N° 18 / 2024 pénal du 01.02.2024 Not. 20963/22/CD Numéro CAS-2023-00122 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, premier février deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Nigeria), alias PERSONNE2.), né le DATE2.) au Nigeria, alias PERSONNE3.), né le 1er janvier 1986 au Soudan, alias PERSONNE4.), né le 1er janvier 1986 au Soudan, alias PERSONNE5.), né le 1er octobre 1980 au Nigeria, demeurant à F-ADRESSE2.) (Inter Service Migrants Est), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué, rendu le 14 juin 2023 sous le numéro 236/23 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 6 juillet 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation déposé le 3 août 2023 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné PERSONNE1.) à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis partiel du chef d’infractions à l’article 8.1 a), à l’article 8.1.b) et à l’article 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.
Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l'article 89 de la Constitution et de l'article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme.
La motivation des décisions judiciaires, surtout en instance d'appel, doit permettre au justiciable de comprendre le sens et la portée de l'arrêt, mais encore les motifs qui justifient la décision et la peine, et ce de façon non équivoque.
Cependant, il n'en est rien dans le cas d'espèce.
L'arrêt aurait dû clairement exprimer son raisonnement en droit par rapport aux faits constatés et par rapport au droit applicable, entre autre par rapport aux éléments constitutifs des infractions pénales en cause, à savoir ceux des infractions en rapport avec la loi du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.
En ne le faisant pas, l'arrêt attaqué encourt la cassation.
Alors que la décision querellée n'exprime pas son raisonnement par rapport aux faits constatés, par rapport au droit applicable et par rapport au dossier répressif, l'arrêt en question encourt la cassation.
Surtout quant aux faits, l’arrêt attaqué se réfère expressis verbis au jugement de première instance dans les termes suivants :
La juridiction de première instance a correctement apprécié les circonstances de la cause et c’est à juste titre qu’elle a retenu PERSONNE1.) dans les liens des préventions mises à sa charge, préventions qui sont restées établies en instance d’appel sur base des éléments du dossier répressif, et notamment des observations et constatations de police, de l’expertise toxicologique, de la fouille corporelle du prévenu et de ses aveux.
(…) Pour le surplus, la décision de première instance quant aux infractions retenues à charge du prévenu PERSONNE1.) est à confirmer. » Bien que les juges d'appel se soient entre autre basés sur la motivation des premiers juges, toujours est-il que la motivation in globo, sur les circonstances des infractions retenues, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, fait défaut.
La notion de procès équitable comporte l'obligation de motivation à la portée du prévenu.
Dans les conditions données, la motivation est à tel point lacunaire qu'elle doit être assimilée à une décision non motivée puisque de par sa présentation, elle ne permet pas de remplir la fin de l'article 89 de la Constitution et celle de l'article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir motivé leur décision, mettant en œuvre le grief du défaut de motivation.
En tant que tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution tel qu’en vigueur avant le 1er juillet 2023 et de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen vise le défaut de motifs, qui est un vice de forme.
En retenant « Les débats en instance d'appel n'ont pas révélé l'existence de faits nouveaux, de sorte qu'il y a lieu de se référer à l'exposé des faits, tel qu'il résulte du jugement entrepris.
La juridiction de première instance a correctement apprécié les circonstances de la cause et c’est à juste titre qu’elle a retenu PERSONNE1.) dans les liens des préventions mises à sa charge, préventions qui sont restées établies en instance d’appel sur base des éléments du dossier répressif, et notamment des observations et constatations des agents de police, de l’expertise toxicologique, de la fouille corporelle du prévenu et de ses aveux.
C’est encore à juste titre que la juridiction de première instance a limité la période de temps au 30 juin 2022, aucun élément du dossier n’ayant permis de conclure que PERSONNE1.) s’est adonné à la vente de stupéfiants avant cette date.
En conséquence, il y a lieu de faire abstraction du fait que PERSONNE1.) tel qu’il figure dans le libellé des infractions retenues à sa charge.
Pour le surplus, la décision de première instance quant aux infractions retenues à charge du prévenu PERSONNE1.) est à confirmer », les juges d’appel ont motivé leur décision par rapport aux faits et aux éléments constitutifs des infractions.
En retenant, par ailleurs, « (…) la peine d’emprisonnement prononcée en première instance est légale et adéquate. En effet, elle tient compte de la quantité importante de cocaïne et d’héroïne saisie sur le prévenu au moment de son interpellation le 30 juin 2022. » et « Compte tenu de la gravité des infractions portant atteinte à l’ordre public, le prévenu n’ayant pas hésité à vendre des drogues dures à des toxicomanes entraînant des conséquences néfastes pour ces derniers, et du risque de récidive résultant de l’absence d’occupation professionnelle rémunérée et donc de l’absence de ressources financières dans le chef du prévenu PERSONNE1.), une peine de prison assortie du sursis intégral ne serait pas suffisante pour mettre fin à ses agissements délictuels, de sorte que le maintien du bénéfice du sursis partiel à l’égard du prévenu est justifié », les juges d’appel ont motivé leur décision par rapport à la personnalité et à la situation personnelle du demandeur en cassation.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 2,50 euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, premier février deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Bob PIRON et du greffier Daniel SCHROEDER.
5 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public (n° CAS-2023-00122 du registre)
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Par déclaration faite le 6 juillet 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, forma un recours en cassation au pénal au nom et pour le compte de PERSONNE1.), contre un arrêt rendu le 14 juin 2023 sous le numéro 236/23 X.
par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle.
Cette déclaration de recours fut suivie en date du 3 août 2023 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître Olivier UNSEN, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, au nom et pour le compte de PERSONNE1.).
Le pourvoi respecte le délai d’un mois courant à partir du prononcé de la décision attaquée dans lequel la déclaration de pourvoi doit, conformément à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, intervenir. Il respecte en outre le délai d’un mois, prévu par l’article 43 de la loi du 18 février 1885, dans lequel la déclaration du pourvoi doit être suivie du dépôt du mémoire en cassation.
Conformément à l’article 43 précité, ce mémoire a été signé par un avocat à la Cour, précise les dispositions attaquées de l’arrêt et contient des moyens de cassation.
Le pourvoi est donc recevable.
Faits et rétroactes :
Par jugement n°2832/2022 du 15 décembre 2022 rendu contradictoirement par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, PERSONNE1.) a été condamné, du chef d’infractions contre la législation sur les stupéfiants, à une peine d’emprisonnement de 18 mois, dont 6 mois assortis du sursis simple.
Sur appel de PERSONNE1.) et du procureur d’Etat de Luxembourg, la Cour d’appel, chambre correctionnelle, par arrêt n°236/23 X. rendu le 14 juin 2023, a confirmé le jugement entrepris, sauf à rectifier le libellé des infractions retenues à charge du prévenu.
Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.
Quant à l’unique moyen de cassation:
tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 6§1er de la Convention européenne des droits de l’homme L’unique moyen de cassation met en œuvre le grief du défaut de motivation, vice de forme de l’arrêt attaqué.
Il consiste à reprocher à la Cour d’appel de s’être limitée à se référer à la motivation des juges de première instance, alors qu’elle « aurait dû clairement exprimer son raisonnement en droit par rapport aux faits constatés et par rapport au droit applicable, entre autre par rapport aux éléments constitutifs des infractions pénales en cause, à savoir ceux des infractions en rapport avec la loi du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses. »1 Toujours selon le moyen, « la motivation in globo, sur les circonstances des infractions retenues, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur »2 ferait défaut.
Ces critiques sont d’autant plus surprenantes qu’il se dégage de la lecture de l’arrêt attaqué que l’actuel demandeur en cassation n’avait nullement contesté les infractions retenues à sa charge, mais que son appel se trouvait limité à la seule peine3.
Par conséquent, les magistrats d’appel auraient pu analyser uniquement le volet de la sanction prononcée à l’encontre du prévenu. Or, dans un souci d’être complets, ils ont examiné tant les faits se trouvant à la base de la poursuite pénale, de même que les 1 Mémoire en cassation, page3, alinéa 3 2 Mémoire en cassation, page 3, dernier alinéa 3 Arrêt attaqué, page 6, alinéa 4infractions reprochées à l’actuel demandeur en cassation, avant de se pencher sur l’aspect de la peine.
Selon la jurisprudence constante de Votre Cour, une décision judiciaire est régulière en la forme dès lors qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.
Concernant les faits, dont la matérialité n’était pas contestée par la défense4, ni en appel, ni en première instance5, la Cour d’appel a constaté que « les débats en instance d’appel n’ont pas révélé l’existence de faits nouveaux, de sorte qu’il y a lieu de se référer à l’exposé des faits, tel qu’il résulte du jugement entrepris »6. Au vu de l’absence de toute contestation à cet égard, les magistrats d’appel ont pu à bon droit se limiter à renvoyer à la motivation du jugement entrepris.
Quant au volet des infractions retenues à charge du prévenu, non critiquées par la défense, les magistrats d’appel ont retenu :
« La juridiction de première instance a correctement apprécié les circonstances de la cause et c’est à juste titre qu’elle a retenu PERSONNE1.) dans les liens des préventions mises à sa charge, préventions qui sont restées établies en instance d’appel sur base des éléments du dossier répressif, et notamment des observations et constatations des agents de police, de l’expertise toxicologique, de la fouille corporelle du prévenu et de ses aveux.
C’est encore à juste titre que la juridiction de première instance a limité la période de temps au 30 juin 2022, aucun élément du dossier n’ayant permis de conclure qu’PERSONNE1.) s’est adonné à la vente de stupéfiants avant cette date. En conséquence, il y a lieu de faire abstraction du fait que PERSONNE1.) « a vendu à au moins cinq à six reprises des quantités indéterminées de cocaïne et d’héroïne » tel qu’il figure dans le libellé des infractions retenues à sa charge.
Pour le surplus, la décision de première instance quant aux infractions retenues à charge du prévenu PERSONNE1.) est à confirmer. »7 C’est donc tant par une motivation propre que par adoption de celle des premiers juges que la Cour d’appel a pris position sur ce point.
A propos, finalement, de la personnalité et de la situation personnelle de l’actuel demandeur en cassation, éléments à prendre en compte dans le cadre de la détermination de la peine, la Cour d’appel, après avoir souligné la gravité des faits au vu des quantités importantes de drogues détenues par le prévenu8, justifiant la confirmation du quantum de la peine, et après avoir précisé que ce dernier était légalement éligible au sursis9, a souligné que « le prévenu n’ayant pas hésité à vendre des drogues dures à des toxicomanes 4 Arrêt attaqué, page 6, alinéa 4 5 Jugement du 15 décembre 2022, page 2 de l’arrêt attaqué, alinéa 9 6 Arrêt attaqué, page 6, alinéa 6 7 Arrêt attaqué, page 6, dernier alinéa, et page 7, alinéas 1 à 3 8 Arrêt attaqué, page 7, alinéa 5 9 Arrêt attaqué, page 7, alinéa 7entraînant des conséquences néfastes pour ces derniers »10, de même que le « risque de récidive résultant de l’absence d’occupation professionnelle rémunérée et donc de l’absence de ressources financières dans le chef du prévenu »11 pour en conclure que la peine prononcée par les premiers juges était tout simplement à confirmer, dès lors qu’ « une peine de prison assortie du sursis intégral ne serait pas suffisante pour mettre fin à ses agissements délictuels »12.
Il s’en dégage que la Cour d’appel s’est prononcée par une motivation adéquate et exempte d’insuffisance sur tous les points critiqués aux termes de l’unique moyen de cassation, de sorte que celui-ci laisse d’être fondé.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.
Pour le Procureur Général d’Etat, le premier avocat général, Simone FLAMMANG 10 Arrêt attaqué, page 7, alinéa 8 11 idem 12 idem 9