N° 153 / 2023 pénal du 21.12.2023 Not. 24156/10/CD Numéro CAS-2022-00092 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-et-un décembre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse au civil, demanderesse en cassation, comparant par la société en commandite simple CLIFFORD CHANCE, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Albert MORO, avocat à la Cour, en présence du Ministère public et de PERSONNE1.), né le DATE1.) à Luxembourg, demeurant à I-ADRESSE2.), défendeur au civil, défendeur en cassation, comparant par Maître Lydie LORANG, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 13 juillet 2022 sous le numéro 228/22 - X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Sébastien SCHMITZ, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Albert MORO, avocat à la Cour, au nom de la société anonyme SOCIETE1.), suivant déclaration du 12 août 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 7 septembre 2022 par la société anonyme SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 9 septembre 2022 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 30 septembre 2022 par PERSONNE1.) à la société SOCIETE1.), déposé le 3 octobre 2022 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Sandra KERSCH ;
Vu le mémoire en réplique signifié le 13 novembre 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 14 novembre 2023 au greffe de la Cour.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la demanderesse en cassation avait requis auprès de la Cour d’appel, siégeant en matière correctionnelle, la restitution de 319 montres dont elle affirmait être propriétaire, saisies au domicile du défendeur en cassation dans le cadre d’une information judiciaire ouverte contre ce dernier et confisquées à titre de biens substitués à l’objet de l’infraction d’abus de biens sociaux par un arrêt du même jour, statuant sur la culpabilité du défendeur en cassation. La Cour d’appel n’a pas fait droit à cette demande.
Sur la recevabilité du pourvoi L’article 2 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose « Les cas d’annulation ou de cassation en matière pénale sont réglés par le Code de procédure pénale. ».
L’article 407 du Code de procédure pénale dispose « Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort en matière criminelle, correctionnelle ou de police, peuvent être annulés en cas de violation de la loi sur pourvoi en cassation formé par le ministère public, le prévenu ou la partie civile, (…) ».
2 La société SOCIETE1.) conclut à la recevabilité du pourvoi au motif qu’une décision d’irrecevabilité en application des dispositions de l’article 407 du Code de procédure pénale la priverait de ses droits de défense, notamment du droit d’accès au juge, garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention »), du droit à un recours effectif, garanti par l’article 13 de la Convention, et du droit à un procès équitable, garanti par l’article 110 de la Constitution, dans sa version applicable au 1er juillet 2023, ainsi que de son droit de propriété, garanti par l’article 36 de la Constitution, dans sa version applicable au 1er juillet 2023.
Le droit d’accès au juge, garanti par l’article 6 de la Convention, n’est pas absolu. Les Etats peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et à en fixer les conditions d’exercice.
L’article 13 de la Convention garantit à toute personne, dont les droits et libertés reconnus par la Convention ont été violés, un recours effectif devant une instance nationale. Il n’a cependant pas d’existence indépendante et ne peut être appliqué que combiné avec ou au regard d’un ou de plusieurs articles de la Convention.
L’article 407 du Code de procédure pénale, en ce qu’il limite l’exercice du recours en cassation contre l’arrêt rendu en matière pénale au Ministère public, au prévenu et à la partie civile fixe les modalités de ce recours sans enfreindre les articles 6 et 13 de la Convention et l’article 110 de la Constitution qui couvre les mêmes droits que ceux garantis par l’article 6 de la Convention.
Il n’enfreint pas non plus l’article 36 de la Constitution, qui, en ce qu’il protège la propriété, traite d’une question de fond et non de recevabilité d’un recours en cassation.
Il s’ensuit que le pourvoi, introduit par une personne qui n’est ni prévenue ni partie civile et qui ne représente pas le Ministère public, est irrecevable sur base de l’article 407 du Code de procédure pénale.
La demanderesse en cassation entend, à titre subsidiaire, voir soumettre à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
« Les dispositions de l’article 407 du Code de procédure pénale, qui prévoient que les arrêts et jugements rendus en dernier ressort en matière criminelle, correctionnelle ou de police, peuvent être annulés en cas de violation de la loi sur pourvoi en cassation formé par le ministère public, le prévenu ou la partie civile, en ce qu’elles ne prévoient pas l’hypothèse du tiers à la procédure pénale partie à l’instance dans laquelle il est statué sur sa demande de restitution, sont-elles conformes à l’article 36 de la Constitution qui garantit le droit de propriété, ainsi qu’à l’article 110 de la Constitution qui garantit le caractère équitable et loyal des procédures, et le respect du contradictoire ? ».
Il résulte des développements qui précèdent que la question soulevée est dénuée de tout fondement.
3 Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de la poser.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation déclare le pourvoi irrecevable, condamne la demanderesse en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 2,25 euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-et-un décembre deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, président de chambre à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Anita LECUIT et du greffier Daniel SCHROEDER.
4 Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de SOCIETE1.) et PERSONNE1.), en présence du Ministère public (affaire CAS-2022-00092 du registre) Par déclaration faite le 12 août 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice, CLIFFORD CHANCE, société en commandite simple, représentée par son gérant actuellement en fonctions, à savoir la société à responsabilité limitée CLIFFORD CHANCE GP, elle-même représentée aux fins du recours sous examen par son gérant Maître Aldo MORO, avocat à la Cour, assisté de Maître Sébastien SCHMITZ, forma au nom et pour le compte de la société anonyme de droit luxembourgeois SOCIETE1.) un recours en cassation contre l’arrêt numéro 228/22-X, rendu le 13 juillet 2022 par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle.
Cette déclaration de recours a été suivie en date du 9 septembre 2022 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître Albert MORO, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, avocat à la Cour, signifié antérieurement à son dépôt à PERSONNE1.).
Maître Lydie LORANG, avocat à la Cour, en sa qualité de mandataire de PERSONNE1.), a fait signifier le 30 septembre 2022, au domicile élu de la partie demanderesse en cassation, un mémoire en réponse et l’a déposé au greffe de la Cour d’appel le 3 octobre 2022.
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt de la Cour d’appel ayant, déclaré non fondée une demande en restitution de 319 montres, dont SOCIETE1.) affirme être propriétaire et qui font partie d'un ensemble de 643 montres bracelets de collection, ayant été saisis le 20 septembre 2011 au domicile de son administrateur-délégué et actionnaire, PERSONNE1.), suivant procès-verbal n° SPJ/31 /BOJP/JDA 12283-24 du 20 septembre 2011 du Service de Police Judiciaire, SOAS, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte contre PERSONNE1.), ayant donné lieu à renvoi de ce dernier devant une chambre correctionnelle du tribunal d'arrondissement de Luxembourg.
Cette demande en restitution a été formée par la demanderesse en cassation sur base de l’article 681 du Code de procédure pénale. La demanderesse en cassation, qui, dans le cadre de l’affaire en cause, n’a ni la qualité d’inculpé, ni celle de partie civile, a agi en qualité de personne tierce se prétendant avoir droit sur les biens saisis dont elle demanda la restitution. Cette catégorie de personnes dispose sur base de l’article 68, paragraphe 1, du Code de procédure pénale qualité pour agir en restitution, action qui est aussi ouverte aux personnes ayant les qualités d’inculpé, de prévenu et de partie civile également visées par cette disposition.
Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire.
En vertu de l’article 2 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, les cas d’annulation ou de cassation en matière pénale sont réglés par le Code de procédure pénale.
1 1 « Art. 68. (1) L’inculpé, le prévenu, la partie civile ou toute autre personne qui prétend avoir droit sur un objet placé sous la main de la justice peut en réclamer la restitution. […] ».
5 Aux termes de l’article 407 du Code de procédure pénale, les arrêts et jugements rendus en dernier ressort en matière criminelle, correctionnelle ou de police peuvent être annulés en cas de violation de la loi sur le pourvoi en cassation formé par le Ministère public, le prévenu ou la partie civile.
Or le pourvoi formé par SOCIETE1.) n’émane ni d’une partie prévenue, ni d’une partie civile.
Il en suit que le pourvoi est irrecevable2.
Conclusion Le pourvoi est irrecevable.
Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Sandra KERSCH 2 Dans ce sens: Cassation no 35/2008 pénal du 3 juillet 2008, no 2566 du registre ; Cassation no 60/2017 pénal du 9 novembre 2017, no 3876 du registre ; Cassation 153/2022 pénal du 15 décembre 2022, no CAS -2022-00033) 6