GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 51841C ECLI:LU:CADM:2025:51841 Inscrit le 18 novembre 2024
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Audience publique du 1er avril 2025 Appel formé par Les époux (A1) et (A2), …, Contre un jugement du tribunal administratif du 4 octobre 2024 (n° 47413 du rôle) dans un litige les opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts
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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 51841C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 18 novembre 2024 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS S.C.S.., établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, immatriculée au registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro B211933, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée par son gérant commandité actuellement en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, immatriculée au registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro B211880, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par Maître Pol MELLINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu, au nom de Monsieur (A1) et de son épouse, Madame (A2), demeurant ensemble à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 4 octobre 2024 (n° 47413 du rôle), par lequel ledit tribunal les a déboutés de leur recours tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes datée du 8 février 2022, référencée sous le numéro C 29977, ayant statué sur leur réclamation introduite à l’encontre des bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial et des bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années d’imposition 2012 à 2016, des bulletins portant établissement séparé du bénéfice commercial et des bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années d’imposition 2017 et 2018, ainsi que des bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des années 2012 à 2016 et des bulletins de l’impôt sur le revenu des années d’imposition 2017 et 2018, tous émis le 9 juin 2021 et dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre cette même décision directoriale ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 18 décembre 2024 ;
Vu le mémoire en réplique de la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS S.C.S.., déposé au greffe de la Cour administrative le 20 janvier 2025 pour compte des appelants ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Olivier SCHANK, en remplacement de Maître Pol MELLINA, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 février 2025.
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Il ressort des explications des parties à l’instance qu’en date du 24 août 2020, une entrevue eut lieu dans les bureaux du service de Révision de l’administration des Contributions directes, ci-après « le service de Révision », entre Monsieur (A1), Madame (A2), ci-après « les époux (A1) », un représentant de la société anonyme (AA), ci-après « la société (AA) », du service de Révision et du bureau d’imposition …, ci-après « le bureau d’imposition ».
Le 16 décembre 2020, le service de Révision dressa un compte-rendu d’un contrôle sur place - mis à jour le 4 août 2021 - exercé par rapport au « contribuable (A1), Pharmacienne, …, L-… » :
« (…) A. Données générales 1. Motif de la vérification :
a. Avis Service Révision ;
b. 205(1) AO pour ;
c. § 222(1) et (2) AO pour ; faits nouveaux suivant constations faites lors du contrôle de la société (AA) S.A. par le service de révision ;
d. Courriel de M. (B) du 14.09.2018 ;
e. Comptabilisation non conforme.
i. Chiffre d’affaire évalué par marge bénéficiaire et flux bancaires « Bonjour Monsieur (C), Pour les années 2014 et 2015, le chiffre d’affaires des clients (AA) était établi suivant les encaissements effectués, augmentés par les clients ouverts en clôture d’exercice.
Cela était dû, du fait que les prologiciels des officines que ce soient (BB), (CC), (DD), (EE) étaient destinés pour une gestion de stock et pour la communication avec la CNS (part du prix médicament pris en charge par la CNS).
Les pharmaciens et leurs personnels utilisaient le système dans l’optique décrite ci-dessus et non dans une optique comptable. Ce qui ne nous permettait pas d’exploiter les données du progiciel.
Durant l’année 2016, l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines a procédé à un contrôle de toutes les pharmacies, sur les années antérieures et a pris comme principe que les chiffres produits par le système devaient être fiables et que le chiffre d’affaires généré par le système informatique devienne par extension une pièce comptable probante.
(AA) a annoncé à ses clients la position de l’AED et a attiré leur attention sur la nécessité de maitriser leur outil informatique afin de générer le moins de différence possible entre la réalité et leur comptabilisation dans le système informatique. De même (AA) a informé les fournisseurs de prologiciels du besoin de ceux-ci à adapter leurs programmations dans le sens demandé par l’AED.
Les conclusions de l’administration de l’enregistrement arrivant courant 2017, il a été impossible pour les pharmaciens de corriger leurs procédures en 2016.
Pour 2016, (AA) a utilisé le chiffre d’affaire produit par le système avec une tolérance maximum de 0.5% du chiffre d’affaires.
Pour 2017, (AA) a utilisé le chiffre d’affaire produit par le système.
J’espère avoir répondu à votre question.
N’hésitez pas à me joindre pour toute information.
Je vous prie, Monsieur (C), de bien vouloir accepter mes salutations les meilleures.
(AA) (B) » Cette déclaration faite par (AA) laisse douter à la fiabilité de la comptabilité et donc les conditions pour procéder à une imposition rectificative suivant § 222 (1) et (2) (neue Tatsachen) sont remplies.
2. Constatations faites lors du contrôle fiscal de la société Comptoir pharmaceutique de Luxembourg S.A. par le service de Révision.
3.
Date de clôture de l’exercice :
le 31 décembre 4.
Déclarations et impôts contrôlés :
Impôt commercial communal des exercices fiscaux 2010 à 2017 inclusivement 5.
Objet de l’entreprise :
Pharmacie 6.
Forme juridique de l’entreprise :
Exploitant individuel 7.
Personnes ou firmes ayant collaborées lors du contrôle sur place :
M. (A1) (pharmacien-exploitant) ; Mme (A1) (pharmacienne) ;
M. (B) ((AA)) 8.
Agents de l’Administration des contributions directes Service de Révision: (C); (D); (E) Bureau d’imposition. … : (F), Réunion du 24.08.2020 (Bureau d’imposition …, salle de réunion) B.
Comptabilité 9.
Quant à la forme :
La loi générale des impôts impose la tenue d’une comptabilité régulière et complète (§160 et 162 AO) quant à la forme et quant au fond.
La comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de façon à faciliter toute recherche et tout contrôle. Elle est régulière quant au fond lorsqu’elle renvoie une image fidèle et complète de la situation financière de l’entreprise.
A cette fin, elle doit respecter les principes généraux comptables tels que le principe de la continuité, de constance, de spécificité des exercices, de non compensation, de comptabilisation des charges et produits et de prudence. La comptabilité qui est régulière d’un point de vue formel bénéficie d’une présomption de régularité quant au fond (§208 (1) AO). A défaut de respecter les conditions de régularité formelle, la comptabilité perd sa force probante. Le §160 AO impose le respect des règles comptables contenues dans les lois non fiscales.
Le contribuable dispose d’une comptabilité en partie double informatisée.
Pour les années 2012 à 2018 les pièces comptables informatisées suivantes ont été présentées:
• Les fichiers FAIA/SAF-T pour 2012-2018;
• Les fichiers du système POS 2012 - 2016 (DD), à partir 2016 (CC).
L’analyse des fichiers a révélé des différences entre le chiffre d’affaire enregistré dans les systèmes POS et la comptabilité fournie sous format FAIA.
C.
Constatations spéciales 10.
Système POS :
Les montants enregistrés dans le système POS diffèrent des montants du chiffre d’affaire enregistrés dans la comptabilité (fichiers FAIA).
Après analyse des fichiers, vue que les annulations sont excessives par rapport du chiffre d’affaire pour les années 2013-2018 (voir 4.6752%; 4.6666%; 5,0775%; 7,1682%;
7,8519% ;7,2164%) et une explication adéquate fait défaut, une marge de sécurité suivant TA 39260 de 5% est retenue sur la différence entre le montant déclaré dans la comptabilité et les ventes constatées par le système POS pour les années 2013-2017.
11.
Fournisseurs:
a. CPL i. Factures récapitulatives 1. Ok Mais pas d’indication sur les fournitures gratuites et ou avec remises ii. Factures générales 1. néant 2. Elle devrait, selon AED, contenir des informations sur les fournitures gratuites 3. Cependant NS- ACD Valeur des articles gratuits reçus :
12. Conclusion finale Après révision de toutes les données et documents demandés lors de la réunion du 24 août 2020 ;
Imposition svt 222(1) et (2) AO pour les années 2011-2017 ;
Imposition de l’année 2014 svt 205 (3) AO ; la correction de valeurs estimée à 10 % par la fiduciaire n’est pas considérée en tant que charge d’exploitation et est à ajouter au bénéfice courant de la pharmacie.
Redressement comptabilité compte marchandise Redressement recettes totales Lors de notre rendez-vous avec le contribuable plusieurs sujets ont été abordés.
- Importantes différences entre caisse et comptabilité ;
- (AA) n’a pas comptabilisé le livre de caisse mais a estimé le bénéfice avec la comptabilisation des autres flux financiers, factures, banque et cartes bancaires ;
- Avant fiduciaire (FF), même méthode de comptabilisation ; la fonction d_Delta n’a pas été utilisée ni par M. ni par Mme (A1) ;
- problème avec le fournisseur de caisse et le service clientèle, question des réviseurs ;
pourquoi l’exploitant n’a pas pris des démarches contre le fournisseur de logiciel ? (pas d’explications par le contribuable) ;
- problématique tickets de caisse ‘999999999’ (expliqué par M. (G) ((CC)) - demande une liste des articles vendus sans mouvement de stock pour mettre un filtre correcte, - comptabilisation toutes les entrées caisse comme espèces, pas de différences faites entre virement, carte bancaires, digicash etc.
- cash = +- 30 % des recettes totales (…) Luxembourg le 16 décembre 2020 (version corrigée le 04/8/2021) (…) Inspecteur. ».
Par courrier du 11 janvier 2021, le bureau d’imposition informa Monsieur (A1) qu’il envisageait de s’écarter des déclarations fiscales pour les années 2012 à 2018 sur le fondement du § 205, alinéa (3), de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et d’effectuer les redressements suivants, tout en l’invitant à présenter ses observations éventuelles pour le 15 mars 2021, au plus tard : « (…) Augmentation du bénéfice commercial des années 2012 à 2018 suivant les tableaux en annexe :
Tableau synthétique 2012-2018 Ventes annulées officine Redressement comptabilité compte marchandise Rederessement recettes totals En plus le bénéfice commercial de l’année 2018 sera augmenté de :
…€ Remboursement mutualité …€ Reprise sur frais de voiture (…) ».
En date du 1er février 2021, une deuxième entrevue eut lieu dans les locaux du bureau d’imposition à laquelle les consorts (A1) furent présents, accompagnés de la société (AA) et de leur mandataire.
Par courrier du 15 mars 2021, Monsieur (A1), fit parvenir, par l’intermédiaire de son mandataire, ses observations au bureau d’imposition en indiquant s’opposer aux majorations des recettes, en substance, au motif que sa comptabilité serait régulière quant à la forme et quant au fond, et en sollicitant une réduction de la taxation envisagée.
En date du 9 juin 2021, le bureau d’imposition émit à l’égard des époux (A1), imposés collectivement :
- des bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu sur le fondement du § 222, numéros 1 et 2 AO au titre des années d’imposition 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 sur lesquels figura notamment la mention « L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants » et « Imposition rectificative suivant §222(1) n°1 AO.
Bénéfice commercial redressé (…) EUR », et - des bulletins de l’impôt sur le revenu au titre des années d’imposition 2017 et 2018 sur lesquels figura notamment la mention « L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants » et « Bénéfice commercial redressé (…) EUR ».
A la même date, le bureau d’imposition émit à l’égard de Monsieur (A1) :
- des bulletins rectificatifs d’établissement séparé des bénéfices, ainsi que de l’impôt commercial communal sur le fondement du § 222, numéros 1 et 2 AO au titre des années d’imposition 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, ces bulletins indiquant notamment que « L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants », « Imposition rectificative suivant §222(1) n°1 AO », et « L’imposition a été établie conformément à notre lettre du 11/01/2021 (…) », et - des bulletins d’établissement séparé des bénéfices, ainsi que de l’impôt commercial communal au titre des années d’imposition 2017 et 2018, ces bulletins indiquant notamment que « L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants », « Imposition rectificative suivant §222(1) n°1 AO », et « L’imposition a été établie conformément à notre lettre du 11/01/2021 (…) ».
Par courrier du 10 septembre 2021, réceptionné le même jour, les époux (A1) firent introduire une réclamation contre ces bulletins auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après « le directeur ».
Par décision du 8 février 2022, référencée sous le numéro C 29977, le directeur rejeta ladite réclamation dans les termes suivants :
« (…) Vu la requête introduite le 10 septembre 2021 par Me Alain Steichen, de la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS S.C.S., au nom des époux, le sieur (A1) et la dame (A2), demeurant à L-…, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des années 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2017 et 2018, les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017, et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018, tous émis en date 9 juin 2021 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ;
qu’il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§238 AO), dans les forme (§249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;
Considérant que les dates d’émission des bulletins originaires qui ont subi une rectification sont reprises dans le tableau qui suit Année bulletin de l’impôt sur le revenu bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal 2012 23 octobre 2013 23 octobre 2013 2013 14 janvier 2015 14 janvier 2015 2014 4 novembre 2015 30 septembre 2015 2015 29 décembre 2016 29 décembre 2016 2016 31 janvier 2018 27 septembre 2017 2017 -
3 octobre 2018 Considérant que ces bulletins ont été redressés sur base du § 222, alinéa 1er, numéro 1 AO par des bulletins rectificatifs du 9 juin 2021; qu’au moment de l’émission des bulletins rectificatifs, les bulletins d’origine avaient acquis force de la chose décidée ; que d’autre part, les réclamations interjetées contre les bulletins rectificatifs ont empêché ces derniers d’acquérir autorité de chose décidée alors que les bulletins originaires étaient à qualifier de définitifs jusqu’au moment où ils ont été rectifiés ; qu’il s’ensuit que les réclamations interjetées contre les bulletins rectificatifs litigieux, émis en date du 9 juin 2021, sont attaquables dans la mesure où les cotes d’impôt rectifiées dépassent les cotes originaires (§ 234 AO) ;
Considérant que les réclamants font grief au bureau d’imposition d’avoir majoré les bénéfices déclarés au titre des années 2012 à 2018 au moyen d’une taxation non justifiée de recettes supplémentaires ;
Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d’impôt étant d’ordre public ;
qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;
En ce qui concerne les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018 Considérant qu’en application du § 5 de la 2e GewStVV du 16 novembre 1943 et de la GewStR 13 (cf. § 7 GewStG), les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 se trouvent affectés d’office pour le cas où il résulterait du recours sous analyse une variation du bénéfice d’exploitation soumis à l’impôt commercial communal ;
En ce qui concerne les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des années 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, et les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2017 et 2018 Considérant qu’à la suite d’un contrôle approfondi de la comptabilité de la pharmacie exploitée par le requérant, effectué par le bureau d’imposition assisté dans sa tâche par le Service de révision de l’Administration des contributions directes, les enregistrements et pièces comptables furent qualifiés de non probants, car présentant certaines irrégularités qui se manifestèrent par l’existence d’une disparité apparente entre les recettes d’exploitation comptabilisées et les recettes enregistrées par le logiciel de traitement des ventes qui ne sut trouver une explication satisfaisante, des comptabilisations imprécises ou erronées, d’une série d’annulations de ventes en croissance au fil des années et des corrections forfaitaires manifestement inexactes au niveau des stocks ; qu’il fut notamment établi que le chiffre d’affaires des années 2012 à 2018 avait été déterminé sur base des sommes constatées en caisse et en banque à certaines dates précises, enregistrées d’après un système de comptabilisations synthétiques confus au moyen d’extournes successivement débitées et créditées sur différents comptes de bilan et de résultat, occultant les origines et emplois des montants comptabilisés, procédé que la fiduciaire chargée de la comptabilité justifia par la spécificité des logiciels comptables, destinés à assurer une gestion des stocks adaptée aux exigences de la Caisse nationale de santé et non aux conditions liées à la tenue d’une comptabilité commerciale réglementaire ; que suite à une entrevue dans un local du bureau d’imposition, le 24 août 2020, entre les requérants, accompagnés d’un représentant de la fiduciaire chargée de la comptabilité de la pharmacie et les contrôleurs des contributions, le bureau d’imposition adressa au réclamant, en date du 11 janvier 2021, un courrier répondant aux exigences du § 205, alinéa 3 AO, l’avisant qu’il entendait procéder à des majorations des bénéfices déclarés par voie d’une taxation de recettes d’exploitation supplémentaires telles que dégagées du contrôle effectué, et l’invitant à prendre position par rapport à ces redressements ; que malgré la contestation exprimée par le réclamant dans un courrier de réponse envoyé au bureau d’imposition le 15 mars 2021, celui-ci émit les impositions (rectificatives) conformément à ses annonces, ajoutant respectivement aux recettes déclarées (à l’origine) des montants de … euros pour l’année 2012, … euros pour l’année 2013, … euros pour l’année 2014, … euros pour l’année 2015, … euros pour l’année 2016, … euros pour l’année 2017 et … euros pour l’année 2018 ;
Considérant que dans le cadre de leur requête, les réclamants font valoir, en premier lieu, qu’en dépit du courrier mentionné, leurs droits n’auraient pas été respectés par le bureau d’imposition qui n’aurait tenu compte de la procédure contradictoire qu’en apparence, sans véritablement leur permettre de réagir en connaissance de cause ; qu’ainsi, le bureau d’imposition ne leur aurait pas communiqué le compte rendu du contrôle effectué ni expliqué de quelle façon les montants rajoutés aux bénéfices initialement imposés avaient été établis ;
qu’ignorant de quelle façon le bureau avait pu déterminer les montants qu’il s’engageait à ajouter aux recettes déclarées, ils n’auraient pas été en mesure de s’en défendre ;
Considérant néanmoins qu’en dates du 24 août 2020 et 1er février 2021 eurent lieu dans les locaux du bureau d’imposition deux entrevues, entrevues qui eurent justement lieu en vue de permettre un échange portant sur les vérifications des livres et pièces comptables, avec le concours du Service de révision, par le bureau d’imposition ; que les requérants, impliqués dans la procédure de contrôle tout comme le fut leur comptable, étaient nécessairement au courant des irrégularités constatées, celles-ci ayant fait l’objet des discussions menées lors de l’entrevue du 24 août 2020, respectivement des discussions menées lors de l’entrevue du 1er février 2021 en présence du conseil juridique des réclamants ; qu’ils expliquent néanmoins que, le courrier du 11 janvier 2021 ne faisant pas état d’indices concrets sur base desquels la comptabilité aurait été reconnue comme irrégulière, ils n’auraient pas été en mesure de fournir les explications nécessaires qui auraient pu permettre de justifier les montants initialement déclarés ; qu’ils s’appuient notamment sur la doctrine allemande pour faire valoir leur droit d’obtenir communication du rapport du réviseur ;
Considérant qu’en vertu du § 205, alinéa 3 AO, des divergences notables en défaveur du contribuable doivent lui être communiquées pour observation préalablement à l’imposition ;
que la disposition du § 205, alinéa 3 AO a un caractère contraignant et constitue une forme substantielle destinée autant à garantir une bonne administration de la loi d’impôt qu’à protéger les intérêts du contribuable ;
Considérant que « l’obligation de collaboration du contribuable dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition de son revenu a comme corollaire son droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, lorsque cette « wesentliche Abweichung » en sa défaveur provient d’une divergence au sujet des informations et documents par lui communiqués au bureau d’imposition à travers sa déclaration d’impôt ou encore dans le cadre de son devoir de collaboration, suite à une demande afférente du bureau d’imposition » (Tribunal administratif du 21 mai 2003, n° 11128 du rôle ; Cour administrative du 27 janvier 2004, n° 16643C du rôle) ;
Considérant qu’en l’espèce, la vérification des livres et pièces comptables du requérant fut entreprise sur initiative du bureau d’imposition, le Service de révision n’ayant fait que prêter concours au contrôleur du bureau d’imposition ; qu’aussi, les constatations et conclusions qui purent en être dégagées, quoiqu’elles ne firent pas l’objet d’un rapport de révision, furent néanmoins portées à la connaissance des réclamants, notamment lors de l’entrevue du 24 août 2020, qui était destinée justement à un échange de vues au sujet des différents aspects des vérifications faites, mais encore lors de l’entrevue du 1er février 2021, pour laquelle le réclamant s’est fait assister par son conseiller juridique ; que tant les requérants que le comptable ainsi que son conseiller juridique, ayant activement contribué à l’élaboration de la présente requête, furent donc informés sur les démarches et les calculs effectués par le bureau d’imposition ; qu’ils furent d’ailleurs invités, à ces occasions déjà, à faire valoir tous moyens qu’ils jugeraient utiles à justifier ou expliquer les défauts et manquements constatés dans la comptabilité de la pharmacie ;
Considérant encore et par souci d’exhaustivité, que les dispositions de l’AO ne font pas ressortir l’existence d’une obligation aux autorités fiscales de rédiger un rapport de révision ;
qu’une telle obligation ne découle d’ailleurs non plus de la doctrine allemande telle que citée par les réclamants : « Die Unterrichtung geschieht im Allgemeinen durch Übersendung des Betriebsprüfungsberichts » ; que le réclamant a été tenu au courant des constatations de la vérification moyennant l’entrevue du 24 août 2020, le courrier émis en vertu du § 205, alinéa 3 AO du 11 janvier 2021, ainsi que l’entrevue du 1er février 2021 et qu’il y a partant lieu de conclure que les dispositions du § 205, alinéa 3 AO ont été respectées et que la manière de procéder du bureau d’imposition n’est pas contraire à la jurisprudence allemande telle que citée par les réclamants : « Vor allem gehört auch dazu, dass der Steuerpflichtige über das Ergebnis einer Betriebsprüfung unterrichtet wird » ;
Considérant qu’il faut en conclure que les réclamants disposaient de toutes les informations nécessaires leur permettant d’exercer leur droit d’être entendu et que c’est à tort qu’ils invoquent la violation du § 205, alinéa 3 AO ; qu’il s’ensuit que la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;
Considérant cependant que les requérants contestent encore les redressements effectués au motif que les majorations de recettes reposeraient partiellement sur des taxations, procédure qui ne serait pas applicable du moment que la comptabilité présentée aurait été régulière tant quant à sa forme que quant à son fond ;
Considérant que le réclamant est soumis aux obligations de la tenue d’une comptabilité régulière au sens des articles 8 à 11 du Code de Commerce et du § 160, alinéa 1er AO ; que le paragraphe 162 AO détermine les conditions à respecter afin que la comptabilité soit tenue de manière régulière ; qu’une comptabilité régulière en la forme et au fond est la représentation des comptes d’une entreprise dans une stricte chronologie et d’après les faits réels ; qu’elle est censée avoir enregistré de manière claire, précise et ordonnée toutes les opérations de cette entreprise ; qu’elle doit prendre en considération de façon exacte l’intégralité des faits comptables ; que le § 208, alinéa 1er AO crée une présomption de régularité intégrale en faveur des comptabilités conformes aux règles énoncées au § 162 AO ;
Considérant que résultaient notamment des vérifications faites par le bureau d’imposition des différences importantes entre le montant du chiffre d’affaires déclaré et celui enregistré dans le système de gestion du réclamant, une multitude d’annulations de ventes à partir de l’année 2013 ; que dans son courrier entré en date du 15 mars 2021 le réclamant ne conteste d’ailleurs pas les défaillances du logiciel utilisé, qui ne permettait notamment pas de gérer les encaissements de factures ouvertes, obligeant le comptable à ajuster en fin d’année le montant des recettes enregistrées par le logiciel comptable en y incluant le montant des factures ouvertes en fin d’exercice et en en déduisant les factures restant ouvertes à la fin de l’exercice précédent ; qu’il reconnaît encore qu’il arrivait fréquemment qu’à l’encaissement, le mode de paiement n’était pas correctement saisi, mais assure avoir tenu quotidiennement et consciencieusement le livre de caisse et avoir imprimé les relevés quotidiens du logiciel des ventes, documents qu’il transmit régulièrement, à la fin de chaque mois, à son comptable ; qu’il justifie d’ailleurs les erreurs d’enregistrement et de saisie par le nombre important de transactions et d’opérations qui impliquerait nécessairement une certaine marge d’erreur ;
Considérant que, suivant les dires du réclamant, son système d’enregistrement de ventes ne permettait pas d’assurer une numérotation continue des tickets de vente et présentait un « bug informatique » qui avait pour conséquence qu’« un nombre important de numéros ont pu être « perdus » », entravant ainsi la possibilité de contrôler la continuité des enregistrements ;
Considérant encore et à titre de précision que ledit système d’enregistrement de ventes n’est pas présumé faire partie intégrante de la comptabilité du réclamant ; qu’il se basa toutefois, du moins en partie, sur ce système afin de déterminer les bénéfices imposables alors que les dispositions combinées du § 160, alinéa 1er AO et de l’article 40 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) lui imposent d’une part la tenue d’une comptabilité régulière et d’autre part la détermination des bénéfices imposables en se basant sur une comptabilité régulière et non sur un système d’enregistrement de ventes qui n’est pas réputé faire partie intégrante de la comptabilité, ce qu’un gestionnaire même moyennement consciencieux et diligent n’est certainement pas sans savoir ;
Considérant que les réclamants font valoir que la comptabilité aurait été rejetée, alors qu’ils estiment que le bureau d’imposition n’avait à sa disposition aucune preuve quant à son irrégularité, rejetant ainsi leur comptabilité sur base de « simples soupçons d’irrégularité » ;
qu’en conséquence, il ne serait pas fondé à procéder par voie de taxation ;
Considérant que si les disparités apparentes entre paiements en espèces enregistrés par le logiciel de traitement des ventes sauraient s’expliquer par les erreurs commises en cours de journée au niveau de l’enregistrement du mode de paiement, le mode de comptabilisation des recettes ne permet pas de vérifier les affirmations du comptable, à savoir que le mode de paiement n’aurait pas d’influence sur le montant global des recettes finalement enregistrées, c’est-à-dire que le montant excédentaire des paiements en espèce aurait été reporté sur les autres modes de paiement ; que lors de la vérification des enregistrements comptables, le bureau d’imposition dut cependant constater que les ventes ne furent pas reportées dans les livres sur base des extraits journaliers ni encore moins sur base du détail des opérations particulières, mais qu’elles avaient fait l’objet d’écritures récapitulatives de montants déterminés forfaitairement sur base d’une certaine marge ; qu’il doit être admis que cette façon d’enregistrer les ventes n’est ni assez détaillée ni assez précise pour assurer la retraçabilité des différentes transactions et constitue de toute évidence une enfreinte aux principes d’une comptabilité régulière exigeant des écritures complètes et exactes, retraçant l’intégralité des faits comptables ; qu’il en découle notamment que le montant global des ventes est nécessairement inexact ; que les corrections de valeur sur stocks mises en compte en fin d’année, forfaitaires, ne reflètent pas la valeur effective, établie selon les dispositions de l’article 23 L.I.R. des marchandises et produits en magasin ;
Considérant qu’en vertu de l’article 15 du Code de Commerce, toute entreprise doit établir une fois l’an un inventaire complet de ses avoirs et droits de toute nature et de ses dettes, obligations et engagements de toute nature ; que les comptes sont à mettre en concordance avec les données de l’inventaire ; que si le contribuable utilise plusieurs systèmes de gestion, il est tenu de les mettre tous en concordance avec les données de l’inventaire ; que si l’établissement correct de l’inventaire est important pour des raisons évidentes de gestion et de contrôle, il l’est d’autant plus dans le cadre d’un commerce de produits soumis à agréments et contrôles ou même pour certains à autorisations de délivrance ; qu’au-delà des seules exigences en matière de comptabilité commerciale, il est peu crédible que le réclamant ne se soit pas assuré d’une gestion et d’un contrôle adapté des stocks de produits pharmaceutiques ;
Considérant que le réclamant tend à justifier le nombre élevé d’annulations de ventes survenues au cours des années 2013 à 2018 en avançant ce qui suit : « aucune ligne n’a réellement été supprimée mais (…) il s’agit simplement d’un « langage informatique » pour désigner les ventes qui ont été rappelées, souvent pour rajouter une ordonnance médicale non disponible immédiatement ou encore pour modifier une erreur d’encodage » ; qu’il produit en annexe de sa requête un exemple, illustrant un scénario portant sur trois jours suivant lequel une ordonnance médicale engendrait l’enregistrement de huit différentes lignes, dont six feraient l’objet d’une annulation afin de pouvoir exactement retracer les différentes opérations d’encodage, respectivement de remboursement par la Caisse nationale de santé ; que bien que cette argumentation est susceptible d’expliquer plausiblement le nombre élevé d’annulations opérées au cours des années 2013 à 2018, allant de … lignes annulées en 2013 jusqu’à … lignes annulées en 2018, elle reste cependant en souffrance de fournir une explication pour le nombre particulièrement faible de lignes de vente annulées au cours de l’année 2012, en l’occurrence quinze lignes annulées sur une année entière ;
Considérant que les défauts et manquements de la comptabilité présentée sont propres à invalider toute présomption de véracité dans leur chef, les faits constatés ne se limitant pas, comme allégué, à de simples erreurs laissant douter de la tenue en tous points correcte de la comptabilité, mais constituant autant d’indices permettant d’établir l’irrégularité manifeste des comptes de l’entreprise ; que le fait d’avoir eu recours à un programme informatique pour enregistrer les flux comptables, et aux services d’un comptable pour en assurer une gestion appropriée ne dégage pas le contribuable de l’obligation de s’assurer personnellement de la bonne tenue des livres comptables, de la conservation adéquate des pièces comptables et de l’exactitude des bénéfices déclarés ; qu’il ne saurait à plus forte raison justifier les défauts et lacunes de la comptabilité par les insuffisances du système de gestion qu’il utilise pour déterminer les bénéfices imposables de plein gré et sous sa propre responsabilité ; qu’aussi, la présomption de régularité de la comptabilité de la pharmacie n’ayant pu être admise, le bureau d’imposition n’eut d’autre recours que de procéder à l’établissement des recettes par la voie d’une taxation ;
Considérant que le § 217 AO constitue la base légale de la taxation, c’est-à-dire le moyen qui permet au bureau d’imposition qui a épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (cf. Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, in : études fiscales n°5 81-85, novembre 1989, n° 190, page 117 et Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle);
Considérant que « La taxation des revenus constitue ainsi le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle). Elle consiste à déterminer et à utiliser une valeur approximative, afin d’aboutir à une évaluation de la base imposable, correspondant dans toute la mesure du possible à la réalité économique. Ce procédé comporte nécessairement une marge d’incertitude et d’inexactitude et la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération (Cour administrative du 30 janvier 2011, n° 12311C du rôle). La taxation d’office ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d’imposition compte tenu des éléments à disposition du bureau d’imposition, même applicable à l’égard des contribuables soigneux et diligents » (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;
Considérant que l’instruction du dossier a révélé que la manière de procéder à la taxation du revenu imposable par le bureau d’imposition ne donne pas lieu à critique ;
Considérant que, tout comme le bureau d’imposition, le directeur doit instruire (§ 204 AO) sur le revenu imposable ; que c’est par la consécration du principe du réexamen intégral et d’office des impositions litigieuses dans les dispositions combinées des §§ 204, 243 et 244 AO que le législateur a exprimé sa volonté qu’aucun impôt que celui qui est légalement dû ne puisse être réclamé au contribuable ; que rien ne s’oppose donc à ce que les réclamants présentent, dans le cadre de leur réclamation des éléments nouveaux, sous réserve d’abattements ou de bonifications à accorder sur demande, tendant à apporter des modifications à leur déclaration d’impôt ;
Considérant que si les requérants font encore valoir que les majorations de recettes mises en compte furent établies par comparaison entre des montants bruts, qui comprendraient la taxe sur la valeur ajoutée et expliquent que la taxe encaissée dans le cadre d’une vente serait continuée à l’Administration de l’enregistrement et n’aurait donc pu augmenter leur bénéfice imposable, il résulte toutefois des développements qui précèdent que la comptabilité présentée par les requérants présente tant de lacunes et irrégularités qu’elle ne saurait servir à l’établissement du bénéfice imposable ; qu’or, la comptabilité telle que présentée fut établie selon les modalités propres au format FAIA, développé et servant pour les besoins spécifiques de l’administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA ; qu’il est donc peu probable que des recettes non déclarées dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition à l’impôt sur le revenu et à l’impôt commercial communal l’aient été dans le cadre de l’établissement de la déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée ; que des recettes perçues pour le compte d’un tiers et qui ne lui sont pas transmises par la suite du fait que ce tiers, en l’espèce l’Administration de l’enregistrement et des domaines, est mis dans l’impossibilité de percevoir ou de chiffrer ce qui lui est dû, sont à considérer comme recettes au même titre que le montant principal, étant donné qu’elles entrainent une augmentation de l’actif net investi ;
Considérant les réclamants ne surent présenter des explications circonstanciées et concordantes au sujet des manquements constatés dans la tenue des livres comptables et la gestion des stocks de marchandises ; qu’ils ne surent fournir des extraits journaliers du logiciel de comptabilité retraçant les retraits et fonds de caisse, ni des écritures suffisamment précises pour permettre de redresser les créances, dettes et recettes enregistrées tant pour les montants de base que les montants de TVA ; qu’en relation avec les défauts manifestes que présentait la gestion des stocks, impossibles tant à inventorier de façon correcte qu’à reconstituer, les livraisons ne pouvant être retracées et les ventes, enregistrées en bloc, mises en lien avec les sorties de marchandises, toute force probante fait défaut non seulement pour ce qui est de la comptabilité présentée sous le format FAIA, mais encore en ce qui concerne le montant du chiffre d’affaires enregistré par le logiciel (DD), respectivement (CC), sur lesquels le bureau d’imposition, faute de mieux, basa les taxations critiquées ; qu’il ne peut en effet être établi que les logiciels aient correctement enregistré l’ensemble des opérations de vente, les défauts et manquements constatés ne permettant pas de conclure à l’exhaustivité et l’exactitude de ces données plutôt que d’autres, toute vérification étant exclue faute de données suffisamment précises permettant des comparaisons ; que les défauts et manquements en cause touchant tant les mouvements en argent que les mouvements parallèles de produits et marchandises, ils ne sauraient s’expliquer, comme le suggèrent certains développements, par une maîtrise insuffisante des outils informatiques et des systèmes de gestion ou par une apparente négligence due à une surcharge de travail et aux difficultés liées aux exigences particulières propres à l’activité des pharmacies ;
Considérant que faute de données fiables concernant aussi bien les flux financiers que les flux de marchandises, il n’est possible ni à l’administration ni au requérant d’établir tant les actifs nets en début et en fin d’exercice des années concernées, que les prélèvements ou suppléments d’apport opérés en cours d’exercice et, en conséquence, le bénéfice commercial correspondant aux dispositions de l’article 18, alinéa 1er L.I.R.; qu’il en résulte que la façon de procéder du bureau d’imposition est à confirmer tout autant en ce qui concerne le principe qu’en ce qui concerne la mise en œuvre, le réclamant n’ayant su justifier les bénéfices et chiffres d’affaires déclarés ni au moyen des enregistrements comptables ni au moyen d’autres justificatifs probants ;
Considérant qu’une « comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de manière à faciliter toute recherche et tout contrôle.
Elle est régulière quant au fond lorsqu’elle est complète et exacte, c’est-à-dire lorsque tous les faits comptables ont été pris en considération de façon exacte » (Tribunal administratif du 29 juillet 1998, n° 10577 du rôle) ; que la vérification des livres et pièces comptables a révélé que la comptabilité du requérant n’était ni complète ni exacte, qu’elle n’était ni ordonnée ni ne couvrait l’intégralité des faits comptables et qu’il était non seulement impossible de reconstituer les montants déclarés sur base des enregistrements comptables du logiciel des ventes que de vérifier leur exactitude sur base des données et documents fournis par les réclamants ;
Considérant qu’il en résulte que ni les enregistrements et pièces comptables mis à disposition du bureau d’imposition ni ceux mis à disposition de l’instance contentieuse ne permettent d’établir les montants des recettes d’exploitation et prélèvements en numéraire effectifs et les entrées et sorties de marchandises ; que les explications fournies par les réclamants, bien que sensées en apparence, ne sauraient remédier aux défauts affectant les bases élémentaires de la détermination du bénéfice d’exploitation, de sorte à ne pouvoir établir et chiffrer une différence confirmée et assez importante entre bénéfices déterminés au moyen des taxations en cause et les bénéfices d’exploitation déclarés, impossibles à chiffrer et à justifier au moyen de la comptabilité présentée ; que les moyens et explications des requérants, faute de pouvoir s’appuyer sur une comptabilité régulière, ne sauraient mettre en cause les impositions (rectificatives) émises ; que les taxations telles qu’établies sont donc à confirmer ;
Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes aux lois et aux faits de la cause et n’ont d’ailleurs pas autrement été contestées ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2022, les consorts (A1) firent introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale, précitée, du 8 février 2022 rejetant leur réclamation introduite à l’encontre des bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial et des bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années d’imposition 2012 à 2016, des bulletins portant établissement séparé du bénéfice commercial et des bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années d’imposition 2017 et 2018, ainsi que des bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des années 2012 à 2016 et des bulletins de l’impôt sur le revenu des années d’imposition 2017 et 2018, tous émis le 9 juin 2021.
Dans son jugement du 4 octobre 2024, le tribunal administratif reçut le recours principal en réformation en la forme et, au fond, le déclara non justifié et en débouta les demandeurs, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, en rejetant la demande formulée par les demandeurs tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure et en les condamnant aux frais et dépens.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 18 novembre 2024, les consorts (A1) ont fait relever appel de ce jugement du 4 octobre 2024.
Quant à la recevabilité de l’appel Dans son mémoire en réponse, l’Etat déclare se rapporter à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la recevabilité de l’appel ratione temporis.
Tel que cela a été relevé à juste titre par les intimés, la Cour note que si le fait de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter.
Toutefois, s’agissant plus particulièrement de la question de la recevabilité ratione temporis de l’appel, elle est d’ordre public et en tant que telle à examiner d’office par la Cour.
Or, la Cour ne peut que constater que la requête d’appel a été introduite dans le délai légal de 40 jours, prenant cours à partir de la notification du jugement conformément à l’article 38 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 ». La notification du jugement litigieux étant intervenue de façon non contestée le 7 octobre 2024, la requête d’appel, déposée le lundi 18 novembre 2024, l’a été endéans le délai légal, étant relevé qu’en application de l’article 51 1 « Il est tenu compte des samedis, dimanches et fêtes légales dans la computation d’un délai. Toutefois, lorsque le dies ad quem d’un délai avant l’expiration duquel un acte doit être accompli est un samedi, un dimanche, un de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, lorsque, comme en l’espèce, le dernier jour du délai est un samedi - en l’occurrence le 16 novembre -, le délai est prolongé de façon à englober le premier jour ouvrable qui suit.
L’appel est partant recevable pour avoir été introduit dans les délai et formes de la loi.
Quant au fond A l’appui de leur requête d’appel, les appelants reprennent en substance les faits et rétroactes tels que résumés ci-avant et insistent plus particulièrement sur la considération que Monsieur (A1) aurait scrupuleusement veillé au respect des obligations comptables lui incombant en tant qu’exploitant de la pharmacie.
En droit, ils se prévalent des moyens suivants :
(i) violation du principe du contradictoire et du § 205, alinéa (3), AO, jugeant en substance que les informations qu’ils ont reçu de l’administration avant l’émission des bulletins litigieux étaient insuffisantes pour répondre aux exigences de cette disposition, tout en critiquant le fait que le compte-rendu au sujet du résultat du contrôle fiscal réalisé ne leur a pas été communiqué, (ii) régularité de la comptabilité, les appelants critiquant les quatre reproches retenus par les premiers juges à l’égard de leur comptabilité, à savoir (A1) des différences importantes entre le chiffre d’affaires résultant des extractions du logiciel de traitement des ventes au sein de la pharmacie, à savoir, pour les années litigieuses, les logiciels (DD) et (CC), ci-après « le système POS », et celui enregistré dans la comptabilité sous forme de Fichiers Audit Informatisés (FAIA) de l’Administration de l’enregistrement des Domaines et de la TVA (AEDT), (b) des irrégularités au niveau de la tenue du livre de caisse en raison de disparités de montants de paiements par carte bancaire enregistrés dans le système POS et ceux renseignés sur les bandelettes du terminal de carte bancaire et en raison d’un défaut de tenue journalière d’un livre de caisse, (c) des irrégularités dans la gestion de l’inventaire des stocks et (d) des annulations de ventes.
De son côté et pour ce qui est des faits, la partie étatique précise que le contrôle fiscal pluriannuel dont a fait l’objet l’appelant en tant qu’exploitant d’une pharmacie s’inscrirait dans une action nationale menée par l’administration des Contributions directes (ACD) dans le secteur des pharmacies, dans le cadre de laquelle une « fraude fiscale importante » aurait été mise au jour et au cours de laquelle il serait apparu que les comptabilisations opérées par de nombreux pharmaciens, dont celles de l’appelant, ne reflèteraient, de manière intentionnelle, pas la réalité des flux commerciaux et financiers de l’activité de la pharmacie.
Il serait apparu que les pharmaciens auraient reçu systématiquement de la part de leur fournisseur, le COMPTOIR PHARMACEUTIQUE LUXEMBOURGEOIS S.A., ayant son siège à la même adresse que le comptable en charge de la compatibilité des pharmaciens, des jour férié légal ou considéré comme tel, le délai est prolongé de façon à englober le premier jour ouvrable qui suit. ».
articles gratuitement, sinon avec des remises importantes et qui auraient été revendus par la suite. Les contrôles réalisés par l’ACD auraient permis de constater que des livres de caisse auraient été tenus en violation des obligations légales incombant aux pharmacies, en l’occurrence une comptabilisation basée sur les flux au niveau des comptes bancaires, sans tenue d’un livre de caisse conforme, et que de telles comptabilisations avaient pour objet de rendre occultes d’éventuels prélèvements opérés par les pharmaciens dans leur caisse qui n’apparaîtraient alors pas dans leur comptabilité.
En l’espèce, à la suite d’un contrôle approfondi effectué par le bureau d'imposition, assisté dans sa tâche par le service de Révision - l’Etat soulignant qu’il ne se serait pas agi d’une procédure de révision -, les enregistrements et pièces comptables relatifs à l'exploitation de la pharmacie de l’appelant auraient été qualifiés de non probants. Il aurait notamment été établi que le chiffre d'affaires des années litigieuses avait été déterminé sur base des sommes constatées en caisse et en banque à certaines dates précises, enregistrées d'après un système de comptabilisations synthétiques confus au moyen d'extournes successivement débitées et créditées sur différents comptes de bilan et de résultat, occultant les origines et emplois des montants comptabilisés, procédé que le comptable justifiait par la spécificité des logiciels comptables, destinés à assurer une gestion précise des stocks adaptée aux exigences de la Caisse nationale de Santé (CNS) et non aux conditions liées à la tenue d'une comptabilité commerciale en bonne et due forme. Il serait aussi apparu que les marchandises gratuitement livrées ou bien ayant donné lieu à des remises auraient été vendues par la pharmacie.
Les enregistrements et pièces comptables présenteraient des irrégularités qui se manifestaient notamment par :
· une disparité apparente entre les recettes d'exploitation comptabilisées et les recettes enregistrées par le logiciel de traitement des ventes sans pouvoir trouver d'explication satisfaisante, · des comptabilisations imprécises ou erronées, et · une série d'annulations de ventes en croissance au fil des années et des corrections forfaitaires manifestement inexactes au niveau des stocks.
Quant au respect du principe du contradictoire Moyens des parties Après avoir retracé le raisonnement du tribunal par rapport à leur moyen fondé sur une violation du principe du contradictoire, les appelants se prévalent du § 205, alinéa (3), AO et de son interprétation par la jurisprudence pour en déduire que le moment décisif pour apprécier la question du respect de ce principe serait la période précédant l'émission des bulletins litigieux et qu’une consultation appropriée du contribuable exigerait dans un premier temps que celui-ci comprenne ce qui lui est reproché, le bureau d'imposition ne pouvant valablement émettre des bulletins en sa défaveur qu'après qu’il a eu la possibilité de prendre position par rapport aux suggestions de redressements formulées par l’ACD, de manière éclairée et pendant un délai raisonnable.
Ils affirment qu’ils n’auraient reçu aucune explication concrète quant au caractère prétendument irrégulier de leur comptabilité et épinglent le fait qu’ils n’auraient pas eu accès à l’analyse détaillée réalisée par le service de Révision, qui serait pourtant à la base du constat d’une différence entre les chiffre d’affaires résultant du système POS et de la comptabilité, qui a son tour se trouvait, selon les explications étatiques, à la base de la taxation d’office et des redressements finalement opérés.
Dans la mesure où les premiers juges ont opéré une analyse au regard du courrier du 11 janvier 2021 leur adressé sur le fondement du § 205, alinéa (3), AO, considéré avec les deux entrevues des 24 août 2020 et 1er février 2021, les appelants procèdent à un examen de ces réunions et dudit courrier, tout en estimant qu’une communication du compte-rendu du résultat du contrôle fiscal leur aurait permis de répondre de manière constructive aux reproches du bureau d’imposition.
En ce qui concerne les entrevues des 24 août 2020 et 1er février 2021, ils insistent sur la considération qu’ils n’auraient pas été informés des reproches concrets formulés par l’ACD au sujet de leur comptabilité, ni reçu des explications sur les calculs réalisés par le service de Révision, de sorte qu’ils ignoreraient toujours l’origine des montants pris en compte. Ils ignoreraient encore si les traitements nécessaires avaient eu lieu pour assurer la comparabilité des montant.
Ils donnent à considérer que les entrevues ayant eu lieu seraient plutôt à situer dans le cadre des opérations de contrôle qu’à l’issue de celle-ci, leur objectif ayant été de collecter des informations plutôt que de rechercher une discussion contradictoire à l’issue de laquelle ils auraient eu la possibilité de prendre position par rapport aux reproches formulés à leur encontre.
Pour illustrer l’absence de tout échange contradictoire, ils font état du contenu du document intitulé « compte-rendu » émanant du service de Révision, qui ne leur aurait jamais été communiqué préalablement à l’imposition. Selon eux, à défaut d’avoir été communiqué, ce compte-rendu ne pourrait servir à l’administration pour démontrer l’existence d’un débat contradictoire préalable. Il s’y ajouterait que la retranscription de la discussion ayant eu lieu pendant l’entrevue montrerait que l’objectif du service de Révision n’était pas de leur permettre de prendre connaissance d’explications circonstanciées des réviseurs au sujet des reproches ayant trait à leur comptabilité, mais qu’il était d’obtenir des informations additionnelles de leur part. Ils donnent à considérer que la retranscription des deux entrevues se limiterait à huit points, censés résumer les discussions qui auraient eu lieu entre parties. Or, l’absence de discussion contradictoire résulterait plus particulièrement de la circonstance que plusieurs questions avaient été posées, ce qui prouverait que le service de Révision s’est situé dans une logique de démarches de collecte d’informations plutôt que dans celle d’un échange d’explications contradictoires. Le même constat s’imposerait en ce qui concerne les conclusions tirées par le service de Révision à la suite de leurs échanges à la suite de la première réunion.
En ce qui concerne le courrier du 11 janvier 2021, les appelants font valoir que, contrairement à ce qui avait été retenu par les premiers juges, celui-ci ne leur aurait pas permis de comprendre ce qui leur est reproché. Les tableaux y inclus se contenteraient, en effet, d’énoncer certains chiffres qu’ils ne pourraient toutefois pas vérifier à défaut d’avoir reçu la moindre explication sur les calculs faits par le service de Révision à partir des extractions du système POS. De plus, ledit courrier ne contiendrait aucune explication quant à la raison pour laquelle leur comptabilité ne serait pas régulière, ce qui serait pourtant une condition sine qua non pour pouvoir procéder à une taxation d’office.
S’ils avaient essayé de comprendre au mieux, au moyen de suppositions, les reproches du bureau d’imposition et avaient ainsi tenté d’y prendre position dans leur courrier du 15 mars 2021, cette attitude ne pourrait toutefois leur être opposée, le défaut par eux d’avoir explicitement manifesté leur incompréhension dans ledit courrier ne pouvant leur être opposé pour justifier le respect du contradictoire.
Enfin, les appelants donnent à considérer que s’ils avaient disposé d’un compte-rendu contenant le résultat du contrôle et expliquant de manière circonstanciée les reproches soulevés à l’égard de la comptabilité de la pharmacie, les démarches de l’administration et le détail de ses calculs, ils auraient pu prendre position de façon constructive aux reproches leur adressés.
En se prévalant des principes retenus par la Cour administrative dans son arrêt du 11 juillet 2024, numéro 49685C du rôle, et de la doctrine allemande, selon laquelle le principe du contradictoire exigerait que le contribuable impliqué dans un contrôle fiscal se voit communiquer le compte-rendu de son contrôle fiscal en amont de l’émission des bulletins d’imposition, les appelants soulignant qu’une mise à disposition de ces informations après l’émission des bulletins d’imposition n’aurait aucun effet réparateur sur la violation du principe du contradictoire. Ils critiquent, dans ce contexte, le fait que le document intitulé « compte-
rendu » ne leur avait été communiqué qu’avec le dépôt du dossier fiscal le 10 octobre 2022, partant après l’émission des bulletins, ce dont ils tirent une violation du principe du contradictoire. Ils donnent encore à considérer qu’au-delà du fait que le compte-rendu aurait dû être leur communiqué avant l’émission des bulletins litigieux, son contenu devrait également satisfaire au principe du contradictoire et devrait contenir toutes les informations nécessaires pour permettre au contribuable de comprendre la raison du contrôle fiscal, la portée des opérations de contrôle et son résultat. Or, en l’espèce le compte-rendu contiendrait principalement leurs données personnelles et une description générale des dispositions légales applicables en la matière. Les appelants critiquent plus particulièrement la manière dont le service de Révision a procédé pour constater les différences entre les montants extraits du système POS et le chiffre d’affaires enregistré dans la comptabilité et s’interrogent dans quelle mesure ces différences ont pu permettre à l’administration de rejeter leur comptabilité et de procéder à une taxation d’office. Ils en concluent que même si le compte-rendu avait été mis à leur disposition, le principe du contradictoire n’aurait de toute façon pas été respecté.
En guise de conclusion, les appelants sont d’avis que dans la mesure où ils ont été mis dans l’impossibilité de formuler utilement des observations par rapport aux redressements envisagés et ce préalablement à l’émission des bulletins litigieux, le principe du contradictoire aurait été violé, ce qui devrait conduire à l’annulation des bulletins et par suite à la réformation de la décision directoriale litigieuse de même que du jugement a quo.
Dans leur réplique, les appelants reprennent en substance les explications fournies dans leur requête d’appel, tout en renvoyant à la solution dégagée par la Cour dans l’arrêt précité du 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle.
L’Etat conclut au rejet de ce moyen.
Analyse de la Cour A titre liminaire, la Cour tient à rappeler certains principes qu’elle a déjà eu l’occasion de retenir dans des affaires similaires antérieures2.
En premier lieu, le contrôle fiscal auquel a été sujet l’appelant dans le cadre de l’exploitation de sa pharmacie s’analyse en un contrôle approfondi de comptabilité au sens du § 162, alinéa (9), AO, lequel est destiné à vérifier l’intégralité de la situation fiscale du contribuable visé au titre d’une période déterminée englobant plusieurs années d’imposition.
En outre, les agents du service de Révision ne disposent d’aucune compétence propre en matière de contrôle approfondi qui se distinguerait de celle des agents des bureaux d’imposition, mais sont à considérer comme « zugeordnete Prüfungsbeamte » au sens du § 206, alinéa (1), AO pouvant valablement exécuter un contrôle sur place sur demande du bureau d'imposition compétent. Tant lorsque le bureau d'imposition compétent s’adjoint le service de Révision seulement pour l’assister dans l’exécution d’un contrôle approfondi de comptabilité que lorsqu’il délègue entièrement l’exécution de ce contrôle audit service, la mesure d’instruction reste toujours la même mesure de contrôle sur le fondement de la même base légale et se trouve soumise au même régime légal. La désignation de « procédure de révision » ne saurait partant viser une procédure de vérification particulière, laquelle n’est pas prévue par l’AO, mais doit être considérée comme visant l’hypothèse où le service de Révision effectue entièrement le contrôle approfondi de comptabilité à la demande du bureau d'imposition compétent. Cette désignation interne à l’administration ne change cependant ni la nature juridique de cette mesure d’instruction, ni son régime légal3.
Ainsi, en l’espèce, il est constant en cause que le contrôle de comptabilité dont a fait l’objet la pharmacie exploitée par l’appelant a été mené conjointement par des agents du bureau d’imposition et par des agents du service de Révision. Ledit contrôle correspond partant toujours à la mesure d’instruction du contrôle approfondi de comptabilité au sens du § 162, alinéa (9), AO.
En deuxième lieu, le § 205, alinéa (3), AO, aux termes duquel « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen », trouve application dans l’hypothèse de l’émission de bulletins rectificatifs sur base du § 222, alinéa (1), AO, de sorte que le recours au principe général du contradictoire et du droit de participation de l’administré à l’élaboration des décisions administratives ne s’impose pas en présence d’une disposition légale spéciale4.
Si les bulletins des années 2017 et 2018 ne constituent pas des bulletins rectificatifs, tel est le cas de ceux visant les années fiscales 2012 à 2016, le bureau d’imposition ayant procédé à la rectification des bulletins d’impôts des appelants pour ces années sur le fondement de l’existence de faits nouveaux en vertu du § 222 AO, de sorte que la procédure poursuivie par le bureau d’imposition s’inscrit dans une phase postérieure à l’imposition initiale des déclarations d’impôts déposées par les appelants.
2 Cour adm., 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle et Cour adm., 11 juillet 2024, n° 49177C du rôle et Cour adm., 30 janvier 2025, n° 50349C du rôle.
3 Cour adm., 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle et Cour adm., 30 janvier 2025, n° 50349C du rôle.
4 Cour adm. 11 juillet 2024, n° 49177C du rôle ; Cour adm. 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle, Cour adm., 30 janvier 2025, n° 50349C du rôle.
Les exigences du § 205, alinéa (3), AO, dont l’application n’est d’ailleurs pas remise en question par la partie étatique, étaient dès lors à respecter en l’espèce par rapport à l’ensemble des bulletins litigieux.
En troisième lieu, s’agissant des formalités entourant un contrôle approfondi de comptabilité et de l’argumentation des appelants relative à la communication du compte-rendu, le constat s’impose qu’en sa teneur actuelle, l’AO ne comporte pas de règles particulières qui imposeraient la formalisation du résultat du contrôle approfondi de comptabilité sous une forme déterminée et sa communication obligatoire au contribuable concerné. Le § 205, alinéa (3), AO n’exige pas formellement que la communication au contribuable se fasse dans une forme déterminée. Ainsi, même si le § 208, alinéa (2), dernière phrase, AO préconise la forme du rapport écrit communiqué au contribuable, cette communication peut être effectuée par différentes voies et notamment par le biais d’un entretien avec le contribuable, mais l’administration doit alors établir que ce dernier a obtenu une communication effective et compréhensible du résultat final du contrôle et des conséquences qui s’en dégagent le cas échéant. En outre, l’administration doit établir qu’elle a informé le contribuable sur son droit de prendre position dans un délai raisonnable quant aux différents constats dressés lors de ce contrôle et qu’elle l’a mis en mesure d’exercer utilement ce droit5.
A l’instar des premiers juges, la Cour constate qu’en l’espèce, le bureau d’imposition a adressé le 11 janvier 2021 un courrier à Monsieur (A1), dont le libellé a été repris ci-avant, qui est explicitement basé sur le § 205, alinéa (3), AO et qui l’a informé de son intention de procéder à une « Augmentation du bénéfice commercial des années 2012 à 2018 suivant les tableaux en annexe », tout en l’invitant à présenter ses observations éventuelles pour le 15 mars 2021 au plus tard.
Le « Tableau synthétique 2012-2018 » incorporé dans ce courrier reprend, pour chacune des années d’imposition concernées, (i) le montant du chiffre d’affaires de la pharmacie exploitée par l’appelant provenant du système POS, TVA comprise, avec affectation des stocks, (ii) le montant des recettes comptabilisées, TVA comprise, (iii) la différence entre ces deux montants, (iv) une rubrique intitulée « Produits svt liste Mme (A1) sans affectation de stock », dont les montants sont ajoutés à la différence entre les chiffres indiqués sub (i) et (ii) ci-avant, et (v) le pourcentage de chiffre d’affaires déclaré. Les deux dernières colonnes de ce tableau indiquent le « montant à considérer » retenu par le service de Révision, résultant du cumul des colonnes (iii) et (iv), ainsi que la marge de sécurité de 5% retenue par celui-ci.
Le courrier comporte, ensuite, un deuxième tableau, intitulé « ventes annulées svt POS », et concernant d’après son intitulé les « Ventes annulées officine », avec pour chacune des années d’imposition 2012 à 2018, le nombre de « lignes annulées » tels qu’elles résultent du système POS, leur montant TVA comprise, ainsi que la part en pourcentage qu’elles représentent dans le chiffre d’affaires annuel de la pharmacie, TVA comprise.
Un troisième tableau est intitulé « redressement comptabilité compte marchandise » « provision générale sur stock de marchandises », et indique, pour chaque année concernée (i) la « provision de l’exercice à extourner », (ii) une colonne « à déduire provision actée année précédente » et (iii) une colonne « extourne nette ».
Le dernier tableau inséré dans le courrier du 11 janvier 2021 indique, quant à lui, pour 5 Cour adm., 11 juillet 2024, n° 49177C du rôle ; Cour adm., 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle, Cour adm., 30 janvier 2025, n° 50349C du rôle.
chacune des années d’imposition concernées, (i) une colonne intitulée « marge de sécurité de 5% suivant TA 39260 », correspondant à la dernière colonne du premier tableau, (ii) une colonne intitulée « provision de l’exercice à extourner », (iii) une colonne intitulée « à déduire provision actée année précédente », (iv) une colonne intitulée « extourne nette », ces trois colonnes correspondant aux chiffres issus du tableau intitulé « redressement comptabilité compte marchandise », et (v) le montant total à ajouter.
Pour l’année d’imposition 2018 en particulier, l’augmentation du bénéfice commercial est encore justifiée par un « Remboursement mutualité » et par une « Reprise sur frais de voiture ».
La Cour relève ensuite, à l’instar des premiers juges, que les difficultés de compréhension dont font actuellement état les appelants sont contredits par le contenu de leur prise de position détaillée selon leur courrier de réponse du 15 mars 2021.
A cet égard, la Cour renvoie aux extraits de cette prise de position, cités par les premiers juges, qui permettent de conclure que les appelants ont bien compris que les redressements envisagés trouvent essentiellement leur origine dans le constat d’une différence entre le chiffre d’affaires résultant des extractions du système POS et le chiffre d’affaires comptabilisé. Tel que relevé à bon escient par les premiers juges, c’est justement par rapport à ce constat que les appelants ont présenté non seulement des observations tenant de manière plus générale à insister sur la régularité de leur comptabilité quant à la forme et quant au fond, mais encore des critiques bien précises par rapport aux reproches soulevés par l’administration dans son courrier du 11 janvier 2021, en ce qu’ils ont (i) critiqué les chiffres pris en compte pour les années 2017 et 2018, (ii) expliqué les différences constatées par des abattements consentis à la CNS et par des remises accordées aux clients, (iii) critiqué la marge de sécurité que le bureau d’imposition s’apprêtait à appliquer, tout en relevant (iv) que des redressements, s’il y avait lieu de les appliquer, devraient faire abstraction de la TVA. Enfin, les annexes à leur courrier de réponse en question comportent encore des explications et tableaux détaillés en réponse aux critiques soulevés par le bureau d’imposition par rapport aux « lignes annulées ».
A aucun moment dans ce courrier, les appelants, d’ailleurs assistés pour la rédaction de leur prise de position par leur mandataire, n’ont fait état de difficultés de compréhension qui les auraient empêchés de prendre utilement position par rapport aux redressements envisagés, de sorte que la conclusion s’impose qu’ils ont compris les redressements envisagés de façon suffisante afin de leur permettre d’exercer leur droit à être entendus avant l’établissement des bulletins.
La Cour retient que les appelants ne sont pas fondés à se prévaloir d’un non-respect du § 205, alinéa (3), AO du fait d’explications jugées insuffisantes au sujet de l’origine des chiffres sur lesquels le bureau imposition s’est fondé pour opérer les redressements.
En effet, au-delà du fait que les contestations afférentes des appelants - qui affirment ne pas s’être vu expliquer les calculs exacts du service de Révision à la base des chiffres énoncés, ni les motifs pour lesquels la comptabilité de la pharmacie a été considérée comme non conforme - ont plutôt trait à la question du bien-fondé des critiques du bureau d’imposition et des redressements opérés sur cette base qu’à la question du respect du § 205, alinéa (3) AO, il ne saurait être fait abstraction du contexte plus général dans lequel le courrier litigieux s’inscrit, à savoir un contrôle sur place, dans le cadre duquel une première entrevue a eu lieu avec les contribuables le 24 août 2020 et puis une deuxième entrevue le 1er février 2021, qui doivent être prises en compte afin de vérifier si les exigences tenant au respect du contradictoire découlant du § 205, alinéa (3) AO ont été respectées.
Même s’il convient d’admettre, au regard du compte-rendu du 16 décembre 2020 faisant suite à l’entrevue du 24 août 2020, que celle-ci avait essentiellement pour objectif de permettre l’instruction du contrôle sur place et de rassembler des explications et des pièces complémentaires, et si cette réunion, prise isolément, ne s’inscrit pas formellement dans § 205, alinéa (3), AO, il n’en reste toutefois pas moins qu’elle a contribué au respect du contradictoire en ce sens qu’elle a d’ores et déjà permis aux appelants de comprendre la raison d’être du contrôle et plus loin de mieux appréhender le contexte des redressements leurs annoncés par la suite par courrier du 11 janvier 2021, dans la mesure où il se dégage du compte-rendu du 16 décembre 2020, dont le contenu n’a pas été contesté sous cet aspect, que des discussions ont eu lieu avec les appelants au sujet des divergences au niveau du chiffre d’affaires entre le système POS et la comptabilité, ledit rapport indiquant en l’occurrence « Lors de notre rendez-vous avec le contribuable plusieurs sujets ont été abordés », parmi lesquels figurent en l’occurrence d’« importantes différences entre [la] caisse et [la] comptabilité ». Il se dégage encore des explications fournies par les parties à l’instance, sur question afférente posée par la Cour à l’audience des plaidoiries, que dans le contexte de cette première entrevue, un tableau synthétique avait été discuté et remis aux appelants, faisant état des différences constatées au niveau du chiffre d’affaires selon le système POS et celui issu de la comptabilité, de la problématique des ventes annulées et de l’application d’une marge de sécurité, qui à ce moment-là, était encore évaluée à 20%, mais qui à la suite des discussions entre les parties est passée à 5%.
La Cour note encore qu’une seconde entrevue a eu lieu le 1er février 2021, soit postérieurement au courrier du 11 janvier 2021 fondé sur le § 205, alinéa (3), AO, mais avant la prise de position des appelants par courrier du 15 mars 2021. Si les appelants, accompagnés à l’occasion de cette entrevue par leur comptable et leur mandataire, avaient eu un doute de compréhension par rapport au courrier leur adressé le 11 janvier 2021, ils auraient pu poser toutes les questions qu’ils jugeaient utiles afin de leur permettre de prendre position en connaissance de cause par rapport à l’imposition envisagée et de préparer utilement leur prise de position qui allait intervenir le 15 mars 2021.
Par ailleurs, il résulte des explications des appelants6, ensemble les pièces à la disposition de la Cour, que les redressements opérés en fin de compte par le bureau d’imposition sont inférieurs à ceux annoncés par le bureau d’imposition, les appelants rapportant que leurs explications pour justifier certaines différences constatées au niveau des chiffres d’affaires, dont la prise en compte de remises accordées à certains clients et les abattements accordés à la CNS, ont été admises par le bureau d’imposition. La preuve qu’un dialogue a été utilement engagé résulte dès lors encore du fait que certaines remarques des appelants ont été prises en compte et que les redressements annoncés ont été révisés à la baisse, en faveur des appelants.
La Cour est dès lors amenée à retenir qu’en l’espèce, au regard du courrier du 11 janvier 2021 et des différentes entrevues ayant eu lieu avant l’émission des bulletins litigieux, aucun reproche ne saurait être adressé au bureau d’imposition quant au respect des exigences découlant du § 205, alinéa (3), AO, de sorte que le moyen afférent a à juste titre été rejeté par les premiers juges.
Cette conclusion n’est pas infirmée par le reproche des appelants selon lequel le compte-
rendu du contrôle sur place ne leur avait pas été communiqué avant l’émission des bulletins litigieux.
6 Point 12 de la requête d’appel.
En effet, si certes, ledit compte-rendu constitue le document qui aurait logiquement été destiné à être communiqué aux appelants préalablement à leur imposition, voire imposition rectificative, afin de leur transmettre les éléments pertinents de leur contrôle et les conséquences qui s’en dégagent et afin qu’ils puissent disposer d’un droit de réponse destiné à assurer le caractère contradictoire de leur contrôle de comptabilité et des redressements envisagés à sa suite, il n’en reste pas moins que d’après l’argumentation du délégué du gouvernement, l’administration a fait le choix, admis en son principe par le § 208, alinéa (2), dernière phrase, AO, de qualifier ce compte-rendu de simple document préparatoire interne et de ne pas le communiquer aux appelants avant l’émission des bulletins en cause. Il s’ensuit que le défaut de communication du compte-rendu litigieux n’emporte pas une violation du § 205, alinéa (3), AO susceptible d’impacter la légalité des bulletins litigieux.
Quant à la régularité de la comptabilité de la pharmacie et quant à la taxation Moyens des parties Après avoir exposé les principes relatifs à la notion de comptabilité régulière, tels que retenus par la doctrine, et après avoir rappelé les § 162 et 208 AO, les appelants font valoir que leur comptabilité serait régulière quant à la forme et quant au fond.
Ainsi, chaque soir, après la fermeture de la pharmacie, l’appelant aurait extrait, depuis son système POS, une fiche récapitulative reprenant le chiffre d'affaires du jour, indiquant les règlements des patients par type de paiement, ainsi que la part prise en charge directement par la CNS sous le système dit du « tiers payant ».
En plus de cette fiche récapitulative, il aurait imprimé, quotidiennement, les bandelettes du terminal de paiement pour cartes bancaires reprenant le montant des recettes encaissées par type de carte. Les montants des recettes issus du terminal refléteraient, selon les appelants, inévitablement la réalité puisqu'ils étaient vérifiés en temps réel par le fournisseur du terminal.
Sur la base de ces informations contenues dans la fiche récapitulative du système POS et la bandelette du terminal pour paiement par carte bancaire, il aurait complété quotidiennement son livre de caisse manuscrit.
L’appelant explique que les différentes feuilles du livre de caisse montreraient qu’il avait noté les paiements par cartes bancaires en distinguant les montants payés selon le type de carte, ces informations ayant été reprises de la bandelette du terminal de paiement pour cartes bancaires. Les différentes feuilles du livre de caisse indiqueraient encore, pour chaque jour, les « recettes comptant », donc les paiements en espèces. L’appelant affirme avoir employé une méthode spécifique pour déterminer les recettes en espèces, en soustrayant les paiements par carte des recettes totales de la journée indiquées dans le système POS, puis en effectuant un comptage manuel de la caisse. Cette approche aurait été adoptée puisque les utilisateurs du système POS de la pharmacie n’auraient pas toujours indiqué correctement le mode de paiement (espèces ou carte) lors de la saisie des ventes. Ainsi, en vérifiant chaque fin de journée les données du terminal de carte bancaire et en comptant manuellement le contenu de la caisse, il se serait assuré que les montants inscrits dans le livre de caisse correspondaient réellement aux recettes de la journée.
Outre les recettes en espèces et par carte bancaire, le livre de caisse renseignerait les transferts de fonds vers le compte bancaire et, le cas échéant, les prélèvements privés effectués.
A la fin de chaque mois, il aurait envoyé à la CNS une extraction de son système POS avec les ordonnances-patients pertinentes, sous format papier et sous format électronique afin d'obtenir le paiement de la partie du prix de vente des médicaments prise en charge par la CNS. La CNS aurait contrôlé le montant demandé, si nécessaire procédé à des redressements, puis aurait procédé au virement bancaire du montant à sa charge, après abattement, et lui aurait envoyé un décompte détaillé du virement.
Toutes ces pièces auraient été remises à leur comptable à la fin de chaque mois, qui aurait alors établi les états comptables requis par les lois commerciales et fiscales. Toutes les recettes et ventes y auraient été enregistrées de manière continue (« fortlaufend »), complète (« vollständig ») et correcte (« richtig ») sur la base de données collectées au jour le jour. En cas d’apport de corrections à une entrée initiale, cette modification aurait été clairement indiquée dans les documents comptables concernés.
Sur base de cet exposé du système de comptabilisation, les appelants concluent que la comptabilité de la pharmacie serait régulière quant à la forme, de sorte qu'elle devrait bénéficier de la présomption de régularité prévue par le § 208 AO, laquelle ne pourrait pas être renversée sur base de simples soupçons, mais seulement en présence d'éléments permettant de douter de la sincérité des écritures comptables ou d'indices pouvant remettre en cause la réalité factuelle des écritures et des documents comptables.
Les appelants arguent qu’ils pourraient démontrer concrètement que les quatre reproches retenus par le tribunal par rapport à la comptabilité, tels qu’énoncés ci-avant, ne suffiraient en aucun cas pour remettre en cause la régularité de la comptabilité de la pharmacie.
Par rapport au premier reproche tenant aux différences constatées au niveau du chiffre d’affaires selon le système POS et la comptabilité, ils estiment de prime bord que dans la mesure où leur comptabilité serait régulière, à défaut de renversement de la présomption de véracité de la comptabilité, une application correcte de l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 mènerait à la conclusion que l’ACD a la charge de la preuve quant aux redressements effectués.
A titre subsidiaire, si la Cour retenait un renversement de la présomption de véracité de la comptabilité, les appelants soutiennent que ces différences constatées au niveau du chiffre d’affaires trouveraient des explications raisonnables et auraient une pluralité de causes, toutes liées, non pas à une volonté de dissimuler le chiffre d’affaires réel, mais au fonctionnement et à l’usage de leur système informatique de gestion des ventes.
Les appelants reprochent ensuite à l’Etat de ne pas avoir mis à leur disposition le détail des calculs réalisés par les services de l’ACD, qui pourtant seraient un élément crucial pour la résolution du présent litige et feraient incontestablement partie du dossier fiscal. Néanmoins, ils auraient tenté de déterminer les raisons des différences constatées.
Le rejet par les premiers juges de ces explications ne serait pas conforme à la jurisprudence récente de la Cour administrative7, dont ils déduisent que les majorations de recettes dans le cadre d'une taxation d'office devraient être réduites à concurrence des explications fondées fournies par un contribuable tant que la partie étatique n'est pas en mesure de prouver que les explications ne sont pas pertinentes, voire déjà prises en compte.
Les appelants réitèrent leur explications fournies en première instance concernant (i) les montants du chiffre d'affaires à prendre en compte pour les exercices 2017 et 2018 et (ii) le 7 Cour adm. du 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle.
caractère prétendument injustifié de la marge de sécurité et affirment qu’ils auraient découvert, par ailleurs, qu’une partie de la différence constatée par le bureau d’imposition s'expliquerait (iii) par l'écriture comptable de régularisation des factures ouvertes en fin de chaque exercice fiscal et (iv) par le fait que l’ACD aurait procédé à une comparaison des chiffres d'affaires sur une base TVA comprise.
En ce qui concerne, en premier lieu, leurs contestations quant aux années 2017 et 2018, les appelants exposent que la comptabilité se baserait sur les relevés imprimés du logiciel (CC), transmis sur une base mensuelle, puis annuelle, à leur comptable.
Les extraits produits par eux montreraient des chiffres d'affaires TTC, avant remises, de EUR … pour 2017 et de EUR … pour 2018, alors que le tableau de l’ACD retiendrait des montants TTC de EUR … pour 2017 et de EUR … pour 2018.
Les montants des relevés annuels imprimés seraient, à très peu de choses près (notamment les remises), identiques à ceux repris dans la comptabilité, basée elle-même exclusivement sur les extractions du logiciel (CC). En l’absence de mise à disposition des calculs de l’ACD, ils ignoreraient comment celle-ci a pu constater des montants différents que ceux figurant sur les relevés annuels imprimés, qui eux seraient à retenir aux fins de toute analyse/comparaison à effectuer. Il n'y aurait dès lors pas lieu à redressement au titre de ces deux exercices.
En second lieu, les appelants affirment que l’application d’une marge de sécurité, qui semblerait être due au nombre élevé de lignes marquées comme annulées ayant été constatées dans les extractions du système POS, ne serait pas justifiée.
Or, les lignes marquées « annulées » ne correspondraient pas à de véritables annulations, mais il s’agirait en réalité de reprises de ventes antérieures, qui s’expliqueraient toutes par des situations particulières pouvant se présenter au jour le jour en pharmacie et pouvant amener le pharmacien ou ses employés à rappeler des ventes déjà encodées pour les modifier, et qui, en raison du fonctionnement technique du système POS seraient marquées comme annulées et remplacées par de nouvelles lignes de ventes. En s’appuyant sur une prise de position d’un représentant de la société (CC) et un échantillon d'exemples concrets pour chaque exercice concerné, les appelants donnent ensuite des illustrations de telles situations, à savoir des saisies incorrecte d’un produit, le retrait d’un médicament, avant la délivrance de l’ordonnance par le médecin, contre paiement direct de l’intégralité du prix, devant par la suite être rectifié sur présentation de l’ordonnance ou encore des ventes simulées lorsque les prix des produits ne figurent pas sur les boîtes afin de pouvoir renseigner les clients sur le coût d’un médicament, et concluent qu'aucune ligne n’aurait réellement été supprimée, mais qu’il s’agirait simplement d’un « langage informatique » pour désigner les ventes ayant été « rappelées ».
Les appelants reprochent au tribunal d’avoir fait en l’espèce une mauvaise application de la jurisprudence selon laquelle l’application d'une marge de sécurité, devant s’appliquer avec modération, ne serait justifiée que lorsqu’il existe une incertitude sur un point spécifique que le contribuable n’a pas pu éclaircir.
Ils reprochent encore aux premiers juges d’avoir retenu qu’ils n’auraient pas contesté le nombre d’opérations « annulation » relevées par le service de Révision, alors qu’ils auraient contesté avec véhémence que le fait que les lignes marquées comme annulées étaient liées à de véritables annulations de ventes et auraient fourni des explications à cet égard, de sorte qu’aucune incertitude ne devrait exister sur ce point qui pourrait justifier le recours à une marge de sécurité.
Ils ajoutent que le fait que beaucoup moins de lignes avaient été marquées comme annulées en 2012 s’expliquerait par le fonctionnement du système POS, dans la mesure où jusqu'au début de l'année 2013, les reprises de ventes encodées antérieurement auraient été traitées différemment d’un point de vue du langage informatique en ce sens que le système informatique de gestion des ventes aurait simplement supprimé les lignes initiales pour économiser de la mémoire et que seules les véritables annulations étaient marquées comme annulées par le système informatique de gestion des ventes.
Les appelants font valoir que l’ACD reconnaîtrait, dans des dossiers similaires, que le nombre élevé de lignes marquées comme annulées est dû au fonctionnement du système informatique de gestion des ventes et n’appliquerait plus de marge de sécurité si des exemples tel que ceux invoqués à l’appui du présent appel sont présentés.
En troisième lieu, les appelants se prévalent des modalités d’encaissement des factures ouvertes, qui expliqueraient aussi la différence entre le chiffre d'affaires résultant des extractions du système POS et celui constaté en comptabilité. En effet, au lieu de marquer une vente antérieure comme étant désormais encaissée, ce que le système POS a priori ne permettrait pas, une nouvelle vente « divers » pour les mêmes produits aurait systématiquement été encodée, ce qui expliquerait l’existence de doublons dans le système informatique.
Les appelants expliquent qu’afin d'éviter la comptabilisation d’un chiffre d’affaires additionnel, en réalité inexistant, leur comptable aurait passé, chaque année, une écriture de régularisation, consistant à éliminer du chiffre d'affaires les factures ouvertes au 31 décembre N-1 et à inclure au chiffre d'affaires les factures ouvertes au 31 décembre N. A cet égard, ils indiquent les chiffres correspondant pour chaque année litigieuse.
Pour établir la réalité des écritures de régularisation, les appelants produisent des extraits du grand-livre de la pharmacie, comportant en surligné les écritures concernées dans le compte de produits relatif aux ventes de produits, tout en renvoyant à l’arrêt précité de la Cour du 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle, visant un cas similaire et où l’explication afférente fondée sur des écritures de régularisation avait été reconnue comme justifiée.
En quatrième lieu, les appelants font valoir qu’un éventuel redressement serait à faire hors taxes. En effet, la comparaison au niveau du chiffre d’affaires aurait été opérée par les services de l’ACD entre le chiffre d’affaires TTC résultant des extractions du système POS et le chiffre d’affaires TTC résultant de la comptabilité. Dans la mesure où le montant du différentiel constituerait un montant TTC, le bureau d'imposition aurait au final soumis à l'impôt sur le revenu et à l'impôt commercial communal un montant de TVA réputé collecté par la pharmacie pour compte de l'Etat, qui ne ferait, en réalité, pas partie du chiffre d'affaires, puisque la TVA collectée ne serait pas constitutive d'une augmentation d'actif net investi au sens de l'article 18 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu (LIR), renvoyant au § 7 de la loi modifiée du 1er décembre 1936 concernant l'impôt commercial communal.
Les appelants s’emparent de l’arrêt précité de la Cour du 11 juillet 2024 à propos de cette question et font valoir qu’il ne résulterait aucunement des pièces du dossier que l’AEDT aurait elle-même retenu des redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée à la suite des contrôles qu'elle a opérées dès 2017 sur les années 2013 à 2017, leurs déclarations TVA ayant été acceptées par ladite administration sans avoir fait l'objet de taxation ou de rectification d'office.
Partant, le directeur ne pourrait s’appuyer sur des prétendus manquements en matière de TVA pour en tirer des conséquences défavorables à leur égard.
Sur base de ces explications, les appelants arguent que la très grande partie des prétendues différences constatées par les services de l’ACD entre le chiffre d'affaires issu des extractions du système POS et le chiffre d'affaires comptable seraient susceptibles de s'expliquer aisément et ils dressent le tableau des montants annuels qui seraient justifiés par ces explications.
Par rapport au deuxième reproche relatif à l’irrégularité du livre de caisse, et suite au constat des premiers juges d’un défaut de preuve qu’ils avaient tenu un livre de caisse à la main quotidiennement et pour l'intégralité des jours d'ouverture de la pharmacie et sur l’ensemble des années d'imposition litigieuse, les appelants versent, à titre d'illustration, le livre de caisse manuscrit relatif au mois d'octobre 2017 et à l’appui de leur réplique les livres de caisse pour les différentes années concernées.
Ils affirment que l’appelant aurait tenu une comptabilité journalière en bonne et due forme dans laquelle il aurait noté scrupuleusement les montants des recettes de la journée en distinguant les modes de paiement, de même que les dépenses effectuées dans l'intérêt de la pharmacie et tout prélèvement à des fins personnelles. Grâce aux recoupements effectués entre les différentes données et au comptage manuel du contenu de la caisse, il aurait pu s’assurer que le montant inscrit dans le livre de caisse correspondait au montant réellement perçu.
Face au constat du tribunal que la comptabilité avait été établie, non pas sur base d'extraits journaliers ou sur base du détail des opérations particulières, mais sur base d'écritures récapitulatives de montants déterminés forfaitairement sur base d'une certaine marge, respectivement sur une base mensuelle, les appelants donnent à considérer que les écritures récapitulatives dans les états comptables n’impliqueraient pas un non-respect de leurs obligations découlant du §162, alinéa (7), AO et de l’article 11, paragraphe (2), du Code de commerce, puisque l’appelant aurait, chaque jour, fait un décompte des opérations journalières et noté le résultat dans le livre de caisse.
S’agissant de la transmission mensuelle des documents comptables au comptable et les écritures récapitulatives dans les états comptables, les appelants se prévalent d’un arrêt de la Cour du 15 janvier 2019, n° 41547C du rôle, ayant retenu qu’un contribuable doit être admis à charger un comptable externe de la confection de ses comptes et à rassembler ses pièces comptables relatives aux opérations d'une certaine période pour les transmettre en bloc au comptable en vue de leur enregistrement au lieu de devoir assurer une transmission immédiate et continue au comptable de tous les documents relatifs aux opérations à comptabiliser.
En ce qui concerne le troisième reproche du tribunal relatif aux irrégularités dans l'établissement de l'inventaire des stocks, les appelants expliquent qu’à la fin de chaque année, l’appelant aurait établi un inventaire en déterminant exactement la quantité des produits qui se trouvaient dans le stock de la pharmacie. Comme le logiciel informatique à l'époque n'avait pas de fonction permettant d'enregistrer les achats de marchandises à leur prix d'acquisition effectif, tel que comptabilisé dans les livres comptables, ni de déterminer par la suite la valeur d'achat du stock en temps réel, son comptable n’aurait pas eu d’autre choix que de passer du nombre de produits à la valeur du stock pour les besoins de l'écriture annuelle de variation des stocks en multipliant les quantités de produits constatées lors de l'inventaire par leur prix d'acquisition officiel auprès du grossiste. Comme la valeur ainsi obtenue aurait de façon notoire été trop élevée par rapport à la valeur d'acquisition réelle des produits en question, qui serait notamment réduite par diverses remises et actions commerciales de produits gratuits en cas de dépassement d'un volume d'achat donné, le comptable aurait fait le choix de réduire la valeur d'achat théorique du stock au 31 décembre par une correction de valeur forfaitaire généralement de l'ordre de 10%.
Comme il s’agissait effectivement d’une estimation, les appelants déclarent accepter les ajustements de l'ACD et les reprises des corrections de valeurs correspondantes, tout en soulignant toutefois que, d’une part, il s’agirait d’un simple décalage dans le temps de la base imposable et non pas d’une réelle réduction, de sorte que l’impact global serait négligeable sur l'ensemble d'une période vérifiée de plusieurs années, et, d’autre part, que des corrections de valeur critiquées « d’un point de vue technique » pourraient être facilement corrigées sur le plan fiscal par un ajustement ponctuel, sans que la régularité de l'ensemble de la comptabilité n'en soit affectée et sans que cela ne puisse mener à une taxation du chiffre d'affaires.
En guise de conclusion, les appelants estiment que la comptabilité serait régulière, de sorte à devoir servir de base à leur imposition, de sorte à invalider le recours à une taxation d’office. Plus subsidiairement, si une taxation d'office s'avérait nécessaire, ils estiment qu’il conviendrait de réduire les redressements à concurrence des montants pour lesquels ils ont été en mesure d'apporter des explications circonstanciées sur les raisons pour lesquelles les différences entre le chiffre d'affaires comptable et le chiffre d'affaires du système POS sont normales.
Dans leur réplique, les appelants reprennent en substance leurs explications par rapport à la régularité de leur comptabilité telles qu’exposées dans l’acte d’appel.
L’Etat conclut au rejet de l’appel en insistant essentiellement sur l’irrégularité de la comptabilité litigieuse.
Analyse de la Cour Quant à la régularité de la comptabilité Au regard des contestations des appelants quant au bien-fondé du recours au procédé de la taxation au sens du § 217 AO tel qu’opéré par le bureau d’imposition, il convient de prime abord d’examiner si celui-ci a valablement pu procéder à une majoration du bénéfice commercial de la pharmacie par voie de taxation au motif d’une comptabilité ne répondant pas aux conditions de régularité.
En matière de fiscalité directe, les §§ 162 à 165 AO imposent la tenue d’une comptabilité régulière et complète quant à la forme et quant au fond, obligation que l’appelant ne conteste pas être à sa charge en tant qu’exploitant d’une pharmacie.
Ainsi, la comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de façon à faciliter toute recherche et tout contrôle. Même si aucun texte légal n’impose l’obligation précise de porter sur des pièces comptables les informations quant à la date de leur comptabilisation et aux comptes débités et crédités, il n’en reste cependant pas moins que la nécessité de ces renseignements découle de l’exigence de clarté d’une comptabilité. En effet, les écritures comptables doivent être appuyées par des pièces justificatives devant être conservées, de manière que l’exercice utile de leur pouvoir de vérification par les dirigeants de l’entreprise et les vérificateurs de la comptabilité, dont l’administration fiscale, implique que le rapprochement entre l’enregistrement comptable et la pièce justificative afférente puisse être fait avec aisance, ce qui implique que pour tout enregistrement comptable les références des pièces justificatives qui l’appuient doivent être indiquées. En outre, les écritures doivent être appuyées par des pièces justificatives qui doivent être conservées afin de permettre l’examen de la validité des enregistrements et des pièces justificatives à leur base8.
Une comptabilité est régulière quant au fond lorsqu’elle renvoie une image fidèle et complète de la situation financière de l’entreprise. A cette fin, elle doit respecter les principes généraux comptables tels que les principes de continuité, de constance, de spécificité des exercices, de non-compensation, de comptabilisation des charges et produits et de prudence9.
Le § 162 AO dispose notamment en son alinéa (2) que: « Die Eintragungen in die Bücher sollen fortlaufend, vollständig und richtig bewirkt werden. Der Steuerpflichtige soll sich einer lebenden Sprache und der Schriftzeichen einer solchen bedienen ». Cette disposition consacre ainsi le principe de la comptabilisation continue, qui implique la comptabilisation chronologique des opérations et ce dans un délai rapproché après leur survenance, ainsi que le principe de vérité, qui impose l’enregistrement approprié de toutes les opérations.
Le § 208, alinéa (1), AO instaure une présomption de régularité en faveur de toute comptabilité tenue conformément aux principes énoncés au § 162 AO dès lors qu’il n’existe aucune raison particulière d’en contester la régularité au fond.
La Cour retient de prime abord que l’utilisation d’un système électronique de vente, tel un logiciel comme dans le cas d’espèce, constitue une partie intégrante de la comptabilité comme l’ont retenu à juste titre les premiers juges10.
A cet égard, il convient de relever que s’il est vrai que l’usage d’un tel système électronique est facultatif pour les contribuables soumis à des obligations comptables sur le fondement des §§ 160 et 161 AO, le choix de retenir un tel système d’enregistrement reste néanmoins soumis aux exigences classiques de tenue d’une comptabilité résultant du § 162 AO11, de sorte qu’ils doivent pouvoir donner une image globalement concordante à celle retranscrite dans la comptabilité du contribuable au vu de l’exigence du caractère exact de la comptabilité (« die Eintragungen in die Bücher sollen (…) richtig bewirkt werden ») inscrite au § 162, alinéa (2), AO.
Faisant ainsi partie intégrante de la comptabilité de l’exploitation de la pharmacie de l’appelant, la conséquence nécessaire en est que toute irrégularité ou défaillance d’un tel logiciel constatée en amont, qu’elle soit technique ou consécutive à une mauvaise utilisation par le personnel de la pharmacie, entraînant un enregistrement erroné ou incorrect de données, est de nature à avoir un impact sur le caractère régulier de la comptabilité de la pharmacie en aval établie sur base de ces mêmes données du moment que ces irrégularités ou défaillances affectent les données chiffrées ayant une incidence fiscale. Il incombe plutôt au contribuable faisant usage d’un tel système électronique de procéder directement aux corrections nécessaires afin de redresser les données erronées ou incorrectes et de documenter ces redressements de manière retraçable.
En l’espèce, il ressort des propres explications des appelants et de leur description du fonctionnement de la pharmacie que le système POS avait été le logiciel de traitement des ventes au sein de leur officine à partir duquel ils ont extrait, chaque soir, une fiche récapitulative reprenant le chiffre d’affaires du jour, qui a, entre autres été remise à leur comptable.
8 Cour adm., 15 janvier 2019, n° 41547C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1005.
9 Cour adm., 14 août 2019, n° 42249C et 42318C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1005.
10 Cour adm. 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle, Cour adm. 30 janvier 2025, n° 50349C du rôle.
11 Cour adm., 15 juin 2023, n° 47813C du rôle.
Force est de constater que la comparaison du chiffre d’affaires de la pharmacie résultant des extractions du système POS utilisé et de celui enregistré dans la comptabilité pour les années fiscales respectives a fait ressortir des différences, qui se trouvent à la base des calculs du bureau d’imposition tels qu’elles ressortent des tableaux figurant dans du courrier du 11 janvier 2021 adressé par le bureau d’imposition aux appelants.
Si les appelants affirment être en mesure de donner des explications qui, d’après eux, justifieraient du moins en partie les différences au niveau des chiffres d’affaires ainsi constatées, le constat s’impose qu’indépendamment de la question du bien-fondé de ces explications, l’existence même de telles différences, qui sont le reflet de contradictions entre deux éléments de la comptabilité, constitue, tel que les premiers juges l’ont retenu à juste titre, un indice permettant de douter de la réalité factuelle des écritures et des documents comptables. Au regard de ces différences entre le chiffre d’affaires comptable et un outil de gestion des ventes, le bureau d’imposition a dès lors valablement pu émettre des doutes sur la question de savoir si la comptabilité de l’appelant reflète une image fidèle et complète de la situation financière de son entreprise.
Cette conclusion n’est pas énervée par les contestations soulevées par les appelants à l’appui de leur appel.
En effet, la Cour relève, à cet égard, de prime abord que même en tenant compte des explications fournies par les appelants par rapport aux différences constatées, selon les calculs présentés par eux et tels que ressortant du tableau repris au point 88 de la requête d’appel, il reste toujours des différences inexpliquées.
Par ailleurs et s’agissant de l’affirmation des appelants selon laquelle l’administration ne leur aurait pas donné d’explications au sujet du mode de calcul des différences constatées, la contestation afférente n’est pas de nature à convaincre la Cour, dans la mesure où, d’une part, il ressort des explications concordantes des parties que les chiffres pris en compte par le bureau d’imposition ressortent des documents comptables remis par les appelants eux-mêmes au bureau d’imposition, et, d’autre part, tout au long de la procédure précontentieuse et contentieuse, les appelants n’ont pas remis en question le fait que ces chiffres concorderaient avec ceux figurant dans les éléments comptables qu’ils ont soumis eux-mêmes au bureau d’imposition, mais ils se sont limités à relever des divergences exclusivement par rapport aux années 2017 et 201812.
S’agissant des contestations des appelants quant aux chiffres des années 2017 et 2018 retenus par le bureau d’imposition pour aboutir au constat de différences au niveau des chiffres d’affaires, qui selon eux seraient différents de ceux dont ils disposent, la Cour relève, d’une part, que même en tenant compte des chiffres avancés par les appelants, il existe toujours des différences, certes minimes, au niveau des chiffres d’affaires et, d’autre part, qu’il existe d’autres indices, visant aussi ces deux années, qui sont de nature à faire douter de la régularité de la comptabilité des appelants, de sorte que la contestation afférente n’est pas de nature à invalider le constat du bureau d’imposition, confirmé par le directeur et par la suite par les premiers juges, que leur comptabilité ne peut pas bénéficier de la présomption de régularité.
En effet, au-delà du constat général des différences au niveau des chiffres, la Cour observe un second indice susceptible de justifier les doutes du bureau d’imposition quant à la 12 points 13 à 17 du courrier du 15 mars 2021, points 32 et suivants de la réclamation, points 54 et suivants de la requête introductive de première instance.
régularité de la comptabilité et qui s’étend sur l’ensemble des années d’imposition litigieuses, y compris les années 2017 et 2018, à savoir le mode de gestion de l’inventaire des stocks.
Ainsi, les appelants admettent13 que les stocks de fin d’année ont fait l’objet d’évaluations approximatives par application d’une correction de valeur forfaitaire de 10% à la valeur théorique des stocks de médicaments et d’autres marchandises au lieu d’évaluations précises selon leur prix d’achat, les appelants expliquant cette manière de procéder par des déficiences, voire inadéquations au niveau de leur logiciel informatique. S’il est vrai que les lois comptables et fiscales n’imposent pas la tenue systématique et continue d’un inventaire exact à tout moment durant un exercice d’exploitation, il n’en reste pas moins que les stocks doivent pouvoir être évalués à la fin de l’exercice d’une manière suffisamment précise pour que leur valeur réelle puisse être incluse parmi l’actif de fin d’exercice, lequel doit également correspondre à l’actif d’ouverture de l’exercice d’exploitation suivant. Or, les insuffisances quant à l’établissement des inventaires telles que constatées, et admises par les appelants, qui reconnaissent que la mode d’évaluation choisi n’est pas le fruit d’un calcul précis, constituent un élément que le service de Révision et le bureau d’imposition ont valablement pu prendre en compte afin d’apprécier la régularité formelle et au fond de la comptabilité de la pharmacie.
C’est à tort que les appelants entendent relativiser ce point de critique du bureau d’imposition, qu’ils déclarent accepter dans son principe, en affirmant, d’une part, que l’impact global en serait négligeable dans la mesure où il s’agirait « d’un simple décalage dans le temps de la base imposable et non pas d’une réelle réduction », et, d’autre part, que les écritures de corrections de valeur afférentes pourraient facilement être corrigées sur le plan fiscal. En effet, indépendamment de l’impact concret des non-conformités constatées, elles sont en tout état de cause de nature à affecter la régularité de la comptabilité, qui de la sorte ne reflète pas une image fidèle de la réalité, et à constituer un obstacle au bénéfice de la présomption de régularité prévue par le § 208, alinéa (1), AO.
Par ailleurs et de manière plus générale, les appelants admettent le caractère déficient, en termes d’exactitude comptable à différents niveaux, de leur logiciel de traitement des ventes, qui pourtant fait partie de la comptabilité, dans la mesure où ils affirment que ledit logiciel les aurait empêchés de comptabiliser correctement certains éléments.
Tel est le cas des difficultés, relevées ci-avant, qu’ils déclarent avoir éprouvées pour procéder à une évaluation correcte des stocks, ce qui les a en fin de compte amenés à procéder à des corrections de valeur forfaitaires. Tel est aussi le cas de la problématique des ventes annulées, dans la mesure où ils affirment en substance que les positions identifiées par leur logiciel comme étant des ventes annulées ne correspondraient pas à de réelles annulations, en attribuant cette problématique à une déficience de leur logiciel. Tel est aussi le cas des difficultés avancées au niveau de la gestion des factures ouvertes, les appelants déclarant en substance que leur système POS, qui pourtant fait partie de la comptabilité, tel que cela a été retenu ci-avant, n’aurait pas permis de tenir correctement compte des paiements retardés de ventes, ce qui les aurait amenés à procéder à des écritures de régularisation.
Indépendamment de la question du caractère justifié des difficultés techniques éprouvées et de leur incidence sur les majorations opérées par le bureau d’imposition, le constat s’impose qu’en toute hypothèse le caractère inadéquat du logiciel de traitement des ventes, reconnu par les appelants, est de nature à semer le doute quant à la régularité de leur comptabilité, des corrections ayant dû, selon les appelants, être opérées ex post afin de tenir compte de ces difficultés, ce qui a nécessairement affecté leur obligation d’opérer une 13 Points 110 et suivants de la requête d’appel et points 20 et suivants de la réplique.
comptabilisation continue, impliquant la comptabilisation chronologique des opérations et ce dans un délai rapproché après leur survenance.
La Cour est dès lors amenée à retenir qu’au regard du faisceau d’indices concordants décrit ci-avant, mettant en doute la concordance entre les différentes sources de la comptabilité de la pharmacie, le bureau d’imposition était fondé à remettre en cause la régularité formelle et au fond de la comptabilité de la pharmacie au vu des manquements manifestes aux exigences de clarté, de sincérité, de vérité et d’exhaustivité des écritures comptables posées par le § 162 AO. C’est dès lors à bon droit que la partie étatique fait valoir que la présomption de régularité au fond de la comptabilité, prévue au § 208, alinéa (1), AO, ne s’applique pas en l’espèce, cette conclusion s’imposant sans qu’il n’y ait lieu de pousser plus en avant l’analyse des autres irrégularités relevées par l’Etat, cet examen étant surabondant dans la mesure où les indices relevés ci-avant sont à eux seuls suffisants pour justifier le rejet de la comptabilité par le bureau d’imposition.
Par voie de conséquence, le bureau d’imposition a valablement pu procéder à une estimation des revenus de la pharmacie, de sorte que le moyen des appelants tendant à remettre en question le principe même de la taxation est à rejeter.
Quant aux bases d’imposition moyennant taxation S’agissant ensuite des bases d’imposition moyennant taxation, les premiers juges ont correctement cadré le litige par rapport au § 217 AO, qui dispose comme suit :
« (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, die für eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.
(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».
Conformément à sa dénomination allemande (« Schätzung »), la taxation d’office consiste « à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n’est pas possible »14. Ce procédé comporte nécessairement et par définition une marge d’incertitude et d’inexactitude, tandis que la prise en compte d’une marge de sécurité par l’administration fiscale est, tel que cela a été relevé à juste titre par les premiers juges, licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération.
Si certes le principe d’ordre public de la détermination exacte des bases d’imposition oblige les autorités fiscales à tout mettre en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent à la situation fiscale réelle du contribuable, il n’en reste pas moins que le § 217 AO permet au bureau d’imposition de recourir à une estimation des bases d’imposition notamment dans l’hypothèse où il a constaté le caractère incomplet ou irrégulier de la comptabilité lui présentée par le contribuable.
14 J. Olinger, La Procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales nos 81 à 85, page 117, n°190.
La Cour rappelle, à cet égard, que le procédé de la taxation ne saurait être une sanction infligée au contribuable et que dans sa mise en œuvre, le bureau d’imposition et le directeur, qui intervient dans son contrôle, sont tenus d’y recourir avec discernement afin d’aboutir à la fixation de bases d’imposition qui s’approchent le plus possible des bases d’imposition réelles du contribuable conformément aux principes de proportionnalité et de faculté contributive15.
Force est de constater les majorations appliquées par le bureau d’imposition, telles qu’elles ressortent du tableau synthétique actualisé figurant au dossier fiscal, se composent comme suit : (A1) de l’addition de (i) la différence entre chiffres d’affaires issus du système POS et de la comptabilité, reprise sous la colonne « D », intitulée « Différence », et (ii) des sommes reprises sous la colonne « F », intitulée « produits svt liste Mme (A1) sans affectation de stocks », (B) de la déduction de sommes censées tenir compte des observations des appelants selon leur courrier du 15 mars 2021, reprises sous la colonne « H », intitulée « montant à déduire supplémentaire », (C) de l’ajout d’une marge de sécurité de 5%, contestée par les appelants, dont le résultat est repris sous la colonne « I » et (D) de l’ajout d’une provision nette sur stock en fin d’année, qui selon les explications fournies par les appelants16, est liée au refus de déduction d’une provision sur le stock comptabilisée pour tenir notamment compte des marchandises périmées et dont le calcul se dégage des colonnes « K », « L « , « M » du tableau synthétique, cet ajout n’étant pas contesté par les appelants.
Si les appelants ne contestent pas, en tant que telle, l’existence même des différences entre le chiffre d’affaires issu du système de vente employé par la pharmacie et celui en provenance de sa comptabilité, sous réserve des années 2017 et 2018, ils avancent néanmoins plusieurs explications, qui, selon eux, seraient de nature à les expliquer et à réduire les écarts relevés par l’ACD, explications que la Cour sera amenée à examiner ci-après.
Les explications fournies par les appelants peuvent être résumées comme suit : (i) les chiffres d'affaires pris en compte pour les exercices 2017 et 2018 issus du système POS ne concorderaient pas avec leurs propres données chiffrées, (ii) l’écriture comptable de régularisation des factures ouvertes en fin de chaque exercice fiscal expliquerait en partie les différences constatées au niveau des chiffres d’affaires issus du système POS et de la comptabilité et (iii) le bureau d’imposition aurait à tort procédé à une comparaison des chiffres d'affaires sur une base TVA comprise, étant relevé qu’en première instance, les appelants n’avaient avancé que des considérations tenant aux chiffres à prendre en compte au niveau des années 2017 et 2018, d’une part, et avaient contesté l’application d’une marge de sécurité, d’autre part.
En outre, au-delà de leurs critiques par rapport aux différences au niveau des chiffres d’affaires, les appelants critiquent la marge de sécurité prise en compte par le bureau d’imposition, qui serait non justifiée au motif que les annulations de ventes relevées par le bureau d’imposition ne seraient pas de vraies annulations.
Avant d’examiner la pertinence des explications ainsi fournies, la Cour retient que, de façon générale, le bureau d’imposition n’est a priori pas à critiquer en ce qu’il s’est fondé sur les données des différentes sources de la comptabilité auxquelles il a accordé une certaine crédibilité et, en l’occurrence, en fondant la taxation des recettes de la pharmacie sur une 15 Cour const., 10 novembre 2023, n° 00185 du registre.
16 Point 9 de l’acte d’appel.
comparaison entre les montants des chiffres d’affaires annuels extraits du système POS et ceux enregistrés dans la comptabilité dressée par le comptable.
Quant aux années 2017 et 2018 Si pour les années 2012 à 2016, les appelants ne contestent pas en tant que tels les chiffres d’affaires pris en compte par le bureau d’imposition comme se dégageant du système POS, la Cour constate que, pour les seules années 2017 et 2018, ils font état de ce que les chiffres d’affaires issus du système POS, tels que pris en compte par le bureau d’imposition, ne concorderaient pas avec leurs propres pièces comptables, à savoir des pièces jointes à la requête d’appel et intitulées, selon l’inventaire des pièces, « imprimés annuels extraits du Système POS concernant les années 2017 et 2018 », et reprochent à l’Etat ne pas expliquer l’origine des chiffres pris en compte par le bureau d’imposition pour ces années.
Les premiers juges ont rejeté la contestation afférente au motif que (i) le bureau d’imposition n’avait pas à se référer aux relevés dont se prévalent les appelants au regard de l’irrégularité de forme et de fond de leur comptabilité, surtout à défaut de tenue correcte d’un livre de caisse, (ii) comme les époux (A1) étaient restés en défaut de fournir des explications de nature à justifier les différences constatées au niveau des chiffres d’affaires, la décision du bureau d’imposition de considérer le montant du chiffre d’affaires tel que comptabilisé par les appelants et non pas celui issu du système POS, n’était pas sujet à critique et (iii) qu’il ne s’agirait pas d’un écart significatif.
Tel que les premiers juges l’ont correctement relevé, le bureau d’imposition doit, dans la mesure du possible, procéder à son estimation dans le cadre d’une taxation sur base d’éléments mis à sa disposition par le contribuable afin d’aboutir à une base imposable se rapprochant le plus possible de la réalité.
Certes, dans la mesure où la comptabilité des appelants a à juste titre été considérée comme n’étant pas régulière et ne bénéficiant pas de la présomption prévue au § 208, alinéa (1), AO, les relevés produits par eux pour les années 2017 et 2018 ne bénéficient pas non plus de cette présomption.
Il n’en reste toutefois pas moins que le bureau d’imposition s’est lui-même appuyé sur les données issues du système POS et de la comptabilité pour composer les majorations retenues, basant en effet son estimation sur le différentiel des données ressortant de ces deux sources. Dans ces conditions, les appelants doivent être admis à vérifier si les données sur lesquelles le bureau d’imposition avait l’intention de se baser correspondent à celles qu’eux-
mêmes ont pu dégager de ces mêmes sources.
La contestation des appelants ne porte, en effet, pas sur la question de savoir si le bureau d’imposition a pu s’appuyer sur le chiffre d’affaires résultant de la comptabilité ou plutôt celui résultant du système POS, tel que le tribunal semble l’avoir entendu, mais il s’agit de savoir s’il ne s’est pas trompé sur les bases de calcul du différentiel retenu.
A cet égard, la Cour se doit de constater que face à l’affirmation des appelants que, pour les années 2017 et 2018, ils ignoreraient le mode de calcul retenu par le bureau d’imposition pour déterminer les chiffres d’affaires issus du système POS, la partie étatique s’est limitée à affirmer que même une différence inférieure à celle calculée par le bureau d’imposition permettrait de justifier le constat de l’irrégularité de la comptabilité. Si ce moyen est pertinent par rapport à la question de la régularité de la comptabilité, tranchée ci-avant par la Cour, il ne l’est toutefois pas par rapport à la question des bases de calcul du différentiel constaté par le bureau d’imposition.
Or, la partie étatique n’a nullement pris position par rapport à l’affirmation des appelants selon laquelle les sommes à retenir au titre des chiffres d’affaires résultant du système POS ne correspondraient pas à leurs propres pièces.
A défaut par la partie étatique d’avoir expliqué l’origine des chiffres pris en compte par le bureau d’imposition pour les années 2017 et 2018, si ce n’est l’affirmation qu’ils seraient issus du système POS, et à défaut d’une quelconque prise de position utile par rapport aux pièces produites par les appelants, qui selon les explications fournies par ceux-ci correspondent justement aux chiffres issus du système POS sur lesquels le bureau d’imposition avait a priori l’intention de s’appuyer dans ses calculs, la Cour est amenée à retenir que les appelants ont fait état d’explications concordantes permettant de retenir que les bases de calcul prises en compte par le bureau d’imposition pour procéder à l’estimation des majorations à retenir ne correspondent pas à la réalité.
Il s’ensuit qu’il y a lieu de faire droit aux contestations des appelants en ce sens que le différentiel au niveau du chiffre d’affaires est à calculer sur base des chiffres issues du système POS dont font état les appelants, pièces à l’appui, à savoir … euros pour 2017 et … euros pour 2018.
Quant à l’incidence de l’écriture comptable de régularisation des factures ouvertes A titre liminaire, la Cour relève que la contestation afférente aux factures ouvertes, qui d’ailleurs ne porte que sur les années 2012 à 2016, n’a pas été invoquée devant le directeur ni devant les premiers juges.
Les appelants expliquent de quelle manière ils ont résolu la difficulté résultant du fait que leur système POS ne permettait pas le traitement de façon correcte des factures ouvertes, à savoir par le recours à une écriture de régularisation au niveau de la comptabilité, consistant à éliminer du chiffre d’affaires les factures ouvertes au 31 décembre de l’année N-1 et à inclure au chiffre d’affaires les factures ouvertes au 31 décembre de l’année N, correction qui n’apparaitrait pas dans le système POS, de sorte à expliquer, selon eux, en partie les différences constatées entre les chiffres d’affaires issus du système POS et ceux issus de la comptabilité. A l’appui de leurs explications, ils produisent des extraits du grand-livre des années 2012 à 2016.
La Cour relève ensuite que l’Etat se limite à affirmer que le traitement comptable des factures ouvertes reviendrait à un truchement aléatoire et non crédible pour éviter des doublons et ne serait pas de nature à emporter la conviction, sans toutefois prendre position ni par rapport aux pièces produites, ni par rapport aux montants avancés par les appelants.
Or, s’il est vrai que la Cour a, entre autres, relevé ci-avant les difficultés avancées par les appelants au niveau du traitement des ventes ouvertes comme un indice susceptible de nourrir les doutes quant à la régularité de la comptabilité, il n’en reste pas moins que les explications afférentes sont susceptibles d’être pertinentes au niveau de l’examen du caractère justifié de la base de calcul de la taxation. En effet, dans la mesure où l’application des majorations, fondées entre autres sur le différentiel constaté entre les chiffres d’affaires issus du système POS et de la comptabilité, repose sur les doutes nourris par le bureau d’imposition qu’il s’agirait de chiffres d’affaires non déclarés, toute autre explication plausible de ce différentiel est susceptible de réduire les majorations, qui, tel que cela a été retenu ci-avant, reposent certes sur une estimation, qui implique forcément une certaine une marge d’incertitude et d’inexactitude, mais qui doit néanmoins aboutir à la fixation de bases d’imposition qui s’approchent le plus possible des bases d’imposition réelles du contribuable.
A l’instar de ce qui a été relevé dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle, dont se prévalent les appelants, la Cour retient que l’Etat ne saurait se limiter à nier en bloc les explications fournies par les appelants, sans toutefois les contredire de manière précise et argumentée.
Au regard des explications fournies par les appelants, pièces à l’appui, dont se dégagent les écritures dont ils font état, de même que les chiffres avancés par eux qui ont été portés en débit durant les années 2012 et 2016, et à défaut de toute prise de position utile de l’Etat par rapport à ces explications, la Cour tient a priori pour crédibles les explications fournies par les appelants pour ce qui des années 2012 à 2016 quant aux écritures comptables constatant la neutralisation de certaines factures ouvertes au niveau de la comptabilité dans la mesure où elles ont pu être enregistrées à plusieurs reprises dans le système de vente des appelants, de sorte à mener à une augmentation indue du chiffre d’affaires en provenance du logiciel des ventes.
La Cour relève toutefois que l’explication, basée sur une écriture de régularisation en fin d’année consistant à porter en débit des sommes au niveau de la comptabilité pour tenir compte de doublons figurant dans le système POS, ne saurait être accueillie que pour les années 2012 et 2013, pour lesquelles le bureau d’imposition a constaté un chiffre d’affaires moins élevé au niveau de la comptabilité que celui issu du système POS. L’explication afférente, qui tend à justifier une réduction du chiffre d’affaires au niveau de la comptabilité par rapport à un chiffre d’affaires plus élevé issu du système POS, n’est toutefois pas pertinente par rapport aux années 2014, 2015 et 2016, pour lesquelles le bureau d’imposition a, au contraire, constaté que le chiffre d’affaires issu de la comptabilité est plus élevé et a retenu un différentiel négatif, qui en fin de compte a réduit les majorations à appliquer.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’accueillir le moyen des appelants basé sur l’existence d’une écriture de régularisation pour factures ouvertes pour les seules années 2012 et 2013.
Les sommes correspondantes avancées par les appelants, dont le quantum n’a pas été contesté par la partie étatique, à savoir … euros HTVA (2012) et … euros HTVA (2013), sont à porter en déduction des sommes reprises dans la colonne « G », « montant à considérer », du tableau synthétique actualisé figurant au dossier fiscal et ayant été à la base des bulletins litigieux.
Quant à l’incidence de la TVA La Cour rappelle que la contestation afférente, encore que débattue devant le directeur, n’a pas été invoquée devant les premiers juges, qui ne se sont nécessairement pas prononcés sur cette question.
Il n’est pas contesté que les majorations retenues par le bureau d’imposition ont été calculées une base incluant la TVA.
Dans sa décision du 8 février 2022, le directeur a retenu, à cet égard, que « la comptabilité présentée par les requérants présente tant de lacunes et irrégularités qu’elle ne saurait servir à l’établissement du bénéfice imposable ; qu’or, la comptabilité telle que présentée fut établie selon les modalités propres au format FAIA, développé et servant pour les besoins spécifiques de l’administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA ; qu’il est donc peu probable que des recettes non déclarées dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition à l’impôt sur le revenu et à l’impôt commercial communal l’aient été dans le cadre de l’établissement de la déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée ». Il a ajouté « que des recettes perçues pour le compte d’un tiers et qui ne lui [seraient] pas transmis par la suite du fait que ce tiers, en l’espèce l’administration de l’enregistrement et des domaines, [serait] mise dans l’impossibilité de percevoir ou de chiffrer ce qui lui [serait] dû, [seraient] à considérer comme recettes au même titre que le montant principal, étant donné qu’elles entraîneraient une augmentation de l’actif net investi ».
Le délégué du gouvernement, par rapport au moyen afférent, se limite à affirmer qu’il ne serait pas établi que la TVA due à l’AEDT avait effectivement été versée à cette administration.
La Cour rappelle de prime abord que le directeur ne dispose d’aucune compétence en matière de vérification des obligations des appelants en matière de taxe sur la valeur ajoutée, cette compétence revenant exclusivement à l’AEDT17.
En outre, même s’il peut être admis que l’ACD peut tirer au niveau de l’impôt sur le revenu des conséquences en termes d’imputation de recettes imposables lorsque le contribuable a perçu des sommes correspondant à des impôts qu’il a été tenu de collecter auprès de tiers pour compte du Trésor et qu’il est resté en défaut de verser à ce dernier, encore faut-il que le manquement à cette obligation de continuer au Trésor un impôt indirect collecté soit suffisamment avéré et définitif afin de justifier cette imputation de recettes imposables18.
Or, il ne résulte aucunement des pièces du dossier que l’AEDT aurait en l’espèce opéré des redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée à la suite des contrôles litigieux menés en l’espèce.
A défaut de redressements dûment établis en matière de taxe sur la valeur ajoutée à la suite des contrôles opérés, l’ACD n’est pas en droit d’inclure dans ses calculs des montants de taxe sur la valeur ajoutée.
En outre, à défaut d’avoir été utilement contredits quant au caractère vraisemblable des justifications mises en avant par eux, il convient de faire droit à la prise en compte des différences constatées par les appelants en leur faveur.
Par suite, les montants avancés par les appelants comme correspondant à la TVA, non autrement contestés par la partie étatique, doivent être portés en déduction des écarts chiffrés par la partie étatique, à savoir :
-
2012 : … euros, -
2013 : … euros, -
2014 : … euros, -
2015 : … euros, -
2016 : … euros, -
2017 : … euros, et -
2018 : … euros.
17 Cour adm. 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle, Cour adm. 30 janvier 2025, n° 50349C du rôle.
18 Cour adm. 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle.
Quant à la marge de sécurité La Cour constate de prime abord qu’au regard du tableau synthétique actualisé figurant au dossier fiscal, pour l’année 2012, aucune marge de sécurité de 5% n’a été appliquée, le montant différentiel au niveau des chiffres d’affaires issus du système POS et de leur comptabilité, déduction faite des sommes à déduire compte tenu des observations fournies par les appelants dans leur courrier du 15 mars 2021, ayant seulement été arrondi pour passer de … euros (… – …) à ….
Pour les autres années, une marge de sécurité de 5% a, selon ledit tableau synthétique, bien été ajoutée.
Il se dégage des éléments à la disposition de la Cour que si le bureau d’imposition avait, lors de la première entrevue entre parties, annoncé une marge de sécurité de 20%, il l’a finalement réduite à 5%, appliquée au différentiel entre les chiffres d’affaires constatés et les postes ajoutés intitulés « produits svt liste Mme (A1) sans affectation de stocks », le résultat ayant par la suite été arrondi soit vers le haut soit vers le bas A l’instar du tribunal, la Cour relève qu’il ressort du point « C. Constatations spéciales », sous la partie « 10. Système POS » du compte-rendu litigieux du 16 décembre 2020 que le bureau d’imposition justifie l’application d’une marge de sécurité par le constat selon lequel il existerait un grand nombre d’annulations de ventes par rapport au chiffre d’affaires pour les années 2013 à 2018 et par l’absence d’explications fournies par les appelants.
De manière générale, la Cour relève que s’il est vrai que l’irrégularité de la comptabilité justifie, dans son principe, le recours à la taxation d’office par le bureau d’imposition, il n’en reste pas moins que l’administration doit pouvoir justifier la méthodologie qu’elle a employée dans son recours à la taxation d’office prévue au § 217 AO.
En effet, la Cour rappelle que selon sa jurisprudence constante en matière de taxation d’office, le bureau d’imposition est légalement tenu de mettre en œuvre tous les moyens relevant de ses attributions légales pour se rapprocher, au plus près, des bases imposables du contribuable. Il lui appartient ainsi d’étayer avec précision la méthodologie employée pour reconstituer la comptabilité du contribuable19.
Ainsi, le procédé de la taxation de revenus ne constituant pas une sanction infligée au contribuable, le recours à cette voie de détermination des bases imposables ne justifie pas automatiquement et en toutes circonstances l’ajout d’une marge de sécurité aux bases déterminées par voie d’approximation, mais cet ajout doit répondre à une condition de mesure et de modération avec pour unique but de rapprocher la base imposable le plus proche possible de sa valeur réelle conformément aux principes de proportionnalité et de faculté contributive20.
En d’autres termes, l’ajout d’une marge de sécurité ne se justifie que si l’administration peut légitimement avancer que les bases imposables établies au regard des autres éléments justificatifs ou comparatifs ne permettent pas d’aboutir à un résultat qui soit aussi proche que possible de la réalité21.
19 Cour adm. 11 juillet 2024, n° 49685C du rôle.
20 Cour Const., 10 novembre 2023, n° 00185 du registre.
21idem Il s’ensuit que les premiers juges ont retenu à juste titre que la marge de sécurité, litigieuse en l’espèce, n’est pas ipso facto admise, mais doit répondre à une condition de mesure et de modération avec pour unique but de rapprocher la base imposable du contribuable le plus possible de sa valeur réelle.
A l’instar des premiers juges, la Cour est amenée à retenir que compte tenu des circonstances de l’espèce, l’application d’une marge de sécurité de 5% répond à cette condition de mesure et de modération.
Les premiers juges ont, en effet, relevé à juste titre que la marge de sécurité ajoutée pour tenir compte des doutes nourris par le bureau d’imposition sur l’existence de chiffres d’affaires non déclarés, sur base du constat d’un grand nombre de ventes annulées, ne correspond qu’à une partie très réduite des positions relevées par le bureau d’imposition comme correspondant à des annulations de ventes. En effet, selon le tableau intitulé « Ventes annulées svt POS », les positions « annulation » TTC varient pour les années pertinentes de 2013 à 2018 entre … euros et … euros, tandis que la marge de sécurité ajoutée varie, selon les chiffres avancés par les appelants22, entre … euros et … euros TTC (les premiers juges s’étant à tort référés à des chiffres même supérieurs qui en réalité incluent les différences constatées au niveau des chiffres d’affaires). Dès lors, si les appelants fournissent certaines explications pour soutenir que les positions « annulations » ne correspondent pas à des véritables annulations de ventes mais uniquement à des reprises de ventes antérieures pour diverses raisons et si ces explications paraissent a priori plausibles, les quelques exemples fournis par les appelants pour illustrer leurs explications, s’ils permettent de retenir que toute position « annulation » ne correspond pas ipso facto à une véritable annulation, ils sont toutefois insuffisants pour expliquer l’ensemble des positions afférentes par des considérations autres qu’une vraie annulation. Dans ces conditions, la marge de sécurité retenue par le bureau d’imposition, qui ne correspond qu’à une portion infime des postes annulés, n’est pas à critiquer.
Dans ces conditions, l’administration doit être considérée comme ayant retenu une marge de sécurité mesurée et modérée, qui tient compte, à suffisance, des explications des appelants quant à l’origine de certaines opérations d’ « annulation » et qui n’est pas de nature à refléter un écart significatif avec les revenus qu’ils auraient réellement perçus au titre des années d’imposition 2013 à 2018.
Si les appelants font état d’un changement au niveau du système informatique depuis 2013, ce qui expliquerait l’augmentation du nombre des annulations entre 2012 et 2013, la Cour observe toutefois qu’entre 2013 et 2018, le nombre des lignes annulées a doublé et est passé en termes de pourcentage par rapport au chiffre d’affaires de …% à …%, tandis que les explications fournies par les appelants sont restées constantes, constat qui permet encore de douter que les explications fournies par les appelants couvrent l’ensemble des positions « annulation ».
Les appelants ne sont pas fondés à faire état de l’abandon de la marge de sécurité par l’administration dans d’autres dossiers, dans la mesure où le caractère adéquat de cette mesure est à apprécier par rapport à chaque cas particulier d’espèce.
La contestation afférente est dès lors à rejeter.
22 Point 97 de la requête d’appel.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel est partiellement fondé et que, par réformation du jugement du 4 octobre 2024, il y a lieu de réformer la décision du directeur du 8 février 2022 en ce sens que les bulletins portant établissement séparé du bénéfice commercial et des bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années d’imposition 2012 à 2018 dont était saisi le directeur sont à redresser compte tenu de la motivation du présent arrêt, à savoir que les majorations retenus sont à redresser (i) par la prise en compte des chiffres d’affaires issus du système POS tels qu’avancés par les appelants, à savoir … euros pour 2017 et … euros pour 2018, afin de calculer les différences constatées au niveau des chiffres d’affaires pour les années 2017 et 2018, (ii) par la déduction des écritures de régularisation pour factures ouvertes des années 2012 et 2013, à savoir des sommes de … euros HTVA (2012) et de … euros HTVA (2013), du différentiel constaté pour ces deux années entre les chiffres d’affaires issus du système POS et de la comptabilité, (iii) par la déduction des montants repris ci-avant au titre de la TVA indûment prise en compte par la bureau d’imposition pour les années 2012 à 2018.
Les bulletins de l’impôt sur le revenu correspondants sont à redresser en conséquence.
L’appel est déclaré non fondé pour le surplus.
Quant à l’indemnité de procédure Les appelants sollicitent l’allocation d’une indemnité de procédure de 8.000 euros pour la première instance et de 4.000 euros pour l’instance d’appel en mettant en avant que l’ACD aurait violé le principe du contradictoire en ne leur donnant pas l'occasion de prendre position de manière appropriée, et encore moins en leur fournissant des explications écrites et circonstanciées sur les reproches concrets qui leur sont adressés ainsi que sur la manière dont les services de l'ACD ont procédé lors du contrôle et qu’ils auraient été obligés de recourir à des professionnels afin de revoir l'intégralité des données informatiques et comptables des années litigieuses dans l'objectif de déceler et de reconstituer ce que l'ACD pouvait leur reprocher et de pouvoir ainsi organiser leur défense.
L’Etat demande le rejet de cette demande au motif qu’elle ne serait aucunement justifiée.
Cette double demande est à rejeter, étant donné qu’au regard de la solution au fond et des autres éléments du dossier, il n’appert pas en quoi il serait inéquitable de laisser à charge des appelants les frais non compris dans les dépens.
Au vu de la solution du litige, il y a lieu de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer à raison de trois quarts aux appelants et d’un quart à l’Etat.
PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 18 novembre 2024 en la forme, au fond, le déclare partiellement justifié, partant, par réformation partielle du jugement entrepris du 40 octobre 2024, réforme la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 8 février 2022, référencée sous le numéro C 29977, en ce sens que les majorations de recettes appliquées dans les bulletins portant établissement séparé du bénéfice commercial et des bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années d’imposition 2012 à 2018, dont le directeur avait été saisi, sont à redresser compte tenu de la motivation du présent arrêt et que les bulletins de l’impôt sur le revenu des mêmes années sont à adapter en conséquence ;
renvoie le dossier auprès du directeur pour exécution, rejette l’appel pour le surplus et en déboute les appelants dans la même mesure, rejette la demande des appelants en allocation d’une indemnité de procédure de 8.000 euros pour la première instance et de 4.000 euros pour l’instance d’appel, fait masse des dépens des deux instances et les impose à raison de trois quarts aux appelants et d’un quart à l’Etat.
Ainsi délibéré et jugé par:
Francis DELAPORTE, président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le président à l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence de la greffière assumée à la Cour Carla SANTOS.
s. SANTOS s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er avril 2025 Le greffier de la Cour administrative 45