GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52006C ECLI:LU:CADM:2025:52006 Inscrit le 25 novembre 2024 Audience publique du 11 février 2025 Appel formé par Madame (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 21 octobre 2024 (n° 49631 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 52006C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 25 novembre 2024 par Maître Samira MABCHOUR, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, au nom de Madame (A), née le … à … (Venezuela), de nationalité vénézuélienne et colombienne, demeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu le 21 octobre 2024 (n° 49631 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a déboutée de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 septembre 2023 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et portant ordre de quitter le territoire ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 24 décembre 2024 ;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans formalités ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 28 janvier 2025.
Le 5 novembre 2021, Madame (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », des 1demandes de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Madame (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En date des 12 avril, 17 mai et 5 juillet 2022, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 29 septembre 2023, envoyée à Madame (A) par lettre recommandée le 2 octobre 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa l’intéressée que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 5 novembre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos motifs de fuite En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 5 novembre 2021 et le rapport de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes de vos entretiens des 12 avril, 17 mai et 5 juillet 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale.
Vous déclarez Madame, être de nationalité vénézuélienne et colombienne, de confession …, née le … à … dans l’Etat de … au Vénézuela et y avoir vécu jusqu’en octobre 2018, avant d’aller vivre à … en Colombie jusqu’à votre départ pour le Luxembourg.
Madame, en cas de retour au Vénézuela, vous affirmez craindre « des problèmes politiques qui concernaient toute la famille » (p.5/21 du rapport d’entretien) en raison de l’activité professionnelle de votre père, lequel aurait géré des casinos de 2013 à 2018, bien que l’exploitation de ceux-ci aurait été interdite au Vénézuela.
Vous expliquez plus particulièrement que votre père aurait obtenu « un permis spécial » (p.5/21 du rapport d’entretien) lui permettant de poursuivre son activité en contrepartie d’un pot-de-vin à « la garde nationale, au Sebin, à la commission des casinos et aux Tupamaros » (p.5/21 du rapport d’entretien). Cette autorisation d’exploitation, informelle et précaire, aurait dû être renouvelée à « chaque fois que ces entités changeaient de chef » (p.8/21 du rapport d’entretien). Votre père se serait vu alors demander plus d’argent en échange de ne pas voir ses machines endommagées ou confisquées voire de s’en prendre à votre famille. Entre 2016 et 2017, 2votre père se serait fait enlever à deux reprises. La première fois, il aurait été séquestré par la police pendant un jour et libéré dès que votre mère eût payée une rançon. La deuxième fois, il aurait été retenu pendant trois jours par les Tupamaros (p.11/21 du rapport d’entretien), lesquels auraient exigés une somme d’argent tellement conséquente que votre mère aurait « dû donner tout l’argent » (p.11/21 du rapport d’entretien) dont elle aurait disposé et aurait dû vendre sa voiture.
Vous précisez qu’au cas où vos parents n’auraient pas payé la rançon, votre père aurait été menacé d’être « impliqué dans une affaire d’assassinat très connue à ce moment-là » (p.11/21 du rapport d’entretien) et aurait risqué d’être accusé de « traitre à la patrie » (p.11/21 du rapport d’entretien). Il se serait également vu confisquer ses documents d’identité, qu’il aurait, par la suite, récupérés « très peu de temps après » (p.12/21 du rapport d’entretien) avoir déposé une plainte pour dénoncer les incidents dont il aurait été victime.
Vous expliquez encore que vos craintes seraient dues au fait qu’à trois reprises, la police ou le SEBIN serait venue à votre domicile respectivement en 2015, 2016 et 2017. Vous auriez été présente à chaque perquisition, et aurait identifié le SEBIN parce que ces derniers auraient conduit des véhicules motorisés tout-terrain. Les agents auraient été à la recherche de votre père, lequel n’aurait pas été présent, ainsi que de son coffre-fort, et ils auraient « volé des choses dans la maison » (p.10/21 du rapport d’entretien) dont des bijoux. Ces individus cagoulés et vêtus en noir n’auraient pas eu d’autorisation pour effectuer des fouilles de votre domicile. Lors de la dernière perquisition, un mandat aurait été présenté à votre mère, mais vos parents auraient découvert que celui-ci aurait été un faux, au moment où ils auraient été porter plainte « devant une autorité » (p.10/21 du rapport d’entretien). Les trois derniers mois, avant votre premier départ du Vénézuela pour la Colombie en octobre 2018, deux gardes du corps vous auraient accompagnés depuis la maison à votre école et au retour.
En décembre 2019, vous seriez retournée, ensemble avec votre mère, votre frère et votre sœur, passer les « vacances au Vénézuela » (p.7/21 du rapport d’entretien), mais un neveu de votre mère, qui aurait été policier, vous aurait prévenu que « dans la police la rumeur courrait qu’on (sic) était revenus dans notre ancienne maison » (p.8/21 du rapport d’entretien). Vous auriez eu peur de la police, laquelle aurait su « qu’on avait de l’argent » (p.8/21 du rapport d’entretien) et que celle-ci aurait pu vous faire « du mal » (p.8/21 du rapport d’entretien). Vous auriez décidé de quitter le Vénézuela une deuxième fois le 15 janvier 2020, pour retourner vivre en Colombie.
Madame, en cas de retour en Colombie, vous affirmez craindre d’être séquestrée voire d’être tuée par des individus, lesquels auraient poussés vos amies à se prostituer et contre qui votre père aurait porté plainte devant les autorités colombiennes. Vous expliquez plus particulièrement, qu’en juillet 2019, vous auriez rencontré un garçon, lequel se serait prénommé (B) et qui vous aurait invitée, ensemble avec votre amie (C), à une réunion pour vous présenter une agence de mannequinat. Il y aurait seulement eu deux hommes à cette réunion, lesquels auraient été âgés d’une cinquantaine d’années et se seraient prénommés respectivement (D) et (E). (E) aurait essayé d’obtenir des informations personnelles sur vous, puis vous aurait mis 200 000 pesos dans votre poche en plus de vous proposer de vous offrir un nouveau téléphone, une moto ou une voiture. Le jour suivant, (E) aurait continué de vous faire des avances par le biais de messages sur WhatsApp et vous l’auriez bloqué pour ne plus être contactée. Par la suite, et jusqu’en octobre 2019, vous auriez appris qu’(B) aurait convaincu votre amie (C) à se prostituer avec (D) et (E).
3 Le … octobre 2019, vous vous seriez promenée avec votre amie (C) au centre-ville, lorsqu’(B) aurait surgi et vous aurait demandé de monter dans une voiture, dans laquelle se serait déjà trouvés (E) et une autre personne, que vous n’auriez pas connue. Alors que vous n’auriez pas voulu monter, (B) vous aurait demandé pour quelles raisons vous auriez été « tellement têtue et de si mauvaise disposition » (p.7/21 du rapport d’entretien) avant de vous diriger vers la voiture.
Une fois en route, (B) aurait décidé d’aller déjeuner dans un restaurant. Assise à côté de (E), il vous aurait mis mal à l’aise, car il aurait caressé votre main et mis son bras sur vos épaules pendant la durée du repas. Au bout d’une heure, votre père vous aurait appelé « énervé et inquiet » (p.7/21 du rapport d’entretien), et aurait exigé que vous rentriez. De retour à la maison, vous auriez tout raconté à vos parents. Le jour suivant, votre père aurait décidé d’aller porter plainte à la « fiscalia » (p.7/21 du rapport d’entretien). Il y aurait appris que « ces personnes étaient déjà poursuivies pour traite de personnes et trafic de mineurs » (p.7/21 du rapport d’entretien). La semaine suivante, la police aurait informé la famille de July de sa situation. Vous auriez été en parallèle convoquée pour que vos déclarations soient recueillies et que vous confirmiez l’identité des suspects en participant à une séance d’identification. Début novembre 2019, (B), (E) et (D) auraient été arrêtés par la police. Votre père serait retourné demander à la police quelles auraient été les « mesures de protection » (p.7/21 du rapport d’entretien) possibles. Cette dernière lui aurait « recommandé de ne pas sortir de la maison pendant quelques mois et de déménager » (p.7/21 du rapport d’entretien) ce que votre famille aurait fait. En raison de la pandémie, aucune audience n’aurait pu se faire en présentiel, et pendant un an et demi tout aurait été calme. Le … août 2021, vous auriez reçu à la maison un « papier qui disait que j’aurais (sic) dû bien payer ces deux années » (p.7/21 du rapport d’entretien). Vous auriez interprété ce message comme étant une sérieuse menace, de sorte que, dès le lendemain, votre mère se serait rendue à la police. Celle-ci aurait déclaré ne rien pouvoir faire, puisqu’aucun incident ne serait survenu, et lui aurait communiqué un numéro de téléphone en cas d’urgence.
Madame, vous auriez quitté la Colombie le … septembre 2021, en prenant un vol de … à …, en Espagne avec des escales à … et à …, avant de prendre le train pour le Luxembourg. Vous y seriez arrivée le … septembre 2021 et y auriez vécu chez votre père, lequel aurait déjà quitté la Colombie depuis octobre 2020, avant d’introduire votre demande.
A l’appui de votre demande, vous remettez les documents suivants :
− Votre carte d’identité vénézuélienne, émise le … 2012 et ayant expiré en … 2022 ;
− votre passeport vénézuélien, émis le … 2015 et ayant expiré le … 2020 ;
− votre carte d’identité colombienne, émise le … 2020 et en cours de validité ;
− votre passeport colombien, émis le … 2020 et expirant le … 2030 ;
− le lien de la page officielle du bureau du procureur colombien informant de l’inculpation des membres de l’organisation criminelle El Engaño le … novembre 2019 ;
− l’acte de l’audience pour une libération anticipée de (F), fixée le … janvier 2022 ;
− votre convocation à une audience pour une libération anticipée de (G), fixée le … février 2022.
42. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Madame, en ce qui concerne tout d’abord vos craintes par rapport au Vénézuela, vous expliquez que votre sentiment d’insécurité découlerait des problèmes de votre père en lien avec son ancienne activité professionnelle d’exploitation de casinos. Or, un demandeur doit invoquer des éléments permettant d’établir qu’il serait personnellement à risque d’être persécuté. Des craintes basées sur des faits non personnels vécus par un autre membre de la famille, en l’occurrence votre père et votre mère, sont toutefois susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 uniquement si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. Cependant, vous restez en défaut d’établir un tel lien entre ces faits et votre personne, d’autant plus que vous ne faites état d’aucun incident dont vous auriez été personnellement victime au Vénézuela.
Par ailleurs, et à toutes fins utiles, il ressort des développements contenus dans la décision ministérielle prise dans le chef de votre mère, Madame (H) et de votre frère mineur (I), que ni votre père, ni les autres membres de votre famille ne risquent d’être persécutés au Vénézuela, de sorte que vos craintes ne sauraient pas non plus justifier l’octroi du statut de réfugié dans votre chef.
A toutes fins utiles, votre famille Madame, habite toujours au Vénézuela respectivement à … y compris l’une de vos tantes, laquelle vivrait dans la maison adjacente à la vôtre au Vénézuela.
Or, vous ne faites état d’aucune persécution, qu’elle aurait subie ou ne serait-ce que d’incidents 5concrets dans lesquels elle aurait été impliquée jusqu’à ce jour, ce qui est un élément de plus prouvant que vous pouvez retourner vivre au Vénézuela sans crainte fondée.
Ce constat est d’autant plus vrai que vous auriez décidé de passer vos vacances au Vénézuela en 2019, décision que vous n’auriez certainement pas prise si vous risquiez d’y être persécutée.
Eu égard à ce qui précède, il appert que vous avez la possibilité de vous réinstaller au Vénézuela, poursuivre vos études ou travailler dans la ville de votre choix, sans que vous risquiez avec raison de devenir une victime collatérale des activités illégales passées de votre père.
Quand bien même un retour au Vénézuela ne serait pas envisageable, il vous serait également loisible de prévoir un retour en Colombie, alors que vous possédez la double nationalité. En effet, l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale doit être réalisée en tenant compte de tous les faits pertinents concernant le pays d’origine du demandeur au moment de statuer sur la demande. Le pays d’origine étant entendu comme le pays ou les pays dont le demandeur a la nationalité. Par conséquent, votre motif de fuite de la Colombie est également analysé.
Madame, vous expliquez craindre qu’en cas de retour en Colombie vous risqueriez d’être forcée à vous prostituer, respectivement d’être dans le collimateur de personnes non autrement identifiées, qu’étant celles qui vous auraient menacées avant le procès de Messieurs (B), (D) et (F).
Madame, force est tout d’abord de constater que les faits que vous invoquez, certes extrêmement condamnables, ne sont pas liés à l’un des cinq motifs de fond définis dans la Convention de Genève et de la Loi de 2015, à savoir votre race, votre religion, votre nationalité, vos opinions politiques ou encore votre appartenance à un certain groupe social. En effet, vous auriez été victime d’une infraction de droit commun - en l’occurrence une tentative de vous convaincre à vous prostituer, respectivement d’une prétendue tentative d’intimidation en vue d’influencer l’issue d’une demande en vue de la libération anticipée de Monsieur (F).
Par ailleurs, il échet de relever que les faits que vous relatez ne sont pas d’une gravité suffisante pour constituer des actes de persécution au sens de la Convention de Genève, respectivement de la Loi de 2015.
Vous expliquez en effet vous-même que vous n’auriez jamais dû vous prostituer respectivement que vous n’auriez pas été victime de la traite en Colombie. Le dénommé (C) aurait certes fait des avances envers vous, mais vous auriez toujours réussi à repousser. De même, vous expliquez que vous auriez reçu un courrier intimidant avant le procès engagé contre les malfaiteurs. Cependant, mis à part le fait qu’il s’agit d’une simple supposition de votre part, les auteurs des menaces selon vos propres dires vous seraient inconnus, il s’avère que rien ne vous serait arrivé après la réception de ladite lettre. En outre, vous auriez réceptionné ce papier le … août 2021, mais vous n’auriez quitté la Colombie que le … septembre 2021. Or, une simple lettre d’intimidation, voire même de menace, non suivie d’un quelconque acte concret, ne saurait être assimilé à un acte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
6 Enfin, en ce qui concerne les auteurs des faits invoqués vous impliquant, il s’agit de personnes sans lien avec l’Etat. En effet, les dénommés (B), (D) et (F) sont des personnes privées en ce sens qu’ils ne présentent aucun lien avec les autorités colombiennes. Or, des faits commis par des personnes sans lien avec l’Etat, ne peuvent être considérés comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce.
En effet, le gouvernement colombien œuvre activement contre la traite des êtres humains, laquelle est commise par des groupes armés non étatiques et des organisations criminelles pour soutenir leurs activités et contrôler les communautés. Ainsi, la Colombie respecte pleinement les normes minimales pour l’élimination de la traite, classant le pays au rang numéro un par le « United States Department of State » ce qui est le niveau le plus élevé pouvant être attribué. En outre, la Colombie a maintenu ses efforts d’application de la loi. Le Code pénal colombien criminalise la traite à des fins sexuelles et de travail forcé, et prévoit des peines suffisamment sévères, et proportionnées à celles prévues pour d’autres crimes graves. Le gouvernement colombien a pareillement intensifié ses efforts de protection et alloue un budget conséquent pour aider les victimes de la traite interne. Enfin, il existe différents canaux pour signaler un cas de traite, dans lesquels, les victimes peuvent demander une aide immédiate. Par exemple, il existe une application mobile gratuite avec un bouton panique ou bien encore une ligne téléphonique nationale gratuite contre la traite des personnes du Bureau du Procureur général.
Au demeurant, force est de constater que vous avez, respectivement vos parents eu la possibilité de déposer une plainte en cas de menaces de représailles du fait d’avoir fait des déclarations à la police à l’encontre de criminels. En effet, en ce qui concerne la protection des personnes ayant dénoncées un crime et risquant de devenir une victime, des programmes en matière de protection des victimes et des témoins de crimes sont mis en place par le ministère de l’Intérieur colombien dans les cas où un risque sérieux et imminent est caractérisé et du fait de la position ou de l’activité de la personne ciblée. A cet égard, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. En l’espèce, la police a recueilli les plaintes respectives de vos parents, inculpé les dénommés (B), (D) et (F) pour des crimes liés à la traite et la prostitution et les a emprisonnés en novembre 2019. La police vous a également fourni un numéro d’urgence à contacter en cas de survenance d’un quelconque incident. Force est de donc de constater que les autorités colombiennes vous auraient protégées une première fois et que vous n’établissez pas qu’elles seraient dans l’impossibilité de vous fournir une protection en cas de survenance d’un nouvel incident.
Le constat que vous n’étiez pas à risque en Colombie est conforté par le fait que votre père a quitté la Colombie fin 2020 afin de venir travailler au Luxembourg. Si vous aviez effectivement été à risque d’être victime de la traite, il ne vous aurait certainement pas laissé seule avec votre mère et votre fratrie.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
7 • Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Madame, il y a lieu de souligner qu’à l’appui de votre demande de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de votre demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Au vu des conclusions ci-dessus, il y a de même, lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.
En effet, vous restez en défaut d’établir qu’en cas de retour au Vénézuela ou en Colombie, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou vôtre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors rejetée comme non fondée.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du 8Vénézuela, de la Colombie ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner.
(…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2023, Madame (A) introduisit un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 29 septembre 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Par un jugement du 21 octobre 2024, le tribunal déclara non fondé le recours en réformation dirigé contre le refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire et en débouta la demanderesse, tout en la condamnant aux frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 25 novembre 2024, Madame (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement du 21 octobre 2024.
A l’appui de cette requête, après avoir rappelé les faits et rétroactes de l’affaire, Madame (A) expose que sa famille aurait dû faire face au Venezuela à des menaces constantes, notamment des menaces d’enlèvement visant son entourage en raison de l’activité d’exploitant de casino exercée par son père, Monsieur (J), qui aurait été enlevé à deux reprises. La situation au Venezuela serait marquée par une violence systématique, une impunité totale et une corruption structurelle qui rendraient la population extrêmement vulnérable. Pour le surplus, des acteurs liés au régime, bénéficiant de la complicité et de l’inaction des autorités en place, continueraient à commettre des actes de violence. Après avoir quitté le Venezuela pour échapper à ces actes de violence, elle se serait réfugiée ensemble avec sa famille en Colombie, pays où elle aurait de nouveau été confrontée à des menaces récurrentes de la part de groupes criminels, notamment ceux impliqués dans des réseaux de traite des êtres humains. Ces menaces, loin d’être des incidents isolés, feraient partie d’un contexte de violence généralisée et systématique et la protection offerte par les autorités colombiennes resterait largement insuffisante. D’après Madame (A), le jugement entrepris ne tiendrait pas compte de l’incapacité structurelle de ces deux pays à offrir une protection réelle et efficace aux victimes d’actes de persécution. Tant le Venezuela que la Colombie connaîtraient une situation de violence généralisée où les menaces de mort et les attaques à l’égard de personnes vulnérables seraient fréquentes et souvent impunies.
Ainsi, elle ne pourrait ni se réclamer de la protection des autorités vénézuéliennes ni de celle des autorités colombiennes en raison de la corruption, de l’instabilité politique et de l’incapacité des autorités desdits pays à assurer la sécurité de leurs citoyens.
Il y aurait partant lieu de réformer le jugement entrepris, ainsi que le refus ministériel, et de lui accorder une mesure de protection internationale, principale ou subsidiaire, ainsi que par conséquent, de réformer l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre.
De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse, les deux tablant sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.
9La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que doit être considérée comme réfugié toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection 10internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
En substance, Madame (A) dit craindre d’être exposée à des actes de persécution, d’une part, au Venezuela en raison de l’activité d’exploitant de casino par son père et les menaces et actes de violence en découlant, actes qui auraient été tolérés par les autorités vénézuéliennes, et, d’autre part, en Colombie en raison d’actes de harcèlement et de menaces de mort proférées par des criminels à son encontre pour avoir refusé de s’adonner à la prostitution.
Il convient ensuite de rappeler que l’appelante, en raison de sa double nationalité vénézuélienne et colombienne, est appelée à démontrer, par application de l’article 1, A, (2), alinéa 2, de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après « la Convention de Genève », qu’elle a des raisons valables, fondées sur une crainte justifiée de persécution, de ne pas se réclamer de la protection des autorités du Venezuela, pays de sa première nationalité, et de la Colombie, pays de sa deuxième nationalité, et qu’à défaut de rapporter pareille preuve le statut de réfugié lui sera refusé.
Ceci étant dit, l’examen des déclarations faites par Madame (A) au cours de son entretien, ensemble les explications fournies par les parties à l’instance de part et d’autre, amènent la Cour à la conclusion que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont rejeté le recours de l’appelante.
En effet, la Cour dégage de l’examen des faits et motifs invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale et des pièces produites en cause que Madame (A) est restée et reste en défaut d’établir des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle et fondée de persécutions du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social susceptible de lui ouvrir droit au statut de réfugié au sens de la Convention de Genève respectivement de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015.
En effet, les craintes exprimées en relation avec les menaces et les actes de violence au Venezuela en raison de l’activité d’exploitant de casino exercée par son père, Monsieur (J), mise en avant par l’intéressée ont essentiellement trait à des problèmes avec respectivement des délinquants mafieux et agents publics corrompus mus par la cupidité, mais non pas par l’appartenance de la famille de 11l’appelante à une race, à une religion, à une nationalité ou à une tendance politique, voire même à un groupe social au sens de la Convention de Genève et lesdits problèmes apparaissent ainsi relever d’une criminalité de droit commun et ne pas constituer l’expression d’un risque de persécution au sens de ladite Convention.
Par rapport aux différentes menaces reçues suite au départ de son père du Venezuela en novembre 2019, la Cour, à l’instar des premiers juges, retient encore que lesdites menaces, certes condamnables, ne revêtent pas un degré de gravité tel à pouvoir être qualifiées d’actes de persécution ou d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015 pour ne plus avoir été suivi par un quelconque acte concret de violence. Il s’ensuit que les craintes afférentes restent essentiellement hypothétiques et constituent plutôt l’expression d’un sentiment général d’insécurité, ce d’autant plus que l’interdiction de l’exploitation de salles de jeux imposée par l’ancien Président Hugo CHAVEZ a été levée en 2021 par le président actuel Nicolas MADURO, de sorte que les craintes initialement invoquées par la famille de l’appelante dans ce contexte ne sont plus de nature à justifier actuellement l’octroi d’un statut de protection internationale.
En deuxième lieu, et à titre surabondant, concernant la crainte alléguée de Madame (A) fondée sur les prétendus actes de harcèlement et les menaces proférés en Colombie par des criminels à son encontre, la Cour se doit de relever en premier lieu que de nouveau, il ne se dégage d’aucun élément en cause que ces actes, à les supposer établis, auraient été perpétrés pour l’un des motifs définis dans la Convention de Genève, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance de l’appelante à un certain groupe social, de sorte qu’il convient de retenir que ces évènements s’inscrivent de nouveau dans le cadre d’une criminalité de droit commun.
En outre, il se dégage encore du dossier que les criminels qui ont proférés les menaces de mort à l’égard de l’appelante ont entretemps été arrêtés par les autorités colombiennes et condamnés à des peines d’emprisonnement, de sorte que l’appelante n’est pas fondée à affirmer qu’elle ne pourrait pas obtenir une protection de la part des autorités colombiennes.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les conditions d’octroi du statut du réfugié au sens de l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire au sens des articles 2 sub g), et des points a) et b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 ne sont pas remplies, de sorte que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont rejeté le recours de l’appelante sur ces bases.
En ce qui concerne le point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, la Cour est amenée à retenir que si certes, il ne peut être nié que le Venezuela connaît une situation sécuritaire problématique, notamment en raison de la violence criminelle de droit commun qui y est très répandue, et qu’il existe une grave crise sur l’ensemble du territoire en raison du régime politique en place, impliquant la répression d’opposants politiques, il n’en reste toutefois pas moins que les rapports produits en cause, décrivant la situation politique générale au Venezuela, ne permettent pas de conclure à l’existence d’une situation où l’ampleur de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé est telle qu’il existerait des motifs sérieux de croire qu’un civil, du seul fait de sa présence sur place, court un risque réel d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, Madame (A) n’ayant, par ailleurs, pas apporté 12des éléments qui permettraient de retenir qu’elle serait personnellement exposée, en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, à un risque réel découlant d’une violence aveugle au point qu’il faille admettre qu’en cas de retour au Venezuela, elle courrait un risque réel de menace grave pour sa vie ou sa personne.
De même, l’appelante n’a pas non plus avancé des motifs sérieux et avérés de croire que, si elle était renvoyée en Colombie, elle courrait un risque réel de subir des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle due à un conflit armé interne ou international.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que les premiers juges ont confirmé le ministre pour avoir refusé de faire droit à la demande de protection internationale de l’appelante.
Dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à Madame (A) le statut de protection internationale et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.
L’appel n’étant dès lors pas justifié, il y a lieu d’en débouter Madame (A) et de confirmer le jugement entrepris.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
reçoit l’appel du 25 novembre 2024 en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante ;
partant, confirme le jugement entrepris du 21 octobre 2024 ;
condamne l’appelante aux frais et dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, 13et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. SPIELMANN 14