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11/01/2024 | LUXEMBOURG | N°10/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 11 janvier 2024, 10/24


N° 10 / 2024 pénal du 11.01.2024 Not. 16751/21/CD Numéro CAS-2023-00056 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, onze janvier deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Tunisie), actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg, prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 29 mars 2023 sous le numér

o 19/23 Ch. Crim. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre cr...

N° 10 / 2024 pénal du 11.01.2024 Not. 16751/21/CD Numéro CAS-2023-00056 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, onze janvier deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Tunisie), actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg, prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 29 mars 2023 sous le numéro 19/23 Ch. Crim. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre criminelle ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal formé par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 24 avril 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 23 mai 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Monique SCHMITZ.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière criminelle, avait, après avoir écarté tant la cause de justification de la légitime défense que l’excuse de provocation, condamné le demandeur en cassation du chef de l’infraction de tentative de meurtre à une peine de réclusion. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation des articles 51, 52, 392 et 393 du Code pénal, En ce que la décision attaquée a décidé que les éléments constitutifs de 1’infraction de tentative de meurtre étaient tous réunis alors que la condition de l’intention de donner la mort fait défaut, Aux motifs que quant aux éléments constitutifs de l’infraction de tentative de meurtre, la Cour d’appel renvoie à l’analyse de la juridiction de première instance qui a retenu que l’infraction était établie dans le chef de PERSONNE1.), Alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction réprimée, Que la jurisprudence retient que pour qu'il y ait meurtre, il faut que l'auteur ait agi dans l'intention de donner la mort et que donc le geste violent ait été porté avec l'intention de tuer et qu'il y ait concomitance entre le geste et l'intention.

Qu’il faut que l'auteur ait eu conscience que son acte allait provoquer la mort de la victime, Que l’intention de donner la mort est donc la condition sine qua non de ladite infraction, Qu’en l’espèce, l’intention de PERSONNE1.) n’était pas de commettre un meurtre sur la personne de PERSONNE2.), Que PERSONNE1.) n’avait comme but que de se protéger de l’attaque de la victime, qui la première l’avait provoqué en lui sommant de vendre des stupéfiants pour son compte et en le frappant avec une bouteille en verre sur la tête suite à son refus, Que c’est donc à tort que les juges d’appel ont retenu la tentative de meurtre dans le chef de PERSONNE1.), Que l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour 2 Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les articles 51, 52, 392 et 393 du Code pénal en constatant que tous les éléments constitutifs, y compris l’élément intentionnel, de l’infraction de tentative de meurtre étaient réunis.

Les juges de première instance ont retenu « ad 4) l’intention de donner la mort Pour que les faits constituent une tentative de meurtre, le prévenu doit encore avoir eu l’intention de donner la mort à la victime.

La tentative de meurtre est juridiquement constituée lorsque l’intention de l’agent consiste à agir en croyant donner la mort. Il faut donc que le geste violent ait été porté avec l’intention de tuer et qu’il y ait concomitance entre le geste et l’intention, mais il n’est pas nécessaire que l’auteur ait prémédité son acte ;

l’intention de tuer a pu surgir brusquement dans l’esprit de l’auteur au moment où il frappait (Encyclopédie Dalloz, Droit pénal, v° homicide, n°22). Il s’agit donc de prouver un fait purement psychologique dont la preuve peut être rapportée par tous les moyens, y compris par de simples présomptions (GARÇON, Code pénal annoté, t.2, art. 295, n° 63 et ss.).

La qualification de tentative de meurtre est subordonnée à la condition que l’auteur de l’acte soit animé au moment d’exécuter l’acte de l’« animus necandi », c’est-à-dire qu’il ait conscience que cet acte allait provoquer la mort de la victime à condition que le résultat voulu se produirait. Le crime de tentative d’homicide volontaire implique que celui auquel il est reproché ait eu la volonté de tuer (JurisClasseur, Atteintes volontaires à la vie, art. 221-1 à 221-5, n° 50).

Toutefois, la démonstration d’un processus psychologique est difficile et même impossible à établir directement. Il faut donc scruter les circonstances matérielles pour en conclure à l’existence ou à l’absence de l’intention en tenant cependant compte que les mobiles qui ont déterminé l’auteur n’ont aucune influence sur l’imputabilité.

Il faut ainsi tenir compte des circonstances dans lesquelles les coups ont été portés, aux rapports qui existaient entre l’auteur des coups et la victime, de la nature de l’arme employée, de la manière dont elle a été maniée, des gestes accomplis et des paroles prononcées avant, pendant et après les faits, des situations respectives de la victime et de son agresseur dans la scène qui s’est déroulée, de la nature des blessures et du nombre de coups portés (A. MARCHAL et J.P. JASPAR, Droit criminel, Tome I, n° 1143 ; R.P.D.B. ; Tome VI, verbo homicide n° 11 ; NYPELS, Code pénal belge interprété, article 393, n° 4).

La jurisprudence n’exige d’ailleurs pas que l’auteur ait voulu consciemment et méchamment la mort de son adversaire ; il suffit qu’il en ait envisagé et accepté l’éventualité (Dalloz, Droit pénal, v° homicide, n° 23 ; voir aussi en ce sens : Cass., 17 avril 2008, n° 2471 ; CA, ch. crim., 13 février 2019, n° 5/19).

3 En l’espèce, il est constant en cause que PERSONNE1.) a au moyen d’un couteau porté trois coups à PERSONNE2.), l’atteignant à deux reprises au niveau du thorax, ainsi que dans la région épigastrique.

Par ailleurs, il y a lieu de noter qu’au moment de l’agression, PERSONNE2.) n’était pas armé ni n’a, d’une quelconque manière, fait preuve de violences graves à l’égard de PERSONNE1.).

La Chambre criminelle retient que PERSONNE1.) a porté les coups au moyen d’une arme blanche, plus précisément un couteau, partant à l'aide d’un moyen normalement propre à causer la mort.

La Chambre criminelle constate encore que PERSONNE1.) n’a pas seulement blessé PERSONNE2.) de manière superficielle, mais que bien au contraire, il a enfoncé le couteau dans le thorax de sa victime, engendrant ainsi des blessures potentiellement mortelles.

La Cour d’appel, dans un arrêt n°16/12 du 25 avril 2012, a retenu que l’intention de tuer est donnée dans l’hypothèse où le prévenu a enfoncé violemment dans le thorax de sa victime une arme dangereuse de par sa nature, en l’espèce un couteau, étant donné qu’il a nécessairement dû savoir qu’un coup avec l’arme en question est susceptible de causer la mort et qu’il a donc forcément accepté cette conséquence.

En l’espèce, au vu de la nature de l’arme utilisée, du nombre de coups portés et de la région du corps humain visée par PERSONNE1.), la Chambre criminelle retient que ce dernier a nécessairement dû savoir que de tels coups, avec une telle arme, pouvaient causer la mort et qu’il a nécessairement accepté cette conséquence éventuelle.

Il y a partant lieu de retenir que les coups portés par PERSONNE1.) sont d’une gravité telle que le prévenu a nécessairement accepté que la mort de la victime puisse survenir. L’auteur de tels coups ne peut avoir d’autre intention que celle de tuer.

La Chambre criminelle retient partant que l’intention de donner la mort se trouve établie à suffisance de droit dans le chef de PERSONNE1.).» En adoptant les motifs du jugement de première instance, tout en précisant qu’aucun fait nouveau par rapport à ceux soumis en première instance n’avait été soulevé lors des débats en instance d’appel, les juges d’appel ont caractérisé l’élément intentionnel.

Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées au moyen, le demandeur en cassation ne tend qu’à remettre en cause la libre appréciation, par les juges du fond, de l’intention de tuer dans son chef, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré du refus d’application de l’article 416 du Code pénal, En ce que la décision attaquée n’a pas retenu la légitime défense comme fait justificatif, Que les premiers juges ont relevé que la riposte de PERSONNE1.) n’était aucunement proportionnelle au coup porté par la victime, Qu’en outre, c’est à tort que les juges du fond ont retenu qu’ établi que PERSONNE2.) a attaqué PERSONNE1.) au moyen d’une bouteille en verre », Que la légitime défense est le fait justificatif défini par l'article 416 du Code pénal qui dispose qu’ Que les faits justificatifs agissent in rem, c'est-à-dire qu'ils retirent tout caractère délictueux à l'infraction commise, Que la légitime défense est un état de nécessité qui permet de recourir à la force pour repousser une agression injustifiée qui se commet ou va se commettre contre soi-même ou contre autrui, Que l'exercice de la légitime défense se décompose par conséquent suivant un schéma agression - riposte.

Qu’ensuite l'agression doit être injuste, donc ni commandée ni autorisée par la loi, ni provoquée par la victime elle-même, Qu’en l'espèce, le prévenu a subi une agression de la part de la victime qui lui a cassé une bouteille en verre sur la tête, Que même si la bouteille utilisée par la victime pour frapper PERSONNE1.) sur la tête n’a pas été retrouvée, ni d’ailleurs recherchée par la police, il ressort à suffisance du dossier répressif qu’au moment des faits et lors de son interpellation PERSONNE1.) avait été victime d’une attaque, ayant une importante blessure au niveau de la tête et son visage étant recouvert de sang, Que c’est donc à tort que les juges d’appel n’ont pas retenu la légitime défense au profit de PERSONNE1.), Que l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».

5 Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, le demandeur en cassation ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation, par les juges du fond, de l’existence d’une légitime défense dans le chef du demandeur en cassation, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 6,25 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, onze janvier deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier en chef de la Cour Viviane PROBST.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier en chef Viviane PROBST.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) / Ministère Public Affaire n° CAS-2023-00056 du registre Par déclaration faite le 24 avril 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre l’arrêt n° 19/23 Ch. Crim., rendu le 29 mars 2023 par la Cour d’appel, siégeant en matière criminelle.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 23 mai 2023 du dépôt au greffe de la Cour Supérieure de Justice d’un mémoire en cassation, signé par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom et pour le compte de PERSONNE1.).

Le pourvoi respectant les conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, il est recevable en la pure forme pour respecter les exigences légales de délai et forme.

Quant aux faits et rétroactes :

Par arrêt dont pourvoi, la Cour d’appel a confirmé le jugement n° LCRI 38/2022 rendu le 2 juin 2022 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière criminelle, aux termes duquel les juges de 1ière instance ont reconnu PERSONNE1.) coupable de l’infraction de tentative de meurtre sur la personne de PERSONNE2.), ce après avoir écarté tant la cause de justification de la légitime défense tout comme l’excuse de provocation invoquées par le prévenu, et l’ont condamné à une peine de réclusion de 12 ans.

Quant au premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation des articles 51, 52, 392 et 393 du Code pénal, en ce que « la décision attaquée a décidé que les éléments constitutifs de 1’infraction de tentative de meurtre étaient tous réunis » alors que « la condition de l’intention de donner la mort fait défaut. » Le moyen, lu conjointement avec le début de la discussion subséquente, notamment le passage aux termes duquel le demandeur en cassation dit que « le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction réprimée », s’apprête à être compris dans le sens que le demandeur en cassation reproche aux magistrats d’appel d’avoir omis de statuer sur un élément constitutif de l’infraction, soit l’élément intentionnel, plus précisément l’intention dans le chef de PERSONNE1.) de donner la mort à PERSONNE2.).

Or, reprocher aux magistrats d’appel une telle omission relève d’une lecture erronée de l’arrêt dont pourvoi, les juges du fond ayant examiné exhaustivement l’élément intentionnel tel qu’il ressort des extraits de motivation respectifs reproduits ci-après.

Ainsi, les 1ers juges se lisent comme suit :

« ad 4) l’intention de donner la mort :

Pour que les faits constituent une tentative de meurtre, le prévenu doit encore avoir eu l’intention de donner la mort à la victime.

La tentative de meurtre est juridiquement constituée lorsque l’intention de l’agent consiste à agir en croyant donner la mort. Il faut donc que le geste violent ait été porté avec l’intention de tuer et qu’il y ait concomitance entre le geste et l’intention, mais il n’est pas nécessaire que l’auteur ait prémédité son acte ; l’intention de tuer a pu surgir brusquement dans l’esprit de l’auteur au moment où il frappait (Encyclopédie Dalloz, Droit pénal, v° homicide, n°22). Il s’agit donc de prouver un fait purement psychologique dont la preuve peut être rapportée par tous les moyens, y compris par de simples présomptions (GARÇON, Code pénal annoté, t.2, art. 295, n° 63 et ss.).

La qualification de tentative de meurtre est subordonnée à la condition que l’auteur de l’acte soit animé au moment d’exécuter l’acte de l’« animus necandi », c’est-à-dire qu’il ait conscience que cet acte allait provoquer la mort de la victime à condition que le résultat voulu se produirait. Le crime de tentative d’homicide volontaire implique que celui auquel il est reproché ait eu la volonté de tuer (JurisClasseur, Atteintes volontaires à la vie, art. 221-1 à 221-5, n° 50).

Toutefois, la démonstration d’un processus psychologique est difficile et même impossible à établir directement. Il faut donc scruter les circonstances matérielles pour en conclure à l’existence ou à l’absence de l’intention en tenant cependant compte que les mobiles qui ont déterminé l’auteur n’ont aucune influence sur l’imputabilité.

Il faut ainsi tenir compte des circonstances dans lesquelles les coups ont été portés, aux rapports qui existaient entre l’auteur des coups et la victime, de la nature de l’arme employée, de la manière dont elle a été maniée, des gestes accomplis et des paroles prononcées avant, pendant et après les faits, des situations respectives de la victime et de son agresseur dans la scène qui s’est déroulée, de la nature des blessures et du nombre de coups portés (A.

MARCHAL et J.P. JASPAR, Droit criminel, Tome I, n° 1143 ; R.P.D.B. ; Tome VI, verbo homicide n° 11 ; NYPELS, Code pénal belge interprété, article 393, n° 4).

La jurisprudence n’exige d’ailleurs pas que l’auteur ait voulu consciemment et méchamment la mort de son adversaire ; il suffit qu’il en ait envisagé et accepté l’éventualité (Dalloz, Droit pénal, v° homicide, n° 23 ; voir aussi en ce sens :

Cass., 17 avril 2008, n° 2471 ; CA, ch. crim., 13 février 2019, n° 5/19).

8 En l’espèce, il est constant en cause que PERSONNE1.) a au moyen d’un couteau porté trois coups à PERSONNE2.), l’atteignant à deux reprises au niveau du thorax, ainsi que dans la région épigastrique.

Par ailleurs, il y a lieu de noter qu’au moment de l’agression, PERSONNE2.) n’était pas armé ni n’a, d’une quelconque manière, fait preuve de violences graves à l’égard de PERSONNE1.).

La Chambre criminelle retient que PERSONNE1.) a porté les coups au moyen d’une arme blanche, plus précisément un couteau, partant à l'aide d’un moyen normalement propre à causer la mort.

La Chambre criminelle constate encore que PERSONNE1.) n’a pas seulement blessé PERSONNE2.) de manière superficielle, mais que bien au contraire, il a enfoncé le couteau dans le thorax de sa victime, engendrant ainsi des blessures potentiellement mortelles.

La Cour d’appel, dans un arrêt n°16/12 du 25 avril 2012, a retenu que l’intention de tuer est donnée dans l’hypothèse où le prévenu a enfoncé violemment dans le thorax de sa victime une arme dangereuse de par sa nature, en l’espèce un couteau, étant donné qu’il a nécessairement dû savoir qu’un coup avec l’arme en question est susceptible de causer la mort et qu’il a donc forcément accepté cette conséquence.

En l’espèce, au vu de la nature de l’arme utilisée, du nombre de coups portés et de la région du corps humain visée par PERSONNE1.), la Chambre criminelle retient que ce dernier a nécessairement dû savoir que de tels coups, avec une telle arme, pouvaient causer la mort et qu’il a nécessairement accepté cette conséquence éventuelle.

Il y a partant lieu de retenir que les coups portés par PERSONNE1.) sont d’une gravité telle que le prévenu a nécessairement accepté que la mort de la victime puisse survenir. L’auteur de tels coups ne peut avoir d’autre intention que celle de tuer.

La Chambre criminelle retient partant que l’intention de donner la mort se trouve établie à suffisance de droit dans le chef de PERSONNE1.).»1 Les magistrats d’appel ont retenu ce qui suit :

« (…) Les débats devant la Cour n’ont pas apporté de faits nouveaux par rapport à ceux qui ont été soumis à l’examen de la chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et les juges de première instance ont fourni, sur base des éléments du dossier répressif, une relation correcte et exhaustive des faits. Dès lors, la Cour s’y réfère.

En effet, c’est à juste titre que les juges de première instance se sont basés sur les déclarations des témoins neutres du Service Hygiène de la Ville de Luxembourg sur place le matin même des faits sur le site de l’« Abrigado », à 1 cf. p.14-15 de l’arrêt dont pourvoi, reproduisant l’entière motivation des 1ers juges ;savoir PERSONNE3.), PERSONNE4.), PERSONNE5.), PERSONNE6.), PERSONNE7.), PERSONNE8.) et PERSONNE9.).

Il résulte ainsi des déclarations de ces témoins qu’en date du 4 juin 2021, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) se bagarraient à coups de poing et que PERSONNE2.) a asséné un coup de poing violent au front de PERSONNE1.), de sorte que ce dernier a commencé à saigner. Par la suite, PERSONNE1.) s’est emparé d’une barre en fer et a attaqué PERSONNE2.) avec celle-ci. Après s’être éloigné brièvement, PERSONNE1.) est revenu avec un couteau en main pour poignarder PERSONNE2.) à trois reprises dans le thorax. Aucun des témoins n’a observé PERSONNE2.) porter un coup avec une bouteille en verre à la tête de PERSONNE1.).

Par ailleurs, ces déclarations sont confirmées par les blessures subies par PERSONNE2.) et constatées par le docteur PERSONNE10.), médecin urgentiste au CHL, dans son certificat médical établi en date du 4 juin 2021 ainsi que les constatations du médecin légiste, le docteur Andreas SCHUFF, dans son rapport d’expertise du 1er septembre 2021, retenant tous les deux que PERSONNE2.) a subi un pneumothorax traumatique bilatéral.

L’analyse en droit de l’infraction de tentative de meurtre est correcte.

C’est partant à juste titre et par une motivation correcte que la Cour adopte que les juges de première instance ont retenu PERSONNE1.) dans les liens de la prévention de tentative de meurtre sur la personne de PERSONNE2.), le prévenu étant en aveu d’avoir donné plusieurs coups à l’aide d’un couteau dans le thorax de PERSONNE2.).

Par ailleurs, c’est à bon droit et pour des motifs que la Cour adopte que les juges de première instance n’ont pas retenu le fait justificatif de la légitime défense, vu que PERSONNE1.) n’a pas fait l’objet d’une attaque violente imminente et injustifiée et que sa riposte, notamment en portant plusieurs coups de couteau dans la poitrine de PERSONNE2.), était manifestement disproportionnée.

C’est encore à juste titre que les juges de première instance ont écarté l’excuse de provocation invoquée par le prévenu, aucun élément du dossier répressif ne renseignant un acte de violence grave de la part de PERSONNE2.) susceptible de constituer un acte de provocation au sens de l’article 411 du Code pénal, le fait de se donner réciproquement des coups de poings ne constituant pas un tel acte de violence grave.

Finalement, c’est encore à bon escient que la juridiction de première instance a retenu l’intention de donner la mort dans le chef de PERSONNE1.), ceci notamment au vu de la nature de l’arme utilisée, du nombre de coups portés à PERSONNE2.) et de la région du corps visée.

10 La juridiction de première instance a dès lors correctement apprécié les circonstances de la cause et qualifié les faits2. (…). »3 Les magistrats d’appel s’étant prononcés sur l’élément intentionnel par adoption de la motivation des 1ers juges, le moyen manque en fait.

Pour le surplus et dans la mesure où dans la suite de la discussion du moyen le demandeur en cassation fait valoir que son intention n’était pas de commettre un meurtre sur la victime et conclut que c’est à tort que les magistrats d’appel ont retenu la tentative de meurtre dans son chef, le restant de ses développements s’inscrit dans une logique de troisième degré de juridiction de fond. Cette démarche ne se conçoit pas, le recours en cassation étant une voie de recours extraordinaire et non une troisième instance4.

Le demandeur en cassation entend manifestement rediscuter l’élément intentionnel devant la Cour régulatrice et remettre en cause l’appréciation par les juges du fond des éléments de fait et de preuve qui les ont amenés à retenir l’intention de tuer dans le chef du prévenu.

Pareille appréciation relevant du pouvoir souverain des juges du fond et échappant au contrôle de Votre Cour, le moyen ne saurait être accueilli.

Quant au deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 416 du Code pénal, en ce que « la décision attaquée n’a pas retenu la légitime défense comme fait justificatif » alors qu’ « en l'espèce le prévenu a subi une agression de la part de la victime qui lui a cassé une bouteille en verre sur la tête, que même si la bouteille utilisée par la victime pour frapper PERSONNE1.) sur la tête n’a pas été retrouvée, ni d’ailleurs recherchée par la police, il ressort à suffisance du dossier répressif qu’au moment des faits et lors de son interpellation PERSONNE1.) avait été victime d’une attaque, ayant une importante blessure au niveau de la tête et son visage étant recouvert de sang, et que c’est donc à tort que les juges d’appel n’ont pas retenu la légitime défense au profit de PERSONNE1.) ».

En termes de grief le demandeur en cassation ne dit pas en quoi les magistrats d’appel auraient violé la disposition légale visée au moyen, mais entend exclusivement remettre en cause et rediscuter devant Votre Cour l’appréciation par la Cour d’appel de la question de la légitime de défense, le prévenu, qui n’a pas contesté la matérialité des coups et blessures administrés à la victime, ayant avancé tant devant les 1ers juges que devant les magistrats d’appel avoir agi à titre de riposte à l’attaque préalable émanant de la victime.

Il y a lieu de reproduire tant l’extrait pertinent de la motivation des 1ers juges ayant trait à la cause justificative de la légitime défense, que celui de la motivation des juges d’appel, ces derniers ayant par adoption de motifs entériné la motivation des juges de première instance.

Ainsi, les 1ers juges se lisent comme suit :

2 passages mis en exergue par la soussignée ;

3 cf. p. 21-22 de l’arrêt dont pourvoi ;

4 cf. dans ce sens Cass. n° 135/2019 pénal du 31.10.2019, n° 4075 du registre, p.37 ; ;

« Aux termes de l’article 416 du Code pénal, il n’y a ni crime ni délit, lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même et d’autrui.

La légitime défense est donc un état de nécessité qui permet de recourir à la force pour repousser une agression injustifiée qui se commet ou va se commettre contre soi-même ou contre autrui.

Pour que la légitime défense puisse être invoquée comme moyen de justification d’un acte criminel ou délictuel, plusieurs conditions doivent être données :

- ce droit de défense suppose une attaque violente de nature à créer la possibilité d’un péril et que celui qui s’est défendu ait pu raisonnablement se croire en péril, - l’agression et le danger doivent être imminents, l’imminence de l’agression se mesure à la réalité du danger que courait l’auteur de la défense, - l’infraction commise pour répondre à une attaque actuelle ou pour prévenir une attaque imminente n’est justifiée que si elle était nécessaire et indispensable à la défense et si les moyens employés n’étaient pas disproportionnés avec l’intensité de l’agression.

Il y a lieu de rappeler à cet égard que la charge de la preuve incombe entièrement à la partie poursuivante. Le Ministère Public doit établir que le prévenu est coupable d’avoir commis le fait duquel il est accusé. L’étendue de la charge de la preuve porte à la fois sur l’existence des éléments constitutifs de l’infraction et l’absence d’éléments susceptibles de la faire disparaître (Alphonse SPIELMANN et Dean SPIELMANN, Droit pénal général luxembourgeois, p.

170).

Il est de jurisprudence qu’« en matière pénale, le prévenu est couvert d’une présomption d’innocence tant que la preuve du contraire n’est pas rapportée par le Ministère Public ; c’est donc à celui-ci qu’il incombe d’établir les conditions d’existence de l’infraction et par suite également l’absence de causes exclusives de la culpabilité, telle que la contrainte ou la force majeure. Pour mettre le Ministère Public en mesure d’administrer cette preuve, il faut pourtant qu’à l’appui de son exception, le prévenu invoque des faits précis de nature à constituer la force majeure. » (Cass. 23 décembre 1937, Pas. XIV, 99, cité dans Alphonse SPIELMANN et Dean SPIELMANN, op.cit., p.171).

En l’espèce, PERSONNE1.) a déclaré qu’en réponse à son refus de vendre des stupéfiants pour lui, PERSONNE2.) lui a porté un coup sur la tête à l’aide d’une bouteille de bière en verre. Il a ajouté qu’il a répliqué à cette attaque gratuite en portant d’abord un coup à son adversaire au moyen d’une barre de fer, puis trois coups à l’aide d’un couteau.

Or, si le prévenu a bien présenté une plaie ouverte sur le front après l’altercation, blessure que le Dr PERSONNE11.) a d’ailleurs qualifiée de « plaie superficielle », il y a lieu de noter qu’aucun des témoins ayant assisté à l’altercation n’a vu 12 ou entendu PERSONNE2.) porter un coup sur la tête de PERSONNE1.) à l’aide d’une bouteille en verre.

A ce sujet, PERSONNE4.) a déclaré lors de son audition de police que PERSONNE2.) et PERSONNE1.) se sont d’abord disputés de manière verbale, puis qu’une bagarre a éclaté, au cours de laquelle PERSONNE2.) a asséné un coup de poing violent sur le front de PERSONNE1.). PERSONNE4.) a été formel en disant avoir vu PERSONNE1.) saigner du front à la suite de ce coup.

A cela s’ajoute qu’aucune bouteille de bière n’a été retrouvée par les forces de l’ordre sur le lieu du crime, comme cela ressort du procès-verbal n° 92986-1 établi le 4 juin 2021 par la Police Grand-Ducale.

Il n’est partant pas établi que PERSONNE2.) a attaqué PERSONNE1.) au moyen d’une bouteille en verre.

En tout état de cause, même si PERSONNE2.) avait porté un coup à PERSONNE1.) à l’aide d’une bouteille de bière, force est de constater que la riposte de ce dernier n’aurait aucunement été proportionnelle. En effet, comme cela ressort du déroulement des faits présenté par les témoins oculaires, PERSONNE1.) s’est emparé d’une barre de fer à l’aide de laquelle il a porté un coup violent dans les côtes de PERSONNE2.), coup que les témoins oculaires ont non seulement vu, mais également entendu. Après avoir réussi à enlever la barre des mains de son assaillant, PERSONNE2.) l’a jetée par-dessus la clôture, sans porter le moindre coup à son adversaire. Au lieu d’en rester là, PERSONNE1.) s’est absenté brièvement, pour se ruer quelques instants plus tard sur sa victime, muni d’un couteau qu’il était de ses propres aveux lui-même allé chercher à l’intérieur d’une tente. Les témoins oculaires sont d’ailleurs unanimes pour dire que PERSONNE2.) s’est retrouvé le dos plaqué contre la camionnette lorsque PERSONNE1.) l’a poignardé à trois reprises dans le torse.

Au vu de ce qui précède, les conditions pour faire application de la cause de justification de la légitime défense ne sont pas données en l’espèce. »5 Les magistrat d’appel, après avoir retenu que l’analyse en droit par les 1ers juges de l’infraction de tentative de meurtre est correcte, se sont déterminés comme suit :

« Par ailleurs, c’est à bon droit et pour des motifs que la Cour adopte que les juges de première instance n’ont pas retenu le fait justificatif de la légitime défense, vu que PERSONNE1.) n’a pas fait l’objet d’une attaque violente imminente et injustifiée et que sa riposte, notamment en portant plusieurs coups de couteau dans la poitrine de PERSONNE2.), était manifestement disproportionnée. »6 L’appréciation par les juges du fond des circonstances de fait et des éléments de preuve leur soumis, desquels ils ont déduit que les agissements du prévenu n’étaient pas commandés par la légitime défense, relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de la Cour régulatrice.

5 cf. p. 13-14 de l’arrêt dont pourvoi reproduisant l’entière motivation des 1ers juges ;

6 cf. p. 21 de l’arrêt dont pourvoi ;

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais à rejeter.

Luxembourg, le 16 novembre 2023 Pour le Procureur général d’Etat Monique SCHMITZ 1er avocat général 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10/24
Date de la décision : 11/01/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/01/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-01-11;10.24 ?

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