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13/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52509C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 13 mai 2025, 52509C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52509C ECLI:LU:CADM:2025:52509 Inscrit le 12 mars 2025

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Audience publique du 13 mai 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 12 février 2025 (n° 49434 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 52509C du rôle, déposé au greffe de la Cour administra

tive le 12 mars 2025 par Maître Julie DURAND, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52509C ECLI:LU:CADM:2025:52509 Inscrit le 12 mars 2025

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Audience publique du 13 mai 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 12 février 2025 (n° 49434 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 52509C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mars 2025 par Maître Julie DURAND, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Mali), de nationalité malienne, demeurant à L-…, …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 12 février 2025 (n° 49434 du rôle), l’ayant débouté de son recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 août 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 9 avril 2025 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 6 mai 2025.

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Par une ordonnance du juge aux affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de à Luxembourg du 18 août 2021, Maître Julie DURAND fut nommée administrateur ad hoc de 1Monsieur (A), alors mineur d’âge, avec la mission de l’assister dans le cadre de l’examen de sa demande de protection internationale.

Le 22 septembre 2021, Monsieur (A), représenté par son administrateur ad hoc, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le 11 mars 2022, il fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

En sa séance du 7 juin 2023, la commission consultative d’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant émit l’avis suivant lequel il serait dans l’intérêt supérieur de l’intéressé de rester au Luxembourg jusqu’à ses dix-huit ans, plutôt que de retourner dans son pays d’origine.

Par décision du 16 août 2023, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 22 août 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A), d’une part, que sa demande de protection avait été refusée comme non fondée et, d’autre part, qu’il n’était pas dans l’obligation de quitter le territoire jusqu’à l’âge de dix-huit ans, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 22 septembre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos motifs de fuite En mains, l'Ordonnance de désignation d'un administrateur ad hoc du 18 août 2021, la fiche de motifs du 22 septembre 2021 remplie lors de l'introduction de votre demande, le rapport du Service de Police Judiciaire du 22 septembre 2021, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 11 mars 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, les documents relatifs au « Family Tracing » de l'Organisation Internationale pour les Migrations, l'Ordonnance en remplacement d'un administrateur public du 17 juin 2022 ainsi que l'avis de la Commission consultative d'évaluation de l'intérêt supérieur des mineurs non accompagnés du 7 juin 2023.

2Monsieur, vous déclarez vous nommer (A), être né le … à … au Mali, être de nationalité malienne, de confession … et d'ethnie …. Vous auriez vécu avec vos parents et votre fratrie dans le village de …, qui se trouve à proximité de …. Pendant cinq ans vous auriez fréquenté l'école et auriez également travaillé et cultivé les terres de votre famille (p.2-3/14 du rapport d'entretien).

Vous auriez quitté votre pays d'origine le 8 septembre 2020 et auriez décidé de rejoindre le Luxembourg alors que, d'une part, vous n'auriez pas pu « continuer [votre] mode de vie africain » en Italie (p.2/2 du rapport du Service de Police Judiciaire) et que, d'autre part, un vieil homme vous aurait conseillé de rejoindre le Luxembourg en raison des aides sociales avantageuses.

Quant aux motifs qui vous auraient poussé à quitter votre pays d'origine, vous expliquez que vous auriez rejoint un des plusieurs groupes de votre village responsable pour effectuer les tâches agricoles et rurales, groupe que vous n'auriez d'ailleurs pas eu le droit de quitter avant le mariage (p.8-9/14 du rapport d'entretien). Vous précisez ensuite que vous auriez été chicané à de nombreuses reprises par le chef de votre groupe, le dénommé (B) et ce par pure jalousie à votre égard. Vous auriez alors souhaité dénonc[er] ces agissements, mais ce dernier vous aurait menacé (p.9-10/14 du rapport d'entretien).

Avant votre départ, vous auriez quand même décidé de mettre au courant votre famille, qui vous aurait soutenu et aidé à quitter votre pays d'origine. Désormais, vous craindriez subir des éventuelles représailles de la part de (B), alors que vous auriez mis au courant votre famille de ses agissements et qu'elle aurait probablement abordé le sujet avec (B) (p.10-11/14 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous ne présentez aucun document.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

3 L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, vous expliquez qu'en cas de retour au Mali vous craindriez des éventuelles représailles de la part du dénommé (B), alors qu'il vous aurait chicané et que vous auriez dénoncé ses agissements auprès de votre famille.

Force est de constater qu'il découle de manière claire et non-équivoque que vos motifs de fuite ne relèvent pas du champ d'application de la Convention de Genève, étant donné qu'il n'existe aucune crainte de persécution en raison de votre race, votre nationalité, votre religion, votre appartenance à un groupe social ou encore vos opinions politiques. En effet, il s'agit en l'occurrence d'un conflit d'ordre privé, alors que votre chef de groupe aurait développé de la jalousie à votre égard. Or, de tels motifs ne sauraient être en lien avec l'un des cinq motifs de fond précités.

De plus, force est de noter que les problèmes, respectivement les faits, que vous décrivez ne sauraient revêtir un degré de gravité suffisant, tels qu'ils puissent être assimilés à des actes de persécution ou à une crainte fondée de persécution au sens des dispositions de la Convention de Genève et Loi de 2015.

En effet, les soucis que vous invoquez, notamment le fait d'avoir été chicané, respectivement, discriminé à plusieurs reprises par le chef de votre groupe, groupe responsable pour les tâches agricoles du village, ne sauraient suffire pour établir que vous êtes victime d'actes de persécution.

Pareil constat s'impose concernant les menaces que le dénommé chef (B) aurait proférées à votre encontre si vous aviez dénoncé ces agissements. En effet, de simples menaces, non suivies d'actes concrets, ne sauraient constituer des actes de persécution au sens des textes précités.

Ainsi, au vu de ces considérations, force est de relever que la crainte de représailles dont vous faites état doit davantage s'analyser en un sentiment général d'insécurité, et n'est pas de nature à justifier dans votre chef l'octroi du statut de réfugié.

Même à supposer que vos différents problèmes seraient à qualifier d'actes de persécution motivés par un des cinq motifs de fond de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, quod non, il convient de constater que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, ici votre chef de groupe (B), ceux-ci peuvent être considérés comme fondant une crainte légitime uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités maliennes.

Or, force est de souligner, que vous n'avez à aucun moment sollicité une quelconque forme d'aide auprès des autorités de votre pays d'origine. En effet, vous expliquez que le commissariat le plus proche aurait été à 60km de votre village et que la police ne se serait de toute manière pas déplac[ée] assez rapidement à cause des conditions de routes. Or, vous ne sauriez-vous retrancher derrière votre inaction pour autant et reprocher une défaillance, respectivement, absence d'action aux autorités compétentes.

4 En outre, force est de noter que vous auriez également eu la possibilité de parler de vos problèmes à vos parents bien en amont et ce avant de décider de quitter votre pays d'origine, alors qu'une solution à l'amiable aurait très certainement pu être trouvée au sein de votre village.

Finalement, force est de souligner que vous êtes à coup sûr guidé dans vos démarches par des considérations économiques, financières et matérielles, ce qui se trouve d'ailleurs confirmé par votre comportement en Italie. En effet, vous n'avez pas souhaité introduire une demande de protection internationale dans ledit pays, alors que vous n'auriez pas pu « continuer [votre] mode de vie africain » (p.2/2 du rapport du Service de Police Judiciaire).

Vous auriez d'ailleurs explicitement choisi de venir au Luxembourg à cause des aides avantageuses dont on vous aurait parlé. Or, une telle attitude ne correspond pas à celle d'une personne qui se sent réellement en danger dans son pays d'origine et qui aurait été ravi d'obtenir une quelconque protection dans le premier pays sûr rencontré, notamment dans votre cas l'Italie.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié.

Or, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité ou encore que les autorités maliennes ne pourraient pas vous accorder une quelconque protection.

5Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

3. Quant à l'ordre de quitter le territoire luxembourgeois Monsieur, il convient de noter que le Ministre a sollicité l'avis de la Commission consultative d'évaluation de l'intérêt supérieur des mineurs non-accompagnés dans une réunion ayant eu lieu le 7 juin 2023 afin d'obtenir un avis quant à un éventuel éloignement vers le Mali.

La Commission consultative d'évaluation de l'intérêt supérieur des mineurs non-accompagnés a estimé qu' « Au regard de tous les éléments du dossier, la commission est amenée à conclure qu'il est dans l'intérêt supérieur de Monsieur (A) de rester au Luxembourg jusqu'à ses 18 ans plutôt que de retourner dans son pays d'origine ».

Le Ministre se rallie pleinement à cet avis de sorte que vous n'êtes pas dans l'obligation de quitter le territoire jusqu'à vos 18 ans.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 septembre 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 16 août 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 12 février 2025, le tribunal administratif, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, rejeta le recours comme non fondé en ses deux volets et en débouta le demandeur, le tout en rejetant la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par demandeur et en le condamnant aux frais de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 12 mars 2025, Monsieur (A) a régulièrement fait entreprendre ce jugement.

A l’appui de son appel, il réitère être de nationalité malienne et avoir quitté son pays d'origine en raison des persécutions qu’il y aurait subies de la part d’un dénommé « (B) ». Il explique avoir vécu avec sa famille dans un village reculé au Mali, qu’en plus d’aller à l’école, il aurait également dû travailler la terre. Il aurait ainsi été assigné à un chef, le dénommé (B), qui l’aurait supervisé et qui se serait acharné sur lui au point de lui casser le pied et de le menacer de mort s’il parlait à quelqu’un de cet incident. Il n’aurait ainsi pas pu demander de l’aide à ses parents par peur de représailles, ni à la police qui, en raison du fait que son village se trouvait à un endroit reculé, aurait mis trop de temps à arriver sur les lieux, tout en précisant que depuis le coup d’Etat d’août 2020, l’Etat malien n’assurerait plus la protection de ses citoyens. Il estime dès lors ne pas avoir eu d’autre choix que de quitter son pays d'origine, âgé de … ans seulement. Il insiste encore sur ses efforts d’intégration au Luxembourg, par le biais de sa scolarisation et son apprentissage d’électricien et par le fait de jouer au football dans un club de …. Il précise encore qu’il ne se serait pas fait remarquer négativement depuis son arrivée au pays.

6En droit, l’appelant soutient en substance remplir les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié, sinon celui conféré par la protection subsidiaire.

L’Etat conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel.

Il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, que doit être considérée comme réfugiée toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

En ce qui concerne la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, celle-ci est définie par l’article 2 sub g), de la loi du 18 décembre 2015 qui dispose que peut bénéficier de la protection subsidiaire « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, à savoir « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international », et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’octroi d’une protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

7Sur le vu des faits de la cause qui sont en substance les mêmes que ceux soumis aux premiers juges, la Cour arrive à la conclusion que les premiers juges les ont appréciés à leur juste valeur et en ont tiré les conclusions juridiques exactes.

En effet, la Cour constate que l’appelant déclare avoir quitté le Mali au motif qu’il aurait subi des violences physiques et des menaces verbales de la part du chef d’un des groupes présents dans son village, un dénommé « (B) », qui serait responsable des tâches agricoles dans ledit village et sous les ordres duquel il aurait travaillé les terres agricoles.

Au-delà du fait que l’appelant ne développe nullement en quoi les agissements de ce chef de groupe auraient été dirigés contre lui en raison d’un des critères de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après « la Convention de Genève », et repris à l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015, la Cour rejoint les premiers juges en leur analyse que les mauvais traitements ainsi invoqués par l’appelant dont il aurait été victime de la part du dénommé « (B) », aussi condamnables qu’ils soient, ne revêtent pas un degré de gravité tel à pouvoir être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Par ailleurs, il convient de relever que ces actes émanent d’une personne privée et qu’il n’est pas établi en cause que l’appelant n’aurait pas pu obtenir une protection contre ce chef de groupe de la part des autorités. Si l’appelant a déclaré ne pas avoir demandé l’aide de ses parents par crainte de représailles, ni celle de la police malienne, trop éloignée de son village, il n’est néanmoins pas établi que les autorités maliennes n’auraient pas pu ou voulu lui accorder une protection pour le cas où il l’aurait demandée. S’il y a eu dès lors un défaut de protection de la part des autorités maliennes, la raison en est à imputer à la seule inaction de l’appelant.

En outre, la Cour considère que dès lors que l’appelant est parti depuis cinq ans de son pays d'origine et qu’il est désormais majeur, les craintes mises en avant par celui-ci de subir des représailles de la part du dénommé « (B) » sont essentiellement hypothétiques, voire doivent s’analyser en un sentiment général d’insécurité et ne sauraient dès lors suffire à fonder une crainte actuelle de persécutions ou un risque sérieux et avéré de subir des atteintes graves en cas de retour au Mali.

S’y ajoute que rien n’oblige l’appelant, désormais adulte, à retourner dans son village d’origine et qu’il n’y a aucune raison valable pour laquelle il ne pourrait pas s’installer dans une autre région du Mali, et plus particulièrement au Sud de ce pays.

Quant aux efforts entrepris par l’appelant pour s’intégrer dans la vie au Luxembourg, ces considérations ne sont pas pertinentes dans le cadre de l’examen d’une demande de protection internationale, dès lors qu’elles ne relèvent ni du champ d’application de la Convention de Genève, ni de celui de la loi du 18 décembre 2015.

Sur base de ces considérations, il y a lieu de retenir, à la suite des premiers juges, que l’appelant n’a pas fourni suffisamment d’éléments permettant de retenir l’existence dans son chef d’une crainte fondée de subir des persécutions, voire qu’il court un risque réel de subir des atteintes graves au sens des points a) et b), de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Quant à la situation actuelle prévalant actuellement au Mali, entrevue sous l’angle de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, il convient de relever que l’appelant affirme être originaire du Sud de ce pays. Or, si la situation sécuritaire au Mali reste difficile, tel est 8surtout le cas au Nord et au Centre du Mali, comme en témoignent les articles de presse versés par l’appelant en appel. Si l’appelant fait encore plaider que la situation au Sud du Mali ne serait pas épargnée, la Cour n’a pas été saisie d’éléments suffisants permettant de conclure à l’existence d’une situation dans cette partie du Mali où l’ampleur de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé est telle qu’il existerait des motifs sérieux de croire qu’un civil, du seul fait de sa présence sur place, court un risque réel d’être exposé à une menace grave contre sa vie ou sa personne, au sens dudit article 48, point c).

Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et le jugement est à confirmer sous ce rapport.

Quant à l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de la protection internationale, dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire – et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 1.500 euros, telle que formulée par l’appelant, est à rejeter.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

partant, confirme le jugement entrepris du 12 février 2025 ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelant ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, 9et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence de la greffière assumée à la Cour Carla SANTOS.

s. SANTOS s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 mai 2025 Le greffier de la Cour administrative 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52509C
Date de la décision : 13/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-05-13;52509c ?

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