N° 12 / 2024 du 25.01.2024 Numéro CAS-2023-00092 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre.
Composition:
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre PERSONNE1.) dit PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Martine KRIEPS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par la société en commandite simple ALLEN & OVERY, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Thomas BERGER, avocat à la Cour.
Vu l’arrêt attaqué, numéro 31/22 - IX - CIV, rendu le 16 mars 2022 sous le numéro CAL-2019-01151 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 23 mai 2023 par PERSONNE1.) dit PERSONNE1.) (ci-après « PERSONNE1.) ») à la société anonyme SOCIETE1.) (ci-
après « la société SOCIETE1.) »), déposé le 26 mai 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 18 juillet 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 20 juillet 2023 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions de l’avocat général Nathalie HILGERT.
Sur la recevabilité du pourvoi La défenderesse en cassation demande à voir déclarer irrecevable le pourvoi en cassation en raison de l’incompétence de la Cour de cassation pour connaître des moyens présentés à son appui, alors que ceux-ci ne tendraient qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond quant à la teneur des obligations contractuelles des parties.
Un moyen qui ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond ne saurait être admis. Il est sans influence sur la compétence de la Cour et la recevabilité du pourvoi.
La défenderesse en cassation soulève en outre l’irrecevabilité du pourvoi pour avoir été introduit plus de deux mois après que le demandeur en cassation s’est vu adresser en date du 2 avril 2019 un commandement à payer par un Office des poursuites suisse dans le cadre d’une procédure d’exécution en Suisse, contenant copie de l’arrêt dont pourvoi.
Aux termes de l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le délai de deux mois pour se pourvoir en cassation court à partir du jour de la signification à personne ou à domicile.
La signification visée par cette disposition légale s’entend d’une signification conforme aux articles 155 et suivants du Nouveau Code de procédure civile, rendus applicables à l’instance de cassation par l’article 162 du même Code.
Il ne résulte pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le commandement invoqué du 2 avril 2019 réponde aux exigences du Nouveau Code de procédure civile.
Il s’ensuit que le pourvoi n’est pas frappé de déchéance.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait condamné le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation un certain montant au titre de deux garanties accordées en dates des 11 octobre 2010 et 19 décembre 2014 pour couvrir les engagements de la société SOCIETE2.) et avait validé une saisie-arrêt bancaire à concurrence de ce montant. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré (dans sa première branche) de la violation sinon d’un refus d’application du principe de la liberté de la preuve en matière commerciale et notamment du principe de la correspondance commerciale acceptée en résultant, et, dans sa seconde branche, du manque de base légale au regard des principes précités, en ce que la Cour a rejeté le moyen présenté par le demandeur en cassation et tenant au fait que son consentement à la convention du 18 décembre 2014 était donné , aux motifs qu’ fait l'objet de négociations, au cours desquelles, PERSONNE1.) a, un moment donné, posé la condition de la reprise de l'exploitation hôtelière par un certain PERSONNE2.). Il est toutefois avéré que le projet de Convention portant cette réserve n'a pas été signé par SOCIETE1.), et donc pas acceptée par elle. La version signée de part et d'autre ne contient plus de référence à cette condition ou réserve, de sorte que PERSONNE1.) est malvenu de revenir sur son accord, figé dans la seule version signée de la Convention, version dénuée d'une telle condition suspensive », alors que ce faisant, première branche, la Cour d’appel n’a pas analysé la valeur probante du courrier électronique envoyé en date du 18 décembre 2014 et selon lequel le demandeur en cassation a expressément indiqué , et n’a pas recherché si la correspondance avait été acceptée par SOCIETE1.), alors que l’acceptation de la correspondance commerciale vaut preuve en matière commerciale, et alors que, seconde branche, à titre subsidiaire, la motivation du jugement attaqué manque pour le moins de base légale au regard des mêmes applications et théories, en ce que les juges, ayant décidé - pour des motifs illégaux ainsi qu’il résulte de l’énoncé de la première branche du présent moyen de cassation - que l’existence de la condition suspensive n’était pas établie, sans pour autant se prononcer sur la valeur probante ou non de la correspondance commerciale acceptée du 18 décembre 2014 et que partant, en cet état, les constatations du jugement attaqué sont insuffisantes pour permettre d’en vérifier la légalité si bien que le jugement manque de base légale. ».
Réponse de la Cour Sur les deux branches réunies Il ne résulte pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait présenté en instance d’appel le moyen de défense tiré de l’acceptation de la correspondance commerciale et basé sur l’article 109 du Code de commerce.
Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution et des articles 249 et 587 combinés du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour a rejeté le moyen présenté par le demandeur en cassation et tenant au fait que son consentement à la convention du 19 décembre 2014 était donné , aux motifs qu’ fait l'objet de négociations, au cours desquelles, PERSONNE1.) a, un moment donné, posé la condition de la reprise de l'exploitation hôtelière par un certain PERSONNE2.). Il est toutefois avéré que le projet de Convention portant cette réserve n'a pas été signé par SOCIETE1.), et donc pas acceptée par elle. La version signée de part et d'autre ne contient plus de référence à cette condition ou réserve, de sorte que PERSONNE1.) est malvenu de revenir sur son accord, figé dans la seule version signée de la Convention, version dénuée d'une telle condition suspensive », alors que ce faisant, la Cour d’appel a rejeté le moyen présenté par le demandeur en cassation, sans rechercher si les conditions du principe de la correspondance commerciale acceptée étaient remplies en l’espèce ou non, partant sans aucune analyse approfondie alors qu'en raison des articles 89 de la Constitution et 249 alinéa 1 et 587 combinés du NCPC, le Tribunal aurait dû énoncer les motifs de sa décision et partant procéder par jugement motivé. ».
Réponse de la Cour Il ne résulte pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait présenté en instance d’appel le moyen de défense tiré de l’acceptation de la correspondance commerciale et basé sur l’article 109 du Code de commerce.
La Cour d’appel n’avait pas à motiver le rejet d’un moyen qui n’était pas dans les débats.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré (dans sa première branche) de la violation de l’article 1134 du Code Civil qui dispose que , et, dans sa seconde branche, du manque de base légale au regard de l’article précité, en ce que, la Cour d’appel a prononcé une condamnation à l’encontre du demandeur en cassation sur base de la convention du 18 décembre 2014, sans pour autant vérifier si la condition suspensive s’était réalisée, aux motifs qu’ fait l'objet de négociations, au cours desquelles, PERSONNE1.) a, un moment donné, posé la condition de la reprise de l'exploitation hôtelière par un certain PERSONNE2.). Il est toutefois avéré que le projet de Convention portant cette réserve n'a pas été signé par SOCIETE1.), et donc pas acceptée par elle. La version signée de part et d'autre ne contient plus de référence à cette condition ou réserve, de sorte que PERSONNE1.) est malvenu de revenir sur son accord, figé dans la seule version signée de la Convention, version dénuée d'une telle condition suspensive », alors que ce faisant, première branche, la Cour d’appel n’a pas vérifiée la réalisation de la condition suspensive et partant le caractère exécutoire du contrat, et alors que, seconde branche, à titre subsidiaire, la motivation du jugement attaqué manque pour le moins de base légale au regard de l’article précité, en ce que les juges, ayant décidé - pour des motifs illégaux ainsi qu’il résulte de l’énoncé de la première branche du présent moyen de cassation - de la condamnation de PERSONNE1.) sur base d’une convention soumise à une conditions suspensive non encore réalisée et que partant, en cet état, les constatations du jugement attaqué sont insuffisantes pour permettre d’en vérifier la légalité si bien que le jugement manque de base légale. ».
Réponse de la Cour Sur les deux branches réunies En retenant par les motifs reproduits au moyen que la convention signée entre parties au mois de décembre 2014 ne comportait pas la condition suspensive alléguée, la Cour d’appel n’avait pas à rechercher si celle-ci s’était réalisée.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation reçoit le pourvoi ;
le rejette ;
rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
le condamne à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 5.000 euros ;
le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société en commandite simple ALLEN & OVERY, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) dit PERSONNE1.) c/ la société anonyme SOCIETE1.) S.A.
(affaire n° CAS-2023-00092 du registre) Le pourvoi du demandeur en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 26 mai 2023 d’un mémoire en cassation, signifié le 23 mai 20231 à la partie défenderesse en cassation, est dirigé contre un arrêt n° 31/22 - IX - CIV rendu contradictoirement en date du 16 mars 2022 par la Cour d’appel, neuvième chambre, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2019-01151 du rôle.
Quant à la recevabilité du pourvoi qui est contestée :
Le pourvoi est recevable en ce qui concerne la forme2. Il attaque un arrêt rendu en dernier ressort qui, tranchant tout le principal, a mis fin à l’instance.
La partie défenderesse en cassation invoque l’incompétence de la Cour de cassation pour rejuger les faits. Or, un moyen qui ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond, ne sera pas accueilli mais il ne rendra pas le pourvoi irrecevable.
La partie défenderesse en cassation soulève encore l’irrecevabilité du pourvoi pour forclusion en exposant que le demandeur en cassation s’est vu adresser le 2 avril 2019 un commandement de payer par l’Office des poursuites de Sierre (Suisse) dans le cadre de la procédure d’exécution visant à organiser la vente aux enchères de son immeuble.
Elle renvoie à cet égard à sa pièce n°14 et fait valoir qu’un commandement de payer peut produire le même effet qu’une signification.
Si la pièce n° 14, à savoir le jugement du 11 septembre 2020 du Tribunal cantonal du Valais, mentionne que l’Office des poursuites de Sierre a notifié un commandement de payer au demandeur en cassation en date du 2 avril 2019, il reste que le commandement en tant que tel n’est pas versé et que, dès lors, son contenu et les pièces éventuellement 1 L’acte de signification renseigne à sa première page la date du 23 mars 2023. Or, le mémoire en cassation a été signé en date du 22 mai 2023 et les modalités de la remise de l’exploit indiquent que la signification a été effectuée le 23 mai 2023. On peut en conclure que l’indication de la date du 23 mars 2023 ne constitue qu’une erreur purement matérielle.
2 La partie demanderesse en cassation a déposé au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire signé par un avocat à la Cour et signifié à la partie adverse antérieurement à son dépôt, de sorte que ces formalités, prévues par l’article 10, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, ont été respectées.
y annexées ne peuvent pas être vérifiés. Il est donc vain de se prononcer sur la question de savoir si un commandement de payer peut être assimilé à une signification au sens de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
L’article 7 de la loi précitée fixe le point de départ du délai pour se pourvoir en cassation à deux mois à partir de la signification ou de la notification de l’arrêt ou du jugement contradictoire. L’arrêt attaqué n’a pas fait l’objet d’une signification, le délai pour se pourvoir en cassation n’a pas commencé à courir et n’a partant pas pu être méconnu.
Il s’ensuit que le pourvoi est recevable.
Le mémoire en réponse de la défenderesse en cassation, signifié au demandeur en cassation en son domicile élu 18 juillet 2023 et déposé au greffe de la Cour le 20 juillet 2023 peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.
Les faits et les antécédents procéduraux :
Suivant contrat de bail commercial signé le 11 octobre 2010, la société anonyme SOCIETE1.) a donné en location à la société à responsabilité limitée SOCIETE3.) un immeuble sis à ADRESSE3.). Dans ce contrat, PERSONNE1.), alors gérant de la société SOCIETE3.), s’est engagé comme caution à hauteur de 500.000 euros.
La société SOCIETE1.) a résilié le contrat de bail avec effet au 31 décembre 2013 et a saisi la Justice de Paix d’une demande en condamnation notamment pour les arriérés de loyers.
Suite à l’introduction de cette procédure, les parties ont entamé des négociations au cours desquelles et par courriel du 18 décembre 2014, PERSONNE1.) a posé la condition de la reprise de l’exploitation hôtelière par PERSONNE2.).
Le contrat signé entre parties le 19 décembre 20143 ne contient plus de référence à cette condition. Aux termes de ce contrat, la société SOCIETE3.) reconnaît redevoir une partie du montant total réclamé et PERSONNE1.) se porte caution des obligations de la société dans la limite de 1.000.000 euros en plus de la garantie antérieurement accordée.
Par jugement du 17 juillet 2015, la Justice de Paix a déclaré le contrat de bail valablement résilié et a condamné la société SOCIETE3.) aux paiement d’arriérés de loyers et d’indemnités d’occupation.
Appel a été interjeté contre ce jugement et PERSONNE1.) est intervenu volontairement dans cette instance.
3 Les parties s’accordent pour dire que, bien que la convention porte la date du 18 décembre 2014, elle a été signée par toutes les parties le 19 décembre 2014.
Par jugement du 20 mai 2016, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a confirmé le jugement entrepris, tout en augmentant l’indemnité d’occupation pour des périodes non couvertes par le jugement de la Justice de Paix. Le jugement, qui a constaté que la convention précitée du 19 décembre 2014 a été acceptée par la société SOCIETE3.) sans émettre la moindre réserve, a été déclaré commun à PERSONNE1.).
La société SOCIETE3.) a été déclarée en état de faillite par jugement du 2 juin 2017.
Par arrêt du 9 novembre 2017, votre Cour a rejeté un pourvoi formé contre le jugement du 20 mai 2016.
Parallèlement à cette procédure, une saisie-arrêt a été pratiquée contre la caution pour un montant de 1.500.000 euros. Dans le cadre de l’instance de validation, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a condamné PERSONNE1.) au paiement de la somme de 1.480.586,26 euros et a validé la saisie-arrêt pour ce même montant. Le moyen selon lequel l’applicabilité de la convention serait soumise à la condition suspensive du transfert de l’exploitation hôtelière à PERSONNE2.) a été rejeté en les termes suivants :
« Force est toutefois de constater que la convention datée du 18 décembre 2014, telle que signée par les parties contractantes, ne contient pas une telle clause.
L’affirmation de PERSONNE1.) qu’il n’aurait accepté de s’engager qu’à la condition que l’exploitation de l’hôtel en cause soit reprise par PERSONNE2.), est donc contredite par sa signature, d’autant plus que l’article 9 de la convention stipule expressément que celle-ci englobe tous les accords trouvés entre parties (« Die vorliegende Vereinbarung enthält sämtliche in diesem Zusammenhang zwischen Parteien getroffenen Abreden. Weitere mündliche Abreden wurden nicht getroffen »).
La pièce versée dans ce contexte par PERSONNE1.), à savoir un courriel de sa part envoyé le 18 décembre 2014, n’est pas pertinente, étant donné qu’il résulte du jugement n° 118/2016 rendu le 20 mai 2016 par la 3e chambre du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg que ledit courriel accompagnait une version antérieure de la convention, qui n’a finalement pas été signée par les représentants de la société SOCIETE1.) (cf. pages 14 et 15 dudit jugement) ».
Ce jugement a été confirmé en appel par arrêt du 16 mars 2022 contre lequel le présent pourvoi est dirigé.
Sur le premier moyen de cassation :
Le premier moyen de cassation est tiré, dans sa première branche, de la violation sinon d’un refus d’application du principe de la liberté de la preuve en matière commerciale et notamment du principe de la correspondance commerciale acceptée en résultant, et, dans sa seconde branche, du manque de base légale au regard des principes précités, « en ce que la Cour a rejeté le moyen présenté par le demandeur en cassation et tenant au fait que son consentement à la convention du 18 décembre 2014 était donné « sous la condition suspensive expresse de la reprise de l'exploitation de l'hôtel par « PERSONNE2.) » », aux motifs qu’« il ressort des pièces versées en cause que la Convention a fait l'objet de négociations, au cours desquelles, PERSONNE1.) a, un moment donné, posé la condition de la reprise de l'exploitation hôtelière par un certain PERSONNE2.). Il est toutefois avéré que le projet de Convention portant cette réserve n'a pas été signé par SOCIETE1.), et donc pas acceptée par elle. La version signée de part et d'autre ne contient plus de référence à cette condition ou réserve, de sorte que PERSONNE1.) est malvenu de revenir sur son accord, figé dans la seule version signée de la Convention, version dénuée d'une telle condition suspensive », alors que ce faisant, première branche, la Cour d’appel n’a pas analysé la valeur probante du courrier électronique envoyé en date du 18 décembre 2014 et selon lequel le demandeur en cassation a expressément indiqué « dass [seine] Zustimmung zu dieser Vereinbarung nur unter der ausdrücklichen Bedingung gegeben ist, dass der einvernehmlich angestrebte möglichst reibungslose Übergang des Hotelbetriebs und die hiermit verbundene Übergabe an PERSONNE2.) gewährleistet ist und die betreffenden Vereinbarungen mit Letztgenannten unterzeichnet sind », et n’a pas recherché si la correspondance avait été acceptée par SOCIETE1.), alors que l’acceptation de la correspondance commerciale vaut preuve en matière commerciale, et alors que, seconde branche, à titre subsidiaire, la motivation du jugement attaqué manque pour le moins de base légale au regard des mêmes applications et théories, en ce que les juges, ayant décidé – pour des motifs illégaux ainsi qu’il résulte de l’énoncé de la première branche du présent moyen de cassation – que l’existence de la condition suspensive n’était pas établie, sans pour autant se prononcer sur la valeur probante ou non de la correspondance commerciale acceptée du 18 décembre 2014 et que partant, en cet état, les constatations du jugement attaqué sont insuffisantes pour permettre d’en vérifier la légalité si bien que le jugement manque de base légale ».
Le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel, dans la première branche du moyen, une violation du principe de la liberté de la preuve en matière commerciale et notamment du principe de la correspondance commerciale acceptée. Or, la première branche du moyen ne précise pas le texte légal qui aurait été violé et n’indique pas le cas d’ouverture invoqué. Le moyen, pris en sa première branche, est partant irrecevable au vu de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation4.
A titre subsidiaire, il ne ressort pas des actes de procédure auxquels votre Cour peut avoir égard que la partie demanderesse en cassation ait fait valoir le principe de la correspondance commerciale acceptée en tant que moyen de preuve en instance d’appel.
4 Voir notamment: Cour de cassation, 4 mars 2021, n°36/2021, n° CAS-2020-00027 du registre.
Il est par ailleurs admis que ce principe constitue un moyen d’ordre privé5 que les magistrats d’appel n’avaient pas à appliquer d’office.
Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit. Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, est irrecevable.
La deuxième branche du moyen, formulée à titre subsidiaire, est tirée du défaut de base légale qui se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit. Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit. Or, la deuxième branche du moyen ne précise pas quelle disposition légale aurait été violée par les juges d’appel. Il s’ensuit que le moyen, pris en sa deuxième branche, est irrecevable.
A titre subsidiaire, et comme relevé ci-dessus, il ne ressort pas des actes de procédure que le moyen de preuve tiré de la correspondance commerciale acceptée ait été invoqué devant les juges du fond qui n’avaient, de surcroît, aucune obligation de soulever d’office ce moyen d’ordre purement privé.
Par rapport à la condition suspensive alléguée, les magistrats d’appel ont retenu ce qui suit :
« Il ressort des pièces versées en cause que la Convention a fait l’objet de négociations, au cours desquelles, PERSONNE1.) a, un moment donné, posé la condition de la reprise de l’exploitation hôtelière par un certain PERSONNE2.). Il est toutefois avéré que le projet de Convention portant cette réserve n’a pas été signé par SOCIETE1.), et donc pas acceptée par elle. La version signée de part et d’autre ne contient plus de référence à cette condition ou réserve, de sorte que PERSONNE1.) est malvenu de revenir sur son accord, figé dans la seule version signée de la Convention, version dénuée d’une telle condition suspensive. Les mails et l’attestation testimoniale versés, cette dernière pour partie très difficile à déchiffrer, sinon illisible, ne sauraient valoir comme preuve contraire contre un écrit rédigé sans ambiguïté ».
En constatant, sur base des éléments de preuve leur versés, parmi lesquels des mails et une attestation testimoniale, que l’existence de la clause suspensive alléguée n’était pas établie, les magistrats d’appel ont donné une base légale à leurs déductions juridiques.
5 Voir notamment : Cour d’appel, IVe chambre, 13 juillet 2018, n° 99/18-IV-COM, n° 44682 du rôle.
Quant au deuxième moyen de cassation :
Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 89 (actuellement l’article 109) de la Constitution6 et des articles 249 et 587 combinés du Nouveau Code de procédure civile, « en ce que la Cour a rejeté le moyen présenté par le demandeur en cassation et tenant au fait que son consentement à la convention du 19 décembre 2014 était donné « sous la condition suspensive expresse de la reprise de l'exploitation de l'hôtel par « PERSONNE2.) » », aux motifs qu’« il ressort des pièces versées en cause que la Convention a fait l'objet de négociations, au cours desquelles, PERSONNE1.) a, un moment donné, posé la condition de la reprise de l'exploitation hôtelière par un certain PERSONNE2.). Il est toutefois avéré que le projet de Convention portant cette réserve n'a pas été signé par SOCIETE1.), et donc pas acceptée par elle. La version signée de part et d'autre ne contient plus de référence à cette condition ou réserve, de sorte que PERSONNE1.) est malvenu de revenir sur son accord, figé dans la seule version signée de la Convention, version dénuée d'une telle condition suspensive », alors que ce faisant, la Cour d’appel a rejeté le moyen présenté par le demandeur en cassation, sans rechercher si les conditions du principe de la correspondance commerciale acceptée étaient remplies en l’espèce ou non, partant sans aucune analyse approfondie alors qu'en raison des articles 89 de la Constitution et 249 alinéa 1 et 587 combinés du Nouveau Code de procédure civile, la Cour aurait dû énoncer les motifs de sa décision et partant procéder par jugement motivé ».
Ce moyen porte sur un défaut de motifs qui est un vice de forme. L’absence de motifs peut revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusion. Un jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif, exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il, sur le point considéré7.
La Cour a retenu ce qui suit en relation avec le moyen de la condition suspensive :
« Il fait valoir qu’il n’aurait donné son consentement à cette Convention que sous la condition suspensive expresse de la reprise de l’exploitation de l’hôtel par « PERSONNE2.) ».
Il ressort des pièces versées en cause que la Convention a fait l’objet de négociations, au cours desquelles, PERSONNE1.) a, un moment donné, posé la condition de la reprise de l’exploitation hôtelière par un certain PERSONNE2.). Il est toutefois avéré que le 6 Depuis l’entrée en vigueur le 1er juillet 2023 de la nouvelle Constitution, l’obligation de motivation est prévue par l’article 109 de la Constitution en les termes suivants (identiques à ceux de l’article 89 de l’ancienne Constitution) : « Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique ».
7 J. et L. BORE, La cassation en matière civile, 6ème édition, 2023/2024, n°77.41.
projet de Convention portant cette réserve n’a pas été signé par SOCIETE1.), et donc pas acceptée par elle. La version signée de part et d’autre ne contient plus de référence à cette condition ou réserve, de sorte que PERSONNE1.) est malvenu de revenir sur son accord, figé dans la seule version signée de la Convention, version dénuée d’une telle condition suspensive. Les mails et l’attestation testimoniale versés, cette dernière pour partie très difficile à déchiffrer, sinon illisible, ne sauraient valoir comme preuve contraire contre un écrit rédigé sans ambiguïté.
Ce moyen a été rejeté à juste titre par les juges de premier degré. Il convient de confirmer ce point ».
Les magistrats d’appel ont partant à suffisance motivé pourquoi l’accord de volonté finalement arrêté entre parties ne comporte pas de condition suspensive.
Par ailleurs, et renvoyant au fait que la partie demanderesse en cassation n’a pas fait valoir le principe de la correspondance commerciale acceptée en tant que moyen de preuve en instance d’appel, les magistrats d’appel n’ont pas dû prendre position y relatif, de sorte qu’un éventuel défaut de motifs pour non réponse à conclusion laisse également d’être établi.
Le deuxième moyen est partant à rejeter.
Quant au troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré, dans sa première branche, de la violation de l’article 1134 du Code Civil qui dispose que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. (…) Elles doivent être exécutées de bonne foi. », et, dans sa seconde branche, du manque de base légale au regard de l’article précité, « en ce que, la Cour d’appel a prononcé une condamnation à l’encontre du demandeur en cassation sur base de la convention du 18 décembre 2014, sans pour autant vérifier si la condition suspensive s’était réalisée, aux motifs qu’« il ressort des pièces versées en cause que la Convention a fait l'objet de négociations, au cours desquelles, PERSONNE1.) a, un moment donné, posé la condition de la reprise de l'exploitation hôtelière par un certain PERSONNE2.). Il est toutefois avéré que le projet de Convention portant cette réserve n'a pas été signé par SOCIETE1.), et donc pas acceptée par elle. La version signée de part et d'autre ne contient plus de référence à cette condition ou réserve, de sorte que PERSONNE1.) est malvenu de revenir sur son accord, figé dans la seule version signée de la Convention, version dénuée d'une telle condition suspensive », alors que ce faisant, première branche, la Cour d’appel n’a pas vérifié la réalisation de la condition suspensive et partant le caractère exécutoire du contrat, et alors que, seconde branche, à titre subsidiaire, la motivation du jugement attaqué manque pour le moins de base légale au regard de l’article précité, en ce que les juges, ayant décidé – pour des motifs illégaux ainsi qu’il résulte de l’énoncé de la première branche du présent moyen de cassation – de la condamnation de PERSONNE1.) sur base d’une convention soumise à une conditions suspensive non encore réalisée et que partant, en cet état, les constatations du jugement attaqué sont insuffisantes pour permettre d’en vérifier la légalité si bien que le jugement manque de base légale ».
La première branche du moyen reproche aux magistrats d’appel de ne pas avoir vérifié la réalisation de la condition suspensive. Ce faisant ils auraient violé l’article 1134 du Code civil, le contrat entre parties n’aurait pas encore été exécutoire.
Après examen des moyens de preuve versés, les magistrats d’appel ont retenu que la convention liant les parties ne comportait pas de condition suspensive et était exécutoire.
Sous le couvert du grief d’une violation de l’article 1134 du Code civil, la première branche du moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de l’existence et de l’étendue des obligations contractuelles entre parties, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et qui échappe au contrôle de votre Cour8.
Le moyen, pris en sa première branche, ne saurait partant être accueilli.
La deuxième branche du moyen, formulée à titre subsidiaire, est tirée du défaut de base légale qui vise l’insuffisance des constatations de fait fondant les déductions en droit opérées par le juge.
Il y a lieu de renvoyer aux développements suivants de l’arrêt attaqué :
« Il ressort des pièces versées en cause que la Convention a fait l’objet de négociations, au cours desquelles, PERSONNE1.) a, un moment donné, posé la condition de la reprise de l’exploitation hôtelière par un certain PERSONNE2.). Il est toutefois avéré que le projet de Convention portant cette réserve n’a pas été signé par SOCIETE1.), et donc pas acceptée par elle. La version signée de part et d’autre ne contient plus de référence à cette condition ou réserve, de sorte que PERSONNE1.) est malvenu de revenir sur son accord, figé dans la seule version signée de la Convention, version dénuée d’une telle condition suspensive. Les mails et l’attestation testimoniale versés, cette dernière pour partie très difficile à déchiffrer, sinon illisible, ne sauraient valoir comme preuve contraire contre un écrit rédigé sans ambiguïté ».
Après avoir souverainement constaté que la convention signée par les deux parties ne contenait pas de condition suspensive et que cette convention reflétait l’accord de volonté final trouvé entre parties, les magistrats d’appel ont rejeté le moyen du 8 Voir l’arrêt de Votre Cour dans l’affaire de bail à loyer : Cour de cassation, 9 novembre 2017, n° 76/2016, n° 3862 du registre.
demandeur en cassation de n’avoir donné son consentement à cette convention que sous une condition suspensive. Ce faisant, ils ont donné une base légale à leur décision.
La deuxième branche du moyen est partant à rejeter.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’Etat l’avocat général Nathalie HILGERT 15