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11/02/2025 | LUXEMBOURG | N°52007C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 11 février 2025, 52007C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52007C ECLI:LU:CADM:2025:52007 Inscrit le 25 novembre 2024 Audience publique du 11 février 2025 Appel formé par Madame (A1) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 21 octobre 2024 (n° 49630 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 52007C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 25 novembre 2024 par Maître Samira MABCHOUR, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en l’étude de laquelle

domicile est élu, au nom de Madame (A1), née le … à … (Venezuela), d...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52007C ECLI:LU:CADM:2025:52007 Inscrit le 25 novembre 2024 Audience publique du 11 février 2025 Appel formé par Madame (A1) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 21 octobre 2024 (n° 49630 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 52007C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 25 novembre 2024 par Maître Samira MABCHOUR, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, au nom de Madame (A1), née le … à … (Venezuela), de nationalité vénézuélienne, agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son enfant mineur (A2), né le … à … (Venezuela), de nationalités vénézuélienne et colombienne, ainsi que de Madame (A3), née le … à …, de nationalités vénézuélienne et colombienne, demeurant tous ensemble à L-…, dirigée contre le jugement rendu le 21 octobre 2024 (n° 49630 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutées de leur recours tendant à la réformation de deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 septembre 2023 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et portant ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 24 décembre 2024 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 28 janvier 2025.

1Le 23 novembre 2021, Madame (A1), accompagnée de son fils mineur (A2), et de sa fille majeure Madame (A3), ci-après « les consorts (A) », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », des demandes de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame (A1) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée -

police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date des 13 juillet, 31 août et 21 septembre 2022, Madame (A1) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Madame (A3) fut entendue le 18 juillet 2022 pour les mêmes raisons.

Par décision du 29 septembre 2023, envoyée à Madame (A1) par lettre recommandée le 2 octobre 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa l’intéressée que sa demande de protection internationale, ainsi que celle de son fils mineur (A2), avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites le 23 novembre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») ainsi que pour le compte de votre enfant mineur (A2), né le … à … dans l’Etat de … au Vénézuela, de nationalité vénézuélienne et colombienne.

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos motifs de fuite En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 23 novembre 2021 et les rapports d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 13 juillet, 31 août et 21 septembre 2022, sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes de protection internationale.

Vous déclarez Madame, être de nationalité vénézuélienne, de confession catholique, née le … à …, dans l’Etat de …, au Vénézuela, et y avoir vécu ensemble avec votre conjoint et vos trois enfants, jusqu’au … octobre 2018, date à laquelle vous seriez partis vivre à …, en Colombie.

Madame, en décembre 2019, vous seriez retournée à votre domicile à … avec vos enfants, avant de quitter le Vénézuela le … janvier 2020, avec votre fils (A2) précité, et votre fille (A3), née à … le …, de nationalité vénézuélienne et colombienne, laquelle a pareillement introduit une demande de protection internationale au Luxembourg, le … novembre 2021, pour son propre compte.

2 Au Vénézuela, vous auriez principalement travaillé avec votre conjoint, lequel aurait été propriétaire de casinos et de salles de jeux à …, à … et à … dans la prison de … avant de vous reconvertir dans la vente de glaçons. En Colombie, vous auriez obtenu un titre de séjour, et auriez été chef dans un restaurant.

Madame, en cas de retour au Vénézuela, vous affirmez craindre pour votre sécurité et celle de vos enfants, ainsi que de risquer un emprisonnement pour « trahison à la patrie » (p.7/21 de votre entretien, Madame). Vous expliquez plus particulièrement que votre conjoint aurait été enlevé à deux reprises en 2017 par « des fonctionnaires politiques et la police » (p.7/21 de votre entretien, Madame). Les ravisseurs auraient à chaque fois exigé une somme d’argent conséquente, que vous auriez Madame, renégocié et payé afin de libérer votre conjoint.

Personnellement, vous justifiez votre crainte par le fait qu’entre 2016 et 2017, des individus seraient venus à trois reprises à votre domicile, entrant deux fois de force, et seraient rentrés une troisième fois en présentant un ordre de perquisition, lequel se serait avéré être un faux. Vous expliquez avoir identifié ces individus, sans hésitation, comme étant du SEBIN, même si ceux-ci auraient portés des cagoules, car ils se seraient déplacés en véhicules motorisés à quatre roues. Vous définissez le SEBIN comme « le corps d’investigation politique et criminalistique le plus important » (p.7/21, de votre rapport d’entretien, Madame) du Vénézuela et qualifiez ces agents des plus corrompus.

La première perquisition aurait eu lieu en 2016, des policiers se seraient introduits dans votre maison, sans présenter de document officiel, et auraient demandé où se serait trouvé votre conjoint et si vous aviez été en possession « d’armes de guerre » (p.8/21 de votre entretien, Madame). Ces policiers auraient également exigé que vous justifiez l’achat de votre « maison luxueuse » (p.8/21 de votre entretien, Madame). La deuxième perquisition aurait eu lieu en 2017, « huit personnes » (p.8/21 de votre entretien, Madame) auraient pénétré de force votre maison et auraient endommagé votre propriété.

Avant que la troisième perquisition eût été réalisée, votre conjoint se serait fait enlever une première fois. En revenant de … « par le secteur de … » (p.8/21 de votre entretien, Madame), votre conjoint se serait fait intercepter par des individus roulant dans un véhicule motorisé à quatre roues. Deux personnes l’auraient « bâillonné, et attaché les pieds et les mains » (p.8/21 de votre entretien, Madame), puis l’auraient transporté dans son propre véhicule à un endroit inconnu, que vous affirmez être un commissariat. Au bout de 24 heures, un individu, qui aurait été habillé en uniforme du SEBIN, sans que vous puissiez y voir son nom inscrit, serait venu à votre domicile récupérer une rançon de 15 000 dollars. Le jour même, votre conjoint aurait été libéré et retrouvé à …. Après cet incident, « les choses » se seraient « calmées, ils (…) » vous auraient « laissé tranquille » (p.8/21 de votre entretien, Madame).

« Une fois » (p.8/21 de votre entretien, Madame), des policiers vous auraient arrêtés, fait sortir de la voiture et plaqués contre la voiture. Ils auraient voulu entrer chez vous, mais vous leur auriez dit que « sans ordre écrit de perquisition » (p.8/21 de votre entretien, Madame), vous refusiez. Ces derniers se seraient « fatigués » et seraient « partis » (p.8/21 de votre entretien, Madame).

3 Toujours en 2017, tandis que vous auriez été en voiture avec votre conjoint, « des délinquants communs envoyés par la police » (p.9/21 de votre entretien, Madame) auraient menacé votre conjoint « qu’ils ne voulaient plus le revoir sinon ils allaient le tuer » (p.9/21 de votre entretien, Madame).

Quelques jours plus tard aurait eu lieu la troisième et dernière perquisition à votre domicile. Trois camionnettes de type « pickup » (p.9/21 de votre entretien, Madame), qui auraient été remplies de policiers, 15 ou 20 au total, se seraient stationnées devant chez vous. Les policiers vous auraient présenté un ordre de perquisition et vous les auriez laissés entrer dans votre maison.

Vous auriez alors assisté au vol de tous vos vêtements et de vos bijoux, ainsi qu’à la destruction de votre jardin. Votre sœur, laquelle serait avocate, aurait tout filmé. Toutefois, vous l’auriez contacté récemment pour obtenir l’enregistrement, et elle vous aurait dit ne plus l’avoir parce que « le téléphone était endommagé » (p.16/21 de votre entretien, Madame), de sorte que vous ne pouvez plus présenter la preuve de cette perquisition à l’appui de vos demandes de protection internationale.

Une fois la perquisition finie, laquelle aurait duré deux heures, vous auriez été emmenée, Madame, avec votre sœur et deux voisins « dans une grande maison jaune, vide » (p.9/21 de votre entretien, Madame), qui n’aurait pas été « un endroit officiel » (p.9/21 de votre entretien, Madame). Les agents, qui vous auraient embarqués, vous auraient séparés et conduits dans une pièce seule, puis vous auraient « mis la tête sur la table et pointé avec un pistolet » (p.9/21 de votre entretien, Madame) tout en exigeant que vous leur révéliez l’endroit où se serait trouvé votre conjoint. Vous auriez été libérée vers minuit et votre beau-frère serait venu vous chercher. Au lendemain de cet incident, Madame, vous vous seriez rendue seule au bâtiment « El Helicoide » (p.13/21 de votre entretien, Madame) pour exiger les noms des agents qui auraient procédé à la perquisition. On vous aurait informée qu’aucun ordre de perquisition vous concernant aurait été émis et celui que l’on vous aurait présenté la veille à votre domicile, aurait été un faux document.

Suite à cet incident, vous auriez continué à vivre dans votre maison à … et auriez « continué vos (sic) vies même si vous étiez (sic) angoissé » (p.10/21 de votre entretien, Madame).

Au bout de deux mois, la police aurait retrouvé votre conjoint dans l’une de vos salles de jeux. Comme vous auriez été habituée à ce que vous décrivez comme du « harcèlement de la police » (p.10/21 de votre entretien, Madame), votre conjoint aurait réussi à se sauver par une autre porte. Les agents auraient détruit les machines à sous et auraient demandé l’endroit où se serait trouvé votre conjoint. A la suite de cet indicent, Madame, vous seriez alors partie, ensemble avec vos enfants et votre conjoint, vivre chez l’oncle de celui-ci à …, en étant escortés sur une partie de votre chemin par des personnes censées vous protéger. Au bout de huit jours, vous auriez décidé de rentrer à …, en prenant beaucoup de précaution parce que des « gens de la police » (p.10/21 de votre entretien, Madame) vous auraient localisés et « les menaces » (p.10/21 de votre entretien, Madame) auraient continué.

Un mois plus tard, votre conjoint se serait fait enlever pour la deuxième fois. Deux motards auraient tenté de l’intercepter au retour de « Mariche » (p.10/21 de votre entretien, Madame), alors que votre conjoint venait d’acheter du ciment pour construire une piscine à votre résidence.

Ce dernier ne se serait pas arrêté, et aurait intentionnellement renversé l’un des deux motards, 4tandis que l’autre l’aurait poursuivi et lui aurait tiré dessus. Touché au bras, votre conjoint aurait perdu le contrôle de son véhicule et aurait « percuté la porte d’un commerce » (p.10/21 de votre entretien, Madame). Les ravisseurs auraient mis un sac sur sa tête, puis l’aurait emmené de force et gardé dans un endroit inconnu pendant trois jours. Vous auriez été contactée, dès son premier jour de captivité et une rançon de 8 000 dollars aurait été exigée. Bien que vous n’ayez pas réussi à rassembler la totalité de la somme, vous auriez réussi à renégocier celle-ci et au troisième jour de captivité, vous auriez été instruite de déposer la rançon dans une poubelle de station-service à …, proche de …. Une fois la somme déposée, votre conjoint aurait été libéré dix minutes plus tard à …. Suite à ce dernier incident, bien que vous ne vous souveniez pas de la date exacte, vous auriez pris la décision de quitter le Vénézuela.

Vous ne seriez toutefois pas partis en 2017, mais auriez continué à vivre dans votre maison à … jusqu’en octobre 2018 et auriez obtenu « tous les permis sanitaires » (p.15/21 de votre entretien, Madame) pour vous reconvertir dans la vente de glaçons.

Madame, vous déclarez ne pas avoir demandé de protection aux autorités vénézuéliennes, étant donné que vous auriez été d’avis que cela aurait été « une perte de temps » (p.19/21 de votre entretien, Madame). En parallèle toutefois, vous mentionnez que trois semaines avant votre départ du Vénézuela, soit en septembre 2018, votre conjoint et vous-même auriez déposé une plainte dans un centre d’assistance dédié au « victime des corps policiers » (p.11/21 de votre entretien, Madame) à …. Vous expliquez en outre que les bureaux du SEBIN se seraient trouvés dans le même bâtiment que celui dudit centre d’assistance aux victimes. Vous auriez désigné, Madame, le SEBIN comme auteur de vos prétendues persécutions, dans votre déclaration. Ensuite, on vous aurait demandé de vous rendre au parquet à …, mais une fois sur place « personne n’était au courant » (p.11/21 de votre entretien, Madame). Vous seriez ensuite retournée dans ledit centre mais « personne n’avait rien sur ma plainte » (p.11/21 de votre entretien, Madame).

Madame, vous déclarez que le … octobre 2018, vous seriez partie vivre avec votre famille en Colombie. Comme votre conjoint aurait entretemps décidé de partir travailler en France en novembre 2019, vous auriez décidé de retourner ensemble avec vos enfants vivre au Vénézuela en décembre 2019. Dès votre arrivée, un fonctionnaire de police vous aurait interpellé et vous aurait dit « que c’était bien que (sic) vous soyez de retour » (p.18/21 de votre rapport d’entretien, Madame). Toutefois, vous vous seriez sentie menacée par des motards et des agents en uniforme et armés, du fait qu’ils seraient passés devant votre maison.

Huit à dix jours suivant votre retour au Vénézuela, la police vous aurait appelée deux fois et vous auriez jugé ces appels menaçants du fait que l’on vous aurait dit « que vous n’aviez (sic) rien à faire là » (p.19/21 de votre rapport d’entretien). Par la suite, Madame, vous auriez reçue des remarques insultantes d’une dame à un arrêt de bus, laquelle vous aurait demandé pour quelles raisons vous seriez revenue. La dernière menace que vous auriez reçu avant de quitter le Vénézuela, aurait été proférée par un homme, non identifié, visage couvert par un passe-montagne, lequel serait venu à votre domicile et aurait exigé que vous quittiez le pays sous deux jours ou autrement, il vous tuerait.

Madame, vous auriez une deuxième fois quitté le Vénézuela, le … janvier 2020, en voiture accompagnée de votre neveu, jusqu’à une gare routière à la frontière, puis vous auriez pris un 5bus, pour retourner vivre en Colombie avec vos enfants. Vous auriez continué à vivre au même endroit, et auriez continué à travailler en tant que chef dans le même restaurant.

Depuis la Colombie, vous auriez été en contact avec votre neveu, lequel aurait été ancien garde du corps de « (F) » (p.18/21 de votre entretien, Madame) et policier. Ce dernier vous aurait aidée à renouveler votre passeport vénézuélien en organisant une voiture officielle et le déplacement d’un fonctionnaire du SAIME à la frontière vénézuélo-colombienne, mais vous ne vous souvenez plus de la date.

Vous affirmez encore que les différents corps de police dont le SEBIN, prétendument auteurs de vos présumées agressions et extorsions, auraient tous spéculé sur le fait que votre conjoint eut exercé une activité commerciale lucrative. En outre, tandis que cette activité ait été illégale au Vénézuela, il aurait été aisé de vous forcer à payer des « pots-de-vin » (p.15/21 de votre entretien, Madame) autrement de vous menacer de vous arrêter.

Par ailleurs, l’engagement politique de votre conjoint aurait aggravé votre situation. En effet, votre conjoint aurait financé la campagne publicitaire pour les élections des municipales de 2017 de Monsieur « Oswaldo Blanco » (p.15/21 de votre entretien, Madame) que vous présentez comme un homme politique, membre du parti d’opposition « Action democratica » (p.15/21 de votre entretien, Madame). En raison de ce soutien, votre famille aurait été accusée de « trahison à la patrie » (p.16/21 de votre entretien, Madame) et l’on aurait menacé l’une de vos filles. Votre conjoint aurait dû en conséquence renoncer à soutenir Monsieur Blanco.

De retour en Colombie, vous expliquez que votre fille ainée (D), née à …, le …, de nationalité vénézuélienne et colombienne, aurait eu des problèmes à compter de mai 2019. Ces problèmes, qui n’auraient cependant eu aucun lien avec les vôtres et ceux de votre conjoint au Vénézuela. En effet, vous déclarez que votre fille (D), aurait reçu des menaces de mort en Colombie à la suite de son témoignage devant les autorités colombiennes contre des proxénètes, lesquels auraient fait partie d’une « organisation de niveau national qui cherche des filles partout dans le pays » (p.17/21 de votre rapport d’entretien, Madame) pour les prostituer. Vous auriez donc fui la Colombie du fait que cette organisation aurait pu vous tuer. Vous affirmez qu’en « Colombie, quand quelqu’un fait quelque chose ils s’en prennent aux membres de la famille » (p.17/21 de votre rapport d’entretien, Madame).

Madame, le … novembre 2021, vous auriez pris un vol ensemble avec vos deux enfants (A3) et (A2), depuis la Colombie, transitant par …, en Turquie et …, aux Pays-Bas, avant de rejoindre en bus votre conjoint à …, en France. Vos enfants auraient pu directement prendre un vol d’… à … lequel vous aurait été refusé en raison du type de vaccin contre la COVID-19 que vous auriez reçu en Colombie. Réunie à …, avec votre conjoint et vos enfants, vous vous seriez rendus ensemble au Luxembourg.

Madame, vous affirmez avoir introduit une demande de protection internationale pour le compte de votre fils (A2) uniquement sur base des motifs que vous avez invoqués.

A l’appui de vos demandes, vous remettez les documents suivants :

6− Votre passeport vénézuélien, Madame, émis le … 2013, prolongé une première fois le … 2018, puis une deuxième fois le … 2020, et expiré le … 2022, et celui de votre fils (A2), émis le … 2013, prolongé le … 2018, et expiré le … 2020 ;

− la carte d’identité colombienne de votre fils (A2), émise le … 2018 et expirant le … 2026 ;

− votre carte d’identité vénézuélienne, Madame, émise le … 2018 et expirant en mars;

− votre permis de séjour colombien pour ressortissants vénézuéliens (PEP), Madame, émis le … janvier 2019 et ayant expiré ;

− le passeport colombien de votre fils (A2), émis le … 2019 et expirant le … 2029 ;

− votre permis colombien de protection temporaire pour ressortissants vénézuéliens (PPT), Madame (A1), émis le … mai 2021 et en cours de validité ;

− votre carte colombienne de mobilité frontalière (TMF) permettant un transit en Colombie pour une durée maximale de sept jours, Madame (A1), ayant expiré le … janvier 2022.

2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, force est de constater que les motifs de fuite que vous invoquez ne sont pas liés à l’un des motifs de fond définis dans la Convention de Genève respectivement la Loi de 2015 à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social.

7En effet, vous affirmez avoir été victime de trois violations de votre domicile, ainsi que d’avoir dû payer à deux reprises une rançon pour libérer votre conjoint. Or, force est de constater que les auteurs des faits invoqués ont tous en commun d’avoir agi par appât du gain financier. En guise d’exemple, particulièrement significatif, il y a lieu de noter que les ravisseurs de votre conjoint l’auraient libéré sur le champ et sans condition, dès que les rançons eussent été payées.

De même, tous vos bijoux et vos vêtements auraient été volés pendant la dernière fouille de votre domicile. Enfin, des « pot-de-vin » (p.15/21 de votre rapport d’entretien, Madame) vous auraient été régulièrement réclamés « pour exploiter les casinos » (p.15/21 de votre rapport d’entretien, Madame) ce qui est un fait de plus témoignant que ces malfrats auraient uniquement agi par pure cupidité.

Vous tentez certes de dramatiser votre vécu en ajoutant une connotation politique à vos déclarations. Or, vos explications et déclarations sur ce point ne sauraient convaincre.

En effet, vous expliquez tout d’abord que vos problèmes seraient liés à l’engagement politique de votre conjoint et plus particulièrement au fait que ce dernier aurait soutenu Monsieur Oswaldo Blanco, que vous présentez comme un homme politique, membre du parti d’opposition « Accion democratica » (p.15/21 de votre entretien, Madame), en finançant sa campagne pour les élections des municipales de 2017. Ainsi, pour avoir financé cette dernière, votre famille aurait été accusée de « trahison à la patrie » (p.16/21 de votre entretien, Madame).

Force est cependant de constater que Monsieur Oswaldo Blanco ne s’est pas présenté aux élections municipales de 2017 comme vous le soutenez. Renseignement pris, ce dernier se serait présenté aux élections municipales de 2013 ensemble avec l’une de vos sœurs Madame (E), et surtout sous la bannière le Partido Socialista Unido de Venezuela (PSUV), le parti politique au pouvoir soutenu par le Président vénézuélien Nicolás Maduro.

Partant, il n’est manifestement pas crédible que votre famille ait été accusée de « trahison à la patrie » (p.16/21 de votre entretien, Madame). Votre tentative de justification, selon laquelle Monsieur Oswaldo Blanco serait « quelqu’un qui changeait beaucoup de point de vue, au point qu’il étudiait pour devenir prêtre » (p.16/21 de votre entretien, Madame), n’emporte évidemment pas conviction.

Confrontée à cette incohérence par l’agent du ministère lors de votre entretien, Madame, vous concédez que « je ne sais pas s’il s’est présenté ou pas mais mon mari a financé sa campagne » (p.17/21 de votre entretien, Madame) alors que vous ajoutez aussi que « personne ne pouvait le sponsoriser » (p.16/21 de votre entretien, Madame). De ces seules déclarations, il n’est évidemment pas crédible que vous soyez réellement menacé par le régime, d’autant plus que si votre conjoint avait réellement financé une campagne d’un parti d’opposition, il n’aurait pas financé celle de Monsieur Blanco, puisque ce dernier aurait soutenu le parti politique du gouvernement en place.

Dans le même ordre d’idées, il n’est pas crédible que le SEBIN aurait été impliqué dans les différents incidents dont vous et votre famille auraient été victimes.

8En effet, vous expliquez que le SEBIN serait le « corps d’investigation politique et criminalistique le plus important » (p.7/21, de votre rapport d’entretien, Madame) du Venezuela.

Renseignement pris, le SEBIN, acronyme pour Servicio Bolivariano de Inteligencia Nacional, est effectivement l’agence de renseignement vénézuélien, chargée principalement d’enquêter en matière politique. Les agents du SEBIN s’intéressent aux conspirations ou aux tentatives de coup d’États (sic). Toutefois, d’une part, vous restez en défaut d’expliquer de manière non équivoque que les auteurs de vos problèmes seraient des agents du SEBIN, et surtout d’autre part, votre récit ne tient tout simplement pas la route.

Force est tout d’abord de noter que votre description des agents est très vague, alors que vous expliquez que ceux-ci auraient porté des cagoules ou se seraient déplacés en véhicules motorisés, ce qui ne sont pas en soi des critères exclusifs aux membres du SEBIN. Ces descriptions auraient pu être données pour beaucoup d’autres corps de police ou militaire, voire même de malfrats sans lien avec une autorité du pays. Le seul indice tangible que vous fournissez est qu’un individu, qui serait venu chercher la rançon exigée après le premier enlèvement de votre conjoint, aurait été habillé d’un uniforme du SEBIN mais sans son nom inscrit dessus. Ce détail à lui seul ne permet pas de conclure sans équivoque, que les ravisseurs de votre conjoint auraient été des agents mandatés par l’agence du SEBIN, puisque n’importe quel malfrat aurait pu porter un faux uniforme. Vous expliquez d’ailleurs vous-même qu’un faux mandat du SEBIN vous aurait été présenté, afin d’effectuer une perquisition à votre domicile.

Au demeurant, si votre conjoint avait été enlevé par des agents officiellement mandatés par l’agence du SEBIN, il n’aurait pas pu être libéré contre seulement paiement d’une rançon. En effet, il s’avère que durant la captivité de votre conjoint, le seul sujet qui aurait intéressé les ravisseurs, aurait été le montant de cette rançon, laquelle vous auriez, Madame, même pu renégocier. Quant au vol de vos bijoux et de vos vêtements pendant la dernière perquisition de votre domicile, il serait tout au mieux, très curieux, que cela eu fait partie d’une enquête officielle.

En outre, vous prétendez que tout juste après avoir été victime d’une violation de domicile sur base d’un document supposé du SEBIN puis suivi d’un interrogatoire musclé à vous en faire « vomir » (p.13/21 de votre entretien, Madame) par des agents du SEBIN, vous vous seriez précipitée, dès le lendemain, au bâtiment « El Helicoide » (p.13/21 de votre entretien, Madame) pour exiger les noms de ces agents. Renseignement pris, El Helicoide, ancien centre commercial inachevé des années 50 reconverti en quartier général du SEBIN, est tristement célèbre pour être devenu un centre de peur. Dès lors, il n’est pas crédible que vous vous soyez rendue dans ce bâtiment si vous aviez été convaincue que les auteurs de vos préjudices avaient réellement été des agents du SEBIN.

Dans le même ordre d’idées, vous expliquez encore avoir déposé une plainte contre le SEBIN dans un centre d’assistance aux victimes de corps policiers en septembre 2018, lequel se serait trouvé dans le même bâtiment que des bureaux du SEBIN. D’ailleurs, vous auriez pu y voir entrer et sortir des agents du SEBIN, que vous décrivez comme étant « ceux avec un rang important » (p.12/21 de votre rapport d’entretien). Il y a dès lors lieu de s’interroger sérieusement encore une fois sur la véracité de vos déclarations surtout que vous disposiez d’autres moyens, moins risqués, de porter plainte. En effet, vous auriez tout aussi bien pu déposer une plainte en ligne, sans avoir eu besoin de vous déplacer dans un bâtiment où des agents du SEBIN auraient 9eu supposément des bureaux, auprès de l’association Transparencia Venezuela. Cette dernière, fondée en 2004, est la branche vénézuélienne de Transparency International, laquelle est en charge d’assister les victimes de corruption. Alternativement ou conjointement, vous auriez pu faire appel à votre neveu policier, lequel aurait été un ancien garde du corps de Monsieur « (F) » (p.18/21 de votre entretien, Madame), procureur général du Venezuela depuis 2017. Votre neveu aurait effectivement pu vous aider à contacter le bureau du procureur, alors qu’il vous aurait déjà aidé à renouveler votre passeport en organisant le déplacement d’un fonctionnaire du SAIME à la frontière colombienne.

Eu égard à ce qui précède, force est de constater que, ni vos déclarations par rapport au soutien de votre conjoint à Monsieur Oswaldo Blanco, ni celles pa(r) rapport à une implication de l’agence du SEBIN dans les incidents dont vous et votre famille auraient été victimes ne sont crédibles et que vous les avez inventées de toutes pièces afin de donner une connotation politique à vos prétendus problèmes dans le seul but d’augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale.

A toutes fins utiles, et quand bien même vous auriez effectivement eu des problèmes avec des individus dépositaires de l’autorité publique, ceux-ci n’auraient pas agi dans le cadre légal de leur fonction, mais uniquement dans leur intérêt privé. Dans ce contexte, vous auriez plutôt affaire à une poignée d’agents corrompus et que les malfrats dont vous auriez été victime, auraient avant tout cherché à profiter financièrement de votre situation, d’autant plus que vous auriez été une cible toute désignée, votre activité d’exploitation des salles de jeux étant devenue illégale au Venezuela. En effet, bien que l’exploitation des casinos était autorisée et règlementée par une loi vénézuélienne de 1997, le président de l’époque Hugo Chávez ordonna par un décret en 2011 leurs fermetures définitives, car il les considérait être un lieu de perdition. Or, vous décrivant comme étant habitués du « harcèlement de la police » (p.10/21 de votre entretien, Madame) exigeant des « pots-de-vin » (p.15/21 de votre entretien, Madame), vous auriez continué pendant au moins six ans à gérer des salles de jeux dans l’illégalité, puisque vous déclarez avoir seulement cessé votre activité en 2017. Au demeurant, vous expliquez que les dates de survenance des extorsions coordonnent avec le décret précité « dès que le gouvernement de Chávez arrive cela devient illégal et la police commence à nous extorquer » (p.12/21 de votre rapport d’entretien, Madame).

Force est de conclure que si la police avait agi dans le cadre de son mandat, vous et votre conjoint auriez fort probablement été arrêtés voire emprisonnés, alors que vous opériez des salles de jeux illégalement. Renseignement pris, des opérations conjointes de la police militaire (GNB) et la Commission nationale des casinos (CNC) ont eu lieu dans le but de fermer des salles de jeux illégales. En outre, vous confirmez que les autorités « auraient pu porter plainte contre nous, mais cela ne nous ai (sic) jamais arrivé » (p.14/21 de votre rapport d’entretien, Madame) et admettez trouver cela « bizarre » (p.14/21 de votre rapport d’entretien, Madame). Pourtant, considérant que ces individus auraient recherchés avec avidité un gain financier, ils auraient tout intérêt à ce que vous soyez en liberté, non seulement pour que vous pussiez continuer à générer des profits, leur permettant de vous extorquer, mais aussi, votre activité ayant été illégale, les malfaiteurs se seraient sentis protégés contre toute plainte à l’égard de leurs agissements. Il n’est sans doute pas une coïncidence que vous n’avez donc pas tenté de porter plainte avant 2017, non pas parce que vous pensiez que cela aurait été une « perte de temps » (p.18/21 de votre rapport d’entretien, 10Madame), mais parce que vous auriez craint la réaction des autorités, sachant que vous tiriez profit d’une activité illégale et qu’ayant admis avoir payé des pots de vins à ces individus, vous risquiez tout autant, d’être condamné en tant que corrupteur de fonctionnaires.

Eu égard à ce qui précède, il s’avère que vous auriez été victime d’infractions de droit commun punissables selon la législation vénézuélienne, commises par des personnes privées ou par des personnes dépositaires de l’autorité publique, mais ayant agi uniquement dans leur intérêt privé. Or, s’agissant d’actes commis par des personnes privées sans lien avec l’Etat, ces actes ne peuvent être considérés comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités du pays d’origine. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

Madame, il échet de relever que si vous vous étiez effectivement sentie menacée, vous auriez pu déposer une plainte pénale auprès des autorités vénézuéliennes, au plus tard en 2016, année pendant laquelle vous déclarez avoir commencé à être personnellement impactée par les problèmes liés à l’exploitation illégale des casinos de votre conjoint.

Force est de constater que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, ainsi que d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Or, Monsieur (F) ferait « contre la corruption ce que de nombreuses personnes ont réclamé depuis longtemps dans la rue : accélérer les enquêtes appropriées et agir de façon concrète ». Il est effectivement possible pour tout citoyen de déposer une plainte auprès du ministère public et le code de procédure pénale vénézuélien énonce les règles encadrant la procédure d’enquête. Au surplus, il existe diverses adresses physiques pour pouvoir déposer sa plainte et des condamnations à des peines de prisons fermes sont prononcées à l’encontre des fonctionnaires reconnus coupables. En tout état de cause, aucun reproche ne saurait être formulé à l’égard des autorités vénézuéliennes, lesquelles n’auraient pas été mises en mesure d’exécuter leur mission.

Partant, vous restez en défaut d’établir que les autorités de votre pays d’origine, auraient été, ou seraient dans l’incapacité de vous fournir une protection à l’encontre des extorsions, des fouilles illégales et des vols dont vous auriez été victime.

Madame, il convient encore de noter que tous vos problèmes seraient liés à l’exploitation, en sus illégale, de plusieurs casinos, dont votre conjoint aurait été propriétaire. Or, ce dernier aurait quitté le Vénézuela en octobre 2018 et ne serait pas retourné depuis. Quant à l’illégalité de l’exploitation de salles de jeux, l’interdiction imposée par l’ancien président Hugo Chávez, a été levée en 2021 par le président actuel Nicolás Maduro, lequel a même annoncé la création d’un nouveau casino dans l’hôtel … à …, et accordé une trentaine de licences permettant à des casinos à travers le pays de rouvrir. En cas de retour au Vénézuela, le risque d’être victime d’agents corrompus est dès lors considérablement minimisé, alors que ceux-ci ne pourraient plus faire autant pression de vous arrêter, si vous ne payez pas une contrepartie financière illégale.

11Le constat que vous ne risquez pas d’être persécutée en cas de retour dans votre pays d’origine est conforté par le fait que vous auriez vous-même décidé de retourner, en décembre 2019 au Vénézuela, alors que vous auriez vécu en sécurité en Colombie. Mis à part le fait que vous n’auriez pas fait appel à des gardes de corps privés, tel que vous l’auriez fait en 2017, force est de constater que vous ne faites pas état d’un quelconque incident sérieux dont vous auriez été victime, et encore moins de faits revêtant un degré de gravité tel à pouvoir être qualifiés d’actes de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

Vous expliquez en effet que la police vous aurait appelée à deux reprises pour dire que vous n’aviez « rien à faire là » (p.18/21 de votre rapport d’entretien Madame), qu’un autre policier vous aurait dit « que c’était bien que vous soyez (sic) de retour » (p.18/21 de votre rapport d’entretien, Madame), qu’une dame vous aurait demandé à un arrêt de bus pour quelles raisons vous seriez revenue ou encore qu’un homme, que vous ne sauriez pas identifier, serait venu à votre domicile pour exiger que vous quittiez le pays endéans deux jours, ou autrement il vous tuerait.

Force est encore de constater que votre famille habiterait toujours au Vénézuela respectivement à … proche de votre ancienne maison y compris votre sœur (E), laquelle est toujours en poste à la mairie de …, ainsi que votre sœur avocate (C), laquelle aurait filmé la dernière perquisition de votre domicile en 2017, puis aurait été emmenée pour un interrogatoire ensemble avec vous. Or, vous ne faites état d’aucune persécution, qu’elles auraient subies ou ne serait-ce que d’incidents concrets dans lesquels elles auraient été impliquées jusqu’à ce jour, ce qui est un élément de plus prouvant que vous pouvez retourner vivre au Venezuela sans crainte fondée.

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que vous ne faites nullement état d’une crainte fondée de persécution, ni dans votre chef, ni dans celui de votre fils (A2) en cas de retour au Venezuela.

A toutes fins utiles, il convient encore de noter que vous expliquez craindre que votre fils serait tué par une organisation colombienne de proxénètes, en cas de retour en Colombie. Il s’avère cependant que les menaces de mort alléguées auraient été destinées à votre fille (D) et que vous ne faites état d’aucun incident dont votre fils aurait été personnellement victime en Colombie.

Les craintes de persécution de votre fils sont donc basées sur des faits non personnels vécus par un autre membre de la famille, en l’occurrence votre fille aînée (D), et sont dès lors susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 uniquement si vous établissez dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières, ce qui n’est manifestement pas son cas, de sorte que vous n’établissez pas que votre fils serait à risque d’être persécuté en Colombie.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays 12d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Madame, il y a lieu de souligner qu’à l’appui de vos demandes de protection subsidiaire respectives, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de vos demandes de reconnaissance du statut de réfugié.

Au vu des conclusions ci-dessus, il y a de même, lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous restez en défaut d’établir qu’en cas de retour au Vénézuela, ou dans le cas de votre fils également en cas de retour en Colombie, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors rejetées comme non fondées.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Vénézuela ou en Colombie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner.

(…) ».

Par décision séparée du 29 septembre 2023, envoyée à Madame (A3) par lettre recommandée le 2 octobre 2023, le ministre informa l’intéressée que sa demande de protection internationale avait 13à son tour été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 23 novembre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos motifs de fuite En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 23 novembre 2021 et le rapport de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes de votre entretien du 18 juillet 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale.

Vous déclarez Madame, être née le … à … dans l’Etat de … au Vénézuela, de nationalité vénézuélienne et colombienne, de confession catholique, et avoir vécu respectivement jusqu’à l’âge de … ans à … dans l’Etat de … au Vénézuela, puis à … en Colombie les trois années suivantes, avant de venir introduire une demande de protection internationale, ensemble avec votre mère Madame (A1) et votre frère (A2) au Luxembourg.

Madame, en cas de retour au Vénézuela, vous affirmez craindre « des menaces d’enlèvement de la police » (p.6/10 de votre rapport d’entretien, Madame) en raison de l’activité professionnelle passée de votre père au Vénézuela. Vous expliquez plus particulièrement que votre père aurait été le propriétaire de machines à sous et qu’il aurait été enlevé deux fois par la police, laquelle aurait exigé « de l’argent» (p.6/10 de votre rapport d’entretien, Madame) en échange de sa libération. Pour garantir votre sécurité personnelle, des gardes du corps privé vous auraient escortée depuis votre maison à l’école et au retour. Vous auriez quitté, le Vénézuela, ensemble avec votre famille, le 8 octobre 2018, une première fois, puis vous y seriez retournés en décembre 2019 « pour les vacances » (p.7/10 de votre rapport d’entretien, Madame), et votre famille y aurait encore « reçu des menaces de la police » (p.6/10 de votre rapport d’entretien, Madame), sans donner plus de précisions.

Personnellement, vous craindriez en cas de retour au Vénézuela, d’être séquestrée, ainsi que vos frère et sœur en raison des problèmes passés de votre père. Vous n’exprimez aucune autre crainte liée à votre situation personnelle au Vénézuela.

Madame, en cas de retour en Colombie, vous affirmez craindre de « perdre la vie » (p.5/10 de votre rapport d’entretien, Madame). Vous expliquez plus particulièrement que votre sœur ainée (D), née à …, le …, de nationalité vénézuélienne et colombienne, ainsi que ses amies auraient eu des problèmes en lien avec la prostitution. En effet, une des amies de votre sœur aurait rencontré un garçon en discothèque, lequel se serait avéré être un proxénète. Vous rapportez que votre sœur aurait porté plainte « au ministère, à la police » (p.5/10 de votre rapport d’entretien, Madame) 14suite à une menace de mort, qu’elle aurait reçue sur un papier envoyé à votre domicile en Colombie. Vous supposez que les auteurs de ces menaces sont les « personnes avec lesquelles ma sœur avait eu des problèmes et qui étaient en prison » (p.6/10 de votre rapport d’entretien, Madame).

Personnellement, vous craindriez en cas de retour d’être tuée en raison des problèmes passés de votre sœur en Colombie. Vous n’exprimez aucune autre crainte liée à votre situation personnelle en Colombie.

Madame, vous expliquez avoir essayé de quitter la Colombie en septembre 2021, mais en raison d’un problème de vaccin contre la COVID-19 de votre frère et de l’attente de votre passeport colombien, vous n’auriez pu quitter la Colombie que le … novembre 2021. Ensemble avec votre mère et votre frère, vous auriez pris un vol de …, en Colombie pour …, en France, avec des escales à … et à …, en Turquie. Votre mère n’aurait pu prendre l’avion directement d’… pour … en raison du type de vaccin contre la COVID-19 qu’elle aurait reçu avant de voyager, mais elle aurait réussi à vous rejoindre par la suite. Ensemble, vous auriez voyagé de … à Luxembourg en bus.

A l’appui de votre demande, vous remettez les documents suivants :

− Votre carte d’identité vénézuélienne, émise le 17 décembre 2012 et ayant expiré en décembre 2022 ;

− votre passeport vénézuélien, émis le 8 avril 2015 et ayant expiré le 7 avril 2020 ;

− votre carte d’identité colombienne, émise le 23 novembre 2018 et ayant expiré le 3 novembre 2021 ;

− votre passeport colombien, émis le 28 octobre 2019 et expirant le 27 octobre 2029.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

15 L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, en ce qui concerne tout d’abord vos craintes par rapport au Vénézuela, vous expliquez que votre sentiment d’insécurité découlerait des problèmes de votre père en lien avec son ancienne activité professionnelle d’exploitation de casinos. Or, un demandeur doit invoquer des éléments permettant d’établir qu’il serait personnellement à risque d’être persécuté. Des craintes basées sur des faits non personnels vécus par un autre membre de la famille, en l’occurrence votre père et votre mère, sont toutefois susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 uniquement si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. Cependant, vous restez en défaut d’établir un tel lien entre ces faits et votre personne, d’autant plus que vous ne faites état d’aucun incident dont vous auriez été personnellement victime au Vénézuela.

Par ailleurs, et à toutes fins utiles, il ressort des développements contenus dans la décision ministérielle prise dans le chef de votre mère, Madame (A1) et de votre frère mineur (A2), que ni votre père, ni les autres membres de votre famille ne risquent d’être persécutés au Vénézuela, de sorte que vos craintes ne sauraient pas non plus justifier l’octroi du statut de réfugié dans votre chef.

Ce constat est d’autant plus vrai que vous auriez décidé de passer vos vacances au Vénézuela en 2019, décision que vous n’auriez certainement pas prise si vous risquiez d’y être persécutée.

Quand bien même un retour au Vénézuela ne serait pas envisageable, il vous serait également loisible de prévoir un retour en Colombie, alors que vous possédez la double nationalité. En effet, l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale doit être réalisée en tenant compte de tous les faits pertinents concernant le pays d’origine du demandeur au moment de statuer sur la demande. Le pays d’origine étant entendu comme le pays ou les pays dont le demandeur a la nationalité. Par conséquent, votre motif de fuite de la Colombie est également analysé.

En ce qui concerne vos craintes par rapport à la Colombie vous expliquez craindre d’être tuée en raison des menaces reçues par votre sœur (D) suite à un problème en lien avec des individus que vous décrivez comme étant des proxénètes.

Il convient à nouveau de noter que ces faits ne vous concernent pas directement et personnellement. Tel qu’expliqué ci-dessus, un demandeur doit invoquer des éléments permettant d’établir qu’il serait personnellement à risque d’être persécuté, ce qui n’est manifestement pas votre cas en l’espèce. Des craintes basées sur des faits non personnels vécus par un autre membre de la famille, en l’occurrence votre sœur (D), sont toutefois susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 uniquement si le demandeur 16de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, vous restez en défaut d’établir un tel lien entre ces faits et votre personne, d’autant plus que vous ne faites état d’aucun incident dont vous auriez été personnellement victime en Colombie.

Force est en effet de constater que votre sœur aurait porté plainte suite à un papier, que celle-ci aurait reçu à la maison et sur lequel aurait figuré des menaces à son encontre, mais dont vous ne connaîtriez pas les détails. Quand bien même ce papier reçu par votre sœur vous aurait concernée, il échet de noter que vous n’auriez pas été menacée en raison de votre race, de votre nationalité, de votre religion, de vos opinions politiques, ou encore de votre appartenance à un certain groupe social.

Par ailleurs, une simple menace, non suivie d’un quelconque acte concret ne revêt pas un degré de gravité suffisant pour constituer un acte de persécution.

Enfin, il s’avère encore que les menaces auraient été proférées par des personnes privées, sans lien avec l’Etat. Or, des faits commis par des personnes sans lien avec l’Etat ne peuvent être considérés comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisque le gouvernement colombien œuvre activement pour protéger les victimes et punir les auteurs de ces faits.

Renseignement pris, le gouvernement colombien respecte pleinement les normes minimales pour l’élimination de la traite, classant la Colombie au rang numéro un par le « United States Department of State » ce qui est le niveau le plus élevé pouvant être attribué. Ainsi, la Colombie a notamment maintenu ses efforts d’application de la loi. Le Code pénal colombien criminalise la traite à des fins sexuelles et de travail forcé, et prévoit des peines de 13 à 23 ans d’emprisonnement assorties d’amendes pouvant aller jusqu’à 1 500 fois le salaire minimum mensuel. Ces peines en plus d’être suffisamment sévères, sont proportionnées à celles prévues pour d’autres crimes graves, tels que le viol. Le gouvernement colombien a pareillement intensifié ses efforts de protection et alloue un budget conséquent pour aider les victimes de la traite interne. Enfin, il existe différents canaux pour signaler un cas de traite, dans lesquels, les victimes peuvent demander une aide immédiate. Par exemple, il existe une application mobile gratuite avec un bouton panique ou bien encore une ligne téléphonique nationale gratuite contre la traite des personnes du Bureau du Procureur général.

Quant à la possibilité de déposer une plainte en cas de menaces de représailles ou d’être à risque de subir des représailles du fait d’être un proche d’une personne ayant témoigné contre des criminels, le ministère de la Justice colombien s’engage à recevoir la plainte. En effet, si une personne est victime d’un crime ou a connaissance d’un crime, elle peut déposer une plainte, verbalement ou par écrit, au bureau du procureur général le plus proche ou à un poste de police.

Il est possible aussi de déposer une plainte en ligne via une plateforme ou une application mobile.

Des programmes en matière de protection des victimes et des témoins de crimes sont mis en place par le ministère de l’Intérieur colombien dans les cas où un risque sérieux et imminent est caractérisé et du fait de la position ou de l’activité de la personne ciblée.

17Si vous vous étiez donc effectivement sentie menacée en Colombie, vous auriez, et pourriez d’ailleurs toujours déposer plainte pénale. En tout état de cause, vous n’établissez pas que les autorités colombiennes seraient dans l’incapacité de vous fournir une protection.

Le constat que vous n’étiez pas à risque en Colombie est conforté par le fait que votre père a quitté la Colombie fin 2020 afin de venir travailler au Luxembourg. Si vous aviez effectivement été à risque d’être victime de la traite, il ne vous aurait certainement pas laissé seule avec votre mère et votre fratrie.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Madame, il y a lieu de souligner qu’à l’appui de votre demande de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de votre demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Au vu des conclusions ci-dessus, il échet de relever qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que vous couriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015 ou encore des menaces graves et individuelles contre votre, vie ou votre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

18Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors rejetée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Vénézuela, de la Colombie ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2023, les consorts (A) introduisirent un recours tendant à la réformation des deux décisions ministérielles précitées du 29 septembre 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans les mêmes actes.

Par un jugement du 21 octobre 2024, le tribunal déclara non fondé le recours en réformation dirigé contre les refus d’une protection internationale et contre les ordres de quitter le territoire et en débouta les consorts (A), tout en les condamnant aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 25 novembre 2024, les consorts (A) ont régulièrement relevé appel de ce jugement du 21 octobre 2024.

A l’appui de cette requête, après avoir rappelé les faits et rétroactes de l’affaire, les consorts (A) argumentent que les faits subis au Venezuela ne devraient pas être considérés comme des faits marginaux, mais plutôt comme des actes de persécution ayant entraîné des répercussions graves sur leur famille. Ainsi, les menaces reçues devraient être interprétées dans le contexte de la situation d’insécurité généralisée régnant au Venezuela « où la corruption des autorités et l’impunité vis-à-vis des groupes criminels sont endémiques », ce qui aurait été confirmé par des rapports d’ONG et des articles de presse soulignant l’incapacité de l’Etat vénézuélien à offrir une protection effective à ses citoyens et en particulier à ceux confrontés à des activités criminelles de grande envergure. Ainsi, le Venezuela serait un pays où la violence organisée et les enlèvements contre rançon seraient monnaie courante et où l’Etat serait incapable de protéger ses citoyens contre des menaces, des enlèvements et des actes d’extorsion.

Concernant la situation vécue en Colombie, les appelantes insistent sur la présence de cartels de drogue et de réseaux criminels pouvant exercer des actes de représailles contre leurs victimes, ce d’autant plus que la police colombienne serait corrompue et défaillante. En guise d’illustration, elles mettent en avant le fait que la police colombienne leur aurait conseillé de quitter le pays, ce qui démontrerait l’incapacité des autorités colombiennes à assurer leur sécurité.

Ainsi, elles ne pourraient ni se réclamer de la protection des autorités vénézuéliennes ni de celle des autorités colombiennes en raison de la corruption, de l’instabilité politique et de l’incapacité des autorités desdits pays à assurer la sécurité de leurs citoyens.

Les consorts (A) exposent ensuite avoir démontré un profil de persécution qui devrait être appréhendé comme relevant d’un groupe social spécifique en raison de l’activité d’exploitant de casino et de la « richesse associée à cette activité » dans le chef de l’époux de Madame (A1), 19Monsieur (G), approche qui serait conforme à l’interprétation large de la notion de persécution basée sur des facteurs tels que l’implication dans des activités professionnelles spécifiques ou encore la vulnérabilité accrue due à la situation économique et sociale. En l’espèce, les autorités étatiques auraient été impliquées dans les actes d’extorsion subis même si les motivations initiales des acteurs étatiques étaient d’ordre économique. Or, la participation des autorités publiques devrait être considérée comme un facteur aggravant dans l’appréciation du risque de persécution.

En outre, au niveau du seuil de gravité des actes de persécution subis, la notion de « menaces graves » au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après « la Convention de Genève », ne se limiterait pas à des actes de violence avérés, mais inclurait également des situations où une personne serait exposée à un risque continu et répété, même sans qu’il y ait « manifestation physique directe ». Le fait que les menaces subies aient été accompagnées de persécutions répétées, d’enlèvements et de violences psychologiques dans un contexte de « crise sociale et politique généralisée » au Venezuela serait suffisant pour justifier l’octroi d’une mesure de protection internationale.

S’agissant de l’ordre de quitter le territoire, il conviendrait de se questionner si leur « expulsion » serait proportionnelle au regard des droits fondamentaux en jeu, les appelantes se prévalant dans ce contexte de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) et de la jurisprudence afférente de la Cour européenne des droits de l’homme. En outre, leur renvoi vers le Venezuela risquerait d’être contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant (A2) et il faudrait prendre en compte cet intérêt primordial dans toutes les décisions le concernant.

Il y aurait partant lieu de réformer le jugement entrepris, ainsi que le refus ministériel, et de leur accorder une mesure de protection internationale, principale ou subsidiaire, ainsi que par conséquent, de réformer les ordres de quitter le territoire prononcés à leur encontre.

De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et des décisions ministérielles litigieuses pour se fonder sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que doit être considérée comme réfugié toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas 20où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

21En substance, les consorts (A) disent craindre d’être exposés à des actes de persécution, d’une part, au Venezuela en raison de l’activité d’exploitant de casino exercée par Monsieur (G) et les actes d’extorsion en découlant, actes qui auraient été tolérés par les autorités vénézuéliennes, et, d’autre part, en Colombie en raison d’actes de harcèlement et de menaces de mort proférées par des criminels à l’encontre de la fille de Madame (A1), prénommée (D), qui aurait refusé de s’adonner à la prostitution.

Il convient ensuite de rappeler que les deux enfants de Madame (A1), à savoir sa fille (A3) … et son fils mineur (A2), en raison de leur double nationalité vénézuélienne et colombienne, sont appelés à démontrer, par application de l’article 1, A, (2), alinéa 2, de la Convention de Genève, qu’ils ont des raisons valables, fondées sur une crainte justifiée de persécution, de ne pas se réclamer de la protection des autorités du Venezuela, pays de leur première nationalité, et de la Colombie, pays de leur deuxième nationalité, et qu’à défaut de rapporter pareille preuve le statut de réfugié leur sera refusé.

Ceci étant dit, l’examen des déclarations faites par les consorts (A) au cours de leurs entretiens, ensemble les explications fournies par les parties à l’instance de part et d’autre, amènent la Cour à la conclusion que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont rejeté le recours des appelantes, et ce indépendamment de la question des quelques incrédibilités mises en avant par le ministre au sujet de leur récit.

En effet, la Cour dégage de l’examen des faits et motifs invoqués à l’appui de leurs demandes de protection internationale et des pièces produites en cause que les parties appelantes sont restées et restent en défaut d’établir des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle et fondée de persécutions du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social susceptible de leur ouvrir droit au statut de réfugié au sens de la Convention de Genève respectivement de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015.

En effet, les craintes exprimées en relation avec les menaces et extorsions de fonds au Venezuela en raison de l’activité d’exploitant de casino de Monsieur (G) mise en avant par les intéressées ont essentiellement trait à des problèmes avec respectivement des délinquants mafieux et agents publics corrompus mus par la cupidité, mais non pas par l’appartenance de la famille (A) à une race, à une religion, à une nationalité ou à une tendance politique, voire même à un groupe social au sens de la Convention de Genève et lesdits problèmes apparaissent ainsi relever d’une criminalité de droit commun et ne pas constituer l’expression d’un risque de persécution au sens de ladite Convention.

Par rapport aux différentes menaces reçues suite au départ de Monsieur (G) du Venezuela en novembre 2019, la Cour, à l’instar des premiers juges, retient encore que lesdites menaces, certes condamnables, ne revêtent pas un degré de gravité tel à pouvoir être qualifiées d’actes de persécution ou d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015 pour ne plus avoir été suivies par un quelconque acte concret de violence. Il s’ensuit que les craintes afférentes restent essentiellement hypothétiques et constituent plutôt l’expression d’un sentiment général d’insécurité, ce d’autant plus que l’interdiction de l’exploitation de salles de jeux imposée par l’ancien Président Hugo CHAVEZ a été levée en 2021 par le président actuel Nicolas MADURO, 22de sorte que les craintes initialement invoquées par les consorts (A) dans ce contexte ne sont de toute façon, et indépendamment de la question de la gravité des faits, plus de nature à justifier actuellement l’octroi d’un statut de protection internationale.

En deuxième lieu, et à titre surabondant, concernant la crainte alléguée des appelantes fondée sur les prétendus actes de harcèlement et les menaces proférés en Colombie par des criminels à l’encontre de Madame (B) et les effets indirects en découlant sur leur propre situation, dont notamment celle de Madame (A3), la Cour se doit de relever en premier lieu que de nouveau, il ne se dégage d’aucun élément en cause que ces actes, à les supposer établis, auraient été perpétrés pour l’un des motifs définis dans la Convention de Genève, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance des appelants à un certain groupe social, de sorte qu’il convient de retenir que ces évènements s’inscrivent également dans le cadre d’une criminalité de droit commun.

En outre, la Cour, à l’instar du ministre, se doit de relever que des craintes de persécution basées sur des faits non personnels vécus par un autre membre de la famille, en l’occurrence Madame (B), sont toutefois susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières, preuve qui n’a cependant pas été rapportée en l’espèce, les consorts (A) ne faisant état d’aucun incident particulier dont ils auraient été personnellement victimes en Colombie.

Finalement, il se dégage encore du dossier que les criminels qui ont proféré les menaces de mort à l’égard de Madame (B) ont entretemps été arrêtés par les autorités colombiennes et condamnés à des peines d’emprisonnement.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les conditions d’octroi du statut du réfugié au sens de l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire au sens des articles 2 sub g), et des points a) et b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 ne sont pas remplies, de sorte que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont rejeté le recours des parties appelantes sur ces bases.

En ce qui concerne le point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, la Cour est amenée à retenir que si certes, il ne peut être nié que le Venezuela connaît une situation sécuritaire problématique, notamment en raison de la violence criminelle de droit commun qui y est très répandue, et qu’il existe une grave crise sur l’ensemble du territoire en raison du régime politique en place, impliquant la répression d’opposants politiques, il n’en reste toutefois pas moins que les rapports produits en cause, décrivant la situation politique générale au Venezuela, ne permettent pas de conclure à l’existence d’une situation où l’ampleur de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé est telle qu’il existerait des motifs sérieux de croire qu’un civil, du seul fait de sa présence sur place, court un risque réel d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, les consorts (A) n’ayant, par ailleurs, pas apporté des éléments qui permettraient de retenir qu’elles seraient personnellement exposés, en raison d’éléments propres à leur situation personnelle, à un risque réel découlant d’une violence aveugle au point qu’il faille admettre qu’en cas de retour au Venezuela, elles courraient un risque réel de menace grave pour leurs vies ou leurs personnes.

23 De même, les parties appelantes n’ont pas non plus avancé des motifs sérieux et avérés de croire que, si elles étaient renvoyées en Colombie, elles courraient un risque réel de subir des menaces graves et individuelles contre leurs vies ou leurs personnes en raison d’une violence aveugle due à un conflit armé interne ou international.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que les premiers juges ont confirmé le ministre pour avoir refusé de faire droit aux demandes de protection internationale des parties appelantes.

Dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé aux consorts (A) le statut de protection internationale et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation des ordres de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer lesdits ordres.

Quant au moyen des parties appelantes que les ordres de quitter le territoire violeraient l’article 3 de la CEDH et que leur éloignement serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant (A2), la Cour relève qu’au regard de ce qui vient d’être retenu par rapport au sérieux des craintes des parties appelantes en cas de retour respectivement au Venezuela et en Colombie, et à défaut d’autres éléments, le moyen afférent est à rejeter.

L’appel n’étant dès lors pas justifié, il y a lieu d’en débouter les consorts (A) et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 25 novembre 2024 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute les parties appelantes ;

partant, confirme le jugement entrepris du 21 octobre 2024 ;

condamne les parties appelantes aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, 24et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. SPIELMANN 25


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52007C
Date de la décision : 11/02/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-02-11;52007c ?

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