N° 14 / 2024 pénal du 25.01.2024 Not. 35651/19/CD Numéro CAS-2023-00048 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Maroc), demeurant à L-ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Miloud AHMED-BOUDOUDA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué, rendu le 14 mars 2023 sous le numéro 117/23 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation au pénal formé par Maître Miloud AHMED-
BOUDOUDA, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 13 avril 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation déposé le 15 mai 2023 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Serge WAGNER.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné le demandeur en cassation du chef d’infractions à la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie à une peine d’emprisonnement et à une peine d’amende. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.
Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la mauvaise application, sinon interprétation de la loi, à savoir l’application de l’article 196 al.1. du Code de procédure pénale En ce que l’arrêt attaqué a :
N’a pas été signé par les juges qui l’ont rendu.
Au motif que :
Aucun motif n’exprimé sur ce point étant donné qu’il s’agit d’un grief nouveau apparu en instance d’appel :
Alors que :
S’il est vrai que selon l’article 196 al.1 du Code de Procédure Pénale, La minute du jugement sera signée au plus tard dans les vingt-quatre heures, par les juges qui l’auront rendu », toute communication de l’acte officiel que constitue une copie d’un jugement ou d’un arrêt, plus généralement une décision judiciaire, doit comporter la copie des signatures en question avant d’être communiquée aux parties, à leurs mandataires ou au Ministère Public, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Il n’appartient pas au mandataire du prévenu ou au prévenu de vérifier auprès du greffe si ladite formalité est ou non remplie.
Le fait que les arrêts rendus par les chambres correctionnelles de la Cour d’Appel sont de manière générale communiquées dans la semaine du prononcé dans les cases des mandataires des prévenus, a pour conséquence qu’au moment de cette communication, l’arrêt rendu a théoriquement déjà été signé par les juges qui l’ont rendu et toute copie qui en est délivré doit comporter une copie des signatures théoriquement apposées sur la minute du jugement.
Le parallélisme des formes impliquant que l’absence de signature d’un jugement rend ce jugement nul de la même façon qu’un acte introductif d'instance, tel qu’un réquisitoire d’ouverture d’une information judiciaire en matière pénale, ou d’une citation à prévenu, sont à déclarer nuls, si ils ne sont pas signés de la main de leur auteur.
2 Il en est de même d’une simple requête en restitution d’objet saisi, ou d’une demande de mise en liberté provisoire, actes, qui à défaut de signature du requérant ou de son mandataire, ne saisissent pas valablement la juridiction.
Le jugement ou l’arrêt rendus en matière pénale et qui ne comporte pas la signature des juges qui l’ont rendu peut-il dès lors être considéré comme un jugement stricto sensu, ou doit-il être qualifié de simple document informatif ou projet de décision ? En vertu de quelle règle procédurale, la personne condamnée, ne peut elle pas s’assurer elle-même de la conformité de la décision de condamnation écrite au prononcé des juges ? La signature étant le seul moyen de s’en assurer, le demandeur en cassation estime subir un préjudice provoqué par l’absence d’expression de ladite certitude.
Le sieur PERSONNE1.), en l’espèce, a été dans l’obligation de se pourvoir en cassation, alors qu’il ignorait, du fait de l’absence de signature, si l’arrêt le condamnant à 18 mois de prison, correspondait bien au prononcé rendu par les juges dans son affaire, étant également entendu que, du fait de l’absence de signature des trois magistrats de la composition, aucune garantie de vérification de la collégialité n’est donnée.
L’irrégularité du défaut de signature n’ayant pas été régularisée dans le délai du pourvoi en cassation d’un mois visé par la loi, la seule sanction possible est l’annulation de l’arrêt entrepris qui est demandé à la Cour de céans.
En rendant l’arrêt entrepris du 14 mars 2023 (n° 117/23 V Not :
35651/19/CD), la Vème chambre de la Cour d’Appel a commis une erreur de droit. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir signé l’arrêt attaqué.
La disposition visée au moyen a trait à l’obligation pour les juges de signer dans les vingt-quatre heures la minute de la décision qu’ils ont rendue. Il résulte de l’expédition de l’arrêt attaqué, versée au dossier, que la minute dudit arrêt est signée par les juges qui l’ont rendu.
La disposition visée au moyen ne fait pas obligation de délivrer aux parties une copie signée par les juges de la décision qu’ils ont rendue.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
3 PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 6 euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère public (n° CAS-2023-00048 du registre)
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Par déclaration faite le 13 avril 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître Miloud AHMED-BOUDOUDA, avocat à la Cour, forma un recours en cassation, au pénal, au nom et pour le compte de PERSONNE1.), contre un arrêt rendu le 14 mars 2023 sous le numéro 117/23 V. par la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle.
Cette déclaration de recours a été suivie le 15 mai 2023 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Le pourvoi a été déclaré dans les formes et délais de la loi. De même le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans les formes et délais y imposés.1 Le pourvoi est donc recevable.
Faits et rétroactes :
Par jugement N° 588/2022 rendu contradictoirement par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, en date du 24 février 2022, PERSONNE1.) a été condamné, du chef d’infractions à la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la 1 Le délai d’un mois à partir de la déclaration de cassation pour déposer un mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation a expiré en date du samedi 13 mai 2023 de sorte qu’il a été reporté au premier jour ouvrable qui suit, soit le lundi 15 mai 2023toxicomanie à une peine d’emprisonnement de dix-huit mois, ainsi qu’à une amende de 1.250.- euros.
Sur appel de PERSONNE1.) et du procureur d’Etat de Luxembourg, la Cour d’appel, cinquième chambre, par un arrêt N° 117/23 du 14 mars 2023, a déclaré les appels recevables mais non fondés, confirmant le jugement entrepris.
Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.
Quant à l’unique moyen de cassation :
« Tiré de la mauvaise application, sinon interprétation de la loi, à savoir l’application de l’article 196 alinéa 1 du code de procédure pénale, En ce que l’arrêt attaqué a :
n’a pas été signé par les juges qui l’ont rendu, Au motif que :
Aucun motif n’exprimé sur ce point étant donné qu’il s’agit d’un grief nouveau apparu en instance d’appel ;
Alors que :
S’il est vrai que selon l’article 196 al.1 du Code de procédure pénale, « La minute du jugement sera signée au plus tard dans les vingt-quatre heures, par les juges qui l’auront rendu », toute communication de l’acte officiel que constitue une copie d’un jugement ou d’un arrêt, plus généralement une décision judiciaire, doit comporter la copie des signatures en question avant d’être communiquée aux parties, à leurs mandataires ou au Ministère Public, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. » Aux termes de son unique moyen, tiré de la violation de l’article 196 du Code de procédure pénale, ayant trait à l’obligation pour les juges de signer dans les vingt-quatre heures la minute du jugement qu’ils ont rendu, le demandeur en cassation fait valoir le grief de n’avoir reçu qu’une copie de la décision non munie de ces signatures.
Ainsi, la disposition visée est étrangère au grief mis en œuvre par le moyen, de sorte que le moyen est irrecevable2.
2 Voir en ce sens, pour un moyen de cassation formulé dans des termes identiques : Cass. 6 mai 2021, N° 78/2021 pénal, n° CAS-2020-00107 du registre ; Cass. 22 juin 2023, N° 77/2023 pénal, n° CAS-2022-00116 du registreIl s’y ajoute que le moyen manque en fait3, puisqu’il résulte de l’expédition de l’arrêt attaqué versé au dossier que la minute dudit arrêt est, conformément à l’article 196, alinéa 1, du Code de procédure pénale, signée par les magistrats qui l’ont rendu.
En effet, cette disposition légale ne fait pas obligation de délivrer aux parties une copie de la décision judicaire signée par les juges qui l’ont rendue4.
Selon le moyen, un jugement non signé serait frappé de nullité et le demandeur en cassation aurait été « dans l’obligation de se pourvoir en cassation, alors qu’il ignorait, du fait de l’absence de signature, si l’arrêt la condamnant à 18 mois de prison correspondait bien au prononcé rendu par les juges de son affaire, étant également entendu que, du fait de l’absence de signature des trois magistrats de la composition, aucune garantie de vérification de la collégialité n’est donnée »5.
L’article 196, alinéa 1er, du Code de procédure pénale dispose :
« La minute du jugement sera signée au plus tard dans les vingt-quatre heures, par les juges qui l’auront rendu. » En vertu de l’article 211 du même Code, cette disposition, qui concerne les jugements répressifs rendus par les tribunaux d’arrondissement, est également applicable aux arrêts rendus en instance d’appel.
Il s’en dégage que la minute, c’est-à-dire l’original6, d’un jugement ou d’un arrêt pénal doit être signée par les magistrats qui ont rendu ladite décision.
Tel est le cas en l’espèce et le moyen manque donc en fait.
En effet, l’expédition de l’arrêt attaqué qui se trouve jointe au dossier soumis à Votre Cour renseigne bien que la décision est signée « FLAMMANG, MACKEL, FRANCK, SERVATY », partant par les magistrats de la cinquième chambre de la Cour d’appel, siégeant dans la composition collégiale qui a rendu l’arrêt en cause, de même que par le greffier.
Etant donné que ces mentions de l’arrêt attaqué font foi jusqu’à inscription de faux7, c’est en vain que le demandeur en cassation tente de les remettre en cause.
La circonstance que la copie de l’arrêt qui a été communiquée au mandataire du demandeur en cassation ne soit, le cas échéant, pas munie de ces signatures ne porte pas 3 Voir en ce sens, pour un moyen de cassation formulé dans des termes identiques : Cass. 19 janvier 2023, N° 8/2023 pénal, n° CAS-2020-00028 du registre 4 Voir en ce sens : Cass. 19 janvier 2023 N° 8/2023 pénal, n° CAS-2022-00028 du registre, réponse au premier moyen de cassation 5 Mémoire en cassation, p. 2 en bas 6 Lexique des termes juridiques, Ed. Dalloz, verbo « minute » 7 Voir, p.ex., Cass. Française, chambre criminelle, 28 octobre 1992, n°91-85.793, Bull. crim. 1992, n°348, page 962 ; Cour d’appel, 13 mai 1959, Pas.17, p.453à conséquence, dès lors qu’aucune disposition du Code de procédure pénale ne prévoit l’obligation d’une telle formalité.
A titre subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.8 L’unique moyen de cassation est donc irrecevable, sinon manque en fait, sinon n’est pas fondé.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.
Pour le Procureur Général d’Etat, le premier avocat général, Serge WAGNER 8 Voir en ce sens, pour un moyen de cassation formulé en termes identiques : Cass. 10 octobre 2023, N° 102/2023 pénal, n° CAS-2022-00124 du registre 8