La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52469C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 22 mai 2025, 52469C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52469C ECLI:LU:CADM:2025:52469 Inscrit le 4 mars 2025 Audience publique du 22 mai 2025 Appel formé par Monsieur (A1) et consort, …, contre un jugement du tribunal administratif du 4 février 2025 (n° 48067 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 52469C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 4 mars 2025 par Maître Cora MAGLO, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A1), né le … à … (

Pérou), agissant en son nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52469C ECLI:LU:CADM:2025:52469 Inscrit le 4 mars 2025 Audience publique du 22 mai 2025 Appel formé par Monsieur (A1) et consort, …, contre un jugement du tribunal administratif du 4 février 2025 (n° 48067 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 52469C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 4 mars 2025 par Maître Cora MAGLO, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A1), né le … à … (Pérou), agissant en son nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de son fils, Monsieur (A2), né le … à …, tous les deux de nationalité péruvienne, demeurant ensemble à L-…, …, dirigée contre le jugement rendu le 4 février 2025 (n° 48067 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 septembre 2022 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mars 2025;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 6 mai 2025.

Le 16 septembre 2020, Monsieur (A1), agissant tant en son nom personnel, qu’au nom et pour le compte de son enfant mineur, (A2), introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A1) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et celle de son fils et sur l’itinéraire suivi par eux pour venir au Luxembourg.

En date des 17 et 21 décembre 2021, Monsieur (A1) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur ses motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 12 septembre 2022, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 16 septembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », informa Monsieur (A1) que sa demande de protection internationale introduite tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son fils mineur, (A2), avait été rejetée comme étant non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est basée sur les motifs et considérations suivants :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite en date du 16 septembre 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») pour votre compte et celui de votre fils (A2), né le … à …/Pérou, de nationalité péruvienne.

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 16 septembre 2020, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 17 et 21 décembre 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté le Pérou en date du 5 mai 2020 en compagnie de votre fils par vol à destination de la Belgique. Vous auriez ensuite pris le train pour venir au Luxembourg dans le cadre de votre travail d'artiste alors que vous auriez notamment fait des expositions pour la CLAE (Comité de Liaison des Associations d'Etrangers) et dans une galerie ; « Dann kamen die Corona Beschränkungen, und ich konnte nicht zurück nach Peru ». Vous auriez par la suite été hébergé par différentes connaissances et prétendez désormais ne plus pouvoir retourner au Pérou parce que vous y auriez été menacé après avoir participé à des manifestations contre la corruption.

Vous signalez auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que vous seriez de nationalité péruvienne, que vous vous trouveriez en instance de divorce et que vous seriez originaire de … où vous auriez vécu avec votre fils et subvenu à vos besoins en travaillant comme artiste et comme indépendant dans un garage en réalisant des peintures sur des voitures. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez de vous faire tuer au Pérou pour votre activisme contre le racisme et la corruption.

En 2017, vous seriez venu une première fois au Luxembourg, en étant invité à participer au festival mondial des migrations, organisé au Luxembourg et en Belgique. Vous seriez resté 2 environ trois mois avant de rentrer au Pérou. Vous précisez avoir commencé à être « déjà un peu » (p.8 du rapport d'entretien) connu à cette époque et avoir reçu une distinction de personnalité méritante par le Ministère de la culture péruvien. Vous auriez alors organisé des ateliers pour enfants, ce que vous auriez fait jusqu'en 2019, ainsi que des conférences sur l'art, tout en précisant déjà avoir été « un peu contre la corruption » (p. 8 du rapport d'entretien).

Du coup, selon vous, les autorités vous auraient accordé cette distinction dans le but de vous faire taire. Vous prétendez aussi que certains de vos projets auraient été annulés par le Ministère de la culture au motif que vous devriez vous aligner à des « idées politiques » (p. 8 du rapport d'entretien) et ainsi recevoir plus d'argent.

Néanmoins, vous seriez d'avis que le vrai motif de ces annulations aurait résidé dans le racisme des autorités étant donné que vous auriez voulu peindre des héros afro-péruviens qui ne feraient pas partie de l'histoire officielle du pays. Ainsi, dès 2015, vous auriez lutté contre la discrimination et le racisme et contre ceux au sein des ministères qui « omettraient » la lutte afro-péruvienne ou qui voudraient réduire les Afro-Péruviens à des footballeurs, cuisiniers ou musiciens, leur faisant ainsi développer des complexes d'infériorité qui les empêcheraient de vouloir devenir scientifiques, avocats, écrivaines ou autre. Dans ce contexte, vous précisez avoir personnellement souffert de la discrimination, « Même quand j'étais déjà dans l'art, on pensait que c'était moi celui qui transportait les tableaux et non pas l'artiste (Qui avait fait les tableaux) » (p. 10 du rapport d'entretien). Vous précisez en outre que le Ministère de la culture et la « direction des politiques afro-péruviennes » (p. 10 du rapport d'entretien) auraient voulu vous empêcher de réaliser vos projets contre le racisme et que vous vous mettiez plus dans la « ligne politique qui n'était pas la mienne » (p. 10 du rapport d'entretien), c'est-à-dire, ils auraient voulu que vous réalisiez des projets dans la « ligne politique LGBTI, là il y a de l'argent » (p. 10 du rapport d'entretien).

Vous prétendez d'un côté que votre projet sur trois héros afro-péruviens n'aurait pas été « accepté » (p. 10 du rapport d'entretien), respectivement, que son financement par le Ministère aurait été refusé, mais de l'autre côté que vous auriez réalisé votre dernier projet pour le Ministère de la culture vers juin 2018 et qu'il se serait agi d'une exposition au sein même du Ministère, intitulée « Afro péruvien (sic) Heroes » (p. 11 du rapport d'entretien). Vous prétendez encore qu'à votre place, deux artistes défendant des causes LGBTI auraient été sélectionnés, « Ils ont pistonné un groupe d'amis » (p. 12 du rapport d'entretien).

En 2019, vous seriez revenu une deuxième fois au Luxembourg pour exposer vos œuvres dans le cadre de ce même festival et faire de la musique en compagnie de votre fils (A2), qui aurait aussi été invité à participer à un atelier. Après cinq semaines, vous seriez tous les deux rentrés au Pérou où vous auriez, jusqu'à votre dernier départ du pays, réalisé plusieurs expositions au Pérou et « je suis aussi allé dans des écoles » (p. 11 du rapport d'entretien).

Vers juillet ou août 2019, en rentrant à la maison, une voiture se serait arrêtée près de vous, avec à l'intérieur des personnes armées, portant des casquettes, vous faisant signe de vous arrêter. Comme vous auriez été près de chez vous, vous auriez couru jusqu'à la maison. Vous ne sauriez pas s'il se serait agi d'une tentative de vol, comme vous auriez l'habitude de les vivre au Pérou, ou d'une tentative de vous faire peur.

Vous prétendez ensuite avoir participé à partir de 2015, trois ou quatre fois par an, à des marches contre la corruption, dont surtout celle du 6 septembre 2019 à …, suite à laquelle vous auriez été pour la première fois menacé par deux personnes avec les mots « Tu ne sais pas où tu es, tu vas perdre » (p. 8 du rapport d'entretien), en précisant qu'au Pérou, perdre signifierait mourir, voire, en vous disant « Tu ne sais pas avec qui tu es en train de te confronter et on va 3 te tuer. On sait déjà où tu habites… » (p. 13 du rapport d'entretien). Par la suite, ces personnes seraient reparties. Après avoir participé à une autre manifestation en date du 4 octobre 2019, deux personnes ressemblant à des militaires au vu de leur stature et de leur coiffure, vous auraient à nouveau menacé en vous expliquant que vous auriez été averti et que vous allez perdre. Lorsque des voisins se seraient approchés de la scène, les deux personnes seraient reparties. Vous seriez d'avis que ces personnes seraient des « infiltrés de l'état (sic) » (p. 13 du rapport d'entretien) et que vous auriez été menacé pour avoir participé aux marches contre la corruption et pour être quelqu'un de connu. Vous ajoutez avoir tout le temps reçu des menaces anonymes sur Facebook après avoir publié du matériel, mais que vous n'y auriez jamais prêté attention.

Le 17 décembre 2019, sur invitation du consulat péruvien à Bruxelles et du CLAE, vous auriez à nouveau prévu de participer à une exposition au Luxembourg, mais des policiers à l'aéroport vous auraient expressément fait perdre du temps en demandant des documents et en contrôlant vos bagages et votre passeport pendant trente minutes, de sorte que vous auriez raté votre vol. Vous supposeriez que « c'était quelque chose de programmé pour eux » (p. 8 du rapport d'entretien) et qu'on vous aurait empêché de prendre l'avion « pour me mener la vie un peu dure » (p. 8 du rapport d'entretien) pour avoir participé auxdites manifestations. Vous seriez alors rentré à la maison, où vous seriez resté jusqu'à avoir épargné de l'argent pour acheter un nouveau ticket d'avion. Pendant ce temps, des personnes, selon vous des « agents » (p. 16 du rapport d'entretien) envoyés par le gouvernement, auraient plusieurs fois frappé à votre porte, mais vous ne l'auriez jamais ouverte. Ces agents vous auraient aussi appelé par téléphone dans le but de vous faire peur et de vous « tenir de façon psychologique » (p. 16 du rapport d'entretien).

Le 5 février 2020, vous avez entrepris votre troisième voyage au Luxembourg, dans l'intention de participer à des expositions. Vous précisez que votre départ se serait déroulé sans aucun souci. Durant votre séjour au Luxembourg, « on s'est posés (sic) la question quand est-ce qu'on va rentrer et c'est là qu'on a décidé de rester avec mon fils et de ne plus rentrer » (p. 9 du rapport d'entretien).

En cas d'un retour au Pérou, vous prétendez craindre être tué par le gouvernement, respectivement, par des sicaires au service du gouvernement, alors que le pays serait gouverné par des délinquants. Il s'agirait d'un pays très corrompu où vivraient beaucoup de mafieux, tandis que vous continueriez à lutter contre la corruption. Vous auriez en outre peur que quelque chose n'arrive à votre fils, alors que « Je suis son père et sa mère, je vis avec lui » (p. 18 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande, vous présentez les documents suivants :

- Votre passeport péruvien, émis en … 2016 et celui de votre fils, émis en … 2019 ;

- des tickets d'avion …-… de décembre 2019 et des tickets de retour de … à …, pour le … mars 2020 ;

- une photo vous montrant participer à une manifestation dans le cadre des élections municipales à … et une photo vous montrant à l'intérieur d'un bâtiment, entouré de policiers ;

- trois photos vous montrant entouré d'affiches, de tableaux ou d'autres objets d'art et une photo vous montrant avec d'autres lauréats du « Mes de la Cultura Afroperuana » en juin 2018 ;

4 - la copie de votre dossier personnel pour l'exposition « trashumante sensatez », contenant notamment une biographie, des copies d'articles de journal, des photos d'œuvres, une lettre de louange de la part du consulat du Pérou à Bruxelles, une lettre d'invitation de l'université de Washington, ainsi qu'une photo vous montrant avec le Grand-Duc de Luxembourg ;

- une copie de la « Resolución Ministerial » datée au 11 juin 2018, en langue espagnole, qui concernerait le titre de personnalité méritante que vous auriez reçu par le Ministre de la culture ;

- un dépliant de votre triptyque des « Afro-peruvian heroes ».

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, force est de constater que si vous reliez certes vos motifs de fuite à votre prétendu activisme contre le racisme et la corruption au Pérou et donc a priori à vos opinions politiques, voire, votre race, tel que prévu par la Convention de Genève et la Loi de 2015, les incidents mentionnés ne revêtent toutefois clairement pas un degré de gravité tel à pouvoir être définis comme actes de persécution au sens desdits textes.

En effet, force est de constater qu’au cours de toutes ces années durant lesquelles vous auriez participé à des manifestations contre le racisme, voire, la prétendue corruption du gouvernement, vous faites uniquement état de deux menaces verbales qui auraient été proférées par des personnes inconnues, de menaces qui auraient été envoyées par des inconnus sur votre compte Facebook et que vous n’auriez jamais prises au sérieux ou encore de personnes inconnues qui auraient frappé à votre porte ou qui vous auraient téléphoné pour vous « tenir 5 de façon psychologique ». Or, ces incidents, de par leur manque de gravité, ne sont pas à considérer comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

A cela s’ajoute que vous n’auriez en fait aucune idée qui seraient ces personnes qui vous auraient menacé, mais que vous supposeriez être des « agents » envoyés par le gouvernement, sans avancer une quelconque explication cohérente, ni verser une quelconque preuve pouvant appuyer vos prétendues suppositions. En plus, force est de constater que ce gouvernement contre lequel vous auriez manifesté, n’est plus au pouvoir au Pérou. En effet, en avril 2021, ont eu lieu des élections législatives générales ayant conduit à l’élection d'un nouveau Président et un nouveau gouvernement après que le mandat du parti au pouvoir depuis 2016 a pris fin, de sorte que vos prétendues craintes devraient aussi faire partie du passé.

Que vous ne vous trouvez nullement dans le collimateur des autorités péruviennes se trouve par ailleurs confirmé par vos propres déclarations et votre propre vécu. En effet, il ne ressort pas de vos dires que vous auriez connu le moindre souci avec les autorités péruviennes, ce alors que vous prétendez être un activiste depuis 2015. Force est en outre de constater que vous faites état de trois départs officiels du Pérou, ainsi que de deux retours officiels et volontaires au Pérou, depuis 2017, qui se seraient à chaque fois déroulés sans le moindre problème. Le seul fait que le personnel de l'aéroport vous aurait une fois en 2019, fait perdre trente minutes en contrôlant vos bagages et documents, vous faisant ainsi rater votre avion, ne saurait clairement pas suffire pour contrebalancer les constats susmentionnés et ne saurait évidemment pas non plus être perçu comme une persécution dans votre chef. Ce constat vaut d’autant plus que les autorités péruviennes ont donc encore émis en 2019, le passeport de votre fils et qu'elles vous ont permis de quitter ensemble et sans souci le pays en début 2020.

Ajoutons qu’il ressort en plus de vos propres dires, ainsi que des recherches ministérielles, que vous avez toujours pu vous exprimer librement au Pérou dans le cadre de votre art et que vous avez même été soutenu et récompensé par les autorités péruviennes pour votre engagement artistique. En effet, il résulte de vos dires qu’en 2018, vous avez reçu une distinction de personnalité méritante de la part du Ministère de la culture et, bien que vous prétendez que votre projet intitulé « Afro-peruvian heroes » n’aurait pas été accepté par les autorités, vous précisez toutefois aussi que vous auriez justement pu le réaliser dans le cadre de votre dernier projet pour le Ministère de la culture vers juin 2018, dans le cadre d’une exposition au sein même du Ministère. Vous présentez en outre une lettre de soutien du consul du Pérou à Bruxelles, datant de 2019. Comme susmentionné, les recherches ministérielles effectuées ne font d’ailleurs que confirmer que vous avez toujours pu travailler et exercer votre art librement et ne permettent pas de retenir l’existence dans votre chef d'un traitement injuste ou discriminatoire, respectivement, que votre travail d'artiste vous aurait causé des problèmes au Pérou.

Le seul fait que des personnes au sein du Ministère de la Culture vous auraient expliqué que vos œuvres ne seraient financées que si elles traiteraient de la communauté LGBT, ne saurait en tout cas pas suffire pour démontrer une quelconque discrimination que vous auriez vécue au Pérou, ce d'autant plus que vous avez donc pu réaliser votre projet concernant les « Afro-peruvian heroes » au sein même du Ministère de la culture tout en recevant une récompense pour votre travail. Il s’ensuit que vous ne pourriez que difficilement prétendre que la lutte des Afro-Péruviens serait « omise » par les autorités péruviennes, alors que vous-même auriez donc été soutenu dans vos démarches artistiques dans ce contexte.

6 Pour être complet à ce sujet, notons que votre constat selon lequel « Même quand j’étais déjà dans l’art, on pensait que c’était moi celui qui transportait les tableaux et non pas l’artiste (Qui avait fait les tableaux) » (p.10 du rapport d'entretien) ne saurait pas non plus suffire pour démontrer que vous auriez été victime de discriminations au Pérou qui atteindraient le niveau d'actes de persécution tel que définis dans la Convention de Genève.

Pour ce qui est de la situation générale des Afro-Péruviens au sein de la société péruvienne, notons encore que vous ne faites pas non plus état de quelconques discriminations concrètes ou graves que vous ou d’autres Afro-Péruviens auraient vécu. En effet, vous vous limitez à expliquer que les Afro-Péruviens ne feraient selon vous pas partie de l'histoire officielle du pays et vous développez la théorie selon laquelle les Afro-Péruviens seraient réduits à être des footballeurs, des cuisiniers ou des musiciens et qu’ils auraient des complexes d’infériorité au point de les empêcher de vouloir devenir scientifiques, avocats, écrivains ou autre. A part le fait que vous ne faites donc pas état d'une quelconque persécution précise ou grave à laquelle seraient exposés des Afro-Péruviens, il s’agit de noter que les recherches ministérielles ne permettent pas non plus de retenir que vous ayez été victime ou que vous risqueriez d’être victime au Pérou d’injustices ou de discriminations sur base de votre seule origine et qui seraient à définir comme étant des actes de persécutions au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

Notons à ce sujet : « Most Afro-Peruvians had little sense of collective identity until the 1950s, when there was a reaffirmation of Afro-Peruvian culture with the emergence of dance and theatre groups, such as the Grupo Cumananà. lnfluenced by the civil rights movement in the United States in the 1960s, social groups formed to trace their African roots.

Although these groups were short-lived, other organizations have taken their place, including the Asociación Cultural de la Juventud Negra, the Instituto de lnvestigaciones Afro-Peruano, and the Movimiento Negro Francisco Congo. The Asociación pro Derechos Humanos del Negro, founded in the 1990s, provides legal aid and human rights support. In July 2011, Susana Baca became the first Afro-Peruvian government minister when she was named Minister of Culture. (…) The Afro-Peruvian movement in Peru may be less visible internationally than its counterparts in Brazil and Colombia, but anti-racism working groups have been formed in …, and organizations such as the Asociación Palenque, the Asociación pro Derechos Humanos del Negro, the Centro de Desarrollo Étnico (CEDET) and the Lundu Centro de Estudios y Promoción Afroperuanos have managed to make their voices heard. An important step forward was achieved in 2015, with Peru’s first ever conviction for racial discrimination. The case concerned an Afro-Peruvian woman who, after being racially abused at her work for a municipal water utility by a colleague, found her complaint ignored by her supervisors and was then fired from her job after filing a criminal case. The ruling found both her former manager and head of human resources guilty, sentencing them to a prison term as well as a fine. The expansion of ethnic categories to include Afro-descendants in the 2017 census was a further major victory for Afro-Peruvian community groups ».

Depuis 2006, le gouvernement a en outre décidé de rendre plus visible et d’apporter sa reconnaissance envers les apports de la population afro-péruvienne à la construction de la nation par la fête annuelle de la culture Afro-péruvienne. En 2020, des experts des Nations-Unies se sont par ailleurs réunis avec les autorités péruviennes en vue d'instaurer une politique visant à pousser encore plus loin l’égalité et l’équité des Afro-Péruviens au sein de la société.

7 Notons en plus que : « The Ministry of Justice and Human Rights, and in particular the Vice Ministry of Human Rights and Access to Justice, oversaw human rights policies and issues at the national level. The Ministry of Interior, Ministry of Women and Vulnerable Populations, and Ministry of Labor and Employment Promotion also had significant human rights roles.

These government bodies were generally considered effective. The independent Ombudsman’s Office operated without government or party interference. NGOs, civil society organizations, and the public considered the Ombudsman’s Office effective. Congressional committees overseeing human rights included Justice and Human Rights; Women and the Family; Labor and Social Security; Andean, Amazonian, Afro-Peruvian Peoples, and Environment and Ecology; Health and Population; and Social Inclusion and Persons with Disabilities ».

A cela s’ajoute qu’il ne saurait pas non plus être établi que vous n’ayez pas pu compter sur l’aide des autorités péruviennes, si jamais vous aviez vraiment été menacé par des personnes inconnues à cause de votre activisme allégué contre la corruption ou le racisme. En effet, vous n'auriez jamais recherché l’aide de la police ou dénoncé les menaces dont vous auriez été victime, de sorte qu’il ne saurait évidemment pas être conclu que celle-ci n’aurait pas pu ou pas voulu vous venir en aide, respectivement qu’il ne vous aurait pas été possible de faire valoir vos droits au Pérou et d’y trouver une protection face à des inconnus qui menaceraient de mort des concitoyens. Notons en tout cas que la police ne reste pas inactive et que des tueurs, tout comme tout autre délinquant et criminel, y sont clairement poursuivis, respectivement, doivent manifestement craindre d’être poursuivis.

Ajoutons à toutes fins utiles que la situation en matière de corruption est en train de s'améliorer au Pérou. En effet, s'il ressort certes des informations en nos mains que la corruption est bien répandue au Pérou, les autorités ne restent pas inactives face à ce fléau et ont encore récemment renforcé leur législation en matière de lutte contre la corruption qui a vu, entre autre, des policiers, des fonctionnaires, des juges, des ministres et même des (Ex-)Présidents devoir faire face à la justice pour des affaires de corruption.

Enfin, le constat que vous n’êtes aucunement persécuté ou à risque d’être persécuté au Pérou, se trouve également confirmé par le fait que vous n'avez nullement fui le Pérou alors que vous y auriez été persécuté ou à risque d'être persécuté et que vous n'aviez, à votre arrivée au Luxembourg, nullement songé à introduire une demande de protection internationale parce que vous seriez en besoin d'une telle protection, mais il ressort clairement de vos déclarations et des éléments de votre dossier que vous avez officiellement quitté le Pérou pour participer à une exposition au Luxembourg tout en étant en possession de tickets de retour. Vous confirmez en effet que ce n'est que lors de votre dernier séjour au Luxembourg, qu'ensemble avec votre fils « on a réfléchi » et du coup, vous n'auriez plus voulu retourner au Pérou et vous auriez décidé à introduire une demande de protection internationale. Au moment de votre dernier départ du Pérou, vous n'auriez donc nullement eu l'intention de fuir, voire, de rechercher une protection en Europe.

Il est dès lors évident qu’au moment de votre départ et pendant les premiers mois de votre séjour au Luxembourg, vous n’avez éprouvé aucun besoin de protection, alors qu’on peut attendre d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée et qui ressent vraiment un besoin de protection, qu’elle ne planifie pas, et ce pour la troisième endéans trois ans, retourner volontairement au pays dans lequel elle craindrait justement d’être victime de persécutions. Ce constat vaut d’autant plus qu’on peut également attendre d'une telle personne, qu’une fois arrivée dans un pays sûr, elle introduise sa demande de protection internationale dans les plus brefs délais. Or, ce n'est qu’en septembre 2020, sept mois après 8 votre arrivée au Luxembourg et cinq ou six mois après la date prévue pour votre retour au Pérou, que vous vous êtes finalement décidé à introduire cette demande de protection internationale. Il est dès lors pareillement évident que vous avez introduit cette demande sur base de considérations de pure convenance personnelle et que votre situation au Pérou n’a manifestement pas été si grave ou urgente.

En effet, il est évident que tel n’est pas le comportement d’une personne ayant été obligée de fuir son pays d’origine, alors qu’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée ne part pas participer à une exposition à l’étranger tout en envisageant de retourner volontairement chez elle, mais on peut attendre d’une telle personne qu’elle introduise sa demande de protection internationale dans les plus brefs délais, au lieu de devoir se faire convaincre d’introduire une telle demande de protection suite à des discussions avec son fils.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il y a lieu de retenir qu’il n'existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour au Pérou, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous omettez d'établir qu’en cas de retour au Pérou, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou vous personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Votre seule affirmation totalement vague selon laquelle vous craindriez d’être tué par le « gouvernement » ou des « sicaires » qui seraient au service du gouvernement, respectivement, des délinquants, alors que le Pérou serait rempli de mafieux ne saurait manifestement pas 9 permettre de conclure au contraire. Ce constat vaut d’autant plus qu’au vu de tout ce qui précède, il peut être conclu que vous ne vous trouvez nullement dans le collimateur du « gouvernement », respectivement, des autorités péruviennes et que ces dernières ne restent manifestement pas inactives contre des délinquants actifs sur le territoire, de sorte que vous auriez en plus pu rechercher une protection au Pérou. Vos prétendues craintes pour votre sécurité en cas d’un retour au Pérou doivent en tout cas être perçues comme étant totalement hypothétiques, voire, non-fondées.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Pérou, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2022, Monsieur (A1), agissant en son nom personnel, ainsi qu’en celui de son fils, (A2), introduisit un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 12 septembre 2022 en ses deux volets.

Par jugement du 4 février 2025, le tribunal administratif déclara non fondé ce recours en réformation en ses deux volets, partant en débouta, le tout en condamnant les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 4 mars 2025, Monsieur (A1), agissant toujours en son nom personnel, ainsi qu’en celui de son fils (A2), a régulièrement fait entreprendre le jugement du 4 février 2025.

A l’appui de ce recours, l’appelant insiste sur ce qu’il serait un artiste péruvien reconnu, d'origine afro-péruvienne, c’est-à-dire un descendant des diverses ethnies africaines subsahariennes qui seraient arrivées au Pérou pendant la conquête espagnole et de la sorte, il ferait « partie d'une frange de la population qui est reconnue comme étant marginalisée, victime de racisme systémique et d'inégalités criantes ».

L’appelant estime que la marginalisation et la discrimination des membres de la communauté afro-péruvienne se dégage des éléments d’appréciation fournis en cause.

Il est encore exposé que dans le cadre de la lutte contre la discrimination à l'égard de la communauté noire présente au Pérou, le ministère péruvien de la Culture lui aurait décerné, en sa qualité d’activiste reconnu, une distinction de personnalité méritante, laquelle lui aurait permis d’entreprendre plusieurs visites au Luxembourg et en Belgique pour exposer ses œuvres d'art.

Tout se serait bien passé aussi longtemps qu’il serait allé « dans le sens du gouvernement » et que ces actions seraient entrées dans l'agenda du gouvernement. Cependant, lorsqu’il aurait mis « en avant sa culture afro-péruvienne et (…) [celle] des héros de sa culture 10 d'une manière qui ne correspondait pas à l'agenda de son gouvernement », il se serait senti menacé par les autorités ministérielles et il aurait décidé de quitter le Pérou.

Sur ce, il est reproché aux premiers juges d’avoir rejeté sa demande de protection internationale dans ses deux volets et il conclut partant à voir réformer le jugement a quo et à se faire reconnaître le statut de réfugié, sinon une protection subsidiaire.

Il serait erroné de considérer que les faits et craintes exposés ne revêtiraient pas un degré de gravité suffisante pour justifie pareille protection.

En effet, en cas de retour au Pérou, il risquerait d’être persécuté, comme il l’aurait déjà été dans le passé, dans le cadre d’une « tentative d'agression en juillet/aout 2019 dont il a réchappé en s'enfuyant à son domicile ». Il serait exposé plus particulièrement du fait d’avoir participé à des marches contre la corruption, étant précisé qu’à pareille occasion, il aurait reçu des menaces en septembre 2019 et en octobre 2019, par des personnes « ressemblant à des militaires ». Il aurait aussi reçu des menaces sur Facebook après avoir des publications contre la corruption.

Ces faits seraient, même à défaut d’une persécution plus caractérisée, d’une gravité d’un degré suffisant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

En ordre subsidiaire, si ces mêmes craintes ne justifiaient pas l’octroi du statut de réfugié, elles constitueraient pour le moins des motifs sérieux et avérés permettant de croire qu'ils courent un risque réel de subir des atteintes graves telles que définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, de sorte à justifier pour le moins l'octroi d’une protection subsidiaire.

Il est ajouté que le racisme existant au Pérou et la discrimination des « afro-descendants » seraient avérés et revêtiraient un degré de gravité tel qu'ils pourraient être assimilés à une atteinte grave au sens du susdit texte légal.

L’appelant demande encore en substance de voir rapporter l'ordre de quitter le territoire en conséquence de l’octroi d’une protection internationale.

De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse, les deux tablant sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub h), 2, sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1),de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Ceci dit, en l’espèce, l’analyse des craintes de persécution avancées par l’appelant, à savoir en substance celle de subir, en cas de retour au Pérou, des persécutions, sinon des atteintes graves, en raison de son origine afro-péruvienne, l’exposant à des actes de discrimination raciale, amène la Cour à rejoindre et à entériner celle des premiers juges les ayant fait conclure qu’au-delà de toutes autres considérations, le vécu de Monsieur (A1) et, plus particulièrement, les différents incidents dont il fait état ne permettent pas de dégager et de retenir dans son chef et, a fortiori, dans celui de son fils, une crainte fondée de persécution, respectivement une atteinte grave au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, les faits ne revêtant pas un degré de gravité suffisante, critère inhérent aux deux régimes de la protection internationale.

Ainsi, la prétendue discrimination en raison de son origine ethnique reste essentiellement un sentiment général d’inconfort plutôt que l’expression d’une crainte basée sur le moindre fait concret et précis suffisamment grave pour être qualifié de persécution ou d’atteinte grave au sens des articles 42, paragraphe (1), et 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Quant à la crainte envers les autorités publiques, force est de constater que d’après l’intéressé lui-même, sa valeur artistique et son activisme ont été reconnus et récompensés, notamment par une distinction honorifique lui délivrée par le ministre de la Culture péruvien et le simple fait qu’un de ses projets artistiques n’ait pas été subventionné ne permet point de dégager une connotation discriminatoire, les premiers juges pointant pertinemment le fait que les raisons de ce refus ne tenaient pas à des considérations raciales, mais au fait que le ministère en question a conseillé à Monsieur (A1) de présenter « un projet dans la ligne politique LGBTI » afin de pouvoir bénéficier d’un financement étatique, et ainsi, d’obtenir pour la création de ses œuvres artistiques « plus d’argent ».

Le sentiment de l’appelant d’être dans le collimateur de l’Etat péruvien ne résiste pas non plus au fait qu’il a été admis à participer à des expositions collectives au Pérou, en partie financées par des deniers publics, et à faire des présentations et ateliers dans des écoles tant privées que publiques, de même qu’il a été, à plusieurs reprises, invité par le consulat du Pérou à Bruxelles pour prendre part à des évènements culturels en Belgique et au Luxembourg et aller et venir librement, l’incident du vol raté du 17 décembre 2019, ne permettant quant à lui pas de tirer une conclusion différente, spécialement dès lors que l’intéressé a pu partir sans problèmes par la suite.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par la mise en balance de menaces verbales proférées, directement ou à travers Facebook, par des personnes restées inconnues à l’encontre de Monsieur (A1) dans le cadre de ou suite à sa participation à des manifestations contre le racisme ou la corruption du gouvernement péruvien, les auteurs restant inconnus et tout lien avec les autorités publiques péruviennes n’étant que simple spéculation, d’une part, et, au-delà, les faits, de par le degré de gravité n’étant ni à considérer comme des actes de persécution, ni des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, d’autre part.

La conclusion que les raisons de fuite de l’appelant du Pérou n’ont guère de rapport avec une crainte de persécution ou un risque d’une atteinte grave justifiée est renforcée par la considération que l’appelant n’a formulé sa demande de protection internationale que lors de son troisième séjour en Europe et après un séjour prolongé de sept mois au Luxembourg.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les craintes invoquées par l’appelant ne remplissant pas les conditions d’octroi du statut de réfugié, ni de celui conférépar la protection subsidiaire, de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges, à la suite du ministre, ont rejeté sa demande de protection dans ses deux volets.

Enfin, concernant l’ordre de quitter le territoire, dès lors que l’article 34 paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose qu’« une décision du ministre vaut décision de retour.

(…) » et qu’en vertu de l’article 2 sub q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », l’ordre de quitter est à considérer comme constituant la conséquence automatique du refus de protection internationale, avec comme conséquence pour le cas d’espèce, où le rejet ministériel de la demande de protection internationale vient d’être déclaré justifié dans ses deux volets, que l’ordre de quitter n’est pas sérieusement critiquable ni critiqué, étant relevé qu’il vient d’être retenu ci-avant que les craintes invoquées par l’appelant ne véhiculent pas un risque réel et actuel de subir des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 4 février 2025;

donne acte à l’appelant de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 mai 2025 Le greffier de la Cour administrative 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52469C
Date de la décision : 22/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-05-22;52469c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award