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02/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50393C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 02 juillet 2024, 50393C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 50393C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:50393 Inscrit le 29 avril 2024 Audience publique du 2 juillet 2024 Appel formé par Monsieur (A) et consort, ….., contre un jugement du tribunal administratif du 26 mars 2024 (no 47786 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 50393C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 29 avril 2024 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscr

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 50393C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:50393 Inscrit le 29 avril 2024 Audience publique du 2 juillet 2024 Appel formé par Monsieur (A) et consort, ….., contre un jugement du tribunal administratif du 26 mars 2024 (no 47786 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 50393C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 29 avril 2024 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, immatriculée au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro B 265326, représentée par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Iran) et de Monsieur (B), né le … à …., mineur à la date d’introduction de la requête de première instance, tous deux de nationalité iranienne, demeurant ensemble à L-…. …., …, rue ….., dirigé contre un jugement du 26 mars 2024 (n° 47786 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile [actuellement ministre des Affaires intérieures] du 28 juillet 2022 portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 23 mai 2024 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 20 juin 2024.

Le 27 août 2019, Monsieur (A), accompagné de son fils (B), mineur à l’époque, introduisirent auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date des 20 octobre et 23 novembre 2021, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 28 juillet 2022, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale et celle de son fils mineur Mohammad avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite pour vous ainsi qu'au nom et pour le compte de votre enfant mineur (B), né le …. 20…. à … en Iran, de nationalité iranienne, auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes le 27 août 2019 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 27 août 2019, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 20 octobre et 23 novembre 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les pièces versées à l'appui de votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez originaire de … en Iran, d'ethnie Azéri et de confession musulmane chiite.

Concernant les faits qui se seraient déroulés en Iran avant votre départ, vous indiquez qu'après votre divorce en 20…. respectivement 20…, vous auriez obtenu la garde de votre enfant et vous auriez déménagé à ….. dans un quartier majoritairement habité par des personnes d'origine arménienne, donc de foi chrétienne.

Vous avancez que le « Basij », présent dans chaque quartier, serait « sensibilisé par ces faits » et aurait commencé à vous surveiller étant donné que des membres du « Basij » auraient commencé à vous suspecter de vous être converti au christianisme. Vous précisez que vous ne vous 2 seriez pas converti mais que vous auriez néanmoins été convoqué « dans leurs bureaux » à plusieurs reprises pour être interrogé au sujet d'une éventuelle conversion.

Cette situation aurait perduré pendant un an jusqu'à ce que vous ayez finalement décidé de déménager dans un autre quartier afin d'échapper à la surveillance des membres du « Basij », pour en même temps vous rapprocher de votre lieu de travail et de l'école de votre fils.

Après avoir changé de quartier, votre vie aurait pris son cours habituel. Cependant le 30 décembre 2017, alors que vous auriez été en train de marcher à pied pour rentrer chez vous, un groupe de manifestants vous aurait croisé. Certaines de ces personnes auraient été des connaissances et vous les auriez accompagnées un petit bout du chemin le temps de fumer une cigarette. Vos chemins se seraient ensuite séparés et vous seriez rentré à la maison. Vous indiquez n'avoir absolument aucune information sur le rassemblement en question étant donné que vous ne seriez « pas politique » et vous n'auriez prêté aucune attention aux pancartes ainsi qu'aux slogans scandés.

Le lendemain, en date du 31 décembre 2017, vous auriez été arrêté et placé en garde à vue durant deux jours au « Poste de Basij Shahid Sadoujhi de ….. ». Vous auriez été interrogé et malmené alors que les autorités iraniennes vous auraient accusé d'avoir « participé à la protestation, d'avoir troublé l'ordre public et de faire la guerre contre Dieu » (p.6/18 de votre rapport d'entretien). Vous avancez en outre que cette accusation reposerait sur le fait que des membres du « Basij » auraient porté plainte contre vous.

Vous auriez finalement été présenté à un juge d'instruction le 2 janvier 2018 et vous auriez été libéré le jour même après que votre sœur se soit portée garante pour vous en déposant une garantie sous forme d'un acte de propriété d'une valeur s'élevant jusqu'à 500 millions de tomans.

Vous poursuivez votre récit en expliquant qu'une deuxième audience aurait dû avoir lieu deux semaines plus tard mais que vous auriez décidé de quitter l'Iran plutôt que de vous rendre à votre procès. Vous auriez alors délibérément omis de vous présenter à votre seconde audience alors que vous auriez toujours été en Iran.

Vous mentionnez encore qu'une « notification » vous aurait été envoyée par le tribunal à votre adresse à …… Vous auriez finalement quitté l'Iran avec votre fils, munis de vos passeports, pour vous rendre en Serbie en avion à partir de …… Monsieur, vous avancez que vous craindriez retourner dans votre pays d'origine étant donné que vous seriez dans le collimateur des autorités iraniennes.

Vous présentez votre passeport iranien et celui de votre fils. Vous remettez en outre une copie d'un document qui serait un mandat de comparution devant un tribunal émis le 7 mars 2018, avec une traduction.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

3 • Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Monsieur, vous indiquez tout d'abord qu'en 20… ou 20….., vous auriez été importuné durant une année par des membres du « Basij » alors que ces derniers auraient suspecté que vous vous seriez converti de l'islam au christianisme étant donné que vous auriez déménagé dans un quartier majoritairement arménien.

A titre liminaire, notons que votre crainte pourrait a priori entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

Toutefois, force est de constater que les faits que vous relatez en relation avec votre crainte ne revêtent manifestement pas un caractère de gravité telle qu'ils puissent être assimilés à une persécution au sens de dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

En effet, concernant votre peur des membres du « Basij », vous indiquez qu'en 20….. ou 20…., ces derniers auraient suspecté que vous vous seriez converti de l'islam au christianisme étant donné que vous auriez déménagé dans un quartier à majorité arménienne. Vous précisez que vous auriez été convoqué à plusieurs reprises durant un an dans leur bureau afin d'être interrogé à ce sujet.

Monsieur, le simple fait que des membres du « Basij » vous convoquent afin de vous poser des questions, sans qu'un acte concret ne s'en suive, est indéniablement exempt d'une gravité particulière et suffisante au point de valoir comme acte de persécution.

Ce constat est confirmé par vos propres déclarations suivant lesquelles ces interrogatoires se seraient déroulés sans incident et que vous étiez à chaque fois libre de rentrer chez vous. En effet, quant au déroulement de ces interrogatoires vous affirmez qu’« Ils commençaient tout de suite à poser des questions. Par exemple : « Cette semaine, vous avez fait la prière avec qui ? 4 Dans quelle église ? ». Ils posaient des questions de ce genre, ils rigolaient. Et puis ils me laissaient partir en me disant : « Attention, on te surveille ». » (p.8/18 de votre rapport d'entretien).

A cela s'ajoute que le manque de gravité est renforcé par le fait que vous affirmez que les membres des « Basij » n'avaient aucune preuve contre vous, étant donné que vous ne vous êtes jamais converti. De plus, selon vos propres dires, leur suspicion reposerait uniquement sur des éléments très vagues comme le fait que vous auriez déménagé dans un quartier à majorité arménienne, parce que vous seriez un « célibataire » avec un enfant et originaire de ….., ou encore à cause de votre apparence, notamment le fait que vous auriez des tatouages et une barbe (p.7-8/18 de votre rapport d'entretien).

Ainsi, s'il est certes regrettable que vous auriez été interrogé à plusieurs reprises par des membres du « Basij » sur une éventuelle conversion religieuse qui n'a jamais eu lieu, il convient cependant de souligner qu'il ne saurait être question, au vu du manque de gravité, de l'existence dans votre chef d'une persécution respectivement d'une crainte fondée de persécution.

En effet, vous affirmez en outre avoir changé de quartier et vos problèmes relatifs à la religion auraient cessé, de sorte qu'il n'existe manifestement aucun risque futur de persécution dans chef relatif à ces problèmes.

Monsieur, vous indiquez par la suite que fin 2017, et indépendamment des faits qui se seraient produits trois ou quatre ans plus tôt, vous auriez vécu un autre incident lors duquel vous auriez été placé en garde à vue pendant deux jours alors que vous auriez été vu avec des manifestants lors d'un rassemblement auquel vous affirmez cependant n'avoir pas participé.

Vous expliquez notamment que vous auriez croisé des connaissances alors que vous auriez été en train de rentrer chez vous. Vous auriez marché avec eux pendant quelques minutes et vous les auriez quittés pour rentrer à la maison. Le lendemain, des membres du « Basij » se seraient rendus à votre domicile afin de vous arrêter et de vous placer en garde à vue. Vous auriez été détenu durant deux jours et interrogé alors que les autorités iraniennes vous accuseraient « d'avoir participé à la protestation, d'avoir troublé l'ordre public et de faire la guerre contre Dieu » (p.6/18 de votre rapport d'entretien). Vous auriez été présenté devant un juge d'instruction et vous auriez ensuite été relâché moyennant une garantie que votre sœur aurait déposée.

Il se dégage tout d'abord de vos propres déclarations que vous n'êtes pas engagé au niveau politique et que vous n'avez participé à aucun rassemblement ou n'avoir agi d'aucune manière contre les autorités iraniennes. Vous affirmez par ailleurs ne pas être au courant de l'objet de la manifestation dont il serait question, vous indiquez même que vous n'auriez prêté aucune attention aux pancartes et aux slogans de sorte que vous n'êtes pas à même de donner la moindre information à ce sujet.

En effet, interrogé quant aux manifestations, vous déclarez que : « Je ne sais pas. Je ne suis pas politique » (p.8/18 de votre rapport d'entretien). Si dès lors vous auriez été arrêté en 2017, cette arrestation est à attribuer au simple hasard alors que vous vous auriez trouvé au mauvais moment au mauvais endroit mais ne s'explique pas par la circonstance que vous seriez particulièrement recherché ou visé par les autorités iraniennes.

5 A cela s'ajoute que suite à votre garde à vue de deux jours, vous auriez été présenté à un juge qui vous aurait renseigné sur les accusations portées à votre encontre et vous aurait également informé de vos droits, notamment le fait que vous pourriez recourir à un avocat pour vous défendre. Une seconde audience aurait été fixée et vous auriez été libéré le jour-même moyennant une garantie déposée par votre sœur. Vous affirmez d'ailleurs que le juge vous aurait donné un délai de deux semaines afin que vous puissiez vous procurer un avocat et préparer votre défense (p.12/18 de votre rapport d'entretien).

Force est dès lors de constater que vous auriez pu vous défendre facilement contre les fausses accusations et vous auriez également pu demander des indemnités pour le préjudice que vous auriez subi lors de votre garde à vue de deux jours. Il est évident que vous auriez pu obtenir gain de cause devant le tribunal étant donné que vous n'êtes ni converti, ni engagé politiquement et que vous n'avez participé à aucune manifestation de manière active. Le simple fait d'avancer que des membres du « Basij » vous auraient vu marcher ensemble avec les personnes concernées et qu'ils auraient porté plainte contre vous, plainte qui serait à l'origine des poursuites engagées contre vous, ne saurait infirmer ces constats.

Monsieur, vous auriez cependant délibérément choisi de ne pas vous présenter à votre seconde audience au Tribunal mais de quitter votre pays d'origine en dépit de la garantie laissée par votre sœur. Or, les procédures visant à obtenir une protection internationale n'ont pas pour finalité de permettre aux demandeurs de protection internationale de se soustraire à la justice de leur pays d'origine.

Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure qu'aucune crainte fondée de persécution ne saurait être retenue dans votre chef.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de 6 ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Il ressort de vos déclarations que vous basez votre demande en octroi du statut conféré par la protection subsidiaire sur les mêmes motifs invoqués dans le cadre de votre demande en obtention du statut de réfugié. Or, et tout en renvoyant aux arguments développés ci-dessus, force est de constater que vous ne risquez pas de devenir victime d'atteintes graves au sens des prédits textes dans le cas d'un retour dans votre pays d'origine.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l’Iran, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 août 2022, Monsieur (A), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour compte de son enfant (B), introduisit un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 28 juillet 2022 portant rejet de sa demande de protection internationale ainsi qu’à l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 26 mars 2024, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié en son double volet et en débouta le demandeur, tout en le condamnant aux frais de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 29 avril 2024, Monsieur (A) et Monsieur (B), entretemps majeur, ci-après « les consorts (A-B) », ont régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l’appui de leur appel, les consorts (A-B) reprennent en substance les faits tels qu’exposés par Monsieur (A) lors de son audition et tels que repris dans la décision ministérielle entreprise.

Ainsi, ils réitèrent que Monsieur (A) ferait actuellement l’objet d’un mandat d’arrêt pour avoir participé à des manifestations anti-gouvernementales, notamment en date du 30 décembre 2017, et qu’il aurait été convoqué devant un tribunal devant lequel il se serait présenté lors de la première audience mais non plus à l’audience suivante refixée à deux semaines. Antérieurement, il aurait déjà été arrêté et soumis à d’interminables interrogatoires lors desquels il aurait été torturé par des membres du « Basij », cinquième branche du Corps des gardiens de la révolution islamique et chargés des « menaces à la sécurité ». En outre, il serait soupçonné de s’être converti au christianisme, soupçons qui se trouveraient renforcés par le constat qu’il serait divorcé, qu’il porterait des tatouages, qu’il aurait déménagé dans un quartier avec des résidents majoritairement chrétiens et par le fait que des membres du « Basij » auraient été appelés pour témoigner à son encontre. Les appelants précisent encore que Monsieur (A) n’aurait été libéré que grâce à une garantie équivalant à ….. millions de tomans et déposée par sa sœur.

Ils estiment que Monsieur (A) risque la peine de mort et ils se réfèrent à ce sujet à un rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (« OSAR ») du 7 juin 2018 d’après lequel de lourdes menaces pèseraient également sur « les personnes converties à leur retour en Iran » et que les « Basij » seraient connectés aux mosquées locales pour s’entourer de toutes sortes de renseignements possibles. Les consorts (A-B) renvoient encore à un rapport de l’organisation Amnesty International du 24 janvier 2019, un rapport de l’organisation Human Rights Watch du 28 janvier 2022, un article d’Amnesty International du 5 octobre 2022, un article de l’OSAR du 13 décembre 2022, au rapport d’Amnesty International de 2023 sur la situation en Iran, un article du 4 avril 2023 de l’Office des Nations Unies et deux articles d’Amnesty International des 7 et 9 mai 2023 pour décrire la situation actuelle en Iran. Ils en concluent que les faits reprochés à Monsieur (A) seraient suffisamment graves pour étayer sa crainte de subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) par un système judiciaire fondamentalement arbitraire qui serait caractérisé par un manque d’indépendance et d’impartialité, tel que cela se dégagerait de divers articles, dont notamment un article du Service danois de l’immigration de février 2018, un article d’Amnesty International du 5 mars 2018 et un article de l’OSAR du 27 septembre 2018.

Au vu de ces éléments, les consorts (A-B) affirment que le fait que Monsieur (A) risquerait d’être soumis à des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la CEDH, en l’absence d’un procès équitable et d’un recours effectif au regard des articles 6 et 13 de la CEDH, permettrait de conclure qu’il remplirait les conditions d’application des articles 42, paragraphe (1), point b), et 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015.

Les appelants soutiennent dès lors remplir les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié, sinon celui conféré par la protection subsidiaire, et que partant l’ordre de quitter le territoire prononcé à leur encontre devrait également être réformé.

L’Etat conclut à la confirmation du jugement dont appel à partir des développements et conclusions du tribunal y contenus.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub h), 2, sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le casoù les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En substance, les consorts (A-B) disent craindre d’être exposés à des persécutions de la part des « Basij » relayés par le système judiciaire en Iran du fait de la conversion alléguée de Monsieur (A)au christianisme et du reproche adressé à ce dernier en raison de sa participation à des manifestations anti-gouvernementales, dont notamment une manifestation s’étant déroulée le 30 décembre 2017.

La Cour est cependant amenée à confirmer les premiers juges dans leur conclusion selon laquelle les faits et considérations ainsi invoqués par les appelants ne justifient pas à suffisance l’octroi ni du statut de réfugié ni de celui conféré par la protection subsidiaire.

A cet égard, la Cour rejoint entièrement et fait sienne l’analyse exhaustive faite par les premiers juges des motifs invoqués à la base de la demande de protection internationale par rapport aux conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire, et de la conclusion en tirée selon laquelle les faits invoqués par les consorts (A-B) ne revêtent pas un degré de gravité suffisant permettant de justifier une crainte fondée de persécution au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, ni de motifs sérieux et avérés de croire qu’ils courent en Iran un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point b), de la même loi.

Concernant en premier lieu la conversion alléguée de Monsieur (A) au christianisme, la Cour, à l’instar des premiers juges, constate qu’il se dégage des propres déclarations de ce dernier, lors de son entretien auprès de la direction de l’Immigration, que ces faits remontent à 20…., respectivement à 20…., c’est-à-dire à près de 10 ans, et sont essentiellement liés à son déménagement dans un quartier majoritairement arménien et partant chrétien de la ville de ….., quartier dénommé « ,,,,, », et qu’il se serait par la suite installé dans un autre quartier plus proche de son lieu de travail et de l’école de son fils, de sorte qu’il n’a a priori plus de raisons de craindre d’être soupçonné de s’être converti au christianisme, le concerné ayant lui-même déclaré qu’après son déménagement il n’aurait, jusqu’à sa présence lors de la manifestation du 30 décembre 2017, plus été importuné par les membres de ladite milice. A cela s’ajoute que s’il a été interpellé dans la rue et amené au « bureau » des « Basij », il se dégage de nouveau des propres déclarations de Monsieur (A) que les « Basij » se sont contentés de lui poser des questions relatives à son prétendu changement de religion et qu’ils l’ont relâché par la suite.

Quant à la crainte alléguée des appelants fondée sur la présence de Monsieur (A) à une manifestation anti-gouvernementale le 30 décembre 2017, mise à part le constat que ce fait remonte à plus de 6 ans, force est de constater en premier lieu que celui-ci a déclaré lors de son entretien auprès de la direction de l’Immigration ne pas être engagé politiquement et que sa présence lors de cette manifestation n’était que pure coïncidence. Quant à la prétendue garde à vue subséquente de 2 jours qui s’en serait suivie, il y a lieu de relever que d’après les déclarations de celui-ci, le juge s’occupant de son affaire lui aurait expliqué les accusations portées à son encontre et l’informé qu’il pourrait avoir recours à un avocat fourni par l’Etat ou encore à un avocat de son choix et qu’il disposerait de deux semaines pour assurer la défense, le juge en question ayant fixé par la suite une deuxième audience consenti à sa libération moyennant versement d’une caution qui aurait été fournie par sa sœur. Dès lors, il convient de constater que Monsieur (A) avait la possibilité de se défendre et de contester les accusations portées contre lui devant la justice iranienne et ce moyennant un avocat, de sorte qu’il ne saurait être considéré comme établi qu’il aurait en tout état de cause été condamné pour ses prétendues opinions politiques, conclusion qui s’impose d’autant plus que le concerné a déclaré, lors de son audition auprès de la direction de l’Immigration, ignorer s’il a finalement été déclaré coupable et qu’il est plus que probable que sasœur, qui avait déposé une garantie pour le faire libérer après la première audience, en aurait été informée et lui aurait fait part d’une condamnation éventuelle.

Dans ces conditions, la Cour arrive à la conclusion que les craintes exprimées par les appelants fondées sur la présence de Monsieur (A) à une manifestation anti-gouvernementale et le prétendu procès s’en étant suivi doivent être qualifiées de purement hypothétiques et s’analysent ainsi plutôt en l’expression d’un simple sentiment de peur qu’en une crainte fondée de persécution ou un risque réel de subir des atteintes graves au sens de ladite loi, de sorte que les affirmations de ce dernier selon lesquelles il risquerait des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH compte tenu de sa présence malencontreuse à une manifestation laissent d’être fondées.

Il suit de ce qui précède que les consorts (A-B) n’ont pas fait état et n’ont pas établi des raisons de nature à justifier dans leur chef dans leur pays d’origine une crainte actuelle et fondée de persécution pour les motifs énumérés à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015, respectivement qu’il existerait actuellement des motifs avérés et sérieux de croire qu’ils encourraient, en cas de retour en Irak, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que c’est à bon droit que le tribunal a rejeté leur recours comme étant non justifié.

Les appelants sollicitent encore la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de la protection internationale comme conséquence de l’octroi d’un des statuts de protection internationale. En ordre subsidiaire, ils soutiennent que l’ordre de quitter le territoire serait contraire à l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, au motif qu’un retour en Iran serait suivi de persécutions.

Dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé aux consorts (A-B) le statut de protection internationale et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’invocation de l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008 qui dispose que : « L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d'un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

En effet, dans la mesure où la Cour vient de confirmer l’absence de fondement des craintes alléguées, le renvoi des appelants en Iran ne saurait être incompatible avec ledit article 129.

L’appel n’étant dès lors pas justifié, il y a lieu d’en débouter les appelants et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 29 avril 2024 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute les appelants ;

partant, confirme le jugement entrepris du 26 mars 2024 ;

donne acte aux appelants qu’ils déclarent être bénéficiaires de l’assistance judiciaire ;

condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour …… s. …..

s. SPIELMANN 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50393C
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-07-02;50393c ?

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