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17/10/2024 | LUXEMBOURG | N°143/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 17 octobre 2024, 143/24


N° 143 / 2024 pénal du 17.10.2024 Not. 9514/16/CD Numéro CAS-2023-00173 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix-sept octobre deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg, prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée Etude SADLER, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu,

représentée aux fins de la présente procédure par Maître Noémie SADL...

N° 143 / 2024 pénal du 17.10.2024 Not. 9514/16/CD Numéro CAS-2023-00173 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix-sept octobre deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg, prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée Etude SADLER, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Noémie SADLER, avocat à la Cour, en présence du Ministère public, et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), 2) PERSONNE3.), demeurant à L-ADRESSE2.), demanderesses au civil, défenderesses en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 25 octobre 2023 sous le numéro 64/23 Ch. Crim.

par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière criminelle ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil formé par Maître Noémie SADLER, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.) suivant déclaration du 24 novembre 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 20 décembre 2023 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.) tant en son nom personnel qu’en tant qu’administratrice légale des biens et de la personne de sa fille mineure C.A., née le DATE2.), devenue majeure le DATE3.), déposé le 22 décembre 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Nathalie HILGERT.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière criminelle et statuant par défaut à l’égard du demandeur en cassation, l’avait condamné du chef des infractions retenues à sa charge à une peine de réclusion et à indemniser les parties civiles.

La Cour d’appel, après avoir constaté que le demandeur en cassation s’était vu notifier à personne le 6 janvier 2023, dans les locaux du commissariat de la police de Hesperange, le jugement ainsi qu’une copie de « l’avis important contenant l’information sur les voies et les délais de recours » (ci-après « l’avis ») et relevé qu’il avait signé le procès-verbal de notification et accepté les documents lui soumis, a déclaré l’appel du demandeur en cassation irrecevable, au regard de l’article 203 du Code de procédure pénale, pour être tardif.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Pour violation de l’article 17 (4) de de la Constitution luxembourgeoise, de l’article 6 § 1 de la Convention Européenne des droits de l’homme et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne en ce que l’arrêt attaqué a déclaré l’appel interjeté par la partie demanderesse en cassation et par le Ministère public irrecevables pour tardiveté Aux motifs que PERSONNE1.) s’est vu notifier une copie du jugement par défaut LCRI 77/2022 du 8 décembre 2022 ainsi que copie de l’avis important contenant une information sur les voies et les délais de recours » et que le délai d’appel a dès lors commencé à courir à partir de la notification à personne précitée » Alors que :

Attendu qu’il résulte de l’article 17 (4) de la Constitution que tout personne doit être informée des moyens de recours légaux ;

L’article 6 de la Convention Européenne des droits de l’homme garantit le droit d’accès effectif à un tribunal ;

Aux termes de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne :

été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. » Aux termes d’un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme, F. c. Belgique, du 01.03.2011 n°11892/08, point 30 : De l'avis de la Cour, ce qui importe en matière d'accès à un tribunal, c'est non seulement que les règles concernant, entre autres, les possibilités des voies de recours et les délais soient posées avec clarté, mais qu'elles soient aussi portées à la connaissance des justiciables de la manière la plus explicite possible, afin que ceux-ci puissent en faire usage conformément à la loi. Il en est particulièrement ainsi lorsqu'une personne qui a été condamnée par défaut est détenue ou n'est pas représentée par un avocat lorsqu'elle reçoit notification d'un jugement de condamnation : elle doit pouvoir être immédiatement informée de manière fiable et officielle des possibilités de recours et des délais d'introduction. Il ne s'agit pas d'interpréter le droit ni de prodiguer des conseils que seul un avocat peut faire, mais d'indiquer le suivi qui peut être donné à un jugement.31. Or, une telle possibilité semble faire défaut en l'espèce : le jugement de condamnation du requérant ne comportait pas d'indication des formalités à respecter pour former opposition. A cet égard il importe peu, aux yeux de la Cour, que l'officier de police, qui lui a remis le jugement, ait effectivement tenu les propos que lui prête le requérant.

Que la Cour constitutionnelle belge, par un arrêt n°92/2022 rendu en date du 30 juin 2022, a retenu ce qui suit : L’indication de l’existence de voies de recours dans la signification d’une décision juridictionnelle constitue un élément essentiel du principe général de la bonne administration de la justice et du droit d’accès au juge.

Le droit à un procès équitable exige en effet non seulement que les possibilités et délais pour exercer des voies de recours soient posés avec clarté, mais aussi qu’ils soient portés à la connaissance du justiciable de la manière la plus explicite possible.

Il s’agit là de l’objet même d’une signification, qui est d’informer le justiciable. » (cf. pièce n°3 - Cour constitutionnelle belge, arrêt n°92/2022 rendu en date du 30 juin 2022) Il résulte de ce qui précède que l’absence d’indication des voies de recours dans le jugement constitue une violation de l’article 6 précité, que les voies de recours doivent être indiqués dans la signification et que le droit à un procès équitable exige que les voies de recours soient portés à la connaissance du justiciable de la manière la plus explicite possible ;

3 Le jugement par défaut LCRI 77/2022 du 8 décembre 2022 ne comportait pas d’indication des formalités à respecter pour former opposition respectivement pour relever appel, ce qui constitue une violation des articles 17(4) et 6 précités ;

La Cour d’appel, dans l’arrêt attaqué, de retenir lapidairement qu’il résulterait du procès-verbal de notification no 9/2023 du commissariat Hesperange (cf. pièce n°2) que le Monsieur PERSONNE1.) s’est vu notifier une copie du jugement par défaut susmentionné ainsi qu’une copie de l’avis important contenant une information sur les voies et les délais de recours ».

Le contenu de cet n’est pas avéré alors que cet ne fait pas partie du jugement, ni du procès-verbal de police et n’a pas été annexé au procès-verbal de police ;

Partant ni le jugement rendu par défaut, ni le procès-verbal de notification ne contiennent aucune indication des formalités précises à respecter pour former opposition, respectivement appel ;

L’ avis important » auquel se réfère la Cour n’a pas été signé par la partie demanderesse en cassation et n’a pas été annexé au procès-verbal de notification no 9/2023 de sorte qu’il ne saurait être retenu qu’une information fiable et officielle des possibilités de recours et des délais d’introduction des recours au profit de la partie demanderesse aurait eu lieu en l’espèce ;

Il n’est partant ni établi que le sieur PERSONNE1.) fut informé, de manière claire et précise, des voies et modalités des recours, ni que les règles concernant les possibilités des voies de recours auraient été portées à la connaissance du sieur PERSONNE1.) , tel que requise par la jurisprudence européenne ;

La Cour d’appel ne se prononce même pas sur le fait de savoir si le sieur PERSONNE1.) a été valablement informé des voies de recours, mais se réfère uniquement à la signature portée sur le procès-verbal de notification no 9/2023 (procès-verbal qui ne contient pourtant aucune indication des formalités à respecter pour former opposition, respectivement appel) ;

Le procès-verbal précité ne se réfère uniquement à un qui indiquerait les voies de recours, avis qui ne fut pourtant pas annexé au procès-

verbal et qui n’a pas été signé par le sieur PERSONNE1.) ;

En retenant que le délai d’appel aurait commencé à courir à partir de la notification à personne, alors qu’il ne résulte pas du procès-verbal de notification n°9/20223 que le sieur PERSONNE1.) aurait été informé de manière fiable et officielle et de la manière la plus explicite possible, des possibilités et voies de recours, la Cour d’appel a violé l’article 17 (4) de la Constitution ainsi que l’article 6 de la Convention Européenne des droits de l’homme et l’article 47 de a Charte susmentionnés et que l’arrêt n°64/23 encourt la cassation sur ce point ;

4 Subsidiairement, il y a lieu de poser la question préjudicielle suivant à la Cour de Justice de l’Union Européenne : L’article 8 paragraphe 4 de la directive 2016/343, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit-il être interprété en ce sens que les États membres sont tenus, en cas de notification du jugement par défaut, à peine de nullité, de mentionner les voies de recours, le délai dans lequel cette voie de recours ou ces voies de recours doivent être introduites, ainsi que la juridiction compétente pour en connaître ? » ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu que la notification à sa personne du jugement rendu par défaut à son égard ainsi que de l’avis avait fait courir le délai d’appel, estimant qu’en statuant ainsi ils auraient limité son droit d’accès au juge et violé les dispositions visées au moyen.

L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne présuppose la mise en œuvre du droit de l’Union européenne. Les poursuites pénales dirigées contre le demandeur en cassation n’appelaient pas la mise en œuvre du droit de l’Union européenne.

Le moyen, en ce qu’il est tiré de ce texte qui est étranger au litige, est irrecevable.

L’article 17, paragraphe 4, alinéa 2, de la Constitution garantit en droit interne le principe du droit d’accès au juge consacré par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention »).

Le droit d’accès au juge n’est pas absolu. Les Etats peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et à en fixer les conditions d’exercice.

Ce droit requiert que le justiciable ayant fait l’objet d’une condamnation pénale par un jugement rendu par défaut à son égard, soit informé de façon claire et précise des voies de recours dont il dispose ainsi que des délais endéans lesquels le recours doit être introduit, ce indépendamment du document servant de support à l’information dont le justiciable doit ainsi bénéficier. Le seul critère pertinent à prendre en considération consiste à déterminer si une information claire et précise sur les voies de recours et leurs délais a été portée à la connaissance du justiciable.

Les juges d’appel, après avoir rappelé les principes régissant le délai et le point de départ de l’appel, ont valablement pu retenir sans violer les dispositions visées au moyen « Le délai d’appel contre un jugement par défaut ne commence valablement à courir qu’à condition que le prévenu condamné ait été informé de façon claire et précise des délais et voies de recours contre ledit jugement.

(…) En ce qui concerne la notification à personne du 6 janvier 2023, il résulte du procès-verbal de notification no 9/2023 du commissariat Hesperange (C2R) du 6 janvier 2023, qu’à la date du procès-verbal, PERSONNE1.) s’est vu notifier une copie du jugement par défaut LCRI 77/2022 du 8 décembre 2022 ainsi que copie de l’avis important contenant une information sur les voies et les délais de recours.

PERSONNE1.) a d’ailleurs accepté ces documents tel que cela résulte de sa signature portée sur ledit procès-verbal.

Le délai d’appel a dès lors commencé à courir à partir de la notification à personne précitée, de sorte que l’appel relevé par PERSONNE1.) en date du 26 avril 2023 est irrecevable pour être tardif. ».

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Le demandeur en cassation entend, en ordre subsidiaire, voir saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après « la CJUE ») de la question préjudicielle reprise au moyen.

La question préjudicielle n’est pas nécessaire pour répondre au moyen.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de la poser.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pour violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 15 et de l’article 17 (4) de la Constitution luxembourgeoise ;

En ce que l’arrêt attaqué :

- a déclaré l’appel relevé par PERSONNE1.) en date du 26 avril 2023 et l’appel du Ministère Public du 28 avril 2023 irrecevables pour être tardifs Aux motifs que :

à personne précitée, de sorte que l’appel relevé par PERSONNE1.) en date du 26 avril 2023 est irrecevable pour être tardif. Par voie de conséquence, l’appel incident du ministère public relevé par acte déposé le 28 avril 2023 est également à déclarer irrecevable. » Alors que :

Aux termes de l’article 10 de la Constitution :

Luxembourgeois sont égaux devant la loi. La loi peut prévoir une différence de traitement qui procède d’une disparité objective et qui est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but. » 6 Aux termes de l’article 387 al. 2 du Code de procédure pénale : (2) Si le destinataire de l'acte l'accepte, l'huissier de justice ou l'agent de la force publique le constatent respectivement dans l'exploit et dans un procès-verbal. Dans ce cas, la citation, la signification ou la notification sont réputées faites le jour de la remise de l'acte. » Aux termes de l’article 203 al. 3 du Code de procédure pénale, le délai d’appel courra à l'égard du prévenu et de la partie civilement responsable à partir du prononcé du jugement, s'il est contradictoire, et à partir de sa signification ou de sa notification à personne, à domicile, au domicile élu, à résidence ou au lieu de travail, s’il est réputé contradictoire ou rendu par défaut. » Aux termes de l’article 399 du Code de procédure pénale :

a) L'ordonnance indique, outre les condamnations qu'elle porte, les circonstances constitutives de l'infraction et les dispositions légales qu'elle applique.

b) Elle mentionne le délai et la forme dans lesquels elle est susceptible d'opposition ainsi que la juridiction devant laquelle l'opposition doit être portée.

c) Elle mentionne également le délai et la forme dans lesquels elle est susceptible d'appel ainsi que la juridiction devant laquelle l'appel doit être porté.

d) Elle reproduit le texte des alinéas 1er et 3 de l'article 216-8. » Il résulte de ce qui précède que la loi prévoit à ce qu’une ordonnance pénale, qui est assimilée à un jugement par défaut, doit indiquer le délai et la forme de l’opposition respectivement de l’appel, ainsi que la juridiction compétente pour former opposition sinon interjeter appel (cf. pièce n°4 -ordonnance pénale) ;

Or aucun des articles ayant trait à la notification respectivement la signification des jugements par défaut ne prévoit que le jugement doit mentionner les voies de recours, le délai dans lequel ce ou ces recours doivent être introduits ainsi que la juridiction compétente pour en connaître ;

S’y ajoute qu’aucun des articles ne prévoit à ce que la signification ou la notification du jugement rendu par défaut ne mentionne les voies de recours ;

Il échet de se référer une nouvel fois à l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle belge, arrêt n°92/2022 du 30.06.2022, qui a retenu qu’ Le justiciable condamné par jugement rendu par défaut par une chambre correctionnelle ou criminelle est donc défavorisé par rapport à celui condamné par 7 ordonnance pénale, alors que les voies de recours ne sont pas indiquées dans le jugement rendu, ni dans l’acte de signification, respectivement de notification ;

L’inégalité de traitement par devant la loi est dès lors flagrante ;

Il y a dès lors lieu de retenir que l’article 387 du Code de procédure pénale lu seul ou en combinaison avec l’article 203 du Code de procédure pénale, viole l’article 15 et l’article 17 (4) de la Constitution luxembourgeoise, en ce qu’il ne prévoit pas que le jugement par défaut doit mentionner les voies de recours, le délai dans lequel cette voie de recours ou ces voies de recours doivent être introduites, ainsi que la juridiction compétente pour en connaître.

Partant, principalement la Cour d’appel, en ne sanctionnant pas cette différenciation de deux situations comparables, a violé les articles 15 et 17(4) de la Constitution ;

Subsidiairement, il y a lieu de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour constitutionnelle :

Le cas échéant, existe-t-il une différence de traitement contraire à l’article 10 de la Constitution entre, d’une part, le justiciable qui se voit notifier une ordonnance pénale et qui, par application de l’article 399 du Code de procédure pénale, reçoit une notification mentionnant le délai et la forme dans lesquels elle est susceptible d'opposition ainsi que la juridiction devant laquelle l'opposition doit être portée tout comme le délai et la forme dans lesquels elle est susceptible d'appel ainsi que la juridiction devant laquelle l'appel doit être porté. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir violé les dispositions visées au moyen pour avoir opéré une différenciation de traitement entre le justiciable faisant l’objet d’un jugement rendu par défaut et celui faisant l’objet d’une ordonnance pénale, alors que dans ce dernier cas l’ordonnance doit, en application de l’article 399 du Code de procédure pénale, indiquer les voies de recours et leurs délais respectifs tandis que pour les jugements rendus par défaut une telle obligation n’est pas prévue par les dispositions du même code.

Les juges d’appel ont été saisis de l’appel interjeté par le demandeur en cassation contre un jugement rendu par défaut. Ils ont vérifié sur base des éléments de fait leur soumis si celui-ci avait été informé des voies de recours ainsi que de leurs délais. Ils ont valablement pu retenir sur base de ces mêmes éléments et sans opérer de différenciation de traitement ni violer les dispositions visées au moyen, qu’étant donné que le demandeur en cassation s’était vu notifier, en personne, le jugementrendu par défaut ainsi que l’avis, cette notification avait fait courir le délai d’appel.

Ils en ont valablement déduit que l’appel interjeté par le demandeur en cassation à l’expiration du délai prévu à l’article 203 du Code de procédure pénale était tardif et encourait l’irrecevabilité.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Le demandeur en cassation entend, en ordre subsidiaire, voir soumettre à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles reprises au moyen.

Les questions préjudicielles ne sont pas utiles pour répondre au moyen.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de les poser.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pour violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 6 de la Loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle lequel dispose :

Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

a) u ne décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ;

b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement;

c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet. » en ce que la Cour d’appel n’a ni fait droit à la demande en saisine de la Cour constitutionnelle ;

Aux motifs qu’ il résulte de ce qui précède que les questions préjudicielles, qui ne tendent qu’à établir que les délais de recours contre des décisions de justice ne commencent à courir effectivement qu’à compter de la notification sinon de la signification de la décision ainsi que de l’information quant aux délais et voies de recours contre celles-ci, ne sont pas utiles à la solution du litige. » Alors que :

9 Attendu qu’il résulte des conclusions écrites déposées par devant la Cour d’appel en date du 18 septembre 2023 (pièce n°5 - Conclusions écrites) que la question préjudicielle à poser à la Cour constitutionnelle se lit comme suit :

1. L’article 387 lu seul ou en combinaison avec l’article 203 du Code de procédure pénale, viole-t-il l’article 15 et l’article 17 (4) de la Constitution luxembourgeoise, lu en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec les principes généraux de l’accès au juge, en ce qu’il ne prévoit pas que la notification du jugement par défaut doit, à peine de nullité, mentionner les voies de recours, le délai dans lequel cette voie de recours ou ces voies de recours doivent être introduites, ainsi que la juridiction compétente pour en connaître ? 2. Le cas échéant, existe-t-il une différence de traitement contraire à l’article 10 de la Constitution entre, d’une part, le justiciable qui se voit notifier une ordonnance pénale et qui, par application de l’article 399 du Code de procédure pénale, reçoit une notification mentionnant le délai et la forme dans lesquels elle est susceptible d'opposition ainsi que la juridiction devant laquelle l'opposition doit être portée tout comme le délai et la forme dans lesquels elle est susceptible d'appel ainsi que la juridiction devant laquelle l'appel doit être porté. » Que l’article 6 de loi du 27 juillet 1997 précitée limite les cas de dispense de saisine de la Cour constitutionnelle aux cas limitativement énumérés par la loi ;

Que la question préjudicielle à poser tient justement à éclaircir un point charnier de la présente affaire, à savoir si un jugement doit mentionner les voies et modalités de recours, à l’instar des ordonnances pénales et des jugements civils ;

Que la réponse à cette question est entièrement pertinente dans le cadre de la présente affaire, alors que si Cour constitutionnelle retient que la prédite disposition viole la Constitution, l’appel relevé par la partie demanderesse en cassation serait recevable ;

Que la réponse à la prédite question préjudicielle est d’autant plus pertinente au vu de l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle belge n°92/2022 précité ;

Que la question préjudicielle est donc d’autant plus pertinente alors que la Cour constitutionnelle belge a déclaré des articles de loi similaires à ceux en vigueur au Luxembourg inconstitutionnels ;

Que la Cour d’appel, en retenant que la réponse ne serait pas utile à la solution du litige, a violé l’article 6 de Loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle précité. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir saisi la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles formulées devant eux.

10 Au vu de la réponse donnée au deuxième moyen, les juges d’appel ont pu retenir, sans violer la disposition légale visée au moyen, que les questions préjudicielles dont la teneur est identique à celles formulées dans le cadre du deuxième moyen n’étaient pas utiles pour la solution du litige.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pour violation, sinon fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, En ce que la Cour d’appel n’a ni fait droit à la demande en saisine de la Cour de Justice de l’Union Européenne ;

Au motif qu’ il résulte de ce qui précède que les questions préjudicielles, qui ne tendent qu’à établir que les délais de recours contre des décisions de justice ne commencent à courir effectivement qu’à compter de la notification sinon de la signification de la décision ainsi que de l’information quant aux délais et voies de recours contre celles-ci, ne sont pas utiles à la solution du litige. » Alors que :

Aux termes de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne : La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a) sur l’interprétation des traités, b) sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union.

Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais.

Attendu qu’il résulte des conclusions écrites déposées par devant la Cour d’appel en date du 18 septembre 2023 (pièce n°5 : Conclusions écrites) que la 11 question préjudicielle à poser à la Cour de Justice de l’Union européenne se lit 0comme suit :

L’article 8 paragraphe 4 de la directive 2016/343, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit-il être interprété en ce sens que les États membres sont tenus, en cas de notification du jugement par défaut, à peine de nullité, de mentionner les voies de recours, le délai dans lequel cette voie de recours ou ces voies de recours doivent être introduites, ainsi que la juridiction compétente pour en connaître ? Que la Cour d’appel d’évacuer la question préjudicielle en statuant en une seule et unique phrase sur deux questions préjudicielles formulées de manière différentes et à poser par devant deux institutions judiciaires différentes ;

Que la question préjudicielle précitée à poser tient justement à éclaircir un point charnier de la présente affaire, à savoir si un jugement par défaut doit mentionner les voies et modalités de recours, à l’instar des ordonnances pénales et des jugements civils ;

Que la réponse à cette question est entièrement pertinente dans le cadre de la présente affaire, alors que si Cour de Justice retient que la prédite disposition n’est pas conforme au droit de l’Union européenne, l’appel relevé par la partie demanderesse en cassation du jugement par défaut numéro LCRI 77/2022 serait recevable ;

Que partant la Cour d’appel, en retenant lapidairement que la réponse ne serait pas utile à la solution du litige, sans analyse juridique aucune, a violé, sinon faussement appliqué, sinon faussement interprété l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir saisi la CJUE de la question préjudicielle formulée devant eux.

Au vu de la réponse donnée au premier moyen, les juges d’appel ont pu retenir, sans violer la disposition légale visée au moyen, que la question préjudicielle dont la teneur est identique à celle formulée dans le cadre du premier moyen, n’était pas utile pour la solution du litige.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

12 Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pour violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 6§1 de la Convention Européenne des droits de l’homme - en ce que l’arrêt attaqué n°64/23 n’a pas répondu aux conclusions écrites déposées par le mandataire du requérant en date du 18 septembre 2023 Aux motifs que préjudicielles, qui ne tendent qu’à établir que les délais des recours contre des décisions de justice ne commencent à courir effectivement qu’à compter de la notification sinon de la signification de la décision ainsi que de l’information quant aux délais et voies de recours contre celles-ci, ne sont pas utiles à la solution du litige. Il n’y a dès lors pas lieu d’y faire droit. » alors que :

Attendu que l’article 89 de la Constitution et l’article 6§ 1 de la Convention européenne des droits de l’homme imposent aux juridictions une obligation de motivation ;

Le mandataire du requérant a déposé des conclusions écrites en date du 18 septembre 2023 ;

Dans le cadre des prédites conclusions, le requérant a notamment soulevé que Monsieur PERSONNE1.) ne fut pas valablement informé des possibilités et délais de recours lors de la notification à personne du jugement rendu par défaut en date du 8 décembre 2022 et ce au visa de l’article 6 de la Convention Européenne des droits de l’homme, de l’article 8 paragraphe 4 de la directive 2016/343, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte ;

La Cour de retenir lapidairement qu’il résulterait du procès-verbal de notification no 9/2023 du commissariat Hesperange, le Monsieur PERSONNE1.) s’est vu notifier une copie du jugement par défaut susmentionné ainsi que copie de « l’avis important contenant une information sur les voies et les délais de recours ».

Or la Cour n’a pas vérifié si l’avis fut annexé au procès-verbal et que partant si le sieur PERSONNE1.) fut informé, de manière claire et précise, des voies et modalités des recours, tel que soulevé par la mandataire du requérant ;

S’y ajoute que la Cour d’appel, dans le cadre de l’arrêt attaqué, n’a pas motivé son refus de faire doit aux questions préjudicielles à poser ;

Il est de jurisprudence constante que l’article 6§1 impose aux juridictions internes de motiver leurs décisions. Il en découle une obligation de motiver, au regard du droit applicable, les décisions par lesquelles les juridictions internes 13 refusent de poser préjudicielle à une juridiction, qu’elle soit nationale ou supranationale (Ullens de Schooten et Rezabek c. Belgique, 2011, §60) » (pièce n°6 CEDH - Thème clé – Article 6 (civil) L’obligation de motiver le refus de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne) En l’espèce, la Cour d’appel n’a nullement motivé son refus de poser les questions préjudicielles ;

Partant, en ne répondant pas aux conclusions déposées par le mandataire du requérant, la Cour d’appel a violé, sinon faussement appliqué, sinon faussement interprété l’article 89 de la Constitution et l’article 6§1 de la Convention Européenne des droits de l’homme. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir motivé leur décision par rapport à l’information sur les voies de recours à sa disposition ni par rapport aux questions préjudicielles soulevées devant eux.

A l’article 89 de la Constitution invoqué à l’appui du moyen, il y a lieu de substituer l’article 109 de la Constitution, dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2023, partant, au jour du prononcé de l’arrêt.

Une décision judiciaire est régulière en la forme dès lors qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Les juges d’appel, par rapport à la question de savoir si, au moment de la notification du jugement par défaut à sa personne, le demandeur en cassation s’était vu informer de façon suffisamment claire et précise des voies de recours se trouvant à sa disposition ainsi que de leurs délais, ont retenu « (…) il résulte du procès-verbal de notification no 9/2023 du commissariat Hesperange (C2R) du 6 janvier 2023, qu’à la date du procès-verbal, PERSONNE1.) s’est vu notifier une copie du jugement par défaut LCRI 77/2022 du 8 décembre 2022 ainsi que copie de l’avis important contenant une information sur les voies et les délais de recours. PERSONNE1.) a d’ailleurs accepté ces documents tel que cela résulte de sa signature portée sur ledit procès-verbal. ».

Les juges d’appel, par rapport aux différentes questions préjudicielles soulevées devant eux, ont relevé « Le délai d’appel contre un jugement par défaut ne commence valablement à courir qu’à condition que le prévenu condamné ait été informé de façon claire et précise des délais et voies de recours contre ledit jugement », pour en déduire « les questions préjudicielles, qui ne tendent qu’à établir que les délais des recours contre des décisions de justice ne commencent à courir effectivement qu’à compter de la notification sinon de la signification de la décision ainsi que de 14 l’information quant aux délais et voies de recours contre celles-ci, ne sont pas utiles à la solution du litige. Il n’y a dès lors pas lieu d’y faire droit. ».

Les juges d’appel ont, partant, motivé leur décision sur les points considérés.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux du Ministère public étant liquidés à 6,75 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix-sept octobre deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception des conseillers Marie-Laure MEYER et Carine FLAMMANG, qui se trouvaient dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Bob PIRON et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public N° CAS-2023-00173 du registre Par déclaration faite le 24 novembre 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Noémie SADLER, avocat à la Cour, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) (ci-après « PERSONNE1.) »), un recours en cassation contre un arrêt n° 64/23 Ch. Crim. rendu le 25 octobre 2023 par la Cour d’appel, chambre criminelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 22 décembre 2023 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Noémie SADLER et signifié préalablement aux parties civiles.

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt qui, en déclarant les appels relevés par PERSONNE1.) et le Ministère Public irrecevables, a statué de façon définitive sur l’action publique. Le pourvoi a, par ailleurs, été fait dans la forme et le délai de la loi.

Le mémoire en cassation, prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885, a également été déposé dans la forme et le délai y imposés.

Il en suit que le pourvoi est recevable.

Faits et rétroactes Par jugement n°77/2022 du 8 décembre 2022 rendu par défaut à l’égard de PERSONNE1.), le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en chambre criminelle, a retenu celui-ci dans les liens notamment des infractions d’attentat à la pudeur sur un enfant âgé de moins de onze ans, de menaces d’attentat, de coups portés à un enfant de moins de onze ans et de diffusion de films à caractère pornographique à un mineur. PERSONNE1.) a été condamné de ces chefs, au pénal, notamment à une peine de réclusion de onze ans et, au civil, à payer à PERSONNE2.) le montant de 5.000 euros et à payer à PERSONNE2.), en sa qualité d’administratrice légale des biens de la personne de sa fille mineure C.A., le montant de 10.000 euros.

Ce jugement par défaut a d’abord fait l’objet d’une notification à domicile le 21 décembre 2022 et ensuite d’une notification à personne en date du 6 janvier 2023 suivant procès-verbal de notification n° 9/2023 et rapport n° 1018-14/2023 par la Police.

Le mandataire de PERSONNE1.) a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg en date du 26 avril 2023. Cet appel a été suivi d’un appel du Ministère public le 28 avril 2023.

Ces appels ont été déclarés irrecevables pour être tardifs par arrêt de la Cour d’appel du 25 octobre 2023.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt du 25 octobre 2023.

Remarque préliminaire :

Tous les moyens de cassation sont axés autour de l’exigence d’informer une personne condamnée par défaut, d’une façon claire et précise, sur les délais et voies de recours contre cette décision. Cette obligation n’est pas légalement prévue en ce qui concerne les jugements rendus en matière correctionnelle ou criminelle. Comme elle se dégage de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « Convention »), soit d’une norme supranationale directement applicable, et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la jurisprudence luxembourgeoise exige, d’une façon constante, la preuve qu’une personne condamnée par défaut en matière pénale soit informée des délais et voies de recours, à défaut de quoi ces délais ne commencent pas à courir.

En l’espèce, et en application de ces principes fermement établis, la Cour d’appel a vérifié si une telle information a été valablement donnée au demandeur en cassation et elle a souverainement constaté que tel a été le cas.

Le fait que la législation luxembourgeoise ne prévoit pas expressément cette obligation d’information n’a partant pas concrètement affecté le demandeur en cassation qui a bénéficié de toutes les garanties procédurales imposées par les instruments internationaux.

Quant au premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 17, paragraphe 4, de la Constitution, de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que l’arrêt attaqué a déclaré les appels interjetés par le demandeur en cassation et par le Ministère Public irrecevables pour tardiveté, aux motifs que « PERSONNE1.) s’est vu notifier une copie du jugement par défaut LCRI 77/2022 du 8 décembre 2022 ainsi que copie de l’avis important contenant une 17 information sur les voies et les délais de recours » et que « le délai d’appel a dès lors commencé à courir à partir de la notification à personne précitée », alors que ni le jugement rendu par défaut, ni le procès-verbal de notification ne contiennent une indication des formalités précises à respecter pour former opposition, respectivement appel.

Le demandeur en cassation en conclut qu’en retenant que le délai d’appel a commencé à courir à partir de la notification à personne alors qu’il ne résulte pas du procès-verbal de notification n°9/2023 qu’il ait été informé, de manière fiable et officielle et de la manière la plus explicite possible, des possibilités et voies de recours, la Cour d’appel aurait violé les dispositions visées au moyen.

A titre subsidiaire, le demandeur en cassation demande à Votre Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne.

Dans le cadre du développement du moyen, le demandeur en cassation expose que l’absence d’indication des voies de recours dans le jugement constitue une violation de l’article 6 de la Convention, que les voies de recours doivent être indiquées dans la signification et que le droit à un procès équitable exige que l’information sur ces voies de recours soit portée à la connaissance du justiciable de la manière la plus explicite possible.

Aux termes de l’article 17, paragraphe 4, de la Constitution, « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

Toute personne doit être informée sans délai des raisons de son arrestation ou de la privation de sa liberté, des accusations portées contre elle et des moyens de recours légaux dont elle dispose pour recouvrer sa liberté ».

L’article 6, paragraphe 1er, de la Convention dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».

Aux termes de l’article 47 de la Charte :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ».

Cette Charte s’applique, au regard de son article 51, paragraphe 1er1, aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union européenne. En l’espèce, le demandeur en cassation se prévaut de la mise en œuvre de l’article 8, paragraphe 4, de la directive 2016/343 du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales.

L’article 52, paragraphe 3, de la Charte dispose que « dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention ».

L’article 47, premier alinéa, de la Charte porte sur le droit à un recours effectif.

Cet article correspond à l’article 13 de la Convention.

L’article 13 de la Convention garantit à toute personne, dont les droits et libertés reconnus par la Convention ont été violés, un recours effectif devant une instance nationale. Il n’a cependant pas d’existence indépendante et ne peut être appliqué que combiné avec ou au regard d’un ou de plusieurs articles de la Convention2.

En effet, le droit à un recours effectif consacré dans l’article 13 constitue un droit complémentaire, secondaire et accessoire en ce qu’il ne peut être invoqué qu’à l’appui d’un autre droit garanti par la Convention.

En règle générale, l’article 13 n’est pas applicable lorsque la violation alléguée de la Convention a eu lieu dans le cadre d’une procédure judiciaire3. La protection offerte par l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention et les exigences de cette disposition sont 1 Article 51, paragraphe 1er, 1re phrase, de la Charte : « Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. » 2 Cass., 21 décembre 2023, n° 153/2023 pénal, n° CAS-2022-00092 du registre.

3 Guide sur l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, Droit à un recours effectif, n° 144.plus strictes que celles de l’article 13 qui se trouvent absorbées par elles4. Il n’y a pas d’absorption lorsque le grief est tiré d’une méconnaissance du droit à faire entendre sa cause dans un délai raisonnable, cas cependant non visé en l’espèce.

L’article 6, paragraphe 1er, de la Convention, également invoqué, assure aux justiciables un droit d’accès à un tribunal. Il est considéré que le droit d’accès à un tribunal doit être « concret et effectif».

A titre de remarque préliminaire, il y a lieu de souligner que le droit d’accès au juge tel que prévu à l’article 6 de la Convention n’est pas absolu. Les Etats peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et en fixer les conditions d’exercice, pourvu que ces réglementations aient pour but d’assurer une bonne administration de la justice5. Les limitations au droit d’accès peuvent résulter de règles procédurales tenant aux conditions de recevabilité d’un recours.

Cela étant dit, il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qu’afin de garantir le droit d’accès au juge, un justiciable doit être informé de façon claire et précise des délais et voies de recours à exercer contre un jugement rendu par défaut. Comme relevé ci-dessus, cette obligation, dont le non-respect est sanctionné par la suspension du délai d’appel, est unanimement admise et bien ancrée en jurisprudence nationale6.

Elle prend appui sur la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’homme. En effet, par arrêt Faniel c. Belgique7 du 1er mars 2011, il a été dit « (alinéa 26) qu’une procédure se déroulant en l’absence du prévenu n’est pas en soi incompatible avec l’article 6 de la Convention. Il demeure néanmoins qu’un déni de justice est constitué lorsqu’un individu condamné ’in absentia’ ne peut obtenir ultérieurement qu’une juridiction statue à nouveau, après l’avoir entendu, sur le bien-fondé de l’accusation en fait comme en droit, alors qu’il n’est pas établi qu’il a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre, ni qu’il a eu l’intention de se soustraire à la justice (CEDH : Sejdovic c. Italie n° 56581/00 du 1er mars 2006).

Ce qui importe en matière d’accès à un tribunal, est non seulement que les règles concernant les possibilités des voies de recours et les délais soient posées avec clarté, mais qu’elles soient aussi portées à la connaissance des justiciables de la manière la plus explicite possible, afin que ceux-ci puissent en faire usage conformément à la loi.

Il en est particulièrement ainsi lorsqu’une personne qui a été condamnée par défaut est détenue ou n’est pas représentée par un avocat lorsqu’elle reçoit notification d’un jugement de condamnation : elle doit pouvoir être immédiatement informée de manière 4 Idem, n° 143.

5 Voir Cass., 12 novembre 2020, n° CAS-2019-00134 du registre ; Cass, 25 mars 2021, n° CAS-2020-00083 du registre.

6 Cour d’appel, 29 mai 2013, n° 13/13 Ch. CRIM. ; Cour d’appel, 9 novembre 2016, n° 537/16 X et n°538/16 X ;

Cour d’appel, 2 août 2022, n° 234/22 ; Cour d’appel, 14 juillet 2023, n° 297/23 X 7 Requête n° 11892/08. La Cour européenne des droits de l’homme a encore réitéré cet enseignement dans le cadre d’une affaire de protection d’enfance : arrêt 31 janvier 2012, Requête n° 61226/08 ; Assuncao Chaves c.

Portugal.fiable et officielle des possibilités de recours et des délais d’introduction. Il ne s’agit pas d’interpréter le droit ni de prodiguer des conseils que seul un avocat peut faire, mais d’indiquer le suivi qui peut être donné à un jugement (…) ».

Il résulte de cette jurisprudence que le seul critère à prendre en considération est celui de savoir si une information claire et précise sur les délais et voies de recours a été portée à la connaissance du condamné. Il importe peu, dans ce contexte, que les textes légaux nationaux ne prévoient pas explicitement cette obligation ou que cette information se trouve dans le corps du jugement ou est simultanément fournie dans un avis séparé.

En matière civile, Votre Cour a même jugé que « l’article 6, précité, n’impose pas que l’acte de signification de la décision judiciaire informe le destinataire des voies de recours disponibles et de leurs modalités »8.

L’arrêt attaqué de la Cour d’appel a été motivé comme suit :

« Aux termes de l’article 203 alinéas 1er et 4 du Code de procédure pénale, le délai d’appel sera de quarante jours et il courra pour les jugements par défaut à partir de sa signification ou de sa notification à personne, à domicile, au domicile élu, à résidence ou au lieu de travail.

Le délai d’appel contre un jugement par défaut ne commence valablement à courir qu’à condition que le prévenu condamné ait été informé de façon claire et précise des délais et voies de recours contre ledit jugement (Cour, 29 mai 2013, 13/13 Ch.crim., Cour, 9 novembre 2016, 537/16X, Cour, 2 août 2022, 234/22, Cour, 14 juillet 2023, 297/23X).

Il résulte de ce qui précède que les questions préjudicielles, qui ne tendent qu’à établir que les délais des recours contre des décisions de justice ne commencent à courir effectivement qu’à compter de la notification sinon de la signification de la décision ainsi que de l’information quant aux délais et voies de recours contre celles-ci, ne sont pas utiles à la solution du litige. Il n’y a dès lors pas lieu d’y faire droit.

En ce qui concerne le point de départ des délais en l’espèce, il y a lieu de constater qu’il ne résulte pas des actes de procédure que lors de la notification du jugement en date du 21 décembre 2022, PERSONNE1.) ait été informé quant aux délais et voies de recours contre ce jugement. Le seul certificat émis par le secrétariat du Parquet d’arrondissement de Luxembourg daté au 19 septembre 2023, aux termes duquel il est certifié qu’un avis renseignant sur les modalités tant de l’opposition que de l’appel, était joint à l’envoi postal ayant opéré la notification à domicile du jugement par défaut, n’est cependant pas suffisant pour établir la notification de l’avis, notamment au vu de l’absence de celui-ci dans les actes de procédure de notification du 21 décembre 2022.

Le délai d’appel n’a dès lors pas commencé à courir partir de la notification à domicile en date du 21 décembre 2022.

8 Cass., 12 mars 2020, n° 44/2020, numéro CAS-2019-00053 du registre.En ce qui concerne la notification à personne du 6 janvier 2023, il résulte du procès-

verbal de notification no 9/2023 du commissariat Hesperange (C2R) du 6 janvier 2023, qu’à la date du procès-verbal, PERSONNE1.) s’est vu notifier une copie du jugement par défaut LCRI 77/2022 du 8 décembre 2022 ainsi que copie de l’avis important contenant une information sur les voies et les délais de recours. PERSONNE1.) a d’ailleurs accepté ces documents tel que cela résulte de sa signature portée sur ledit procès-verbal.

Le délai d’appel a dès lors commencé à courir à partir de la notification à personne précitée, de sorte que l’appel relevé par PERSONNE1.) en date du 26 avril 2023 est irrecevable pour être tardif ».

En constatant que le demandeur en cassation a effectivement été informé des voies et délais de recours lors de la notification policière du jugement par défaut, la Cour d’appel n’a pas violé les dispositions reprises au moyen. Le demandeur en cassation n’a pas été concrètement lésé par le fait que les textes légaux n’imposent pas que ces informations figurent dans le jugement par défaut lui-même.

Le moyen est partant à rejeter.

A titre subsidiaire, il y a lieu de relever que la question préjudicielle concerne l’interprétation de l’article 8, paragraphe 4, de la directive 2016/343 du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales. Il faut déduire de la formulation de la question préjudicielle que, selon le demandeur en cassation, la transposition de cette directive en droit national9 aurait été lacunaire.

L’article 8, paragraphe 4, de cette directive est de la teneur suivante :

« Lorsque les États membres prévoient la possibilité que des procès se tiennent en l'absence du suspect ou de la personne poursuivie, mais qu'il n'est pas possible de respecter les conditions fixées au paragraphe 2 du présent article parce que le suspect ou la personne poursuivie ne peut être localisé en dépit des efforts raisonnables consentis à cet effet, les États membres peuvent prévoir qu'une décision peut néanmoins être prise et exécutée. Dans de tels cas, les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu'ils sont informés de la décision, en particulier au moment de leur arrestation, soient également informés de la possibilité de contester cette décision et de leur droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, conformément à l'article 9 ».

L’article 9 de la directive dispose que « Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu'ils n'ont pas assisté à leur procès et que les conditions prévues à l'article 8, paragraphe 2, n'étaient pas réunies, aient droit à un 9 Par la loi du 10 août 2018 portant modification 1° du Code pénal ; 2° du Code de procédure pénale ; 3° de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire ; en vue de la transposition de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre de procédures pénales.nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l'affaire, y compris l'examen de nouveaux éléments de preuve, et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale. À cet égard, les États membres veillent à ce que lesdits suspects et personnes poursuivies aient le droit d'être présents, de participer effectivement, conformément aux procédures prévues par le droit national, et d'exercer les droits de la défense ».

L’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que ;

« La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel:

a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

(…) ».

La Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que l’obligation de renvoi n’existe pas si la question posée est dénuée de pertinence, si elle trouve sa réponse dans une jurisprudence antérieure ou si « l'application correcte du droit communautaire peut s'imposer avec une évidence telle qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable sur la manière de résoudre la question posée »10.

Il a encore été précisé que les juridictions visées par le troisième alinéa jouissent du même pouvoir d’appréciation que toutes autres juridictions nationales en ce qui concerne le point de savoir si une décision sur un point de droit de l’Union est nécessaire pour leur permettre de rendre leur décision. Ces juridictions ne sont, dès lors, pas tenues de renvoyer une question d’interprétation du droit de l’Union soulevée devant elles si la question n’est pas pertinente, c’est-à-dire dans les cas où la réponse à cette question, quelle qu’elle soit, ne pourrait avoir aucune influence sur la solution du litige11.

Par ailleurs, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national. Il appartient de même au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour12.

10 CJUE (anciennement CJCE), 6 octobre 1982, C-283/81.

11 CJUE, 6 octobre 2021, C-561/19, point 34.

12 Idem, point 35.En l’espèce, une décision sur la question n’est pas nécessaire pour rendre une décision étant donné que, dans un souci de garantir le respect de l’article 6 de la Convention, il est exigé que la notification d’un jugement par défaut soit accompagnée d’une information sur les voies de recours, le délai du recours et les juridictions appelées à connaître d’un tel recours. Cette question ne fait l’objet d’aucun désaccord en jurisprudence et il a été souverainement constaté par l’arrêt attaqué que le demandeur en cassation en a été valablement informé.

Il n’y a donc pas lieu à saisine de la Cour de Justice de l’Union Européenne par voie d’un renvoi préjudiciel.

Quant au deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation des articles 15 et 17, paragraphe 4, de la Constitution.

Dans le cadre de ce moyen, le demandeur en cassation expose que l’article 399 du Code de procédure pénale prévoit qu’une ordonnance pénale, qui est à assimiler à un jugement par défaut, doit indiquer le délai et la forme de l’opposition respectivement de l’appel ainsi que la juridiction compétente pour en connaître. Il critique le fait que les dispositions légales ayant trait à la notification ou la signification des jugements par défaut ne prévoient pas de telles obligations. Il en déduit qu’un condamné par jugement rendu par défaut par une chambre correctionnelle ou criminelle est défavorisé par rapport à un condamné par ordonnance pénale.

L’article 387 du Code de procédure pénale lu seul ou en combinaison avec l’article 203 du Code de procédure pénale, violerait les articles 15 et 17, paragraphe, 4 de la Constitution en ce qu’il ne prévoit pas que le jugement par défaut doit mentionner les voies de recours, le délai dans lequel cette voie de recours ou ces voies de recours doivent être introduites ainsi que la juridiction compétente pour en connaître.

A titre subsidiaire, le demandeur en cassation sollicite que Votre Cour pose une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle.

L’article 15 de la Constitution dispose en son premier paragraphe que « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi.

La loi peut prévoir une différence de traitement qui procède d’une disparité objective et qui est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but ».

L’article 17, paragraphe 4, de la Constitution a été cité sous le premier moyen.

Il est unanimement admis que, pour que les délais de recours contre une décision rendue par défaut courent valablement, il faut que le justiciable soit informé des délais et voies de recours.

Avant de ne déclarer l’appel interjeté par le demandeur en cassation irrecevable pour tardiveté, la Cour d’appel a concrètement vérifié s’il a disposé de ces informations quant aux délais et voies de recours. Il n’existe donc aucune divergence de traitement concrète entre le demandeur en cassation et une personne condamnée suivant ordonnance pénale13.

Le moyen est partant à rejeter.

Quant à la demande tendant à poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle prévoit, en son article 6, que « lorsqu'une partie soulève une question relative à la conformité d'une loi à la Constitution devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour constitutionnelle ».

Une juridiction est cependant dispensée de saisir la Cour constitutionnelle lorsqu'elle estime que:

a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement;

b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement;

c) la Cour constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.

En l’absence de divergence de traitement, la question est dénuée de tout fondement. La demande est partant à rejeter.

Quant au troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, en ce que la Cour d’appel n’a pas fait droit à la demande de saisine de la Cour constitutionnelle, alors que la réponse donnée par la Cour constitutionnelle à la question préjudicielle proposée aurait été pertinente pour déterminer si l’appel était à déclarer tardif ou non.

La Cour d’appel a retenu ce qui suit :

13 Voir pour une analyse quant à l’existence d’une divergence de traitement : Cass., 27 octobre 2022, n° 124/2022 pénal, n° CAS-2022-00002 du registre.« Le délai d’appel contre un jugement par défaut ne commence valablement à courir qu’à condition que le prévenu condamné ait été informé de façon claire et précise des délais et voies de recours contre ledit jugement (Cour, 29 mai 2013, 13/13 Ch.crim., Cour, 9 novembre 2016, 537/16X, Cour, 2 août 2022, 234/22, Cour, 14 juillet 2023, 297/23X).

Il résulte de ce qui précède que les questions préjudicielles, qui ne tendent qu’à établir que les délais des recours contre des décisions de justice ne commencent à courir effectivement qu’à compter de la notification sinon de la signification de la décision ainsi que de l’information quant aux délais et voies de recours contre celles-ci, ne sont pas utiles à la solution du litige. Il n’y a dès lors pas lieu d’y faire droit ».

C’est à juste titre que la Cour d’appel n’a pas saisi la Cour constitutionnelle motif pris que la réponse à la question proposée n’était pas utile à la solution du litige.

En effet, l’obligation d’information relative aux délais et voies de recours n’est pas remise en cause. La seule question pertinente à trancher par la Cour d’appel était celle de savoir si le demandeur en cassation avait concrètement bénéficié d’une information complète quant aux délais et voies de recours et elle y a répondu par l’affirmative.

La réponse aux questions préjudicielles n’aurait été nécessaire que dans l’hypothèse où, à défaut d’obligation légalement prévue, une information claire et précise des justiciables condamnés par défaut sur les délais et voies de recours n’aurait pas été imposée.

Or, il y a consensus sur l’obligation d’information des justiciables conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

En cela, la présente affaire n’est assimilable à celles soumises à la Cour constitutionnelle belge. En effet, il résulte des termes des arrêts du 10 février 2022 (n° 23/2022) et du 30 juin 2022 (n° 92/2022) que, dans les affaires civiles en cause, les justiciables n’avaient pas été informés des délais et voies de recours à défaut d’obligation légale14.

Le moyen est partant à rejeter.

14 Pour un aperçu complet de l’évolution du droit belge en cette matière : A. Gillet, K. Decat et J.-F. Van Drooghenbroeck, L’exigence d’information du justiciable sur les voies de recours. Evolution et consécration.

https://avocats.be/sites/avocatsbe/files/uploads/lexigence-dinformation-du-justiciable-sur-les-voies-de-

recours.pdf A remarquer que suite aux arrêts de la Cour constitutionnelle belge, l’article 780/1 a été inséré dans le Code judiciaire belge qui impose, dans les cas expressément prévus par la loi l’adjonction à une décision judiciaire rendue en matière civile d’une fiche informative faisant mention de certaines données quant aux voies et délais de recours.

Quant au quatrième moyen de cassation :

Le quatrième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en ce que la Cour d’appel n’a pas fait droit à la demande de saisine de la Cour de Justice de l’Union européenne.

Par référence aux développements consacrés à la demande subsidiaire du premier moyen tendant à la saisine la Cour de Justice de l’Union européenne par une question préjudicielle, il peut être conclu que la Cour d’appel a, à juste titre et sans violation de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, rejeté la demande tendant à voir poser une question préjudicielle.

Quant au cinquième moyen de cassation :

Le cinquième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention, en ce que l’arrêt attaqué n’a pas répondu aux conclusions écrites déposées par le mandataire du demandeur en cassation en date du 18 septembre 2023.

Il est reproché à la Cour d’appel de ne pas avoir pris position quant au moyen selon lequel le demandeur en cassation n’a pas été valablement informé des possibilités et délais de recours lors de la notification à personne du jugement rendu par défaut.

Il lui est pareillement reproché de ne pas avoir motivé son refus de poser les questions préjudicielles telles que demandées.

A remarquer d’emblée que l’obligation de motivation découle, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution en date du 1er juillet 2023, de l’article 109 de la Constitution.

Le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme. Une décision judiciaire est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré15.

Le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel, qui a retenu que « PERSONNE1.) s’est vu notifier une copie du jugement par défaut LCRI 77/2022 du 8 décembre 2022 ainsi que copie de l’avis important contenant une information sur les voies et les délais de recours », de ne pas avoir vérifié si l’avis fut annexé au procès-

verbal et s’il fut informé de manière claire et précise, des voies et modalités de recours.

15 Voir notamment : Cass., 20 avril 2023, n° CAS-2022-00069 du registre ; Cass., 23 mars 2023, n° CAS-2022-00005 du registre ; Cass., 8 juin 2023, n° CAS-2022-00085 du registre.

En retenant que le demandeur en cassation s’est vu notifier une copie de l’avis important contenant une information sur les voies et les délais de recours, la Cour d’appel en a nécessairement déduit que l’avis a été annexé au procès-verbal en cause et a été remis au demandeur en cassation.

Elle a partant répondu aux conclusions. A remarquer par ailleurs qu’il ne résulte pas clairement des conclusions écrites versées à la Cour d’appel en quoi la notification suivant procès-verbal n° 9/2023 aurait été viciée. En effet, le demandeur en cassation n’a pas explicitement contesté avoir reçu l’avis important contenant l’information sur les délais et les voies de recours, son mandataire n’ayant fait état que d’une interrogation à cet égard16. Il n’a pas non plus précisé en quoi l’avis qui lui aurait été remis aurait été lacunaire ou aurait comporté des informations erronées ou peu claires. Sans apporter d’autres précisions, le demandeur en cassation conclut qu’il n’aurait pas été effectivement informé des modalités et formalités à respecter pour exercer son droit de recours17. Or, la nature exacte du vice affectant l’information lui donnée n’est pas abordée. A aucun moment, le demandeur en cassation a contesté avoir réceptionné la « copie de l’avis important contenant une information sur les voies et les délais de recours ».

Quant à l’absence de motivation du refus de poser les questions préjudicielles, il résulte de l’arrêt attaqué que « le délai d’appel contre un jugement par défaut ne commence valablement à courir qu’à condition que le prévenu condamné ait été informé de façon claire et précise des délais et voies de recours contre ledit jugement (Cour, 29 mai 2013, 13/13 Ch.crim., Cour, 9 novembre 2016, 537/16X, Cour, 2 août 2022, 234/22, Cour, 14 juillet 2023, 297/23X).

Il résulte de ce qui précède que les questions préjudicielles, qui ne tendent qu’à établir que les délais des recours contre des décisions de justice ne commencent à courir effectivement qu’à compter de la notification sinon de la signification de la décision ainsi que de l’information quant aux délais et voies de recours contre celles-ci, ne sont pas utiles à la solution du litige. Il n’y a dès lors pas lieu d’y faire droit ».

La Cour d’appel a motivé en quoi les questions préjudicielles ne sont pas utiles à la solution du litige et peuvent partant être rejetées en conformité avec les dispositions légales en cause.

Le moyen est à rejeter.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais non fondé.

16 Voir conclusions écrites, versées comme pièce n° 5, p. 3.

17 Voir conclusions écrites, versées comme pièce n°5, p. 5 et 6.

Pour le Procureur général d’Etat l’avocat général Nathalie HILGERT 29


Synthèse
Numéro d'arrêt : 143/24
Date de la décision : 17/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-10-17;143.24 ?

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