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30/05/2024 | LUXEMBOURG | N°84/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 30 mai 2024, 84/24


N° 84 / 2024 du 30.05.2024 Numéro CAS-2023-00139 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente mai deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Premier ministre ayant se

s bureaux à L-1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine, demandeur en cassat...

N° 84 / 2024 du 30.05.2024 Numéro CAS-2023-00139 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente mai deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Premier ministre ayant ses bureaux à L-1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine, demandeur en cassation, comparant par Maître Hervé HANSEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1) PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), 2) le SYNDICAT DE CHASSE DE LIEU1.), ayant été dissout avec effet au 31 mars 2021 et liquidé suivant rapport de liquidation dressé le 30 juin 2021, représenté par le président du collège des syndics, l’Administration communale de la Ville de Differdange, représentée par le bourgmestre, sinon, pour autant que de besoin, par le collège des bourgmestre et échevins, sinon pour autant que de besoin par PERSONNE2.), ayant ses bureaux à la maison communale à L-

4530 Differdange, 40, avenue Charlotte, 3) le SYNDICAT DE CHASSE DE LIEU1.), ayant été dissout avec effet au 31 mars 2021 et liquidé suivant rapport de liquidation dressé le 30 juin 2021, représenté par le collège des syndics, agissant comme liquidateur, auquel collège des syndics le mémoire en cassation a été signifié à l’adresse de son président, l’Administration communale de la Ville de Differdange, représentée par le bourgmestre, sinon, pour autant que de besoin, par le collège des bourgmestre et échevins, sinon pour autant que de besoin par PERSONNE2.), ayant ses bureaux à la maison communale à L-4530 Differdange, 40, avenue Charlotte, défendeurs en cassation, comparant par Maître François REINARD, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 4) PERSONNE3.), demeurant à L-ADRESSE2.), 5) l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE DIFFERDANGE, représentée par le bourgmestre, sinon, pour autant que de besoin, par le collège des bourgmestre et échevins, sinon, pour autant que de besoin, par PERSONNE2.), ayant ses bureaux à L-4530 Differdange, 40, avenue Charlotte, prise en sa qualité de président du collège des syndics du Syndicat de chasse de LIEU1.), défendeurs en cassation.

___________________________________________________________________

Vu le jugement attaqué numéro 2023TALCH03/00074 rendu le 18 avril 2023 sous le numéro TAL-2020-01549 du rôle par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière civile et de dégâts de gibier ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 17 août 2023 par l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG (ci-après « l’ETAT ») à PERSONNE1.), à PERSONNE3.), au SYNDICAT DE CHASSE DE LIEU1.), représenté par le président de son collège des syndics, à l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE DE DIFFERDANGE et au SYNDICAT DE CHASSE DE LIEU1.), représenté par le collège des syndics agissant comme liquidateur, déposé le 18 août 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 11 octobre 2023 par PERSONNE1.), par le SYNDICAT DE CHASSE DE LIEU1.), représenté par le président de son collège des syndics et par le SYNDICAT DE CHASSE DE LIEU1.), représenté par le collège des syndics agissant comme liquidateur, à l’ETAT, déposé le 13 octobre 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.

Sur les faits Selon le jugement attaqué, le Tribunal de paix d’Esch-sur-Alzette, siégeant en matière civile et de dégâts de gibier, avait dit fondée la demande en indemnisation de PERSONNE3.) contre l’ETAT et avait condamné ce dernier au paiement d’un certain montant. Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a confirmé le jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré, de la violation de la loi, (i) en sa première branche, par refus d’application, sinon fausse interprétation de la loi, in specie de l’article 163, point 1°, du Nouveau Code de procédure civile qui dispose que :

Sont assignés […] l'Etat, en la personne du Ministre d’Etat ; », ensemble l’article 6, paragraphe 1er, sous son volet civil, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après, la ) qui dispose que :

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera […] des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil […] », et le principe du contradictoire inscrit à l’article 63 du Nouveau Code de procédure civile qui dispose que :

Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. », et (ii) en sa seconde branche, par fausse interprétation, sinon fausse application de la loi, in specie du principe général du droit emportant unicité de l’Etat, découlant de l’article 1er de la Constitution en vertu duquel […] indivisible », en ce que le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a, pour dire l’appel non fondé, retenu que :

Par le prédit courrier du 27 juin 2018, dont copie a également été adressée à Christian BERG en sa qualité de représentant de l’ETAT, le SYNDICAT DE CHASSE a informé le juge de paix de l’absence d’arrangement amiable entre les parties et lui a transmis le dossier.

[…] Par courrier du 26 décembre 2018, l’expert a convoqué Christian BERG, en tant que représentant de l’ETAT, aux opérations d’expertise. Il est constant que Christian BERG, en sa qualité de représentant de l’ETAT a ensuite participé auxdites opérations.

[…] Par courrier du 2 avril 2019, le mandataire de PERSONNE3.) s’est adressé à l’Administration de la nature et des forêts, soit la représentante de l’ETAT, en l’informant que par courrier recommandé du 7 mars 2019, le rapport d’expertise WAGNER avait été notifié aux parties en cause […] Par courrier du 30 avril 2019, la Ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable répond, en tant représentant de l’ETAT que .

Elle reproche encore à l’expert WAGNER d’avoir outrepassé sa misse d’expertise.

Par courrier du 3 mai 2019, le mandataire de PERSONNE3.) a informé la justice de paix de l’absence d’accord quant à l’indemnisation et a donc sollicité la convocation des parties à l’audience. Ledit courrier marque expressément qu’une copie a été envoyée à l’Administration de la nature et des forêts en sa qualité de représentante de l’ETAT.

Par convocation datée du 17 mai 2019, le greffe de la justice de paix a convoqué l’ensemble des parties, dont notamment Christian BERG en tant que représentant de l’Administration de la nature et des forêts, soit de l’ETAT, tel qu’il ressort des développements ci-dessus.

A l’audience du 16 octobre 2019, les parties ont finalement valablement comparu, dont Christian BERG, préposé de la nature et des forêts en tant que représentant de l’ETAT.

Au vu de l’ensemble de ce qui précède, force est donc de constater qu’en matière de dégât de chasse une procédure spécifique a été instituée par la loi modifiée du 25 mai 2011, soit une loi spéciale, qui déroge à la procédure de droit commun en matière civile telle que prévue par le nouveau code de procédure civile, notamment aux prévisions de l’article 163 du nouveau code de procédure civile en ce qui concerne la représentation de l’ETAT en justice.

Dans ce contexte, il est renvoyé à l’article 52 de la loi modifiée du 25 mai 2011 qui prévoit expressément que le nouveau code de procédure civile ne s’applique en la matière que pour autant qu’il n’est pas dérogé par la loi modifiée du 25 mai 2011.

Tout au long de la procédure en cause, l’ETAT a été valablement représenté soit par Christian BERG, préposé de la nature est des forêts, soit par la Ministre de l’Environnement qui d’ailleurs dans son courrier du 30 avril 2019 ne conteste à aucun moment la présence de l’ETAT dans l’affaire qui nous occupe.

[…] Le tribunal décide donc que l’ETAT a été valablement partie à la procédure de première instance et que le principe du contradictoire a été respecté à tout stade de la procédure à son égard, de sorte que le moyen en nullité du jugement entrepris est à rejeter. », alors que, * * * (i) première branche, la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après, la ) retient que la possibilité pour les parties de prendre part au procès découle de l’objet et du but de l’article 6 de la [CEDH], pris dans son ensemble » et que les principes du contradictoire et de l’égalité des armes ne se conçoivent guère sans la participation des parties au procès », ce qui implique avant tout que la personne contre laquelle une action en justice est introduite en soit avisée », sous peine de commettre un déni de justice, que la Cour d’appel retient que :

Le débat contradictoire est ainsi de l’essence même de la procédure judiciaire en ce qu’il constitue un des piliers du procès équitable et du respect des droits de la défense. Sans contradiction, impliquant que chaque partie soit informée à tout moment des démarches procédurales des autres acteurs impliqués, que se soient ses adversaires, les juges ou les autres intervenants dans la procédure, l’instance ne peut jouir de la crédibilité et de l’acceptation nécessaires pour assurer sa légitimité et celle de la décision adoptée en fin de parcours. La violation de ces principes entraîne la nullité de la décision. », que Votre Cour retient que la règle générale de procédure de l’article 163 du Nouveau code de procédure civile selon laquelle les assignations concernant une administration publique étatique qui n’a pas de personnalité juridique sont à diriger contre l’Etat, représenté par le ministre d’Etat, connaît une exception au cas où la loi donne à une administration qui n’a pas la personnalité juridique le pouvoir d’agir en justice ou d’y défendre », qu’il est de jurisprudence constante que la question de la représentation de l’Etat dans les instances judiciaires est d’ordre public, de sorte qu’elle doit non seulement être examinée d’office par les tribunaux, mais qu’elle peut encore être soulevée en tout état de cause, même pour la première fois en instance d’appel, et que l’absence de pouvoir constitue un défaut de pouvoir, qui est une irrégularité de fond, qu’aucune disposition de la loi du 25 mai 2011 relative à la chasse - en particulier ni son article 52, paragraphe 2, ni son article 53, paragraphe 2 - ne déroge à la règle de l’article 163, point 1°, du Nouveau Code de procédure civile d’après laquelle c’est le Ministre d’Etat seul qui représente l’Etat lorsque ce dernier est appelé à défendre à une action en justice, qu’il s’ensuit qu’en l’espèce, l’Etat, partie demanderesse en cassation, a été jugé sans avoir été ni appelé ni entendu, que dès lors les juges d’appel ne pouvaient, sans contrevenir aux dispositions visées au moyen sous examen, retenir qu’avait pouvoir pour agir en défense au nom de l’Etat, partie demanderesse en cassation, une personne physique, telle que Monsieur Christian Berg, préposé de la nature et des forêts ou Madame la Ministre Carole Dieschbourg, représentant une administration dénuée de la personnalité morale, telle que l’Administration de la Nature et des Forêts ou le Ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, respectivement, (ii) seconde branche, la règle visée n’implique aucunement, en l’absence de disposition légale spéciale à cet effet, que tout fonctionnaire d’une administration de l’Etat dénuée de la personnalité juridique, tel que le préposé de la nature et des forêts ou la Ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, se voie attribuer pouvoir pour défendre à une action en justice au nom et pour compte de l’Etat, partie demanderesse en cassation, que ce faisant, le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a méconnu le sens et la portée du principe d’unicité de l’Etat, * * * d’où il suit que le jugement attaqué doit être cassé. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Il résulte des actes de procédure et des pièces auxquels la Cour peut avoir égard que suite à une ordonnance conditionnelle de paiement rendue sur base de la loi du 25 mai 2011 relative à la chasse au profit de PERSONNE3.) et à charge de PERSONNE1.) et du SYNDICAT DE CHASSE DE LIEU1.), à un contredit formé par PERSONNE1.), à la nomination d’un expert-taxateur, au dépôt du rapport de l’expert-taxateur et à une demande de convocation des parties à l’audience formulée par le mandataire de PERSONNE3.) au motif que « (…) Sur base de la conclusion/suggestion de l’expert, comme quoi l’Etat devrait, en l’espèce, assumer totalement l’indemnisation de mon client, je m’étais adressé à cette fin à l’Administration de la Nature et des Forêts. Or, Mme Carole DIESCHBOURG, Ministre de tutelle, vient de me faire savoir dans son courrier du 30 avril écoulé que tel ne saurait entrer en ligne de compte. Comme il subsiste dès lors une discorde sur la question de savoir qui doit finalement assumer l’indemnisation en question, je demande par la présente la convocation des parties à l’audience, aux fins de voir toiser cette question par le tribunal. (…) », le greffe du Tribunal de paix a convoqué notamment « l’Administration de la nature et des forêts », en joignant à cette convocation le courrier de demande de convocation du mandataire de PERSONNE3.).

À la suite de cette convocation, le Tribunal de paix a condamné l’ETAT, représenté par le Premier ministre, à payer un certain montant à PERSONNE3.).

Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les articles 63 et 163, point 1, du Nouveau Code de procédure civile en l’ayant jugé et condamné sans qu’il ait été valablement assigné en la personne du Ministre d’Etat, ou entendu, alors qu’il ne pouvait être valablement convoqué à l’adresse de l’Administration de la nature et des forêts, ni représenté à l’audience par un préposé de cette administration.

Vu l’article 63 du Nouveau Code de procédure civile qui dispose « Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. ».

Vu l’article 163 du Nouveau Code de procédure civile qui dispose « Sont assignés :

1° l’Etat, en la personne du Ministre d’Etat.

(…). ».

A défaut de disposition spéciale dans la loi du 25 mai 2011 relative à la chasse, dérogatoire au droit commun, les dispositions de l’article 163 du Nouveau Code de procédure civile trouvent à s’appliquer.

En rejetant le moyen de l’ETAT, tiré de ce qu’il n’avait pas été valablement convoqué, ni représenté, à l’audience du Tribunal de paix, les juges d’appel ont violé les dispositions visées à la première branche du moyen.

Il s’ensuit que le jugement attaqué encourt la cassation.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour de cassation casse et annule le jugement attaqué, numéro 2023TALCH03/00074, rendu le 18 avril 2023 sous le numéro TAL-2020-01549 du rôle par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière civile et de dégâts de gibier ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant le jugement cassé et pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, autrement composé ;

met les frais et dépens de l’instance en cassation à charge des parties défenderesses en cassation, avec distraction au profit de Maître Hervé HANSEN, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute du jugement annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Nathalie HILGERT et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG c/ PERSONNE3.) PERSONNE1.) SYNDICAT DE CHASSE DE LIEU1.) Administration communale de la ville de DIFFERDANGE (affaire n° CAS 2023-00139 du registre) Sur la recevabilité du pourvoi………………………………………………………………………………………………….10 Sur les faits …………………………………………………………………………………………………………………………..10 Sur le premier moyen de cassation …………………………………………………………………………………………..11 Sur la recevabilité du moyen ……………………………………………………………………………………………….11 Sur le bien-fondé du moyen ………………………………………………………………………………………………..13 Sur la nature de la nullité résultant du non-respect de l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile ……………………………………………………………………………………………………………..14 Est-ce que la loi de 2011 déroge à l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile ? ………18 Conclusion …………………………………………………………………………………………………………………….22 Sur le deuxième moyen de cassation ………………………………………………………………………………………..23 Sur le troisième moyen de cassation ………………………………………………………………………………………..24 Sur le quatrième moyen de cassation ……………………………………………………………………………………….25 Sur le cinquième moyen de cassation ……………………………………………………………………………………….28 Sur la première branche ………………………………………………………………………………………………………29 Sur la seconde branche ……………………………………………………………………………………………………….30 Sur le sixième moyen de cassation …………………………………………………………………………………………..30 Sur le septième moyen de cassation …………………………………………………………………………………………31 Sur le huitième moyen de cassation …………………………………………………………………………………………33 Sur le neuvième moyen de cassation ………………………………………………………………………………………..34 Sur le dixième moyen de cassation ………………………………………………………………………………………….35 Sur le onzième moyen de cassation ………………………………………………………………………………………….36 Sur le douzième moyen de cassation ………………………………………………………………………………………..37 Sur le treizième moyen de cassation ………………………………………………………………………………………..39 Sur la première branche ………………………………………………………………………………………………………40 Sur la seconde branche ……………………………………………………………………………………………………….41 Sur la troisième branche ……………………………………………………………………………………………………..42 Sur le quatorzième moyen de cassation …………………………………………………………………………………….42 Sur la première branche ………………………………………………………………………………………………………43 Sur la seconde branche ……………………………………………………………………………………………………….44 Sur le quinzième moyen de cassation ……………………………………………………………………………………….45 Sur la première branche ………………………………………………………………………………………………………47 Sur la deuxième branche …………………………………………………………………………………………………….48 Sur la troisième branche ……………………………………………………………………………………………………..48 Conclusion ……………………………………………………………………………………………………………………………49 Le pourvoi du demandeur en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 18 août 2023, d’un mémoire en cassation, signifié le 17 août 2023 aux défendeurs en cassation, est dirigé contre un jugement numéro 2023TALCH03/00074 contradictoirement rendu le 18 avril 2023 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière civile et de dégâts de gibier.

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai1 et respecte les conditions de forme prévues par la loi2.

Il est dirigé contre une décision contradictoire rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (ci-après « la loi de 1885 »).

Il s’ensuit que le pourvoi est recevable.

Sur les faits Selon le jugement attaqué, un juge de paix d’Esch-sur-Alzette, saisi dans le cadre de la procédure prévue, en matière de dégât de gibier, par les articles 48 à 54 de la loi modifiée du 1 Le jugement contradictoire attaqué a été signifié au demandeur en cassation en date du 21 juin 2023 (pièce n° 3 annexée au mémoire en cassation). Le pourvoi ayant été déposé moins de deux mois plus tard, soit le 18 août 2023, le délai de recours, de deux mois, courant à partir de la signification de la décision attaquée, prévu par l’article 7, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, a été respecté.

2 Le demandeur en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié aux parties adverses antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que les formalités de l’article 10, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ont été respectées.

25 mai 2011 relative à la chasse (ci-après « la loi »)3, opposant la victime du dégât de chasse PERSONNE3.), le locataire de chasse PERSONNE1.), le SYNDICAT DE CHASSE DE LIEU1.), et l’ETAT condamnait ce dernier à payer à la victime une indemnité pour dégâts causés par sangliers dans les cultures de celle-ci. Sur appel de l’ETAT, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejeta une demande d’annulation du jugement de première instance et confirma ce dernier.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la violation des articles 163.1 du Nouveau Code de procédure civile, 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1 de la Constitution, en ce que le tribunal d’arrondissement rejeta la demande du demandeur en cassation d’annuler le jugement de première instance aux motifs notamment que « Au vu de l’ensemble de ce qui précède, force est donc de constater qu’en matière de dégât de chasse une procédure spécifique a été instituée par la loi modifiée du 25 mai 2011, soit une loi spéciale, qui déroge à la procédure de droit commun en matière civile telle que prévue par le nouveau code de procédure civile, notamment aux prévisions de l’article 163 du nouveau code de procédure civile en ce qui concerne la représentation de l’ETAT en justice »4 et que « Tout au long de la procédure en cause, l’ETAT a été valablement représenté soit par Christian BERG, préposé de la nature est des forêts, soit par la Ministre de l’Environnement qui d’ailleurs dans son courrier du 30 avril 2019 ne conteste à aucun moment la présence de l’ETAT dans l’affaire qui nous occupe »5 pour en déduire que « Le tribunal décide donc que l’ETAT a été valablement partie à la procédure de première instance et que le principe du contradictoire a été respecté à tout stade de la procédure à son égard, de sorte que le moyen en nullité du jugement entrepris est à rejeter »6, alors que, première branche, aucune disposition de la loi, y compris ses articles 52, paragraphe 2, et 53, paragraphe 2, ne déroge à l’article 163 du Nouveau Code de procédure civile, de sorte que c’est à tort que le tribunal décida qu’un fonctionnaire, qu’une Administration ou qu’un Ministre différent du Premier Ministre7 avaient qualité pour agir en défense de l’Etat et que, seconde branche, l’article 163 du Nouveau Code de procédure civile n’implique, en l’absence de disposition légale spéciale, pas qu’un fonctionnaire, qu’une administration ou qu’un Ministre différent du Premier Ministre a pouvoir de défendre l’Etat contre une action en justice.

S u r l a r e c e v a b i l i t é d u m o y e n Les défendeurs en cassation soulèvent l’irrecevabilité du moyen8.

Ils font valoir que le moyen omet de préciser, dans ses deux branches, en violation de l’article 10, alinéa 2, seconde phrase, de la loi de 1885, ce en quoi la décision est attaquée. Ce grief n’est pas fondé, le moyen précisant cet élément dans la partie introduite par les termes « alors que ».

3 Une version coordonnée à jour est publié dans le Recueil de législation « Code de l’environnement » sur le site internet https://legilux.public.lu/ : eli-etat-leg-code-environnement-20240302-fr-pdf.pdf (public.lu).

4 Jugement attaqué, page 16, cinquième alinéa.

5 Idem, même page, antépénultième alinéa.

6 Idem, même page, dernier alinéa.

7 Terme qui, par suite de l’entrée en vigueur de l’article 88, alinéa 1, de la Constitution révisée, remplace l’ancien terme de Ministre d’Etat.

8 Mémoire en réplique, point 3.1., pages 5 à 7.

Ils soutiennent que la seconde branche omet de préciser, en violation de cette même disposition, « les bases légales prétendument violées »9, termes qui visent sans doute le cas d’ouverture. Ce grief n’est pas non plus fondé, le moyen précisant dans sa partie introductive, débutant par les termes « tiré de la violation de la loi », le cas d’ouverture et les dispositions légales de la violation desquelles ce cas d’ouverture est tiré.

Ils considèrent que la première branche du moyen comporte, en violation de l’article 10, alinéa 2, première phrase, de la loi de 1885, plusieurs cas d’ouverture. Cette branche est tirée de la violation de l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile, imposant d’assigner l’Etat en la personne du Premier Ministre, de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, imposant, en matière civile, le respect des exigences d’un procès équitable, et de l’article 63 du Nouveau Code de procédure civile, relatif au respect du principe du contradictoire. L’article 10, alinéa 2, première phrase, de la loi de 1885 interdit, sous peine d’irrecevabilité, d’invoquer, à l’appui d’un moyen ou d’un élément de moyen, donc d’une branche de moyen, plus qu’un seul cas d’ouverture. Le « cas d’ouverture » au sens de cette disposition est le grief10, donc le cas d’ouverture abstrait (par exemple la violation de la loi au sens strict, le défaut de base légale, le défaut de motifs, etc.) combiné avec ce en quoi la décision est, sous ce regard, concrètement attaquée11. Un grief est susceptible d’impliquer la violation cumulative de plusieurs dispositions légales12. Telle est du moins la façon dont cette disposition est comprise en droit français, dont elle est reprise13. Votre jurisprudence récente sur cette question a pu être analysée par certains comme une remise en question de cette solution par une compréhension plus abstraite du « cas d’ouverture » par référence à la disposition légale invoquée, faisant abstraction du grief concret mis en œuvre14.

Il existe sur ce point une relative incertitude. Il est cependant suggéré, ne serait-ce que pour des raisons de cohérence d’interprétation des droits français et luxembourgeois relative à une disposition légale reprise du droit français, d’identifier, comme en droit français, le « cas d’ouverture » au grief. Or, la première branche du moyen, bien qu’invoquant simultanément la violation de plusieurs dispositions légales, articule un grief unique, à savoir celui de l’irrégularité, au regard de l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile, de la mise en intervention de l’Etat devant le juge paix, non sanctionnée par les juges d’appel, engendrant, à l’égard de l’Etat, une violation du principe du contradictoire, au sens de l’article 63 du Code 9 Idem, page 7, premier alinéa.

10 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 6e édition, 2023, n° 81.94, page 487.

11 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 26 mars 2015, n° 24/15, numéro 3420 du registre (réponse au premier moyen) : « Attendu que concernant le grief d’irrecevabilité tiré de la non-conformité du moyen de cassation à l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, et celui tiré de l’imprécision du moyen, la Cour relève que le moyen vise un seul cas d’ouverture, à savoir la violation de la loi au sens strict, grief étant fait aux juges du fond d’avoir refusé de considérer que la violation des obligations professionnelles définies par la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier et la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme puisse être considérée comme une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, cette violation alléguée de la loi étant par ailleurs un non-respect de l’effet obligatoire de la loi ; Que le moyen de cassation est donc précis et respecte les exigences de l’article 10, alinéa 2, de la loi susvisée ».

12 BORÉ, précité, n° 81.97, page 487. Voir également l’arrêt cité dans la note qui précède.

13 L’article 10, alinéa 2, première phrase, de la loi de 1885 a été introduit par une loi du 3 août 2010 (Mémorial, A, 2010, n° 133 du 12 août 2010, page 2188) qui s’est inspirée sur ce point de l’article 978 du Code de procédure civile français (Projet de loi n° 6108, ayant donné lieu à la loi précitée, Commentaire de l’article I (Document parlementaire n° 6108), page 4, sous « Ad Article I »).

14 Georges WIVENES, A propos de deux arrêts récentes de la Cour européenne des droits de l’homme – La Cour de cassation (à nouveau) dans la tourmente ?, Journal des tribunaux Luxembourg, février 2022, n° 79, pages 1 à 6, voir page 4, colonne de gauche, dernier alinéa.

précité, et du droit au respect d’un procès équitable, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde. Il s’ensuit que l’exception d’irrecevabilité n’est pas fondée.

Les défendeurs en cassation exposent par ailleurs que la seconde branche du moyen serait irrecevable pour être tirée de la violation du principe général d’unicité de l’Etat, motif tiré de ce que ce principe ne serait pas consacré par un texte de loi ou par une juridiction supranationale. Vous avez traditionnellement exigé que la violation d’un principe général de droit suppose que ce dernier trouve son expression dans un texte de loi ou qu’il soit consacré par une juridiction supranationale15. Récemment vous avez cependant admis de tels moyens même en l’absence du respect de cette exigence16. A supposer toutefois que celle-ci subsiste, le demandeur en cassation a invoqué, à l’appui du principe, une base légale, à savoir l’article 1er de la Constitution révisée, disposant que le Grand-Duché est un Etat démocratique, libre, indépendant et « indivisible ». L’exigence est donc respectée. Le mal-fondé éventuel du principe, soutenu par les défendeurs en cassation, est étranger à la recevabilité du moyen.

Les défendeurs soutiennent enfin que le moyen ne tire pas de conséquence du principe. Cette circonstance, à la supposer établie, est à nouveau étrangère à la recevabilité du moyen. Le moyen précise par ailleurs que la violation de ce principe est déduite du fait que le jugement attaqué implique que l’Etat est représenté, non, comme prévu par l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile, par le Premier Ministre, mais par un simple agent d’administration ou une Administration17. Il tire donc une conséquence du principe invoqué. Le grief manque dès lors en fait.

Il s’ensuit que le moyen est recevable.

S u r l e b i e n - f o n d é d u m o y e n L’article 163 du Nouveau Code de procédure civile dispose que :

« Sont assignés :

1° l’Etat, en la personne du Ministre d’Etat [terme qui est à lire, depuis l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle du 1er juillet 2023, au regard de l’article 88, alinéa 1, nouveau, de la Constitution révisée, comme « Premier Ministre »] ».

L’article 165 du même Code en sanctionne le non-respect de nullité18.

15 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 22 mai 2003, n° 33/03, numéro 1983 du registre (réponse au sixième moyen) ; idem, 4 janvier 2024, n° 04/2024, numéro CAS-2023-00015 du registre (réponse au second moyen) ; idem, 7 mars 2024, n° 37/2024, numéro CAS-2023-00067 du registre (réponse au sixième moyen).

16 Voir, à titre d’illustration : idem, 3 février 2022, n° 15/2022, numéro CAS-2020-00163 du registre (réponse au moyen unique) (au sujet du principe « Contra non valentem agere non currit praescripio ») ; idem, 14 juillet 2022, n° 116/2022, numéro CAS-2021-00061 du registre (réponse au moyen d’office d’ordre public soulevé par le Ministère public) (au sujet du principe de l’immunité de juridiction des Etats étrangers) ; idem, 10 novembre 2022, numéro CAS-2021-00139 du registre (réponse au quatrième moyen) (au sujet du principe « nemo auditur proprium turpitudinem allegans »).

17 Voir le Mémoire en cassation, page 12, sous « (ii) seconde branche » : « […] que ce faisant, le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a méconnu le sens et la portée du principe d’unicité de l’Etat ».

18 « Art. 165. Ce qui est prescrit par les articles 155 à 161, 163 et 164, est observé à peine de nullité. ».

Sur la nature de la nullité résultant du non-respect de l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile La disposition en question « a été introduite dans l’intérêt des justiciables en vue d’éviter des controverses auxquelles avait pu donner lieu le texte de l’ancien article 69 [du Code de procédure civile] »19 :

« Ce texte, introduit par règlement grand-ducal du 15 mai 199120, dont le but était d’opérer un regroupement des diverses dispositions éparses relatives au régime des significations et notifications d’actes judiciaires, règle uniquement la représentation de l’Etat en défendant21. En effet, s’il a paru aux auteurs de la réforme plus conforme à la réalité de prévoir que l’Etat est assigné en la personne du ministre dans les attributions duquel range l’objet du litige, ils ont cependant estimé que comme les particuliers pourraient éprouver quelques difficultés à identifier le ministre compétent, il a paru plus simple de désigner le ministre d’Etat qui devrait représenter l’Etat lorsqu’un justiciable entend l’attraire en justice, le but poursuivi consistant à donner le plus de chances que le destinataire puisse obtenir connaissance de la signification (cf.

DOC.PARL.N° 2867 exposé des motifs, p. 4 et 7). »22.

Son non-respect est traditionnellement sanctionné de façon drastique :

« La question de la représentation de l’Etat dans les instances judiciaires est d’ordre public, de sorte qu’elle doit non seulement être examinée d’office par les tribunaux, mais qu’elle peut encore être soulevée en tout état de cause, donc également pour la première fois en instance d’appel […].

L’absence de pouvoir de représenter l’Etat à l’action en justice constitue en effet un défaut de pouvoir, c’est-à-dire une irrégularité de fond affectant la validité même de l’acte et est sanctionnée par une exception de nullité pour vice de fond qui n’obéit pas aux règles de l’article 264 du NCPC23. »24.

Ce caractère drastique de la sanction s’explique parce qu’elle a, dans la compréhension de ses auteurs, pour objet, non une simple irrégularité formelle de l’acte de procédure, mais un défaut de pouvoir de la personne citée de représenter la personne morale en cause qu’elle est censée représenter. Le pouvoir d’agir « se distingue du droit d’action qui appartient à la [personne morale], de la capacité d’exercice qui se vérifie chez le titulaire de l’action – [la personne morale], ainsi que de la qualité pour agir car, d’une part, le pouvoir met en œuvre le mécanisme 19 Cour d’appel, quatrième chambre, 1er avril 2015, n° 41511 et 41512 du rôle.

20 Règlement grand-ducal du 15 mai 1991 relatif aux significations et notifications en matière civile et commerciale (Mémorial, A, 1991, n° 35 du 12 juin 1991, page 690).

21 Votre Cour a toutefois décidé dans un arrêt du 9 mars 1995 (Pasicrisie, Tome 29, page 339) que cette disposition s’applique également lorsque l’Etat est demandeur.

22 Cour d’appel, neuvième chambre, 8 juillet 2004, n° 27634 du rôle. Dans le même sens : idem, même chambre, même date, n° 27635 du rôle ; idem, même chambre, 26 janvier 2022, n° 12/22 – IX – CIV, numéro CAL-2020-

00443 du rôle.

23 L’article 264, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile dispose que : « Aucune nullité pour vice de forme des exploits ou des actes de procédure ne pourra être prononcée que s’il est justifié que l’inobservation de la formalité, même substantielle, aura pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie adverse ».

24 Cour d’appel, troisième chambre, 27 juin 2013, n° 38859 du rôle. Dans le même sens, à titre d’illustration :

idem, 13 décembre 1983, n° 6539 du rôle ; idem, troisième chambre, 15 décembre 2011, n° 36693 du rôle ; idem, septième chambre, 12 juillet 2023, n° 106/23 – VII – CIV, numéro CAL-2022-00925 du rôle.

de la représentation permettant l’exercice du droit d’action et, d’autre part, il n’est pas une condition d’ouverture de l’action »25.

Le droit français sanctionne, dans l’article 117 du Code de procédure civile, le « défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice » comme « irrégularité[…] de fond affectant la validité de l’acte »26.

Le droit belge précise, comme le droit luxembourgeois, dans l’article 42, 1 du Code judiciaire, la personne habilitée à recevoir un acte de signification au nom de l’Etat27 et sanctionne cette règle de nullité28. Une réforme du régime belge des nullités de procédure, réalisée par deux lois, dites « pot-pourri I et VI », des 19 octobre 2015 et 25 mai 201829, a appliqué le principe, prévu dans notre droit par l’article 264 du Nouveau Code de procédure civile, « pas de nullité sans grief », à l’ensemble des nullités, y compris celles en rapport avec la signification, qui, dans l’état du droit antérieur, avaient été qualifiées de nullités de fond30. L’article 861 du Code judiciaire dispose depuis lors que :

« Le juge ne peut déclarer nul un acte de procédure ou sanctionner le non-respect d’un délai prescrit à peine de nullité que si l’omission ou l’irrégularité dénoncée nuit aux intérêts de la partie qui invoque l’exception.

Lorsqu’il constate que le grief établi peut être réparé, le juge subordonne, aux frais de l’auteur de l’acte irrégulier, le rejet de l’exception de nullité à l’accomplissement de mesures dont il détermine le contenu et le délai au-delà duquel la nullité sera acquise. ».

Déjà avant l’entrée en vigueur de cette réforme, le Code judiciaire prévoyait, dans un article 867, introduit par une loi du 26 avril 2007 et abrogé par la loi pot-pourri I du 19 octobre 2015, que « [l]’omission ou l’irrégularité de la forme d’un acte, en ce compris le non-respect des délais visés par la présente section ou de la mention d’une formalité, ne peut entraîner la nullité, s’il est établi par les pièces de la procédure que l’acte a réalisé le but assigné ou que la formalité non mentionnée a, en réalité, été remplie ».

Après cette abrogation, la Cour de cassation de Belgique appliqua par anticipation l’article 861, précité, introduit par la loi pot-pourri I de 2015, aux irrégularités de significations, à des 25 Sévérine MENÉTREY et Thierry HOSCHEIT, Procédure civile luxembourgeoise, 2e édition, Bruxelles, Larcier, 2023, n° 411, page 249, citant Vincent THOMAS et Paul LE CANNU, Sociétés et procédure civile, Paris, LexisNexis 2014, page 119.

26 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation française, deuxième chambre civile, 13 juin 2013, n° 12-20.140 (au sujet de l’assignation dirigée contre une compagnie d’assurance signifiée à un agent d’assurance de cette compagnie, qui déclara être habilité à recevoir l’acte, la Cour cassant l’arrêt de cour d’appel ayant refusé d’annuler cette assignation).

27 « Art. 42. Les significations sont faites : 1° à l’Etat, au cabinet du ministre compétent pour en connaître ou au bureau du fonctionnaire désigné par celui-ci, ou, si l’objet du litige entre dans les attributions du Sénat ou de la Chambre des Représentants, au greffe de l’assemblée mise en cause, sans préjudice des règles énoncées à l’article 705 […] ». L’article 705 du Code judiciaire dispose notamment que « [l]e ministre mis en cause ne peut contester que l’objet du litige entre dans les attributions de son département qu’à la condition de se substituer en même temps le Ministre ou la Chambre législative intéressés, ce qui aura lieu par simples conclusions ».

28 Article 47bis du Code judiciaire.

29 Hakim BOULARBAH, Le juge doit d’office soulever la nullité de la signification de l’acte de procédure qui n’a pas atteint son destinataire et ordonne qu’il soit remédié à l’irrégularité, Journal des tribunaux, 2022, pages 554 à 556, voir point 1.

30 Etienne LEROY, Une certaine idée de formalisme, Ius & actores, 2018, pages 90 à 98, voir pages 92 à 94.

personnes physiques non habilitées à les recevoir, d’actes de procédure destinées à des personnes morales de droit public, tant bien même que ce n’était que la loi pot-pourri VI de 2018 qui consacra cette solution de façon législative31.

Sous l’empire de ce nouveau droit, qui étend à ces irrégularités le principe « pas de nullité sans grief », elle décide, dans le cas d’une signification d’une requête en cassation adressée à l’Etat à une personne physique non habilitée à représenter ce dernier, qui ne comparut pas, que si, selon l’article 861 du Code judiciaire, il appartient en principe à la partie dont les intérêts ont été affectés par l’irrégularité de soulever une exception de nullité et d’alléguer et prouver l’atteinte à ses intérêts, dans les cas où l’irrégularité peut avoir eu pour conséquence qu’un acte de procédure tel qu’une citation ou un pourvoi en cassation ne soit pas parvenu à la partie à laquelle il a été signifié et où l’irrégularité peut donc être la cause de la non-comparution ou de l’absence continue de cette partie, le juge doit soulever d’office l’exception de nullité et, en application de l’article 861, alinéa 2, du Code judiciaire, imposer des mesures afin de régulariser l’irrégularité32. Cette solution est fondée sur le respect des droits de la défense. Dans le cas d’espèce, elle donna aux demandeurs en cassation la possibilité, dans un délai d’un mois à compter d’une date définie par elle, de faire signifier à nouveau le requête en cassation, cette fois à la personne physique habilitée à représenter l’Etat.

Le droit belge est donc, après intervention du législateur, devenu beaucoup plus pragmatique, que ne le sont les droits français et luxembourgeois, sur la question de la sanction des nullités de fond et, plus particulièrement, des nullités découlant d’irrégularités de signification à des personnes morales de droit public.

Le droit luxembourgeois est sur ce point, à l’instar de l’ancien droit belge33 et contrairement aux droits français et belge actuels, faute de texte, de nature purement jurisprudentielle34.

Cette jurisprudence est, comme expliqué ci-avant, sévère. Votre Cour, si elle ne s’est, sauf erreur, pas encore prononcée sur la sanction de l’irrégularité des formalités de l’article 163 du Nouveau Code de procédure civile, a toutefois jugé que l’irrégularité de signification d’un acte d’appel35 ou d’un mémoire en cassation36 n’affecte pas la rédaction de l’acte, mais l’opération procédurale elle-même et constitue une nullité de fond, étrangère aux dispositions de l’article 264, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile37.

Dans cette logique, l’irrégularité de signification, empêchant l’acte de produire son effet, dépasse le simple « vice de forme » auquel l’article 264, alinéa 2, précité circonscrit le domaine d’application du principe « pas de nullité sans grief ».

La ligne de démarcation entre « vice de forme » et « vice de fond » n’est toutefois pas immuable, comme en témoigne le revirement auquel votre Cour procéda en 2009 au sujet des omissions ou erreurs relatives à l’indication, dans l’acte de signification, du mode de 31 Cour de cassation de Belgique, 6 avril 2017, Journal des tribunaux, 2018, page 417, note Pauline KNAEPEN, Vers la consécration d’un principe général de droit « pas de sanction sans grief » ?; Jean-Sébastien LENAERTS, Synthèse des modifications de procédure civile apportées par la loi du 25 mai 2018, dite « pot-pourri VI », Journal des tribunaux, 2018, page 500, n° 2 et note de bas de page 21.

32 Idem, 23 juin 2022, F.21.0052.N, Journal des tribunaux, 2022, page 553, Ius & actores, 2022, page 415.

33 LEROY, précité, page 94, quatrième alinéa.

34 MENÉTREY et HOSCHEIT, précité, n° 402, page 244, et n° 412, page 249.

35 Cour de cassation, 29 avril 1993, Pasicrisie, Tome 29, page 216.

36 Idem, 23 décembre 1999, Pasicrisie, Tome 31, page 381 ; idem, 6 mars 2014, n° 26/14, numéro 3309 du registre.

37 Voir les arrêts cités dans la note qui précède.

comparution à respecter par l’assigné : si cette irrégularité avait été qualifiée jusqu’alors comme ayant pour objet une formalité relevant de l’organisation judiciaire, sanctionnée, même en l’absence de grief, au titre d’une « nullité de fond », étrangère à l’article 26438, elle a été qualifiée depuis lors de simple « nullité de forme », à laquelle l’article 264 est applicable et qui ne peut, partant, être sanctionnée qu’en cas de preuve d’un grief39.

L’irrecevabilité systématique, retenue par la jurisprudence constante des juges du fond, même en l’absence de grief, à titre de « nullité de fond », sans application possible du mécanisme correcteur de l’article 264, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile, des actes de procédure signifiés à l’Etat, remis à des personnes non qualifiées au titre de l’article 163.1 du même Code de les recevoir à titre de représentant de l’Etat, n’est pas non plus immuable. Elle n'est formellement prévue par aucun texte, qui la qualifierait de « nullité de fond » et l’exclurait du domaine de l’article 264, alinéa 2. L’irrégularité qu’elle sanctionne n’entraîne, comme l’illustre la jurisprudence de la Cour de cassation de Belgique, pas nécessairement un grief.

L’obligation prévue par l’article 163.1 d’assigner l’Etat en la personne du Premier Ministre a été instituée dans le but de simplifier la tâche du demandeur en justice, en le dispensant de l’obligation de rechercher quelle autorité au sein de l’appareil étatique est concrètement responsable de la question litigieuse. Il y a dès lors un certain paradoxe à opposer cette règle favorable au plaideur, contre ce dernier lorsque l’acte a été, par son inadvertance, ou, comme en l’espèce, par celle du greffier40 non imputable au plaideur, adressé à l’autorité concrètement responsable et non au Premier Ministre. L’irrecevabilité systématique, quelle que soit l’existence d’un grief, des actes adressés en méconnaissance de l’article 163.1 peut donc paraître comme étant l’expression d’un formalisme suranné, manifestement disproportionné par rapport au but recherché, de permettre à l’Etat de se mettre en mesure de se défendre tout en facilitant au plaideur, ou, en l’occurrence, au greffier, la recherche de la personne à laquelle l’acte doit être adressé.

Il y a dès lors sérieusement lieu de considérer de remettre en cause cette solution et d’admettre que le non-respect de la formalité de l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile est à qualifier de « nullité de forme », à laquelle l’article 264, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile est applicable.

38 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 28 avril 2005, n° 27/05, numéro 2185 du registre (réponse à l’unique moyen).

39 Idem, 28 mai 2009, n° 35/09, numéro 2641 du registre (réponse au deuxième moyen) ; idem, 20 mars 2014, n° 30/14, numéro 3317 du registre (réponse au deuxième moyen) ; idem, 5 juin 2014, n° 53/14, numéro 3355 du registre (réponse au deuxième moyen) ; idem, 19 juin 2014, n° 58/14, numéro 3358 du registre (réponse au deuxième moyen) ; idem, 3 juillet 2014, n° 59/14, numéro 3377 du registre (réponse au deuxième moyen) ; idem, 27 novembre 2014, n° 82/14, numéro 3426 du registre (réponse au deuxième moyen) ; idem, 30 juin 2022, n° 96/2022, numéro CAS-2021-00101 du registre (réponse à l’unique moyen).

40 La difficulté procédurale soulevée par l’Etat provient, en l’espèce, du fait que le greffier a, en date du 7 mars 2019, notifié le rapport d’expertise à l’Etat avec invitation d’y contredire dans un délai de quinze jours sur base de l’article 53, alinéa 2, de la loi de 2011, en le transmettant à l’Administration de la nature et des forêts représenté par la personne du préposé de la nature et des forêts qui représentait jusqu’alors l’Etat dans le cadre de la procédure d’indemnisation (pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation) et a, en date du 17 mai 2019, convoqué l’Etat, sur base de l’article 53, dernier alinéa, de la loi de 2011, à comparaître devant la justice de paix à l’audience du 18 septembre 2019, aux fins de participer aux plaidoiries sur le contredit formé par le propriétaire du terrain ayant subi des dégâts de gibier, en transmettant cette convocation à l’Administration de la nature et des forêts, représentée par le préposé précité (pièce n° 25 annexée au mémoire en cassation). L’irrégularité alléguée par l’Etat est donc le fait d’une autre instance étatique, à savoir la justice de paix, et non des autres parties.

Est-ce que la loi de 2011 déroge à l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile ? Les juges d’appel considèrent « qu’en matière de dégât de chasse une procédure spécifique a été instituée par la loi modifiée du 25 mai 2011, soit une loi spéciale, qui déroge à la procédure de droit commun en matière civile telle que prévue par le nouveau code de procédure civile, notamment aux prévisions de l’article 163 du nouveau code de procédure civile en ce qui concerne la représentation de l’Etat en justice »41. Cette conclusion est déduite, d’une part, de la récurrence dans le cadre de la procédure relative au dommage causé par le gibier, régie par le chapitre 7 de la loi de 2011, comprenant les articles 44 à 54, des termes « représentant de l’Etat », utilisé dans les articles 49, 50, alinéa 2, et 52, alinéa 2, et, d’autre part, de la réserve formulée, dans les articles 51, alinéa 2, et 52, dernier alinéa, tirée de ce que les règles du Nouveau Code de procédure civile sont applicables « pour autant qu’il n’y est pas dérogé par la présente loi ».

Vous décidez de façon constante « que la règle générale de procédure de l’article 163 du Nouveau code de procédure civile selon laquelle les assignations concernant une administration publique étatique qui n’a pas de personnalité juridique sont à diriger contre l’Etat, représenté par le ministre d’Etat, connaît une exception au cas où la loi donne à une administration qui n’a pas la personnalité juridique le pouvoir d’agir en justice ou d’y défendre »42.

Sauf erreur, le seul domaine dans lequel cette exception a été appliquée jusqu’à présent par votre Cour est celui de la taxe sur la valeur ajoutée, domaine dans lequel la loi modifiée du 12 février 1979 concernant cette taxe dispose dans son article 76, paragraphe 3, que le contribuable qui s’est vu notifier un bulletin d’imposition et dans son article 79, alinéa 3, que le contribuable qui a vu prononcer à sa charge une amende fiscale, doit exercer son recours contre la décision du directeur de l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines, en charge de la perception de la taxe ou du prononcé de l’amende fiscale, devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, par exploit portant assignation devant être « signifié à l’administration en la personne de son directeur ». Vous décidez « que les articles 76, paragraphe 3, et 79 de la loi modifiée du 12 février 1979 sur la taxe sur la valeur ajoutée confèrent ce pouvoir [d’agir en justice ou d’y défendre bien que n’ayant pas de personnalité juridique] à l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines »43.

Il se pose dès lors la question de savoir si cette conclusion peut être étendue à la procédure de dommage causé par le gibier prévue par le chapitre 7 de la loi de 2011.

La loi de 2011 définit, dans son chapitre 7, consacré au dommage causé par le gibier, plus précisément dans ses articles 48 à 56, une procédure spéciale d’indemnisation qui comporte plusieurs étapes :

- elle débute par l’information donnée par la victime du dégât de gibier au syndicat de chasse, personne morale regroupant par l’effet de la loi les propriétaires de fonds sur lesquels peut s’exercer le droit de chasse, situés sur le territoire d’un même lot de 41 Jugement attaqué, page 16, cinquième alinéa.

42 Cour de cassation, 18 février 2010, n° 9/10, numéro 2708 du registre (réponse au premier moyen) ; idem, 7 avril 2011, n° 25/11, numéro 2853 du registre (examen de la recevabilité du pourvoi) ; idem, 23 mai 2019, n° 87/2019, numéro CAS-2018-00052 du registre (examen de la recevabilité du pourvoi).

43 Voir l’arrêt précité du 18 février 2010, ainsi que, dans le même sens, les autres arrêts cités dans la note qui précède.

chasse44, de la nature du dommage, de l’estimation de la surface endommagée et de l’évaluation du dommage45, - le syndicat, représenté par un organe de direction désigné par la loi comme collège des syndics46, convoque dans la quinzaine les parties intéressées, dont le « représentant de l’Etat », sur les lieux du dommage en vue d’un arrangement à l’amiable47, - lorsqu’un arrangement à l’amiable n’est pas intervenu dans le mois à partir de la déclaration faite par la victime, le syndicat transmet une copie de la déclaration de dommage, avec une estimation des dégâts et un procès-verbal renseignant les qualités des parties, dont, le cas échéant, le « représentant de l’Etat », au juge de paix48, - ce dernier rend une ordonnance conditionnelle de paiement au bénéfice du syndicat et à charge de celui ou de ceux qui ont à supporter le dommage49, - si une partie intéressée forme dans le délai de 15 jours contredit à l’ordonnance, le juge de paix a l’option, soit de convoquer les parties à l’audience, soit de désigner un expert-

taxateur50, - l’expert-taxateur convoque par lettre recommandée le syndicat et les autres parties, dont, le cas échéant, le « représentant de l’Etat »51 ;

- l’expertise est notifiée par le greffier aux parties par lettre recommandée, avec invitation d’y contredire, s’il y a lieu, dans les 15 jours de la date de l’expédition52, - si le rapport est contesté, le juge de paix convoque les parties53, - suite à cette convocation il rend son jugement sur base du rapport et le cas échéant sur base des moyens soulevés par les parties à l’audience54.

Cette procédure est caractérisée par un double souci, de simplicité et de célérité.

Les textes rappellent à deux reprises qu’ils dérogent aux règles de procédure du Nouveau Code de procédure civile : la loi dispose que « [l]es notifications, les recours et la procédure subséquente, sont régis par les articles 131 et suivants du Nouveau Code de procédure civile »55 et que « [l]e déroulement de l’expertise est régi par les articles 462 à 480 du Nouveau Code de procédure civile »56, mais ce uniquement « pour autant qu’il n’y est pas dérogé par la présente loi »57.

44 Article 22, alinéa 1, de la loi de 2011.

45 Article 48 de cette loi.

46 Article 25 de cette loi.

47 Article 49 de cette loi.

48 Article 50 de cette loi.

49 Article 51 de cette loi.

50 Article 52, alinéa 1, de cette loi.

51 Article 52, alinéa 2, de cette loi.

52 Article 53, alinéa 2, de cette loi.

53 Article 53, alinéa 3, de cette loi.

54 Article 54 de cette loi.

55 Article 51, alinéa 3, de cette loi.

56 Article 52, dernier alinéa, de cette loi.

57 Articles 51, alinéa 3, et 52, dernier alinéa, de cette loi.

Or, la loi prévoit une dérogation au Code en ce qui concerne notamment les notifications à faire à l’attention de l’Etat.

Dans le cadre de la procédure, les intérêts de l’Etat sont défendus par un « représentant de l’Etat », terme utilisé de façon récurrente dans ce contexte par la loi58. Si celle-ci ne définit pas formellement ce terme, sa signification se déduit toutefois de son article 4. Dans ce dernier sont désignés trois autorités ou agents se voyant attribuer la mission d’assumer, dans le cadre de la loi, les intérêts de l’Etat :

- l’Administration de la nature et des forêts59, - les fonctionnaires de l’administration de la carrière de l’ingénieur, du préposé de la nature et des forêts et du cantonnier60 et - le membre du Gouvernement ayant dans ses attributions la chasse61.

La loi précise dans quels domaines interviennent respectivement le membre du Gouvernement ayant dans ses attributions la chasse62, l’Administration de la nature et des forêts63 et les agents de cette Administration64. Si cette répartition des rôles est bien définie dans tous les autres domaines de la loi, elle ne l’est pas dans le chapitre 7, relatif aux dégâts de gibier, qui se réfère, sans le définir, au « représentant de l’Etat ».

Aux fins d’identifier la portée de ce terme il convient de s’interroger sur la finalité de l’intervention de ce représentant.

Sa mise en intervention a lieu, dans l’article 49 de la loi, « chaque fois que le fonds spécial [d’indemnisation des dégâts causés par le gibier] est mis à contribution ». Ce fonds, créé par l’article 45 de la loi, a pour objet de rembourser les sommes avancées par les locataires de chasse aux fins d’indemniser les propriétaires des fonds affectés par des dégâts causés par les espèces cerf et sanglier. La mise en intervention du « représentant de l’Etat » pourrait donc être compris comme ayant pour objet, non de répondre aux dommages imputés à l’Etat par l’article 44 de la loi, mais aux fins de représenter le fonds.

Cette lecture est cependant contredite par l’article 51, alinéa 1, de la loi, qui confère compétence au juge de paix de rendre, sur base de l’estimation faite par le collège des syndics du syndicat de chasse, institué par l’article 25 de la loi, une ordonnance conditionnelle de paiement au bénéfice du syndicat et « à charge de celui ou de ceux qui ont à supporter le dommage ». Or, le dommage est, dans la logique du chapitre 7 de la loi, à supporter respectivement, ainsi que le prévoit l’article 44 :

58 Voir les articles 49, 50, alinéa 2, et 52, alinéa 2, de cette loi.

59 Article 4, a), de cette loi.

60 Article 4, b), de cette loi.

61 Article 4, f), de cette loi.

62 Voir les articles 4, f) ; 12, alinéa 2 ; 17, alinéa 2 ; 18 ; 20, alinéas 1 et 2 ; 21, alinéa 2 ; 25, avant-dernier et dernier alinéa ; 27, alinéas 2 et 4 ; 35 ; 36, alinéas 1 et 3 ; 38, alinéa 1 ; 42, alinéa 3 ; 43, dernier alinéa ; 55, alinéas 1 et 2 ; 56, alinéas 1 et 2 ; 60, alinéa 1 ; 62, alinéa 1 ; 64, alinéa 1 ; 65, dernier alinéa ; 66, deuxième alinéa ; 69 ; 70 ;

72, dernier alinéa ; 82, alinéas 1, b) et c), 2, tirets 1 et 3, 3 à 5 ; 83, alinéas 3 et 4 et 88, paragraphe 2, de cette loi.

63 Voir les articles 4, a) ; 15 ; 16 ; 43, alinéa 3 ; 57, alinéas 1, 2 et 4 ; 63, alinéa 1, 2 ; 64, alinéa 2, 2 ; 65, alinéas 1, 2 et 5 ; 78 ; 79 ; 82, alinéa 2, deuxième tiret ; 82, alinéas 1, 3, tiret 1, et 5 et 88, paragraphe 8, i), de cette loi.

64 Voir les articles 4, b) ; 15 ; 69, 2 ; 75, 1 ; 78 et 79, de cette loi.

- par le locataire de chasse, - par l’opposant, c’est-à-dire par le propriétaire qui, comme le disposent les articles 7, alinéa 2, et 24, s’oppose pour des convictions éthiques personnelles à la pratique de la chasse sur son fonds, mais doit, en contrepartie de la suspension, sur son fonds, de la chasse provoquée par cette opposition, supporter les dégâts causés par le gibier du fait de la suspension, - par le propriétaire du fonds sur lequel la chasse est interdite, sur base de l’article 7, alinéa 1, parce qu’y sont installés des enclos à gibier, des parcs, jardins et potagers attenant aux immeubles habités, des infrastructures de sport, des routes ou voies ferrées ou - par l’Etat lorsque, comme le prévoit l’article 44, alinéa 3, le dommage est causé sur des fonds où l’exercice du droit de chasse est interdit ou limité, comme le dispose l’article 7, alinéa 3, pour des raisons d’intérêt général par une disposition réglementaire et que le dommage est le résultat de cette interdiction ou limitation.

Le juge de paix se voit donc conférer compétence par la loi pour statuer, d’abord, sur base de l’article 51, par ordonnance conditionnelle de paiement, ensuite dans le cadre d’un contredit formé contre cette ordonnance, prévu par l’article 52, après avoir entendu les parties à l’audience et, le cas échéant, après expertise, dans un jugement sur la question de l’indemnisation des dégâts de gibier à l’égard de toutes les personnes devant supporter ces dégâts au titre de l’article 44, y compris l’Etat.

La mise en intervention du « représentant de l’Etat » a donc pour objet, outre de permettre à l’Etat, comme le suggère l’article 49, de défendre les intérêts du fonds d’indemnisation des dégâts causés par le gibier, également celle de mettre l’Etat en mesure de défendre ses intérêts lorsque sa responsabilité au titre des dégâts de gibier est mise en œuvre sur base de l’article 44, alinéa 3, de la loi. Sa mission ne se résume donc pas à celle de défendre les intérêts du fonds précité.

Le caractère à la fois large et, en même temps, très spécifique de la mission accordée au « représentant de l’Etat » dans le cadre de la procédure des dégâts de gibier, ensemble avec le souci de simplicité et de célérité qui caractérise cette procédure, oblige de considérer que le législateur, en utilisant le terme générique « représentant de l’Etat », donc en renonçant à la fois à préciser davantage ce terme ou à se limiter à se référer simplement à « l’Etat », a entendu conférer cette qualité à l’ensemble des autorités et agents auxquels l’article 4 donne la mission d’agir au nom de l’Etat dans le contexte de la loi, à savoir à l’Administration de la nature et des forêts, aux agents de cette Administration, y compris au préposé de la nature et des forêts, qui est intervenu en cette qualité en l’espèce, et au membre du Gouvernement ayant dans ses attributions la chasse, qui est également intervenu dans cette qualité en l’espèce.

L’on peut évidemment regretter le défaut de précision de la loi sur ce point. Il reste que la solution inverse, de considérer que, à défaut de précision suffisante, l’Etat doit, conformément au droit commun de l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile, être convoqué en la personne du Premier Ministre, serait manifestement contraire aux prévisions du législateur d’instituer une procédure simple et rapide. Cette solution inverse ne permettrait pas d’expliquer pourquoi le législateur précise que l’Etat participe à la procédure par un « représentant », terme par lequel il ne paraît manifestement pas vouloir désigner le Premier Ministre.

La mise en œuvre de cette solution inverse, d’une notification par le greffe à la personne du Premier Ministre, dont la méconnaissance implique dans la lecture traditionnelle, qui est cependant contestable, la nullité absolue des actes de procédure posés, serait d’autant plus choquante dans un cas comme celui de l’espèce dans lequel :

- l’inobservation supposée de l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile aurait été commise, non par les autres parties, mais par le greffe, dans la notification du rapport d’expertise sur base de l’article 53, alinéa 2, de la loi de 201165 et dans la convocation des parties à l’audience sur base de l’article 53, alinéa 3, de cette loi66, - l’Etat, en la personne du membre du Gouvernement ayant dans ses attributions la chasse, à savoir la Ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, était parfaitement averti et au courant du rapport d’expertise et de la mise en cause, dans le rapport d’expertise, de la responsabilité de l’Etat sur base de l’article 44 de la loi, ainsi qu’en témoigne son courrier adressé à l’avocat de la victime du dégât de gibier, et ce avant même la convocation des parties, dont l’Etat, à l’audience67 et - l’Etat était représenté tout au long de la procédure, y compris au cours des opérations d’expertise, par les organes habilités par la loi pour représenter l’Etat68.

Conclusion C’est à juste titre que les juges d’appel ont considéré que l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile était inapplicable, l’Etat pouvant, dans le cadre de la procédure spéciale des articles 48 à 54 de la loi de 2011, conformément à l’article 4, a), b) et f), de la loi de 2011, à la lumière desquels le terme « représentant de l’Etat » est à comprendre, être mis en intervention et appelé en cause dans les personnes et entités de l’Administration de la nature et des forêts, des agents de cette Administration et du membre du Gouvernement ayant dans ses attributions la chasse.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Si vous parvenez à la conclusion contraire, il y aurait alors lieu de reconsidérer sérieusement la solution traditionnelle des juges du fond de considérer qu’une méconnaissance de l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile constitue une nullité de fond, ne pouvant être réparée par l’article 264, alinéa 2, du même Code. Le cas d’espèce paraît bien illustrer que l’inobservation de l’article 163.1, dont la finalité consiste, non à protéger les intérêts de l’Etat69, mais à faciliter la tâche du justiciable, peut parfaitement ne créer, du moins à première vue, aucun grief. Si vous 65 Pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation.

66 Pièce n° 25 annexée au mémoire en cassation.

67 Pièce n° 23 annexée au mémoire en cassation.

68 Pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation.

69 Ces intérêts étatiques sont par ailleurs mieux sauvegardés si les actes de procédure peuvent, comme il a d’ailleurs été procédé en l’espèce, être adressés, au sein de l’Etat, aux autorités concrètement en charge du litige et non au Premier Ministre, qui devra ensuite veiller à identifier les autorités compétentes et à acheminer les actes à celles-

ci.

admettez que cet article est applicable, vous déclarerez le moyen fondé et il appartiendrait ensuite aux juges de renvoi de se prononcer sur les conséquences de la violation de cette disposition et d’apprécier à cette fin, sous votre contrôle futur éventuel, s’il se justifie de maintenir la sanction traditionnelle de la nullité absolue ou si le présent cas d’espèce ne devrait pas, au contraire, permettre de renverser cette solution, qui, comme paraît l’illustrer l’espèce, est d’une disproportion manifeste par rapport aux intérêts protégés.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré, pour défaut de motivation suffisante, de la violation des articles 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée), 249 et 587 du Nouveau Code de procédure civile et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejeta la demande du demandeur en cassation d’annuler le jugement de première instance aux motifs notamment que « Au vu de l’ensemble de ce qui précède, force est donc de constater qu’en matière de dégât de chasse une procédure spécifique a été instituée par la loi modifiée du 25 mai 2011, soit une loi spéciale, qui déroge à la procédure de droit commun en matière civile telle que prévue par le nouveau code de procédure civile, notamment aux prévisions de l’article 163 du nouveau code de procédure civile en ce qui concerne la représentation de l’ETAT en justice. Dans ce contexte, il est renvoyé à l’article 52 de la loi modifiée du 25 mai 2011 qui prévoit expressément que le nouveau code de procédure ne s’applique en la matière que pour autant qu’il n’est pas dérogé par la loi modifiée du 25 mai 2011. Tout au long de la procédure en cause, l’ETAT a été valablement représenté soit par Christian BERG, préposé de la nature est des forêts, soit par la Ministre de l’Environnement qui d’ailleurs dans son courrier du 30 avril 2019 ne conteste à aucun moment la présence de l’ETAT dans l’affaire qui nous occupe. Finalement, au plus tard depuis le courrier du mandataire de PERSONNE3.) à l’Administration de la nature et des forêts, représentant de l’ETAT dans la procédure en matière de dégâts de gibier, l’ETAT ne pouvait ignorer les revendications formulées à son égard et d’ailleurs contestées ensuite par la Ministre de l’Environnement dans sa réponse du 30 avril 2019. Le tribunal décide donc que l’ETAT a été valablement partie à la procédure de première instance et que le principe du contradictoire a été respecté à tout stade de la procédure à son égard, de sorte que le moyen en nullité du jugement entrepris est à rejeter. »70, alors que le juge ne peut fonder sa décision sur des affirmations ou considérations d’ordre général, de sorte que c’est en violation de cette obligation que le tribunal jugea que la loi de 2011 déroge aux dispositions générales du Nouveau Code de procédure civile, sans préciser pourquoi il serait fait en l’espèce exception au principe, prévu par l’article 163 du Nouveau Code de procédure civile, de la représentation de l’Etat par le Premier Ministre pour défendre à une action en justice.

Le moyen est tiré, pour insuffisance de motifs, des dispositions imposant la motivation des jugements. L’insuffisance des constatations de fait nécessaires à la mise en œuvre de la règle de droit est sanctionnée par le cas d’ouverture du défaut de base légale71. Elle constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la 70 Jugement attaqué, page 16, cinquième au dernier alinéa.

71 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 11 janvier 2024, n° 11/2024, numéro CAS-2023-00031 du registre (réponse au deuxième moyen).

décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de la règle de droit72. Elle n’est, contrairement au le défaut de motivation, pas un vice de forme73.

Il en suit qu’en tant que basé sur la violation des dispositions imposant la motivation des jugements, qui vise le défaut de motif en tant que vice de forme, le moyen est irrecevable74.

Dans un ordre subsidiaire il est observé que par les motifs cités au moyen les juges d’appel ont motivé leur décision de considérer que la loi de 2011 fait exception à l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile, de sorte que le vice de défaut de motivation, qui, comme rappelé ci-

avant, est un vice de forme, donc n’est pas pertinent pour critiquer le bien-fondé de la motivation, n’est pas établi. Au regard du caractère circonstancié de la motivation, celle-ci ne saurait non plus être qualifiée de motivation de pure forme, donc comme un simulacre de motivation équivalant à une absence de motifs75.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré, pour défaut de base légale, de la violation de l’article 106, paragraphes 1 et 2, du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejeta la demande du demandeur en cassation d’annuler le jugement de première instance aux motifs notamment que « Par convocation datée du 17 mai 2019, le greffe de la justice de paix a convoqué l’ensemble des parties, dont notamment Christian BERG en tant que représentant de l’Administration de la nature et des forêts, soit de l’ETAT, tel qu’il ressort des développements ci-dessus. A l’audience du 16 octobre 2019, les parties ont finalement valablement comparu, dont Christian BERG, préposé de la nature et des forêts en tant que représentant de l’ETAT. […] Tout au long de la procédure en cause, l’ETAT a été valablement représenté soit par Christian BERG, préposé de la nature est des forêts, soit par la Ministre de l’Environnement qui d’ailleurs dans son courrier du 30 avril 2019 ne conteste à aucun moment la présence de l’ETAT dans l’affaire qui nous occupe.[…] Le tribunal décide donc que l’ETAT a été valablement partie à la procédure de première instance et que le principe du contradictoire a été respecté à tout stade de la procédure à son égard, de sorte que le moyen en nullité du jugement entrepris est à rejeter. »76, alors que les modes de comparution des parties devant la justice de paix relèvent de l’organisation judiciaire et sont de ce fait d’ordre public, leur violation constituant une nullité de fond, qu’il incombe à la justice de paix de vérifier si la personne physique représentant une personne morale est munie d’un pouvoir spécial établi à cette fin par l’organe représentatif de la personne morale, le défaut d’habilitation étant une irrégularité de fond qui affecte la validité de la représentation, que la sanction de la représentation par une personne non habilitée est la nullité de tous les actes accomplis et qu’en 72 Voir, à titre d’illustration : idem, 30 novembre 2023, n° 130/2023, numéro CAS-2023-00004 du registre (réponse au deuxième moyen).

73 Voir, à titre d’illustration : Idem, 16 mars 2023, n° 29/2023, numéro CAS-2022-00059 du registre (réponse au premier moyen).

74 Voir, à titre d’illustration : Idem, 10 octobre 2017, n° 71/17, numéro 3860 du registre (réponse au deuxième moyen).

75 BORÉ, précité, n° 77.83, pages 418 et 419 et, à titre d’illustration : Cour de cassation, 22 février 2007, n° 12/07, numéro 2371 du registre (réponse au moyen unique) ; idem, 30 mars 2023, n° 40/2023, numéro CAS-2022-00080 du registre (réponse au premier moyen).

76 Idem, même page, troisième, quatrième, antépénultième et dernier alinéa.

omettant de contrôler l’existence d’une telle habilitation en l’espèce le jugement est entaché d’un défaut de base légale.

Dans son troisième moyen le demandeur en cassation critique les juges d’appel d’avoir, par défaut de base légale, méconnu les articles 106, paragraphe 2 et 3, du Nouveau Code de procédure civile, en rejetant le moyen de nullité du jugement de première instance en omettant de contrôler si le juge de paix avait vérifié, conformément à l’article 106, paragraphe 2, dernière phrase, du Code précité, si Christian BERG, préposé de la nature et des forêts qui, au regard des qualités du jugement de première instance, a comparu au nom de l’Etat77, avait justifié d’un pouvoir spécial de représentation de l’Etat.

Ce moyen est, au regard des pièces auxquelles vous pouvez avoir égard78 et conformément aux conclusions des défendeurs en cassation79, nouveau. Il soulève une exception, de non-

représentation valable, qui n’est pas d’ordre public80. Il ne s’agit pas non plus, faute de contestation par l’Etat au cours de l’instance d’appel du pouvoir de son agent ayant comparu en son nom de le représenter, d’un moyen de pur droit apparent en instance d’appel, l’Etat s’étant limité au cours de cette instance de contester la validité de la notification du rapport d’expertise et de la convocation devant la justice de paix, mais n’ayant pas contesté la qualité de son agent de le représenter. Il ne saurait dès lors être reproché aux juges d’appel d’avoir omis de soulever le moyen d’office81.

Il s’ensuit que le moyen, qui est nouveau et qui, vous obligeant à vérifier le pouvoir de représentation de l’agent concerné devant la justice de paix, est mélangé de fait et de droit, est irrecevable.

Sur le quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen est tiré, pour défaut de base légale, de la violation de l’article 50, paragraphe 2, seconde phrase, de la loi de 2011, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejeta la demande du demandeur en cassation d’annuler le jugement de première instance aux motifs notamment que « Il ressort du courrier adressé au juge de paix en date du 27 juin 2018 que « le Syndicat de chasse démissionnaire avait fait une visite des lieux le 13.03.2018 avec Mr PERSONNE4.) (Syndicat de chasse), Mr PERSONNE1.) (adjudicataire et secrétaire), Mr Berg (représentant de l’Etat), Mr PERSONNE3.). (père de l’exploitant), Mr Jacobs (expert en dégâts de gibier), qui malheureusement n’a abouti à aucun arrangement ».

A tel courrier est encore annexé un constat dressé par l’Administration de la nature et des forêts qui est du ressort du Ministère du développement durable et des infrastructures et qui constate notamment que « par la suite les membres suivants du comité du syndicat de chasse sous-rubrique (…) ensemble avec l’exploitant lésé, l’adjudicataire du lot de chasse (…) ainsi 77 Pièce n° 1 annexée au mémoire en cassation.

78 Le jugement attaqué, le jugement de première instance (pièce n° 1 annexée au mémoire en cassation), l’acte d’appel et les conclusions d’appel de l’Etat (pièces n° 5 à 7 annexées au mémoire précité).

79 Mémoire en réponse, page 19.

80 Jurisclasseur Procédure civile, Fasc. 500-55 : Représentation en justice – Représentation « ad agendum » -

Représentation « ad litem », par Pierre JULIEN, Natalie FRICERO et Jean-Jacques TASINE, décembre 2021, n° 20 et les références y citées (doctrine également citée par les défendeurs en cassation, Mémoire en réponse, page 18, note de bas de page n° 1).

81 La jurisprudence française va jusqu’à interdire aux juges du fond de soulever d’office cette question, qui n’est pas d’ordre public (Cour de cassation française, chambre commerciale, 5 novembre 1985, n° 84-14.671, Bull. civ.

IV, n° 262, page 220 ; idem, première chambre civile, 19 septembre 2007, n° 06-17.408).

que le représentant de l’Etat: BERG Christian ont visité les lieux en date du 13/3/2018 et ont constaté que le dégât déclaré provient effectivement du gibier susmentionné et estiment (…) les coûts de remise en état à 7406 EUR ». A noter encore que le constat est signé par Christian BERG dans la rubrique « Signature du représentant de l’Etat ». […] Par le prédit courrier du 27 juin 2018, dont copie a également été adressée à Christian BERG en sa qualité de représentant de l’ETAT, le SYNDICAT DE CHASSE a informé le juge de paix de l’absence d’arrangement amiable entre les parties et lui a transmis le dossier. […] Tout au long de la procédure en cause, l’ETAT a été valablement représenté soit par Christian BERG, préposé de la nature est des forêts, soit par la Ministre de l’Environnement qui d’ailleurs dans son courrier du 30 avril 2019 ne conteste à aucun moment la présence de l’ETAT dans l’affaire qui nous occupe.[…] Le tribunal décide donc que l’ETAT a été valablement partie à la procédure de première instance et que le principe du contradictoire a été respecté à tout stade de la procédure à son égard, de sorte que le moyen en nullité du jugement entrepris est à rejeter. »82, alors qu’il a ainsi omis de caractériser en quoi l’agent mentionné était à qualifier de représentant de l’Etat, de sorte que le jugement est sous ce regard entaché d’un défaut de base légale.

Le moyen critique les juges d’appel d’avoir insuffisamment qualifié la qualité de « représentant de l’Etat » de Christian BERG au sens de l’article 50, alinéa 2, de la loi de 2011.

Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du premier moyen, que ces juges rejetèrent le moyen de nullité du jugement de première instance, tiré de ce que l’Etat avait été, au regard des exigences de l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile, irrégulièrement mis en cause au motif que la loi de 2011 institue, en matière de dégât de gibier, une procédure spécifique dérogeant à l’article précité et autorisant la mise en cause de l’Etat en la personne d’un « représentant de l’Etat » qui, dans le contexte de la présente espèce était le préposé de la nature et des forêts Christian BERG. Cette représentation de l’Etat par cet agent est par ailleurs justifiée dans le jugement attaqué par le fait que l’agent a été appelé en cette qualité en cause à tous les actes de la procédure et a participé à ces derniers en cette qualité.

Deux questions sont à cet égard à distinguer, à savoir, d’une part, celle de la régularité formelle de la notification des actes de procédure à l’Etat suivant que l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile est, ou non, applicable et, d’autre part, celle de savoir si, abstraction faite de la régularité de ces notifications, l’Etat était valablement représenté au cours des opérations d’expertise et à l’audience de la justice de paix par le préposé de la nature et des forêts, qui se présenta au nom de l’Etat et ne contesta pas revêtir cette qualité.

Le moyen est relatif à cette seconde question, la première formant l’objet du premier moyen.

Dans la détermination de l’identité du « représentant de l’Etat », mentionné par les articles 49, 50, alinéa 2, et 52, alinéa 2, de la loi de 2011, il y a lieu, comme exposé ci-avant dans le cadre de la discussion du premier moyen, de tenir compte de l’article 4 de la loi qui énumère comme agents et autorités étatiques ayant qualité pour intervenir au titre de la loi, l’Administration de la nature et des forêts83, les fonctionnaires de l’administration de la carrière de l’ingénieur, le préposé de la nature et des forêts et le cantonnier84 et le membre du Gouvernement ayant dans ses attributions la chasse85. Ces autorités et agents, dont le préposé de la nature et des forêts, ont donc, en principe, vocation à agir au nom de l’Etat dans le cadre de la loi. Le défaut de 82 Idem, page 14, troisième, quatrième et avant-dernier alinéa, et page 16, antépénultième et dernier alinéa.

83 Article 4, a), de la loi.

84 Article 5, b), de la loi.

85 Article 5, f), de la loi.

définition de la notion de « représentant de l’Etat » implique que toutes ces autorités et agents ont, par principe, vocation à assumer ce rôle.

Le tribunal d’arrondissement a par ailleurs justifié de façon concrète pourquoi le préposé de la nature et des forêts Christian BERG est à considérer comme ayant assumé ce rôle en l’espèce.

En constatant que :

« Par courrier du 26 décembre 2018, l’expert a convoqué Christian BERG, en tant que représentant de l’ETAT, aux opérations d’expertise. Il est constant que Christian BERG, en sa qualité de représentant de l’ETAT a ensuite participé auxdites opérations.

[…] Par courrier du 2 avril 2019, le mandataire de PERSONNE3.) s’est adressé à l’Administration de la nature et des forêts, soit la représentante de l’ETAT, en l’informant que par courrier recommandé du 7 mars 2019, le rapport d’expertise WAGNER avait été notifié aux parties en cause et que « le délai pour y contredire est actuellement largement révolu et en l’absence d’information contraire de la part du greffe, je présume qu’il n’y a pas eu contredit de quiconque dans le délai légal. Compte tenu des conclusions sans équivoque de l’expert, je vous prie de me faire savoir par un prochain courrier, si l’Etat va finalement régler volontairement à mon client PERSONNE3.) le montant de 5.939,00 € (…). Dans la négative et au vu de l’enjeu financier important pour mon mandant, je me verrai amené à demander la convocation des parties à l’audience, aux fins de voir entériner le prédit rapport d’expertise par jugement, avec condamnation aux intérêts et aux frais ».

Par courrier du 30 avril 2019, la Ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable répond, en tant représentant de l’ETAT que « je vous prie de noter qu’il n’appartient pas à l’Etat de supporter les dommages causés ». Elle reproche encore à l’expert WAGNER d’avoir outrepassé sa misse d’expertise.

Par courrier du 3 mai 2019, le mandataire de PERSONNE3.) a informé la justice de paix de l’absence d’accord quant à l’indemnisation et a donc sollicité la convocation des parties à l’audience. Ledit courrier marque expressément qu’une copie a été envoyée à l’Administration de la nature et des forêts en sa qualité de représentante de l’ETAT.

Par convocation datée du 17 mai 2019, le greffe de la justice de paix a convoqué l’ensemble des parties, dont notamment Christian BERG en tant que représentant de l’Administration de la nature et des forêts, soit de l’ETAT, tel qu’il ressort des développements ci-dessus.

A l’audience du 16 octobre 2019, les parties ont finalement valablement comparu, dont Christian BERG, préposé de la nature et des forêts en tant que représentant de l’ETAT.

[…] Tout au long de la procédure en cause, l’ETAT a été valablement représenté soit par Christian BERG, préposé de la nature est des forêts, soit par la Ministre de l’Environnement qui d’ailleurs dans son courrier du 30 avril 2019 ne conteste à aucun moment la présence de l’ETAT dans l’affaire qui nous occupe. »86 les juges d’appel ont suffisamment, donc par des motifs de fait suffisants, caractérisé la qualité de l’agent précité comme « représentant de l’Etat » au sens des articles 49, 50, alinéa 2, et 52, alinéa 2, de la loi de 2011, de sorte que le jugement n’encourt pas, au regard de ces dispositions, le reproche d’un défaut de base légale.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’obligation de ne pas dénaturer des écrits clairs ainsi que de celle des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 52, alinéa 2, de la loi de 2011, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejeta la demande du demandeur en cassation d’annuler le jugement de première instance aux motifs notamment que « Par courrier du 26 décembre 2018, l’expert a convoqué Christian BERG, en tant que représentant de l’ETAT, aux opérations d’expertise. Il est constant que Christian BERG, en sa qualité de représentant de l’ETAT a ensuite participé auxdites opérations. […] Tout au long de la procédure en cause, l’ETAT a été valablement représenté soit par Christian BERG, préposé de la nature est des forêts, soit par la Ministre de l’Environnement qui d’ailleurs dans son courrier du 30 avril 2019 ne conteste à aucun moment la présence de l’ETAT dans l’affaire qui nous occupe.[…] Le tribunal décide donc que l’ETAT a été valablement partie à la procédure de première instance et que le principe du contradictoire a été respecté à tout stade de la procédure à son égard, de sorte que le moyen en nullité du jugement entrepris est à rejeter. »87, alors que, première branche, le courrier du 26 décembre 2018 ne précise en rien que Christian BERG a été convoqué et s’est présenté en qualité de représentant de l’Etat, sa convocation et sa présence ayant uniquement eu lieu en qualité de préposé forestier de l’Administration de la nature et des forêts, de sorte que le tribunal d’arrondissement a méconnu le sens clair et précis des termes de cet écrit, partant l’obligation de ne pas dénaturer les écrits clairs et l’article 6 de la Convention précitée, et que, seconde branche, en retenant que Christian BERG agissait en qualité de représentant de l’Etat parce qu’il a été convoqué en cette qualité, sans vérifier la réalité de son pouvoir de représentation, le tribunal d’arrondissement a privé sa décision de base légale au regard de l’article 52, alinéa 2, de la loi de 2011.

Le tribunal d’arrondissement constata que :

« Par courrier du 26 décembre 2018, l’expert a convoqué Christian BERG, en tant que représentant de l’ETAT, aux opérations d’expertise. Il est constant que Christian BERG, en sa qualité de représentant de l’ETAT a ensuite participé auxdites opérations. »88.

Le moyen critique le bien-fondé et le caractère suffisant de cette constatation. Il soutient, dans sa première branche, que le courrier en question aurait été dénaturé et, dans sa seconde branche, que le tribunal aurait, dans la motivation qui a été citée ci-avant dans la réponse au cinquième 86 Jugement attaqué, page 15, sixième et neuvième alinéa, et page 16, premier au quatrième et septième alinéa.

87 Idem, page 15, sixième alinéa, et page 16, antépénultième et dernier alinéa.

88 Idem, page 15, sixième alinéa.

moyen, parmi laquelle figure le motif ci-devant cité, omis de vérifier le pouvoir de représentation de l’agent et, par suite, violé, par défaut de base légale, l’article 52, alinéa 2, de la loi de 2011.

S u r l a p r e m i è r e b r a n c h e La première branche est tirée d’une dénaturation d’un acte clair.

Exception faite d’un arrêt isolé qui, bien que ne mentionnant pas le cas d’ouverture de la dénaturation, a sanctionné un arrêt de la Cour d’appel pour violation de l’article 1134 du Code civil commise dans des circonstances qui sont similaires à celles sanctionnées en France par ce cas d’ouverture89, vous refusez d’accueillir ce dernier90.

Sous le couvert du grief tiré de la dénaturation du courrier visé, la branche du moyen ne tend dès lors qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond, du contenu et de la portée de cet écrit, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de votre Cour91.

Il s’ensuit que cette branche ne saurait être accueillie.

Dans un ordre subsidiaire, donc à admettre que vous accueillez néanmoins ce cas d’ouverture, il est observé que par ce courrier92 l’expert désigné par le juge de paix convoqua le préposé de la nature et des forêts territorialement compétent pour le fonds ayant subi des dégâts de gibier93, aux fins de participer à l’expertise prévue par l’article 52 de la loi de 2011. A celle-ci sont convoqués, ainsi que le dispose l’alinéa 2 de cet article, le collège des syndics, le déclarant, le locataire, l’opposant « et le cas échéant le représentant de l’Etat ».

Il n’y a dès lors manifestement aucune dénaturation à déduire que le préposé de la nature et des forêts, agent prévu par l’article 4, b), de la loi pour intervenir au nom de l’Etat dans le cadre de la loi de 2011, territorialement compétent au regard du dégât de gibier en cause, est convoqué par l’expert sur base de l’article 52, alinéa 2, de la loi en qualité de « représentant de l’Etat ».

Le tribunal a donc procédé à une interprétation souveraine du courrier, hors toute dénaturation94, en concluant que l’agent a été convoqué par l’expert en cette qualité.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que la branche n’est pas fondée.

89 Cour de cassation, 31 octobre 2019, n° 138/2019, numéro CAS-2018-00097 du registre (réponse au premier moyen).

90 Voir, à titre d’illustration : idem, 30 novembre 2023, n° 130/2023, numéro CAS-2023-00004 du registre (réponse au troisième moyen).

91 Idem et loc.cit.

92 Pièce n° 20 annexée au mémoire en cassation.

93 « Forstrevier Differdingen », le dégât, relevant de la compétence du syndicat de chasse de LIEU1.) (jugement attaqué, page 3, sixième alinéa).

94 Cour de cassation, 1er février 2024, n° 21/2024, numéro CAS-2023-00095 du registre (réponse à la seconde branche du moyen unique).

S u r l a s e c o n d e b r a n c h e Dans la seconde branche du moyen, le demandeur en cassation réitère son troisième moyen, critiquant le défaut de vérification, par le juge de paix, du pouvoir de l’agent de représenter l’Etat, sauf à le tirer, non de l’article 106, paragraphe 2, dernier alinéa, du Nouveau Code de procédure civile, mais de l’article 52, alinéa 2, de la loi de 2011, et à soutenir que cet article aurait été méconnu par défaut de base légale, donc par insuffisance des constatations de fait pour appliquer le droit.

Les défendeurs en cassation font valoir à juste titre que la disposition invoquée à l’appui du grief est étrangère à ce dernier95. La question de la vérification du pouvoir de représentation, dans les instances pendantes devant la justice de paix, de l’Etat par un agent est, en effet, étrangère à l’article 52, alinéa 2, de la loi de 2011. Elle est évoquée par l’article 106, paragraphe 2, dernier alinéa, du Nouveau Code de procédure civile, invoqué à l’appui du troisième moyen.

L’article 52, alinéa 2, de la loi de 2011 ne comporte aucune disposition relative à une telle obligation de vérification. Il n’impose donc, à cet égard, aux juges du fond aucune obligation de constatation de faits dont le non-respect serait susceptible d’être critiqué au titre d’un défaut de base légale.

Il s’ensuit que la branche est inopérante96.

Dans un ordre subsidiaire il est rappelé, ainsi qu’il a été exposé ci-avant dans la réponse proposée au troisième moyen, que le grief d’un défaut de vérification du pouvoir de représentation de l’Etat par l’agent est nouveau. L’Etat s’étant, devant le tribunal d’arrondissement, limité à contester la régularité au regard de l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile des convocations adressées par l’expert et le greffe à l’agent, sans reprocher au juge de paix ou à l’expert un défaut de vérification du pouvoir par la personne convoquée et s’étant présentée au nom de l’Etat de représenter ce dernier, il ne saurait être reproché au tribunal d’avoir procédé de ce point de vue à des constatations de fait insuffisantes.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que, le défaut de base légale supposant la prise en considération des conclusions d’appel97, la branche n’est pas fondée98.

Sur le sixième moyen de cassation Le sixième moyen est tiré de la violation de l’obligation de ne pas dénaturer des écrits clairs ainsi que de celle de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejeta la demande du demandeur en cassation d’annuler le jugement de première instance aux motifs notamment que « Tout au long de la procédure en cause, l’ETAT a été valablement représenté soit par Christian BERG, préposé de la nature est des forêts, soit par la Ministre de l’Environnement qui d’ailleurs dans son courrier du 30 avril 2019 ne conteste à aucun moment la présence de l’ETAT dans l’affaire qui nous occupe.[…] Le tribunal décide donc que l’ETAT a été valablement partie à la procédure de première instance et que le principe du 95 Mémoire en réponse, page 28, sous ii).

96 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 4 janvier 2024, n° 03/2024, numéro CAS-2023-00029 du registre (réponse au troisième moyen).

97 BORÉ, précité, n° 78.102, page 447.

98 Le grief du défaut de base légale échappe au reproche de nouveauté (idem, n° 78.91, page 445).

contradictoire a été respecté à tout stade de la procédure à son égard, de sorte que le moyen en nullité du jugement entrepris est à rejeter. »99, alors que le courrier précité du 30 avril 2019 ne désigne pas l’Etat comme partie à l’instance, de sorte que le tribunal d’arrondissement a méconnu le sens clair et précis de cet écrit.

Le moyen est tiré d’une dénaturation d’un acte clair.

Ainsi qu’il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion de la première branche du cinquième moyen, exception faite d’un arrêt isolé, vous refusez d’accueillir ce cas d’ouverture.

Sous le couvert du grief tiré de la dénaturation du courrier visé, le moyen ne tend dès lors qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond, du contenu et de la portée de cet écrit, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de votre Cour.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Dans un ordre subsidiaire, donc à admettre que vous accueillez néanmoins ce cas d’ouverture, il est observé que le moyen reproche au tribunal d’arrondissement d’avoir retenu que la Ministre de l’Environnement ne conteste pas, dans le courrier visé100, la présence de l’Etat dans l’affaire.

Ce constat est critiqué par le moyen au motif que le courrier ne désigne pas l’Etat comme partie.

Cette critique est toutefois dépourvue de pertinence étant donné que le courrier de la Ministre répond à celui de l’avocat du propriétaire du fonds touché par les dégâts de gibier101 dans lequel ce dernier se réfère au rapport d’expertise dressé en cause en précisant que ce rapport « a été notifié par le greffier de la Justice de paix d’Esch-sur-Alzette aux différentes parties en cause, soit aussi à vous en tant que représentant de l’Etat » et en demandant « si l’Etat va finalement régler volontairement à mon client […] le montant [du dommage constaté par l’expert] ». Dans son courrier de réponse, la Ministre, outre de ne pas critiquer le principe de la présence de l’Etat dans la procédure et d’accepter de prendre position sur le bien-fondé de la revendication lui soumise par la partie adverse, décrit l’objet de ce courrier comme se rapportant à un litige désigné comme « PERSONNE3.) c/Syndicat de chasse de LIEU1.) ». Le courrier, outre de ne pas protester de la présence de l’Etat dans l’affaire et d’accepter de prendre position au fond sur celle-ci, confirme donc expressément cette présence.

Le tribunal a, partant, procédé à une interprétation souveraine du courrier, hors toute dénaturation, en concluant que l’Etat ne conteste pas sa présence à l’instance.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

Sur le septième moyen de cassation Le septième moyen est tiré, pour contradiction de motifs, de la violation des articles 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée), 249 et 587 du Nouveau Code de procédure civile et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejeta la demande du demandeur en cassation d’annuler le jugement de première instance aux motifs notamment que « En application de l’article 51 de la loi modifiée du 25 99 Jugement attaqué, page 16, antépénultième et dernier alinéa.

100 Pièce n° 23 annexée au mémoire en cassation.

101 Pièce n° 22 annexée au mémoire en cassation.

mai 2011, le juge de paix a alors rendu une ordonnance conditionnelle de paiement en date du 2 juillet 2018, ordonnant à PERSONNE1.) et au SYNDICAT DE CHASSE de payer leur part respectif du montant de 7.406.- euros, sinon de former contredit dans les quinze jours.

PERSONNE1.) a ensuite régulièrement formé contredit par courrier recommandé avec accusé de réception du 13 juillet 2018. »102 et que « Par convocation datée du 17 mai 2019, le greffe de la justice de paix a convoqué l’ensemble des parties, dont notamment Christian BERG en tant que représentant de l’Administration de la nature et des forêts, soit de l’ETAT, tel qu’il ressort des développements ci-dessus. A l’audience du 16 octobre 2019, les parties ont finalement valablement comparu, dont Christian BERG, préposé de la nature et des forêts en tant que représentant de l’ETAT. »103, alors que le jugement se contredit ainsi, affirmant dans le premier motif cité que l’Etat ne figure pas parmi les parties à l’instance tout en affirmant le contraire dans la seconde série de motifs.

Dans son septième moyen le demandeur en cassation soulève l’existence d’une contradiction de motifs entre le constat, par les juges d’appel, que le juge de paix a d’abord rendu, le 2 juillet 2018, une ordonnance conditionnelle de paiement contre le locataire de chasse et le syndicat de chasse, sans mentionner une présence de l’Etat à l’instance, pour ensuite convoquer, le 17 mai 2019, sur contredit du locataire de chasse, également l’Etat en tant que partie.

Cette critique méconnaît que, suivant les pièces de procédure, l’Etat n’a été formellement appelé en cause en tant que partie dont la responsabilité est recherchée sur base de l’article 44 de la loi de 2011 que par la notification, en date du 7 mars 2019, du rapport d’expertise proposant la mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat, avec invitation d’y contredire dans un délai de quinze jours sur base de l’article 53, alinéa 2, de la loi de 2011104. Ce n’est, en effet, que le rapport d’expertise qui révéla l’imputabilité du dégât à l’Etat. Cette circonstance explique pourquoi l’Etat ne figure pas comme partie à l’instance dans l’ordonnance conditionnelle de paiement105. Le jugement, qui s’est limité à résumer correctement la portée des actes de procédure de première instance, ne s’est donc pas contredit.

Le fait que l’Etat n’a été formellement mis en cause en tant que partie responsable que dans une phase postérieure de la procédure ne contredit par ailleurs pas le fait qu’il a été, même dans les phases antérieures de la procédure, appelé en cause et a assisté à ces phases106, ainsi que cela est prévu par les articles 49 et suivants de la loi de 2011. Cette mise en intervention de l’Etat à la procédure, formellement prévue par la loi, avant toute mise en cause en tant que partie responsable du dommage, s’explique par la finalité de la loi de mettre en place une procédure simple et rapide permettant d’identifier « celui ou […] ceux qui ont à supporter le dommage »107 sur base des règles d’imputabilité de l’article 44 de la loi. Dans l’économie de celle-ci il existe donc une distinction entre, d’une part, la mise en intervention obligatoire et d’office, dès le début de la procédure de règlement du préjudice, de toutes les personnes qui pourraient être théoriquement responsables au titre de l’article 44 et, d’autre part, l’appel en cause en qualité de personne dont la responsabilité est concrètement mise en œuvre. Dans cette logique l’Etat, bien qu’ayant déjà été antérieurement mis en intervention à toute fins utiles, ne devenait partie 102 Jugement attaqué, page 14, dernier alinéa.

103 Idem, page 16, troisième et quatrième alinéa.

104 Pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation.

105 Pièce n° 18 annexée au mémoire en cassation.

106 L’Etat était appelé en cause et représenté au cours de la visite des lieux, prévu par l’article 49 de la loi (pièce n° 17 annexée au mémoire en cassation) et à l’expertise ordonnée par le juge de paix, prévu par l’article 52 de la loi (pièces n° 20 et 21 annexées au mémoire en cassation).

107 Article 51, alinéa 1, de la loi de 2011.

dont la responsabilité était concrètement recherchée qu’à la suite de l’expertise. Cette spécificité de la procédure de règlement du dommage instituée par la loi de 2011 explique pourquoi l’Etat, bien qu’ayant été mis en intervention dès le début de la procédure, ne figurait comme partie au sens défini ci-avant que postérieurement à l’expertise et non déjà au moment de l’ordonnance conditionnelle de paiement.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le huitième moyen de cassation Le huitième moyen est tiré de la violation des articles 51, paragraphe 3, de la loi de 2011 et 131, paragraphe 1, du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejeta la demande du demandeur en cassation d’annuler le jugement de première instance aux motifs notamment que « Par courrier du 26 décembre 2018, l’expert a convoqué Christian BERG, en tant que représentant de l’ETAT, aux opérations d’expertise. Il est constant que Christian BERG, en sa qualité de représentant de l’ETAT a ensuite participé auxdites opérations. […] Par courrier du 2 avril 2019, le mandataire de PERSONNE3.) s’est adressé à l’Administration de la nature et des forêts, soit la représentante de l’ETAT, en l’informant que par courrier recommandé du 7 mars 2019, le rapport d’expertise WAGNER avait été notifié aux parties en cause et que « le délai pour y contredire est actuellement largement révolu et en l’absence d’information contraire de la part du greffe, je présume qu’il n’y a pas eu contredit de quiconque dans le délai légal. Compte tenu des conclusions sans équivoque de l’expert, je vous prie de me faire savoir par un prochain courrier, si l’Etat va finalement régler volontairement à mon client PERSONNE3.) le montant de 5.939,00 € (…). Dans la négative et au vu de l’enjeu financier important pour mon mandant, je me verrai amené à demander la convocation des parties à l’audience, aux fins de voir entériner le prédit rapport d’expertise par jugement, avec condamnation aux intérêts et aux frais ». […] Le tribunal décide donc que l’ETAT a été valablement partie à la procédure de première instance et que le principe du contradictoire a été respecté à tout stade de la procédure à son égard, de sorte que le moyen en nullité du jugement entrepris est à rejeter. »108, alors que, en retenant que le demandeur en cassation a été valablement attrait en justice sur base, première branche, du courrier du 26 décembre 2018, sinon, seconde branche, du courrier du 2 avril 2019, dont aucun n’a été adressé au greffe de la justice de paix, le tribunal d’arrondissement a violé les règles régissant les modes de saisine des juridictions, qui sont d’ordre public.

L’Etat fait soutenir dans le moyen que les juges d’appel auraient décidé qu’il serait devenu partie à l’instance du fait d’un courrier lui adressé par l’expert en date du 26 décembre 2018 et d’un courrier lui adressé le 2 avril 2019 par l’avocat de la victime.

En réalité, les juges d’appel n’ont pas invoqué ces deux courriers pour établir et pour en déduire que l’Etat a été attrait en justice par eux, mais pour illustrer qu’il était à tout stade de la procédure représenté, de sorte que le principe du contradictoire a été respecté à son égard. Les courriers illustrent le respect de ce principe.

S’agissant de la question de savoir si et à quel moment l’Etat est devenu partie à la procédure il est renvoyé aux développements faits ci-avant dans le cadre de la discussion du septième moyen : l’Etat a été, conformément aux prévisions de la loi de 2011, mis en intervention dès le 108 Jugement attaqué, page 15, sixième et dernier alinéa, et page 16, dernier alinéa.

début de la procédure de règlement des dégâts en qualité de personne énumérée par la loi parmi celles qui pourraient théoriquement être responsables au titre de l’article 44 de la loi, sa mise en cause en qualité de personne dont la responsabilité est, au regard des éléments du dossier, concrètement recherchée n’ayant eu lieu qu’à partir de la notification par le greffe, en date du 7 mars 2019, du rapport d’expertise proposant la mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat, avec invitation d’y contredire dans un délai de quinze jours sur base de l’article 53, alinéa 2, de la loi de 2011109.

Il s’ensuit que le moyen manque en fait.

Sur le neuvième moyen de cassation Le neuvième moyen est tiré de la violation des articles 51, paragraphe 3, de la loi de 2011 et 131, paragraphe 1, du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejeta la demande du demandeur en cassation d’annuler le jugement de première instance aux motifs notamment que « Par le prédit courrier du 27 juin 2018, dont copie a également été adressée à Christian BERG en sa qualité de représentant de l’ETAT, le SYNDICAT DE CHASSE a informé le juge de paix de l’absence d’arrangement amiable entre les parties et lui a transmis le dossier. […] Par courrier du 3 mai 2019, le mandataire de PERSONNE3.) a informé la justice de paix de l’absence d’accord quant à l’indemnisation et a donc sollicité la convocation des parties à l’audience. Ledit courrier marque expressément qu’une copie a été envoyée à l’Administration de la nature et des forêts en sa qualité de représentante de l’ETAT. […] Le tribunal décide donc que l’ETAT a été valablement partie à la procédure de première instance et que le principe du contradictoire a été respecté à tout stade de la procédure à son égard, de sorte que le moyen en nullité du jugement entrepris est à rejeter. »110, alors que, première branche, la requête du SYNDICAT DE CHASSE du 27 juin 2018 en délivrance d’une ordonnance conditionnelle de paiement ne désigne pas l’Etat comme partie à la procédure de contredit et que, seconde branche, subsidiaire à la première, le courrier du 3 mai 2019 de la partie PERSONNE3.) requérant la convocation des parties ne désigne pas non plus l’Etat comme partie à la procédure de contredit, de sorte que le juge de paix n’a pas été valablement saisi d’une demande à l’encontre de ce dernier.

Dans son neuvième moyen l’Etat entend à nouveau, comme dans le septième, tirer argument du fait que l’Etat n’est pas mentionné en qualité de partie dans l’ordonnance conditionnelle de paiement du 2 juillet 2018111. Il y a lieu de renvoyer à la réponse donnée ci-avant au septième moyen : l’Etat était, en l’espèce, conformément à la loi de 2011, mis en intervention dès le début de la procédure de règlement des dégâts, à savoir, sur base de l’article 49 de cette loi, à partir de la visite des lieux, du 13 mars 2018, consécutive à la déclaration du dommage112 ; cette mise en intervention, qui a eu lieu à titre de responsable théorique susceptible d’être potentiellement tenu à indemniser le dommage, est à distinguer, dans la logique de la loi, de la mise en cause à titre de partie dont la responsabilité est concrètement recherchée, qui a eu lieu en l’espèce, en raison du résultat du rapport d’expertise dressé en cause113, par la notification par le greffe, en date du 7 mars 2019, de ce dernier proposant la mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat, avec invitation d’y contredire dans un délai de quinze jours sur base de l’article 53, alinéa 2, de 109 Pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation.

110 Jugement attaqué, page 14, avant-dernier alinéa, page 15, deuxième alinéa, et page 16, dernier alinéa.

111 Pièce n° 18 annexée au mémoire en cassation.

112 Pièce n° 17 annexée au mémoire en cassation.

113 Pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation.

la loi de 2011114; la mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat sur base de l’article 44 de la loi n’ayant été concrètement envisageable qu’à la suite du rapport d’expertise, transmis le 7 mars 2019115, l’Etat n’a pas figuré comme partie devant supporter le dommage dans l’ordonnance conditionnelle de paiement du 2 juillet 2018116.

Le moyen manque par ailleurs en fait lorsqu’il soutient que le courrier adressé, en date du 3 mai 2019, par l’avocat de la victime au juge de paix aux fins d’inviter ce dernier à convoquer l’Etat à titre de responsable du dommage117 ne désignerait pas l’Etat comme partie : l’objet même du courrier est d’inviter le juge de paix de convoquer l’Etat à titre de partie devant « assumer totalement l’indemnisation »118 de la victime, donc implique nécessairement la qualité de partie de l’Etat. Ce dernier disposait formellement de cette qualité, comme il a été exposé ci-avant dans le cadre de la discussion du septième et du huitième moyen, à partir de la notification par le greffe, en date du 7 mars 2019, du rapport d’expertise proposant la mise en œuvre de sa responsabilité, avec invitation d’y contredire dans un délai de quinze jours sur base de l’article 53, alinéa 2, de la loi de 2011119.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le dixième moyen de cassation Le dixième moyen est tiré de la violation de l’article 65 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg déclara non fondé l’appel du demandeur en cassation aux motifs notamment que « L’ETAT reproche à l’expert-taxateur Tom WAGNER d’avoir outrepassé sa mission d’expertise lui confiée suivant ordonnance du 25 novembre 2018.

[…] Aucun contredit n’ayant été formulé à l’encontre du rapport d’expertise litigieux dans le délai prévu à l’article 53 alinéa 2 de la loi modifiée du 25 mai 2011, l’ETAT est actuellement forclos pour remettre en cause les constatations et conclusions de l’expert WAGNER. […] Au vu des faits de la cause tels qu’ils résultent du rapport de l’expert, non contestés par les parties, le tribunal de céans, tout comme le premier juge, se rallie aux conclusions de l’expert. Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, le tribunal de céans décide qu’il y a partant lieu, par confirmation du jugement entrepris, de déclarer la demande fondée en principe contre l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG sur base de l’article 44, alinéa 3 de la loi modifiée du 25 mai 2011 et de condamner l’ETAT à payer à PERSONNE3.) le montant de 5.939.- euros. » 120, alors que l’Etat n’a pas participé aux opérations d’expertises pour n’y avoir été valablement représenté, de sorte que le rapport d’expertise lui est inopposable et qu’en fondant sa décision de condamnation exclusivement sur ce rapport, le tribunal d’arrondissement a méconnu le principe du contradictoire.

Dans son dixième moyen l’Etat fait soutenir ne pas avoir été valablement représenté lors des opérations d’expertise réalisées en cause. Il résulte des pièces de la procédure qu’il était à cette occasion convoqué et représenté par son préposé de la nature et des forêts territorialement 114 Idem.

115 Idem.

116 Pièce n° 18 annexée au mémoire en cassation.

117 Pièce n° 24 annexée au mémoire en cassation.

118 Idem.

119 Pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation.

120 Jugement attaqué, page 17, avant-dernier alinéa, page 18, troisième alinéa, et page 21, antépénultième et avant-

dernier alinéa.

compétent121. Le grief tiré d’un défaut de qualité de cet agent de représenter l’Etat est similaire à celui, soulevé dans le premier moyen, tiré de ce que cet agent n’a pas qualité pour recevoir valablement en sa personne notification d’actes de procédure. Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la réponse donnée à ce moyen, que dans le cadre de la loi de 2011 les intérêts de l’Etat sont assumés par un « représentant de l’Etat », terme qui regroupe les autorités et agents visés par l’article 4, a), b) et f), de la loi, dont les préposés de la nature et des forêts. Ces derniers ont donc qualité pour représenter l’Etat dans le cadre de la loi, y compris dans le cadre de l’expertise prévue par l’article 52, alinéa 1, de celle-ci.

L’Etat ayant été valablement représenté au cours des opérations d’expertise, le moyen tiré d’une violation du principe du contradictoire est mal fondé.

Sur le onzième moyen de cassation Le onzième moyen est tiré de la violation des articles 51, paragraphe 3, et 53, paragraphe 2, de la loi de 2011, 65, 164.1, 249, paragraphe 1, et 587 du Nouveau Code de procédure civile, 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée) et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg déclara non fondé l’appel du demandeur en cassation aux motifs notamment que « Force est de constater que l’ETAT ne conteste pas avoir pris connaissance du rapport d’expertise WAGNER mais fait plaider que le greffe de la justice de paix aurait dû le lui notifier par courrier recommandé au siège du Ministère d'Etat, conformément à l’article 164, 1° du nouveau code de procédure civile. Le tribunal renvoie tout d’abord à ces développements ci-dessus quant à la non-

applicabilité de la procédure de droit de commun telle que prévue au nouveau code de procédure civile à la matière du dégât causé par le gibier réglée par une loi spéciale, soit la loi modifiée du 25 mai 2011. […] Il s’ensuit que tel moyen en nullité est également à rejeter. »122, alors que, première branche, aucune disposition de la loi de 2011 ne déroge à l’article 164.1 du Nouveau Code de procédure civile, obligeant d’effectuer les notifications et significations à l’Etat au siège du Premier Ministre, de sorte que le tribunal d’arrondissement ne pouvait conclure que le préposé

____ était habilité pour se voir notifier le rapport d’expertise et qu’il a ainsi violé l’article 53, paragraphe 2, ensemble avec l’article 51, paragraphe 3, de la loi de 2011, l’article 164.1 du Nouveau Code de procédure civile et l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et que, seconde branche, il a motivé de façon seulement abstraite et générale, donc non en fait, partant, de manière insuffisante, pourquoi le principe légal des notifications et significations à l’Etat au siège du Premier Ministre trouverait exception en l’espèce, de sorte qu’il a violé les articles 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée), 249, paragraphe 1, et 587 du Nouveau Code de procédure civile et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans son onzième moyen l’Etat fait soulever, dans la première branche, une violation, à l’occasion de la notification du rapport d’expertise, de l’article 164.1 du Nouveau Code de procédure civile, disposant que les significations sont faites à l’Etat, « au siège du [Premier Ministre] ». Il est constant que ce rapport a été notifié, en date du 7 mars 2019, par le greffier du juge de paix à l’Administration de la nature et des forêts, à la personne du préposé de la 121 Pièces n° 20 et 21 annexées au mémoire en cassation.

122 Jugement attaqué, page 17, troisième, quatrième et septième alinéa.

nature et des forêts territorialement compétent123. Les juges d’appel ont rejeté ce grief motif tiré de « la non-applicabilité de la procédure de droit de commun telle que prévue au nouveau code de procédure civile à la matière du dégât causé par le gibier réglée par une loi spéciale, soit la loi modifiée du 25 mai 2011 »124.

Le moyen appelle la réponse donnée ci-avant au premier moyen : dans le cadre spécifique de la loi de 2011 l’Etat est représenté par les autorités et agents visés à l’article 4, a), b) et f), donc y compris par l’Administration de la nature et des forêts et les préposés de la nature et des forêts.

Si l’Etat peut, par dérogation à l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile, être valablement assigné en la personne de ces derniers, les notifications y relatives peuvent, par voie de conséquence, être valablement adressées à eux par dérogation à l’article 164.1 du même Code.

Il s’ensuit que la première branche du moyen n’est pas fondée.

La seconde branche du moyen est tirée d’une violation de l’obligation de motivation par recours à une motivation abstraite et générale.

Par le motif cité au moyen, complété par ceux auxquels il renvoie125, les juges d’appel ont motivé leur décision de considérer que la loi de 2011 fait exception à l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile, et, par voie de conséquence, à l’article 164.1 de ce Code, de sorte que le vice de défaut de motivation, qui, comme rappelé ci-avant, est un vice de forme, donc n’est pas pertinent pour critiquer le bien-fondé de la motivation, n’est pas établi. Au regard du caractère circonstancié de la motivation, celle-ci ne saurait non plus être qualifiée de motivation de pure forme, donc comme un simulacre de motivation équivalant à une absence de motifs.

Il s’ensuit que la seconde branche du moyen n’est pas non plus fondée.

Sur le douzième moyen de cassation Le douzième moyen est tiré de la violation de l’article 1253, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg déclara non fondé l’appel du demandeur en cassation aux motifs notamment que « En troisième lieu, il échet de constater que l’article 53 de la loi modifiée du 25 mai 2011 n’édicte pas de sanction en cas de non-respect de la forme de notification prévue audit article. En application du principe « pas de nullité, sans texte », le tribunal ne saurait en tout état de cause pas prononcer la nullité du jugement entrepris au motif que la procédure de notification de l’article 53 précité n’aurait pas été respectée. Il s’ensuit que tel moyen en nullité est également à rejeter. »126, alors que le principe, prévu par la disposition visée, qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul si la nullité n’est pas formellement prononcée par la loi, ne s’applique pas en cas d’inobservation de formalités substantielles, mais que l’article 53, paragraphe 2, de la loi de 2011, édicte une formalité substantielle, de sorte que, première branche, le tribunal d’arrondissement a méconnu la disposition visée par fausse application, sinon, seconde branche, en omettant de préciser pourquoi cette formalité n’est pas de nature substantielle, il a manqué de donner à sa décision une base légale suffisante au regard de cette disposition.

123 Pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation.

124 Jugement attaqué, page 17, quatrième alinéa.

125 Idem, page 14 à page 16, dernier alinéa (relatifs à la représentation de l’Etat en première instance).

126 Idem, page 17, sixième et septième alinéa.

L’article 53, alinéa 2, de la loi de 2011 dispose que « [u]ne copie du rapport [d’expertise] est notifiée par le greffier aux parties par lettre recommandée […] ». Il résulte des pièces que le rapport d’expertise a été notifié, en l’espèce, par lettre simple127. L’Etat avait fait valoir devant les juges d’appel que l’inobservation de la forme de la notification devrait entraîner la nullité du jugement de première instance128. Pour rejeter ce moyen, les juges d’appel retinrent que «[…] il échet de constater que l’article 53 de la loi modifiée du 25 mai 2011 n’édicte pas de sanction en cas de non-respect de la forme de notification prévue audit article. En application du principe « pas de nullité, sans texte », le tribunal ne saurait en tout état de cause pas prononcer la nullité du jugement entrepris au motif que la procédure de notification de l’article 53 précité n’aurait pas été respectée. Il s’ensuit que tel moyen en nullité est également à rejeter. »129.

La formalité de l’envoi de la copie du rapport d’expertise par lettre recommandée n’est pas prévue à peine de nullité, de sorte que c’est dans le strict respect de l’article 1253, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, disposant que « [a]ucun exploit ou acte de procédure ne pourra être déclaré nul, si la nullité n’en est pas formellement prononcée par la loi », que le tribunal déduisit que l’inobservation de cette formalité n’est pas sanctionnée de nullité. A plus forte raison l’inobservation de cette formalité ne saurait être qualifiée de nullité de fond ou substantielle, qui échapperait au principe « pas de nullité sans grief » de l’article 264, alinéa 2, du même Code130. La finalité de la formalité étant de permettre au greffe de s’assurer, dans le souci de faciliter le contrôle du respect du délai du contredit prévu par l’article 53, alinéa 2, de la loi de 2011, de la date d’expédition du rapport131, donc non de protéger les intérêts de ce dernier, il n’existe aucun motif sérieux de considérer que la formalité présente un caractère substantiel. Il s’ajoute que la jurisprudence récente de votre Cour est, à juste titre, très réticente à retenir cette qualification132.

La première branche du moyen n’est dès lors pas fondée.

Dans la seconde branche, l’Etat fait soutenir que les juges d’appel auraient manqué de donner à leur décision une base légale suffisante en omettant de préciser pourquoi la formalité ne serait pas substantielle. Le caractère substantiel de la nullité d’une formalité constituant une exception, de nature jurisprudentielle, par rapport au droit commun, consacré par l’article 1253, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, de l’absence de toute nullité sans texte, les 127 Pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation.

128 Jugement attaqué, page 17, premier alinéa.

129 Idem, même page, septième alinéa.

130 Les juges d’appel constatent, en l’espèce, que l’Etat « a été valablement représenté durant toute la procédure de première instance, dont lors des opérations d’expertise et a même contesté le rapport d’expertise par l’intermédiaire du Ministre de l’Environnement dans son courrier du 30 avril 2019 » (idem, même page, cinquième alinéa), ce qui implique qu’il a bien reçu ce rapport, donc qu’il n’a subi aucun grief.

131 Le délai du contredit commence à courir à partir « de la date de l’expédition » (Article 53, alinéa 2, de la loi de 2011) du rapport d’expertise, de sorte que la formalité de l’envoi d’un courrier recommandé a pour finalité d’établir la preuve de cette date (voir également sur cette question le jugement attaqué, page 18, deuxième alinéa). A défaut d’envoi recommandé cette dernière pourrait être remise en cause, ce qui impliquerait une incertitude au sujet du point de départ du délai du contredit.

132 Voir, à titre d’illustration, votre jurisprudence relative au non-respect de l’indication ou de l’indication correcte, dans l’exploit d’assignation, du mode de comparution (voir ci-avant note n° 39) ou votre condamnation de la qualification comme nullité de fond de l’introduction, par un délégué du personnel, de l’appel contre une décision de première instance rendue sur son recours en cessation de la modification par l’employeur d’une clause essentielle du contrat de travail, prévu par l’article L. 415-10 du Code du travail (Cour de cassation, 24 novembre 2022, n° 138/2022, numéro CAS-2022-00009 du registre (réponse au premier moyen)).

juges du fond ne sont pas tenus de justifier pourquoi une formalité, de surcroît lorsqu’elle n’est même pas formellement sanctionnée de nullité, ne constitue pas une nullité de fond ou substantielle.

La seconde branche du moyen n’est dès lors pas non fondée.

Sur le treizième moyen de cassation Le treizième moyen est tiré de la violation des articles 53, paragraphe 2, de la loi de 2011, 65, 249, paragraphe 1, et 587 du Nouveau Code de procédure civile, 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée) et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg déclara non fondé l’appel du demandeur en cassation aux motifs notamment que « Par notification du 7 mars 2019, le rapport de l’expert WAGNER fut notifié à l’ensemble des parties en cause avec la mention expresse qu’elles sont invitées à contredire dans les 15 jours suivant la date de l’expédition. Le délai pour contredire avait partant expiré le 22 mars 2019 à minuit. Ce n’est que par courrier du 30 avril 2019, soit plus d’un mois après l’expiration du délai pour contredire, que l’ETAT conteste pour la première fois, à travers la Ministre de l’Environnement les dires de l’expert. Aucun contredit n’ayant été formulé à l’encontre du rapport d’expertise litigieux dans le délai prévu à l’article 53 alinéa 2 de la loi modifiée du 25 mai 2011, l’ETAT est actuellement forclos pour remettre en cause les constatations et conclusions de l’expert WAGNER. […] Au vu des faits de la cause tels qu’ils résultent du rapport de l’expert, non contestés par les parties, le tribunal de céans, tout comme le premier juge, se rallie aux conclusions de l’expert. Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, le tribunal de céans décide qu’il y a partant lieu, par confirmation du jugement entrepris, de déclarer la demande fondée en principe contre l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG sur base de l’article 44, alinéa 3 de la loi modifiée du 25 mai 2011 et de condamner l’ETAT à payer à PERSONNE3.) le montant de 5.939.- euros. »133, alors que, première branche, le tribunal s’est contredit en constatant d’abord que l’Etat n’a pas été partie à la première instance de contredit sur ordonnance conditionnelle de paiement pour ensuite retenir qu’il était invité en tant que partie à cette même instance de contester le rapport d’expertise, de sorte qu’il a, par contradiction de motifs, méconnu les articles 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée), 249, paragraphe 1, et 587 du Nouveau Code de procédure civile et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que, deuxième branche, la notification, sur base de l’article 53, paragraphe 2, de la loi de 2011, du rapport d’expertise avec invitation d’y contredire n’est prévue que pour les parties au litige, parmi lesquelles ne figurait pas l’Etat, de sorte qu’en déclarant ce dernier forclos à contester le rapport sur base de cette disposition, le tribunal a méconnu celle-ci, que, troisième branche, le rapport aurait en tout état de cause dû être notifié à l’Etat au siège du Premier Ministre sur base de l’article 164.1 du Nouveau Code de procédure civile, de sorte que la notification effectuée en l’espèce aux bureaux de l’Administration de la nature et des forêts était irrégulière et n’a pas pu avoir pour effet de rendre l’Etat forclos à contester le rapport, le tribunal ayant ainsi méconnu les articles 53, paragraphe 2, de la loi de 2011, 65 du Nouveau Code de procédure civile et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

133 Jugement attaqué, page 18, deuxième et troisième alinéa, et page 21, antépénultième et avant-dernier alinéa.

L’article 53, alinéa 2, de la loi de 2011 dispose que la copie du rapport d’expertise est notifiée par le greffier aux « parties », « avec invitation d’y contredire, s’il y a lieu, dans les quinze jours de la date de l’expédition ». Les juges d’appel constatèrent en l’espèce que le rapport d’expertise avait été notifié le 7 mars 2019 « à l’ensemble des parties en cause avec la mention expresse qu’elles sont invitées à contredire dans les 15 jours suivant la date de l’expédition »134.

Elles conclurent que « [a]uccun contredit n’ayant été formé à l’encontre du rapport d’expertise litigieux dans le délai prévu à l’article 53 alinéa 2 de la loi modifiée du 25 mai 2011, l’ETAT est actuellement forclos pour remettre en cause les constatations et conclusions de l’expert WAGNER »135.

Le moyen est subdivisé en trois branches.

S u r l a p r e m i è r e b r a n c h e Dans sa première branche, l’Etat invoque une contradiction de motifs entre :

- d’une part, le constat que « [e]n application de l’article 51 de la loi modifiée du 25 mai 2011, le juge de paix a alors rendu une ordonnance conditionnelle de paiement en date du 2 juillet 2018, ordonnant à PERSONNE1.) et au SYNDICAT DE CHASSE de payer leur part respectif du montant de 7.406.- euros, sinon de former contredit dans les quinze jours »136, impliquant qu’à ce stade l’Etat n’était pas encore partie à l’instance, et - d’autre part, le constat que du fait que le rapport d’expertise avait été notifié le 7 mars 2019 « « à l’ensemble des parties en cause avec la mention expresse qu’elles sont invitées à contredire dans les 15 jours suivant la date de l’expédition »137 et que l’Etat avait omis de former contredit, il était « forclos pour remettre en cause les constatations et conclusions de l’expert WAGNER »138, ce qui implique qu’il était partie en cause.

Dans cette branche l’Etat reprend, en substance, le grief déjà exposé dans le cadre du septième moyen, qu’il ne figurait pas dans l’ordonnance conditionnelle de paiement du 2 juillet 2018 comme partie en cause pour être qualifié dans une phase ultérieure de la procédure, en l’occurrence à l’occasion de la notification, le 7 mars 2019, du rapport d’expertise, comme partie.

Ce grief appelle la réponse déjà donnée ci-avant au septième moyen : il méconnaît que, suivant les pièces de procédure, l’Etat n’a été formellement appelé en cause en tant que partie dont la responsabilité est recherchée sur base de l’article 44 de la loi de 2011 que par la notification, en date du 7 mars 2019, du rapport d’expertise proposant la mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat, avec invitation d’y contredire dans un délai de quinze jours sur base de l’article 53, alinéa 2, de la loi de 2011139. Ce n’est, en effet, que le rapport d’expertise qui révéla l’imputabilité du dégât à l’Etat. Cette circonstance explique pourquoi l’Etat ne figure pas déjà comme partie à 134 Idem, même page, deuxième alinéa.

135 Idem, même page, troisième alinéa.

136 Idem, page 14, dernier alinéa.

137 Idem, page 18, deuxième alinéa.

138 Idem, même page, troisième alinéa.

139 Pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation.

l’instance dans l’ordonnance conditionnelle de paiement140. Le jugement, qui s’est limité à résumer correctement la portée des actes de procédure de première instance, ne s’est donc pas contredit.

Il s’ensuit que la première branche n’est pas fondée.

S u r l a s e c o n d e b r a n c h e Dans sa seconde branche, l’Etat reprend, en substance, le grief déjà exposé dans sa première branche sauf à la tirer de la violation de l’article 53, alinéa 2, de la loi de 2011. Il critique la décision des juges d’appel de le déclarer forclos à remettre en cause l’expertise faute d’y avoir contredit dans le délai de quinze jours, dès lors qu’il considère ne pas avoir été partie en cause.

Cette critique appelle la réponse donnée au septième moyen et à la première branche du présent moyen : l’Etat est, en l’espèce, devenu partie dont la responsabilité a été concrètement recherchée sur base de l’article 44 de la loi de 2011 par la notification, en date du 7 mars 2019, du rapport d’expertise proposant la mise en œuvre de sa responsabilité, avec invitation d’y contredire dans un délai de quinze jours sur base de l’article 53, alinéa 2, de la loi de 2011141.

Cette qualité formelle de partie est, dans la logique spécifique de la procédure de règlement des dégâts de gibier définie par la loi, à distinguer de celle qui était la sienne au cours de la phase antérieure de la procédure, au cours de laquelle il avait, conformément à la loi, été mis d’office en intervention en qualité de personne dont la responsabilité, sans être concrètement invoquée, était théoriquement susceptible d’être mise en œuvre sur base de l’article 44 de la loi, raison pour laquelle il a, conformément à la loi, par précaution et à toutes fins utiles, été invité à participer aux différents actes de procédure, sans que sa responsabilité n’ait, à ce moment déjà, été concrètement invoquée.

Cette distinction entre la qualité de personne mise à toutes fins utiles en intervention en raison de la possibilité théorique de voir sa responsabilité engagée et celle de partie dont la responsabilité est concrètement mise en cause explique pourquoi l’Etat ne figure pas comme partie dans l’ordonnance conditionnelle de paiement, mais n’acquiert cette qualité que par suite de la notification du rapport d’expertise, qui propose de lui imputer cette responsabilité.

La volonté du législateur d’assurer, à tout stade de la procédure, la plus large représentation des « intéressés »142 s’explique par le souci d’instaurer une procédure simple et rapide dont l’objet est de permettre la condamnation « à charge de celui ou de ceux qui ont à supporter le dommage »143 au titre de l’article 44 de la loi. Dans cette logique tous les responsables potentiels, dont l’Etat, sont systématiquement mis en intervention dès la phase, prévue par l’article 49 de la loi, de la visite des lieux après déclaration du dommage. L’expertise, à l’exécution de laquelle l’Etat a participé, conclut en l’espèce à l’imputabilité du dommage à l’Etat sur base des critères de l’article 44 de la loi. La notification de ce rapport, en date du 7 mars 2019, avec invitation d’y contredire, informa l’Etat de ce que, et pour quels motifs, sa responsabilité était concrètement susceptible d’être engagée. La procédure du contredit, instituée par l’article 53, alinéa 2, de la loi, lui aurait donné l’occasion de contester devant le juge de paix le bien-fondé des conclusions de l’expert. L’Etat ayant omis de former contredit, 140 Pièce n° 18 annexée au mémoire en cassation.

141 Pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation.

142 Article 52, alinéa 4, de la loi de 2011.

143 Article 51, alinéa 1, de la même loi.

tout en contestant néanmoins sa responsabilité par courrier du 30 avril 2019 adressé par le Ministre de l’Environnement à l’avocat de la victime144, ce dernier invita la juge de paix par courrier du 3 mai 2019 de trancher le litige145, à la suite duquel l’Etat fut convoqué par courrier du 17 mai 2019 à comparaître devant ce juge146.

L’Etat ayant été, conformément à la loi, officiellement averti de l’existence de la prétention de lui imputer, conformément à l’article 44 de la loi, le dégât de gibier en cause par la notification, par le juge de paix, sur base de l’article 53, alinéa 2, de la loi, du rapport d’expertise avec invitation formelle d’y contredire, il acquérait au moment et par l’effet de cette notification la qualité de partie tenue, en cas de contestation des conclusions de l’expertise, d’y contredire.

En tirant les conclusions de l’omission, par l’Etat, d’exercer cette voie de droit, au recours à laquelle il a été formellement invité, les juges d’appel ont correctement appliqué la disposition visée.

Il s’ensuit que la deuxième branche n’est pas fondée.

S u r l a t r o i s i è m e b r a n c h e Dans la troisième branche du moyen l’Etat réitère son grief, exposé dans le onzième moyen, tiré de ce que la notification du rapport d’expertise n’aurait pas été effectuée à la bonne adresse, c’est-à-dire, en application de l’article 164.1 du Nouveau Code de procédure civile, « au siège du [Premier Ministre] ». La notification, du 7 mars 2019, a été adressée à l’Administration de la nature et des forêts, à l’attention du préposé de la nature et des forêts territorialement compétent, qui avait représenté l’Etat au cours des stades précédents de la procédure de règlement du dommage147.

Le grief appelle la réponse donnée ci-avant au onzième moyen : dans le cadre spécifique de la loi de 2011 l’Etat est représenté par les autorités et agents visés à l’article 4, a), b) et f), donc y compris par l’Administration de la nature et des forêts et les préposés de la nature et des forêts.

Si l’Etat peut, par dérogation à l’article 163.1 du Nouveau Code de procédure civile, être valablement assigné en la personne de ces derniers, comme il a été vu ci-avant dans le cadre de la réponse donnée au premier moyen, les notifications y relatives peuvent, par voie de conséquence, être valablement adressées à eux par dérogation à l’article 164.1 du même Code.

Il s’ensuit que la troisième branche du moyen n’est pas fondée.

Sur le quatorzième moyen de cassation Le quatorzième moyen est tiré de la violation des articles 52 de la loi de 2011, 65 du Nouveau Code de procédure civile et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg 144 Pièce n° 23 annexée au mémoire en cassation.

145 Pièce n° 24 annexée au mémoire en cassation.

146 Pièce n° 25 annexée au mémoire en cassation.

147 C’est-à-dire au cours de la visite des lieux, prévue par l’article 49 de la loi (voir pièce n° 17 annexée au mémoire en cassation) et au cours des opérations d’expertise ordonnées par le juge de paix (pièces n° 20 et 21 annexées au mémoire en cassation).

déclara non fondé l’appel du demandeur en cassation aux motifs notamment que « C’est dans ce cadre légal que l’expert WAGNER retient ce qui suit : […] Fazit: Weil die Einschränkungen der Jagd auf den 555,30ha des Naturschutzgebietes In welchen das beschädigte Feld Hegt, einen bedeutenden Einfluss auf die Bejagung des Schwarzwildes haben, ist der Anfrage von Herrn PERSONNE5.) meiner Meinung nach Folge zu leisten und der Schaden in Höhe von 5939€, aufgrund von Artikel 44 des Jagdgesetzes vom Staat zu tragen. » Au vu des faits de la cause tels qu’ils résultent du rapport de l’expert, non contestés par les parties, le tribunal de céans, tout comme le premier juge, se rallie aux conclusions de l’expert. Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, le tribunal de céans décide qu’il y a partant lieu, par confirmation du jugement entrepris, de déclarer la demande fondée en principe contre l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG sur base de l’article 44, alinéa 3 de la loi modifiée du 25 mai 2011 et de condamner l’ETAT à payer à PERSONNE3.) le montant de 5.939.-

euros. »148, alors que, première branche, la mission de l’expert consistait en l’espèce à évaluer le préjudice subi, mais non de fixer les responsabilités encourues et d’apprécier le bien-fondé des demandes, que l’expert, en concluant que l’Etat devait reprendre entièrement en charge le préjudice, a outrepassé sa mission, de sorte que le tribunal, en se ralliant aux conclusions de l’expert dont le rapport est affecté d’une nullité, a méconnu les dispositions visées et que, sinon, seconde branche, les passages du rapport dans lesquels l’expert abandonne son domaine technique pour procéder à des appréciations de questions juridiques, en l’occurrence pour conclure à la responsabilité de l’Etat sur base de l’article 44 de la loi de 2011, sont dépourvus de valeur et ne peuvent pas être pris en considération, de sorte que le tribunal, en se ralliant aux conclusions de l’expert, a méconnu les dispositions visées.

Dans son quatorzième moyen l’Etat critique l’expertise en soutenant, d’une part, dans la première branche, que l’expert a dépassé sa mission et, d’autre part, dans la seconde branche, que ce dernier a procédé à des appréciations de questions juridiques.

S u r l a p r e m i è r e b r a n c h e Dans la première branche du moyen l’Etat critique l’expert d’avoir outrepassé sa mission. Il avait soulevé ce même moyen en instance d’appel149. Ce moyen avait été déclaré irrecevable par le tribunal d’arrondissement au motif que l’Etat était, faute d’avoir formulé un contredit contre l’expertise, « forclos pour remettre en cause les constatations et conclusions de l’expert […] »150. Ce motif est critiqué par le treizième moyen, qu’il est proposé de déclarer non fondé.

Dans la première branche du quatorzième moyen, au lieu de critiquer le bien-fondé du motif, de forclusion, par lequel le tribunal refusa de se prononcer sur le dépassement allégué de sa mission par l’expert ou d’exposer pourquoi votre Cour devrait, nonobstant ce motif, apprécier elle-même directement cette question, non appréciée par les juges du fond, le demandeur en cassation se limite à vous inviter à procéder à cette appréciation.

La branche du moyen, en ce qu’elle vous invite à procéder à cette appréciation sans critiquer le bien-fondé du motif par lequel le tribunal refusa de s’y livrer, est inopérante.

A tire subsidiaire, dans la mesure où elle vous invite à procéder à une appréciation à laquelle les juges du fond se refusèrent de procéder, elle est nouvelle et, supposant une appréciation de 148 Jugement attaqué, page 20, troisième alinéa, et page 21, quatrième à l’avant-dernier alinéa.

149 Idem, page 17, avant-dernier alinéa.

150 Idem, page 18, troisième alinéa.

la conformité du rapport d’expertise par rapport à la mission conférée à l’expert, mélangée de fait et de droit, partant, irrecevable.

A titre plus subsidiaire il est observé que, sous le couvert du grief du dépassement par l’expert de sa mission, la branche du moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant votre Cour l’appréciation, par les juges du fond, de la valeur probante d’un rapport d’expertise, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de votre Cour151. Il s’ensuit, à titre plus subsidiaire, que la branche du moyen ne saurait être accueillie.

A titre de dernière subsidiaire il est relevé que l’évaluation du dommage, que l’expert avait, conformément l’article 52 de la loi de 2011 et de l’ordonnance du juge de paix du 20 juillet 2018152, pour mission d’accomplir, inclut celle de l’application, dans le cas d’espèce, des critères de répartition de la charge du dommage de l’article 44 de la loi. La procédure, de règlement des dégâts de gibier, instituée par le chapitre 7 de la loi a, en effet, pour finalité de déterminer, comme le rappelle l’article 51, alinéa 1, de la loi, qui, parmi les personnes désignées par l’article 44, doit « supporter le dommage ». L’évaluation du dommage, si elle se veut d’être pertinente et utile et de permettre au juge de paix de statuer, doit dès lors impliquer, outre la détermination du montant du dommage, celle de l’application, dans le cas d’espèce, des critères de répartition du dommage définis par l’article 44, à savoir la détermination de la proportion de la surface des fonds chassables par rapport à celle des fonds retirés composant le lot, prévue par l’alinéa 1 de cet article, le point de savoir, envisagé par l’alinéa 2 de l’article, si l’exercice du droit de chasse était interdit ou suspendu en application de l’article 7, alinéas 1 et 2, de la loi ou celui, envisagé par l’alinéa 3 de l’article, si l’exercice du droit de chasse était interdit ou limité par une disposition réglementaire en application de l’article 7, alinéa 3, et, dans l’affirmative, si le dégât est le résultat de cette interdiction ou limitation. La loi ainsi comprise, la mission d’évaluer le dommage implique nécessairement celle des critères de ventilation du dommage déterminés par l’article 44. A suivre cette lecture, l’expert ne saurait se voir reprocher d’avoir outrepassé sa mission. Il s’ensuit, à titre de dernière subsidiarité, que la branche du moyen n’est pas fondée.

S u r l a s e c o n d e b r a n c h e Dans sa seconde branche, l’Etat critique l’expert d’avoir procédé à des appréciations juridiques.

Ce grief est, comme celui exposé dans la première branche, inopérant, parce qu’étranger au motif par lequel le tribunal d’arrondissement refusa d’admettre d’examiner les critiques élevées par l’Etat au sujet des constatations et conclusions de l’expert, à savoir la forclusion de soulever ces critiques en l’absence d’avoir formulé, sur base et dans le délai de l’article 53, alinéa 2, de la loi un contredit contre le rapport d’expertise.

Il est, à titre subsidiaire, nouveau et, supposant une appréciation par votre Cour du contenu et de la portée des développements de l’expert, mélangé de fait et de droit, partant, irrecevable.

Il se heurte, dans un ordre plus subsidiaire, au fait que, sous le couvert du grief tiré de ce que l’expert a procédé à des appréciations juridiques, il ne tend qu’à remettre en discussion devant votre Cour l’appréciation, par les juges du fond, de la valeur probante d’un rapport d’expertise, 151 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 30 novembre 2023, n° 129/2023, numéro CAS-20232-00024 du registre (réponse au troisième moyen).

152 Pièce n° 19 annexée au mémoire en cassation.

appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de votre Cour, de sorte qu’il ne saurait être accueilli.

Dans un ordre de dernière subsidiarité il est observé que l’expertise153 se limite, conformément à la mission confiée, d’évaluer le dommage, qui implique, comme expliqué ci-avant dans le cadre de la réponse donnée à la première branche, celle d’évaluer les critères de détermination de l’imputabilité du dommage définis par l’article 44 de la loi, dont celui, prévu par l’article 44, alinéa 3, de déterminer si le dommage a été causé sur des fonds où l’exercice du droit de chasse est interdit ou limité par une disposition réglementaire en application de l’article 7, alinéa 3, de la loi et, dans l’affirmative, si le dégât est le résultat de cette interdiction ou limitation. Il s’ensuit, à titre de dernière subsidiarité, que la branche du moyen n’est pas fondée.

Sur le quinzième moyen de cassation Le quinzième moyen est tiré de la violation des articles 44, paragraphe 3, de la loi de 2011, 249, paragraphe 1, et 587 du Nouveau Code de procédure civile, 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée) et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg déclara non fondé l’appel du demandeur en cassation aux motifs notamment que « Ce n’est pas la loi modifiée du 25 mai 2011 qui prévoit sous quelles conditions une autorisation dérogatoire permettant une chasse en battue dans la zone naturelle « Prënzebierg » peut être délivrée mais le règlement grand-ducal du 20 novembre 1991 qui a déclaré zone protégée le « Prënzebierg ». Ainsi, les articles 3 et 4 dudit règlement prévoient parmi les interdictions « l’exercice de la chasse, à l’exception à la chasse à l’affut, à l’approche ou à la poussée ». Il en résulte donc que le mode de la chasse en battue y est interdit. […] C’est dans ce cadre légal que l’expert WAGNER retient ce qui suit : […] Meiner Meinung nach erschwert diese Einschränkung der Jagdausübung das Vorhaben die Wildschweineschäden zu reduzieren erheblich. Folgende Punkte belegen dies: * Wildschweine sind hauptsachlich nachtaktiv. Bei uns Ist die Nachtjagd aber verboten. Der Ansitz und die Pirsch, durchgeführt eine Stunde vor Sonnenaufgang bis eine Stunde nach Sonnenuntergang, sind bei der Wildschweinejagd aufgrund von dessen Verhalten nicht effektiv. * Hinzu kommt, dass es möglich sein sollte, Treibjagden auf Wildschweine kurzfristig zu organisieren, damit der Jagdpächter die über mehrere Reviere streifenden Wildschweine bejagen kann, wenn sie gerade Im Revier präsent sind. Weil dies jedoch nur mittels Genehmigung des Ministers möglich ist, ist eine kurzfristige, gezielte Treibjagd auf Wildschweine nicht möglich. * Zusätzlich ist eine Ausnahmereglung um eine Treibjagd abzuhalten, nur möglich, wenn die Ziele des Naturschutzgebietes bedroht sind. Dies führt dazu, dass nicht der Jäger, welcher vor allem dafür zu sorgen hat, dass sich der Wildschaden im Forst und Landwirtschaft in Grenzen hält, Argumente hat, um eine derartige Ausnahmereglung anzufragen, sondern er darauf angewiesen ist, dass andere Akteure ihm zur Seite stehen. (Naturschutzakteure, Revierförster…). Der Jäger allein hat demnach gar nicht die Argumente um eine derartige Ausnahmereglung zum Abhalten einer Treibjagd anzufragen. * Um den Stellenwert der Treibjagd bei der Schwarzwildbejagung zu untermauern, sei gesagt, dass In Luxemburg 80% aller Wildschweine während der Treibjagdsaison geschossen werden. In den Staatsrevieren werden sogar 90% des Schwarzwildabschusses auf Treibjagden getätigt. (Aussage von Frau PERSONNE6.), verantwortlich für die Jagd bei der Natur und Forstverwaltung, während einer Fernsehreportage auf RTL-Tele Lëtzebuerg vom 17.1.2019). Dies zeigt, dass durch die 153 Pièce n° 21 annexée au mémoire en cassation.

Einschränkung der Jagd auf die Pirsch, den Ansitz und die Druckjagd ein Hindernis beim Wildschweinemanagement entsteht, welches sehr bedeutend Ist. Dass diese Einschränkungen bei der Jagdausübung zu höheren Wilddichten führen und diese zu höheren Wildschäden, ist unbestritten. Das komplette System der Abschusspläne der Natur- und Forstverwaltung basiert auf dieser Überlegung, indem die Abschüsse erhöht werden, wenn der Wildschaden steigt bzw.

gesenkt werden, wenn kein Wildschaden vorhanden ist. Fazit: Weil die Einschränkungen der Jagd auf den 555,30ha des Naturschutzgebietes In welchen das beschädigte Feld Hegt, einen bedeutenden Einfluss auf die Bejagung des Schwarzwildes haben, ist der Anfrage von Herrn PERSONNE5.) meiner Meinung nach Folge zu leisten und der Schaden in Höhe von 5939€, aufgrund von Artikel 44 des Jagdgesetzes vom Staat zu tragen. » Au vu des faits de la cause tels qu’ils résultent du rapport de l’expert, non contestés par les parties, le tribunal de céans, tout comme le premier juge, se rallie aux conclusions de l’expert. Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, le tribunal de céans décide qu’il y a partant lieu, par confirmation du jugement entrepris, de déclarer la demande fondée en principe contre l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG sur base de l’article 44, alinéa 3 de la loi modifiée du 25 mai 2011 et de condamner l’ETAT à payer à PERSONNE3.) le montant de 5.939.-

euros. »154, alors que, première branche, le tribunal n’a pas recherché si les dégâts subis étaient effectivement le résultat de la limitation réglementaire du droit de chasse sur les fonds litigieux, de sorte qu’il a omis de vérifier si, sans cette restriction réglementaire, il y aurait eu dommage et, sinon, si, en l’absence de cette restriction il n’y aurait eu dommage, de sorte que le jugement est entaché d’un défaut de base légale au regard de l’article 44, paragraphe 3, de la loi de 2011, que, deuxième branche, le tribunal a fondé sa décision sur des considérations d’ordre général insuffisantes pour justifier une reconnaissance de responsabilité de l’Etat, partant, sur des motifs insuffisants, en reprenant l’opinion de l’expert qui se limitait pourtant à affirmer que la restriction de l’exercice de la chasse par interdiction de la chasse en battue, par opposition à d’autres formes de chasse (à l’affut, à l’approche ou à la poussée) compliquerait considérablement l’objectif de réduire les dommages causés par les sangliers et aurait un impact important sur leur chasse, de sorte qu’il a méconnu, par défaut de motifs, commis par une motivation insuffisante, les articles 249, paragraphe 1, et 587 du Nouveau Code de procédure civile, 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée) et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et que, troisième branche, le tribunal a omis de répondre à des conclusions d’appel dans lesquelles l’Etat soutenait que « [r]ien n’empêchait pourtant les intéressés de procéder par un mode de chasse autre que la chasse en battue au chien courant (« Treibjagd »).

Ils auraient notamment à tout moment pu procéder par poussée (« Drückjagd »), sans devoir demander d’autorisation au préalable, c’est-à-dire par rapport à la battue (« Treibjagd ») juste renoncer aux chiens. »155, de sorte qu’il a, par refus de réponse à conclusions, méconnu les articles 249, paragraphe 1, et 587 du Nouveau Code de procédure civile, 89, ancien, de la Constitution (devenu l’article 109, nouveau, de la Constitution révisée) et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

A l’appui de son moyen l’Etat invoque trois branches.

154 Jugement attaqué, page 18, dernier alinéa, page 20, troisième alinéa, même page, antépénultième alinéa à page 21, avant-dernier alinéa.

155 Pièce n° 2 annexée au mémoire en cassation, page 7.

S u r l a p r e m i è r e b r a n c h e Dans la première branche l’Etat invoque un défaut de base légale au regard de l’article 44, alinéa 3, de la loi de 2011 en reprochant au tribunal d’arrondissement d’avoir omis de vérifier si le dégât de gibier subi en l’espèce est le résultat de la limitation réglementaire du droit de chasse sur les fonds concernés.

L’article 44, alinéa 3, de la loi dispose que « [l]e dommage causé par le gibier sur les fonds où l’exercice du droit de chasse est interdit ou limité par une disposition réglementaire en application de l’article 7, alinéa 3, est supporté entièrement par l’Etat, si le dégât est le résultat de cette interdiction ou limitation ». L’alinéa 3 de l’article 7, auquel il est ainsi renvoyé, dispose que « [p]our des raisons d’intérêt général, l’exercice du droit de chasse peut être interdit ou limité dans le temps et dans l’espace par règlement grand-ducal ».

Par les motifs cités ci-avant dans l’exposé du moyen, le tribunal d’arrondissement constate :

- que sur les fonds concernés par le dégât de gibier était applicable une limitation réglementaire de la chasses au sens de l’article 7, alinéa 3, de la loi156, - que seule la chasse à l’affut, à l’approche ou à la poussée y était autorisée157, - qu’en revanche, la chasse en battue était interdite, sauf autorisation spéciale dérogatoire, qui suppose toutefois que la mesure soit dans l’intérêt de la conservation de la zone protégée concernée et de sa gestion158, - qu’il n’est pas établi que les conditions de délivrance d’une telle autorisation pour la chasse en battue étaient susceptibles d’être réunies, la conservation de la zone protégée et de sa gestion n’ayant pas été mise en péril par la présence occasionnelle d’une population de sangliers sur des surfaces agricoles adjacentes à cette zone159, - qu’une autorisation spéciale dérogatoire pour la chasse en battue était par ailleurs dépourvue de pertinence parce que, prenant un certain temps, elle ne permettait pas d’organiser une telle chasse immédiatement à la suite de la découverte de la présence d’une population de sanglier sur les fonds concernés, ce qui était pourtant indispensable, vu le caractère seulement momentané de la présence d’une telle population dans une zone déterminée160, - qu’une chasse à l’affut, à l’approche ou à la poussée, alternative à la chasse à la battue admise dans la zone concernée, était également dépourvue de pertinence, la chasse à la battue étant, suivant les propres déclarations de l’Administration de la nature et des forêts se rapportant à la gestion des populations de sangliers dans les forêts gérés par l’Etat, le seul moyen pertinent pour réduire ces populations, à l’exclusion des autres formes précitées de chasse161 et 156 Jugement attaqué, page 18, dernier alinéa.

157 Idem et loc.cit.

158 Idem, page 18, dernier alinéa, et page 19, deuxième au quatrième alinéa.

159 Idem, page 19, cinquième alinéa.

160 Idem, page 20, premier, deuxième et dernier alinéa.

161 Idem, page 21, troisième alinéa.

- que l’expert en déduisit, dans des conclusions adoptées par le tribunal, que la limitation réglementaire de la chasse sur les fonds concernés était la cause du dégât162.

Le tribunal d’arrondissement a, partant, par des motifs suffisants exposé, conformément à l’article 44, alinéa 3, de la loi de 2011, pourquoi, selon lui, le dégât était le résultat de la limitation réglementaire de la chasse.

Il s’ensuit que la première branche du moyen n’est pas fondée.

S u r l a d e u x i è m e b r a n c h e Dans la deuxième branche l’Etat critique que les juges du fond auraient fondé leur appréciation relative à la réunion, en l’espèce, des conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat sur base de l’article 44, alinéa 3, de la loi de 2011 sur des considérations d’ordre général insuffisantes.

Elle critique donc une insuffisance de motifs. Elle est cependant tirée de la violation des dispositions imposant la motivation des jugements. Or, comme déjà exposé ci-avant dans le cadre de la discussion du deuxième moyen, l’insuffisance des constatations de fait nécessaires à la mise en œuvre de la règle de droit est sanctionnée par le cas d’ouverture du défaut de base légale, qui constitue un moyen de fond devant être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de la règle de droit, mais n’est, contrairement au le défaut de motivation, pas un vice de forme.

Il en suit qu’en tant que basé sur la violation des dispositions imposant la motivation des jugements, qui vise le défaut de motif en tant que vice de forme, le moyen est irrecevable.

Dans un ordre subsidiaire il est observé que par les motifs cités au moyen les juges d’appel ont motivé leur décision de considérer que l’Etat était responsable au titre de l’article 44, alinéa 3, de la loi de 2011, de sorte que le vice de défaut de motivation, qui, comme rappelé ci-avant, est un vice de forme, donc n’est pas pertinent pour critiquer le bien-fondé de la motivation, n’est pas établi. Au regard du caractère circonstancié de la motivation, celle-ci ne saurait non plus être qualifiée de motivation de pure forme, donc comme un simulacre de motivation équivalant à une absence de motifs.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que la deuxième branche n’est pas fondée.

S u r l a t r o i s i è m e b r a n c h e Dans la troisième branche l’Etat invoque un défaut de réponse à conclusions : le tribunal d’arrondissement n’aurait pas répondu à son moyen d’appel tiré de ce que le locataire de chasse aurait, sans devoir requérir d’autorisation, pu réduire la population de sangliers au moyen de la chasse à l’affut, à l’approche ou à la poussée, donc aurait disposé d’alternatives à la chasse à la battue.

162 Idem, même page, quatrième et cinquième alinéa.

Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion de la première branche, que le tribunal constata, par adoption des conclusions de l’expert, qu’une chasse à l’affut, à l’approche ou à la poussée, alternative à la chasse à la battue admise dans la zone concernée, était dépourvue de pertinence, la chasse à la battue étant, suivant les propres déclarations de l’Administration de la nature et des forêts se rapportant à la gestion des populations de sangliers dans les forêts gérés par l’Etat, le seul moyen pertinent pour réduire ces populations, à l’exclusion des autres formes précitées de chasse163.

Le tribunal ayant répondu au moyen d’appel et le cas d’ouverture du défaut de motifs, qui est un vice de forme, dont le défaut de réponse à conclusions constitue une variante, n’étant pas pertinent pour critiquer le bien-fondé des motifs, la troisième branche du moyen n’est pas fondée.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’État Le Procureur général d’État adjoint John PETRY 163 Idem, même page, troisième et cinquième alinéa.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 84/24
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-05-30;84.24 ?

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