N° 13 / 2024 du 25.01.2024 Numéro CAS-2023-00062 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre.
Composition:
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre la société de droit des Îles Vierges Britanniques SOCIETE1.) LIMITED, établie et ayant son siège social à ADRESSE1.), représentée par le représentant légal et/ou statutaire, inscrite au registre de commerce et des sociétés des Iles Vierges Britanniques sous le numéroNUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée NAUTADUTILH AVOCATS Luxembourg, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Antoine LANIEZ, avocat à la Cour, et la société à responsabilité limitée SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), 1défenderesse en cassation, comparant par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Fabio TREVISAN, avocat à la Cour, en présence de 1) la société SOCIETE3.) LLC, établie et ayant son siège social à ADRESSE3.) d’Amérique, représentée par le conseil d’administration, sinon par qui de droit, inscrite au registre de commerce et des sociétés de l’État du Massachusetts sous le numéroNUMERO3.)-001304387, 2) PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE4.), 3) la société anonyme SOCIETE4.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE5.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B5310, 4) la société anonyme SOCIETE5.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE6.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre du commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO4.), 5) la société anonyme SOCIETE6.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE7.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO5.), 6) la société anonyme SOCIETE7.) (Europe), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE8.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO6.), 7) la société anonyme SOCIETE8.) (SOCIETE8.)), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE9.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO7.), 8) la société anonyme SOCIETE9.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE10.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO8.), 9) la société SOCIETE10.) SA/NV, Luxembourg Branch, établie et ayant son siège social à L-ADRESSE11.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO9.), 10) la société anonyme SOCIETE11.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE12.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO10.), 211) la société anonyme SOCIETE12.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE13.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO11.).
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Vu l’arrêt attaqué, numéro 4/23 - VII REF, rendu le 11 janvier 2023 sous le numéro CAL-2022-00979 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant comme en matière d’appel de référé ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 20 avril 2023 par la société SOCIETE13.) (ci-après « la société SOCIETE14.) ») à la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) (ci-après « la société SOCIETE2.) »), à la société SOCIETE3.) LLC (ci-après « la société SOCIETE15.) »), à PERSONNE1.), à la société anonyme SOCIETE4.), à la société anonyme SOCIETE5.), à la société anonyme SOCIETE6.), à la société anonyme SOCIETE7.) (Europe), à la société anonyme SOCIETE8.), à la société anonyme SOCIETE9.), à la société SOCIETE10.) SA/NV, Luxembourg Branch, à la société anonyme SOCIETE11.) et à la société anonyme SOCIETE12.), déposé le 28 avril 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 16 juin 2023 par la société SOCIETE2.) à la société SOCIETE14.), à la société SOCIETE15.), à PERSONNE1.), à la société SOCIETE4.), à la société SOCIETE5.), à la société SOCIETE6.), à la société SOCIETE7.) (Europe), à la société SOCIETE8.), à la société SOCIETE9.), à la société SOCIETE10.) SA/NV, Luxembourg Branch, à la société SOCIETE11.) et à la société SOCIETE12.), déposé le 19 juin 2023 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions de l’avocat général Bob PIRON.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la société SOCIETE14.) avait consenti un prêt à la société SOCIETE15.) et la société SOCIETE2.) et PERSONNE2.) avaient émis des garanties au bénéfice de la demanderesse en cassation.
Par ordonnance du 24 février 2022, la société SOCIETE14.) a été autorisée à pratiquer saisie-arrêt entre les mains de plusieurs sociétés sur les sommes que celles-ci pourraient redevoir aux sociétés SOCIETE15.) et SOCIETE2.) et à PERSONNE2.) à concurrence du montant en principal, intérêts et frais, du prêt accordé.
La société SOCIETE2.) avait assigné la société SOCIETE14.), les autres parties saisies et les tiers saisis devant le Président du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant comme en matière de référé, aux fins de voir ordonner l’annulation, sinon la rétractation de l’ordonnance présidentielle et la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée.
3Par ordonnance du 26 août 2022, le magistrat saisi s’était déclaré incompétent pour connaître de la demande en annulation et compétent pour statuer sur la demande en rétractation, qu’il a déclarée non fondée.
La Cour d’appel a, par réformation, rétracté l’ordonnance du 24 février 2022 à l’égard de la société SOCIETE2.) et a ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt à l’égard de celle-ci.
Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 66 du Nouveau Code de procédure civile aux termes duquel :
ordonnée à l'insu d'une partie, celle-ci dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief. » en ce que l'Arrêt attaqué, déclarant l'appel introduit par SOCIETE2.) fondé, réformant l'ordonnance du 26 août 202, rétractant l'Ordonnance Présidentielle de pratiquer saisie-arrêter délivrée le 24 février 2022 à l'égard de SOCIETE2.) S.à r.l., et ainsi ordonnant la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 2 mars 2022 à l'égard de SOCIETE2.) S.à r.l., en ce que la Cour a constaté que SOCIETE16.) a confirmé, dans un courrier daté du 3 octobre 2022 (pièce n°10 de Maître Trévisan), que SOCIETE15.) est la titulaire de l'Option et a repris tous les droits et obligations de SOCIETE2.) en rapport avec cell-ci suivant le Assignment Form du 20 avril 2021 ("This lette ris to confirm that [SOCIETE15.)] is the holder of record of (…) 2.569.537 Warrant Shares (…) with all the rights and responsibilities (…) as of April 20, 2021 for the Warrants from [KIO] with the assignment form. (…) [SOCIETE2.)] holds no shares or Warrants (…) and has no rights or obigations with respect to such instruments.
All of such rights and responsibilities have been transferred to [SOCIETE15.)] thus completing the novation.") », en ce que la Cour a jugé que eu égard aux développements qui précèdent et, en particulier, aux dispositions précitées de l'article 6.1 du Contrat de Prêt et au courrier susmentionné de SOCIETE16.) du 3 octobre 2022, les contestations de SOCIETE2.) quant à sa qualité de garante et donc de débitrice de SOCIETE14.) ne sont pas manifestement vaines, ce nonobstant l'avis contraire des avocats hongkongais de SOCIETE14.). », en ce que la Cour a encore jugé qu'il y a partant lieu de retenir, contrairement à ce qu'avait jugé la juridiction de premier degré, que les contestations émises par SOCIETE2.) en rapport avec sa qualité de débitrice de SOCIETE14.) sont sérieuses, de sorte que la créance dont se prévaut SOCIETE14.) 4à son encontre ne revêt pas le caractère de certitude, ni d'apparence de certitude atténuée, requis pour justifier l'établissement d'une autorisation de pratiquer saisie-
arrêt. », alors que la Cour d'appel devait, pour apprécier l'existence d'une apparence suffisante de certitude d'une créance, se placer au jour où l'autorisation de pratiquer saisie-arrêt est délivrée, alors que la Cour d'appel a outrepassé son devoir d'appréciation en examinant et en basant sa décision de rétracté l'Ordonnance Présidentielle sur une nouvelle pièce présentée en appel, le Courrier, et qui n'existait pas au jour où l'autorisation de pratiquer saisie-arrêt est délivrée, et qu'en basant sa décision sur la Courrier, la Cour d'appel a violé l'article 66 du Nouveau Code de procédure civile. ».
Réponse de la Cour Le moyen fait grief aux juges d’appel d’avoir pris en considération, pour statuer sur la demande introduite sur base de l’article 66 du Nouveau Code de procédure civile en vue de la rétractation de l’ordonnance unilatérale d’autorisation de saisir-arrêter délivrée sur base de l’article 694 du Nouveau Code de procédure civile, des éléments d’appréciation postérieurs à l’ordonnance initiale.
L’article 66 du Nouveau Code de procédure civile requiert l’existence d’un recours contre toute décision unilatérale, sans en fixer le régime juridique. L’office du juge saisi d’une demande en rétractation sur base de cette disposition légale est identique à celui du juge ayant statué initialement de façon unilatérale.
La disposition légale invoquée au moyen, en ce qu’elle ne régit pas l’office du juge saisi de la demande en rétractation, est partant étrangère au moyen.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :
rejette le pourvoi ;
5condamne la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 5.000 euros ;
la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.
6Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de la société SOCIETE1.) LIMITED contre 1) la société à responsabilité limitée SOCIETE2.), 2) la société SOCIETE3.) LLC, 3) PERSONNE1.), en présence de 1) la société anonyme SOCIETE4.), 2) la société anonyme SOCIETE5.), 3) la société anonyme SOCIETE6.), 4) la société anonyme SOCIETE7.), 5) la société anonyme SOCIETE8.), 6) la société anonyme SOCIETE9.), 7) la société anonyme SOCIETE10.) SA/NV, 8) la société anonyme SOCIETE11.), 9) la société anonyme SOCIETE12.), (CAS-2023-00062 du registre) Par mémoire déposé au greffe de la Cour supérieure de justice du Grand-Duché de Luxembourg le 28 avril 2023, la société SOCIETE1.) LIMITED, a introduit un pourvoi en cassation contre l’arrêt portant le numéro N° 4/23 – VII REF, contradictoirement rendu entre parties le 11 janvier 2023, par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant comme en matière d’appel de référé.
La demanderesse en cassation a déposé un mémoire, signé par un avocat à la Cour, signifié le 20 avril 2023 aux parties adverses et aux tiers saisis, antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que le pourvoi est recevable pour avoir été introduit dans le délai1 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
1 Il ressort de l’acte de notification de l’arrêt dont pourvoi, versé au dossier, que la décision attaquée a été signifiée le 17 mars 2023.
7La société d’avocats BONN, SOCIETE17.), société en commandite simple, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Fabio TREVISAN, avocat à la Cour, prise en sa qualité de mandataire de la société à responsabilité limitée SOCIETE2.), a fait signifier le 16 juin 2023, à la partie demanderesse en cassation et aux parties en cause un mémoire en réponse et l’a déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 19 juin 2023.
Faits et rétroactes Le 31 janvier 2018, un contrat de prêt, soumis au droit hongkongais, a été signé entre la société SOCIETE1.) LIMITED, les sociétés SOCIETE15.) et SOCIETE2.) ainsi que PERSONNE2.), au titre duquel la société SOCIETE1.) LIMITED a prêté à la société SOCIETE15.) la somme de 4.132.782 USD.
Le prêt était destiné à permettre l’exercice de deux options d’achat conféré à la société SOCIETE2.) par la société des Îles Caïmans SOCIETE18.) Inc. sur ses actions, à savoir une première option d’achat permettant à SOCIETE2.) d’acquérir jusqu’à 2.489.254 actions de SOCIETE16.) au prix de 2,12 USD par action et une seconde option d’achat pour acquérir 2.569.537 actions supplémentaires à un prix de 1,55 USD par action.
La société SOCIETE15.) avait été créée pour recueillir le financement nécessaire pour l’exercice des options, qu’elle a obtenu à travers la conclusion du contrat de prêt du 31 janvier 2018, et pour exercer les options – l’option supplémentaire lui avait été cédée par SOCIETE2.) le 29 janvier 2018, soit deux jours avant la conclusion du contrat de prêt.
Le 31 janvier 2018, en parallèle au contrat de prêt, les sociétés SOCIETE15.) et SOCIETE2.) ainsi que PERSONNE2.) ont signé une « promissory note », avec la société SOCIETE1.) LIMITED, aux termes de laquelle la société SOCIETE2.) et PERSONNE2.) se sont engagés envers la société SOCIETE1.) LIMITED à payer, en cas de défaillance de l’emprunteur SOCIETE15.), toute somme due conformément au contrat de prêt. SOCIETE2.) et PERSONNE2.) se sont également engagés, avec SOCIETE15.), à conférer à la société SOCIETE1.) LIMITED des sûretés supplémentaires afin de garantir leurs obligations de paiement respectives.
La date d’échéance du prêt, initialement fixée au 2 février 2021, a été reportée d’un commun accord au 4 février 2022. À ce jour, ni le principal ni les intérêts du prêt n’ont été remboursés à la société SOCIETE1.) LIMITED.
Par ordonnance présidentielle unilatérale du 24 février 2022, la société SOCIETE1.) LIMITED a été autorisée à pratiquer saisie-arrêt et opposition entre les mains des tiers-saisis, sur toutes les sommes, dividendes, deniers, valeurs, obligations, titres, effets, droits de propriété intellectuelle, créances, ou objets quelconques qu’elles ont ou auront, peuvent ou pourront détenir, vont verser ou recevoir pour le compte de (en particulier les dividendes versés pour les années à venir et ce jusqu’à validation de la saisie), doivent ou devront à ou pour le compte de, à quelque titre et pour quelque cause que ce soit, à la société SOCIETE15.), à PERSONNE2.) et à la société SOCIETE2.), et ce pour avoir sûreté, conservation de ses droits et avoir paiement de la somme de 4.132.782 USD au principal, augmenté des intérêts conventionnels évalués à 2.140.436,68 USD échus au 21 février 2022, soit un total de 6.273.218,68 USD, augmenté de 500.000 euros, à titre de provision pour intérêts à échoir et frais légaux, soit au total 6.029.531,60 EUR.
8 Par exploits d’huissier des 28 avril 2022, 2 mai 2022 et 3 mai 2022, la société SOCIETE2.) a fait donner assignation à la société SOCIETE13.), à la société SOCIETE15.) et à PERSONNE2.), ainsi qu’aux tiers saisis à comparaître devant le président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant comme en matière de référé, aux fins de voir ordonner l’annulation, sinon la rétractation de l’ordonnance présidentielle du 24 février 2022 et de voir ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 2 mars 2022 entre les mains des tiers saisis.
Par ordonnance n°2022TALREFO/00336 rendue le 26 août 2022, un juge du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, statuant en tant que juge des saisies comme en matière de référés, en remplacement du président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande en annulation de l’ordonnance unilatérale du 24 février 2022 et compétent pour connaître de la demande en rétractation de celle-ci, qu’il a déclaré non fondée.
La société SOCIETE2.) a interjeté appel contre cette décision et a demandé, par réformation de l’ordonnance entreprise, l’annulation sinon la rétractation de l’ordonnance présidentielle unilatérale du 24 février 2022.
L’arrêt entrepris a réformé l’ordonnance du 26 août 2022, en rétractant l’ordonnance de pratiquer saisie-arrêt délivrée le 24 février 2022 par le président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, avec la précision que l’ordonnance est rétractée uniquement en ce qu’elle concerne la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) SARL et reste valable pour le surplus, et a ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 2 mars 2022 sur la base de l’ordonnance présidentielle de pratiquer saisie-arrêt du 24 février 2022 entre les mains de sept établissements financiers et deux sociétés anonymes, avec la précision que la mainlevée n’est ordonnée qu’en ce qui concerne la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) SARL.
Sur l’unique moyen de cassation La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la loi en ce que la Cour d’appel a pris en considération un courrier de SOCIETE16.) datant du 3 octobre 2022 pour retenir qu’eu égard à ce courrier, les contestations de SOCIETE2.) quant à sa qualité de garante et donc débitrice de SOCIETE13.) ne sont pas manifestement vaines alors que la Cour, pour apprécier l’existence d’une apparence suffisante de certitude d’une créance, devait se placer au jour où l’autorisation de pratiquer saisie-arrêt est délivrée et non à la date à laquelle elle statuait.
L'article 66 du Nouveau Code de procédure civile dispose que :
« Lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu'une mesure soit ordonnée à l'insu d'une partie, celle-ci dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief ».
L’article 66 du Nouveau Code de procédure civile se limite à imposer un but à atteindre : la disponibilité d’un recours réel contre la mesure unilatérale au profit de celui qui est affecté dans ces droits par cette mesure (cf. Le droit judiciaire privé, par Thierry Hoscheit, n° 1362).
Sur base de cette disposition, et par exception au principe de contradiction, une ordonnance sur requête unilatérale est susceptible d’être ordonnée dans deux cas de figure, à savoir, soit lorsque la loi le permet, soit lorsque la nécessité commande d’ordonner la mesure à l’insu d’une partie.
9 Le recours contre une telle mesure unilatérale consiste en une action en rétractation.
Le régime juridique de l’action en rétractation de l’ordonnance présidentielle se différencie de celui des procédures de référé proprement dites.
Le juge saisi de l’action en rétractation, siège après un débat contradictoire et statue « comme en matière de référé », sur la question qu’il avait précédemment toisée unilatéralement.
Il ne statue pas comme juge d’appel, l’appel étant la voie de recours ouverte contre l’ordonnance prise après un débat contradictoire.
L’objet de l’action en rétractation est de rétablir le débat contradictoire.
La situation procédurale rencontrée devant le juge saisi de l’action en rétractation, siégeant en première instance, est comparable à celle d’un jugement sur opposition. La procédure de la rétractation tend en effet, tout comme l’opposition, à faire statuer à nouveau en fait et en droit2.
L’article 91 du Nouveau Code de procédure civile, dispose dans son alinéa 1er que « l’opposition remet en question, devant le même juge, les points jugés par défaut pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ».
Ce texte exprime le principe que l’opposition constitue une voie de rétractation.
La règle énoncée dans le moyen, à savoir que dans le cadre de l’action en rétractation, il y a lieu d’apprécier le litige au moment auquel le juge a donné l’autorisation de pratiquer saisie-arrêt, semble dès lors incompatible avec la situation procédurale rencontrée, laquelle est comparable à la procédure d’opposition.
En effet, il appartient au juge de la rétractation comme au juge de l’opposition de se placer au jour où il statue.
L’article 66 du Nouveau Code de procédure civile reprenant textuellement l’article 17 du Code de procédure civile français, la jurisprudence de la Cour de Cassation française peut constituer une source d’inspiration en la matière.
La Cour de cassation française, saisie d’un pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel ayant rejeté une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête a retenu que c'est à bon droit que la Cour d'appel a apprécié l'existence du motif légitime à la lumière tant des éléments de preuve invoqués dans la requête que de ceux qui ne l'avaient pas été mais qui étaient produits devant elle3.
Il convient de conclure que le juge saisi d’une demande en rétractation, serait-ce en instance d’appel, doit apprécier le bien-fondé de la requête au jour où il statue et non seulement au moment auquel a statué le juge qui a donné l’autorisation de pratiquer saisie-arrêt4.
2 Cour d’appel, VII, arrêt n° 134/16-VII-REF du 19 octobre 2016 3 Cour de cassation, deuxième chambre civile, 22 septembre 2016, pourvoi n°15-22.262 4Jurisclasseur, Procédure civile, Fasc.1300-20, n°62 10Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.
Pour le Procureur général d’Etat, L’avocat général, Bob PIRON 11