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04/02/2025 | LUXEMBOURG | N°51767C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 février 2025, 51767C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 51767C ECLI:LU:CADM:2025:51767 Inscrit le 31 octobre 2024 Audience publique du 4 février 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 2 octobre 2024 (n° 48836 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 51767 du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 31 octobre 2024 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (C

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 51767C ECLI:LU:CADM:2025:51767 Inscrit le 31 octobre 2024 Audience publique du 4 février 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 2 octobre 2024 (n° 48836 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 51767 du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 31 octobre 2024 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu le 2 octobre 2024 (n° 48836 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 mars 2023 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 28 novembre 2024;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 14 janvier 2025.

Le 20 janvier 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».

1Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date des 23 décembre 2021 et 7 février 2022, il fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 17 mars 2023, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 21 mars 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », l’informa que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 20 janvier 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos motifs de fuite En mains votre fiche des motifs établie au moment de l'introduction de votre demande, le rapport du Service de Police Judiciaire du 20 janvier 2021, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 23 décembre 2021 et 7 février 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Monsieur, vous déclarez être né le … à … en République du Cameroun, être de nationalité camerounaise, d'ethnie … et de confession …. Vous auriez vécu à … avant de quitter votre pays d'origine.

Quant à votre crainte en cas de retour dans votre pays d'origine, vous déclarez simplement que « [s]’il n'y avait plus le gouvernement actuel, je pourrais retourner vivre au Cameroun. Ce gouvernement est corrompu » (page 13 de votre rapport d'entretien).

Vous expliquez que vous auriez participé à une unique manifestation qui aurait commencé à 11h00 à … « en janvier ou février 2019 » (page 10 de votre rapport d'entretien) et qui aurait eu pour but de contester les résultats des élections de fin 2018 et de mettre fin au conflit dans le Nord-Ouest de la République du Cameroun. Vers 13h00, vous auriez quitté la marche pour vous cacher chez votre oncle à … en périphérie de …. Vers 20h00-22h00, votre conjointe vous aurait informé que dans tous les quartiers de …, les personnes qui auraient participé à la marche seraient recherchées.

Le lendemain vous auriez quitté la République du Cameroun.

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

2 - Une carte d'élève du Lycée … pour l'année 2021/2022 ;

- un contrat d'apprentissage luxembourgeois dans le métier de ….

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant à la crédibilité de votre récit Avant tout autre développement, je suis amené à remettre en cause la crédibilité de votre récit.

Il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.

Dès lors, la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d'origine doit être réfutée pour les raisons suivantes :

Premièrement, vous vous présentez comme un activiste du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). Or, Monsieur, force est de constater que d'après vos déclarations, vous ne seriez pas membre du MRC. Vous vous seriez simplement considéré comme un activiste au sein de ce parti depuis septembre - octobre 2018, soit la même année que vous auriez découvert ce parti et vous auriez uniquement participé à une marche que vous situez entre janvier et février 2019. Force est également de constater que malgré le fait que vous déclarez au sujet du MRC que « [l]e programme politique concordait avec mes idées » (page 11 de votre rapport d'entretien), vous ne connaissez aucun détail de ce programme. En effet, vous déclarez de simples généralités telles que « [l]e MRC veut que le Camerounais soit libre, qu'il y ait des droits de l'homme, que la justice soit égal. Il voulait mettre fin à la guerre qu'il y a entre les Anglophones et les Francophones » [Sic] (page 10 de votre rapport d'entretien). Or, Monsieur, au-delà de ces considérations générales, vous restez à défaut de produire une quelconque pièce qui permettrait d'établir un lien entre vous et le MRC et alors que d'après vous, vous auriez adhéré au programme politique du MRC, vous restez dans l'incapacité de donner des précisions relatives au programme du MRC de 2018 qui se déclinait 3en cinq chantiers : Le chantier institutionnel et politique, le chantier jeunesse et éducation, le chantier économie et production, le chantier social et solidarité et le chantier des relations extérieures.

Partant, Monsieur, il est indéniable que vous ne pouvez être considéré comme un activiste du MRC et que vous n'avez aucune connaissance qui permettrait de vous assimiler à un activiste du MRC.

Deuxièmement, vous êtes dans l'incapacité de situer de façon précise dans le temps, l'unique marche à laquelle vous auriez participé. Or, Monsieur, il est très curieux que vous ne connaissiez pas la date exacte du seul évènement à caractère politique auquel vous auriez participé alors que vous vous qualifiez d'activiste. Il est encore plus curieux que vous ne sachiez pas mentionner la date exacte alors que vous auriez quitté la République du Cameroun le lendemain de cette marche, ce qui constitue un évènement marquant de votre vie dont on est en droit de s'attendre à ce que vous sachiez vous en souvenir. De toute évidence, vous tentez de vous inventer un vécu en évoquant simplement une « marche », faisant probablement référence à la marche blanche qui a été largement médiatisée et qui a eu lieu le 26 janvier 2019.

Troisièmement, vous déclarez que cette marche aurait commencé à 11h00 du matin et que vous y auriez participé jusqu'à 13h00. Or, d'après les informations consultées, « C'est vers 9 heures que les dizaines de militants du MRC - avec à leur tête l'opposant Célestin Djamen -

ont commencé à arpenter les rues de la capitale économique du Cameroun. Selon des témoins, les manifestants ont marché sur quelques mètres, avant d'être rejoints par les forces de sécurité qui ont tiré des gaz lacrymogènes sans sommation, provoquant un mouvement de foule ». Là encore, Monsieur, force est de constater que vous ne connaissez aucun détail au sujet de cette marche, détails qu'un véritable activiste du MRC devrait pourtant connaître.

Quatrièmement, vous prétendez que votre compagne vous aurait contacté en soirée, le jour même de la marche vers 20h00 - 22h00 pour vous prévenir que des arrestations auraient eu lieu dans « tous les quartiers de … » (page 12 de votre rapport d'entretien) et que « maison après maison » (page 12 de votre rapport d'entretien) tous ceux qui auraient participé à la marche seraient arrêtés. Or, Monsieur, au-delà du fait qu'il est inconcevable que les forces de l'ordre retrouvent tous les participants d'une marche en ratissant toute une ville quartier par quartier alors qu'il n'existe aucun moyen d'identifier tous les participants d'une telle marche, aucune des sources consultées ne mentionne une telle action des forces de l'ordre camerounaises. Or, il est évident que si comme vous le prétendez, tous les participants de cette marche avaient fait l'objet d'une opération systématique menée afin de les arrêter, cette information aurait été largement couverte médiatiquement. Ce qui n'est cependant pas le cas en l'espèce. S'il est avéré que certains participants à la marche du 26 janvier 2019 ont été arrêtés durant les interventions des forces de l'ordre pour dissiper cette marche qui avait été préalablement interdite et que certains cadres du MRC ont fait l'objet d'arrestations par après, ces évènements ne correspondent en rien avec vos déclarations.

Cinquièmement, Monsieur, au vu de vos déclarations approximatives et lacunaires des évènements qui ont eu lieu le 26 janvier à …, il parait évident que vous ne les avez pas vécus, mais que comme la plupart des camerounais, vous en avez entendu parler. Ce constat est renforcé par le fait que vous déclarez vous-même au sujet des arrestations que vous décrivez, que vous auriez « vu ça dans les journaux, à la télé, ça a été publié partout » (page 11 de votre rapport d'entretien).

4 Sixièmement, il y a encore lieu de soulever que vos déclarations selon lesquelles vous seriez allé vous cacher chez votre oncle après que vous auriez quitté la marche vers 13h00 sont également dénuées de sens alors que rien ne vous serait personnellement arrivé et que votre compagne vous aurait informé des arrestations qu'à partir de 20h00 - 22h00. Monsieur, vous ne présentez aucune raison qui vous aurait poussé à aller vous cacher à partir de 13h de sorte qu'il est encore une fois indéniable que vous avez inventé votre récit.

Au vu de tout ce qui précède, force est donc de constater qu'il est indéniable que vous avez inventé votre récit de toute pièce et ceci dans le seul but d'augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale.

Vous n'êtes manifestement pas un activiste du MRC, ni recherché par les autorités camerounaises. Partant, votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Quand bien même votre récit serait crédible, quod non, il s'avère que vous ne remplissez pas les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, respectivement pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

En effet, Monsieur vous déclarez que vous auriez participé à une seule marche organisée par le MRC qui aurait eu lieu entre janvier et février 2019 et à laquelle « presque toute la ville de … » (page 10 de votre rapport d'entretien) aurait participé.

Si à priori, ce motif entre dans le champ d'application de la Convention de Genève comme ayant un lien avec vos opinions politiques, force est toutefois de constater que votre participation à une unique marche aux côtés de nombreux autres participants et sans que quoi 5que ce soit ne vous arrive personnellement, ne revêt pas un degré de gravité suffisant pour être assimilé à un acte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

Monsieur, vous ajoutez que le soir même de la marche, votre compagne vous aurait appelé pour vous prévenir qu'« au quartier on est train d'attraper les gens, tout ceux qui ont fait la marche pendant la journée, on les attrape maison après maison » (page 12 de votre rapport d'entretien). Or, Monsieur, il est évident que votre profil ne peut être assimilé à celui d'une personne qui serait susceptible d'être dans le collimateur des autorités camerounaises pour ses activités politiques et cela même si vous aviez réellement participé à une marche organisée par le MRC. En effet, Monsieur, vous auriez quitté cette marche sans aucun problème et vous ajoutez que la police serait intervenue avec des jets d'eau et en tirant sur certaines personnes, toutefois vous précisez que vous auriez appris ces détails par le biais des médias et non pas parce que vous les auriez vu de vos propres yeux.

Monsieur, force est de constater que vos craintes sont purement hypothétiques. Or, une crainte hypothétique ne saurait fonder l'octroi d'une protection internationale dans votre chef.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

En effet, il ressort de vos déclarations que vous basez votre demande en octroi du statut conféré par la protection subsidiaire sur les mêmes motifs invoqués dans le cadre de votre demande en obtention du statut de réfugié.

Or, et tout en renvoyant aux arguments développés ci-dessus, force est de constater que vous ne risquez pa(s) d'être condamné à mort, d'être exécuté, voire de subir un traitement inhumain et dégradant en cas de retour dans votre pays d'origine.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

6 Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la République du Cameroun, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 avril 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 17 mars 2023 portant refus d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 2 octobre 2024, le tribunal administratif déclara non fondé ce recours en ses deux volets, partant en débouta, le tout en condamnant le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 31 octobre 2024, Monsieur (A) a régulièrement fait entreprendre le jugement du 2 octobre 2024.

L’appelant réitère en substance avoir quitté son pays d’origine en raison d’un risque de persécution pesant sur lui du fait de sa participation, suite aux élections présidentielles d'octobre 2018, à une manifestation censée dénoncer le « hold-up électoral du pouvoir en place » et qui a été organisé par les partisans du parti Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (« MRC »). En effet, cette manifestation se serait soldée par des violences des forces de l'ordre et une rafle de plus d'une centaine de manifestants. S’il aurait pu se réfugier chez un oncle, il n’aurait pas moins été identifié par les forces de l'ordre et risquerait d’être poursuivi par eux.

Sur ce, reprochant en substance aux premiers juges une mauvaise appréciation de son vécu et de la méconnaissance de la nature et la gravité des persécutions qu’il aurait risqué de subir, l’appelant demande à voir réformer le jugement a quo et à se voir reconnaître le statut de réfugié.

L’appelant estime que les nombreuses arrestations arbitraires enregistrées à l'issue de la marche intervenue en 2019 lui auraient fait comprendre qu'il serait dans le collimateur des forces de l'ordre et que le risque afférent aurait été confirmé par les informations reçues plus tard de la part de son épouse qui lui a indiqué que tous les participants à ladite marche étaient recherchés dans la ville de ….

Si ces risques devaient ne pas justifier la reconnaissance du statut de réfugié, l’appelant demande à se voir octroyer une protection subsidiaire, au motif qu’il risquerait pour le moins des traitements inhumains matérialisés par une « arrestation arbitraire et un procès expéditif pour atteinte à la sureté de l'Etat camerounais comme d'autres personnes arrêtées suite à d'autres marches du même type et condamnées pour tentative de révolution tels l'un des chefs de file du parti MRC, Monsieur (B) interpellé le 22 septembre 2020 à son domicile incarcéré et jugé trois mois plus tard au cours d'un procès où ses avocats ont contesté la compétence du tribunal militaire en vain ».

7 De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse, les deux tablant sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une 8persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, la Cour rejoint en substance les premiers juges en ce qu’au regard des circonstances de la cause, ils ont constaté à bon escient que l’appelant -au-delà de toutes considérations relativement à la crédibilité du récit de l’intéressé- est resté -et reste- en défaut de démontrer concrètement et à suffisance que sa participation à une manifestation postélectorale du MRC à … en janvier ou en février 2019 l’ait concrètement exposé à des actes de persécution ou d’atteintes graves au sens de l'article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015 ou risquerait de l’y exposer en cas de retour dans son pays d’origine.

Les premiers juges ont ainsi pointé à juste titre le fait que l’appelant n’a fait état que de sa participation à une seule marche du MRC, à laquelle selon ses propres dires, « presque toute la ville de … » aurait participé, qu’il n’a apparemment pas été un membre actif dudit parti politique et qu’il a pu quitter la marche vers 13:00 heures sans rencontrer le moindre problème, toutes les informations quant à une intervention de la police et des arrestations ne lui étant parvenues que par après, à travers les médias.

La Cour arrive donc à son tour à la conclusion que l’appelant n’a fourni le moindre indice concret permettant de conclure qu’il a été, voire est personnellement et individuellement visé par l’action des forces de l’ordre, que ce soit lors de la participation à la marche que par après ou encore à ce jour, soit pratiquement six ans plus tard, étant entendu qu’il n’appert avoir été qu’un participant parmi de nombreuses autres personnes, qu’il a pu s’éloigner de la marche sans rencontrer la moindre difficulté et qu’il ne saurait pas utilement assimiler sa situation à celle d’un chef de file du parti MRC, exposé à un tout autre titre que lui-même.

Les craintes de l’appelant n’apparaissent donc toujours en définitive que comme étant simplement hypothétiques.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre d’abord, les premiers juges par la suite, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et le jugement est à confirmer sous ce rapport.

Quant à l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, comme le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le 9statut de réfugié et celui conféré par la protection subsidiaire et que le refus d’octroi d’un tel statut est automatiquement assorti d’un ordre du ministre de quitter le territoire, la demande de réformation dudit ordre est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer cet ordre.

En effet, comme il a été retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder à l’appelant l’un des statuts conférés par la protection internationale, ni la légalité, ni le bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire ne sauraient valablement être remis en cause par la simple allégation d’une violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 2 octobre 2024;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 51767C
Date de la décision : 04/02/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-02-04;51767c ?

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