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04/07/2024 | LUXEMBOURG | N°111/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 juillet 2024, 111/24


N° 111 / 2024 du 04.07.2024 Numéro CAS-2023-00146 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre juillet deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassati

on, comparant par Maître Edoardo TIBERI, avocat à la Cour, en l’étude duquel ...

N° 111 / 2024 du 04.07.2024 Numéro CAS-2023-00146 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre juillet deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Edoardo TIBERI, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Robert LOOS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué numéro 89/23 - III - TRAV rendu le 22 juin 2023 sous le numéro CAL-2021-00131 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 1er septembre 2023 par PERSONNE1.) à la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) »), déposé le même jour au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 18 octobre 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 24 octobre 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Anita LECUIT.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal du travail de Luxembourg, après s’être déclaré territorialement compétent pour connaître de la demande de la défenderesse en cassation tendant à la résiliation du contrat de travail conclu entre elle et le demandeur en cassation sur base des motifs énoncés dans la lettre de mise à pied à lui notifiée, avait déclaré la mise à pied justifiée et avait prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail. La Cour d’appel a confirmé le jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon de l’application erronée, voire de la fausse interprétation du droit communautaire, in specie du :

Règlement (CE) N° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, entrée en vigueur le 2 mars 2002 remplacé par le règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

En l’espèce, la Cour d’appel a retenu que le règlement n° 1215/2012 n’était pas applicable au litige entre le demandeur en cassation et le défendeur en cassation alors qu’il ne constituait pas un litige transfrontalier, à savoir un rattachement au droit de l’Union.

Pour statuer de la sorte, la Cour d’appel s’est basée sur une jurisprudence communautaire dans laquelle une autorité publique agissait dans l’exercice de la puissance publique en matière de procédure européenne d’injonction de payer.

Cependant, l’article premier du règlement 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la 2reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale exclut explicitement des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii).

La jurisprudence citée par la Cour d’appel ne peut par conséquent pas être appliquée dans le cas de figure alors qu’en l’espèce il s’agit d’une matière qui rentre dans le champ d’application dudit règlement, à savoir les dispositions reprises à la section 5 du règlement 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Ensuite, il importe d’observer que, à l’instar de l’arrêt attaqué du 22 juin 2023 qui est, de par les maints éléments d’extranéités inclus dans le litige, rattaché sans équivoque au droit de l’Union, a contrario de la jurisprudence citée qui vient énerver l’application du droit de l’Union alors que la question qui se pose dans ladite jurisprudence ne rentre pas dans le champ d’application du règlement 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Par conséquent, la jurisprudence citée par la Cour d’appel n’a pas lieu de s’appliquer dans le cas céans alors que, comme il est mentionné dans la même jurisprudence citée à tort par la Cour d’appel au point 31, le fait de résider dans un autre État membre est une conditio sine qua non attachée au Règlement numéro 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer.

La Cour d’appel a partant procéder à une violation, sinon à l’application erronée, voire de la fausse interprétation du droit communautaire alors que l’existence de l’applicabilité du règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale est conditionnée par un seul élément d’extranéité, soit-il même artificiel.

De plus, La Cour accepte également des cas de "circulation purement fictive" comme ce fut le cas dans l’arrêt Chen où le requérant, tout en n’ayant jamais quitté son pays d’origine, avait la nationalité d’un autre État membre. Et ce, malgré le fait que l’élément d’extranéité avait été créé artificiellement par les requérants dans le but de pouvoir invoquer l’application du droit de l’Union. » C’est donc à tort que la Cour d’appel a confirmé que le règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale n’avait pas vocation à s’appliquer en l’espèce.

Si votre Cour estimait que l’application du droit de l'Union dans le cas d’espèce est imprécise et prête à confusion, il faudra procéder par voie de questions préjudicielles devant la Cour de justice de l'Union européenne.

3La question préjudicielle à soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne se lit comme suit :

1. Le règlement 1215/2012 doit-il être interprété en ce sens que l’employeur qui est actif professionnellement dans plusieurs États membres de l’Union européenne et qui mentionne un fait litigieux s’ayant produit dans un autre État membre de l’Union européenne peut se soustraire du champ d’application dudit règlement, droit primaire de l’Union ? ».

Réponse de la Cour Il résulte des développements du moyen que le demandeur en cassation vise la violation des dispositions reprises sous la section 5, intitulée « Compétence en matière de contrats individuels de travail », du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après « le Règlement »).

Les juges d’appel, sur base des éléments de fait leur soumis et en vertu de leur pouvoir d’appréciation souverain, ont retenu que le litige ne constituait pas, en l’absence de preuve d’un élément d’extranéité, un litige transfrontalier. Ils en ont valablement déduit que le droit communautaire ne s’applique pas.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon de l’application erronée, voire de la fausse interprétation de l’article 22, point 1 règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Le prédit article dispose ce qui suit :

L’action de l’employeur ne peut être portée que devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur à son domicile. » Dans notre cas d’espèce, le défendeur en cassation a porté son action en résolution judiciaire du contrat de travail contre le demandeur en cassation devant les juridictions du travail dans lequel est situé son siège au lieu de retenir les juridictions du domicile du demandeur en cassation.

L’arrêt attaqué a confirmé le jugement du premier degré en ce que la compétence ratione loci du tribunal du travail de et à Luxembourg a été reconnue pour connaître de la demande de l’action du défendeur en cassation contre le demandeur en cassation.

4En statuant ainsi, la Cour d’appel, a faussement interprété le droit communautaire en retenant la compétence du tribunal se trouvant dans l’arrondissement judiciaire où la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) s.àr.l.

à son siège.

Cependant, le domicile du demandeur en cassation se situe à ADRESSE3.) rendant ainsi compétente judiciairement la justice de paix de et à Esch-sur-Alzette pour les actions de l’employeur contre le travailleur, conformément à l’article 22, (1) du règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

De par son raisonnement, la Cour d’appel a fait une mauvaise application de l’article 22, (1) du règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale en ayant retenu la compétence ratione loci du tribunal du travail de et à Luxembourg.

Devant cette incertitude interprétative du droit de l'Union, le demandeur en cassation demande de voir renvoyer une question préjudicielle devant la Cour de justice de l'Union européenne afin de se prononcer sur l'interprétation du droit de l'Union et sur la validité et l'interprétation du droit dérivé de l'Union européenne qui se lit comme suit :

1. Le demandeur en cassation voudrait savoir en substance, si l’article 22 paragraphe 1 du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que l’employeur dans le cas où les deux parties se trouvent dans le même État membre de l’Union européenne a le choix de porter son action contre le travailleur devant le tribunal se situant dans l’arrondissement du lieu du travail du travailleur ou dans l’arrondissement où le travailleur à son domicile ? ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 22, point 1, du Règlement.

Au vu de la réponse donnée au premier moyen, les juges d’appel ont valablement pu retenir, sans violer la disposition visée au moyen, que la question de la compétence territoriale du tribunal du travail devait se régler conformément aux dispositions du Nouveau Code de procédure civile.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne :

5 Le prédit article dispose ce qui suit :

La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. » Le demandeur en cassation a posé deux questions préjudicielles à soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne afin de se prononcer sur l'interprétation du droit de l'Union et sur la validité et l'interprétation du droit dérivé de l'Union européenne alors qu’il existe une incertitude interprétative du droit de l’Union européenne Les deux questions préjudicielles dont le libellé est le suivant :

1. Le règlement 1215/2012 doit-il être interprété en ce sens que l’employeur qui est actif professionnellement dans plusieurs États membres de l’Union européenne et qui mentionne un fait litigieux s’ayant produit dans un autre État membre de l’Union européenne peut se soustraire du champ d’application dudit règlement, droit primaire de l’Union ? 2. Le demandeur en cassation voudrait savoir en substance, si l’article 22 paragraphe 1du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que l’employeur dans le cas où les deux parties se trouvent dans le même État membre de l’Union européenne a le choix de porter son action contre le travailleur devant le tribunal se situant dans l’arrondissement du lieu du travail du travailleur ou dans l’arrondissement où le travailleur à son domicile ? La Cour d’appel a dit qu’à défaut d’incidence en termes de droit communautaire la question d’un renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne ne se posait pas et a conclu à l’application du droit national pour toiser le litige en l’espèce.

En statuant ainsi la Cour d’appel a faussement interprété l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne alors qu’il n’est pas évident que le litige qui lui était soumis ne comportait aucune incidence en termes de droit communautaire.

6 La jurisprudence européenne a retenu qu’ une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne est tenue, lorsqu'une question de droit communautaire se pose devant elle, de déférer à son obligation de saisine, à moins qu'elle n'ait constaté que l'application correcte du droit communautaire s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable; l'existence d'une telle éventualité doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit communautaire, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence à l'intérieur de la Communauté. » Force est de constater que tous les éléments d’extranéités découlant du litige en l’espèce montrent de manière évidente qu’il existe des incertitudes flagrantes quant à l’interprétation du droit de l'Union et sur la validité et l'interprétation du droit dérivé de l'Union européenne.

Par conséquent votre Cour est tenue de déférer à son obligation de saisine et de soumettre les deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne afin de se prononcer sur l'interprétation du droit de l'Union et sur la validité et l'interprétation du droit dérivé de l'Union européenne. ».

Réponse de la Cour Au vu de la réponse donnée aux deux premiers moyens, l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne n’a pas vocation à s’appliquer.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur les quatrième et cinquième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le quatrième, « Tiré de la violation de l’article 1315, alinéa 2 du Code civil.

Le prédit article dispose ce qui suit :

Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. » La Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales, sinon tirés les mauvaises conséquences des éléments de preuve apportés par le demandeur en cassation, en rejetant premièrement l’offre de preuve tendant à établir la protection contre une mise à pied découlant des articles L.415-10 (4) et L.121-6 du Code du travail.

Le demandeur en cassation a voulu intégralement prouver les faits invoqués qui constituent des preuves irréfutables à l’encontre du défendeur en cassation, le juge d’appel a violé le droit de prouver les faits invoqués, a omis et mal interprété 7de sorte qu’il n’a pas retenu l’offre de preuve dans le cadre de la défense du demandeur en cassation.

La preuve se définit comme tout moyen utilisé pour établir l’existence d’un fait ou d’un droit dont on se prévaut.

La preuve d’un fait juridique est libre.

Apporter des preuves à sa prétention est une notion fondamentale car pas pouvoir prouver son droit revient à ne pas en avoir ».

La Cour d’appel doit rester neutre dans son appréciation des éléments de preuve, elle ne peut pas baser sa décision sur les éléments de preuve versés par le défendeur en cassation en omettant de prendre en compte les éléments de preuve du demandeur en cassation.

En l’espèce, le demandeur en cassation a voulu prouver la véracité de ses prétentions par une offre de preuve.

Cependant, la Cour d’appel a rejeté l’offre de preuve du demandeur en cassation et par conséquent violé la disposition attaquée alors que le demandeur en cassation a été privé de son droit de prouver qu’il se trouvait en protection contre une mise à pied découlant des articles L.415-10 (4) et L.121-6 du Code du travail.

La Cour d’appel a méconnu l’article susvisé et a entaché sa décision par fausse interprétation de la loi. » et le cinquième, « Tiré également de la violation de l’article 1315, alinéa 2 du Code civil.

Le prédit article dispose ce qui suit :

Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. » La Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales, sinon tirés les mauvaises conséquences des éléments de preuve apportés par le demandeur en cassation, en déclarant pas pertinentes les treize offres de preuve demandées par le demandeur en cassation.

Le demandeur en cassation a voulu intégralement prouver les faits invoqués qui constituent des preuves irréfutables à l’encontre du défendeur en cassation, le juge d’appel a violé le droit de prouver les faits invoqués, a omis et mal interprété de sorte qu’il n’a pas retenu l’offre de preuve dans le cadre de la défense du demandeur en cassation.

La preuve se définit comme tout moyen utilisé pour établir l’existence d’un fait ou d’un droit dont on se prévaut.

8La preuve d’un fait juridique est libre.

Apporter des preuves à sa prétention est une notion fondamentale car pas pouvoir prouver son droit revient à ne pas en avoir ».

La Cour d’appel doit rester neutre dans son appréciation des éléments de preuve, elle ne peut pas baser sa décision sur les éléments de preuve versés par le défendeur en cassation en omettant de prendre en compte les éléments de preuve du demandeur en cassation.

En l’espèce, le demandeur en cassation a voulu prouver la véracité de ses prétentions par une offre de preuve.

Cependant, la Cour d’appel a rejeté l’offre de preuve du demandeur en cassation et par conséquent violé la disposition attaquée alors que le demandeur en cassation a été privé de prouver que les deux faits retenus à la base de la résolution judiciaire du contrat de travail La Cour d’appel a méconnu l’article susvisé et a entaché sa décision par fausse interprétation de la loi.

Il faut donc conclure à ce que la Cour d’appel a fait une application erronée de l’article 1315, alinéa 2 du Code civil en rejetant les treize offres de preuves afin de venir énerver les faits reprochés à la base de la résolution judiciaire du contrat de travail.

Ce faisant, la Cour d’appel a violé les dispositions précitées, de sorte que l’arrêt entrepris doit encourir la cassation. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir, en violation de l’article 1315, alinéa 2, du Code civil, rejeté son offre de preuve par témoins.

Les juges d’appel ont rejeté l’offre de preuve pour défaut de pertinence, respectivement pour défaut de précision.

L’article 1315, alinéa 2, du Code civil qui a trait à la charge de la preuve pesant sur celui qui se prétend libéré d’une obligation, est étranger au grief invoqué.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

9Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

le condamne à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 1.500 euros ;

le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au au profit de Maître Robert LOOS, affirmant en avoir fait l’avance.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Anita LECUIT et du greffier Daniel SCHROEDER.

10Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) c/ la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) sàrl (affaire n° CAS-2023-00146 du registre) Le pourvoi en cassation introduit par Maître Edoardo TIBERI, avocat à la Cour, au nom et pour compte de PERSONNE1.), par un mémoire en cassation signifié le 1er septembre 2023 à la défenderesse en cassation, la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) sàrl, et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le même jour, est dirigé contre un arrêt numéro CAL-2021-00131 du rôle, rendu en date du 22 juin 2023 par la Cour d’appel, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail, statuant contradictoirement.

L'arrêt entrepris a été signifié le 7 juillet 2023.

Le pourvoi est recevable pour être conforme aux dispositions de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation, telle que modifiée.

Le mémoire en réponse, signifié le 18 octobre 2023 à PERSONNE1.) en son domicile élu et déposé au greffe de la Cour supérieure de Justice le 24 octobre 2023, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

Faits et rétroactes Suite à une requête de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) sàrl, le Tribunal du travail de et à Luxembourg, par jugement du 1er décembre 2020, s’est déclaré compétent ratione loci pour connaître de la demande, a déclaré la demande régulière en la forme, a déclaré valable la mise à pied prononcée à l’égard de PERSONNE1.) en date du 7 juillet 2020, a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) sàrl et PERSONNE1.) le 31 août 2012, avec effet au 7 juillet 2020, a réservé toutes les autres demandes et refixé la continuation des débats à une date ultérieure.

Par exploit d’huissier du 15 janvier 2023, PERSONNE1.) a interjeté appel de ce jugement.

11 Suivant un arrêt du 22 juin 2023, la Cour d’appel, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail, statuant contradictoirement, a rejeté le moyen tiré du libellé obscur de l’acte d’appel, a déclaré l’appel irrecevable en ce qu’il tend à la condamnation de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) sàrl à payer à PERSONNE1.) ses salaires avec effet rétroactif au 1er septembre 2020, ainsi qu’une indemnité de procédure pour la première instance, a dit l’appel recevable pour le surplus, l’a dit non fondé, a confirmé le jugement entrepris, a dit irrecevable la demande de PERSONNE1.) en condamnation de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) sàrl à lui payer des indemnités pour congés non pris, a débouté les deux parties de leurs demandes respectives basées sur l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile et a condamné PERSONNE1.) aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Le pourvoi en cassation est dirigé contre cet arrêt.

Sur le premier moyen de cassation « tiré de la violation, sinon de l’application erronée, voire de la fausse interprétation du droit communautaire, in specie du :

règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, entré en vigueur le 2 mars 2002, remplacé par le règlement n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

En l’espèce, la Cour d’appel a retenu que le règlement n°1215/2012 n’était pas applicable au litige entre le demandeur en cassation et le défendeur en cassation alors qu’il ne constituait pas un litige transfrontalier, à savoir un rattachement au droit de l’Union.

Pour statuer de la sorte, la Cour d’appel s’est basée sur une jurisprudence communautaire dans laquelle une autorité publique agissait dans l’exercice de la puissance publique en matière de procédure d’injonction de payer.1 Cependant, l’article premier du règlement 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale exclut explicitement des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii).

La jurisprudence citée par la Cour d’appel ne peut par conséquent pas être appliquée dans le cas de figure alors qu’en l’espèce il s’agit d’une matière qui rentre dans le 1 ECLI :EU : C :2021 :443 12champ d’application dudit règlement, à savoir les dispositions reprises à la section 5 du règlement 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Ensuite, il importe d’observer que, à l’instar de l’arrêt attaqué du 22 juin 2023 qui est, de par les maints éléments d’extranéité inclus dans le litige, rattaché sans équivoque au droit de l’Union, a contrario de la jurisprudence citée qui vient énerver l’application du droit de l’Union alors que la question qui se pose dans ladite jurisprudence ne rentre pas dans le champ d’application du règlement 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Par conséquent, la jurisprudence citée par la Cour d’appel n’a pas lieu de s’appliquer dans le cas céans alors que, comme il est mentionné dans la même jurisprudence citée à tort par la Cour d’appel au point 31, le fait de résider dans un autre Etat membre est une conditio sine qua non attachée au Règlement numéro 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer.

La Cour d’appel a partant procédé à une violation, sinon à l’application erronée, voire de la fausse interprétation du droit communautaire alors que l’existence de l’applicabilité du règlement 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale est conditionnée par un seul élément d’extranéité, soit-il même artificiel.2 De plus, « La Cour accepte également des cas de « circulation purement fictive » comme ce fut le cas dans l’arrêt Chen où le requérant, tout en n’ayant jamais quitté son pays d’origine, avait la nationalité d’un autre Etat membre. Et ce, malgré le fait que l’élément d’extranéité avait été créé artificiellement par les requérants dans le but de pouvoir invoquer l’application du droit de l’Union. »3 C’est à tort que la Cour d’appel a confirmé que le règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 20212 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale n’avait pas vocation à s’appliquer en l’espèce.

Si votre Cour estimait que l’application du droit de l’Union dans le cas d’espèce est imprécise et prête à confusion, il faudra procéder par voie de questions préjudicielles devant la Cour de justice de l’Union européenne.

2 ECLI :EU :C :2004 :639 3 Evolution de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de situations purement internes, Université catholique de Louvain, Faculté de droit et de criminologie (DRT), p.35 13La question préjudicielle à soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne se lit comme suit :

1. Le règlement 1215/2012 doit-il être interprété en ce sens que l’employeur qui est actif professionnellement dans plusieurs Etats membres de l’union européenne et qui mentionne un fait litigieux s’ayant (sic) produit dans un autre Etat membre de l’Union européenne peut se soustraire du champ d’application dudit règlement, droit primaire de l’Union ? » Il résulte du premier moyen de cassation, que le demandeur en cassation reproche en substance aux juges du fond d’avoir retenu que le litige l’opposant au défendeur en cassation ne constituait pas un litige transfrontalier et d’avoir, en conséquence, rendu leur arrêt numéro CAL-2021-00131 du rôle, daté au 22 juin 2023, sur base du droit national au lieu de constater que le litige en cause, dans la mesure où il comportait maints éléments d’extranéité, était clairement rattaché au droit de l’Union européenne et requérait dès lors l’application du droit communautaire.

En tout premier lieu la soussignée entend remarquer que les développements du demandeur en cassation à l’appui de son premier moyen de cassation manquent catégoriquement de clarté et sont, de ce fait, sujet à interprétation.

Le demandeur en cassation semble d’abord baser sa critique sur l’assertion selon laquelle, pour fonder leur décision, les juges d’appel se seraient à tort basés sur une jurisprudence communautaire qui, du fait de la matière en cause, et contrairement au présent litige, ne relèverait pas du champ d’application du règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après « règlement n°1215/2012 »).

Ensuite le demandeur en cassation, sans autres précisions, affirme que le présent litige serait, contrairement à la jurisprudence communautaire invoquée, clairement rattaché au droit communautaire au vu des éléments d’extranéité dont il serait affecté.

Finalement il complète ses développements en relevant que le fait de résider dans un autre Etat membre serait une condition indispensable attachée au règlement (UE) n°1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer (ci-après « règlement n°1896/2006 »), alors que l’élément d’extranéité requis pour conduire à l’application du règlement n°1215/2012 serait d’interprétation autrement plus large.

Le demandeur en cassation termine son raisonnement en soulevant que, si Votre Cour devait considérer que l’application du règlement n°1215/2012 au présent litige s’avérait être imprécise ou prêter à confusion, il Vous incomberait de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un renvoi préjudiciel.

14 Le premier moyen de cassation est à déclarer irrecevable à plusieurs égards.

Tout d’abord doit-on constater qu’il se heurte aux exigences de précision prévues à l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la prédite loi, chaque moyen ou chaque branche doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité, peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer à la carence originaire de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Or, à la lecture du premier moyen de cassation s’impose le constat que ce dernier ne précise pas la partie critiquée de la décision, mais se borne à reprocher à la Cour d’appel de s’être basée sur « une jurisprudence communautaire » dont il indique les références en note de bas de page et qu’il commente et discute de manière peu intelligible. Ce faisant, le moyen n’indique pas non plus avec la précision requise ce en quoi la décision attaquée encourt le reproche allégué.

De surcroît lieu faut-il relever que le demandeur en cassation se contente de faire grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir fait application du règlement n°1215/2012, tout en omettant cependant de préciser quelles dispositions spécifiques du règlement auraient dû être appliquées.

Dès lors, faute d’indication d’une disposition spécifique qui aurait dû être appliquée, le demandeur en cassation reste nécessairement également en défaut d’indiquer en quoi l’arrêt entrepris aurait violé le règlement n°1215/2012.

De ce fait le demandeur en cassation met Votre Cour dans l’impossibilité de saisir clairement l’objet de la critique et d’exercer son pouvoir de contrôle.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

A titre subsidiaire le moyen ne tend qu’à remettre en discussion, sous le couvert du grief tiré de la violation du règlement n°1215/2012, l’appréciation, par les juges d’appel, des faits et éléments de preuve leur soumis, desquels ils ont déduit que le litige opposant les parties en cause ne constitue pas un litige transfrontalier et ne relève par conséquent pas du champ de compétence du règlement n°1215/2012, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

15A titre plus subsidiaire, la soussignée entend remarquer que le grief formulé au premier moyen de cassation semble d’une part critiquer les juges du fond d’avoir, dans le cadre de la décision attaquée, fait application de la jurisprudence communautaire visée au premier moyen de cassation, au motif que la question posée dans le cadre de ladite jurisprudence ne relèverait pas du champ d’application du règlement n°1215/2012, et d’autre part la critique du demandeur en cassation semble également être dirigée contre la décision communautaire elle-même, c’est-à-dire contre la position adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre de son arrêt C-280/20 du 3 juin 2021.

Autrement exprimé, la critique semble dirigée tant contre le raisonnement de la Cour d’appel que contre celui de la Cour de justice de l’Union européenne.

A lire le reproche exprimé par le demandeur en cassation il appert, de l’avis de la soussignée, que ce dernier semble avoir une mauvaise lecture de la jurisprudence communautaire C-280/20 du 3 juin 2021 citée par l’arrêt attaqué, et donc ipso facto de la motivation retenue par les juges d’appel dans le cadre de l’arrêt entrepris.

Ainsi, le premier moyen de cassation semble reposer sur la prémisse que les magistrats d’appel auraient repris la définition du « litige transfrontalier » du règlement n°1896/2006, sans prendre égard au fait que l’application de ce règlement est soumise à la condition que l’une des parties réside dans un autre Etat membre que celui de la juridiction saisie.

En vérité, la Cour d’appel n’a cependant pas transposé la définition de la notion de « litige transfrontalier » du règlement n°1896/2006 par mégarde, mais elle a, à dessein, pris appui sur la jurisprudence communautaire litigieuse prémentionnée laquelle a justement interprété la notion d’« élément d’extranéité » conditionnant l’applicabilité du règlement n°1215/2012, en se référant à la définition du « litige transfrontalier » défini par le règlement n°1896/2006.

La Cour d’appel n’a donc fait que s’aligner sur la position de la Cour de justice de l’Union européenne quant au critère à appliquer.

Dès lors le moyen manque en fait en ce qu’il procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

En dernier ordre de subsidiarité, force est de constater que le demandeur en cassation revendique la qualification de litige transfrontalier en invoquant les « maints éléments d’extranéité inclus dans le litige », sans cependant préciser plus en avant de quels éléments il serait concrètement question.

Or un quelconque litige sans aucune coloration internationale apparente, ne saurait assurément être soumis au droit communautaire.

16 Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Quant au second moyen de cassation « tiré de la violation, sinon de l’application erronée, voir la fausse interprétation de l’article 22, point 1 du règlement n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. » A l’appui de son second moyen, le demandeur en cassation fait en substance valoir qu’en retenant la compétence territoriale de la juridiction du travail du siège de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) sàrl au lieu de la juridiction du domicile du défendeur -qui est l’actuel demandeur en cassation-, la Cour d’appel aurait faussement interprété l’article 22, point 1 du règlement n°1215/0212, aux termes duquel, « l’action de l’employeur ne peut être portée que devant les juridictions de l’Etat membre sur le territoire duquel le travailleur a son domicile ».

Il en déduit que, dans la mesure où son domicile se situe à ADRESSE3.), l’action de l’employeur, -actuel défendeur en cassation-, aurait dû être portée devant la justice de paix d’Esch-sur-Alzette.

Le demandeur en cassation conclut ses développements par une demande de renvoi préjudiciel qui est de la teneur suivante :

«Devant cette incertitude interprétative du droit de l’Union, le demandeur en cassation demande de voir renvoyer une question préjudicielle devant la Cour de justice de l’Union européenne afin de se prononcer sur l’interprétation du droit de l’Union et sur la validité et l’interprétation du droit dérivé de l’Union européenne qui se lit comme suit :

1. Le demandeur en cassation voudrait savoir en substance, si l’article 22 paragraphe 1 du règlement n°1215/2012 doit être interprété en ce sens que l’employeur dans le cas où les deux parties se trouvent dans le même Etat membre de l’Union européenne a le choix de porter son action contre le travailleur devant le tribunal se situant dans l’arrondissement du lieu du travail du travailleur ou dans l’arrondissement où le travailleur a son domicile ? Au vu de la réponse donnée au premier moyen de cassation, la soussignée considère que les juges du fond ont décidé, sur base des éléments de droit et de fait leur soumis, que le litige opposant l’actuel défendeur en cassation à l’actuel demandeur en cassation, ne constituait pas un litige transfrontalier et que, par conséquent, le règlement n°1215/2012 n’avait pas vocation à s’appliquer.

17Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

A titre subsidiaire, il échet de relever que le second moyen de cassation ne satisfait pas aux exigences de précision requises par l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation en ce qu’il ne précise ni la partie critiquée de l’arrêt entrepris, ni en quoi la disposition visée aurait été violée.

En effet, en n’indiquant pas en quoi l’arrêt attaqué viole l’article 22(1) du règlement n°1215/2012, le demandeur en cassation met Votre Cour dans l’impossibilité d’exercer son pouvoir de contrôle.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

A titre plus subsidiaire, la soussignée constate que la Cour d’appel n’a pas fait une mauvaise application de l’article 22(1) du règlement n°1215/2012, mais elle n’a au contraire, après avoir constaté que litige opposant l’actuel demandeur en cassation à l’actuel défendeur en cassation n’était pas un litige transfrontalier, écarté l’application du droit communautaire au profit du droit national.

Comme la décision attaquée ne se fonde dès lors pas sur l’article 22(1) du règlement n°1215/2012, partant n’en a pas pu faire une fausse ou mauvaise interprétation, la disposition invoquée à l’appui du moyen est étrangère à celle-ci.

Il en suit que le moyen est inopérant.

Quant au troisième moyen de cassation « tiré de la violation de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » Dans le cadre de son troisième moyen, le demandeur en cassation reproche en substance aux magistrats d’appel d’avoir conclu à l’application du droit national pour déterminer la compétence ratione loci de la juridiction devant être appelée à toiser le litige opposant l’actuel défendeur en cassation à l’actuel demandeur en cassation et d’avoir, par conséquent, refusé de soumettre à la Cour de Justice de l’Union européenne les deux questions préjudicielles suivantes leur soumises par le demandeur en cassation, « 1.) Le règlement 1215/2012 doit-il être interprété en ce sens que l’employeur qui est actif professionnellement dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne et qui mentionne un fait litigieux s’ayant (sic) produit dans un autre Etat membre de l’Union européenne peut se soustraire du champ d’application dudit règlement, droit primaire de l’Union ? 18 2.) Le demandeur en cassation voudrait savoir en substance, si l’article 22 paragraphe 1 du règlement n°1215/2012 doit être interprété en ce sens que l’employeur dans le cas où les deux parties se trouvent dans le même Etat membre de l’Union européenne a le choix de porter son action contre le travailleur devant le tribunal se situant dans l’arrondissement du lieu du travail du travailleur ou dans l’arrondissement où le travailleur à son domicile ? » Il estime en effet que dans la mesure où « tous les éléments d’extranéité découlant du litige en l’espèce montrent de manière évidente qu’il existe des incertitudes flagrantes quant à l’interprétation du droit de l’Union et sur la validité et l’interprétation du droit dérivé de l’union européenne », il aurait incombé à la Cour d’appel, de soumettre les deux questions préjudicielles lui soumises à la Cour de justice de l’Union européenne.

Il considère finalement que Votre Cour serait « tenue de déférer à son obligation de saisine et de soumettre les deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne afin de se prononcer sur l’interprétation du droit de l’Union et sur la validité et l’interprétation du droit dérivé de l’Union européenne ». Ce faisant, le demandeur en cassation Vous invite, nécessairement à titre subsidiaire, à saisir la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles déjà posées devant les juges du fond.

Dans le cadre de son troisième moyen de cassation, le demandeur en cassation critique le bien-fondé de la motivation des magistrats de la Cour d’appel en ce qu’ils ont jugé que faute d’incidence en termes de droit communautaire, le droit national était applicable pour déterminer la juridiction territorialement compétente pour connaître du litige en cause, en sorte qu’il n’y aurait pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles relatives à l’interprétation du règlement n°1215/2012.

La Cour de justice de l’Union européenne, qui statue à l’échelon de l’Union européenne et a prééminence sur les juridictions nationales, a mission d’assurer une interprétation uniforme des Traités et du droit dérivé. Elle est saisie sur renvoi des juridictions des Etats-membres, en vertu de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.4 Aux termes de ce texte, le renvoi, facultatif pour les juridictions de fond, est au contraire obligatoire pour les juridictions nationales « dont les décisions ne sont pas susceptibles 4 L’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que, « La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a) sur l’interprétation des traités, b) sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. » 19d’un recours juridictionnel de droit interne » […]. Toutefois ce renvoi ne s’impose que si le droit de l’Union « laisse place à un doute raisonnable » justifiant une interprétation, si cette difficulté sérieuse n’a pas déjà été résolue par un arrêt antérieur de la Cour de justice européenne, et si elle est de nature à avoir une influence sur la solution du litige 5.

Il découle des termes-mêmes de l’article 267 du Traité précité, que les juridictions internes des Etats membres ont une simple faculté de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, tant qu’elles ne relèvent pas de la catégorie des juridictions dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne.

Par conséquent, dans la mesure où les décisions de la Cour d’appel sont susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi en cassation, les magistrats d’appel n’étaient pas tenus de saisir le Cour de justice de l’Union européenne, en sorte que le reproche tiré de la violation de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne se conçoit pas.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Dans le cadre de son troisième moyen, le demandeur en cassation requiert encore que Votre Cour pose à la Cour de justice de l’Union européenne les deux questions préjudicielles prémentionnées, dont le libellé est d’ailleurs identique à celui des questions déjà formulées dans le cadre du premier et second moyen de cassation.

Tel que relevé plus haut, Votre Cour est dispensée de l’obligation de saisine de la Cour de justice de l’Union européenne dès lors que la question préjudicielle proposée n’est pas pertinente ou que la disposition du droit de l’Union en cause a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour ou encore que l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable.6 En l’espèce, les juges d’appel ont retenu que l’applicabilité du règlement n°1215/2012 est conditionnée à l’existence d’un élément d’extranéité donnant au litige en cause un caractère transfrontalier. Dans la mesure où la notion de « litige transfrontalier » n’est pas définie par le règlement n°1215/2012, les magistrats d’appel ont repris à leur compte le raisonnement porté par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt C-

280/20 du 3 juin 2021 qui y a interprété le critère de « litige transfrontalier » par référence au règlement n°1896/2006. La Cour d’appel a dès lors, dans le cadre de son analyse dédiée à la compétence territoriale7, retenu, à l’instar de la Cour de justice de l’Union européenne, qu’un litige transfrontalier est un litige dans lequel au moins une 5 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 6e édition, 2023/2024, n° 62.31, page 269.

6 CJUE, 6 octobre 1982, Cilfit ; CJUE 6 octobre 2021, Consorzio Italiano Management e Catania Multiservizi C-

283/81) 7 Arrêt attaqué du 22 juin 2023, n° CAL-2021-00131 du rôle, page 17 in fine 20des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un Etat membre autre que celui de la juridiction saisie.

Cette analyse, ensemble le constat qu’ « aucune des parties n’a son domicile, sa résidence habituelle ou son siège dans un Etat membre autre que celui du for et que l’appelant n’allègue, par ailleurs, pas qu’au vu des « éléments d’extranéité » dont il fait état, les juridictions d’un autre Etat membre que le Grand-Duché de Luxembourg seraient susceptibles d’être territorialement compétentes, il y a lieu de retenir, à l’instar du tribunal du travail, que le présent litige ne constitue pas un litige transfrontalier » a amené la Cour d’appel à juger que, « Le règlement Bruxelles Ibis, qui n’a pas pour objet de régler un conflit de compétence interne entre différentes juridictions d’un même Etat membre, n’a, par conséquent, pas vocation à s’appliquer en l’espèce.

C’est partant à bon droit que le tribunal du travail a retenu que, dans la mesure où le litige ne comporte aucune incidence en termes de droit communautaire, il n’y a pas lieu de saisir la CJUE de questions préjudicielles relatives à l’interprétation dudit règlement ».8 Dans la mesure où la Cour d’appel a invoqué un arrêt antérieur de la Cour de justice de l’Union européenne qui a interprété la notion de « litige transfrontalier » et qu’elle a en même temps constaté qu’en l’occurrence les parties au procès n’invoquaient aucun conflit de compétence entre juridictions relevant d’Etats membres différents, le droit de l’Union européenne est nécessairement étranger au litige. Par conséquent la question préjudicielle posée est dénuée de toute pertinence, en ce que la réponse, quelle qu’elle soit, ne saurait avoir d’influence sur la solution du litige.

Il en suit qu’il n’y a pas lieu à renvoi préjudiciel.

Quant aux quatrième et cinquième moyens de cassation pris ensemble « tiré de la violation de l’article 1315 alinéa 2 du Code civil » A l’appui de son quatrième et cinquième moyen, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir, « tiré les conséquences légales, sinon tiré les mauvaises conséquences des éléments de preuve apportés par le demandeur en cassation », en « rejetant premièrement l’offre de preuve tendant à établir la protection contre une mise à pied découlant des articles L.415-10 (4) et L.121-6 du Code du travail » (quatrième moyen de cassation)9, et en 8 Arrêt attaqué du 22 juin 2023, n° CAL-2021-00131 du rôle, page 18, alinéas 4 et 5 9 Mémoire en cassation, page 9, sub) Quatrième moyen de cassation, alinéa 4 in fine 21« déclarant pas pertinentes les treize offres de preuve demandées par le demandeur en cassation » (cinquième moyen de cassation)10.

Dans le cadre de ses développements, le demandeur en cassation soutient en substance qu’en rejetant les offres de preuve leur soumises, les magistrats d’appel ont violé l’article 1315 alinéa 2 du Code civil par le fait de l’avoir privé de son droit de prouver les faits invoqués au titre de sa défense au fond.

L’article 1315 du Code civil renferme les principes relatifs à la charge de la preuve.

Plus particulièrement, l’alinéa 2 dudit article dont la violation est invoquée par le demandeur en cassation dispose, « […] réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

L’alinéa 2 de l’article 1315 du Code civile énonce dès lors la règle traditionnelle selon laquelle, la preuve de l’exception soulevée par le défendeur, qui se prétend libéré de son obligation, lui appartient.

Le reproche fait aux juges d’appel de ne pas avoir accueilli les offres de preuve proposées est dès lors étranger à la disposition visée au moyen.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

A titre subsidiaire le moyen, tel que formulé, a pour objet de remettre en cause l’appréciation par les juges du fond de la pertinence des offres de preuve leur soumises.

Or, il est de jurisprudence constante que l’appréciation des faits et éléments de preuve relève du pouvoir souverain des juges du fond et ne saurait être soumis à un contrôle de Votre Cour au titre d’un moyen tiré de la violation de l’article 1315, alinéa 2 du Code civil.

Le moyen, pour autant qu’il ne soit pas irrecevable, ne saurait être accueilli pour aspirer à soumettre à Votre Cour des faits et éléments de preuve appréciés souverainement par les magistrats du fond.

10 Mémoire en cassation, page 10, sub) Cinquième moyen de cassation, alinéa 3 in fine 22Conclusion Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat Anita LECUIT Avocat général 23


Synthèse
Numéro d'arrêt : 111/24
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-07-04;111.24 ?

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