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22/10/2024 | LUXEMBOURG | N°50698C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 22 octobre 2024, 50698C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 50698C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:50698 Inscrit le 5 juillet 2024

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Audience publique du 22 octobre 2024 Appel formé par (A) et consorts, ….., contre un jugement du tribunal administratif du 5 juin 2024 (n° 48940 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 50698C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 5 juillet 2024 par Maître Hakima GOUNI-ANDRIEUX, avocat à la Cour, ins

crite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de (A), né le...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 50698C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:50698 Inscrit le 5 juillet 2024

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Audience publique du 22 octobre 2024 Appel formé par (A) et consorts, ….., contre un jugement du tribunal administratif du 5 juin 2024 (n° 48940 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 50698C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 5 juillet 2024 par Maître Hakima GOUNI-ANDRIEUX, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de (A), né le ….. à ….. (Iran) et de son épouse, Madame (B), née le …. à …., agissant en leurs noms personnels ainsi qu’au nom de leurs enfants mineurs, (D), né le …. à ,,,, (Inde) et (F), né le …. à …. (Danemark), tous de nationalité iranienne, demeurant ensemble à L-… …, …, rue …., dirigée contre le jugement rendu le 5 juin 2024 (n° 48940 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 13 avril 2023 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et portant ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 2 août 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hakima GOUNI-ANDRIEUX et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries à l’audience publique du 1er octobre 2024.

Le 10 novembre 2020, (A) et son épouse, Madame (B), agissant en leurs noms personnels ainsi qu’au nom de leurs enfants mineurs (D) et (F), ci-après « les consorts (A) », introduisirent auprès 1du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale de la circonscription régionale SPJ, unité de la criminalité organisée et de la police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il s’avéra à cette occasion que les consorts (A) avaient précédemment introduit deux demandes de protection internationale au Danemark, à savoir en dates des 9 juin 2017 et 13 février 2020, ainsi qu’une demande de protection internationale en Allemagne en date du 22 octobre 2019.

Le 17 novembre 2020, Monsieur (A) et Madame (B) furent entendus séparément par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après « le règlement Dublin III ».

Par une décision du 17 mars 2021, notifiée aux intéressés le lendemain par courrier recommandé, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa les consorts (A) de sa décision de les transférer dans les meilleurs délais vers le Danemark, sur base des dispositions de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2021 (n° 45853 du rôle), les consorts (A) introduisirent un recours contre la décision ministérielle du 17 mars 2021, dont ils furent déboutés par jugement du tribunal administratif du 2 juin 2021.

Par requête séparée du même jour (n° 45854 du rôle), les consorts (A) sollicitèrent encore une mesure provisoire consistant en l’instauration d’une mesure de sauvegarde par rapport à ladite décision du ministre du 17 mars 2021 de les transférer vers le Danemark, demande dont ils furent déboutés par une ordonnance du vice-président du tribunal administratif du 9 avril 2021.

Le transfert des consorts (A) vers le Danemark n’ayant pu être exécuté dans les délais prévus par le règlement Dublin III, les autorités luxembourgeoises devinrent responsables de l’examen de leur demande de protection internationale.

En réponse à une demande de renseignements leur adressée le 21 juillet 2021 sur base de l’article 34 du règlement Dublin III, les autorités compétentes danoises firent parvenir à leurs homologues luxembourgeois, par courrier du 19 août 2021, des informations relatives à la demande de protection internationale introduite par les consorts (A) au Danemark.

2Madame (B) et Monsieur (A) furent entendus séparément en date du 26 janvier 2022, respectivement les 27 janvier, 1er et 16 février 2022 par un agent du ministère sur leur situation et sur les motifs gisant à la base de leurs demandes de protection internationale.

Par courrier électronique du 16 février 2022, le mandataire de Monsieur (A) signala qu’un incident avait eu lieu lors de l’audition de ce dernier auprès du ministère en date du même jour, incident en raison duquel l’audition avait dû être interrompue.

L’audition de Monsieur (A) n’ayant pu être menée à terme, le ministère demanda au concerné, par courrier électronique adressé à son mandataire en date du 8 mars 2022, de lui faire parvenir par écrit les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale et de remplir un questionnaire annexé audit courriel jusqu’au 1er avril 2022.

Par courrier électronique de son mandataire du 28 mars 2022, Monsieur (A) fit parvenir les informations sollicitées au ministère.

Par une décision du 13 avril 2023, notifiée aux intéressés par courrier recommandé le 17 avril 2023, décision annulant et remplaçant une précédente décision du 30 mars 2023, le ministre informa les consorts (A) que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme étant non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« (…)J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites le 10 novembre 2020, sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »), pour vous ainsi qu'au nom et pour le compte de vos enfants mineurs (D), né le …. à ….. en Inde et (F), né le …. à ….. au Danemark, tous les deux de nationalité iranienne.

Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

Avant tout progrès en cause, il découle des informations contenues dans votre dossier administratif au Luxembourg que vous avez, avant d'introduire vos demandes de protection internationale au Luxembourg, effectué pareille démarche dans un autre Etat membre européen, à savoir au Danemark le 9 juin 2017. Les autorités luxembourgeoises ont alors adressé une demande de reprise en charge aux autorités danoises le 18 novembre 2020 suivant les dispositions de l'article 18 du « Règlement Dublin III ».

En date du 27 novembre 2020, le Danemark a informé les autorités luxembourgeoises que vous y avez introduit vos demandes de protection internationale le 9 juin 2017 mais que vous avez été définitivement déboutés de vos demandes le 18 septembre 2019, et a accepté de vous reprendre en charge.

Ainsi, le délai de votre transfert au Danemark était fixé au 27 mai 2021, transfert qui n'a toutefois jamais pu avoir lieu alors que vous étiez hospitalisée, Madame, et que vous nous avez 3fait parvenir un certificat médical, établi le 17 mai 2021 par le Docteur (G), indiquant que vous seriez inapte à voyager.

Le Luxembourg est dès lors devenu responsable pour analyser vos demandes actuelles et a recontacté le Danemark afin d'obtenir des informations sur vos demandes de protection internationale suivant les dispositions de l'article 34 du « Règlement Dublin III ».

En date du 16 août 2021, les autorités danoises nous ont fait parvenir votre dossier.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 10 novembre 2020, la décision de transfert du 17 mars 2021, votre rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, Madame, du 26 janvier 2022 et le vôtre, Monsieur, du 27 janvier ainsi que des 1er et 16 février 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, la lettre manuscrite envoyée par courriel par votre mandataire le 28 mars 2022, vos rapports d'entretien « d'information et motivation » du 16 août 2017 dressés par le Service de l'immigration danois dans le cadre de vos demandes de protection internationale que vous y avez introduites le 9 juin 2017, vos rapports d'entretien, Monsieur, des 24 mai et 4 juillet 2018, ainsi que le vôtre, Madame, du 29 mai 2018 dressés par le Service de l'immigration danois sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, la décision de refus d'octroi d'une protection internationale du 13 juillet 2018 émise par le Service de l'immigration danois, le jugement rendu le 18 septembre 2019 par les juridictions danoises et confirmant la décision de refus d'octroi d'une protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes de protection internationale.

Monsieur, au Luxembourg lors de votre entretien visant à déterminer les motifs vous ayant conduit à quitter l'Iran et vos craintes en cas de retour en Iran, vous déclarez que vous craindriez retourner dans votre pays d'origine étant donné que vous auriez peur d'être dans le collimateur des autorités iraniennes à cause de vos « activités médiatiques contre le régime islamique de l'Iran », alors que vous seriez « chercheur et défenseur des Droits de l'homme » ainsi qu'« auteur et activiste politique ».

Vous avancez que vous auriez été un sympathisant du « (J) » et que vous auriez participé à plusieurs manifestations dans le cadre des élections législatives, suite auxquelles le Président Mahmoud AHMADINEJAD a été réélu, alors que vous auriez soutenu son adversaire le candidat (K).

Ensuite, vous auriez commencé vos « activités politiques » en mars ou avril 2011 et vous auriez participé à des « meeting secrets », lesquels auraient eu comme finalité, entre autres, la documentation des violations des droits de l'Homme perpétrées par le régime iranien.

En mars ou avril 2013, vous auriez rejoint le « (L) » par le biais d'un ami et vous auriez par conséquent arrêté de participer aux « meetings » précités. Vous précisez que vous auriez collaboré avec ledit club en tant qu'« interprète politique temporaire » et plus tard en qualité de 4……. indépendant. Vous mentionnez en outre que vous auriez publié un article avec votre ami (M), également membre du club, le 3 mai 2014.

En date du 5 juin 2014, vous auriez été arrêté par les autorités iraniennes et détenu pendant six semaines, respectivement « 42 nuits et jours », dans une cellule individuelle dénommée « 2a » dans la Prison d'Evin à …….. Vous ajoutez que vous auriez été détenu dans des conditions précaires et que vous auriez régulièrement subi des interrogatoires musclés lors desquels vous auriez été torturé, alors que les autorités iraniennes vous auraient accusé de soutenir les « leadeurs symboliques » du « (J) ».

Vous précisez en outre que les autorités iraniennes n'auraient pas encore été au courant de vos publications au moment de votre détention. Vous auriez été libéré en juin ou juillet 2014, avec obligation de rester à disposition des autorités de votre pays d'origine.

Après votre libération, vous auriez publié un second article le 29 juillet 2014, publication que vous auriez faite à des médias comme l’« …… », le « ….. - ….. » ou encore le « ….. ». Vous auriez toutefois décidé de ne plus fréquenter le club en question suite à votre arrestation.

Votre épouse aurait été atteinte de dépression chronique et aurait même été hospitalisée suite à votre arrestation.

Vous auriez été convoqué encore à deux reprises par les autorités iraniennes, à savoir le 11 août 2014 et le 16 septembre 2014. La raison de ces interrogatoires aurait été de trouver vos « connections », respectivement, de découvrir votre réseau d'amis étant donné que les autorités auraient supposé que vos amis seraient des activistes du « (J) » et par conséquent contre le régime.

En octobre ou novembre 2014, votre ami (M) aurait été arrêté par les autorités iraniennes et détenu pendant plusieurs mois à la Prison d'Evin. Vous auriez alors eu peur et décidé de quitter votre pays d'origine.

En date du 24 janvier 2015, vous auriez finalement quitté l'Iran muni d'un visa danois pour vous rendre au Danemark en avion.

En mars 2015, pendant votre séjour au Danemark, vous auriez rejoint un groupe Telegram intitulé « (N) » avec votre ami (M), alors qu'il aurait entre-temps été libéré.

Le groupe en question, qui aurait compté plus de cinq cent membres, aurait finalement été bloqué par les autorités iraniennes en mai 2017 et l'administrateur du groupe aurait été arrêté.

En date du 9 mai 2017, les autorités iraniennes auraient mené une perquisition à votre domicile à ……. et auraient confisqué des livres interdits par la législation iranienne.

En date du 13 mai 2017, vous auriez reçu une convocation du Tribunal d'Evin, raison pour laquelle vous auriez décidé d'introduire une demande de protection internationale au Danemark en date du 9 juin 2017.

5Madame, au Danemark vous avez introduit votre demande de protection internationale en qualité de chef de famille, alors que les motifs avancés étaient ceux de votre époux.

Ainsi, Madame, vous y avez notamment indiqué que vous craindriez un retour dans votre pays d'origine étant donné que vous auriez peur d'être tuée par les autorités iraniennes à cause des « activités politiques » de votre époux.

Dans ce contexte, vous avez avancé que votre époux aurait participé à plusieurs manifestations en Iran, organisées par le mouvement dénommé « (J) », suite à la réélection du Président AHMADINEJAD aux élections législatives de 2009.

Vous avez poursuivi votre récit en indiquant que votre époux aurait été arrêté par les autorités iraniennes, à cause de sa participation auxdits rassemblements et qu'il aurait été détenu ainsi qu'interrogé. Vous avez en outre ajouté qu'il aurait été arrêté à plusieurs reprises entre les années 2009 et 2015, en précisant que sa dernière arrestation avant votre premier départ d'Iran aurait eu lieu en janvier 2015.

Vous auriez dès lors décidé de quitter votre pays d'origine et vous seriez partis de l'Iran ensemble avec votre époux et votre enfant pour vous rendre légalement au Danemark, munis d'un « Greencard visa ».

Votre fils (D) vous a rejoint le 24 janvier 2015 en entrant légalement sur le territoire danois.

En date du ….., votre fils (F) est né au Danemark.

En date du 27 juillet 2016, plus ou moins cinq mois après la naissance de votre fils (F), vous êtes tous volontairement rentrés en Iran pour sa circoncision. Lors de votre séjour en Iran, votre époux aurait été arrêté par les autorités iraniennes et détenu pour une durée de cinq ou six jours. Après sa libération, vous auriez de nouveau quitté l'Iran pour le Danemark, le 27 août 2016.

Vous avez en outre déclaré que les services de renseignement iraniens auraient contacté votre époux lors de votre séjour au Danemark, notamment en lui envoyant trois courriels contenant des menaces.

Il ressort en outre des éléments de votre dossier au Danemark, Madame, que vous auriez obtenu un permis de séjour temporaire de la part de l'Agence danoise pour le marché du travail et le recrutement et que par ce bais, votre époux ainsi que votre enfant auraient également bénéficié d'un permis de séjour temporaire en qualité de membres de famille, tous valables jusqu'au 23 décembre 2017.

En date du 24 mai 2017, l'Agence danoise pour le recrutement international et l'intégration a refusé votre demande d'un permis de séjour pour votre fils (F).

6Madame, en date du 30 mai 2017, l'Agence danoise pour le recrutement international et l'intégration a décidé de vous retirer votre permis de séjour temporaire. Par conséquent, Monsieur, le vôtre et celui de votre fils (D) ont également été annulés le 12 juin 2017.

Il s'avère que vous avez introduit vos demandes de protection internationale au Danemark le 9 juin 2017, Madame, soit plus ou moins quinze jours après que vous ayez perdu votre permis de séjour temporaire.

Madame, au Luxembourg vous avez renoncé à votre droit d'être entendue dans le cadre de votre demande de protection internationale en indiquant que vos motifs seraient identiques à ceux de votre époux.

A l'appui de vos demandes au Luxembourg, vous présentez vos livrets de famille iraniens dits « (P) » et ceux de vos enfants. Vous remettez en outre les pièces suivantes :

- une copie de votre carte d'identité iranienne, Monsieur, avec une traduction ;

- une copie de votre carte d'identité iranienne, Madame, avec une traduction ;

- une copie de l'acte de naissance/livret de famille iranien, dit « (P) », de votre enfant (D), avec une traduction ;

- une copie de vos actes de naissance/livrets de famille iraniens, dits « (P) », avec une traduction ;

- une copie de votre contrat de mariage iranien, avec une traduction ;

- une copie d'un procès-verbal daté au 9 mai 2017 et établi par le Tribunal Révolutionnaire et Public de ……. (inspection des lieux), avec une traduction ;

- une copie d'une convocation datée au 13 mai 2017 du …..Tribunal du District de (Q) à ……., …… du Bureau d'enquête d'Evin, avec une traduction ;

- des traductions de divers articles que vous auriez écrits, Monsieur.

2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Madame, Monsieur, il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui allégués, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle.

Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

7 Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.

En effet, la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d'origine doit être réfutée au vu de vos déclarations incohérentes et contradictoires.

A cet égard, il convient de souligner que vos déclarations faites lors des entretiens réalisés au Danemark sont déjà fortement contradictoires entre elles. A cela s'ajoute qu'il existe pour le surplus de nombreuses incohérences indéniables entre les déclarations que vous avez faites au Danemark et celles que vous avez soumises dans le cadre de vos demandes de protection internationale au Luxembourg.

Premièrement, quant aux manifestations de 2009 dans le cadre du « (J) » en Iran.

Madame, selon les informations contenues dans votre rapport d'entretien « d'information et motivation » du 16 août 2017 dressé par le Service de l'immigration danois dans le cadre de votre demande de protection internationale introduite le 9 juin 2017, vous avez déclaré que votre époux aurait participé à cinq manifestations sans être à même de préciser une quelconque durée.

Or, il découle de votre rapport d'entretien du 29 mai 2018 dressé par le Service de l'immigration danois sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, que votre époux aurait participé à sept manifestations et qu'elles auraient duré plus ou moins quinze jours.

Monsieur, lors de vos entretiens du 27 janvier ainsi que des 1er et 16 février 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale au Luxembourg, vous avez dans un premier temps déclaré que le « (J) » en Iran serait « né » en mai ou juin 2009 et que vous l'auriez soutenu au début, mais que vous auriez changé d'avis étant donné que le mouvement aurait « changé de direction » (p.7/16 de votre rapport d'entretien). Vous ajoutez en outre que le régime iranien aurait réprimé le mouvement qui aurait pris fin en août ou septembre 2009 (p.8/16 de votre rapport d'entretien).

Ensuite, vous avancez : « Il a duré 16 mois jusqu'à sa disparition. Il a commencé au 3e mois 1388 (mai 2009) jusqu'au 7e mois 1389 (novembre 2010) » (p.7/16 de votre rapport d'entretien) et puis vous déclarez de manière surprenante : « Je voulais juste corriger quelque chose. J'ai commencé à soutenir le « (J) » en 1393 (2014) et si vous regardez aussi dans mes documents, mon 1er article est d'(R) 1393 (février/mars 2015) » (p.8/16 de votre rapport d'entretien).

De plus, vous restez en défaut de préciser concrètement si vous avez personnellement participé à une quelconque manifestation spécifique et précise liée à ce mouvement et vous vous contredisez dans vos déclarations concernant la date de votre retour d'Inde, pays dans lequel vous auriez accompli vos études universitaires. En effet, d'abord vous dites que vous seriez rentré en 8Iran en 2011 et vous changez de version plus tard en avançant que vous seriez revenu en 2009 alors que le mouvement en question a débuté en 2009.

Enfin, dans la lettre manuscrite envoyée par courriel par votre mandataire le 28 mars 2022, vous vous contentez simplement d'indiquer brièvement : « After going back to Iran, on year 1388, I have been supporter of (J) as I have been attended several roads demonstrations (…) » (p.2/12 de la lettre manuscrite).

Il ressort ainsi avec évidence de vos propres déclarations que vous vous contredisez incontestablement au sujet de ces faits et qu'il existe trop d'incohérences, de lacunes et d'ambigüités dans vos propos.

Monsieur, il est dès lors légitimement permis de douter de la véracité de vos dires et même de réfuter le fait que vous auriez soutenu le « (J) » ou que vous auriez participé à un quelconque rassemblement dans ce contexte. Cette conclusion est renforcée par vos déclarations incohérentes selon lesquelles vous auriez commencé à soutenir le mouvement en 2013 ou 2014 alors qu'il aurait déjà pris fin en 2009 ou 2010 et que vous l'auriez abandonné étant donné que « (…) le leadeur du « (J) » qui était (K) a trahi le mouvement et il a collaboré avec le Gouvernement » (p.7/16 de votre rapport d'entretien).

Ces constats sont confortés par le fait que vous concédez avoir adhéré au « Club des Jeunes Journalistes » en 2013. En effet, vous déclarez que : « (…) quelque temps plus tard sous les conseils d'anciens amis qui savaient que je m'intéresse à la rédaction d'articles politiques, j'ai commencé en tant que ……. …..avec le « Club des Jeunes Journalistes ». Cette coopération a commencé au mois de Farwadin 1392 (mars/avril 2013) et plus tard j'ai commencé à travailler dans leurs bureaux en tant que ……. et cela durait jusqu'au mois de Khordad 1393 (mai/juin 2014) ». Vous ajoutez en outre qu' : « Ensuite, étant donné que j'ai soutenu le « (J) », j'ai été arrêté et en rétention pendant 45 jours à la prison Edine (sic) dans la partie « 2 Alef » et c'était le Service de Renseignement des SEPAH qui m'a arrêté » (p.5/16 de votre rapport d'entretien).

Or, Monsieur, vous n'êtes pas sans savoir que le club en question est un organe étatique lié aux gardiens de la révolution islamique, en d'autres termes le Sepah Pasdaran, qui n'est rien d'autre que le service de renseignement iranien. En effet : « The Young Journalists Club, an affiliate of Iranian state television (…) » et « (…) The Young Journalists Club is an offshoot of Iran's monopolized radio and TV network but run by managers close to the intelligence organization of the Islamic Revolutionary Guards Corps (IRGC) ».

Il est dès lors invraisemblable que vous ayez exercé les activités que vous relatez alors que vous auriez travaillé au sein d'un organisme qui est sous le contrôle du pouvoir en place.

Il appert que vous essayez d'utiliser ces faits afin d'établir un motif artificiel pour votre prétendue garde à vue, faits dont la véracité est mise en cause pour les raisons précitées.

Deuxièmement, quant à l'incarcération et détention par les autorités iraniennes.

9Madame, selon les informations contenues dans votre rapport d'entretien « d'information et motivation » au Danemark, vous avez allégué que votre époux aurait été arrêté dans la rue en juin 2014. Or, lors de votre entretien visant à déterminer les motifs de votre demande au Danemark, vous avez déclaré qu'il aurait été arrêté à votre domicile en janvier 2015.

Vous faites ainsi également l'objet de flagrantes incohérences dans le cadre de vos déclarations au Danemark au sujet de la prétendue arrestation de votre époux en 2014 ou 2015, notamment en ce qui concerne la date et le lieu de cet incident.

Il est cependant très étonnant de constater une telle contradiction dans vos récits au sujet d'un évènement dont on pourrait s'attendre à ce que vous vous souveniez de façon détaillée des circonstances, du lieu et de la date à laquelle votre époux aurait été incarcéré par les autorités iraniennes.

A cela s'ajoute, Madame, qu'au Danemark vous avez allégué que votre époux aurait été arrêté une dizaine de fois au total entre 2009 et 2015 ou 2016. Or, Monsieur, lors de vos entretiens visant à déterminer les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale au Luxembourg et dans la lettre manuscrite envoyée par courriel par votre mandataire, vous ne mentionnez qu'une seule arrestation qui serait survenue le 5 juin 2014.

Dans cette même lettre manuscrite vous indiquez que cette prétendue arrestation aurait été suivie d'une détention d'une durée de six semaines, respectivement « 42 nuits et jours », alors qu'il découle de votre dossier au Danemark que vous auriez été détenu tout au plus durant cinq ou six jours.

De plus, au Luxembourg vous alléguez avoir été arrêté par les services de renseignement iraniens, alors qu'au Danemark vous avancez avoir été détenu par le (T), qui n'est rien d'autre que la police des mœurs. Monsieur, vous n'êtes pas sans savoir qu'il existe des grandes différences entre la raison d'être, les compétences et les champs d'action de ces deux entités, de sorte que vos allégations à ce sujet sont à considérer comme absurdes et que vous n'avez jamais été arrêté comme vous l'avancez.

Concernant les conditions de détention, vous déclarez au Luxembourg avoir été détenu dans des conditions précaires, avoir été interrogé à plusieurs reprises durant votre détention et avoir subi des « tortures ». Au Danemark, il ressort de vos entretiens que vous auriez uniquement été malmené les trois premiers jours de votre garde à vue par le (T) et que vos blessures auraient guéri après cinq ou six jours.

Vos déclarations dans ce contexte n'étant nullement crédibles au vu de leur caractère lacunaire et contradictoire, il y a également lieu de mettre en cause vos allégations selon lesquelles vous auriez été convoqué à deux reprises et interrogé par les autorités iraniennes les 11 août et 16 septembre 2014 en lien avec le « (J) », et de conclure que ces incidents n'ont jamais eu lieu, respectivement, que vos propos dans ce contexte ne reflètent pas la réalité.

10A cet égard, il convient de réitérer que la motivation de votre prétendue incarcération respectivement des prétendus interrogatoires est mise en cause alors que votre prétendue implication dans le « (J) » est réfutée pour les raisons développées au premier point.

Au vu de toutes ces incohérences incontestables, il y a lieu de conclure que vous n'avez jamais subi de détentions, respectivement d'interrogatoires et de maltraitances, comme vous essayez de le faire croire et que vous tentez de dramatiser la situation en inventant des gardes à vue voire des détentions de plusieurs semaines avec des prétendues maltraitances.

Troisièmement, quant aux faits survenus de 2015 à 2017 et les menaces reçues par le régime iranien.

Madame, au Danemark vous avez fait état de prétendues menaces directes que les autorités iraniennes auraient proférées à votre encontre.

En effet, notons qu'il découle de votre rapport d'entretien « d'information et motivation » au Danemark que vous avez dans un premier temps avancé ne jamais avoir été contactée par les services de renseignement iraniens pour ensuite changer de version et alléguer lors de votre entretien au sujet des motifs de votre demande au Danemark que votre époux aurait reçu trois courriels contenant des menaces de la part des services de renseignement iraniens durant votre séjour au Danemark.

Ces déclarations ont été mises en cause lors de l'analyse de vos demandes de protection internationale au Danemark alors qu'elles sont incontestablement incohérentes.

A cela s'ajoute, Monsieur, qu'au Luxembourg vous ne mentionnez à aucun moment avoir reçu une quelconque menace directe de la part des services de renseignement iraniens, ni durant votre Danemark, ni durant votre séjour au Luxembourg. Il n'est dès lors pas non plus étonnant de constater qu'il n'existe aucune trace de ces courriels dans vos dossiers respectifs, ni d'ailleurs dans vos déclarations faites au Luxembourg, Monsieur.

Au contraire, au Luxembourg vous alléguez que vous auriez continué vos activités contre le régime iranien durant votre séjour au Danemark, notamment pendant les années 2015 à 2017.

Dans ce contexte, vous déclarez que vous auriez rejoint un groupe Telegram intitulé « (N)» en mars ou avril 2015 pendant votre séjour au Danemark. Vous avancez que vous auriez poursuivi vos activités au sein de ce groupe, jusqu'à ce qu'il ait finalement été bloqué par les autorités iraniennes en mai 2017 et que son administrateur localisé en Iran soit arrêté. Par conséquent, les autorités iraniennes auraient mené une perquisition à votre domicile à ……. le 9 mai 2017 et auraient confisqué des livres interdits par la législation iranienne. Vous ajoutez que vous auriez reçu une convocation du Tribunal d'Evin le 13 mai 2017.

A cet égard, vous avancez en outre qu' : « After seeking asylum application, as I saw that the agents of the Islamic regime already tried best efforts by issued a formal summons to me, This meant that they have been prepared the necessary cases for my next conviction in their own courts (…) » (p.11/12 de la lettre manuscrite).

11 Vous laissez ainsi entendre que vous vous sentiriez menacé par le régime iranien alors que ce dernier aurait préparé un dossier contre vous durant toutes ces années dans le but d'engager des poursuites judiciaires à votre encontre en Iran.

Monsieur, vous restez néanmoins en défaut de mentionner dans cette foulée que vous êtes tous retournés dans votre pays d'origine durant l'été 2016 et que vous y avez séjourné durant un mois pour ensuite rentrer au Danemark sans rencontrer le moindre problème lors de votre départ d'Iran.

En effet, il ressort incontestablement de votre dossier au Danemark, que vous êtes tous volontairement rentrés en Iran pour un mois, de fin juillet 2016 jusque fin août 2016, afin de circoncire votre fils (F) qui est né au Danemark. A votre retour au Danemark, vous avez même allégué que vous auriez été arrêté et placé en garde à vue par les autorités iraniennes durant votre séjour en Iran, déclarations réfutées par le Danemark.

Ainsi, tel que ci-avant relevé, alors qu'au Luxembourg vous avez opté pour une autre version des faits en alléguant entres autres que les autorités auraient mené une perquisition à votre domicile en Iran, il n'est dès lors pas du tout étonnant de constater qu'au Luxembourg vous ne faites nullement mention de votre retour volontaire dans votre pays d'origine pour la circoncision de votre fils (F) en 2016, alors que vous êtes certainement conscient de l'absurdité et de l'inconcevabilité de vos mensonges.

Monsieur, il n'est guère possible que vous soyez dans le collimateur des autorités iraniennes alors que vous êtes rentré en Iran durant l'été 2016 pour la circoncision de votre fils et que vous avez pu requitter le pays sans rencontrer le moindre souci. En effet, la circoncision en Iran est une fête religieuse et traditionnelle de grande envergure qui mobilise toute la famille ainsi que les proches et les amis, en d'autres termes des centaines de personnes. Il s'agit de festivités qui peuvent durer des jours voire des semaines, raison pour laquelle vous y avez d'ailleurs séjourné durant un mois.

Il est de ce fait totalement impossible que les autorités iraniennes auraient construit un dossier contre vous durant toutes ces années comme vous essayez de le faire croire et qu'elles vous auraient tout simplement laissé partir après que vous ayez fait la fête durant un mois en Iran et qu’elles aient ensuite engagé des poursuites judiciaires à votre encore à peine dix mois plus tard.

A cela s’ajoute qu’une personne réellement persécutée n’aurait jamais délibérément pris un tel risque et aurait entrepris toutes les démarches nécessaires afin que son enfant puisse suivre les rites religieux dans un endroit sûr.

Par conséquent, il échet de conclure que vos allégations selon lesquelles une perquisition aurait été menée à votre domicile le 9 mai 2017, après la supposée arrestation de l'administrateur du groupe WhatsApp dans lequel vous auriez été impliqué, ainsi que la convocation du Tribunal d'Evin qui s'en serait suivie le 13 mai 2017, sont également à mettre en cause.

12Cette conclusion est renforcée par le fait qu'au Danemark vous avez avancé avoir été placé en garde à vue pour une courte durée pendant votre séjour en Iran durant la circoncision de votre fils au courant de l'été 2016, mais qu'au Luxembourg vous avez omis de mentionner votre retour volontaire dans votre pays d'origine ainsi que la prétendue garde à vue en question et que vous avez pour le surplus changé de version pour inventer une perquisition et une convocation en mai 2017.

Monsieur, les pièces que vous avez remises afin de tenter d'étayer vos mensonges ne sauraient aucunement être retenues comme étant authentiques, respectivement, possédant une quelconque force probante, étant donné qu'il s'agit de simples copies.

Au vu de ces déclarations totalement contradictoires, il convient de souligner que vos allégations dans ce contexte sont clairement mensongères. Monsieur, force est de constater que votre situation dans votre pays d'origine n'est manifestement pas celle que vous tentez de dépeindre.

Le fait que vous auriez éventuellement pu soutenir le « (J) » à un moment donné de votre vie, respectivement le fait que vous auriez créé des blogs sur internet ou encore que vous auriez à l'occasion rédigé certains articles mis en ligne, ne sauraient infirmer cette conclusion.

Madame, Monsieur, eu égard de tout ce qui précède, il appert que vous avez quitté l'Iran en 2014 pour des raisons de convenance personnelle. Dans un premier temps, vous avez eu la possibilité de vous installer au Danemark grâce à l'obtention d'un titre de séjour temporaire, Madame, par le biais de votre emploi.

Monsieur, vous avez profité de cette occasion pour obtenir un titre de séjour temporaire en tant que membre de famille et vous avez ainsi commencé à vivre tous ensemble au Danemark après que votre fils vous ait rejoint.

De plus, il ressort de manière claire et non équivoque de vos dossiers danois que vous ne vous doutiez pas que vos permis de séjour au Danemark allaient être révoqués, raison pour laquelle vous êtes rentrés sereinement en Iran dans le but de réaliser un rite religieux pour votre fils durant l'été 2016. Ce n'est évidemment pas non plus un hasard que vous avez introduit vos demandes de protection internationale au Danemark à peine deux semaines après que votre permis de séjour danois a été annulé, Madame.

Il découle ainsi avec évidence de votre dossier, que vous tentez manifestement d'obtenir par tous les moyens une protection internationale en Europe depuis sept, respectivement, huit ans et que vous tentez de déjouer les éléments qui ont conduit nos homologues danois à émettre un refus dans votre chef en déclarant votre récit comme non crédible.

Ainsi, il est établi que vous tentez ostentatoirement d'induire les autorités luxembourgeoises en erreur.

13Il y a dès lors lieu de conclure que vos motifs sont construits de toutes pièces et que vous n'êtes pas dans le collimateur des autorités de votre pays d'origine comme vous tentez de le faire croire.

Partant, le Luxembourg arrive à la même conclusion que ses homologues danois, c'est-à-

dire que votre récit n'est pas crédible, de sorte qu'aucune protection internationale ne vous est accordée. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2023, les consorts (A) firent introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 13 avril 2023 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 5 juin 2024, le tribunal administratif reçut en la forme le recours en réformation dans ses deux branches, au fond, le dit non justifié et en débouta, tout en condamnant les demandeurs aux frais de l’instance.

A l’instar du ministre, le tribunal retint en substance que la crédibilité du récit des consorts (A) était ébranlée et qu’ils ne pouvaient dès lors bénéficier ni du statut de réfugié, ni du statut conféré par la protection subsidiaire.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 5 juillet 2024, les consorts (A) ont régulièrement fait entreprendre le jugement du 5 juin 2024.

Les appelants réitèrent en premier lieu les faits à la base de leur demande de protection internationale, tels que se dégageant des déclarations de Monsieur (A) devant l’agent du ministère chargé de son audition et de son écrit communiqué par son mandataire au ministère en annexe à un courriel du 28 mars 2022. Ils exposent en substance que Monsieur (A) aurait adhéré en 2009 au mouvement d’opposition « (J) » et qu’il aurait participé à cette époque à six ou sept manifestations anti-gouvernementales. En raison de sa participation à ces manifestations, il aurait été arrêté à plusieurs reprises - une dizaine de fois entre 2009 et 2016 - pour être interrogé avant d’être relâché. Les appelants précisent encore que Monsieur (A) aurait travaillé comme ……. pour le « Club des Jeunes Journalistes » (CJJ), club fonctionnant sous l’égide du gouvernement iranien, position qui lui aurait permise d’avoir accès à des informations utiles pour l’opposition au gouvernement, tout en lui permettant d’ ……. pour l’opposition avec des informations véridiques sans cependant dévoiler sa véritable identité. Fin octobre, début novembre 2014, il aurait cependant été arrêté à son lieu de travail en raison de la découverte par l’« Intelligent service (IRGC) » de ses participations à des manifestations et il aurait été emprisonné et torturé pendant 45 jours à la prison d’Evin à …….. A sa libération, il aurait commencé à travailler en tant que « spécialiste IT », tout en continuant à publier clandestinement des articles notamment pour les organisations « Times of Israel » et « Iran Human Rights Watch » et via des « blogs ». Après avoir quitté l’Iran pour le Danemark le 24 janvier 2015, Monsieur (A) aurait continué ses activités d’opposition en décidant de créer avec des amis un groupe sur « Telegram » intitulé « la liberté d’expression », groupe qui aurait été fermé par le gouvernement iranien qui aurait également découvert l’identité de la totalité des membres de ce groupe et les autorités iraniennes auraient procédé à des fouilles aux domiciles respectifs des activistes d’opposition. Suite à la perquisition 14du domicile iranien des appelants le 9 mai 2017, Monsieur (A) aurait reçu une convocation devant les tribunaux iraniens, ce qui les aurait incités à déposer une demande de protection internationale au Danemark le 9 juin 2017, demande rejetée entretemps suivant une décision définitive des juridictions danoises du 26 septembre 2019. N’ayant plus eu le droit de séjourner au Danemark, les appelants expliquent avoir décidé par la suite de quitter le Danemark pour la Turquie en vue de se faire délivrer de faux documents d’identité afin de se rendre au Royaume-Uni, mais qu’ils se seraient vu confisquer ces faux documents en France ce qui les aurait incités à rejoindre le Luxembourg pour y déposer une demande de protection internationale en date du 10 novembre 2020.

Sur ce, les consorts (A) critiquent en premier lieu le déroulement de leurs auditions respectives auprès du ministère fin janvier, début février 2022. Ils exposent plus particulièrement que Madame (B), en raison de graves troubles psychiatriques, se serait trouvée dans l’incapacité de participer aux entretiens devant l’agent du ministère, de sorte que Monsieur (A) aurait été entendu seul, entretien qui se serait déroulé sur deux jours sans cependant avoir pu être mené à terme. Suite à l’interruption de l’audition de Monsieur (A) par l’agent du ministère, le rapport d’audition partielle n’aurait été transmis ni à ce dernier, ni à son mandataire pour relecture, voire pour correction. A cela s’ajouterait que le ministère, au lieu de procéder à une audition de Monsieur (A) conformément aux dispositions légales applicables en la matière, aurait préféré lui poser des questions précises et formulées par écrit, tout en lui demandant d’y répondre dans un délai d’un mois, ce qui l’aurait empêché d’exposer toutes les raisons à la base de sa demande de protection internationale. Dans ce contexte, les appelants reprochent encore au ministère de ne pas avoir permis à Monsieur (A) d’exposer les motifs à la base de sa demande de protection internationale de manière chronologique. Les appelants concluent, au vu des considérations qui précèdent, à une violation de l’article 14 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte), ci-après « la directive 2013/32/UE », et des articles 10, sub a), 13 et 15 de la loi du 18 décembre 2025, et estiment que Monsieur (A) devrait, dès lors, être convoqué à un nouvel entretien avec un autre agent du ministère pour lui poser toutes les questions jugées opportunes et nécessaires.

Concernant ensuite le contenu de la décision ministérielle du 13 avril 2023, les consorts (A) estiment en premier lieu, au vu du déroulement de leurs auditions, que le ministre n’aurait pas procédé à une analyse régulière des raisons à la base de leur demande de protection internationale.

Pour le surplus, ils soutiennent que les divers articles publiés par Monsieur (A) justifieraient à eux seuls des craintes de persécution et qu’ils disposeraient de motifs sérieux et avérés de croire qu’un renvoi en Iran les exposerait à un risque réel de subir des atteintes graves telles que définies aux articles 2 sub f) et g), 37, paragraphe (4), 38, paragraphes (1) et (2), et 48 de la loi du 18 décembre 2015. Dans ce contexte, ils invoquent encore les innombrables arrestations de journalistes en Iran, dont certains auraient été condamnés à mort et exécutés.

Partant, les consorts (A) estiment être en droit de se voir octroyer le statut de réfugié, sinon le statut conféré par la protection subsidiaire avec réformation subséquente de l’ordre de quitter le territoire prononcé à leur encontre.

15L’Etat conclut à la confirmation du jugement dont appel essentiellement à partir des développements et conclusions du tribunal y contenus.

La partie étatique souligne qu’à la lecture de la requête d’appel, aucun élément significatif susceptible de venir infirmer le jugement attaqué n’aurait été apporté et qu’il n’y aurait aucune raison de réformer le jugement entrepris.

Le délégué du gouvernement souligne encore que ce serait le manque de crédibilité du récit des appelants qui justifierait le refus d’octroi d’une mesure de protection internationale dans leur chef.

Or, le mandataire des consorts (A) s’abstiendrait de prendre plus amplement et de manière circonstanciée position par rapport au défaut de crédibilité du récit des appelants et par rapport à toutes les incohérences mises en avant dans la décision ministérielle et également relevées par les premiers juges.

Concernant en premier lieu le déroulement des auditions des consorts (A) devant l’agent du ministère chargé de recueillir leurs déclarations respectives, s’il ne peut être nié que ces auditions se sont déroulées à certains moments dans un climat tendu et n’ont pu être menées à terme -

indépendamment du rôle joué par les personnes présentes lors desdites auditions -, la Cour arrive à la conclusion que le moyen préalable tiré de la prétendue violation de l’article 14 de la directive 2013/32/UE, ainsi que des articles10, paragraphe (3), point a), 13 et 15 de la loi du 18 décembre 2015, et des droits de la défense des appelants s’y rattachant laisse d’être fondé.

En effet, si les articles mis en avant par les consorts (A) par rapport à ce moyen garantissent, sauf cas de figure spécifique exceptionnel, le droit de tout demandeur de protection internationale à un entretien personnel sur le fond de sa demande de protection internationale avec un agent ministériel, force est de constater en premier lieu que tel a été le cas en l’espèce pour Monsieur (A), celui-ci ayant été auditionné personnellement y relativement par un agent du ministère en dates des 27 janvier, 1er février et 16 février 2022. Quant à Madame (B), la Cour constate que celle-ci, lors de son audition du 26 janvier 2022, n’a pas répondu aux questions, se contentant d’indiquer que « mes motifs sont les mêmes motifs que pour mon mari » et faisant dès lors sien les motifs de persécution exposés par son époux.

Pour le surplus, tel que relevé à bon escient par les premiers juges, le ministre a tenu compte tant des déclarations faites par Monsieur (A) dans le cadre de son entretien auprès du ministère que des motifs que celui-ci a fait parvenir au ministère par écrit par courriel de son mandataire du 28 mars 2022, étant relevé que celui-ci a rempli un questionnaire préétabli par le ministère et a pu librement exposer de façon chronologique les motifs de persécution mis en avant dans le cadre d’un écrit comportant 11 pages qu’il a fait parvenir au ministère également par ledit courriel de son mandataire du 28 mars 2022.

Au vu de ces circonstances, ni l'article 13, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, ni une quelconque autre disposition légale n’exigent que le ministre procède spontanément à une audition complémentaire des consorts (A) avec un autre agent du ministère pour leur poser toutes les questions jugées opportunes et nécessaires par rapport aux motifs de persécutions allégués et la situation générale sécuritaire en Iran.

16Partant, à l’instar du tribunal, la Cour arrive à la conclusion qu’il ne se dégage pas des éléments soumis à son appréciation que la décision litigieuse n’ait pas été prise individuellement, objectivement et impartialement, de sorte que la procédure d’instruction de la demande de protection internationale des consorts (A) n’encourt pas de reproches justifiant son annulation et le moyen afférent est à abjuger.

Concernant le fond du litige, il se dégage de la combinaison des articles 2, sub h), 2, sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Ceci étant dit, il y a lieu d’ajouter que l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Or, dans le cadre du recours en réformation dans lequel il est amené à statuer sur l’ensemble des faits lui dévolus, le juge administratif doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du 17demandeur d’asile en ne se limitant pas à la pertinence des faits allégués, mais il se doit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile, la crédibilité du récit constituant, en effet, un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé d’une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

La Cour fait sienne l’analyse des premiers juges en ce que le demandeur de protection internationale doit effectivement bénéficier, dans ses déclarations, du doute en application de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, si et à condition que son récit puisse être généralement considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible.

Ceci étant rappelé, au niveau de l’appréciation de la crédibilité des déclarations des appelants au sujet de leur vécu et des motifs de persécution mis en balance par eux, la Cour partage l’analyse des premiers juges et rejoint le ministre en ce qu’il a conclu à un manque général de crédibilité dans leur chef au regard d’un nombre certain de contradictions et d’incohérences affectant leurs dires, dont les plus évidentes sont reprises ci-après.

Ainsi, à l’instar du ministre et des premiers juges, la Cour partage les doutes émis au sujet de l’implication de Monsieur (A) dans le « (J) » et des arrestations dont il aurait fait l’objet dans ce contexte. Ainsi, s’il a déclaré dans le cadre de sa demande de protection internationale introduite au Danemark avoir été arrêté à neuf reprises entre décembre 2009 et janvier 2015 pour avoir participé à des manifestations de ce mouvement, Monsieur (A) n’a plus parlé de ces arrestations ni lors de son entretien auprès du ministère, ni dans sa note écrite que son mandataire a fait parvenir aux autorités ministérielles par courriel du 28 mars 2022.

La Cour relève encore et fait siennes les contradictions relevées par les premiers juges concernant le prétendu rôle joué par Monsieur (A) au sein du « Club des Jeunes Journalistes ». En effet, il est singulier de constater que celui-ci aurait pu être engagé à partir de mars/avril 2013 par ledit club en tant que ……. « …… », au regard de son prétendu engagement en tant que manifestant au sein du « (J) » et des prétendues arrestations subséquentes, le « Club des Jeunes Journalistes » étant en effet un organe contrôlé par les autorités iraniennes. Les développements de Monsieur (A), soutenant que cette position lui aurait permise d’avoir accès à des informations utiles pour l’opposition au gouvernement, tout en lui permettant ……. pour l’opposition avec des informations véridiques, pourraient certes être considérés comme une motivation à infiltrer ledit club, mais ne sont pas de nature à expliquer le fait que les autorités iraniennes n’aient pas remarqué pendant des années que le concerné avait apparemment été arrêté dans le passé à de multiples reprises en tant que manifestant du « (J) ».

Il est encore singulier de constater que les consorts (A), après leur premier départ d’Iran et leur arrivée au Danemark en janvier 2015 n’ont pas introduit de suite une demande de protection internationale, malgré le fait que Monsieur (A) a déclaré avoir été arrêté en Iran quelques semaines auparavant et incarcéré à la prison d’Evin à ……. pendant 45 jours, incarcération lors de laquelle il aurait été torturé. Cette incohérence se trouve encore renforcée par le fait que les consorts (A) sont volontairement retournés en Iran pendant plus d’un mois en été 2016 pour une fête familiale, à 18savoir la circoncision de leur deuxième fils, né le ….. au Danemark, ceux-ci n’ayant déposé leur première demande de protection internationale au Danemark que le 9 juin 2017 à un moment où leurs permis de séjour provisoires au Danemark leur avaient été retirés. Or, tel que relevé à bon escient par les premiers juges, pareil comportement n’est guère compatible avec celui d’une personne réellement à la recherche d’une mesure de protection internationale qui devrait plutôt réclamer pareille mesure à son arrivée dans le premier pays sûr. Pour le surplus, il est encore étonnant de constater que les appelants n’ont jamais fui l’Iran dans la précipitation, même après la prétendue dernière libération de Monsieur (A) de sa garde à vue en été 2016, mais qu’ils ont quitté l’Iran à la date prévue sur le billet d’avion, sans cependant emmener des éléments de preuve concernant leur situation personnelle, tels les originaux de leurs actes de naissance respectifs ou encore des documents ou l’ordinateur de Monsieur (A), éléments qui, d’après les dires des appelants, n'ont été confisqués que lors d’une perquisition à leur domicile en Iran en date du 9 mai 2017.

Concernant finalement les divers articles de presse apparemment rédigés par Monsieur (A) et les craintes de persécutions alléguées en découlant, la Cour constate en premier lieu, que mis à part un article publié en 2014, les autres articles versés en cause portent des dates de publication se situant entre le 2 septembre 2018 et 27 juillet 2021, soit à une époque où le concerné avait déjà déposé ses demandes de protection internationale respectives au Danemark en date 27 juillet 2017, respectivement au Luxembourg en date du 10 novembre 2020.

Cette argumentation est à apprécier par rapport aux dispositions inscrites à l’article 38 de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel :

« (1) Une crainte fondée d’être persécuté ou un risque réel de subir des atteintes graves peut s’appuyer sur des événements ayant eu lieu depuis le départ du demandeur du pays d’origine.

(2) Une crainte fondée d’être persécuté ou un risque réel de subir des atteintes graves peut s’appuyer sur des activités exercées par le demandeur depuis son départ du pays d’origine, en particulier s’il est établi que les activités sur lesquelles cette demande se fonde constituent l’expression et la prolongation de convictions ou d’orientations affichées dans le pays d’origine.

(3) Sans préjudice de la Convention de Genève, un demandeur qui introduit une demande ultérieure ne se voit normalement pas octroyer le statut de réfugié, si le risque de persécutions est fondé sur des circonstances que le demandeur a créées de son propre fait depuis son départ du pays d’origine ».

Or, au vu de la chronologie des faits mis en avant par les appelants en relation avec les craintes de persécution en raison des activités journalistiques de Monsieur (A), il est singulier de constater, dans le contexte de l’article apparemment publié par l’appelant déjà le 3 mai 2014 dans le journal « Iran Human Rights Watch » et intitulé « Journée de la liberté de la presse ; l’Iran l’une des cinq plus grandes prisons pour journalistes », tel qu’indiqué dans la requête d’appel, que les autorités iraniennes n’aient pas été au courant de cette publication au courant des mois de juin et juillet 2014, époque à laquelle Monsieur (A), d’après son récit, était emprisonné à la prison d’Evin à …….

pendant 42 jours, ni plus tard jusqu’au premier départ d’Iran des consorts (A) le 24 janvier 2015.

19Pour le surplus, il est encore étonnant de noter dans ce contexte que les consorts (A) aient pris le risque de retourner en Iran en été 2016, étant donné qu’ils auraient dû avoir à l’esprit que les autorités iraniennes avaient largement le temps de prendre connaissance du contenu dudit article publié plus d’une année auparavant dans le « Iran Human Rights Watch », de sorte que la Cour arrive à la conclusion que le récit des appelants dans le contexte de la publication de l’article litigieux, apparemment déjà intervenue au mois de mars 2014, n’est manifestement pas crédible.

Au vu de cette conclusion, les prétendus quatre autres articles publiés par Monsieur (A), versés en cause et portant des dates de publication auxquelles les concernés avaient déjà déposé leurs demandes de protection internationale respectives au Danemark et au Luxembourg, ne sauraient partant être considérés comme constituer l’expression et la prolongation de convictions ou d’orientations affichées dans le pays d’origine au sens de l’article 38, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, mais plutôt comme des circonstances que Monsieur (A) a créées de son propre fait depuis son départ du pays d’origine, état des choses justifiant dans le cas d’espèce le refus de voir accorder aux appelants le statut de réfugié tel que prévu au paragraphe (3) dudit article 38, ceci également au vu des autres multiples incohérences et contradictions transperçant du dossier.

Finalement, il est encore singulier de constater que les pièces supplémentaires versées par les appelants relatives aux prétendues poursuites judiciaires à l’égard de Monsieur (A) en Iran, à savoir la convocation du 13 mai 2017 devant le « …..tribunal de district de (Q) (Evin) à ……., ….. du bureau d’enquête d’Evin » et le document intitulé « PROCÈS-VERBAUX », émis le 9 mai 2017 par le même tribunal, n’ont toujours pas été versées en original mais seulement en copie, constat déjà effectué par le tribunal dans le jugement entrepris du 5 juin 2024.

Ainsi, le récit des appelants, considéré dans sa globalité, n’est pas de nature à convaincre, de sorte qu’il a lieu de retenir l’absence de raisons crédibles de croire que les appelants aient une crainte fondée de subir des persécutions ou encourent, en cas de retour en Iran, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015, les craintes mises en avant étant à percevoir comme étant purement hypothétiques.

Au-delà, la Cour constate que les appelants ne prétendent pas que la situation qui prévaut actuellement en Iran correspondrait à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015. Par ailleurs, ni les déclarations des appelants, ni les pièces du dossier administratif ne permettent de conclure à l’existence d’une telle situation.

Il s’ensuit que l’appel dirigé contre la décision de rejet de la demande en reconnaissance d’une protection internationale, considérée sous ces deux volets, laisse d’être fondé.

Les appelants sollicitent encore, par réformation du jugement entrepris, la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale.

Comme le jugement entrepris est à confirmer en ce que le refus de la protection internationale -

statut de réfugié et protection subsidiaire - est justifié et que le refus d’octroi de ce statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de 20reformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation du refus d’une protection internationale est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer sur ce point.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter les appelants et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 5 juillet 2024 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute les appelants ;

partant, confirme le jugement entrepris du 5 juin 2024 ;

condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Colette MORIS.

s. …… s. SPIELMANN 21


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50698C
Date de la décision : 22/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-10-22;50698c ?

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