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14/08/2024 | LUXEMBOURG | N°49855C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 août 2024, 49855C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49855C ECLI:LU:CADM:2024:49855 Inscrit le 22 décembre 2023

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Audience publique du 14 août 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 22 novembre 2023 (n° 47518 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49855C du rôle, déposé au greffe de la Cour a

dministrative le 22 décembre 2023 par Maître Franck GREFF, avocat à la Cour, inscrit au t...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49855C ECLI:LU:CADM:2024:49855 Inscrit le 22 décembre 2023

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Audience publique du 14 août 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 22 novembre 2023 (n° 47518 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49855C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 22 décembre 2023 par Maître Franck GREFF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Libye), de nationalité libyenne, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 22 novembre 2023 (n° 47518 du rôle) l’ayant débouté de son recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 2 mai 2022 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2024 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 6 février 2024.

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Le 10 avril 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative 1à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Les 18 et 25 octobre 2021, ainsi que le 7 février 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 2 mai 2022, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le surlendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée.

La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard, est libellée de la façon suivante :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite en date du 10 avril 2020, sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-

après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 10 avril 2020 et le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 18 et 25 octobre 2021 et du 7 février 2022, sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande.

Vous signalez auprès de la Police Judiciaire être de nationalité libyenne et avoir quitté votre pays d’origine pour la dernière fois en date du 10 juillet 2019 à bord d’un avion en direction de la Turquie, où vous auriez séjourné pendant une semaine avant de partir en Grèce.

Après une semaine passée en Grèce, vous seriez retourné en Turquie pour vous faire implanter des cheveux, avant de refaire chemin inverse. Vous précisez dans ce contexte vivre depuis 2018 en Grèce et disposer d’un titre de séjour en tant qu’étudiant dans une école pour pilotes. Vous dites que le ministère libyen aurait financé vos études, mais qu’en 2019, vous auriez eu des problèmes, aussi bien avec ce ministère qu’avec l’école en Grèce. En novembre 2019, vous auriez été prié de quitter votre foyer pour étudiants en Grèce en précisant que votre contrat avec l’école de pilotes aurait prévu que vous finissiez tous les cours endéans trois ans, mais qu’il vous aurait manqué un cours à la fin de cette période. En février 2020, vous auriez reçu un courriel du ministère libyen vous demandant de rentrer au pays. Vous n’auriez toutefois pas voulu rentrer chez vous alors que la guerre y aurait re-éclaté. Vous auriez alors fait des recherches quant à d’autres pays qui pourraient vous permettre de passer vos études de pilote que votre père aurait proposées de financer après que le ministère libyen aurait cessé le financement. En mars 2020, vous auriez donc pris un avion pour Berlin pour y visiter un ami, avant de prendre un autre avion pour Stuttgart, où se trouverait une école réputée pour pilotes.

Or, à ce moment, à cause de la pandémie du Covid-19, vous n’auriez pas eu le droit de quitter 2votre hôtel. A la même époque, vous auriez perdu votre porte-monnaie contenant des documents grecs et libyens. Après avoir pris contact avec l’ambassade de la Libye pour l’informer de cette perte, on vous aurait versé 1.300- euros. Vous auriez alors pris un train pour venir au Luxembourg et y introduire une demande de protection internationale. Vous auriez pris cette décision parce que votre père n’aurait pas réussi à vous envoyer de l’argent depuis la Libye, de sorte que vous n’auriez pas pu terminer vos études. En plus, votre titre de séjour grec aurait bientôt expiré et vous n’auriez pas voulu vous retrouver en situation irrégulière. Vous auriez fait le choix du Luxembourg parce que vous auriez lu que ce pays ne se tiendrait pas forcément aux règlement Dublin III, contrairement aux autres pays européens qui vous auraient transféré vers la Grèce. Votre père vous aurait en outre fait comprendre que vous ne devriez plus jamais rentrer en Libye. Vous précisez toutefois être retourné en Libye à l’occasion du ramadan en 2019 et alors avoir été menacé par des milices parce qu’en 2012, vous auriez travaillé dans une prison libyenne. Vous relatez dans ce contexte qu’après la chute du régime de Kadhafi, il n’y aurait plus eu de véritable armée et les clans auraient alors décidé d’envoyer des jeunes en tant que policiers et fonctionnaires dans les prisons pour garantir l’ordre public et la sécurité.

Votre tâche aurait consisté dans la sauvegarde et le contrôle de documents. Fin 2012, il y aurait eu un vrai gouvernement en Libye et vous auriez alors commencé avec vos études de mécanicien de bord.

Vous signalez auprès de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes être originaire d’…, de confession musulmane, célibataire et faire partie du clan …. Jusqu’en 2015, vous auriez vécu avec votre famille dans la maison familiale à …, où vous auriez fait des études en ingénierie à l’université d’…, études que vous auriez arrêtées en dernière année.

Depuis, vous auriez vécu dans une ferme appartenant à votre tante à …. En 2012 ou 2013, vous auriez par ailleurs été sélectionné par l’Etat libyen pour être envoyé en Grande-Bretagne pour des études d’aviation. En 2014, grâce à un visa britannique, vous seriez parti vivre pendant un an en Angleterre pour y apprendre l’anglais et tenter de vous inscrire dans une école d’aviation, voire, pour y passer un test à l’« Académie » (p. 8 du rapport d’entretien) que vous auriez passé. Après la fin de validité de votre visa en 2015, vous auriez été obligé de rentrer en Libye pour demander un nouveau visa britannique. Vous précisez être retourné en Libye bien qu’il y aurait la « guerre » (p. 7 du rapport d’entretien) et contre l’avis de vos parents. On ne vous aurait par la suite plus accordé d’autre visa britannique à cause d’une insuffisance de votre niveau d’anglais d’aviation. « Après » (p. 8 du rapport d’entretien), votre professeur vous aurait expliqué qu’il existerait la possibilité de partir faire des études en Grèce. En 2017, vous auriez obtenu un visa grec auprès du consulat grec en Tunisie et en juin ou juillet 2017, vous seriez parti en Grèce pour y passer des études en « PPL et ATPL et aussi des heures de formation dans l’aviation » (p. 8 du rapport d’entretien). Ces études auraient été financées par l’Etat libyen et vous auriez bénéficié d’un titre de séjour grec renouvelable annuellement. Vous auriez fait des études de six mois à une première université, puis vous auriez eu droit à des vacances de quatre ou cinq mois. Ensuite, vous auriez passé des études d’une durée d’un an et demi avant d’avoir droit à des vacances et finalement de reprendre encore une fois vos études pendant quatre mois. Vous précisez être à deux reprises retourné en Libye pendant ce temps.

En juin ou juillet 2019, vous auriez quitté la Libye pour la dernière fois depuis l’aéroport de Mitiga (Tripoli) en direction de la Grèce. Pendant ce séjour en Grèce, vous auriez notamment passé des vacances aux Pays Bas et vous auriez finalement décidé de quitter la Grèce parce que l’académie d’aviation vous aurait demandé une grande somme d’argent et que vous auriez entendu qu’en Allemagne, les études pour devenir « flight instructor » coûteraient beaucoup moins chères. Ainsi, vous seriez parti en Allemagne, où vous auriez séjourné pendant à peu près cinq semaines, d’abord à Berlin pour visiter un ami, puis à Stuttgart pour tenter de vous inscrire à une université ou une académie, tout en ayant prévu rentrer en Grèce le 26 mars 2020 grâce à un ticket d’avion. Or, à cause de la pandémie du Covid-19, les aéroports auraient 3été fermés et vous auriez été bloqué en Allemagne. Votre père vous aurait alors conseillé de partir aux Pays-Bas pour y attendre et voir comment les choses évoluent. Ainsi, vous auriez acheté un ticket de train pour gagner les Pays-Bas, mais vous seriez descendu au Luxembourg parce que vous n’auriez plus voulu voyager avec votre titre de séjour grec expiré. Comme vous n’auriez plus pu retourner en Libye, vous avez pris la décision d’introduire une demande de protection internationale au Luxembourg. Vous précisez dans ce contexte ne pas avoir songé plus tôt à rechercher une protection en Europe parce que « je suis venu en Europe dans le but de poursuivre mes études et d’avoir un endroit sûr. Donc j’avais le choix entre ces deux options : poursuivre les études ou demander l’asile » (p. 7 du rapport d’entretien).

Vous expliquez ne pas pouvoir retourner en Libye parce que vous auriez peur d’être la victime d’une tentative de meurtre. Ainsi, vous prétendez y être exposé à des menaces depuis votre retour dans le pays depuis le Royaume-Uni en 2015. Votre mère vous aurait alors informé que pendant votre séjour à l’étranger, fin 2014, votre frère Mohamed aurait été enlevé pendant son travail en tant que médecin dans un hôpital et torturé pendant trois jours après qu’il aurait roulé avec votre voiture et que ses ravisseurs l’auraient confondu avec vous. Selon votre frère, ses ravisseurs auraient été membres des milices Al Nasr et de la « Première équipe de soutien » (p. 16 du rapport d’entretien). En outre, votre mère vous aurait informé que des gens inconnus seraient à deux reprises passés à la maison pour demander où vous vous trouveriez. Bien que les ravisseurs auraient exigé que « je me délivre » (p. 16 du rapport d’entretien) pour libérer votre frère, ils auraient fini par le relâcher. Ils auraient par la suite continué à récolter des informations sur vous auprès des habitants du quartier. A cause de ces menaces qui auraient été dirigées contre vous, votre beau-frère aurait alors décidé en été 2015, de vous conduire au sud d’…, où vous vous seriez alors installé dans ladite ferme de votre tante jusqu’en 2017. Vous confirmez ne pas avoir rencontré de problèmes pendant cette période, d’autant plus que vous auriez vécu dans cette ferme sous une fausse identité, que votre famille aurait été très prudente et que vous auriez pu vous déplacer en « toute sécurité » dans cette région parce que personne ne vous aurait connu. Pendant ce temps, vous auriez continué vos études et vous auriez emprunté des chemins de montagne lorsque vous auriez dû vous déplacer à Tripoli pour passer les examens à l’université. En 2017, vous auriez quitté la Libye en direction de la Grèce mais vous précisez que lors de vos retours, respectivement, séjours dans votre pays d’origine, de novembre 2017 à mars 2018 et de mai à juillet 2019, vous vous seriez encore installé dans une autre ferme appartenant à une autre de vos tantes, où de nouveau, vous n’auriez pas rencontré de problèmes (p. 19 du rapport d’entretien). Vous prétendez toutefois aussi qu’en juillet 2019, en revenant de l’université, vous et votre sœur vous seriez échappés d’une tentative de meurtre.

Ainsi, en roulant en voiture à …, des passagers d’une autre voiture auraient ouvert le feu sur votre voiture. Pendant que vous auriez réussi à vous enfuir, votre sœur aurait perdu conscience et, ne sachant pas si elle avait été touchée par des balles, vous auriez pris la décision de l’amener chez votre autre sœur. Quelques heures plus tard, vous auriez appris qu’elle irait bien mais qu’elle souffrirait de diabète, raison pour laquelle elle se serait évanouie. Vos beaux-

frères auraient par la suite décidé de vous amener à Tripoli et deux jours plus tard, le 11 juillet 2019, vous auriez une dernière fois quitté la Libye en avion en direction de la Turquie, avant de regagner la Grèce.

Vous précisez encore que vos cousins auraient découvert que vous seriez menacé par des personnes appartenant à la milice Al Nasr « et aussi un autre groupe qui s’appelle Premier groupe de soutien » (p. 12 du rapport d’entretien) et que vous auriez une fois reçu en 2020, un message menaçant sur Facebook d’un dénommé … qui serait un membre de famille d’une personne « qu’on avait arrêté en 2011/2012 » (p. 14 du rapport d’entretien). Convié à préciser de quelles menaces il s’agirait, vous répondez que vos cousins vous auraient expliqué « Que ce groupe me cherche. Que j’ai des problèmes avec ce groupe. Je ne sais pas de quoi ils (ce 4groupe) parlaient » (p. 15 du rapport d’entretien). Ainsi, vous vous trouveriez dans le collimateur de ces gens parce qu’entre 2011 et 2012, vous auriez travaillé comme volontaire pour le compte de la brigade des martyrs … dans la prison … gérée à cette époque par des clans, respectivement différentes tribus suite à une réunion entre ces dernières et dans laquelle auraient été incarcérés quelques trois-cent personnes, des « pro Kadhafi » (p. 22 du rapport d’entretien) qui auraient été libérées vers 2014-2015. En 2012, cette prison serait tombée sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur. Convié à préciser votre rôle au sein de la prison vous prétendez avoir reçu l’ordre d’« aller à la chasse et à l’arrestation de quelques gens. J’ai commencé à analyser et à étudier les dossiers du début jusqu’à l’envoi … La première étape c’était l’arrestation de la personne. Après il y a avait la phase d’interrogatoire. Je participais à l’arrestation, je rédigeais les rapports contenant les infos jusqu’à l’envoi au juge d’instruction » (p. 11 du rapport d’entretien). Concernant les arrestations, vous précisez avoir d’abord reçu des mandats d’arrêt et des informations sur les personnes recherchées. Vous auriez alors mis quelques jours à retrouver lesdites personnes qui auraient alors souvent été arrêtées devant un supermarché. Ensuite une enquête de deux avocats travaillant pour la prison aurait été ouverte et vous auriez également assisté à l’interrogatoire des détenus mené par ces deux avocats, avant d’écrire un rapport.

Enfin, vous précisez que vos parents, vos trois frères et deux sœurs vivraient toujours à …. Les membres de votre fratrie y travailleraient comme chirurgien, pharmacienne et mécanicien ou seraient étudiants à l’université d’….

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous versez les documents suivants :

- Votre passeport et votre permis de conduire libyens ;

- deux titres de séjour grecs expirés ;

- des documents en rapport avec vos études universitaires et avec l’école secondaire « … », un relevé de notes de l’école « … », un certificat d’un cours d’anglais à l’école …, un certificat et une attestation de l’école « … » et une « … » ;

- une lettre de soutien en langue arabe de la part de l’Etat libyen destiné aux étudiants à l’étranger ;

- un certificat médical grec établi le 26 septembre 2017 et un certificat médical anglais établi le 4 février 2015 ;

- une lettre adressée par le « Conseil national de transition », respectivement, l’« Armée nationale libyenne », respectivement, « le Conseil militaire d’Al Zawiya », respectivement, la « Brigade des martyrs d’Al-Zawiya » à « Monsieur … » intitulée « Escadron central d’Al-Zawiya pour l’Arrestation et la Réfutation des Griefs », datée au 30 novembre 2011. Il y est informé que vous auriez fait partie des « révolutionnaires moudjahidines qui n’ont pas quitté le champ de bataille … Pour cela, nous espérons que vous en prendriez connaissance et faciliteriez ses tâches et ne gênerez pas ses procédures » ;

- une capture d’écran de votre compte Facebook qui montrerait la passation de pouvoirs entre les dirigeants des clans et l’Etat libyen qui aurait eu lieu en 2012 dans la prison de … ;

- une capture d’écran de la menace en langue arabe qui vous aurait été envoyée sur les réseaux sociaux par un dénommé … ;

- des photos montrant des trous dans l’arrière d’une voiture ;

- la copie d’un document mal aligné, rempli au stylo, daté au 8 décembre 2019, intitulé « Une déclaration d’ouverture d’un procès-verbal » et s’adressant à un dénommé « Monsieur … ». Il y est noté que vous seriez venu au poste de police 5le 7 février 2019, pour dénoncer le fait que des inconnus auraient tiré sur votre voiture ainsi que le fait que vous auriez « ouvert un procès-verbal contre des inconnus » et que les auteurs de la fusillade n’auraient pas été identifiés. Selon vous, le document est daté au 8 décembre 2019, parce qu’il s’agirait de la date à laquelle l’affaire aurait été « clôturée, … classée » (p. 20 du rapport d’entretien). Votre père se serait déplacé au commissariat pour avoir une copie du rapport concernant cette prétendue tentative de meurtre, mais on lui aurait répondu qu’on ne pourrait pas la lui donner, mais on lui aurait tout de même donné une copie du document comprenant la déclaration de votre plainte.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Je tiens à soulever avant tout autre développement que la crédibilité de votre récit, respectivement, la gravité de votre situation dans votre pays d’origine, doivent être mises en doute au vu de votre vécu et de votre comportement adopté en Europe, ainsi que de vos déclarations incohérentes.

En effet, il s’agit dans un premier temps de soulever que votre vécu depuis 2015 et votre comportement adopté en Europe sont totalement incompatibles avec celui d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée, respectivement, qui serait en réel besoin d’une protection.

Force est de constater que vous prétendez avoir eu peur de rentrer en Libye depuis votre séjour au Royaume-Uni en 2014, parce qu’il y aurait la « guerre » et vous précisez que depuis ce temps, vos parents vous auraient conseillé de rester en Europe. Il ressort toutefois de vos dires que vous seriez tout de même une première fois retourné volontairement en Libye en 2015, sans jamais rechercher une forme quelconque de protection en Angleterre. Ensuite, vous prétendez avoir eu peur depuis 2015, de devenir victime d’une tentative de meurtre, alors que votre mère vous aurait informé cette même année qu’en 2014, votre frère aurait été enlevé et torturé avant d’être libéré après trois jours alors que ses ravisseurs l’auraient confondu avec vous. En conséquence, vous auriez alors déménagé chez votre tante à une heure de route au sud de votre ancienne adresse, tout en continuant jusqu’en 2017, vos études universitaires à Tripoli, ville vers laquelle vous vous seriez déplacé en empruntant des chemins de montagne et en ne faisant jamais état du moindre problème ou d’une agression ou ne serait-ce que d’une menace proférée contre vous ou d’un quelconque autre incident concret dans lequel vous auriez été impliqué. De plus, après avoir obtenu en 2017, votre visa pour la Grèce et avoir à nouveau officiellement quitté votre pays, vous avez endéans les deux prochaines années, de nouveau estimé bon de retourner volontairement en Libye, à deux reprises, bien que vous ayez toujours eu peur de vous y trouver dans le collimateur de milices qui tenteraient de vous tuer.

De même, pendant ces deux ans passés en Grèce, vous avez de nouveau à aucun moment senti le besoin ou le réflexe d’y rechercher une protection internationale. Il en est de même de votre séjour aux Pays-Bas, où vous seriez parti faire des vacances pendant cette période. De plus, en 2019, après votre dernier retour en Grèce depuis la Libye, vous avez d’abord préféré vous rendre en Turquie pour vous faire implanter des cheveux avant de vous décider de quitter la Grèce pour trouver une possibilité de faire des études moins chères ailleurs, tout en ne ressentant à nouveau à aucun moment le besoin de rechercher une protection en Grèce, puis 6en Allemagne, où vous seriez allé visiter un ami avant d’y rechercher une école d’aviation.

Finalement, après vous être prétendument retrouvé bloqué en Allemagne à cause de la pandémie du Covid-19, et parce que vous n’auriez pas voulu voyager avec un titre de séjour grec périmé, vous avez pris le choix de prendre le train pour venir introduire une demande de protection internationale au Luxembourg.

Il est évident que tel n’est pas le comportement d’une personne réellement persécutée ou en besoin d’une protection, alors qu’on doit pouvoir attendre d’une telle personne, à part le fait qu’elle ne retourne évidemment pas volontairement à plusieurs reprises dans le pays dans lequel elle craindrait se faire tuer, qu’elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais.

Vous tentez certes de vous justifier en prétendant que « je suis venu en Europe dans le but de poursuivre mes études et d’avoir un endroit sûr. Donc j’avais le choix entre ces deux options : poursuivre les études ou demander l’asile » (p. 7 du rapport d’entretien), une excuse qui n’emporte toutefois pas conviction. En effet, votre départ depuis votre pays d’origine ne constitue pas une fuite devant des persécutions mais un départ préparé aux fins de poursuivre des études en Grèce.

Le fait que pendant toutes ces années, vous n’avez pas montré le moindre intérêt à rechercher une protection en Europe, tout en jugeant bon de retourner à plusieurs reprises volontairement en Libye où vous craindriez de vous faire tuer par des milices, et sans que votre présence n’y aurait été importante ou nécessaire, alors que vous précisez uniquement y être retourné pour le ramadan, démontre à suffisance que vous n’êtes nullement persécuté ou à risque d’être persécuté en Libye et que vous ne prenez manifestement même pas vous-même au sérieux les motifs de fuite que vous présentez aux autorités luxembourgeoises dans le but de vous faire octroyer une protection internationale.

Votre affirmation selon laquelle vous vous seriez en outre senti obligé d’introduire une demande de protection internationale au Luxembourg parce que vous n’auriez plus pu retourner en Libye se trouve en tout cas contredite par vos propres déclarations et votre propre vécu au cours de ces dernières années. Vous avez bel et bien à plusieurs reprises pu retourner en Libye et à nouveau quitter votre pays de manière officielle par l’aéroport de Tripoli. En 2020, vous auriez d’ailleurs encore été en contact avec une ambassade de la Libye pour signaler la perte de tous vos documents et vous précisez en outre, que votre cousin travaillant pour le service de la sécurité externe vous aurait confirmé que vous ne seriez recherché par aucun « groupe », ni par les autorités libyennes, après avoir fait ses recherches et après une enquête de la police.

Au vu de ce qui précède, il est retenu que la sincérité de vos propos, respectivement, les craintes que vous exprimez par rapport à un retour en Libye, doivent être réfutées et il doit en être déduit que des motifs de convenance personnelle ou économiques sous-tendent votre demande de protection internationale ; demande que vous étoffez avec un récit tournant autour de milices armées qui planifieraient depuis 2014 une « tentative de meurtre » contre vous, dans le seul but d’y intégrer un élément susceptible d’augmenter les probabilités de vous faire 7octroyer une protection internationale et ainsi vous installer de manière définitive en Union européenne après l’expiration de votre titre de séjour grec.

Le constat que vous ne jouez pas franc jeu dans le cadre de votre demande de protection internationale et des motifs de fuite exposés se trouve d’autant plus confirmé au vu d’autres incohérences ressortant de vos dires.

Ainsi, il s’agit de constater que vous n’êtes clairement pas cohérent dans vos propos concernant la description de vos tâches dans le cadre de votre travail au sein de la prison de …, où vous auriez travaillé entre 2011 et 2012, travail qui constituerait la base de vos prétendus problèmes en Libye. D’un côté, vous expliquez auprès de la Police Judiciaire que votre tâche aurait consisté dans la sauvegarde et le contrôle de documents au sein de cette prison. De l’autre côté, vous prétendez auprès de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que votre travail aurait consisté dans le fait d’« aller à la chasse et à l’arrestation de quelques gens. J’ai commencé à analyser et à étudier les dossiers du début jusqu’à l’envoi … La première étape c’était l’arrestation de la personne. Après il y avait la phase d’interrogatoire. Je participais à l’arrestation, je rédigeais les rapports contenant les infos jusqu’à l’envoi au juge d’instruction » (p. 11 du rapport d’entretien). Concernant les arrestations, vous précisez de plus avoir d’abord reçu des mandats d’arrêt et des informations sur les personnes recherchées. Vous auriez alors mis quelques jours à retrouver lesdites personnes qui auraient alors souvent été arrêtées devant un supermarché. Ensuite une enquête de deux avocats travaillant pour la prison aurait été ouverte et vous auriez également assisté à l’interrogatoire des détenus mené par ces deux avocats, avant d’écrire un rapport.

Or, il est évident que ces deux versions sont totalement incompatibles. De plus, il ne fait aucun sens que vous prétendez avoir été employé au sein d’une prison mais que votre travail aurait consisté dans la recherche et l’arrestation de personnes recherchées sur base de mandats d’arrêts, un travail de policier qui n’a rien à voir avec le travail au sein d’une prison.

Il faut en déduire, à supposer que vous ayez vraiment travaillé dans ladite prison, que vous tentez auprès de la Direction de l’immigration de rendre votre tâche, initialement décrite comme étant administrative, beaucoup plus importante, respectivement, de rendre votre quotidien plus intrigant et de gonfler vos fonctions et le rôle qui vous auraient été octroyés, ceci dans le but de rendre votre vécu plus dramatique et de créer ainsi un supposé lien entre vous-même et des milices et des personnes prétendument « pro-Kadhafi » qui vous en voudraient pour avoir procédé à des arrestations en 2011 ou 2012.

A cela s’ajoute qu’il ne ressort pas des recherches ministérielles qu’après la chute du régime Kadhafi, une coalition de chefs de clans aurait « créé » (p. 12 du rapport d’entretien) une prison à … pour ramener le calme et la sécurité tel que vous le prétendez, mais que la brigade Al-Nasr a pris le contrôle d’une prison où étaient incarcérés des « pro Kadhafi », ainsi que de centres de rétention dans la ville d’…. Dans ce contexte, force est de soulever que les dirigeants de cette brigade font partie de votre clan « … », respectivement, « … », de sorte qu’il dépourvu de tout sens que vous vous trouviez dans le collimateur de la brigade Al-Nasr dirigée par votre propre clan, pour avoir aidé à surveiller en 2011 et 2012, tel que cela aurait de surcroît justement été souhaité par les chefs de votre clan, une prison à …. Il ne fait pas de sens non plus que vous soyez d’avis d’être visé par cette milice pour avoir aidé à surveiller, voire, arrêter, des « pro-Kadhafi » qui auraient été libérés vers 2015, alors que la brigade Al-Nasr a justement été en charge de la surveillance de ces détenus dans votre région et s’est d’ailleurs vue accuser d’avoir eu recours à des actes de torture envers ces supporters de l’ancien régime, ainsi que son implication dans le trafic d’êtres humains. Le fait que vous vous limitez à parler d’interrogatoires de détenus « pro Kadhafi » qui se seraient déroulés sous la présence de deux 8avocats en ne parlant à aucun moment des actes de violences ou de torture qui ont été perpétrés contre ces prisonniers dans votre ville, démontre davantage que vous n’avez nullement exercé les tâches mentionnées, ou que vous tentez de cacher le véritable quotidien au sein de cette prison d’…. Quoi qu’il en soit, en tout logique, vous devriez en tout cas être soutenu et non pas visé par la brigade Al Nasr pour avoir prétendument contribué à arrêter, à emprisonner ou à surveiller des détenus « pro Kadhafi ».

Il n’est dans ce contexte pareillement pas plausible que des membres de cette milice, dirigée par des personnes de votre propre clan et habitant la même ville, vous aient confondu avec votre frère, respectivement, se soient déplacés à un hôpital où vous ne travailliez pourtant pas pour y arrêter votre frère qui y aurait travaillé comme médecin, pendant que vous auriez passé des études universitaires, au motif qu’ils l’auraient confondu pour la simple raison qu’il aurait emprunté votre voiture.

Il en est de même du fait que ces miliciens de votre clan qui seraient à votre recherche depuis 2014, en se déplaçant même chez vos parents, n’aient pas réussi à vous retrouver pendant toutes ces années, parce que vous auriez simplement déménagé chez votre tante à une heure de route de votre ancienne adresse. Ce constat vaut d’autant plus que la Libye est un pays profondément défini par ses composantes et alliances ethniques et tribales et que les membres de votre clan seraient manifestement au courant des membres de votre famille et pourraient aisément retrouver leurs adresses.

Il ne fait ensuite pas de sens que des membres de cette brigade, qui planifieraient depuis des années une prétendue « tentative de meurtre » contre vous, auraient tout simplement relâché votre frère sans la moindre contrepartie, après qu’ils auraient pourtant, selon vos propres dires, « exigé » que « je me délivre » (p. 16 du rapport d’entretien) avant de libérer votre frère.

De façon plus générale, il s’agit de constater qu’il ne fait de nouveau pas de sens que vous vous dites exposé à des « menaces » de cette milice depuis votre retour dans le pays depuis le Royaume-Uni en 2015, mais qu’en fait aucune menace concrète ou personnelle d’une quelconque milice, voire, desdits « pro-Kadhafi » qui auraient déjà été libérés vers 2014 ou 2015, ne vous serait en fait parvenue, à part une menace d’un inconnu envoyée sur votre compte Facebook en 2020, huit ans après votre prétendu travail au sein de cette prison. Vous confirmez d’ailleurs vous-même que vous auriez uniquement entendu à travers des cousins que vous seriez recherché par la brigade Al-Nasr « et aussi un autre groupe qui s’appelle Premier groupe de soutien » et que vos cousins vous auraient expliqué « Que ce groupe me cherche. Que j’ai des problèmes avec ce groupe. Je ne sais pas de quoi ils (ce groupe) parlaient » (p. 15 du rapport d’entretien). Or, il faut évidemment se demander pourquoi ces miliciens vous auraient laissé tranquille pendant toutes ces années, en se contentant de se déplacer à deux reprises chez vos parents pendant votre absence pour se renseigner sur vous. Ce constat vaut d’autant plus que, contrairement à vos dires, vous ne vous êtes manifestement pas caché devant qui que ce soit et vous n’avez pas non plus vécu sous une fausse identité, tel que vous voulez le faire croire, alors que vous déclarez avoir continué à étudier sous votre véritable identité et à vous rendre à l’université de Tripoli et surtout, que vous avez entrepris des départs et des retours officiels en Libye, tout comme vous confirmez vous être à plusieurs reprises déplacé jusqu’en Tunisie pour y faire les démarches concernant l’obtention d’un visa.

Il y a ensuite lieu de soulever que vous avez encore prétendu auprès de la Police Judiciaire avoir simplement été « menacé » par des milices lors de votre retour en Libye en 2019. Or, dans le cadre de votre entretien avec l’agent du Ministère des Affaires étrangères et 9européennes, vous avez décidé de rendre votre récit beaucoup plus dramatique en parlant cette fois-ci d’une « tentative de meurtre » alors que des personnes vous suivant en voiture auraient tiré sur votre voiture, mais que vous auriez réussi à prendre la fuite. Dans le cadre de cette prétendue tentative de meurtre, il s’agit encore de soulever qu’il est incompréhensible pourquoi vous auriez décidé d’amener votre sœur inconsciente chez votre autre sœur et de l’y laisser pendant des heures et non pas dans un hôpital, si vraiment vous aviez craint qu’elle serait blessée après avoir été touchée par des balles.

Enfin, il s’agit de soulever que vous restez en défaut de verser des pièces pertinentes, originales ou authentiques qui permettraient de contrebalancer les constats susmentionnés, respectivement, de donner plus de poids à vos dires.

En effet, à part la panoplie de documents non pertinents concernant vos études, vous avez encore versé une lettre prétendument écrite par la « Brigade des martyrs d’Al-Zawiya », datée au 30 novembre 2011 et adressée à une personne non précisée, informant que vous auriez fait partie des « révolutionnaires moudjahidines qui n’ont pas quitté le champ de bataille … Pour cela, nous espérons que vous en prendriez connaissance et faciliteriez ses tâches et ne gênerez pas ses procédures ». Force est toutefois de constater qu’à aucun moment, vous n’avez partagé avec les autorités luxembourgeoises votre prétendu passé de révolutionnaire moudjahidine sur le champ de bataille, que vous n’avez pas non plus invoqué des quelconques problèmes ou craintes dans ce contexte et qu’il ne ressort pas non plus de vos dires quelles « procédures » ne devraient pas être gênées, ni quelles tâches vous devraient être facilitées, de sorte que cette pièce doit donc également être perçue comme non-pertinente dans le cadre de votre demande de protection internationale.

Quant à la capture de votre prétendu compte facebook, que vous auriez désormais fermé, qui montrerait la passation de pouvoirs entre les dirigeants des clans et l’Etat libyen qui aurait eu lieu en 2012 dans la prison de …, il s’agit de soulever que le seul fait que vous auriez par le passé publié des photos de cette passation de pouvoir ne permet évidemment pas de donner plus de poids à vos allégations concernant votre prétendue implication personnelle, respectivement, concernant vos motifs de fuite et vos prétendus problèmes rencontrés en Libye.

Il faut ensuite soulever que vous êtes resté en défaut de verser une traduction dans une des trois langues prévues par la Loi de 2015, pour ce qui est du message menaçant qui vous aurait été envoyé sur votre compte facebook en 2020. A cela s’ajoute que vous ne connaitriez pas la personne qui aurait envoyé ce message et que vous ne seriez pas non plus au courant des motivations de cette personne ; vous seriez uniquement d’avis que ce message pourrait être lié à une arrestation d’une personne à laquelle vous auriez procédé en 2012, de sorte que cette prétendue menace unique, de surcroît non traduite, ne saurait manifestement pas non plus permettre de donner plus de poids à vos dires.

A cela s’ajoute que les photos versées montrant des trous à l’arrière d’une voiture ne sauraient à elles seules, pas non plus permettre de corroborer vos dires concernant une prétendue « tentative de meurtre » dont vous auriez été victime en 2019. A part le fait qu’une banale recherche sur internet permet déjà de tomber sur une panoplie de photos pareilles montrant des voitures criblées de balles, il est impossible de relier ces photos non datées et ne comprenant aucun élément qui permettrait de tirer des conclusions quant au lieu et la date de la prise des photos, ni sur le propriétaire de la voiture.

Enfin, pour ce qui est des pièces versées, il s’agit de constater que vous avez uniquement remis une copie d’un prétendu rapport de police, en partie remplie à la main, dont l’authenticité 10ne saurait aucunement être établie. Ce constat vaut d’autant plus au vu de l’aspect de ce document mal aligné. En outre, il est incompréhensible pourquoi ce document est daté au 8 décembre 2019, s’il concerne une « déclaration d’ouverture d’un procès-verbal » qui serait en lien avec la prétendue « tentative de meurtre » que vous auriez pourtant vécue en début d’année 2019. Votre explication selon laquelle le document serait daté au 8 décembre 2019, parce qu’il s’agirait de la date à laquelle l’affaire aurait été « clôturée, … classée » (p. 20 du rapport d’entretien), n’emporte par ailleurs pas non plus conviction étant donné que vous aviez encore prétendu initialement qu’il s’agirait de la date à laquelle votre père se serait déplacé au bureau de police pour demander une copie d’un rapport en lien avec cette prétendue tentative de meurtre.

Il y a en tout cas lieu de conclure que les pièces versées ne permettent aucunement de relativiser les doutes évidents qui sont à formuler par rapport à la sincérité de vos motifs de fuite concernant vos craintes et les problèmes que vous prétendez avoir rencontrés en Libye.

Quand bien même une once de vérité devait être retenue, il convient de constater qu’aucune protection internationale ne saurait vous être accordée pour les raisons énoncées ci-après.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Comme déjà susmentionné, il paraît indéniable que des motifs de convenance personnelle ou économiques sous-tendent votre demande de protection internationale. Ce constat se trouve davantage confirmé par le fait que vous n’auriez songé à rechercher une protection internationale en Europe qu’après que vous auriez eu des « problèmes » avec le ministère libyen qui, vers 2020, aurait cessé le financement de vos études à l’étranger, ainsi qu’avec votre école en Grèce qui vous aurait demandé une grande somme d’argent après que vous n’auriez pas réussi à passer les cours dans un délai de trois ans et que vous auriez été prié de quitter votre foyer pour étudiants. Votre père vous aurait par la suite proposé de financer vos études et vous auriez recherché un autre pays européen proposant des études en aviation pas chères ; recherche qui vous aurait alors amené en Allemagne. Or, étant donné que 11votre père n’aurait pas réussi à vous transférer de l’argent, que vous n’auriez pas pu retourner en Grèce à cause du Covid-19 et que votre titre de séjour grec aurait expiré, vous avez pris le choix de venir introduire une demande de protection internationale au Luxembourg, après que votre père vous aurait conseillé de vous rendre aux Pays-Bas pour y attendre et voir comment les choses évolueraient.

Or, le fait d’introduire une demande de protection internationale parce que votre titre de séjour grec aurait expiré, que vous n’auriez plus disposé d’argent pour financer des études en aviation ou que vous n’auriez, en 2020, plus réussi à retourner vivre en Grèce à cause du Covid-19, ne constituent évidemment pas des motifs pertinents dans le cadre d’une telle demande, mais une telle démarche s’apparente évidemment à un recours abusif à la procédure d’asile prévue en Europe.

Quoi qu’il en soit, des motifs économiques et de convenance personnelle ne sauraient en tout cas pas justifier l’octroi du statut de réfugié alors qu’ils ne rentrent aucunement dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée à cause de sa race, sa nationalité, sa religion, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social.

Quant à vos prétendues craintes de devenir la cible d’une « tentative de meurtre » en Libye de la part des milices Al-Nasr et de la « Première équipe de soutien » (p. 16 du rapport d’entretien) et de votre prétendue impossibilité de retourner en Libye depuis que la « guerre » y aurait éclaté, il y a en premier lieu de rappeler que vous êtes volontairement retourné en Libye à maintes reprises bien qu’il y aurait eu la « guerre », de sorte que ce motif de fuite est à réfuter alors que vous-même ne l’avez jamais pris au sérieux et que vous avez à chaque fois pu entrer en Libye et en repartir de manière officielle et sans problèmes. Il est d’autant plus établi que la « guerre » ne vous aurait pas empêché de retourner vivre en Libye alors que vous confirmez que toute votre famille continuerait apparemment à y vivre et à y travailler sans problème apparent à …. A toutes fins utiles, on peut encore ajouter que le fait de motiver une demande de protection internationale par la seule « guerre », ne se trouve nullement lié à l’un des cinq critères précités.

Pour ce qui est des de vos prétendues craintes envers la milice Al-Nasr, elle-même dirigée par des personnes faisant partie de votre propre clan, comme susmentionné, il ne fait aucun sens que vous soyez menacé par cette brigade pour avoir vers 2011-2012, aidé à surveiller ou arrêter des « pro-Kadhafi », une mission qui aurait justement été accomplie par cette milice dans votre ville d’… après la chute de l’ancien régime. Vous n’avez d’ailleurs vous-

même jamais été personnellement menacé par des membres de cette milice et vous auriez uniquement entendu dire que des miliciens seraient à votre recherche. A cela s’ajoute que vous auriez entre 2015 et 2019 pu vivre pendant des années en Libye sans être inquiété par qui que ce soit et voyager aussi bien en Tunisie, qu’entreprendre des départs officiels et des retours officiels. A part le fait qu’à travers ces retours volontaires, vous n’auriez donc à nouveau pas pris vous-même au sérieux les prétendues menaces qui pèseraient sur vous en Libye tout en ne recherchant à aucun moment une protection en Europe jusqu’à votre arrivée au Luxembourg en 2020, il doit en être déduit qu’il n’est aucunement établi que vous vous trouveriez dans le collimateur de milices et encore moins de la brigade Al-Nasr. Il s’agit à nouveau de rappeler que ce dernier constat vaut d’autant plus au vu du maintien à … de tous les autres membres de votre famille, faisant partie du même clan que les dirigeants de ladite brigade.

Par conséquent, si vraiment quelqu’un avait tiré sur votre voiture en 2019, un fait qui n’est nullement établi au vu des doutes évidents qui sont à formuler par rapport à la sincérité 12générale de vos dires ainsi que des conclusions tirées ci-dessus quant aux pièces versées, il faudrait conclure que des personnes totalement inconnues auraient tiré sur votre voiture pour des raisons totalement inconnues, voire, des raisons que vous ne voulez pas partager avec les autorités luxembourgeoises, étant donné qu’il ne fait aucun sens que vous auriez été, tel que vous le prétendez, visé par lesdits miliciens d’Al-Nasr pour les raisons avancées.

Or, le fait que lors de votre dernier retour volontaire en Libye pour y passer le ramadan, des personnes inconnues auraient pour des motifs inconnus une fois tiré sur votre voiture après que vous auriez vécu sans problème apparent dans ce pays depuis 2012 jusqu’en 2014, puis de 2015 à 2017, ainsi qu’en 2018, ne saurait manifestement pas suffire pour conclure que vous seriez persécuté ou à risque d’être persécuté dans votre pays d’origine à cause de votre race, votre nationalité, votre confession, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social. A toutes fins utiles on peut encore ajouter que si vraiment, des membres d’une milice active à … vous auraient dans leur collimateur, il vous aurait évidemment été possible de déménager à l’intérieur de votre pays vers une région où cette milice ne serait plus présente, tel que vous l’auriez déjà fait en 2015, lorsque un déménagement vers une propriété de votre tante située à une heure de route d’…, vous a permis de vivre sans problème apparent et sans être impliqué dans un quelconque incident jusqu’à votre départ de 2017, tout comme vous l’auriez fait suite à votre retour en 2018, en vous installant dans la propriété appartenant à une autre tante et en n’y rencontrant à nouveau pas de problèmes.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Outre les conclusions quant aux doutes relatifs à la crédibilité de vos déclarations, il y a encore lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que courriez, en cas de retour 13dans votre pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.

En effet, au vu des conclusions tirées ci-dessus quant à la réelle gravité de votre situation en Libye, de vos multiples retours volontaires dans le pays et de vos séjours dans votre pays d’origine depuis 2015 sans y rencontrer de problèmes avec une quelconque milice jusqu’à ce prétendu incident unique de 2019, lorsque des inconnus auraient tiré sur votre voiture, il ne saurait être conclu qu’en cas de retour vers la Libye, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Pour ce qui est de la situation générale dans laquelle se trouve la Libye, s’il est vrai que la situation sécuritaire y reste précaire, vous ne risquez cependant pas de subir des menaces et atteintes graves contre votre vie en raison de violences aveugles dans le contexte d’un conflit armé, tel que défini à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015. En effet, aucun élément de votre dossier administratif ne permet de déduire que votre seule présence sur le sol libyen vous exposerait de manière probable à des menaces personnelles graves. Le seul fait d’être originaire de la Libye et plus particulièrement d’… n’est pas un élément justifiant à lui seul et automatiquement l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire. Dans ce contexte, force est d’ailleurs de soulever que vous-même n’avancez pas la moindre crainte d’être victime d’une telle atteinte grave et qui serait liée à la situation générale en Libye. En effet, vous vous limitez à expliquer que la « guerre » vous aurait empêché de retourner chez vous, un constat qui a donc été contredit par votre propre vécu et par vos retours officiels en Libye. Ce dernier constat vaut d’autant plus que vous confirmez que toute votre famille proche continuerait à vivre en Libye sans faire état d’un problème quelconque dans ce contexte.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Libye, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 2 mai 2022 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par un jugement du 22 novembre 2023, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme en ses deux volets, au fond, le déclara non justifié et en débouta le demandeur, tout en le condamnant aux frais de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 22 décembre 2023, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l’appui de son appel et en fait, l’appelant affirme qu’à partir de 2015 lui et sa famille auraient été menacés par une milice libyenne et que la même année son frère aurait été enlevé 14également par une milice. De plus, en 2019, l’appelant aurait été victime d’une tentative de meurtre. Ce serait dans ces circonstances qu’il aurait décidé de quitter son pays d’origine.

En droit, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir confirmé l’analyse du ministre et retenu que son récit ne serait pas crédible. Il affirme à ce titre qu’il n’y aurait pas de contradiction dans la description de ses tâches dans le cadre de son travail à la prison tel qu’il serait affirmé par le ministre. D’après lui, il y aurait lieu de tenir compte du fait qu’il aurait fait des déclarations, d’une part, lors de son entretien avec la police judiciaire, qui n’aurait duré que quelques minutes, et, d’autre part, un entretien plus long et fourni avec la direction de l’immigration et lors duquel il aurait détaillé son récit. Il n’aurait fait que développer devant l’agent de la direction de l’immigration ce qu’il aurait déjà indiqué à la police judiciaire.

L’appelant affirme que les conclusions des premiers juges, d’après lesquelles les contradictions dans la description de ses tâches au travail au sein de la prison seraient de nature à jeter un doute considérable sur la crédibilité de son récit, seraient à écarter.

Toutefois, dans le cas où la Cour déciderait de retenir la remise en cause de la crédibilité de son récit, il demande que le bénéfice du doute lui soit accordé.

Ensuite, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir mis en cause ses affirmations concernant ses attributions professionnelles au sein de la prison, alors qu’aucune preuve n’aurait été versée par la partie étatique et que dès lors, cette remise en cause se baserait uniquement sur les impressions qui ne s’appuieraient que sur le système pénitentiaire/policier luxembourgeois.

En outre, l’appelant affirme qu’il aurait travaillé de manière bénévole, de sorte que ses attributions auraient varié en fonction des besoins de la prison dans laquelle il aurait travaillé.

Quant à la remise en cause par les premiers juges de son récit concernant la prison dans laquelle il aurait travaillé, il affirme que la partie étatique aurait fait erreur sur la prison en question, alors qu’il y aurait différentes prisons dans cette ville.

L’appelant conclut ainsi à la réformation du jugement entrepris et au renvoi devant le tribunal administratif en prosécution de cause en vue de l’examen du bien-fondé de sa demande de protection internationale. En revanche, si la Cour décidait de ne pas renvoyer l’affaire devant les premiers juges et d’évoquer l’affaire au fond, l’appelant reprend l’ensemble de ses arguments développés en première instance comme suit.

Il insiste sur le fait qu’en 2019, il aurait fait l’objet d’une tentative de meurtre de la part de la milice « Al-Nasr » ou de la milice « Première équipe de soutien », dont il estime qu’elle serait directement ou indirectement liée au fait qu’en 2011, respectivement en 2012, il aurait fait partie, en qualité de bénévole, de la « brigade des martyrs … », chargée à l’époque « (…) pour l’arrestation et rendre la justice (…) », l’appelant soulignant que les citoyens libyens ciblés par l’une des multiples milices, qui seraient omnipotentes dans son pays d’origine, constitueraient un groupe social, dont les membres pourraient craindre avec raison d’être persécutés.

Par ailleurs, l’appelant fait valoir, en substance, que les agissements dont il craint de faire l’objet de la part de milices libyennes seraient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015. A cet égard, il souligne qu’en Libye, les milices seraient devenues tellement puissantes qu’elles ne respecteraient plus aucun droit et qu’elles commettraient des actes barbares de persécution en toute impunité. Dans ce contexte, il insiste 15sur le fait que la plainte qu’il aurait déposée à la suite de la tentative d’assassinat dont il aurait fait l’objet n’aurait connu aucune suite.

L’appelant fait ensuite plaider que les auteurs des actes dont il craint de faire l’objet en Libye, à savoir les nombreuses milices qui y existeraient, seraient des acteurs de persécution au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, étant donné que dans son pays d’origine, il ne pourrait bénéficier d’aucune protection étatique adéquate contre de tels actes. Dans ce contexte, il explique que le « Gouvernement d’union nationale », qui serait seul reconnu par les Nations Unies et qui serait impliqué dans la guerre régnant en Libye, dans la mesure où il serait opposé de manière continue à des gouvernements rivaux, en l’occurrence le « gouvernement de la Chambre des représentants » et le « gouvernement du Congrès général national », n’arriverait pas à protéger la population libyenne contre les actes barbares commis par ces gouvernements rivaux.

En conclusion, il soutient qu’il prétendrait à juste titre à l’octroi du statut de réfugié.

A l’appui de sa demande de protection subsidiaire, l’appelant invoque, en substance, les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Il insiste sur le fait qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il courrait un risque réel de subir des atteintes graves en raison de la violence aveugle issue du conflit armé y régnant depuis des années.

En se prévalant de diverses sources internationales, il souligne, dans ce contexte, que la situation sécuritaire et humanitaire en Libye resterait très critique, voire se serait dégradée récemment, ainsi qu’en témoigneraient les combats armés ayant eu lieu en mai 2022 à Tripoli.

Il ajoute que le conflit armé régnant en Libye ne connaîtrait pas de limite et il en veut pour preuve le fait que le groupe armé « Wagner » aurait récemment posé des mines terrestres près de Tripoli.

En conclusion, il soutient qu’il devrait se voir attribuer le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’appelant sollicite la réformation de l’ordre de quitter le territoire, principalement comme suite de l’octroi d’un des statuts de protection internationale et subsidiairement en raison de sa contrariété à l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 concernant la libre circulation des personnes et l’immigration au motif que son retour en Lybie l’exposerait à des menaces graves et individuelles pour sa personne.

La partie étatique, pour sa part, demande la confirmation du jugement entrepris et affirme qu’aucun élément nouveau ou supplémentaire susceptible d’infirmer le jugement ou la décision ministérielle n’aurait été apporté par l’appelant.

Le délégué du gouvernement insiste sur le fait que le récit de l’appelant ne serait manifestement pas crédible et qu’il n’aurait apporté aucun élément afin d’expliquer toutes les contradictions et invraisemblances relevées par le ministre et les premiers juges.

Ainsi, selon la partie étatique, l’argument de l’appelant d’après lequel il aurait donné une version différente de ses tâches dans le cadre de son travail à la prison lors de l’entretien avec la police judiciaire, d’une part, et la direction de l’immigration, d’autre part, ne serait pas convainquant. En effet, d’après le délégué du gouvernement, rien ne pourrait expliquer 16pourquoi il aurait affirmé dans un premier temps avoir effectué des tâches purement administratives puis dans un deuxième temps avoir participé à des arrestations de personnes. Si sa tâche avait effectivement consisté dans l’arrestation des personnes, il l’aurait affirmé dès son audition avec la police judiciaire et ne se serait pas limité à affirmer qu’il aurait effectué de simples tâches administratives. Le délégué du gouvernement conclut que ce serait à bon droit que les premiers juges ont conclu que sur ce point l’appelant aurait fourni deux versions diamétralement opposées.

Ensuite, la partie étatique critique l’attestation d’un commandant de l’Escadron central d’Al-Zawiya versée par l’appelant en affirmant qu’aucune crédibilité ne pourrait lui être accordée alors que son authenticité n’aurait pas pu être confirmée par l’Unité de police à l’aéroport. Néanmoins, le délégué du gouvernement ajoute que si la Cour souhaiterait en tenir compte, ce document ne saurait rendre crédible le travail de l’appelant puisqu’il ne contiendrait aucune description notamment du fait que l’appelant aurait été habilité à participer aux arrestations.

Le délégué du gouvernement affirme que l’appelant n’aurait versé aucune preuve qu’il aurait effectivement travaillé dans une prison et que les premiers juges auraient correctement retenu le défaut de crédibilité de sa déclaration qu’il aurait participé à l’arrestation de personnes recherchées sur base d’un mandat d’arrêt, alors que de telles fonctions rentrent dans les attributions d’un policier et non pas dans celles d’un membre du personnel d’une prison.

En outre, la partie étatique affirme que dans la mesure où la crédibilité générale du récit de l’appelant serait remise en cause, le bénéfice du doute ne saurait lui être octroyé.

Comme rappelé à juste titre par les premiers juges, il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de ladite loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que l’appelant ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par 17leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute encore que dans le cadre du recours en réformation dans lequel elle est amenée à statuer sur l’ensemble des faits lui dévolus, la Cour administrative doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection internationale en ne se limitant pas à la pertinence des faits allégués, mais elle se doit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé d’une demande de protection subsidiaire, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Il convient encore de rappeler que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout pour la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

La Cour fait sienne l’analyse des premiers juges en ce qu’ils ont retenu qu’un demandeur de protection internationale doit bénéficier, dans ses déclarations, du doute en application de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, si et à condition que son récit puisse être généralement considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible.

La Cour arrive à la conclusion que les premiers juges ont apprécié les faits, relatés par l’appelant, à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

Ainsi la Cour fait siennes l’ensemble de l’analyse effectuée par les premiers juges et les conclusions qu’ils ont tiré des contradictions qui émaillent le récit de l’appelant notamment en ce qui concerne les versions complètement différentes des tâches qui lui auraient été confiées dans le cadre de son travail au sein de la prison …. Or, au-delà de son argument relatif à l’existence de plusieurs prisons dans sa ville d’origine, l’appelant n’a pas réussi à donner des explications convaincantes, ni à rapporter une preuve quelconque pour mettre en échec cette remise en cause de la crédibilité de son récit.

Ensuite, et au-delà de toutes les contradictions et invraisemblances présentes dans le récit de l’appelant, son comportement même prouve qu’aucune crédibilité ne saurait être accordée à son récit puisque ce comportement est incompatible avec celui d’une personne se sentant réellement persécutée. En effet, l’appelant affirme avoir été dans le viseur des milices depuis 2014, mais cela ne l’a pas empêché de faire ses études dans les différents pays de l’Europe jusqu’en 2020 en obtenant différents visas et même un financement de ses études par l’Etat libyen. L’appelant est, de ses propres aveux, retourné à plusieurs reprises en Libye pour des périodes plus ou moins prolongées et a toujours pu repartir en Europe sans aucune encombre. Il a vécu respectivement au Royaume-Uni et en Grèce, a depuis son dernier voyage en Lybie visité un certain nombre d’autres pays d’Europe et c’est de manière parfaitement fortuite qu’il est venu déposer sa demande de protection internationale au Luxembourg. Il n’y a aucune explication plausible de son comportement et pourquoi il n’a jamais déposé de demande de protection internationale dans un des ces pays et d’ailleurs, tel qu’il l’explique, 18« En mars 2020, vous auriez donc pris un avion pour Berlin pour y visiter un ami, avant de prendre un autre avion pour Stuttgart, où se trouverait une école réputée pour pilotes. Or, à ce moment, à cause de la pandémie du Covid-19, vous n’auriez pas eu le droit de quitter votre hôtel. (…) Vous auriez alors pris un train pour venir au Luxembourg et y introduire une demande de protection internationale. Vous auriez pris cette décision parce que votre père n’aurait pas réussi à vous envoyer de l’argent depuis la Libye, de sorte que vous n’auriez pas voulu vous retrouver en situation irrégulière. Vous auriez fait le choix du Luxembourg parce que vous auriez lu que ce pays ne se tiendrait pas forcément au règlement Dublin II, contrairement aux autres pays européens qui vous aurait tansféré vers la Grèce ». Il ressort clairement du récit de l’appelant qu’il a déposé la demande de protection internationale au Luxembourg pour simplement pallier à ses problèmes liés à l’expiration de son visa.

En conclusion, d’une part, le récit de l’appelant n’est pas crédible et, d’autre part, son comportement démontre qu’il a pu circuler librement entre l’Europe et la Libye pendant des années, de sorte que la conclusion s’impose qu’il a déposé sa demande de protection internationale pour des raison de confort personnel.

Quant à la situation générale prévalant actuellement en Libye, la Cour est amenée à constater que si les éléments d’information produits par l’appelant font certes état d’une situation sécuritaire préoccupante dans ce pays, il n’en reste pas moins qu’il ne suffit pas d’invoquer des rapports faisant état, de manière générale, de graves violations des droits de l’homme dans un pays, pour établir que tout ressortissant de ce pays a une crainte fondée de persécutions. Il incombe en revanche aux demandeurs de protection internationale de démontrer in concreto qu’ils peuvent personnellement se prévaloir d’une crainte fondée de persécutions, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La Cour rejoint donc les premiers juges en leur conclusion que l’appelant n’a pas fait état de façon crédible et n’a pas établi des éléments suffisants permettant de retenir qu’il existe dans son chef une crainte fondée de persécutions dans son pays d’origine pour les motifs énumérés à l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015.

C’est donc à bon droit que le ministre lui a refusé le statut de réfugié et que les premiers juges ont confirmé cette décision.

Concernant la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, l’appelant n’invoque pas d’autres faits que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Il convient tout d’abord de rejoindre les premiers juges et de retenir qu’au vu de la conclusion ci-avant dégagée relativement au défaut de crédibilité du récit de l’appelant, il n’existe pas d’éléments susceptibles d’établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que l’appelant courrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir, à raison de ces mêmes faits, des atteintes graves au sens de l’article 48, point a), de la loi du 18 décembre 2015, l’intéressé omettant d’établir qu’il risquerait la peine de mort ou l’exécution en cas de retour en Libye.

S’agissant des atteintes graves visées à l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, il ne se dégage, au vu de la même conclusion, pas non plus à suffisance des éléments d’appréciation soumis à la Cour que l’appelant risqueraient d’être la cible des miliciens en cas de retour dans son pays d’origine.

19 Quant à la question de l’existence en Libye d’une situation de conflit armé interne au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, avec des menaces concrètes graves et individuelles contre la vie ou la personne des civils y vivant, il convient de rappeler que l’existence d’un conflit armé est une condition nécessaire à l’application de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, mais ne suffit pas pour octroyer ce statut de protection subsidiaire. Il faut en plus que la situation dans le pays en question corresponde à un contexte de violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international. En revanche, lorsque la violence prévalant dans le pays ou la région concernés n’atteint pas un niveau tel que tout civil courrait, du seul fait de sa présence, dans le pays ou la région en question, un risque réel de subir une telle menace, il appartient au demandeur de démontrer qu’il est affecté spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle.

Or, si les éléments d’information produits en cause mettent certes en exergue l’existence d’un conflit armé interne en Libye, il ne ressort pas des éléments d’appréciation soumis qu’il régnerait actuellement dans ce pays, et notamment dans la région de la ville de … dont l’appelant est originaire, une situation de violence aveugle d’un niveau tel que tout civil présent sur le territoire devrait du seul fait de sa présence être regardé comme personnellement soumis à des menaces graves contre sa vie ou sa personne.

Comme l’appelant n’a pas non plus rapporté la preuve qu’il est affecté spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, la Cour ne saurait déceler aucune indication de l’existence de sérieux motifs de croire qu’il serait exposé, en cas de retour en Libye à un risque réel d’y subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

Il suit de ce qui précède qu’à la suite des premiers juges, il y a également lieu de déclarer non fondée la demande de protection subsidiaire de l’appelant.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et que le jugement est à confirmer sous ce rapport.

L’appelant sollicite encore la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de la protection internationale, comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale.

Dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire – et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

En ce qui concerne le moyen invoqué en ordre subsidiaire fondé sur une violation du principe de non-refoulement inscrit à l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008, au regard de ce qui vient d’être retenu par rapport au sérieux des craintes de l’appelant en cas de retour dans son pays d’origine et à défaut d’autres éléments, la Cour n’entrevoit pas de risque pour l’appelant de subir en cas de retour dans son pays d’origine des actes contraires à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales auquel l’article 129, précité, renvoie.

20L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant, partant, confirme le jugement entrepris du 22 novembre 2023, donne acte à l’appelant qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour le 14 août 2024, en présence du greffier en chef de la Cour Anne-

Marie WILTZIUS.

. S. WILTZIUS S. SCHROEDER 21


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49855C
Date de la décision : 14/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-08-14;49855c ?

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