GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52629C ECLI:LU:CADM:2025:52629 Inscrit le 2 avril 2025 Audience publique du 3 juin 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 27 février 2025 (n° 48748 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d'appel, inscrit sous le numéro 52629C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 2 avril 2025 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 265326, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le …. à … (Burkina Faso), de nationalité burkinabé, demeurant à L-…, dirigé contre le jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 27 février 2025 (n° 48748 du rôle) l’ayant débouté de son recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 février 2023 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 2 mai 2025;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 20 mai 2025.
Le 30 septembre 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 118 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de l’intéressé sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En date des 26 avril et 14 septembre 2022, il fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 27 février 2023, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 30 septembre 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos motifs de fuite En mains, le rapport du Service de Police Judiciaire du 30 septembre 2020, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 26 avril et 14 septembre 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, votre demande de visa Schengen du 16 janvier 2020 ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.
Avant tout autre développement, il convient de noter que vous avez introduit une demande de protection internationale en Belgique en date du 13 février 2020. Le 7 avril 2020, les autorités belges ont adressé une requête aux fins de votre reprise en charge aux autorités luxembourgeoises selon le règlement Dublin III et plus précisément selon l'article 12 § 2 ou 3, alors que vous étiez en possession d'un visa Schengen émis par les autorités luxembourgeoises pour une période de validité du 3 février au 29 février 2020. En date du 13 mai 2020, cette reprise en charge a été acceptée par les autorités luxembourgeoises avec un délai de transfert accordé jusqu'au 13 novembre 2020. Votre transfert vers le Luxembourg, prévu en date du 18 septembre 2020, a malencontreusement dû être refusé pour un manque de capacité d'accueil. Vous vous êtes finalement présenté à la Direction de l'immigration le 30 septembre 2020 muni d'un laissez-passer.
Monsieur, lors de l'introduction de votre demande de protection internationale vous avez indiqué être né le … à … au Burkina Faso, être de nationalité burkinabé, célibataire et de confession protestante. Vous expliquez avoir vécu avec votre tante à … depuis 2015, étant donné que vos parents seraient décédés, mais précisez qu'au 1er janvier 2019 vous auriez vécu pendant 2un an à … auprès d'un pasteur, puis pendant encore approximativement quelques semaines à …, auprès d'un autre pasteur.
Vous expliquez qu'en cas de retour dans votre pays d'origine vous craindriez d'être persécuté par un groupe terroriste surnommé « Alsaround (phonétique) » (p.10 du rapport d'entretien). Il s'agit en l'occurrence du groupe salafiste djihadiste Ansarul Islam, actif au Burkina Faso et au Mali depuis décembre 2016. A cet égard, vous expliquez qu'« ils obligent les gens à se convertir à l'islam » (p. 10 du rapport d'entretien) et qu'ils auraient souhaité que vous adhériez à leur groupe. Vous expliquez entre autres que si vous refuseriez leur proposition, ces derniers seraient susceptibles de vous tuer (p.11 du rapport d'entretien).
Vous précisez ensuite que le groupe terroriste en question aurait d'abord mandaté un de vos amis, un dénommé (B), afin qu'il vous persuade de rejoindre leurs rangs. Le groupe se serait ensuite présenté « une seule fois » (p.13 du rapport d'entretien) à votre domicile à … « au courant de 2018 » (p.11 et 13 du rapport d'entretien), plus précisément lors du « 10e mois de 2018 » (p.15 du rapport d'entretien). Ces derniers auraient été au nombre de deux et vous auraient exposé leur politique de recrutement, tout en expliquant qu'ils souhaiteraient travailler avec vous (p.14 du rapport d'entretien). Cependant, vous n'auriez pas souhaité donner de réponse immédiatement, de sorte qu'ils vous auraient laissé un délai de réflexion, tout en prenant vos coordonnées (p.15 du rapport d'entretien).
Dans la nuit du 1er janvier 2019, après avoir déjà reçu plusieurs menaces téléphoniques de leur part, vous auriez reçu un autre appel déterminant vous informant « qu'ils allaient venir [vous] chercher » (p.15 du rapport d'entretien). Vous auriez alors fui votre domicile pour aller vous réfugier auprès d'un pasteur, un dénommé (C), ancien ami de votre père décédé, auprès duquel vous seriez resté pendant approximativement une année, alors que ce dernier vous aurait aidé à effectuer des démarches administratives pour l'obtention d'un visa Schengen pour le Luxembourg à l'Ambassade de Belgique à … (p.10 du rapport d'entretien). Vous expliquez encore que les menaces téléphoniques de la part du groupe djihadiste Ansarul auraient continuées pendant tout ce temps et jusqu'au départ de votre pays d'origine (p. 13 et 14 du rapport d'entretien) en date du 7 février 2020 (p.6 du rapport d'entretien).
A l'appui de votre demande de protection internationale, vous ne présentez aucun document d'identité et vous remettez uniquement les documents suivants:
− Une attestation d'immatriculation délivrée à Arlon sous le numéro …., émise le … février 2020 et valable jusqu'au 16 juin 2020, prorogée ensuite jusqu'au … octobre 2020;
− une carte de la Croix-Rouge belge.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant à la crédibilité de votre récit Il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle.
3 Il y a lieu de préciser dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.
Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015.
En effet et avant tout autre développement, il y a lieu de soulever qu'il se dégage de la lecture de votre entretien que vous dites tout et son contraire et que vos réponses sont de manière générale très incohérentes, de sorte qu'il est difficilement compréhensible de se faire une idée concrète de votre vécu. Par conséquent, la crédibilité de votre récit et la sincérité de vos dires sont sérieusement mises à mal.
Premièrement, il convient d'emblée de constater qu'il ressort d'une analyse comparative que les informations que vous avez renseignées lors de votre demande de visa Schengen ne sont tout simplement pas intelligibles avec les informations que vous avez renseignées auprès de la Direction de l'immigration lors de l'introduction de votre demande de protection internationale.
En effet, il ressort de votre demande de visa Schengen que vous seriez marié à une dénommée Madame (D), que vous auriez deux enfants ensemble et que vous seriez directeur commercial (cf. dossier demande de visa Schengen), informations qui sont tout et son contraire lorsqu'on analyse votre demande de protection internationale, alors que vous y indiquez être célibataire (p.2 du rapport d'entretien), avoir un seul enfant, dont la mère se prénommerait (E) et non pas (D) (p.8 du rapport d'entretien) et ne pas être directeur commercial, mais couturier (p.4 et 5 du rapport d'entretien).
Or, Monsieur, il va de soi que vous mentez ouvertement aux autorités luxembourgeoises depuis le début de la procédure, et même depuis le tout début, c'est-à-dire depuis l'introduction de votre demande de visa, alors que vous êtes en défaut de fournir des informations linéaires et basiques vous concernant. Le fait que vous tentez vainement de justifier ces incohérences en affirmant, d'une part, que vous n'auriez pas vous-même effectué les démarches pour l'obtention de votre visa Schengen et que, d'autre part, se serait la personne qui s'en serait chargée qui aurait renseigné toutes ces fausses informations afin de « faciliter le voyage » (p.3 du rapport d'entretien), ne saurait emporter aucune conviction qui permettrait de contrebalancer ces constats flagrants.
Vos mensonges sont d'autant plus soutenus, alors que vous avouez que les informations renseignées lors de votre demande de visa Schengen ainsi que les pièces annexées sont construites et falsifiées de toutes pièces (p.3 du rapport d'entretien). Par conséquent, il convient sérieusement de s'interroger si votre demande de visa Schengen ne constitue pas une machination organisée dans le but de vous installer coûte que coûte en Europe, machination encore renforcée par le fait que vous avez indiqué le Luxembourg comme Etat de destination 4de votre demande de visa Schengen pour faire du tourisme, mais que vous n'êtes jamais venu au Luxembourg. Au contraire, après avoir atterri en France, vous vous êtes immédiatement rendu en Belgique, où vous y avez séjourné pendant un laps de temps et y avez introduit une demande de protection internationale. Or, lorsque les autorités belges vous ont expliqué que vous seriez transféré vers le Luxembourg, pays responsable de votre demande de protection internationale, vous semblez surpris et déconcerté (p.6 du rapport d'entretien), ce qui confirme votre intention de ne jamais avoir voulu venir au Luxembourg, mais d'avoir fait une demande de visa uniquement pour pouvoir vous établir en Europe.
Ainsi, il n'en demeure pas moins de s'interroger sur l'authenticité de votre récit avancé au courant de votre entretien et sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, alors que la question se pose de savoir pourquoi les autorités luxembourgeoises croiraient à votre histoire cette fois-ci, étant donné que vous avez ouvertement menti pour obtenir votre visa.
Deuxièmement, la sincérité et la crédibilité de votre récit sont encore remises en cause, alors que de nombreuses réponses de votre part se contredisent et sont par conséquent dénuées de tout sens.
En effet, le motif de fuite principal que vous avez relaté lors de votre entretien individuel et selon lequel le groupe djihadiste Ansarul serait à votre recherche étant donné que vous n'auriez pas souhaité adhérer à leur groupe, ne correspond pas au motif de fuite que vous avez renseigné lors de votre passage auprès de la Police Judiciaire, alors que vous y avez expliqué avoir fui votre pays d'origine « da die Terroristen in unserem Viertel geschossen haben » (p.2 du rapport du Service de Police Judiciaire). Or, force est de constater que tout au long de votre entretien individuel, certes vous mentionnez le groupe djihadiste, mais vous ne mentionnez à aucun moment qu'il y aurait eu des tirs dans votre village. Ainsi, cela remet d'ores et déjà clairement en cause vos réels motifs de fuite de votre pays d'origine.
Dans cette même lignée, une autre contradiction importante ressort clairement de votre récit et a trait à l'absence d'un document d'identité de votre part, plus particulièrement votre passeport, alors que vous expliquez que vous l'auriez « perdu » (p.6 du rapport d'entretien), puis qu'on vous l'aurait « volé » (p.6 du rapport d'entretien). Vous n'êtes donc manifestement pas convaincu quelle serait la meilleure version à utiliser pour justifier cette absence de passeport. Vous expliquez encore concernant la date d'établissement de ce passeport, ne pas vous souvenir de la date (p.6 du rapport d'entretien), pour ensuite expliquer qu'il aurait été établi en 2019 lorsque vous auriez résidé chez le pasteur, Monsieur (C), qui aurait d'ailleurs effectué la demande à votre place (p.7 du rapport d'entretien). Or, d'après nos informations votre passeport aurait été établi le 13 octobre 2016, de sorte que vous semblez visiblement vous perdre dans vos propres mensonges en changeant de versions, constat une nouvelle fois renforcé alors que l'obtention d'un passeport biométrique nécessite les empreintes digitales de la personne concernée, de sorte qu'il est manifestement impossible que vous n'ayez pas fait votre demande de passeport vous-même (p. 7 du rapport d'entretien).
De plus, vous expliquez ne pas être en possession d'un autre document permettant de confirmer votre identité, tel que par exemple une carte d'identité, ce qui est totalement déconcertant alors que vous vous êtes présenté auprès des autorités belges avec une carte d'identité burkinabé, portant le numéro …, délivrée le … juin 2015 et valable jusqu'au … juin 2025 (cf. demande de reprise en charge adressée aux autorités luxembourgeoise de la part des autorités belges). Ladite carte d'identité mentionne d'ailleurs que la personne à prévenir en cas 5de besoin serait un dénommé (F), personne que vous n'avez à aucun moment mentionné lors de votre entretien individuel au Luxembourg, de sorte qu'il convient à nouveau d'émettre de sérieux doutes quant à la crédibilité des informations données, alors que cette personne doit manifestement jouer un rôle important dans votre vie, si celle-ci avait le privilège de se trouver inscrite sur le verso de votre carte d'identité en tant que personne de contact en cas d'urgence.
Troisièmement, il y a lieu de souligner que votre récit est encore parsemé d'autres incohérences mineures qui, prises dans leur globalité, ne font que réduire la crédibilité de votre récit.
En effet, lors de votre entrevue avec le service de Police Judiciaire vous omettez de décrire toutes les étapes de votre trajet vers l'Europe, alors que vous ne mentionnez pas avoir quitté … en transitant par la Tunisie (p.6 du rapport d'entretien), mais au contraire que vous auriez quitté le Burkina Faso en avion directement vers la France (p. 2 du rapport du Service de Police Judiciaire).
En outre, il ne ressort pas clairement de votre entretien individuel quel aurait réellement été votre provenance et votre dernier lieu de séjour au Burkina Faso, alors que vous expliquez, d'abord, avoir habité à …, puis avoir habité chez le pasteur (C) à … (p.4 du rapport d'entretien), pour encore avancer avoir dernièrement résidé à … auprès d'un autre pasteur (p. 6 du rapport d'entretien). Or, il ressort également de votre carte d'identité burkinabè, dont une copie a été remise par les autorités belges, que vous auriez habité dans la province de … à …, alors que ce lieu y ait mentionné officiellement sur le verso de ladite carte.
Toujours dans cette lignée, vous expliquez également avoir vécu depuis novembre 2015, à savoir depuis vos … ans, avec votre tante (p.4 du rapport d'entretien), étant donné que vos parents seraient décédés. Or, cela ne correspond manifestement pas à vos affirmations, selon lesquelles vous auriez eu … ans lorsque votre père serait décédé (p.9 du rapport d'entretien), respectivement … ans lorsque votre mère serait décédée (p.9 du rapport d'entretien), de sorte qu'il convient sérieusement de s'interroger où vous auriez été, respectivement chez qui vous auriez été depuis vos … ans, respectivement et pas des moindres, si vos propos allégués sont véridiques.
Force est encore de souligner que nombreuses de vos réponses sont également très vagues, générales et imprécises, alors que vous avancez à de nombreuses reprises ne pas savoir, penser ou même croire (p.5, 7, 12, 13, 15 du rapport d'entretien), ce qui ne joue clairement pas en votre faveur, étant donné que vous émettez la majorité du temps de simples suppositions, qui ne sauraient appuyer la vérité des faits que vous relatez.
Quatrièmement, le manque de crédibilité de votre récit est encore renforcé en raison de votre comportement totalement inactif et passif depuis l'introduction de votre demande de protection internationale.
En effet, force est de constater que vous ne remettez aucun document concluant qui permettrait de corroborer vos propos ou qui permettrait, du moins partiellement, de lever les doutes quant à la crédibilité de votre histoire. Ce constat est d'autant plus renforcé alors que vous expliquez vous-même que les documents que vous avez annexés à votre demande de visa Schengen sont falsifiés, de sorte qu'on ne sait plus quoi croire. Or, vous n'avez manifestement entrepris aucune démarche pour vous procurer des pièces concluantes par rapport à vos dires 6afin de les mettre à disposition des autorités desquelles vous souhaitez obtenir une protection, afin de lever les doutes.
Cinquièmement, il convient de mettre en cause votre réelle intention de départ de votre pays d'origine et donc logiquement vos prétendus motifs de fuite.
En effet, force est de constater que les prétendus faits que vous relatez remontent à novembre 2018 et qu'il ne vous serait plus jamais rien arrivé par la suite à part des prétendues menaces téléphoniques sporadiques, qui ne sauraient aucunement être avérées alors qu'elles n'ont jamais été suivies d'un quelconque fait concret. Il en va de même, alors que vous avez uniquement jugé nécessaire de quitter votre pays d'origine en février 2020, en subordonnant votre prétendu besoin de fuite à l'attente de l'émission d'un visa Schengen, ce qui ne saurait que confirmer que votre situation dans votre pays d'origine n'est pas telle à y rendre votre vie intolérable. En effet, il peut logiquement être attendu d'une personne prétendument recherchée, menacée et en danger de mort en raison d'un groupe djihadiste, qu'elle fuit son pays au plus vite et n'attende pas deux ans avant de quitter ledit pays pour se mettre en sécurité, de sorte que vos motifs de fuites ne semblent manifestement pas être la véritable cause de votre départ de votre pays d'origine.
Au vu de ce qui précède, il convient de déduire après la lecture des éléments de votre dossier, notamment de votre demande de visa Schengen et de votre entretien individuel, que vos prétendus motifs de fuite sont inventés de toutes pièces dans le but unique d'aggraver votre situation et d'augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale. Dans ce même sens, votre but était manifestement de vous installer par tous les moyens en Europe.
Partant, votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.
Quand bien même votre récit serait crédible, quod non, il s'avère que vous ne remplissez pas les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, respectivement pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».
L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes 7soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Monsieur, vous déclarez que votre vie serait sérieusement en danger depuis que le groupe djihadiste Ansarul serait à votre recherche, alors que vous expliquez qu'« ils obligent les gens à se convertir à l'islam » (p. 10 du rapport d'entretien) et qu'ils auraient souhaité que vous adhériez à leur groupe, mais que vous auriez refusé leur proposition. Vous craindriez désormais que le groupe terroriste soit susceptible de vous tuer (p.11 du rapport d'entretien), alors que vous auriez reçu des menaces téléphoniques de leur part (p.13 et 14 du rapport d'entretien).
Il convient de noter que les faits dont vous faites état pourraient a priori entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève, à savoir votre religion, alors que le groupe terroriste Ansarul aurait souhaité que vous rejoignez leur groupe et que vous vous convertissiez à l'islam.
Or, force est de constater que les problèmes, respectivement les faits que vous décrivez ne revêtent pas un degré de gravité suffisant tels qu'ils puissent être assimilés à un acte de persécution ou une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
En effet, premièrement, force est de relever que les personnes, que vous dites appartenir au groupe terroriste Ansarul, et qui seraient désormais à votre recherche et susceptibles de vous tuer, ne se seraient jamais montrées insistantes ni agressives envers vous, alors que le groupe aurait d'abord mandaté un de vos amis, un dénommé (B), afin qu'il vous persuade de rejoindre leurs rangs, que le groupe, au nombre de deux, se serait ensuite présenté « une seule fois » (p.13 du rapport d'entretien) à votre domicile à … en vous exposant tout simplement leur volonté de vous recruter (p.14 du rapport d'entretien), qu'il serait ensuite reparti en vous laissant un délai de réflexion pour leur donner votre réponse, tout en prenant vos coordonnées (p.15 du rapport d'entretien).
En ce qui concerne ensuite, les menaces téléphoniques que vous auriez reçues de leur part après leur passage à votre domicile alors que vous n'auriez pas donné suite à leur proposition (p.13 et 14 du rapport d'entretien), force est de constater que de telles menaces non suivies d'un quelconque fait concret ne revêtent pas un degré de gravité tel à pouvoir être considérées comme une crainte fondée ou des actes de persécutions au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
Cette conclusion s'impose d'autant plus, alors que ce groupe terroriste aurait manifestement été au courant de votre adresse, étant donné que deux personnes de ce groupe se seraient déjà présentées à votre domicile, de sorte que s'ils vous avaient réellement eu dans leur collimateur, ils ne se seraient pas bornés à vous menacer par téléphone, mais au contraire s'en seraient immédiatement pris à vous. Le fait que vous vous soyez enfui de votre domicile pour aller vous réfugier auprès du pasteur dans un autre village et ce après cet appel déterminant du 1er janvier 2019 lors duquel ils vous auraient dit qu'ils allaient venir vous chercher (p.15 du rapport d'entretien) ne saurait emporter aucune conviction quant à la gravité des faits, alors qu'il ne vous serait toujours rien arrivé par la suite, ce qui est d'autant plus curieux, alors que vous avez vous-même expliqué que le groupe aurait été actif partout sur le 8territoire, qu'ils auraient pu vous retrouver facilement et que vous n'auriez pas pu leur échapper (p.14 et 16 du rapport d'entretien).
A cet égard toujours, il convient encore de relever que le fait que vous expliquiez que le jour où les deux membres du groupe se seraient présentés à votre domicile, ils auraient « tué le chef de village et 5 autres personnes de sa famille » (p. 10 du rapport d'entretien), ne signifie pas d'office que ce groupe s'en serait également pris à vous en employant les mêmes moyens, alors que comme prédit ces personnes n'auraient à aucun moment été menaçantes, insistantes ou encore agressives envers vous, constat qui renforce à nouveau le raisonnement selon lequel vos faits ne sont pas d'une gravité suffisante pour être assimilé à une crainte fondée de persécution ou un acte de persécution, alors que ces personnes ne seraient très certainement pas passées par quatre chemin s'ils avaient réellement voulu s'en prendre à vous.
Force est encore de souligner que la gravité de vos affirmations est également mise en échec, alors qu'il s'agit de faits relativement anciens, qui remontent à novembre 2018 et que vous avez uniquement jugé nécessaire de quitter votre pays d'origine en février 2020, soit approximativement deux ans après les faits en question, de sorte que vous avez vous-même estimé que votre situation ne serait pas d'une telle gravité à y rendre votre vie dans votre pays d'origine intolérable. Ce constat est d'autant plus confirmé, alors que vous avez subordonné votre départ de votre pays d'origine à l'attente de l'émission d'un visa Schengen, ce que vous confirmez d'ailleurs vous-même, lorsque vous dites avoir attendu que le pasteur « avance dans les démarches pour le visa » (p.17 du rapport d'entretien) avant de quitter le Burkina Faso.
Or, les faits que vous décrivez ne revêtent manifestement pas un degré de gravité telle que vous souhaitez le faire croire aux autorités luxembourgeoises, alors qu'une personne réellement recherchée, menacée et en danger de mort en raison d'un groupe djihadiste, n'attendrait certainement pas autant de temps avant de quitter son pays d'origine pour se mettre en sécurité.
Ainsi, et au vu de toutes ces considérations, il convient de conclure que la crainte de subir des représailles dont vous faites part doit davantage s'analyser en un sentiment général d'insécurité, qui ne saurait être de nature à justifier dans votre chef l'octroi du statut de réfugié.
Même à supposer que vos problèmes seraient à qualifier d'actes de persécution motivés par un des cinq motifs de fond de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, il convient de constater que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, ceux-ci peuvent être considérés comme fondant une crainte légitime uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités du Burkina Faso.
Or, force est de souligner, que vous n'avez pas jugé nécessaire de porter plainte contre les menaces de ce groupe terroriste (p.16 du rapport d'entretien), ni jugé nécessaire de solliciter une quelconque forme d'aide auprès des autorités de votre pays. En effet, vous expliquez que vous ne vous seriez jamais personnellement adressé aux autorités car vous auriez eu « peur de sortir » et peur « de vous faire prendre » par les membres d'Ansarul (p.16 du rapport d'entretien), en précisant que se serait le pasteur qui du coup vous aurait représenté auprès des autorités et leur aurait fait part de votre situation (p.16 du rapport d'entretien).
Ainsi, force est de constater que vous-même n'avez jamais déposé une quelconque plainte auprès des autorités, de sorte qu'il semble évident que les forces de l'ordre n'aient pas donner suite ou encore n'aient entrepris aucunes démarches concrètes, alors que la plainte n'émanait pas de vous personnellement. Ainsi, vous ne sauriez vous retrancher derrière votre inaction 9pour reprocher une quelconque défaillance, respectivement, absence d'action des autorités burkinabè compétentes.
Toujours en ce qui concerne les autorités du Burkina Faso, il convient à toutes fins utiles de pointer du doigt que les autorités burkinabè ont adopté la loi n°084/2015/CNT portant modification de la loi n°06/2009/AN relative à la répression d'actes de terrorisme, ce qui démontre clairement la détermination de l'Etat burkinabè de réprimer tout acte de terrorisme dans le pays.
De plus, les autorités ne sont pas impuissantes en ce qui concerne les combats contre les groupes djihadistes, dont fait notamment parti Ansarul Islam, alors qu'elles sont activement impliquées dans la lutte contre ces organisations criminelles et que le nouveau chef d'Etat a d'ailleurs également annoncé le renforcement de la lutte contre le terrorisme en 2023.
« Pour son premier discours de fin d'année, le capitaine Ibrahim Traoré salue les récents efforts des forces de défense et de sécurité dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Alors qu'il a récemment instruit le recrutement de milliers de volontaires pour la défense de la Patrie, le Président de la transition Ibrahim Traoré annonce la formation de ceux-ci, mais surtout plus de moyens logistiques et des infrastructures routières, éléments nécessaires pour de bonnes performances militaires ».
L'action du gouvernement dans la lutte contre les groupes terroristes est encore à souligner alors que « ces derniers mois, le Burkina Faso a multiplié les rencontres internationales avec la Russie, la France, la Turquie ou bien encore la Chine pour obtenir du matériel militaire pour son armée et ses supplétifs. (…) Les livraisons d'armes, que ce soit par le biais de dons ou de facilités d'achats peuvent effectivement permettre de renverser le rapport de force. (…) Depuis peu, l'armée s'est dotée de drones armés turcs, qui dans ce contexte pourraient se révéler efficaces (…) ».
Finalement, « le Gouvernement invite l'ensemble de la population burkinabè à une franche collaboration avec les Forces de défense et de sécurité, ainsi qu'au strict respect des consignes de sécurité édictées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le Gouvernement reste fermement engagé à ne ménager aucun effort pour la protection des populations contre les violations et atteintes aux Droits humains ».
Ainsi, le gouvernement burkinabè manifeste très clairement sa volonté de combattre le fléau islamiste dans son pays et ne reste en tout état de cause pas inactif face à cette problématique liée aux groupes terroristes, qu'il essaie, au contraire, d'endiguer en renforçant son arsenal militaire.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas 10ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.
En l'espèce, il ressort à suffisance de votre dossier administratif que vous fondez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande en reconnaissance du statut de réfugié.
Or, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il apert que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, respectivement que les autorités burkinabè seraient dans l'impossibilité de vous offrir une protection. En effet, comme déjà prédit ci-dessus, les autorités burkinabè sont actives en ce qui concerne les combats contre les groupes djihadistes, dont fait notamment parti Ansarul Islam, alors que le gouvernement est activement impliqué dans la lutte contre ces organisations criminelles et que le nouveau chef d'Etat a également annoncé le renforcement de la lutte contre le terrorisme en 2023.
Bien qu'il s'avère que la situation sécuritaire dans certaines régions du Burkina Faso est alarmante, en ce que la population civile est attaquée par des groupes armés islamistes, il n'en reste pas moins que ces violences affectent principalement la région du … ou encore certaines régions au … et au … du pays.
Dans la mesure où vous expliquez, certes avoir résidé depuis 2015 à …, respectivement à partir de 2019 à …, villes qui se situent dans ces régions, force est de constater que vous êtes initialement originaire de … et y avez vécu pendant 27 ans jusqu'en 2015, ville qui se situe dans la région du … du Burkina Faso, et où vos craintes d'être victime de violences aveugles de la part des djihadistes ne sont pas fondées.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
• Quant à la fuite interne En vertu de l'article 41 de la Loi de 2015, le Ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.
Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les 11lignes directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.
En l'espèce, il ressort à suffisance de vos dires que les problèmes dont vous faites état n'ont qu'un caractère local et concernent uniquement la région du … et les régions du … respectivement du … du Burkina Faso. Ainsi, vous auriez manifestement pu vous établir par votre propre chef dans une autre ville ou une autre région du Burkina Faso.
Notons d'ailleurs qu'étant donné que vous êtes un jeune homme en bonne santé, vous n'auriez eu et vous n'aurez aucun problème à reconstruire votre vie et à trouver un travail dans une autre région de votre pays d'origine. En effet, alors que vous êtes initialement originaire de … et que vous y avez d'ailleurs vécu pendant 27 ans jusqu'en 2015 vous auriez manifestement pu et vous pourriez d'ailleurs toujours vous établir dans ladite région, alors que la situation sécuritaire dans la région du …, dont la ville de … fait partie, n'est pas telle à y rendre votre vie intolérable et impossible.
Vous restez donc en défaut de soumettre une raison valable qui puisse justifier l'impossibilité de votre réinstallation dans votre pays d'origine, de sorte que les critères énumérés à l'article 41 paragraphe 2 de la Loi de 2015 s'avèrent être remplis.
Au vu de tout ce qui précède, vos motifs ne constituent donc pas un obstacle à une réinstallation dans votre pays d'origine.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.
Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Burkina Faso, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 27 février 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Par jugement du 27 février 2025, le tribunal administratif déclara ce recours recevable mais non fondé, partant en débouta, le tout en condamnant le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 2 avril 2025, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.
L’appelant réitère en substance son exposé antérieur des faits qui l’auraient amené à quitter le Burkina Faso, son pays d'origine. Il dit craindre d’être exposé à des persécutions ou à des atteintes graves, en cas de retour dans son pays d’origine, en raison de la menace que ferait peser sur lui le groupe armé terroriste islamiste Ansaroul Islam. Des membres de ce groupe auraient fait pression sur lui pour qu’il rejoigne leur groupe, en se servant d’un de ses amis, puis en se rendant à son domicile pour le menacer de mort s’il ne les rejoignait pas. Dans la nuit 12du 31 décembre 2018 au 1er janvier 2019, alors qu’il se trouvait à l’église, des membres de ce groupe se seraient présentés à son domicile afin de l’emmener. Ayant pris peur, il se serait réfugié chez un pasteur où il serait resté jusqu’en janvier 2020, puis il se serait rendu à … chez un autre pasteur, qui lui aurait obtenu un visa Schengen de la part des autorités luxembourgeoises. Il aurait alors quitté le 7 février 2020 son pays d'origine et se serait rendu en Belgique où il aurait demandé l’asile, mais aurait été transféré au Luxembourg en date du 30 septembre 2020.
En droit, après avoir exposé plusieurs considérations théoriques et jurisprudentielles relatives à la notion de réfugié, l’appelant reproche aux premiers juges, en retenant qu’il n’aurait fait l’objet que de simples menaces verbales non suivies d’un quelconque acte, d’avoir minimisé la gravité des menaces pesant sur lui de la part des groupes terroristes. A cet égard, il précise qu’il aurait vécu caché durant toute l’année précédant sa fuite, afin que le pasteur François lui organise son départ.
Il invoque ensuite la situation sécuritaire dans son pays d'origine où divers groupes terroristes se seraient installés et seraient toujours actifs. Il reproche ainsi aux premiers juges de ne pas avoir pris en considération les méthodes de recrutement employées par ces groupes terroristes qui useraient notamment de la manipulation psychologique sur les civils considérés comme des cibles potentielles en raison de leur faiblesse économique, familiale ou de leur jeunesse. Il serait évident que les individus qui l’auraient approché ne se seraient pas cantonnés à accepter son refus, ne serait-ce que pour garder la face, mais aussi parce qu’il les aurait pu identifier puisqu’il aurait vu leurs visages. En refusant de les rejoindre, il serait devenu une menace pour ces individus. La menace de mort qui pèserait sur lui serait dès lors bien réelle et suffisamment grave pour lui valoir la reconnaissance du statut de réfugié. Ce constat serait corroboré par le fait que les membres de ce groupe auraient tué six personnes dans son village le même jour où ils l’auraient contacté afin qu’il rejoigne leurs rangs.
Il soutient encore que les premiers juges auraient mal apprécié la situation sécuritaire au Burkina Faso, estimant au contraire qu’il ne pourrait pas y retourner en toute sécurité. A cet effet, il se prévaut notamment d’un rapport de juillet 2021 du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, intitulé « UNHCR POSITION ON RETURNS TO BURKINA FASO », et de divers articles de presse faisant état d’attaques terroristes dans ce pays.
Sur ce, l’appelant sollicite, par réformation du jugement entrepris, la reconnaissance du statut de réfugié.
En ordre subsidiaire, il sollicite l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, en insistant encore sous cet angle sur la détérioration de la situation sécuritaire dans son pays d'origine, et plus particulièrement dans sa ville de provenance ….
Concernant l’ordre de quitter le territoire, l’appelant sollicite sa réformation comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale.
En ordre subsidiaire, il soutient que la décision litigieuse serait contraire à l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, dans la mesure où un retour au Burkina Faso serait suivi dans son chef de persécutions ou d’atteintes graves.
13 L’Etat, pour sa part, conclut à la confirmation du jugement dont appel, tout en insistant encore sur le défaut de crédibilité du récit de l’appelant.
Il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, que doit être considérée comme réfugiée toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’octroi d’une protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
Dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile. La crédibilité du récit de ce dernier constitue en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’examen du bien-fondé de sa demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.
14Ceci étant dit, sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour arrive à la conclusion que les premiers juges les ont appréciés à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.
L’appelant se prévaut en substance de sa crainte de faire l’objet de persécutions sinon d’atteintes graves de la part du groupe djihadiste Ansaroul Islam pour avoir refusé de rejoindre ses rangs.
Au-delà de toutes considérations ayant trait à la crédibilité du récit de l’appelant et indépendamment de la qualification des faits invoqués à l’appui de la demande de protection internationale, la Cour est amenée à rejoindre le tribunal en ce qu’il a considéré que les menaces verbales non suivies d’un quelconque acte de violence concret, remontant par ailleurs à fin 2018, ne sauraient suffire pour retenir, à l’heure actuelle, dans le chef de l’appelant une crainte justifiée de persécution ou un risque réel de subir des atteintes graves, en cas de retour dans son pays d'origine.
A l’instar des premiers juges, la Cour arrive dès lors à la conclusion que les craintes de l’appelant de faire actuellement l’objet de persécutions, respectivement d’atteintes graves de la part de ce groupe djihadiste en raison de son refus de rejoindre ses rangs sont trop hypothétiques pour justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.
En ce qui concerne la situation sécuritaire régnant actuellement au Burkina Faso, entrevue sous l’angle de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, qui selon l’appelant serait à elle seule de nature à justifier dans son chef l’octroi du statut de protection subsidiaire, c’est à bon droit que les premiers juges ont rappelé que ce statut ne saurait être octroyé que si l’étranger est exposé à une menace grave contre sa vie ou sa personne, en tant que civil, en raison de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international.
Les nouvelles pièces versées par l’appelant à l’appui de sa requête d’appel ne permettent pas de remettre en cause l’analyse pertinente que les premiers juges ont faite de la situation sécuritaire prévalant au Burkina Faso.
En effet, s’il ressort des informations soumises en cause que les conditions de sécurité dans plusieurs régions du Burkina Faso sont plus que problématiques et qu’il peut y être conclu à l’existence d’une situation de violence aveugle exposant les personnes originaires de ces régions de manière indiscriminée à un risque réel d’atteintes graves, il n’en reste pas moins que ces violences commises par des groupes terroristes islamistes affectent principalement les régions Boucle du Mouhoun, Cascades, Centre-Est, …, Est, Hauts-Bassins, Nord et …, ainsi que cela se dégage du rapport précité de l’UNHCR de juillet 2021 qui appelle les autorités en matière d’asile à faire preuve de plus de prudence dans l’examen des demandes de protection internationale des personnes originaires de ces régions.
En ce qui concerne la région de provenance de l’appelant, celui-ci a déclaré avoir vécu jusqu’à l’âge de … ans à …, puis avoir rejoint sa tante à … en 2015, pour ensuite vivre durant un an dans la ville de … et, avant son départ du pays, encore quelques semaines à ….
Si le village de … et la ville de … sont certes situées dans la région du … connaissant un contexte de violence aveugle, d’après le rapport précité de l’UNHCR, la Cour rejoint cependant la partie étatique en ce qu’elle relève que l’appelant est initialement originaire de …, ville située 15dans la région du … du Burkina Faso, où il a déclaré avoir vécu pendant … ans jusqu’en 2015, et qu’il ne ressort pas des informations versées au dossier que la situation prévalant dans cette région précise correspondrait actuellement à une situation de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.
Dès lors qu’il n’est pas conclu à l’existence d’une situation de violence aveugle dans la région du …, il n’y a pas lieu d’examiner la question de l’existence, dans le chef de l’appelant, d’éventuels éléments propres à sa situation personnelle qui pourrait aggraver dans son chef le risque lié à une telle violence aveugle.
Il s’ensuit que la Cour ne saurait conclure qu’en cas de retour dans la région du … du Burkina Faso dont il est initialement originaire, l’appelant courrait un risque réel de subir des menaces graves contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.
Partant, il découle des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre d’abord, puis les premiers juges ont rejeté la demande en obtention d’une protection internationale, prise sous son double volet.
Enfin, concernant l’ordre de quitter le territoire, l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose qu’« une décision du ministre vaut décision de retour. (…) » et en vertu de l’article 2 sub q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », de sorte que l’ordre de quitter est à considérer comme constituant la conséquence automatique du refus de protection internationale, avec comme conséquence pour le cas d’espèce, où le rejet ministériel de la demande de protection internationale vient d’être déclaré justifié, dans ses deux volets, que l’ordre de quitter n’est pas sérieusement critiquable, ni critiqué.
En ce qui concerne le moyen fondé sur l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008, la Cour relève qu’au regard de ce qui vient d’être retenu par rapport au caractère non fondé des craintes de l’appelant, en cas de retour dans son pays d’origine, le moyen afférent est encore à rejeter.
L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;
reçoit l’appel en la forme;
au fond, le déclare non justifié et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris du 27 février 2025;
donne acte à l’appelant de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire;
16condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN s. SCHINTGEN s. CAMPILL 17