GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 52010C ECLI:LU:CADM:2025: 52010 Inscrit le 27 novembre 2024
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Audience publique du 13 mars 2025 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2024 (n° 47148 du rôle) ayant statué sur un recours de Monsieur (A), …, contre une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’aides financières de l’Etat pour études supérieures
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Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 52010C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 27 novembre 2024 par Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY, munie à cet effet d’un mandat lui conféré par le ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur en date du 20 novembre 2024, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 23 octobre 2024 (n° 47148 du rôle) ayant reçu en la forme le recours en annulation de Monsieur (A), demeurant à L-…, dirigé contre la décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 19 octobre 2021 portant refus de sa demande en obtention d’une aide financière de l’Etat pour études supérieures pour le semestre d’hiver de l’année académique 2021/2022, ainsi que de la décision confirmative, sur recours gracieux, du même ministre du 9 décembre 2021 et, au fond, a annulé ces deux décisions et renvoyé l’affaire en prosécution de cause devant l’autorité compétente;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 18 décembre 2024 par la société à responsabilité limitée SOREL AVOCAT SARL, établie et ayant son siège social à L-1118 Luxembourg, 13, rue Aldringen, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 250783, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Karim SOREL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), préqualifié;
Vu le mémoire en réplique du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 16 janvier 2025;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 février 2025 au nom de Monsieur (A);
1Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 4 mars 2025.
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Le 15 octobre 2021, Monsieur (A) sollicita auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après le « ministère », une aide financière pour études supérieures pour le semestre d’hiver de l’année académique 2021-2022.
Par un courrier recommandé du 19 octobre 2021, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche [la compétence en la matière étant actuellement dévolue au ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur], ci-après le « ministre de l’Enseignement supérieur », refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :
« (…) Je suis au regret de vous annoncer que votre demande d'aide financière de l'Etat pour études supérieures sous rubrique a été refusée pour la raison suivante :
Il ressort des éléments de votre dossier que vous ne remplissez aucune des conditions d'éligibilité énoncées à l'article 3 de la loi modifiée du 24 juillet 2014 concernant l'aide financière de l'Etat pour études supérieures.
En effet, pour être éligible pour une aide financière vous devez remplir une des conditions suivantes :
• Etre ressortissant luxembourgeois ou membre de famille d'un ressortissant luxembourgeois.
• Etre ressortissant de l'Union européenne ou d'un des autres Etats parties à l'Accord sur l'espace économique européen et de la Confédération suisse et séjourner au Luxembourg en tant que travailleur salarié, travailleur non salarié ou de personne qui garde ce statut.
• Etre membre de famille d'un ressortissant de l'Union européenne ou d'un des autres Etats parties à l'Accord sur l'espace économique européen et de la Confédération suisse qui séjourne au Grand-Duché de Luxembourg en qualité de travailleur salarié, travailleur non salarié ou de personne qui garde ce statut.
• Avoir acquis le droit de séjour permanent. (…) ».
Par courrier électronique du 29 octobre 2021, Monsieur (A) introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 19 octobre 2021.
Par décision du 9 décembre 2021, le ministre prit position comme suit :
« (…) Par courriel du 29 octobre 2021 vous avez introduit un recours gracieux contre la décision du 19 octobre 2021 vous refusant l'aide financière pour le semestre d'hiver de l'année académique 2021-2022 sur base du fait que vous ne remplissez aucune des conditions pour les étudiants résidents au Grand-Duché de Luxembourg prévues par l'article 3 de la loi modifiée du 24 juillet 2014 concernant l'aide financière de l'Etat pour études supérieures.
2 En effet, il ressort des éléments de votre demande d'aide financière ainsi que des éléments versés à l'appui de votre recours gracieux que vous n'êtes pas en possession d'un document récent attestant de votre droit de séjour permanent au Grand-Duché de Luxembourg et n'y avait pas séjourné en qualité de travailleur à la date pertinente du 30 novembre 2021, de sorte que vous ne remplissez pas les conditions de l'article 3 paragraphe (2) et de l'article 7 paragraphe (2) de la loi modifiée du 24 juillet 2014 précitée.
Veuillez noter que suite à une erreur matérielle des aides financières pour études supérieures pour les semestres d'hiver et d'été de l'année académique 2020-2021 de … euros, dont … euros bourse et … euros sous forme de prêt, vous ont été accordées par décisions respectives du 2 décembre 2020, du 28 avril 2021 et du 29 juin 2021.
Dans ce contexte, je tiens à vous informer que le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche renonce au recouvrement de la partie bourse indûment accordée de … euros par décisions du 2 décembre 2020, du 28 avril 2021 et du 29 juin 2021. Malgré cela, je voudrais préciser que cela n'emporte en aucun cas un quelconque droit acquis dans votre chef pour d'éventuelles demandes ultérieures.
Au vu de ce qui précède, je ne peux que confirmer la décision susmentionnée du 19 octobre 2021. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 19 octobre et 9 décembre 2021.
Par jugement du 23 octobre 2024, le tribunal administratif se déclara incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçut le recours subsidiaire en annulation en la forme et, au fond, le déclara justifié et annula les deux décisions ministérielles critiquées des 19 octobre et 9 décembre 2021, avec renvoi de l’affaire en prosécution de cause devant l’« autorité compétente », le tout en rejetant la demande du demandeur tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 1.500.- € et en condamnant l’Etat aux frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 27 novembre 2024, l’Etat a régulièrement relevé appel du jugement précité du 23 octobre 2024.
A l’appui de cet appel, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que le droit de séjour permanent dont Monsieur (A) bénéficiait depuis le 27 juillet 2016 aurait pris fin en raison de son absence prolongée du territoire luxembourgeois de plus de 2 ans et il soutient que le constat afférent aurait valablement pu être fait par le ministre de l’Enseignement supérieur.
Il est plus particulièrement soutenu que pour juger que seul le ministre de l’Immigration et de l’Asile [actuellement le ministre des Affaires Intérieures], ci-après le « ministre de l’Immigration », aurait été/serait compétent pour rapporter un droit de séjour permanent, les premiers juges se seraient concentrés sur un simple aspect formel du constat afférent.
En effet, selon le délégué, le ministre de l’Enseignement supérieur aurait lui aussi été compétent pour apprécier et appliquer les critères fixés par l'article 9, paragraphe 3, de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, ci-après la « loi du 29 août 2008 », en ce qu’ils seraient clairs et ne laisseraient aucune marge de manœuvre en 3disposant que : « Une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que par des absences d'une durée supérieure à deux ans consécutifs du territoire. ».
Or, tel serait le cas du fait que Monsieur (A) aurait quitté le territoire luxembourgeois pendant une période de plus de deux ans, fait que ce dernier ne contesterait nullement.
Ainsi, le ministre de l’Enseignement supérieur aurait à bon droit examiné si Monsieur (A) remplissait les conditions pour se voir accorder l'aide financière pour études supérieures qu’il sollicitait.
En ordre subsidiaire et pour le cas où la faculté de constater la perte de validité du titre de séjour permanent relèverait de la compétence exclusive du ministre des Affaires intérieures, le délégué entend encore mettre en balance une nouvelle pièce, en l’occurrence une attestation émise le 26 novembre 2024 par le ministère des Affaires intérieures, Direction générale de l'immigration, qui démontrerait que Monsieur (A) ne bénéficiait plus, au moment des décisions des 19 octobre et 9 décembre 2021, d’un droit de séjour permanent.
Or, compte tenu de cette pièce, il serait clair que l’intéressé n'aurait pas été éligible au bénéfice d’une aide financière pour études supérieures au titre du semestre d'hiver de l'année académique 2021/2022 et le refus ministériel serait justifié.
L’intimé demande de prime abord la confirmation pure et simple du jugement entrepris soutenant que la perte du droit de séjour permanent devrait « en toutes hypothèses être constaté par le Ministère des Affaires Intérieures, Direction générale de l'Immigration ».
Dans ce contexte, il se réfère au principe de sécurité juridique qui serait reconnu par la Cour de Justice de l'Union Européenne (« CJUE ») et la Cour européenne des droits de l'Homme (« CEDH »), de même qu’aux principes généraux de confiance légitime et de non-rétroactivité des lois en tant qu'expressions du principe général de sécurité juridique, qui feraient partant partie des principes inhérents à tout système juridique basé sur le respect du droit et qui impliqueraient que « la personne concernée devait pouvoir connaître avec certitude les droits inhérents au droit de séjour dont il disposait, sans que ces droits ne puissent être remis en cause par une administration qui n'est pas compétente pour statuer sur ce droit de séjour ».
Ceci étant, pour le priver de son droit de séjour en qualité de résident permanent, il aurait incombé à l'administration compétente de l'abroger, pour autant que les conditions permettant le maintien de ce droit n’étaient plus remplies. A défaut de ce faire, son droit resterait intact.
Selon l’intimé, son statut et son droit de séjour ne seraient pas non plus affectés par le courrier du ministère des Affaires intérieures, Direction générale de l'immigration du 26 novembre 2024, qui ne constituerait pas « une décision administrative mais (…) un courrier qui relate une situation de fait ». Il insiste sur le fait qu’il n’aurait, du reste, jamais reçu une telle décision d’abrogation de son droit de séjour.
La production d’une telle pièce, délivrée pour les besoins de la cause ne serait pas non plus acceptable pour se heurter aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime.
Or, à défaut de décision, le ministre de l’Enseignement supérieur aurait dû reconnaître et faire application de son droit de séjour permanent et faute de ce faire, son refus serait à annuler et le jugement a quo à confirmer.
4 En ordre subsidiaire, l’intimé réitère son moyen d’annulation développée en première instance et tiré de la violation de l’article 7, paragraphe (2) du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, ci-après le « règlement 492/2011 ». Dans ce contexte, il fait état de ce que l’article 3, alinéa 2 de la loi modifiée du 24 juillet 2014 concernant l'aide financière de l'Etat pour études supérieures, ci-après la « loi du 24 juillet 2014 », reprendrait quasiment à l’identique le libellé de l’article 24, paragraphe (2) de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, ci-après la « directive 2004/38 ».
Tout en admettant que les champs d'application respectifs de ces dispositions « ne correspondent pas exactement » à la situation d’espèce, l’intimé estime qu’elles poursuivent le but de former un système cohérent, à savoir que « si l'on est travailleur (ou membre de la famille pour un avantage social dérivé), on a le droit à l'égalité au titre de la seconde disposition et l'on ne saurait être privé de rien au titre de la première ».
Il soutient que la première question à résoudre serait celle de savoir s’il peut revendiquer l'égalité de traitement en vertu de l'article 7, paragraphe (2), du règlement 492/2011. Or, tel serait bien le cas dans la mesure où sans être lui-même un travailleur au Luxembourg ou membre de la famille d'une personne travaillant au Luxembourg, il tomberait cependant dans la catégorie des enfants d’anciens travailleurs migrants prévue à l’article 10 du règlement 492/2011. Il se réfère à cet égard à un arrêt de la CJUE du 6 octobre 20201, dans lequel il aurait été retenu que les citoyens de l’Union pourraient bénéficier d’un droit de séjour au titre de cet article et que s’ils entraient dans le champ d'application de celui-ci, ils pourraient revendiquer l'application de l'égalité de traitement au titre de l'article 7, paragraphe (2) du règlement 492/2011. Dans une situation pareille, la dérogation prévue à l'article 24, paragraphe (2), de la directive 2004/38 ne s'appliquerait pas.
L’intimé ajoute que l’application de l’article 10 du règlement 492/2011 ne serait pas subordonnée au droit de séjour des parents dans l’Etat membre d'accueil, mais seulement au fait que l'enfant concerné aurait vécu avec au moins l'un de ses parents dans cet Etat membre pendant que celui-ci y aurait résidé en qualité de travailleur. En se basant sur un arrêt de la CJUE du 30 juin 20162, l’intimé fait valoir qu’il n’y aurait aucune obligation que le parent en cause résiderait encore dans l'Etat membre d'accueil au moment où l'enfant entamerait sa scolarité ou ses études, ni qu'il y demeurerait par la suite.
Il souligne encore que l’article 10 du règlement 492/2011 serait applicable non seulement à l'enseignement secondaire mais également à la poursuite d'études dans le cadre de l'enseignement supérieur et qu'il s'appliquerait aux enfants majeurs, même s'ils ne sont plus à la charge de leurs parents.
Sur ce, il expose avoir légalement séjourné de façon continue au Luxembourg à partir du 12 avril 2011 en qualité d'enfant de travailleurs migrants et qu’en date du 27 juillet 2016, il se serait vu délivrer une attestation de séjour permanent. Il aurait suivi les cours pour le cycle secondaire à l'Ecole européenne à Luxembourg de mars 2011 jusqu'à l’obtention de son diplôme de baccalauréat en juillet 2016.
1 CJUE, arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld, C-181/19, EU :C :2020 :794.
2 CJUE, arrêt du 30 juin 2016, NA, C-115/15, EU :C :2016/487.
5 Le 16 novembre 2016, il aurait procédé à un changement de résidence de Luxembourg vers Mamer, où il aurait résidé jusqu'au 15 juin 2017, date à compter de laquelle il aurait quitté le territoire luxembourgeois pour des raisons familiales.
A partir du 16 septembre 2020, il aurait à nouveau séjourné au Luxembourg à la suite de son admission à l'Université du Luxembourg en tant qu'étudiant à temps plein.
L’intimé en conclut que, compte tenu du fait qu’il aurait résidé dans le passé au Luxembourg en qualité d'enfant de travailleurs migrants, l’article 10 du règlement 492/2011 lui serait applicable, de sorte qu’en vertu de l’article 7 du même règlement, il aurait droit à l’égalité de traitement. Il soutient, par ailleurs, que l’article 24, paragraphe (2) de la directive 2004/38 serait « dépourvu de pertinence » et que le ministre pratiquerait une discrimination directe à l’encontre de personnes placées dans la même situation.
Le cadre juridique de l’affaire sous examen est à tracer par rapport à l’article 3 de la loi du 24 juillet 2014 déterminant les bénéficiaires potentiels d’une aide financière pour études supérieures, telle celle sollicitée par l’intimé et qui lui a été refusée, article qui dispose comme suit :
« Peuvent bénéficier de l'aide financière de l'Etat pour études supérieures, les étudiants et élèves définis à l'article 2, désignés ci-après par le terme « l'étudiant », et qui remplissent une des conditions suivantes :
(1) être ressortissant luxembourgeois ou membre de famille d'un ressortissant luxembourgeois et être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg, ou (2) être ressortissant d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un des autres Etats parties à l'Accord sur l'espace économique européen et de la Confédération suisse et séjourner, conformément au chapitre 2 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, au Grand-Duché de Luxembourg en qualité de travailleur salarié, de travailleur non salarié, de personne qui garde ce statut ou de membre de famille de l'une des catégories de personnes qui précèdent, ou avoir acquis le droit de séjour permanent, ou (3) jouir du statut du réfugié politique au sens de l'article 23 de la convention relative au statut de réfugié politique faite à Genève le 28 juillet 1951 et être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg, ou (4) être ressortissant d'un Etat tiers ou être apatride au sens de l'article 23 de la Convention relative au statut des apatrides faite à New York le 28 septembre 1954, être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg et y avoir résidé effectivement pendant 5 ans au moins ou avoir obtenu le statut de résident de longue durée avant la présentation de la première demande et être soit détenteur d'un diplôme ou d'un certificat de fin d'études secondaires luxembourgeois ou reconnu équivalent par le ministre ayant dans ses attributions l'éducation nationale, soit éligible au titre de l'article 2, paragraphe 4 de la présente loi (…) ».
Ce cadre légal est à compléter par l’article 9 de la loi du 29 août 2008 en ce qu’il dispose que : « (1) Le citoyen de l'Union qui rapporte la preuve d'un séjour légal ininterrompu de cinq 6ans au pays acquiert le droit de séjour permanent. Ce droit n'est pas soumis aux conditions prévues à l'article 6, paragraphe (1).
(2) La continuité du séjour n'est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des absences plus longues pour l'accomplissement d'obligations militaires, ni par une absence ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes telles qu'une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une formation professionnelle, ou le détachement pour raisons professionnelles dans un autre Etat membre ou un pays tiers.
(3) Une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que par des absences d'une durée supérieure à deux ans consécutifs du territoire.
(4) La continuité du séjour peut être attestée par tout moyen de preuve. Elle est interrompue par l'exécution d'une décision d'éloignement du territoire. ».
En l’espèce, les deux décisions ministérielles litigieuses tablent sur le constat de ce que l’intimé ne relève d’aucune de ces catégories et, plus particulièrement, de ce qu’il n’est pas à entrevoir comme un étudiant citoyen européen disposant d’un droit de séjour permanent au sens du paragraphe (2) de l’article 3 de la loi du 24 juillet 2014, l’approche du ministre de l’Enseignement supérieur ayant été sanctionnée pour cause d’incompétence matérielle dans son chef en ce qu’il se serait immiscé dans la sphère de compétence du ministre de l’Immigration.
L’appel étatique demande à la Cour de revoir et de sanctionner l’analyse des premiers juges, l’intimé sollicitant en substance la confirmation du jugement a quo.
En application du cadre légal ci-avant tracé, le ministre de l’Enseignement supérieur ne peut pas seulement, mais il doit, sous peine de méconnaître sa compétence, analyser si les conditions d’éligibilité prévues par l’article 3 de la loi du 24 juillet 2014 sont remplies.
Dans le cadre de cet examen, concernant la situation de l’acquis d’un droit de séjour permanent dans le chef d’un demandeur d’une aide financière, soit un des cas de figure légalement visés des bénéficiaires potentiels en vue de l’octroi de pareille aide, la mission de contrôle ministériel comporte l’obligation et le droit de vérifier si ce cas de figure est ou non factuellement vérifié.
L’appréciation afférente est à faire sur base des éléments d’appréciation soumis au ministre.
Ceci dit, dès lors qu’en l’espèce, il apparaissait prima facie de l’état du dossier administratif de l’intimé qu’un droit de séjour, antérieurement acquis dans son chef, avait perdu sa validité du fait d’une absence prolongée de l’intéressé de plus de deux ans, en l’espèce d’ailleurs une absence du territoire luxembourgeois non contestée de plus de trois ans, le ministre de l’Enseignement supérieur devait s’en tenir à cette apparence et décider en conséquence.
Ainsi, loin d’empiéter sur les attributions du ministre de l’Immigration, le ministre de l’Enseignement supérieur a, de la sorte, agi dans le cadre de ses attributions matérielles et il a régulièrement exercé sa compétence.
7Le jugement entrepris est partant à réformer en conséquence.
Le moyen d’annulation subsidiaire tiré de la violation de l’article 7, paragraphe (2), du règlement 492/2011 moyennant la mise en balance d’un prétendu droit de séjour acquis dans le chef de l’intimé en tant qu’enfant de parents travailleurs migrants à travers duquel l’intimé tente de voir passer outre la perte automatique de la validité de son droit de séjour permanant et/ou de se voir reconnaître un droit de séjour dérivé n’est quant à lui pas pertinent en l’espèce et partant à écarter.
En effet, il ne saurait être utilement reproché au ministre de l’Enseignement supérieur d’avoir omis d’examiner les éventuels droits que l’intimé pourrait faire valoir devant le ministre de l’Immigration pour rétablir son droit de séjour permanent après son absence prolongée, étant donné que ce serait justement dans le cas de figure où le ministre de l’Enseignement supérieur se serait prononcé sur pareille question qu’il se serait immiscé dans la sphère de compétence matérielle du ministre de l’Immigration.
Au vu de l’issue du lige, la demande en allocation d'une indemnité de procédure, telle qu’encore formulée par l’intimé, est à rejeter, les conditions légales n’étant pas remplies.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;
déclare l’appel recevable;
dit l’appel fondé et, réformant le jugement du 23 octobre 2024, constate que le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche était compétent pour prendre la décision du 19 octobre 2021 portant refus de la demande en obtention d’une aide financière de l’Etat pour études supérieures pour le semestre d’hiver de l’année académique 2021/2022 formulée par Monsieur (A), ainsi que celle confirmative du 9 décembre 2021, et dit que le recours introductif de première instance introduit par Monsieur (A) contre ces deux décisions ministérielles est à rejeter pour manquer de fondement;
rejette la demande de Monsieur (A) tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure;
condamne Monsieur (A) aux frais et dépens des deux instances.
Ainsi délibéré et jugé par:
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, 8et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. CAMPILL 9