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14/08/2024 | LUXEMBOURG | N°49783C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 août 2024, 49783C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 49783C ECLI:LU:CADM:2024:49783 Inscrit le 7 décembre 2023 Audience publique du 14 août 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 16 novembre 2023 (n° 48479 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 49783C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 7 décembre 2023 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … d

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 49783C ECLI:LU:CADM:2024:49783 Inscrit le 7 décembre 2023 Audience publique du 14 août 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 16 novembre 2023 (n° 48479 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 49783C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 7 décembre 2023 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … dans la province de … (Afghanistan), de nationalité afghane, demeurant à L-…, dirigé contre le jugement rendu le 16 novembre 2023 (n° 48479 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 janvier 2023 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 8 janvier 2024 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 6 février 2024.

Le 10 juillet 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection 1internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Toujours le même jour, il passa un entretien auprès du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après le « règlement Dublin III ».

Il s’avéra à cette occasion que Monsieur (A) avait précédemment déposé une demande de protection internationale en Grèce en date du 15 janvier 2020.

En date du 27 septembre 2021, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 20 janvier 2023, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 23 janvier 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 10 juillet 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-

après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 10 juillet 2020 ainsi que le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 27 septembre 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Avant tout progrès en cause, il convient de noter que vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 15 janvier 2020. Par après, vous êtes parti de Grèce, en direction du Luxembourg, sans avoir attendu l’issue de votre procédure de protection internationale y introduite. Vous expliquez avoir quitté la Grèce alors que « J’étais à Lesbos. Les demandeurs d’asile se tuaient entre eux » (p.4/12 de votre rapport d’entretien). Avant d’arriver au Luxembourg, vous seriez passé par la Croatie, la Slovénie, l’Italie et la France, sans toutefois y introduire de demande de protection internationale.

2 En outre, lors de votre arrivée au Luxembourg, vous avez indiqué ne pas connaître ni votre jour, ni votre mois de naissance. Par conséquence, et étant donné que vous n’avez remis aucun document d’identité, voire une autre pièce officielle permettant d’établir votre date de naissance, vous aviez été enregistré avec la date de naissance 00/00/2002 sur base des dispositions de l’article 1er du règlement grand-ducal du 28 novembre 2013 fixant les modalités d’application de la loi du 19 juin 2013 relative à l’identification des personnes physiques. Puis, lors de votre entretien avec l’agent ministériel, vous avez indiqué être né le … et vous avez remis une copie de votre carte d’identité afghane. Toutefois, ni votre jour, ni votre mois de naissance n’y sont marqués.

Monsieur, vous déclarez être de nationalité afghane, d’ethnie mixte Ouzbèke et Tadjike, de confession musulmane sunnite et vous indiquez avoir vécu dans le quartier … du district de … situé dans la province de …. Vous expliquez qu’en mars 2019 vous auriez quitté votre pays d’origine et que vous auriez traversé l’Iran, avant de vous rendre en Turquie, et puis en Grèce, où vous seriez resté pendant plusieurs mois. Vous précisez encore que votre mère vivrait toujours en Afghanistan mais que depuis la prise de pouvoir par les Talibans, vous n’arriveriez plus à la contacter.

Vous affirmez avoir peur d’être tué par votre oncle paternel ou par ses fils, et ainsi de subir le même sort que votre père qui aurait été assassiné par son frère, alors qu’il aurait refusé de lui céder ses terrains. Selon vos dires, votre oncle aurait des liens avec les Talibans.

En effet, vous expliquez que votre père aurait hérité des terrains de votre grand-père pour lesquels il disposerait d’un acte de propriété. Il aurait hérité la totalité des terrains, étant donné qu’il aurait été l’aîné de la fratrie. Cependant, son frère aurait voulu s’emparer desdits terrains, et aurait demandé à plusieurs reprises à votre père de lui céder les actes de propriété.

Vous continuez vos dires en racontant que le conflit entre votre père et son frère aurait dégénéré il y a environ six ans. Ainsi un jour, votre père serait parti comme d’habitude au magasin, où il aurait travaillé, mais ne serait pas rentré le soir. Le lendemain après-midi, la police se serait rendue à votre domicile afin de vous demander de l’accompagner à l’hôpital pour identifier le corps de votre père. En effet, les policiers auraient trouvé le corps de votre père dans une petite rivière avec une blessure au niveau de la tête.

Vous indiquez que vous et votre mère auriez immédiatement su que votre père aurait été assassiné par son frère, car votre famille n’aurait pas eu d’autres ennemis. Ainsi, après l’enterrement de votre père, vous auriez déposé une plainte contre votre oncle paternel auprès de la police d’Imam Kalan. Vous précisez que l’enquête aurait duré à peu près un an et demi, mais qu’elle serait restée sans résultat en raison du manque de preuves. Vous vous seriez alors rendu au tribunal et vous auriez pris un avocat qui vous aurait assisté. Ce dernier aurait trouvé un témoin qui aurait confirmé que votre père aurait été enlevé par votre oncle paternel. Sur base de ces nouveaux éléments, votre oncle aurait été condamné à une peine de prison de 20 ans.

Toutefois, après la condamnation de votre oncle, vos cousins se seraient rendus à votre domicile et vous auraient menacé de mort si vous ne disculpiez pas votre oncle. Votre mère vous aurait alors supplié de quitter le pays, de peur que vos cousins ne reviennent pour vous tuer.

3Vous estimez encore que votre oncle serait à nouveau en liberté alors que les Talibans auraient libéré tous les prisonniers après leur prise de pouvoir. Vous ajoutez qu’avant son incarcération votre oncle aurait fait du trafic d’armes avec les Talibans.

Finalement, vous affirmez également que vous auriez peur d’être tué par les Talibans alors qu’ils considéreraient tous ceux qui auraient vécu en Europe comme étant des mécréants. Vous indiquez que « Ma mère me disait que quand les talibans sont venus au pouvoir la première fois, ils disaient : « Ceux qui vont en Europe sont des mécréants ». Aujourd’hui, c’est exactement la même chose » (p.9/12 de votre rapport d’entretien).

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous ne présentez qu’une copie de votre carte d’identité. Vous déclarez ne jamais avoir été en possession d’un passeport et avoir laissé l’original de votre carte d’identité en Afghanistan, étant donné que vous ne pensiez pas en avoir besoin en Europe. Tous les documents qui pourraient confirmer vos dires, c’est-à-dire les documents relatifs à la plainte contre votre oncle paternel ainsi que les documents relatifs au procès et au jugement, l’acte de décès de votre père, etc., se trouveraient chez votre mère en Afghanistan. Cependant, comme vous auriez perdu tout contact avec votre mère, vous ne pourriez pas lui demander de vous envoyer tous ces documents.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant à la crédibilité de votre récit Avant tout autre développement, je suis amené à remettre en cause la crédibilité de votre récit.

Force est en effet de constater que la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d’origine doit être remise en question au vu de vos déclarations invraisemblables et du fait que vous êtes en défaut d’établir la véracité de vos dires qui restent ainsi au stade de pures allégations alors que vous ne versez aucun document, ni aucune preuve.

Il s’agit dans un premier temps de constater que vous n’avez versé aucune pièce à l’appui de vos dires et que vous ne semblez à aucun moment lors de votre séjour en Europe avoir eu le réflexe ou l’envie de vous procurer une quelconque preuve qui permettrait d’appuyer vos dires, respectivement de vous faire envoyer ces documents. Or, notons qu’on peut attendre d’un demandeur de protection internationale réellement persécuté respectivement à risque de subir des atteintes graves, qu’il mette au moins tout en œuvre pour prouver ses dires auprès des autorités desquelles il demande une protection, ce qui n’a manifestement pas été votre cas de sorte que l’ensemble de vos déclarations reste au stade de pures allégations.

En effet depuis votre arrivée en Europe en janvier 2020, respectivement au Luxembourg en juillet 2020, vous êtes resté totalement inactif dans ce domaine, en ne jugeant à aucun moment opportun de corroborer la moindre partie de vos dires par des pièces qui seraient en mesure d’établir vos allégations notamment concernant l’existence des terrains que votre père aurait hérités, le décès de votre père, la plainte déposée contre votre oncle, et le procès à l’encontre de votre oncle. Vous affirmez en effet que tous ces documents existeraient et seraient en possession de votre mère. Même si l’on tient compte du fait que vous affirmez ne plus avoir de contact avec votre mère depuis la prise de pouvoir des Talibans en août 2021, il convient néanmoins de 4souligner que vous auriez eu plus d’un an et demi après votre départ d’Afghanistan et plus d’un an depuis votre arrivée au Luxembourg en juillet 2020 pour demander à votre mère de vous envoyer les documents mentionnés. Or, il semble que vous n’ayez pas jugé nécessaire de le faire.

Faute de présenter la moindre preuve documentaire à l’appui de vos dires, vous devriez au moins être à même de fournir un récit logique et crédible, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce. Au contraire, vos déclarations quant aux circonstances de mort de votre père, la condamnation de votre oncle et les menaces proférées à votre encontre par vos cousins sont dénuées de sens, illogiques et de ce fait pas crédibles.

Vous expliquez en effet que vous auriez quitté votre pays d’origine en raison d’un conflit que votre famille aurait eu avec la famille de votre oncle paternel. Il ressort plus particulièrement de vos déclarations qu’un jour en 2015, des policiers seraient venus à votre domicile pour vous informer que votre père aurait été tué. La police vous aurait demandé si vous aviez des ennemis.

Votre mère, et vous-même auriez immédiatement répondu que votre « ennemi était (A) Said Anwar » (page 5/12 du rapport d’entretien), donc votre oncle paternel. Vous auriez déposé plainte pénale contre votre oncle et vous auriez une nouvelle fois confirmé à la police que votre oncle serait votre seul ennemi. Il est évidemment curieux de constater que vous auriez immédiatement accusé votre oncle paternel d’avoir commis un crime tellement grave, en l’occurrence d’avoir tué votre père, donc son propre frère, ceci sans la moindre preuve, et en raison d’un simple conflit familial en relation avec une propriété.

Vous continuez en expliquant que vous auriez déposé plainte pénale contre votre oncle mais que la police n’aurait rien pu faire pour vous alors que votre oncle « était une personne qui avait du pouvoir. Il travaillait pour l’État » et « car on n’avait pas de témoins, pas de preuves » (page 5/12 du rapport d’entretien). Après une année et demie d’enquête, la police vous aurait dit d’aller au tribunal, ce qui est curieux, alors que vous aviez déjà formellement déposé plainte pénale et que la police aurait clôturé son enquête. Se pose en effet la question de savoir ce qu’une nouvelle déposition devant un quelconque tribunal aurait pu changer et pour quelles raisons la police vous aurait conseillé de le faire. Vos déclarations sur ce point sont simplement dénuées de tout sens.

Nonobstant, vous continuez votre récit en expliquant qu’au tribunal, on vous aurait conseillé de prendre un avocat, ce que vous auriez fait. Par miracle, votre avocat, dont vous ne connaissez pas le nom, aurait trouvé un témoin qui aurait vu que votre père aurait été enlevé devant son magasin. Ce témoin, qui aurait été propriétaire du magasin se trouvant à côté du commerce de votre père, aurait témoigné en justice, suite à quoi votre oncle paternel aurait été condamné à 20-25 ans de prison (page 7/15 du rapport d’entretien). Ces explications ne sont évidemment pas crédibles. D’un côté, la police aurait certainement questionné ce prétendu témoin s’il avait effectivement vu l’enlèvement de votre père et il est peu concevable que l’avocat de votre mère l’aurait trouvé en premier. Vous expliquez en effet que le témoin aurait été propriétaire du commerce à côté de celui de votre père, de sorte qu’il se serait évidemment agi d’une des premières personnes à questionner dans le cadre d’une enquête. Ceci est d’autant plus vrai qu’il ressort de vos déclarations que la police aurait mené une enquête sérieuse. De l’autre côté, il n’est pas concevable que votre oncle aurait été condamné à 20-25 ans de prison sur base de ce seul témoignage d’un voisin qui aurait vu monter votre père dans la voiture de votre oncle et du seul fait que vous auriez expliqué que votre oncle serait votre seul ennemi. Il ne faut pas oublier que vous avez vous-même expliqué que la police aurait initialement ne rien pu faire pour vous 5alors que votre oncle « était une personne qui avait du pouvoir. Il travaillait pour l’Etat » et « car on n’avait pas de témoins, pas de preuves » (page 5/12 du rapport d’entretien).

Le constat que vos déclarations sont inventées de toutes pièces est conforté par le fait que suite au jugement, vos cousins vous auraient menacé de mort pour vous contraindre à retirer la plainte déposée à l’encontre de votre oncle. Or, ces déclarations ne sont évidemment pas crédibles alors que vous expliquez que vos cousins seraient venus vous voir suite au jugement rendu par le tribunal condamnant votre oncle à une peine d’emprisonnement, de sorte que, ni vous, ni votre mère n’auriez pu intervenir pour que votre oncle soit libéré, et sûrement pas en retirant la plainte pénale.

A la question de savoir pour quelles raisons vos cousins auraient voulu vous tuer, vous embrouillez encore plus votre histoire en expliquant, de votre propre initiative et sans que l’on ne vous aurait posé une question en ce sens, que votre oncle aurait non seulement travaillé pour l’Etat mais également pour les Talibans (8/15 du rapport d’entretien). Vous expliquez plus particulièrement qu’il aurait demandé « de l’argent de force aux habitants du quartier d’…. Il y avait toutes les ethnies dans ce quartier. Il achetait des armes avec cet argent et les envoyait aux talibans » (p. 8/12 de votre rapport d’entretien). Votre récit sur ce point est évidemment dénué de toute logique et il n’est pas crédible que votre oncle ait collaboré de manière aussi évidente avec les Talibans et que l’ancien Etat afghan, pour lequel il aurait travaillé, n’aurait rien fait contre son activité "extra-professionnelle", mais qu’il l’ait au contraire encore protégé des poursuites policières. Il semble évident que vous tentez de dramatiser votre situation personnelle en inventant un récit pour augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale.

Dans ce même contexte, vous tentez également de faire croire que vous risqueriez des représailles de la part de votre oncle alors que ce dernier aurait été libéré de prison par les Talibans au moment de leur prise de pouvoir. Force est à nouveau de constater qu’il s’agit d’une simple supposition de votre part, non soutenue par le moindre élément concret. Vous expliquez en effet que vous auriez vu dans les médias que les Talibans auraient libéré des prisonniers au moment de la prise de pouvoir. Vous tentez donc à nouveau de dramatiser la situation dans votre pays d’origine, pour construire des arguments pour vous voir octroyer une protection internationale.

Ajoutons dans ce contexte que votre comportement adopté depuis votre arrivée en Europe conforte le constat que vous n’avez pas fui votre pays d’origine en raison d’un quelconque risque de persécution et remet en doute la gravité de votre situation en Afghanistan. En effet, il échet de rappeler qu’après avoir vécu en Grèce durant environ six mois, vous auriez décidé de voyager à travers la Croatie, la Slovénie, l’Italie et la France, sans toutefois y introduire de demande de protection internationale pour gagner le Luxembourg, où vous avez finalement décidé d’introduire votre demande de protection internationale. Or, on peut évidemment attendre d’une personne réellement à risque dans son pays d’origine et réellement à la recherche d’une protection internationale, qu’elle introduise sa demande dans le premier pays sûr rencontré et qu’elle ne traverse pas plusieurs pays sûrs sans y rechercher une forme de protection quelconque.

Un tel comportement fait preuve d’un désintérêt évident par rapport à la procédure d’asile et n’est évidemment pas celui d’une personne réellement en danger et réellement à la recherche d’une protection.

6Votre récit n’étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Même à supposer que vos déclarations seraient crédibles, force est de constater que vous ne remplissez pas les conditions, ni pour l’octroi du statut de réfugié, ni pour l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des motifs de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Premièrement, Monsieur, vous invoquez craindre en cas de retour dans votre pays d’origine de devenir victime de représailles de la part de votre oncle ou de vos cousins, qui auraient assassiné votre père dans le cadre d’un conflit foncier et vous auraient menacé de mort.

Force est de constater que cette crainte, qui s’inscrit dans un cadre privé et familial, est dénuée de tout lien avec les motifs de fond prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015, à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, votre appartenance à un groupe social ou vos opinions politiques.

En effet, vous indiquez vous-même que le conflit opposant votre famille à celle de votre oncle découlerait uniquement d’un différend concernant des terres que ce dernier aurait voulu s’approprier de force.

De plus, il convient de noter qu’il est invraisemblable que votre oncle serait toujours après vous dans ce contexte, ceci dans la mesure où votre mère serait en possession des actes de propriété et pas vous, et qu’elle n’a manifestement pas rencontré de problèmes majeurs ou de menaces depuis votre départ, alors qu’elle aurait continué à vivre encore au moins un an à la même adresse.

En outre, il y a lieu de souligner que vous ne pouvez que supposer que votre oncle aurait été libéré de la prison, étant donné que vous auriez vu aux médias que les Talibans aurait libéré 7des prisonniers après leur prise de pouvoir, sans néanmoins avoir de certitude quant à cette allégation qui reste ainsi une pure supposition de votre part.

Les craintes que vous avancez sont dès lors des craintes hypothétiques, lesquelles ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié dans votre chef.

Le constat que vous ne risquez pas d’être persécuté dans votre pays d’origine est encore conforté par votre comportement adopté depuis votre arrivé en Europe. Tel qu’expliqué ci-dessus, vous avez traversé différents pays européens avant d’introduire une demande de protection internationale. Or, une personne réellement en danger dans son pays d’origine ne choisit pas le pays dans laquelle elle demande une protection suivant des simples considérations personnelles mais introduirait une protection dans le premier pays sûr traversé, ce qui n’est manifestement pas votre cas.

Deuxièmement, Monsieur, vous indiquez craindre d’être tué par les Talibans alors qu’ils considéreraient tous ceux qui auraient vécu en Europe comme étant des mécréants.

Il y a lieu de noter que votre crainte d’être tué en Afghanistan au motif que vous seriez considéré comme mécréant pour avoir vécu en Europe, relève du champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 alors que cette crainte se base sur une toile de fond religieuse.

Toutefois, il convient de noter que vous vous bornez dans ce contexte également à faire état de généralités et n’établissez aucunement que vous seriez dans leur collimateur à titre individuel.

Il ne ressort cependant pas des informations dont je dispose que le seul séjour en Europe d’un ressortissant afghan, l’exposerait de manière systématique, en cas de retour dans son pays d’origine, à des persécutions ou à des atteintes graves de la part des Talibans.

Il convient dès lors de constater que votre crainte est, une fois de plus, à qualifier de purement hypothétique. Or, comme développé ci-dessus, une crainte hypothétique, qui n’est basée sur aucun fait réel ne saurait constituer une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention et de la Loi de 2015.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

8L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l’espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié, et notamment que vous auriez peur d’être tué par votre oncle et ses fils ou par les Talibans.

Tout en renvoyant aux développements contenus dans la partie « Quant au refus de statut de réfugié », il échet de constater que les craintes que vous avancez sont à considérer comme étant purement hypothétiques de sorte que vous restez en défaut d’établir que vous seriez à risque de subir une atteinte grave en cas de retour dans votre pays d’origine.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination d’Afghanistan, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er février 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 20 janvier 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par un jugement du 16 novembre 2023, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta Monsieur (A), tout en le condamnant aux frais de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 7 décembre 2023, Monsieur (A) a régulièrement fait entreprendre ce jugement.

Moyens des parties A l’appui de son appel et en fait, l’appelant explique être de nationalité afghane, de confession musulmane sunnite et d’ethnie mixte ouzbek et tadjik.

Il affirme qu’il aurait vécu avec sa mère et que son père aurait été assassiné par son oncle paternel. Ce crime aurait été commis sur fond d’un conflit d’héritage, alors que son père aurait hérité de tous les biens familiaux. Son oncle aurait été incarcéré pour cet assassinat mais à la suite 9de cette incarcération il aurait lui-même été inquiété par ses cousins qui l’auraient agressé deux fois par mesures de représailles du fait de l’incarcération de son oncle. Ce serait à cause de ces représailles qu’il aurait été contraint de fuir son pays d’origine.

L’appelant affirme que cette fuite aurait été nécessaire et ce d’autant plus qu’entretemps son oncle aurait été libéré de prison et travaillerait de manière étroite avec les autorités talibanes depuis leur arrivée au pouvoir en Afghanistan. Il affirme être en danger et redoute une vengeance similaire à celle qui aurait été infligée à son père.

L’appelant affirme encore qu’il y aurait actuellement un conflit armé en Afghanistan et qu’il y aurait des persécutions systématiques à l’égard des opposants même supposés des talibans, ou ceux qui seraient issus d’une minorité qui constitueraient un groupe social.

L’appelant se réfère à une décision de la Cour nationale du droit de l’asile française dans laquelle cette dernière aurait estimé que l’état de conflit armé pourrait être déclaré dans douze provinces afghanes. L’appelant affirme que du fait de son appartenance à une minorité ethnique et à cause de son occidentalisation, il serait susceptible d’être victime des talibans. D’après lui, en cas de retour dans son pays d’origine, il existerait une probabilité élevée qu’il soit reconnu, identifié et sévèrement réprimé puisqu’il se serait opposé à son oncle paternel.

L’appelant affirme que son oncle serait une personne influente par sa collaboration avec les talibans actuellement au pouvoir et que par conséquent, il risquerait de subir des représailles s’il retournait dans son pays d’origine. Or, les autorités talibanes ne lui permettraient pas d’obtenir une protection, un procès équitable ou un recours effectif, tels que prévus par les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

L’appelant tire la conclusion qu’il remplirait les conditions pour se voir octroyer le statut de réfugié politique.

Quant à la demande de protection subsidiaire, l’appelant invoque les points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 en développant les mêmes arguments qu’à l’appui de sa demande principale, à savoir qu’il risquerait de subir des traitements inhumains et dégradants (i) pour avoir dénoncé le meurtre de son père par son oncle paternel qui serait proche des talibans, (ii) du fait d’appartenir à une ethnie minoritaire et (iii) à cause de l’insécurité régnant en Afghanistan et due à la présence des talibans.

Le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel. Il relève neanmoins que les premiers juges ne se seraient pas prononcés sur la crédibilité du récit de l’appelant qui a été fortement remise en cause par la partie étatique et que par ailleurs l’appelant lui-même ne prendrait pas position quant à cette remise en cause. Ainisi, le délégué du gouvernement maintient que les développements de l’appelant ne seraient manifestement pas crédibles.

Le délégué du gouvernement affirme également que le seul fait d’appartenir à une minorité ethnique ne serait pas suffisant pour se voir octroyer automatiquement le statut de réfugié au motif que le demandeur de protection internationale devrait invoquer des raisons personnelles permettant d’établir dans son chef un risque réel d’être persécuté en raison de son appartenance ethnique. Or, ce ne serait pas le cas en l’espèce puisque l’appelant ne ferait état d’aucun incident 10concret avec les talibans le concernant personnellement et qui serait en lien direct avec son appartenance ethnique, de sorte qu’il s’agirait principalement de craintes hypothètiques qui ne justifieraient pas l’octroi d’une protection internationale.

La partie étatique affirme encore que l’appelant n’aurait apporté aucun élément concret quant au risque qu’il subirait du fait de son « occidentalisation ». D’après la partie étatique les affirmations à ce sujet de l’appelant resteraient à l’état de simples allegations sans aucune preuve qui demontrerait qu’il risque d’être perçu comme « occidentalisé » par les talibans et qu’il serait dans le colimateur de ces derniers.

Analyse de la Cour Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une 11persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Or, en l’espèce, la Cour tire la même conclusion que les premiers juges selon laquelle c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale de l’appelant comme étant non justifiée.

En effet, indépendamment de la question de la crédibilité de son récit, l’appelant ne fait pas état d’éléments suffisants permettant de justifier une crainte fondée de persécutions au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, ni de motifs sérieux et avérés de croire qu’il court en Afghanistan un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a), b) et c), de la même loi.

La Cour est amenée à confirmer les premiers juges dans leur conclusion selon laquelle à défaut d’être lié à l’un des critères de persécution énoncés dans la Convention de Genève, à savoir la race, la religion, la nationalité, l’appartenance de l’appelant à un certain groupe social ou ses convictions politiques, ses craintes de subir des représailles de la part de sa famille paternelle dans le contexte d’un conflit familial ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié.

En ce qui concerne les craintes de persécutions ou d’atteintes graves de la part des talibans du fait de l’appartenance de l’appelant à la minorité ethnique tadjik et ouzbek, le délégué du gouvernement s’est appuyé à juste titre sur la jurisprudence de la Cour administrative (cf.

notamment Cour adm., 8 décembre 2022, n° 47692C, disponible sur www.jurad.etat.lu) par rapport à la situation générale des membres de cette communauté en Afghanistan, ayant retenu qu’il ne ressort pas des informations fournies à la Cour que le seul fait pour un ressortissant afghan d’être membre de l’ethnie tadjik l’exposerait de manière systématique à des persécutions de la part des talibans. Les explications et pièces soumises par l’appelant ne permettent pas de conclure que cette analyse ne correspondrait plus à la situation actuelle également par rapport à sa propre appartenance ethnique.

Il s’ensuit que le seul fait d’être d’ethnie tadjik et ouzbek n’est pas suffisant en soi pour justifier une crainte de persécution dans le chef de l’appelant.

Concernant la prétendue « occidentalisation » de l’appelant, la Cour partage encore l’appréciation des premiers juges selon laquelle celui-ci reste en défaut d’expliquer les raisons 12concrètes qui pourraient conduire les talibans à le persécuter du seul fait d’avoir vécu quelques années en Europe, les craintes afférentes ne traduisant dès lors qu’un vague sentiment d’insécurité.

En outre, le séjour de l’appelant au Luxembourg et sa prétendue « occidentalisation » conséquente, faute de preuve d’une adoption visible d’un mode de vie occidental impliquant un risque personnel de persécution ou d’atteinte grave en cas de retour en Afghanistan, n’apparaissent pas plus de nature à justifier la reconnaissance d’une protection internationale.

Il s’ensuit que l’appelant n’avance pas suffisamment d’éléments permettant de retenir qu’il risquerait de subir des persécutions en cas de retour en Afghanistan ou encore des atteintes graves au sens de l’article 48, sub a) et b) de la loi du 18 décembre 2015.

Enfin, en ce qui concerne la situation sécuritaire qui prévaut actuellement en Afghanistan, la Cour n’est pas saisie d’éléments permettant de conclure à l’existence d’une situation de conflit armé interne au sens de l’article 48, sub c), de la loi du 18 décembre 2015, la conclusion des premiers juges étant également à confirmer sur ce point.

A cet égard, la Cour relève encore que les rapports produits en cause ne permettent pas de conclure à l’existence d’une situation où l’ampleur de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé est telle qu’il existerait des motifs sérieux de croire qu’un civil, du seul fait de sa présence sur place, court un risque réel d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 48, sub c), de la loi du 18 décembre 2015, l’appelant n’ayant, par ailleurs, pas apporté des éléments qui permettraient de retenir qu’il serait personnellement exposé, en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, à un risque réel découlant d’une violence aveugle au point qu’il faille admettre qu’en cas de retour en Afghanistan, il courrait un risque réel de menace grave pour sa vie ou sa personne.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont retenu que les faits relatés par l’appelant ne permettent pas l’octroi d’une protection internationale dans son chef et par suite rejeté le recours pour ne pas être fondé.

L’appelant sollicite encore, par réformation du jugement entrepris, la réformation de l’ordre de quitter le territoire, comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale.

Or, comme le jugement entrepris est à confirmer en tant qu’il a rejeté la demande d’octroi du statut de la protection internationale de l’appelant - statut de réfugié et protection subsidiaire -

et que le refus dudit statut entraîne automatiquement l’ordre de quitter le territoire, l’appel dirigé contre le volet de la décision des premiers juges ayant refusé de réformer cet ordre est encore à rejeter.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties ;

13reçoit l’appel en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant ;

partant, confirme le jugement entrepris du 16 novembre 2023 ;

donne acte à l’appelant de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique du 14 août 2024 à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier en chef Anne-Marie WILTZIUS.

S. WILTZIUS s. SCHROEDER 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49783C
Date de la décision : 14/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-08-14;49783c ?

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