obligations inscrites à l’article 5, paragraphes (1), et (3), de la loi OPA et ne sauraient raisonnablement être rattachés à une simple coïncidence ou un agissement normal tel que l’appelant essaie de le faire croire.
Cette conclusion n’est pas énervée par les explications fournies par l’appelant qui se résument en substance à des pures contestations et allégations péremptoires sur certains indices pris de façon isolés, voire à affirmer que ses actes auraient durant toute la période litigieuse été guidés par sa volonté de sauver le groupe dont il était le fondateur. En effet, même s’il est vrai que certains indices pris isolément ne sont pas déterminants pour conforter la conclusion de la CSSF, il n’en reste pas moins que celle-ci repose sur une appréciation globale des indices qui sont concordants dans leur résultante, de sorte que les contestations de l’appelant par rapport à certains indices pris isolément ne sont pas de nature à lever les interrogations sur les agissements pris dans leur globalité.
Par ailleurs, globalement les prises de positions de Monsieur (M) et ses actes ne sont pas concordants avec l’objectif qui l’aurait prétendument guidé, à savoir la volonté de sauver le groupe qu’il a créé lui-même, mais se trouvent au contraire en contradiction avec cette thèse et restent inexpliqués dans le contexte décrit par lui-même. Tel est à titre d’exemple le cas de l’acquisition par la société (J) établie aux Seychelles, dont il est le bénéficiaire économique, de parts de la société (H) sur un marché secondaire à un prix supérieur au prix du marché au lieu d’investir directement l’argent dans cette société à travers une augmentation du capital ou encore le fait d’avoir accepté et même supporté la cession d’actifs à des conditions se trouvant en contradiction avec la stratégie d’un dirigeant désireux de sauver une entreprise.
52 Le fait que Monsieur (M) a été révoqué en tant que délégué à la gestion journalière de la société (H), respectivement de président du conseil d’administration n’énerve en rien les conclusions de la CSSF d’un accord entre Monsieur (L) et de Monsieur (M), cette façon de procéder pouvant faire partie de l’accord et n’étant en tout état de cause pas de nature à lever le doute sur les innombrables anomalies relevées par la CSSF.
Les moyens invoqués sous le titre relatif à une violation alléguée de la loi OPA sont partant à rejeter.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est fondé en aucun de ses moyens, de sorte que l’appelant en est à débouter.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure pour les deux instances telle que formulée par l’appelant est à rejeter.
La demande de la CSSF de voir condamner l’appelant au paiement d’une indemnité de procédure de ….. euros est pareillement à rejeter en ce qu’il n’est pas établi en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme l’appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2023, inscrit sous les numéros 39761a et 40874a du rôle ;
au fond, dit l’appel non fondé et en déboute l’appelant ;
confirme le jugement du 21 novembre 2023;
rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées de part et d’autre ;
condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, 53et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour …… s. …… s. DELAPORTE 54