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13/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52287C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 13 mai 2025, 52287C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52287C ECLI:LU:CADM:2025:52287 Inscrit le 27 janvier 2025 Audience publique du 13 mai 2025 Appel formé par Monsieur (A), … (France), contre un jugement du tribunal administratif du 18 décembre 2024 (n° 49665 du rôle) en matière d’impôts Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 52287C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 27 janvier 2025 par Maître Virginie BROUNS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à F-…, â

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52287C ECLI:LU:CADM:2025:52287 Inscrit le 27 janvier 2025 Audience publique du 13 mai 2025 Appel formé par Monsieur (A), … (France), contre un jugement du tribunal administratif du 18 décembre 2024 (n° 49665 du rôle) en matière d’impôts Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 52287C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 27 janvier 2025 par Maître Virginie BROUNS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à F-…, …, dirigée contre un jugement du 18 décembre 2024 (n° 49665 du rôle), par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg a déclaré irrecevable son recours principal en réformation dirigé contre (i) une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 avril 2023 (n° C 32127 du rôle) ayant déclaré irrecevable sa réclamation introduite contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, (ii) une décision du même directeur portant « rejet implicite de la demande […] en rectification, sinon en régularisation » du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019 et (iii) le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, « émis le 26 janvier 2022, sinon le 11 avril 2022 », tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, le tout en rejetant la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur et en condamnant ce dernier aux frais et dépens de l’instance;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 18 février 2025;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Benoît MARECHAL, en remplacement de Maître Virginie BROUNS, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er avril 2025.

Le 26 janvier 2022, le bureau d’imposition Luxembourg 8, section des personnes physiques, de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur (A) le bulletin de l’impôt sur le revenu au titre de l’année d’imposition 2019, par voie de taxation d’office, à défaut de déclaration fiscale afférente, sur le fondement du paragraphe 217 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, 1telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ». Ledit bulletin fut envoyé à l’adresse à F-…, ….

Suite à une demande de renseignements adressée à l’ancien employeur de Monsieur (A) en date du 23 mars 2022, l’administration des Contributions directes fut informée de la nouvelle adresse de ce dernier située à F- …, ….

Il ressort d’une note manuscrite au dossier fiscal qu’en date du 11 avril 2022, le bureau d’imposition émit, à nouveau, le bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2019 à l’égard de Monsieur (A) et l’envoya à cette nouvelle adresse.

Il ressort encore d’une note manuscrite au dossier fiscal qu’en date du 19 septembre 2022, un duplicata du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2019 fut également envoyé à cette nouvelle adresse.

Le 15 novembre 2022, Monsieur (A) déposa sa déclaration de l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2019.

Par courrier de son mandataire de l’époque, la société anonyme de droit luxembourgeois (AA), ci-après désignée par « la société (AA) », daté du 22 décembre 2022, réceptionné par l’administration des Contributions directes le 27 décembre 2022, Monsieur (A) fit introduire une réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».

Par une décision du 4 avril 2023, répertoriée sous le numéro du rôle C 32127, le directeur déclara la réclamation irrecevable au motif qu’elle avait été introduite tardivement.

Cette décision est libellée comme suit :

« (…) Vu la requête introduite le 27 décembre 2022 par le sieur (B), de la société anonyme (AA), au nom du sieur (A), demeurant à F-…, pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, émis en date du 11 avril 2022 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 AO ;

Considérant qu’aux termes des §§ 228 et 246 A0, dont la règle a été reprise dans l’instruction sur les voies de recours figurant au bulletin entrepris, le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification ;

Considérant que la décision litigieuse a été émise le 11 avril 2022 et notifiée le 14 avril 2022, de sorte que le délai de réclamation a en principe expiré le 14 juillet 2022 ;

Considérant cependant que le requérant explique avoir transféré sa résidence en France au cours de l’année 2020 et avoir ignoré être encore soumis à l’obligation de faire une déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2019 ; que faute d’avoir déposé cette déclaration toutefois, le bureau d’imposition aurait établi l’imposition de l’année 2019 sur la base d’une taxation et lui aurait envoyé le bulletin de l’impôt sur le revenu à son ancienne adresse à … ; qu’aussi, ce bulletin ne lui serait jamais parvenu ; qu’il n’aurait eu connaissance 2de cette imposition qu’à la suite de la réception d’un extrait de compte daté au 8 juillet 2022, ce qui l’aurait amené à prendre contact avec l’administration, le 14 septembre 2022 ; que celle-ci lui aurait envoyé une copie du bulletin le 19 septembre 2022 et il se serait adressé immédiatement à son mandataire qui, après analyse du bulletin, aurait contacté le bureau d’imposition le 23 novembre 2022, afin d’obtenir le redressement de certains éléments de l’imposition ;

Considérant aussi que, conscient du fait que le délai de réclamation serait dépassé, le réclamant demande que l’imposition de l’année 2019 puisse faire l’objet d’une nouvelle instruction malgré tout, en raison de ces problèmes d’envoi ; qu’il précise avoir « rapidement réagi dès réception du bulletin d’imposition et a[voir] toujours respecté ses obligations fiscales luxembourgeoises » ;

Considérant ainsi que le requérant, tout en reconnaissant le retard de sa requête par rapport au bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019 émis le 11 avril 2022, affirme n’avoir eu connaissance de son contenu qu’après en avoir reçu une copie - copie que le bureau d’imposition lui envoya le 19 septembre 2022 - et demande en conséquence que sa requête soit prise en compte ; que ses explications tendent donc à mettre en cause le notification régulière du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, impliquant que l’imposition en cause ne serait pas coulée en force de chose décidée à la date du 27 décembre 2022 ni le délai de réclamation dépassé ;

Considérant encore que le réclamant ne précise pas de quelle façon son mandataire aurait pris contact avec le bureau d’imposition en date du 23 novembre 2022, ne justifiant ni l’existence d’un courrier postal ou électronique ni ne présentant aucune autre pièce pouvant servir de justificatif ; qu’aussi, le mandat présenté ayant spécialement été donné pour la réclamation sur laquelle porte la présente décision, et ceci en date du 15 décembre seulement, il n’est pas établi de quelle façon cet éventuel contact eut lieu ; que cet échange éventuel n’est d’ailleurs pas de nature à engager l’administration, le requérant n’ayant ni formé recours contre un éventuel refus d’une demande de rectification ni présenté une pièce quelconque pouvant du moins tenir lieu d’une demande de redressement qu’il aurait introduite auprès du bureau d’imposition ;

Considérant aussi, en premier lieu, que le requérant, actionnaire et administrateur d’une société établie à …, était encore salarié de celle-ci jusqu’au 31 août 2019; qu’il résida au Luxembourg pendant quelques années avant de quitter le pays, suivant ses explications, au cours de l’année 2020 ; qu’ayant toutefois omis de déclarer son départ à l’administration communale de son dernier lieu de résidence dans le pays, celle-ci radia d’office son adresse du registre de la population ;qu’elle procéda à cette radiation, suite à la déclaration d’arrivée des nouveaux occupants du logement, en date du 14 novembre 2019, date à laquelle le réclamant résidait pourtant encore, suivant ses explications, au Luxembourg ;

Considérant aussi que le bureau d’imposition prit contact avec l’ancien employeur du requérant en date du 10 octobre 2019, afin de demander une adresse postale ou une nouvelle adresse de résidence, un courrier lui ayant été retourné par les services postaux ; que le service de comptabilité de l’employeur indiqua au bureau d’imposition une adresse de résidence au Vésinet, en France ; qu’aussi, le bureau d’imposition notifia à cette adresse le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2018, émis en date du 2 janvier 2020 ; que ce bulletin fut régulièrement notifié, étant donné qu’il ne fut pas retourné au bureau d’imposition par les services postaux et étant donné encore que le requérant régla intégralement l’impôt à payer ;

3qu’un ancien mandataire du requérant contacta d’ailleurs le bureau d’imposition en date du 8 janvier 2020 pour demander une réduction des avances trimestrielles de l’impôt sur le revenu, ce que le bureau d’imposition pourtant ne voulut accorder qu’à condition que le requérant déposa en premier lieu une déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2019;

qu’ainsi, il doit être admis que le requérant ne pouvait ignorer qu’il devait encore faire une déclaration d’impôt au Luxembourg pour l’année 2019 ;

Considérant que finalement, le bureau établit l’imposition de l’année 2019, suivant les dispositions du § 217 AO, par la voie d’une taxation, en date du 26 janvier 2022, le requérant n’ayant toujours pas satisfait à son obligation de déclaration ; que le bulletin correspondant lui fut cependant retourné par les services postaux avec l’indication que le destinataire ne se trouvait plus à l’adresse d’envoi ; que le bureau d’imposition s’adressa, par un courrier électronique envoyé le 23 février 2022 au dernier mandataire du requérant, dans le but d’obtenir une adresse d’envoi ou une adresse de résidence valable ; qu’en date du 23 mars 2022, il envoya à ce même mandataire un courrier postal, faute de réponse de sa part ; que celui-ci indiqua au bureau d’imposition, dans un courrier de réponse du 1er avril 2022, une adresse de résidence à …, adresse correspondant à celle figurant dans une publication faite par la société déjà mentionnée aux fins du renouvellement des mandats de ses administrateurs, dont le requérant ; que le bureau notifia donc un bulletin pour l’impôt sur le revenu de l’année 2019, nouvellement émis le 11 avril 2022 aux fins de cette notification en particulier, à l’adresse en question, à … ; que ce bulletin ne fut pas retourné au bureau d’imposition par les services postaux ;

Considérant néanmoins que le requérant assure ne pas avoir reçu le courrier en question, précisant qu’il n’aurait eu connaissance de l’émission du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019 qu’au mois d’août, à la réception d’un extrait de compte émis le 8 juillet 2022; qu’il présume que le bulletin avait été envoyé à son ancienne adresse au Luxembourg et n’aurait donc pas pu lui parvenir et explique encore avoir rapidement contacté le bureau d’imposition pour obtenir le bulletin correspondant ; qu’il ne le fit cependant qu’en date du 14 septembre 2022 ; que le bureau d’imposition lui envoya une copie du bulletin en cause le 19 septembre, copie que le requérant ne nie pas avoir reçu à son adresse à …, qui est l’adresse à laquelle cette copie fut envoyée, de même que le bulletin émis le 11 avril 2022 ; que cette adresse se trouve d’ailleurs aussi à l’en-tête du bulletin émis le 11 avril 2022 que le réclamant nie avoir reçu ;

Considérant qu’en vertu du § 211, alinéa 2 AO, les bulletins d’impôt sont à notifier sous pli fermé ; que suivant les articles 1er et 2 du règlement grand-ducal modifié du 24 octobre 1978 concernant la notification des bulletins en matière d’impôts directs, les bulletins qui fixent une cote d’impôt, ceux qui établissent séparément une valeur unitaire ou des revenus d’une certaine catégorie, ceux qui fixent la base d’assiette d’un impôt réel et ceux qui appellent en garantie un tiers responsable du paiement de l’impôt peuvent être notifiés par simple pli fermé à la poste et cette notification par simple lettre est présumée accomplie le troisième jour ouvrable qui suit la remise de l’envoi à la poste à moins qu’il ne résulte des circonstances de l’espèce que l’envoi n’a pas atteint le destinataire dans le délai prévu ;

Considérant que l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 institue en faveur des bulletins désignés à l’article 1er une présomption de notification dégageant l’expéditeur, en l’espèce l’administration, de l’obligation d’apporter la preuve de la notification de l’envoi ;

4Considérant qu’« au vu de la finalité du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 d’admettre la notification de bulletins avec la dispense du récépissé de dépôt requis en cas de notification par courrier recommandé sur base du § 88 (3) A.O., il y a lieu d’appliquer la présomption de notification prévue par l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 en ce sens qu’elle impose au destinataire l’obligation de faire état de circonstances qui rendent plausible le défaut de notification dans le délai présumé, partant en produisant le bulletin lui notifié et l’enveloppe d’envoi y relative afin de permettre la vérification de la date effective de remise à la poste. Dans l’hypothèse où le contribuable affirme la réception du bulletin à une date postérieure à celle résultant de l’application de la présomption de notification sans pour autant soumettre en cause ces pièces, il n’a pas utilement renversé cette présomption par l’établissement d’indices suffisants en sens contraire » (Cour administrative du 14 mai 2013, n° 31799C du rôle) ; que « dans l’hypothèse où le contribuable nie totalement la réception de l’envoi contenant le bulletin, il ne saurait se voir imposer la production du bulletin original et de son enveloppe d’envoi en vue d’être admis à contester la notification valable du bulletin. Une telle preuve serait impossible à fournir dans la mesure où le contribuable argue précisément qu’il n’aurait jamais reçu ces documents. Par contre, conformément à l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, la simple négation ne suffit pas et le contribuable doit faire état d’un faisceau convergent de circonstances qui permettent de conclure que l’envoi n’a pas atteint son destinataire » (Cour administrative du 14 janvier 2016, n° 36400C du rôle) ;

Considérant que s’il est établi que le requérant n’a pas reçu le premier bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019 émis en date 26 janvier 2022, ce bulletin ayant été notifié à une ancienne adresse au Vésinet et retourné au bureau d’imposition par les services postaux, le bulletin émis le 11 avril 2022 doit être considéré comme ayant été valablement notifié au réclamant, étant donné l’adresse d’envoi correcte et le fait que ce bulletin ne fut pas retourné au bureau d’imposition par les services postaux ; que contrairement aux affirmations du requérant d’ailleurs, ce bulletin ne fut envoyé à son ancienne adresse au Luxembourg, mais bien à son adresse actuelle à … ; que la présomption de notification, instituée par l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978, est donc valable à son égard ; qu’aussi, le requérant se limite à nier la réception du bulletin en cause sans pourtant donner la moindre raison qui expliquerait ce défaut de réception ; que ce bulletin fut pourtant notifié à l’adresse indiquée par son mandataire de l’époque, correspondait à l’adresse indiquée dans le document déposé au registre de commerce et des sociétés aux fins de la prolongation de son mandat d’administrateur auprès de la société (BB) et correspondait encore à l’adresse à laquelle lui furent envoyés l’extrait de compte du 8 juillet 2022 et la copie du bulletin de l’impôt sur le revenu du 19 septembre 2022 ; que cette affirmation du requérant reste ainsi à l’état de simple allégation qui ne saurait renverser la présomption de notification prévue par l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 octobre 1978 ;

Considérant qu’aux termes des §§ 228 et 246 AO, dont la règle a été reprise dans l’instruction sur les voies de recours figurant au bulletin entrepris, le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification ; que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019 a été émis le 11 avril 2022 et notifié le 14 avril 2022, de sorte que le délai de réclamation a expiré le 14 juillet 2022 ; que la réclamation introduite en date du 27 décembre 2022 est donc tardive ;

Considérant qu’aux termes du § 252 AO, les réclamations tardives sont irrecevables ;

5PAR CES MOTIFS dit la réclamation irrecevable. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation (i) de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 avril 2023 portant rejet de « la demande en réformation » introduite le 22 décembre 2022 à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, « émis le 26 janvier 2022, sinon le 11 avril 2022 », (ii) d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes portant « rejet implicite de la demande (…) en rectification, sinon en régularisation » du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, introduite le 22 décembre 2022 et (iii) du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, « émis le 26 janvier 2022, sinon le 11 avril 2022 ».

Par jugement du 18 décembre 2024, le tribunal administratif, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, se déclara compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, mais le déclara irrecevable et partant le rejeta, le tout en rejetant la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur et en condamnant ce dernier aux frais et dépens de l’instance.

Pour statuer ainsi, le tribunal déclara tout d’abord irrecevable le recours en réformation en tant que dirigé contre une prétendue décision du directeur portant rejet implicite. Se référant à l’article 8, paragraphe (3), point 3., de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après dénommée « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal rappela que la loi n’admet l’introduction d’un recours devant le tribunal administratif, en cas de silence du directeur suite à une réclamation, uniquement contre « la décision qui fait l’objet de la réclamation », et non pas contre une décision implicite de refus du directeur. En effet, si le directeur prend une décision explicite de rejet de la réclamation même au-delà du délai de six mois, mais avant l’introduction d’un recours, celui-ci est à introduire contre la décision directoriale explicite. Or, comme le directeur avait pris le 4 avril 2023 une décision explicite sur la réclamation introduite par le demandeur le 27 décembre 2022, le tribunal arriva à la conclusion que le recours en réformation contre la prétendue décision implicite était irrecevable pour défaut d’objet.

Le tribunal déclara pareillement irrecevable le recours en réformation en tant que dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, sur base de l’article 8, paragraphe (3), point 3., de la loi du 7 novembre 1996 et du paragraphe 228 AO, étant donné que le directeur avait statué sur la réclamation par une décision définitive, de sorte que le recours était à diriger contre la décision directoriale et non pas contre le bulletin d’impôt.

Finalement, le tribunal déclara encore irrecevable le recours en réformation en tant que dirigé contre la décision directoriale du 4 avril 2023 pour cause de tardiveté, après avoir retenu que cette décision avait été notifiée par lettre recommandée simple au mandataire du demandeur qui avait introduit la réclamation auprès du directeur. En faisant application de la présomption de réception le troisième jour après la remise à la poste, le tribunal retint que la notification était présumée avoir eu lieu en date du 7 avril 2023, à défaut pour le demandeur d’avoir apporté un quelconque élément concret pour renverser cette présomption. Il en conclut que le recours introduit le 6 novembre 2023, soit quatre mois après l’expiration du délai légal de recours de trois mois, était tardif et partant irrecevable.

6 Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 27 janvier 2025, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement, appel limité en ce qu’il ne vise que le seul volet du recours visant la décision directoriale du 4 avril 2023.

A l’appui de son appel et après avoir repris les faits et rétroactes de l’affaire, il soutient en substance que ce serait à tort que les premiers juges ont déclaré son recours irrecevable pour tardiveté.

Il estime que les premiers juges ont fait une mauvaise application des dispositions relatives à la notification des décisions de l’administration des Contributions directes aux résidents étrangers. Se prévalant d’une jurisprudence de la Cour administrative, il soutient que le paragraphe 89 AO ne lui serait pas applicable, dès lors qu’il n’aurait pas été invité par l’administration des Contributions directes à désigner un mandataire fiscal. Il en déduit qu’en vertu du paragraphe 88 AO, l’administration fiscale aurait dû lui adresser directement la décision directoriale par voie de lettre recommandée et qu’il lui appartiendrait d’en démontrer la réception.

Si la jurisprudence en question n’était pas suivie, l’appelant estime que le paragraphe 88, alinéa (3), AO, s’il était applicable, ferait présumer de façon réfragable que la décision directoriale est notifiée dans les trois jours de la remise à la poste, soit le 7 avril 2023.

Or, en l’espèce, la décision directoriale serait intervenue plus d’un an après l’émission du bulletin d’imposition de l’année 2019 et le directeur y décrirait les multiples circonstances qui rendraient plausibles le défaut de notification et de réception de cette décision par lui. A cet effet, il met en avant son divorce difficile qui l’aurait contraint à changer d’adresse à plusieurs reprises et à déménager en France. L’administration n’aurait ainsi pas réussi à obtenir un seul accusé de réception signé par ses soins ou par la poste. Il ajoute que ce ne serait pas parce que son avocat aurait récupéré bien après le 7 avril 2023 la décision directoriale litigieuse que l’on pourrait considérer cette date fictive à l’occasion d’un envoi non recommandé à lui-même comme date de notification faisant courir le délai de recours.

Il sollicite partant la réformation du jugement entrepris dans le sens de voir déclarer son recours recevable.

Quant au bien-fondé de son recours, l’appelant reprend ses moyens de première instance, à savoir les moyens fondés sur une violation du principe général de détermination exacte des bases d’imposition du contribuable et sur une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

Il sollicite partant la réformation, sinon l’annulation de la décision directoriale du 4 avril 2023.

Le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation du jugement entrepris.

En ce qui concerne la question de la recevabilité du recours de première instance en ce qu’il est dirigé contre la décision directoriale litigieuse du 4 avril 2023, le présent appel étant limité à ce seul volet du jugement, c’est tout d’abord à bon droit que les premiers juges se sont référés à l’article 8, paragraphe (3), points 1. et 4., de la loi du 7 novembre 1996 qui prévoit que le délai pour agir contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une 7réclamation du contribuable par rapport à un bulletin d’impôt est de trois mois, à partir de la notification de ladite décision.

L’appelant fait valoir que la décision directoriale du 4 avril 2023 ne lui aurait pas été valablement signifiée, puisqu’elle aurait été uniquement envoyée à son mandataire et non pas à lui-même.

Aux termes du paragraphe 258, alinéa (2), AO: « Die Entscheidungen sind dem Steuerpflichtigen verschlossen zuzustellen. Der Finanzminister kann statt der Zustellung eine einfachere Form der Bekanntgabe zulassen ».

Aux termes du paragraphe 254, alinéa (1), AO: « Der Steuerpflichtige, oder wer sonst das Rechtsmittel eingelegt hat, kann sich im Rechtsmittelverfahren durch Bevollmächtigte vertreten lassen (…) ».

Il résulte de ces deux dispositions que la décision directoriale est à notifier au contribuable. Si, toutefois, celui-ci a chargé un mandataire de la défense de ses intérêts et que c’est ce mandataire qui introduit la réclamation auprès du directeur, la décision directoriale est à notifier au seul mandataire (cf. Jean OLINGER, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales, 81- 85, p. 127, Hübschmann, Hepp, Spitaler, RAO Kommentar, 5e édit., ad § 254, Anm. 3).

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que la décision directoriale du 4 avril 2023 a été notifiée par lettre recommandée simple au seul mandataire de l’appelant, la société (AA), établie à Luxembourg, qui avait introduit le 27 décembre 2022 auprès du directeur la réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019 pour le compte de l’appelant, de sorte que cette décision doit être regardée comme ayant été valablement notifiée au seul mandataire de l’appelant, étant encore relevé qu’il n’est contesté en cause que celui-ci a reçu notification de la décision directoriale.

C’est dès lors à tort que l’appelant fait plaider que la décision directoriale litigieuse aurait également dû lui être notifiée, dès lors qu’il avait chargé un mandataire d’introduire une réclamation pour son compte contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019. Par ailleurs, l’argumentation de l’appelant fondée sur le paragraphe 89 AO, en vertu duquel l’administration des Contributions directes est tenue d’inviter le contribuable non résident à désigner un représentant fiscal pour la notification de ses décisions, est en tout état de cause non fondée et partant à rejeter.

Concernant les formalités à observer par l’administration des Contributions pour notifier une décision directoriale, le paragraphe 88 AO, en ses alinéas (1) à (3), dispose que :

« (1) Für Zustellungen gelten die Vorschriften der Zivilprozessordnung über Zustellungen von Amts wegen.

(2) Zustellen können auch Beamte der Steuer-, der Polizei- oder der Gemeindeverwaltung.

(3) Die Behörde kann durch eingeschriebenen Brief zustellen. Die Zustellung gilt mit dem dritten Tag nach der Aufgabe zur Post als bewirkt, es sei denn, dass der Zustellungsempfänger nachweist, dass ihm das zuzustellende Schriftstück nicht innerhalb dieser Zeit zugegangen ist. (…) ».

8La Cour se rallie à l’analyse exhaustive faite par le tribunal administratif dans son jugement pour conclure que les dispositions précitées du paragraphe 88 AO doivent trouver pleine application en l’espèce et permettent de remplacer la signification formelle dans tous les cas où elle est prescrite, par la notification par lettre recommandée simple, que la signification est censée accomplie le troisième jour après la remise à la poste, et qu’un avis de réception n’est point requis au vu de la dispense de la preuve d’une réception effective par le destinataire, suite à l’instauration formelle de la présomption de réception au troisième jour après la remise à la poste, la seule preuve à charge de l’autorité étant celle de la remise de l’acte à la poste sous forme de pli fermé expédié en tant que lettre recommandée.

En l’espèce, il ressort des pièces produites par la partie étatique, et plus particulièrement du récépissé de dépôt d’un envoi recommandé de Post Luxembourg, que la décision directoriale a été remise à la poste pour envoi par lettre recommandée simple le jour même de la prise de décision, soit le 4 avril 2023.

En ce qui concerne la date à prendre en compte comme date de notification, la Cour retient à partir des principes rappelés ci-avant que par application de la présomption de notification prévue au paragraphe 88, alinéa (3), AO, précité, les premiers juges ont à bon droit retenu que la notification de la décision directoriale est présumée intervenue le troisième jour après la remise à la poste, soit le vendredi 7 avril 2023, l’appelant n’ayant pas invoqué en première instance, pas plus qu’en appel, que son mandataire n’aurait pas reçu la décision en question endéans le délai présumé.

Les premiers juges ont partant à bon escient retenu que le délai de recours de trois mois, tel que prévu à l’article 8, alinéa (3), point 4., de la loi du 7 novembre 1996, a commencé à courir le 7 avril 2023 et a expiré, au vœu de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle le 16 mai 1972 et approuvée par la loi du 30 mai 1984, le vendredi 7 juillet 2023 à minuit.

Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le recours déposé au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2023, en ce qu’il vise la décision directoriale du 4 avril 2023, a été introduit en dehors du délai légal de recours de trois mois et que c’est dès lors à bon droit qu’ils l’ont déclaré irrecevable ratione temporis.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le recours irrecevable ratione temporis en tant que dirigé contre la décision directoriale du 4 avril 2023.

Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 3.000 euros pour la première instance et pour l’instance d’appel est à rejeter comme non fondée.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

au fond, le dit non justifié et en déboute;

9partant, confirme le jugement entrepris du 18 décembre 2024 dans la mesure où il a été entrepris;

déboute l’appelant de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure pour la première instance et pour l’instance d’appel;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence de la greffière assumée à la Cour Carla SANTOS.

s. SANTOS s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 mai 2025 Le greffier de la Cour administrative 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52287C
Date de la décision : 13/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-05-13;52287c ?

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