N° 86 / 2024 pénal du 30.05.2024 Not. 23274/08/CD Numéro CAS-2023-00034 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, trente mai deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (E), demeurant à E-ADRESSE2.), défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, et de 1) la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE3.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse au civil, défenderesse en cassation, comparant par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) la société anonyme SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE4.), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), en faillite, représentée par le curateur, Maître Amanda THIRY, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à L-ADRESSE5.), l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué, rendu le 28 février 2023 sous le numéro 90/23 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation au civil formé par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 20 mars 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 18 avril 2023 par PERSONNE1.) à la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) ») et au Ministère public, déposé le 19 avril 2023 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse déposé par la société SOCIETE1.) le 16 mai 2023 au greffe de la Cour, conformément à l’article 44 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;
Sur les conclusions du premier avocat général Sandra KERSCH.
En l’absence de preuve de signification du mémoire en cassation à la société de droit de l’Etat du Delaware SOCIETE3.) LLC, à PERSONNE2.), à PERSONNE3.), à PERSONNE4.), à PERSONNE5.), à la société de droit espagnol SOCIETE4.), à la société de droit espagnol SOCIETE5.) SL, à la société de droit espagnol SOCIETE6.) 99 SL et à la société de droit panaméen SOCIETE7.), ceux-ci ne sont pas parties à l’instance en cassation.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait, par jugement du 28 avril 2016 rendu par défaut à l’égard de PERSONNE1.), acquitté ce dernier des infractions aux articles 196, 197, 491, 496 et 461, 463 et 464 du Code pénal au titre de certains faits. Le prévenu avait été retenu dans les liens des infractions de faux, d’usage de faux et d’escroquerie au titre d’autres faits et avait été condamné à des peines d’emprisonnement et d’amende.
Le Tribunal s’était déclaré incompétent pour connaître de la demande civile de la société SOCIETE1.) pour autant qu’elle portait sur une atteinte à l’image et compétent pour le surplus. Il avait déclaré recevable et fondée la demande en indemnisation des préjudices matériel et moral et au titre des frais d’avocat à hauteur du montant réclamé.
Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle avait, par jugement du 19 janvier 2022 rendu sur opposition relevée par le demandeur en cassation contre le jugement rendu par défaut à son encontre le 28 avril 2016, acquitté celui-ci des infractions aux articles 196 et 197 du Code pénal pour la période de janvier 2008 à septembre 2008 et le 28 mars 2008. PERSONNE1.) avait été condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis et à une peined’amende pour avoir commis des infractions de faux, d’usage de faux et d’escroquerie par rapport à d’autres faits.
La Cour d’appel, par réformation, a acquitté le demandeur en cassation des infractions qui avaient été retenues à son encontre par le jugement du 19 janvier 2022 et l’a déchargé de la peine d’emprisonnement et de la peine d’amende prononcées à son encontre. Au civil, elle a confirmé le jugement du 28 avril 2016 et s’est déclarée incompétente pour connaître du surplus des demandes civiles.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, in specie, de l’article 3 du Code de procédure pénale (CPP), qui établit, en son alinéa 1 que L’action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l’action publique, à moins que celle-
ci ne se trouve éteinte par prescription. » et en son l’alinéa 4 que constatent que le prévenu n’est pas pénalement responsable sur base des dispositions de l’article 71 alinéa premier du Code pénal, restent compétentes pour connaître de l’action civile dont elles avaient été préalablement et régulièrement saisies. » en ce que, la Cour d’appel a décidé que :
n’est pas saisie, pour ce qui concerne le jugement par défaut du 28 avril 2016, d’un appel au civil de la part du prévenu, de sorte qu’il ne saurait être question, dans le cadre de la présente décision, de remettre en cause les demandes civiles qui ont été toisées en faveur des parties civiles, celles-ci sollicitant à cet égard la confirmation du jugement entrepris. Ce constat s’impose même en présence des acquittements qui ont été prononcés dans le cadre du jugement entrepris du 19 janvier 2022, ainsi que dans le présent arrêt. Il faut en déduire que le volet civil de ce jugement est à confirmer purement et simplement. » alors que l’action civile est accessoire à l’action publique et doit impérativement suivre son sort ;
que les dispositions de l’article 3 du Code de procédure pénale visent à éviter toute contrariété entre un jugement pénal et un jugement civil ;
que la Cour d’appel était saisie par les appels des parties civiles, qui ont tout simplement réitéré les demandes formulées devant la juridiction de première instance et qui ont demandé une augmentation de celles-ci ;
qu’en vertu de l’autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil et du principe selon lequel le criminel tient le civil en l’état, la Cour d’appel avait dès lors l’obligation de statuer et de rechercher, nonobstant l’appel irrecevable du prévenu contre le jugement civil de 2016 précité, si les dommages-intérêts prononcés en 3 faveur des deux parties civiles SOCIETE1.) et PERSONNE4.) par la juridiction de première instance, prennent leur source dans les délits reprochés au demandeur en cassation et, par conséquent, s’ils présentent un lien de causalité direct et suffisant ;
et que, par conséquent, en confirmant purement et simplement le jugement de 2016, alors que, nonobstant l’appel irrecevable du demandeur en cassation contre ledit jugement, la Cour était néanmoins valablement saisie par les appels interjetés par les parties civiles contre le même jugement et devait, par conséquent, statuer à nouveau et analyser si la condamnation du prévenu à des dommages-intérêts au profit des parties civiles prenait sa source dans les infractions pour lesquelles le prévenu a été acquitté, la Cour a violé l’article 3 du Code de procédure pénale. ».
Réponse de la Cour Les pouvoirs des juges d’appel sont limités par la saisine telle qu’elle résulte de l’effet dévolutif du ou des appels qui, à son tour, tient à la portée des actes d’appel et à la qualité des parties en cause, appelantes ou non, ainsi qu’à la portée et à l’étendue du ou des recours qui en sont fonction.
Les juges d’appel ont été saisis par la partie civile d’un appel au civil contre le jugement rendu par défaut le 28 avril 2016. A défaut d’avoir été valablement saisie d’un appel au civil par le demandeur en cassation - son appel au pénal et au civil ayant été déclaré irrecevable pour tardiveté par arrêt du 25 avril 2018 - la Cour d’appel ne pouvait pas aggraver le sort de la partie civile. L’effet dévolutif était ainsi restreint et les juges d’appel ont pu confirmer le volet civil du jugement du 28 avril 2016.
Les juges d’appel étaient saisis d’un appel au pénal par le demandeur en cassation contre le jugement du 19 janvier 2022. Ils ont décidé que cet appel était fondé et ils ont, par réformation, acquitté le demandeur en cassation.
La contradiction invoquée par le demandeur en cassation, entre la décision au civil et celle au pénal, est la conséquence de l’effet dévolutif des appels dont la Cour d’appel avait été saisie et de l’autorité de chose jugée attachée aux décisions coulées en force de chose jugée qui n’avaient pas été régulièrement entreprises par un appel.
Les juges d’appel ont partant, sans violer les dispositions visées au moyen, pu confirmer la condamnation au civil du demandeur en cassation tout en l’acquittant des infractions libellées à son encontre.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, in specie, de l’article 202 du Code de procédure pénale (CPP), qui dispose que Les jugements rendus par les tribunaux correctionnels seront susceptibles d’appel de la part :
4 1) Du prévenu ou de la partie civilement responsable ;
2) De la partie civile quant à ses intérêts civils seulement ;
3) Du procureur d’Etat ;
4) Du procureur général d’Etat ; » et, par conséquent, du principe de l’effet dévolutif de l’appel en ce que, les juges de la Cour d’appel ont décidé que :
n’est pas saisie, pour ce qui concerne le jugement par défaut du 28 avril 2016, d’un appel au civil de la part du prévenu, de sorte qu’il ne saurait être question, dans le cadre de la présente décision, de remettre en cause les demandes civiles qui ont été toisées en faveur des parties civiles, celles-ci sollicitant à cet égard la confirmation du jugement entrepris. Ce constat s’impose même en présence des acquittements qui ont été prononcés dans le cadre du jugement entrepris du 19 janvier 2022, ainsi que dans le présent arrêt. Il faut en déduire que le volet civil de ce jugement est à confirmer purement et simplement. » alors que le demandeur en cassation a bel et bien interjeté appel contre le jugement rendu par défaut à son égard en 2016 par le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg ;
que les parties civiles ont toutes interjeté appel et ont réitéré, devant la Cour d’appel, les demandes formulées devant la juridiction de première instance, tout en demandant une augmentation de celles-ci ;
que la Cour d’appel était valablement saisie par les appels des parties civiles et, de par l’effet dévolutif de l’appel, elle était obligée de statuer à nouveau, en fait et en droit, sur la chose jugée au civil par la juridiction de première instance ;
que la Cour d’appel a acquitté au pénal le demandeur en cassation de toutes les infractions libellées à son encontre ;
qu’ainsi, la Cour d’appel, nonobstant l’irrecevabilité de l’appel interjeté par le demandeur en cassation, était valablement saisie par les appels interjetés par les parties civiles, qu’elle avait précédemment déclaré recevables, et conservait, de par l’effet dévolutif de l’appel, la compétence et même le devoir d’examiner à nouveau la cause du point de vue des intérêts civils, en ce sens qu’elle avait le devoir de rechercher si les éléments constitutifs de l’infraction étaient réunis afin de vérifier sa compétence et de se prononcer sur les réparations civiles réitérées devant elle ;
et que, par conséquent, la Cour d’appel, en se bornant à confirmer purement et simplement le jugement de 2016, alors qu’elle avait l’obligation de statuer à nouveau, même en présence des seuls appels des parties civiles, sur les prétentions civiles de celles-ci, afin de vérifier si, compte tenu de l’acquittement intervenu au pénal, elle ne devrait pas infirmer le jugement de 2016 condamnant le demandeur en cassation à des dommages-intérêts au profit des parties civiles SOCIETE1.) et M.
PERSONNE4.), a violé l’article 202 du Code de procédure pénale et le principe 5 général de droit pénal de l’effet dévolutif de l’appel. ».
Réponse de la Cour Il résulte de la réponse donnée au premier moyen que les pouvoirs de la juridiction d’appel sont limités par l’étendue de sa saisine découlant tant des actes d’appel que de la qualité de l’appelant.
Au vu de l’effet dévolutif de l’appel interjeté par la seule partie civile contre le jugement du 28 avril 2016 et de la faculté de prononcer séparément sur l’action publique et l’action civile, les juges d’appel ont pu, sans violer la disposition visée au moyen, confirmer le volet civil du jugement rendu le 28 avril 2016.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales (ci-après la ) approuvée par la loi du 29 août 1953, qui dispose que :
ce que sa culpabilité ait été légalement établie. » en ce que la Cour d’appel a prononcé de manière définitive l’acquittement du prévenu des infractions libellées à sa charge ;
que ce faisant, la Cour d’appel a retenu qu’il n’y a aucune culpabilité dans le chef du prévenu et, par extension, qu’il n’y a aucune faute pénale commise par lui ;
qu’en dépit de l’acquittement du demandeur en cassation au pénal, la Cour d’appel, après avoir déclaré les appels interjetés par les parties civiles non fondés, a néanmoins confirmé pour le surplus le jugement de 2016 condamnant le prévenu à payer des dommages-intérêts conséquents aux parties civiles ainsi que les frais d’instance liées à ces demandes ;
et que, par conséquent, la Cour d’appel a violé la présomption d’innocence garantie par l’article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales en confirmant purement et simplement, nonobstant l’innocence du demandeur en cassation et l’absence de toute faute pénale ou civile dans son chef, le jugement de 2016 alors que, pour éviter toute contradiction entre son arrêt pénal et le jugement de 2016, la Cour aurait dû statuer à nouveau et vérifier si elle était toujours compétente pour connaître des prétentions formulées par les parties civiles et, dans l’affirmative, si les demandes civiles étaient recevables et fondées, quod non au vu de l’acquittement au pénal du demandeur en cassation. ».
6 Réponse de la Cour La présomption d’innocence empêche que les individus ayant bénéficié d’un acquittement soient traités par des agents ou autorités publics comme s’ils étaient coupables de l’infraction qui leur avait été imputée.
Il résulte de la réponse donnée au premier moyen que la saisine de la Cour d’appel était limitée et que certaines décisions prises au civil étaient revêtues de l’autorité de chose jugée.
En retenant « En ce qui concerne le volet civil du litige, la Cour d’appel constate qu’elle n’est pas saisie, pour ce qui concerne le jugement par défaut du 28 avril 2016, d’un appel au civil de la part du prévenu, de sorte qu’il ne saurait être question, dans le cadre de la présente décision, de remettre en cause les demandes civiles qui ont été toisées en faveur des parties civiles, celles-ci sollicitant à cet égard la confirmation du jugement entrepris. Ce constat s’impose même en présence des acquittements qui ont été prononcés dans le cadre du jugement entrepris du 19 janvier 2022, ainsi que dans le présent arrêt. Il faut en déduire que le volet civil de ce jugement est à confirmer purement et simplement. », les juges d’appel n’ont fait référence ni à la culpabilité pénale du demandeur en cassation ni à une quelconque faute pénale dans son chef. La confirmation du volet civil du jugement du 28 avril 2016 ne pouvant être interprétée comme l’imputation au demandeur en cassation d’une responsabilité pénale, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il ne paraît pas inéquitable de laisser à charge de la société SOCIETE1.) l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
rejette la demande de la défenderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation au pénal, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 60,75 euros ;
le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation au civil.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, trente mai deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du conseiller Jeanne GUILLAUME, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT, en présence de l’avocat général Nathalie HILGERT et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de PERSONNE1.) contre 1) la société anonyme SOCIETE1.) (anciennement SOCIETE8.) S.A.), 2.
de la société à responsabilité limitée de droit du Delaware SOCIETE3.) LLC, 3.
PERSONNE2.), 4.
PERSONNE3.), 5.
PERSONNE4.), en son nom personnel en tant que bénéficiaire économique et/ou actionnaire de la société de droit néerlandais SOCIETE9.) B.V., et/ou titulaire ou bénéficiaire économique des fonds de la société de droit néerlandais SOCIETE9.) B.V. ;
-
en tant que représentant, respectivement mandataire, de la société de droit des Antilles néerlandaises SOCIETE10.) N.V., -
en son nom personnel et en tant que bénéficiaire économique et/ou actionnaire de la société de droit des Antilles néerlandaises SOCIETE10.) N.V., et/ou titulaire ou bénéficiaire économique des fonds de la société de droit des Antilles néerlandaises SOCIETE10.) N.V. ;
-
en sa qualité de bénéficiaire économique de la société à responsabilité limitée de droit espagnol SOCIETE5.) SL 6.
PERSONNE5.), agissant en sa qualité de garante à titre personnel du prêt SOCIETE11.) de 30.0000.000 euros à ladite société SOCIETE12.) S.A., 7.
la société anonyme de droit espagnol SOCIETE4.) S.A., société, 8.
la société à responsabilité limitée de droit espagnol SOCIETE5.) SL, 9.
la société à responsabilité limitée de droit espagnol SOCIETE6.) SL, 10.
la société anonyme de droit panaméen SOCIETE7.) S.A., 11.
la société anonyme SOCIETE2.) S.A., en liquidation volontaire, représentée par son liquidateur actuellement en fonctions, Madame PERSONNE6.), et du Ministère public (affaire CAS-2023-00034 du registre) Par déclaration faite le 20 mars 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître François MOYSE, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de PERSONNE1.) unrecours en cassation au civil contre un arrêt numéro 90/23 V, rendu le 28 février 2023 par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle.
Cette déclaration de recours a été suivie en date du 19 avril 2023 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, signifié antérieurement à son dépôt aux différentes parties défenderesses au civil.
Le pourvoi respecte les conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation1.
Il en suit qu’il est recevable.
Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, en sa qualité de mandataire de la société anonyme SOCIETE1.) (anciennement SOCIETE8.) S.A.) a déposé en date du 16 mai 2023 un mémoire en réponse au greffe de la Cour d’appel.
Au vu des pièces du dossier auxquelles la soussignée peut avoir égard, le prédit mémoire en réponse n’a pas fait l’objet de signification.
En l’absence de signification préalable au domicile élu de la partie demanderesse en cassation, tel qu’exigé par la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire ne peut être pris en considération et est à écarter.
1 Le délai du pourvoi, d’un mois, prévu par l’article 41 de la loi précitée de 1885 a été respecté, la déclaration du pourvoi le 20 mars 2023, contre un arrêt contradictoire prononcé le 28 février 2023, ayant eu lieu moins d’un mois après la date du prononcé de l’arrêt attaqué. Le délai du dépôt du mémoire, d’un mois, prévu par l’article 43, alinéa 1, de la même loi a de même été respecté, le mémoire ayant été déposé le 19 avril 2023, donc moins d’un mois après la date de la déclaration de pourvoi. Le mémoire a été, conformément à l’article 43, alinéa 2, de la loi précitée, signifié aux parties civiles antérieurement à son dépôt. Le mémoire a été, conformément à l’article 43, alinéa 1, précité, signé par un avocat à la Cour, il précise les dispositions attaquées et contient des moyens de cassation.
Faits et rétroactes Par jugement n° 1293/2016 du 28 avril 2016, rendu par défaut par une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, PERSONNE1.) a été condamné à une peine d’emprisonnement de 6 ans et à une amende de 200.000 euros du chef de faux en écritures de banque, fausses signatures, d’usage de faux et d’abus de confiance, ainsi qu’à l’interdiction des droits prévus à l’article 11 du Code pénal.
PERSONNE1.) a été retenu dans les liens des infractions de faux, d’usage de faux et d’escroquerie au titre des faits reproduits sous le point XII) RECAPITULATIF 1) Condamnations du jugement n° 1293/2016 du 28 avril 2016 (cf. pages 31 à 44 de l’arrêt du 28 février 2023) et acquitté des infractions détaillées sous le point 2) Acquittements du même point XII du jugement précité du 28 avril 2016 (cf. pages 44 à 65 de l’arrêt du 28 février 2023).
Le tribunal a ordonné les confiscations, attributions, mainlevées de saisies et restitutions des avoirs, objets mobiliers et immobiliers précisés au dispositif du jugement et il a rejeté la demande en indemnité de procédure formulée par la société anonyme SOCIETE13.) S.A.
Au civil, le tribunal, après avoir rappelé les principes régissant la demande civile, s’est prononcé, comme suit, sur les demandes respectives des parties civiles :
Concernant la demande civile de SOCIETE1.) qui avait réclamé les montants de 257.817,13 € au titre d’indemnisation de son dommage matériel (commissions d’apporteur d’affaires détournées par le prévenu dans le cadre de la convention de partenariat SOCIETE1.)-
PERSONNE7.), de 50.000 € au titre de dommage moral et de réputation et de 238.666,55 € au titre de frais d’avocat, le tribunal s’est déclaré incompétent ratione materiae pour en connaître pour autant qu’elle porte sur une atteinte à l’image et compétent pour en connaître pour le surplus. Le tribunal, après avoir souligné que le préjudice accru à SOCIETE1.) au titre des infractions commises par le prévenu se chiffre au montant total de 7.960.799,71 € et 342.700 USD (cf pages 175-176), a constaté que le montant des prétentions financières de SOCIETE1.) relatives au préjudice matériel a été chiffré à 257.817,13 € de sorte qu’il ne saurait être question de statuer au-delà, respectivement « ultra petita »; cette demande a dès lors été déclarée recevable et fondée à hauteur du montant total de 514.917,69 € [257.817,13 + 7.500 € (préjudice moral) + 244.905,36 € (honoraires d’avocat)], outre les intérêts au taux légal, le surplus de cette demande ayant été réservé jusqu’à la fin des opérations d’attribution des biens confisqués.
Pour ce qui concerne la demande de dommages et intérêts de la société SOCIETE7.) S.A. au titre de son préjudice matériel, de frais d’avocat et de son préjudice moral le tribunal s’est déclaré compétent pour en connaître, la demande ayant été déclarée recevable, mais non fondée.
S’agissant de la demande de la société SOCIETE14.) S.A.: pour le préjudice matériel réclamé et le préjudice moral pour atteinte à la crédibilité de la société, le tribunal s’est déclaré incompétent pour en connaître à hauteur de 365.000 € et compétent pour le surplus, en déclarant ces volets de la demande recevables, mais non fondés.
Concernant la demande de la société SOCIETE3.) LLC, le tribunal, au vu de l’acquittement intervenu dans ce contexte, s’est déclaré incompétent pour connaître de cette demande et de celle tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure.
Le tribunal, concernant les demandes civiles respectives formulées par PERSONNE2.) et par PERSONNE3.) s’est déclaré compétent pour en connaître, en déclarant chacune de ces demandes recevables, mais non fondées et en rejetant les demandes en obtention d’une indemnité de procédure.
Le tribunal, concernant la demande civile de PERSONNE4.) (SOCIETE12.)), s’est déclaré compétent pour connaître du volet de sa demande relative au volet SOCIETE12.), a déclaré la demande recevable, mais non fondée et a rejeté la demande en obtention d’une indemnité de procédure. La demande de PERSONNE5.) en qualité de garant personnel du prêt de 30.000.000 € a subi le même sort.
Le tribunal, concernant la demande civile de la société SOCIETE4.) S.A. (ci-après désignée « SOCIETE4.) »), en qualité de tiers garant du prêt de 30.000.000 € s’est déclaré incompétent pour connaître de cette demande et de celle tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure.
Le tribunal, concernant les parties civiles constituées dans le contexte SOCIETE9.) S.A., s’est déclaré compétent pour connaitre de la demande principale formulée par PERSONNE4.) en tant que « représentant respectivement mandataire » de la société de droit néerlandais SOCIETE9.) S.A., a dit cette demande et celle relative à l’obtention d’une indemnité de procédure irrecevables au motif que ladite société a été dissoute. Le tribunal, concernant la demande subsidiaire formulée par PERSONNE4.), « en nom personnel en tant que bénéficiaire économique et/ou actionnaire » de la société SOCIETE9.) B.V. et/ou titulaire ou bénéficiaire économique des fonds de cette société, s’est déclaré incompétent pour en connaître, la demande en obtention d’une indemnité de procédure ayant subi le même sort. Le tribunal, concernant la demande de PERSONNE4.) « en nom personnel en tant que bénéficiaire économique et/ou actionnaire de la société SOCIETE9.) B.V. et/ou titulaire ou bénéficiaire économique des fonds de la société SOCIETE9.) B.V. », s’est encore déclaré incompétent pour en connaître, la demande en obtention d’une indemnité de procédure ayant subi le même sort.
Le tribunal, concernant les parties civiles constituées dans le contexte SOCIETE10.), s’est déclaré compétent pour connaître de la demande principale formulée par la partie civile constituée pour PERSONNE4.) «en tant que représentant respectivement mandataire de la société de droit des Antilles Néerlandaises SOCIETE10.) N.V. », et a dit cette demande et celle relative à l’obtention d’une indemnité de procédure irrecevables. Il s’est encore déclaré incompétent pour connaître de la demande subsidiaire formulée par PERSONNE4.) « en son nom personnel, en tant que bénéficiaire économique et/ou actionnaire de la société SOCIETE10.) N.V. et/ou titulaire ou bénéficiaire économique des fonds de la société SOCIETE10.) N.V. », la demande en obtention d’une indemnité de procédure ayant subi le même sort. Le tribunal, concernant la demande formulée par PERSONNE4.) « en nom personnel, en tant que bénéficiaire économique et/ou actionnaire de la société SOCIETE10.) et/ou titulaire ou bénéficiaire économique des fonds de cette société », s’est déclaré compétent pour en connaître, a déclaré la demande recevable et à concurrence de 3.000 € et a condamné PERSONNE1.) à lui payer ledit montant, outre les intérêts, ainsi qu’une indemnité de procédure.
Le tribunal, concernant les parties civiles constituées dans le contexte SOCIETE5.) SL, s’est déclaré compétent pour connaître de la demande principale formulée par la société SOCIETE5.) SL, a déclaré cette demande recevable, mais non fondée, et a rejeté la demande en obtention d’une indemnité de procédure. Il s’est encore déclaré compétent pour connaître de la demande subsidiaire formulée par PERSONNE4.) en tant que « bénéficiaire économique de la société SOCIETE5.) SL », en déclarant cette demande recevable mais non fondée, à l’instar de la demande en obtention d’une indemnité de procédure. Le tribunal, concernant la demande de PERSONNE4.) en tant que bénéficiaire économique de la société SOCIETE5.), s’est déclaré compétent pour en connaître, en disant cette demande recevable, mais non fondée, tout comme la demande en obtention d’une indemnité de procédure.
Le tribunal, s’agissant de la demande civile de la société SOCIETE6.), s’est déclaré incompétent pour connaître de cette demande.
Le tribunal, concernant la demande civile de la société SOCIETE13.) S.A., s’est déclaré incompétent pour en connaître pour autant qu’elle porte sur les postes réclamés sub a) préjudice moral de 100.000 €, b) préjudice matériel de 125.000 €, c) préjudice matériel provisoirement évalué à 300.000 €, ainsi qu’une demande en institution d’une expertise, f) préjudice matériel de 577.000 € et moral de 57.000 € et h) préjudice matériel de 50.000 € au titre de dommages et intérêts pour travaux effectués dans les immeubles de la société et compétent pour les postes réclamés sub d) préjudice de 1.500.000 € au titre de projets d’investissements immobiliers non réalisés en Roumanie, ainsi qu’une demande en institution d’une expertise, e) préjudices matériel de 464.900 € et moral de 50.000 € au titre d’opérations immobilières non réalisées à ADRESSE6.), g) préjudices matériel de 809.700 € et moral de 90.000 € au titre d’opérations bancaires et i) frais de traduction de 410 €, en déclarant ces demandes non fondées, la demande en obtention d’une indemnité de procédure ayant subi le même sort. Le tribunal, concernant la demande civile formulée par PERSONNE4.) dans le contexte de SOCIETE13.) s’est déclaré incompétent pour en connaître pour autant qu’elle porte sur les postes réclamés sub a) préjudice moral de 1.000.000 €, b) préjudice matériel de 300.000 € au titre de perte de la valeur économique de SOCIETE13.) du fait de l’enquête pénale menée, e) et g) mêmes préjudices que ceux invoqués par SOCIETE13.) sub f) et h), et a dit les postes réclamés sub c), d) et f) non fondés en constatant qu’il s’agit des mêmes montants que ceux réclamés par SOCIETE13.) sur base des mêmes considérations. La demande en indemnité de procédure de PERSONNE4.) a été déclarée non fondée.
Le tribunal, concernant la demande civile de PERSONNE8.), sur base des mêmes motifs que ceux dégagés ci-avant, s’est déclaré incompétent pour en connaître pour autant qu’elle porte sur les postes réclamés sub a), b), e) et g), et compétent pour le surplus, en disant cette demande et celle tendant à l’obtention d’une indemnité de procédure non fondées.
La demande SOCIETE1.) a été déclarée fondée à concurrence du montant de 514.917,69 €, avec les intérêts au taux légal, tels que spécifiés au dispositif de la décision. La demande civile de PERSONNE4.) agissant en tant que représentant, respectivement mandataire de la société de droit des Antilles néerlandaises SOCIETE10.) N.V., a été déclarée fondée pour le montant de 3.000 €. Les autres demandes civiles ont soit fait l’objet d’une décision d’incompétence, soit ont été déclarées irrecevables ou non fondées.
Par déclaration du 6 juin 2016, le mandataire de la SOCIETE8.) S.A. a interjeté appel au civil contre le jugement n° 1293/2016 du 28 avril 2016 rendu contradictoirement à son encontre.
Par déclaration du 6 juin 2016, le mandataire de la société SOCIETE7.) a interjeté appel au pénal et au civil contre ce même jugement contradictoire à son encontre.
Par déclaration du 2 juin 2016, les parties civiles SOCIETE3.) LLC, PERSONNE2.), PERSONNE3.), PERSONNE4.), PERSONNE5.), SOCIETE4.) S.A., SOCIETE9.) B.V., SOCIETE10.) N.V., SOCIETE5.) SL, PERSONNE4.) et SOCIETE6.) 99 SL, ont fait interjeter appel au pénal et au civil contre ce jugement rendu par défaut contre PERSONNE1.) et contradictoirement à leur encontre.
Le 20 juillet 2016, le mandataire du prévenu et défendeur au civil, PERSONNE1.) a déclaré interjeter appel au pénal et au civil contre ledit jugement.
Le procureur d’Etat près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a interjeté appel par déclaration du 25 juillet 2016, notifiée le même jour au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
Par acte d’opposition du 25 juillet 2016, PERSONNE1.) a, en sus de son appel du 20 juillet 2016, relevé opposition contre le jugement rendu par défaut en date du 28 avril 2016.
Par courriers du 15 décembre 2016, PERSONNE1.) a informé les parties civiles de l’opposition précitée.
Par jugement sur incident du 18 janvier 2017, rendu contradictoirement à l’encontre de PERSONNE1.), le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, statuant sur l’opposition du 25 juillet 2016, l’a déclarée irrecevable au motif que PERSONNE1.), qui a interjeté appel du jugement par défaut avant de former opposition, a saisi la juridiction du second degré de la cause et qu’il ne lui appartient plus de dessaisir cette juridiction par un acte ultérieur pour la déférer au juge de première instance.
Ce jugement a été frappé en date du 20 janvier 2017 d’un appel au pénal et au civil par PERSONNE1.), ainsi qu’en date du 23 février 2017 d’un appel au civil par la SOCIETE8.) S.A.
La Cour d’appel a infirmé dans son arrêt n° 168/18 X du 25 avril 2018 le jugement du 18 janvier 2017. En effet, elle a retenu que c’est à tort que l’opposition formée le 25 juillet 2016 par PERSONNE1.) a été déclarée irrecevable en raison de l’irrecevabilité de l’appel interjeté le 20 juillet 2016 et elle a renvoyé la cause devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
Pour statuer ainsi, elle a considéré que seul un appel recevable peut déférer à la juridiction d’appel la connaissance de la cause, de sorte qu’un appel non recevable ne fait pas obstacle à la recevabilité d’une opposition ultérieure. En l’occurrence, la Cour d’appel a constaté, sur base d’une notification en date du 24 mai 2016 du jugement par défaut, notification qu'elle a qualifiée de régulière, que l’appel de PERSONNE1.) du 20 juillet 2016 est tardif, donc irrecevable, et que l’appel incident du ministère public est nécessairement irrecevable.
Finalement, la Cour d’appel a, en attendant que le tribunal se soit prononcé sur la recevabilité de l’opposition, notamment au vu du délai extraordinaire d’opposition de l’article 187, alinéa4, du Code de procédure pénale, et, le cas échéant sur le bien-fondé de l’opposition, sursis à statuer quant aux appels relevés au civil. Il est à préciser qu’elle a, par ailleurs, déclaré les appels des parties civiles irrecevables pour autant qu’ils visent l’action publique.
Par un jugement du 31 janvier 2019, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle et statuant contradictoirement, a statué sur la seule question de la recevabilité de l’opposition formée par le prévenu le 25 juillet 2016 contre le jugement rendu par défaut le 28 avril 2016.
Il a dit cette opposition recevable au niveau pénal et donc déclaré non avenues les condamnations prononcées au pénal à l’encontre du prévenu par le jugement du 28 avril 2016.
En revanche, il a dit irrecevable au niveau civil l’opposition du prévenu. Il a encore donné acte à la SOCIETE8.) S.A de l’augmentation de sa demande civile contre le prévenu et a réservé les frais.
Si le tribunal a constaté la recevabilité de l’opposition pour le volet pénal, les premiers juges ont par contre considéré que le délai extraordinaire prévu à l’article 187, alinéa 4, du Code de procédure pénale ne s’applique pas aux dispositions du jugement par défaut ayant un caractère civil, si bien que l’opposition du prévenu à l’encontre de la partie civile doit être faite dans le délai ordinaire de l’article 187, alinéa 1er, du Code de procédure pénale. En présence d’une notification, effectuée régulièrement, selon l’arrêt de la Cour d’appel du 25 avril 2018, en date du 24 mai 2016 au domicile élu du prévenu, le tribunal a constaté que l’opposition au civil est intervenue postérieurement au 8 juin 2016, date d’expiration du délai d’opposition.
Par déclaration du 15 février 2019 au greffe du tribunal d'arrondissement de Luxembourg, PERSONNE1.) a fait relever appel de ce jugement.
Par déclaration du 26 février 2019 au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, la SOCIETE SOCIETE11.) a fait interjeter appel au civil contre ce jugement.
Par arrêt no 271/19 V du 12 juillet 2019, la Cour d’appel a dit l’appel au civil de PERSONNE1.) non fondé et confirmé aux mêmes motifs le jugement dans la mesure où il était entrepris. L’appel au civil de la SOCIETE SOCIETE11.) a par contre été déclaré irrecevable.
Par arrêt no du 143/2020 du 12 novembre 2020, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation dirigé par PERSONNE1.) contre la décision de la Cour d’appel du 12 juillet 2019.
Par jugement du 19 janvier 2022, le tribunal a, d’abord, rappelé le principe selon lequel l’opposition formée par un prévenu contre un jugement par défaut qui l’a acquitté ne peut avoir pour effet de faire revivre la prévention dont il y a eu acquittement, de sorte qu’il a dit qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur les infractions dont le prévenu a été acquitté dans le jugement du 28 avril 2016, l’analyse des infractions par le tribunal s’étant dès lors limitée aux faits reprochés au prévenu sur base des articles 196, 197 et 496 du Code pénal.
Le tribunal a dit l’opposition formée par PERSONNE1.) recevable au pénal, déclaré non avenues les condamnations prononcées au pénal à son encontre par jugement du 28 avril 2016,et, statuant à nouveau, au pénal, a acquitté PERSONNE1.) des infractions suivantes (cf.
page147 de l’arrêt dont pourvoi du 28 février 2023):
1) entre janvier 2008 et septembre 2008 : articles 196 et 197 du Code pénal : fausse instruction de virement du montant de 3.387.878 € inscrit sur le compte Nostro de SOCIETE1.) vers le compte NUMERO3.) de la société SOCIETE12.) et usage de ce faux en le soumettant à SOCIETE11.) (infraction libellée dans la « Partie I. Infractions commises dans le contexte des garanties relatives au crédit octroyé par SOCIETE1.) à la société SOCIETE12.) »), 2) le 28 mars 2008 : articles 196 et 197 du Code pénal : falsification de la signature de PERSONNE7.) en établissant un document daté du 28 mars 2008 et intitulé « déclaration des clients » relatif au compte NUMERO4.) SOCIETE11.) de la société ORGANISATION1.) Inc, et en faisant usage de ce faux en le transmettant à SOCIETE11.) (infraction libellée dans la « Partie II. Infractions commises au préjudice de ORGANISATION1.) »), et l’a pour le surplus condamné du chef des infractions de faux, d’usage de faux et d’escroquerie, repris au point XII dénommé « RECAPITULATF » du jugement ( cf. page147 à 161 de l’arrêt dont pourvoi du 28 février 2023).
Au titre des infractions retenues à charge de PERSONNE1.), le tribunal, en tenant compte du dépassement du délai raisonnable ainsi que de l’attitude du prévenu, l’a condamné à une peine d’emprisonnement de 48 mois, assortie quant à son exécution d’un sursis de vingt-quatre mois, ainsi qu’à une amende de 150.000 €.
Par déclaration du 10 février 2022 au greffe du même tribunal, PERSONNE1.) a fait interjeter appel au pénal et au civil contre le jugement du 19 janvier 2022 qui a encore été entrepris par le Procureur d’Etat de Luxembourg par déclaration notifiée le 14 février 2022 au même greffe, ainsi que par la partie civile la société anonyme SOCIETE2.) S.A. (ci-après : « SOCIETE2.) ») par déclaration du 21 février 2022 au même greffe.
Par arrêt no 90/23 V du 28 février 2023, la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle a -
suite à l’appel interjeté contre le jugement entrepris du 19 janvier 2022, acquitté PERSONNE1.) au bénéfice du doute, des infractions non établies à sa charge et l’a déchargé de la peine d’emprisonnement prononcée à son égard par le jugement entrepris, ainsi que de la peine d’amende y prononcée et de la contrainte par corps afférente.
La même décision a ordonné la restitution des avoirs et de l’immeuble saisis à leur légitime propriétaire et a confirmé pour le surplus le jugement entrepris au pénal.
Les appels, au civil, de PERSONNE1.) et de la société anonyme SOCIETE2.) S.A. sont déclarés non fondés ; et le jugement entrepris est confirmé au civil ;
-
en continuation de l’arrêt n° 168/18 X du 25 avril 2018, déclaré les appels des parties civiles respectives non fondés et confirmé le jugement entrepris au civil. La juridiction du fond s’est déclarée incompétente pour connaître du surplus des demandes respectives des parties civiles.
Le pourvoi sous examen est dirigé contre cet arrêt no 90/23 V du 28 février 2023.
Quant au premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré de la violation des alinéas 1er et 4 de l’article 3 du Code de procédure pénale en ce que, la Cour d’appel a décidé que :
« En ce qui concerne le volet civil du litige, la Cour d’appel constate qu’elle n’est pas saisie, pour ce qui concerne le jugement par défaut du 28 avril 2016, d’un appel au civil de la part du prévenu, de sorte qu’il ne saurait être question, dans le cadre de la présente décision, de remettre en cause les demandes civiles qui ont été toisées en faveur des parties civiles, celles-
ci sollicitant à cet égard la confirmation du jugement entrepris. Ce constat s’impose même en présence des acquittements qui ont été prononcés dans le cadre du jugement entrepris du 19 janvier 2022, ainsi que dans le présent arrêt. Il faut en déduire que le volet civil de ce jugement est à confirmer purement et simplement. » « alors que l’action civile est accessoire à l’action publique et doit impérativement suivre son sort ;
que les dispositions de l’article 3 du Code de procédure pénale visent à éviter toute contrariété entre un jugement pénal et un jugement civil ;
que la Cour d’appel était saisie par les appels des parties civiles, qui ont tout simplement réitéré les demandes formulées devant la juridiction de première instance et qui ont demandé une augmentation de celles-ci ;
qu’en vertu de l’autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil et du principe selon lequel le criminel tient le civil en l’état, la Cour d’appel avait dès lors l’obligation de statuer et de rechercher, nonobstant l’appel irrecevable du prévenu contre le jugement civil de 2016 précité, si les dommages-intérêts prononcés en faveur des deux parties civiles SOCIETE1.) et PERSONNE4.) par la juridiction de première instance, prennent leur source dans les délits reprochés au demandeur en cassation et, par conséquent, s’ils présentent un lien de causalité direct et suffisant ;
et que, par conséquent, en confirmant purement et simplement le jugement de 2016, alors que, nonobstant l’appel irrecevable du demandeur en cassation contre ledit jugement, la Cour était néanmoins valablement saisie par les appels interjetés par les parties civiles contre le même jugement et devait, par conséquent, statuer à nouveau et analyser si la condamnation du prévenu à des dommages-intérêts au profit des parties civiles prenait sa source dans les infractions pour lesquelles le prévenu a été acquitté, la Cour a violé l’article 3 du Code de procédure pénale. » Le moyen est irrecevable dans la mesure où il fait état d’une violation des alinéas 1er et 4 de l’article 3 du Code de procédure pénale, alors que ces dispositions sont étrangères à la matière du pourvoi sous examen.
À titre subsidiaire, pour autant que le moyen peut être interprété comme visant une violation de l’article 3 alinéa 2 du Code de procédure pénale et du principe de l’autorité de la chose jugée du pénal sur le civil :
La partie demanderesse en cassation prend comme prémisse de son raisonnement que la Cour d’appel était aussi bien saisie de la question du principe même de la responsabilité civile que de celle du quantum des montants à allouer au titre du préjudice subi.
L’analyse de la question si les dommages-intérêts prononcés en faveur des deux parties civiles par la juridiction de première instance prennent leur source dans les délits reprochés au demandeur en cassation et par conséquent, s’ils présentent un lien de causalité direct et suffisant, présuppose que ce volet du litige ait été dévolu à la Cour d’appel par la voie de l’appel.
Or les pouvoirs de la Cour d’appel sont « limités par la saisine telle qu’elle résulte de l’effet dévolutif du ou des appels, qui à son tour tient à la portée des actes d’appel et à la qualité des parties en cause, appelantes ou non, ainsi qu’à la portée et à l’intensité du ou des recours qui en sont fonction. 2» « D’une part, l’appel illimité du ministère public ne peut remettre en question ce qui a été jugé sur l’action civile, et que d’autre part, la partie civile ne peut, sur son appel et en l’absence d’un appel du défendeur au civil, voir réviser en sa défaveur et aggraver la décision de première instance à laquelle le défendeur au civil faute d’appel de sa part, est censé avoir acquiescé. »3 En l’espèce, pour ce qui concerne le jugement par défaut du 28 avril 2016, la Cour d’appel n’était pas saisie d’un appel au civil de la part du prévenu, mais uniquement d’un appel de la partie civile.
En cas d’appel par la seule partie civile, le sort de cette dernière ne peut être aggravé par son propre appel. Par la suite la Cour ne peut que confirmer les dispositions du jugement de première instance relatives aux intérêts civils ou les modifier dans un sens favorable à la partie civile.4 Le chiffre des dommages et intérêts alloués en première instance peut donc être augmenté, mais il ne saurait être réduit.
C’est par application des règles énoncées ci-dessus que la Cour d’appel a confirmé le volet civil du jugement par défaut du 28 avril 2016.
La contradiction entre la décision quant au volet civil de l’affaire sous examen et la décision intervenue au pénal est donc la conséquence de l’effet dévolutif d’un appel interjeté par la seule partie civile contre le jugement par défaut du 28 avril 2016 et du principe qu’il peut être prononcé séparément sur l’action publique et l’action civile. La contradiction est d’autant plus flagrante, qu’elle se retrouve dans un seul et même arrêt, statuant aussi bien sur l’appel interjeté 2 Cassation, 27 mai 1982, no 15/82 pén. no 480 du registre, Pas. Lux., 1981-1983/1b, p. 287-292.
3 Idem 4 Le Poittevin, Code d’instruction criminelle, tome I, infra article 202, chapitre II, section II, effet dévolutif, §3 intensité de l’effet dévolutif, C) effet de l’appel de la partie civile no 221 et 222par le prévenu contre le jugement sur opposition du 19 janvier 2022 et qu’en continuation de l’arrêt n° 168/18 X du 25 avril 2018.
La jurisprudence5 a retenu, par consécration des règles énoncées ci-dessus, qu’en cas d’acquittement du prévenu, la Cour d’appel peut, sans violer l’autorité de la chose jugée, déclarer l’existence de l’infraction pour en faire la base d’une condamnation à des dommages-
intérêts contre le prévenu qui échappe d’ailleurs à toute répression pénale.
Au vu des développements qui précèdent le moyen est à déclarer non fondé.
Quant au deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 202 du Code de procédure pénale du principe de l’effet dévolutif de l’appel « en ce que, les juges de la Cour d’appel ont décidé que :
« En ce qui concerne le volet civil du litige, la Cour d’appel constate qu’elle n’est pas saisie, pour ce qui concerne le jugement par défaut du 28 avril 2016, d’un appel au civil de la part du prévenu, de sorte qu’il ne saurait être question, dans le cadre de la présente décision, de remettre en cause les demandes civiles qui ont été toisées en faveur des parties civiles, celles-
ci sollicitant à cet égard la confirmation du jugement entrepris. Ce constat s’impose même en présence des acquittements qui ont été prononcés dans le cadre du jugement entrepris du 19 janvier 2022, ainsi que dans le présent arrêt. Il faut en déduire que le volet civil de ce jugement est à confirmer purement et simplement. » alors que le demandeur en cassation a bel et bien interjeté appel contre le jugement rendu par défaut à son égard en 2016 par le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg ;
que les parties civiles ont toutes interjeté appel et ont réitéré, devant la Cour d’appel, les demandes formulées devant la juridiction de première instance, tout en demandant une augmentation de celles-ci ;
que la Cour d’appel était valablement saisie par les appels des parties civiles et, de par l’effet dévolutif de l’appel, elle était obligée de statuer à nouveau, en fait et en droit, sur la chose jugée au civil par la juridiction de première instance ;
que la Cour d’appel a acquitté au pénal le demandeur en cassation de toutes les infractions libellées à son encontre ;
qu’ainsi, la Cour d’appel, nonobstant l’irrecevabilité de l’appel interjeté par le demandeur en cassation, était valablement saisie par les appels interjetés par les parties civiles, qu’elle avait précédemment déclaré recevables, et conservait, de par l’effet dévolutif de l’appel, la compétence et même le devoir d’examiner à nouveau la cause du point de vue des intérêts civils, en ce sens qu’elle avait le devoir de rechercher si les éléments constitutifs de l’infraction étaient 5 Cf. : jurisprudences citées dans Le Poittevin, Code d’instruction criminelle, tome I, infra article 202, chapitre II, section II, effet dévolutif, §3 intensité de l’effet dévolutif, C) effet de l’appel de la partie civile sous no 226réunis afin de vérifier sa compétence et de se prononcer sur les réparations civiles réitérées devant elle ;
et que, par conséquent, la Cour d’appel, en se bornant à confirmer purement et simplement le jugement de 2016, alors qu’elle avait l’obligation de statuer à nouveau, même en présence des seuls appels des parties civiles, sur les prétentions civiles de celles-ci, afin de vérifier si, compte tenu de l’acquittement intervenu au pénal, elle ne devrait pas infirmer le jugement de 2016 condamnant le demandeur en cassation à des dommages-intérêts au profit des parties civiles SOCIETE1.) et M. PERSONNE4.), a violé l’article 202 du Code de procédure pénale et le principe général de droit pénal de l’effet dévolutif de l’appel. » Selon le raisonnement mené par la partie demanderesse en cassation, la Cour avait l’obligation d’analyser le volet civil dans son ensemble et l’appel interjeté par la partie civile contre un jugement de première instance, qui a alloué des dommages et intérêts à cette dernière, pourrait avoir pour effet une réformation à son préjudice de la décision de première instance, nonobstant l’absence d’appel du civilement responsable.
Les pouvoirs de la juridiction d’appel dépendent cependant de l’étendue de sa saisine par l’effet dévolutif de l’appel, car une juridiction ne peut statuer que dans la limite de la saisine. Or une limitation de l’effet dévolutif de l’appel peut résulter soit de l’acte d’appel, soit de la qualité même de l’appelant.
Concernant les effets de l’appel de la partie civile et les règles applicables, il est renvoyé aux développements faits dans le cadre de l’analyse du premier moyen On peut en conclure, au vu des règles sur l’effet dévolutif d’un appel interjeté par la seule partie civile contre le jugement par défaut du 28 avril 2016 et du principe qu’il peut être prononcé séparément sur l’action publique et l’action civile, que c’est, sans violer la disposition visée au moyen que la Cour d’appel a pu confirmer purement et simplement le volet civil du jugement rendu le 28 avril 2016.
Le moyen est dès lors à déclarer non fondé.
Quant au troisième moyen Dans le cadre du troisième moyen de cassation il est fait grief à l’arrêt entrepris d’avoir violé l’article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales, « en ce que la Cour d’appel a prononcé de manière définitive l’acquittement du prévenu des infractions libellées à sa charge ;
que ce faisant, la Cour d’appel a retenu qu’il n’y a aucune culpabilité dans le chef du prévenu et, par extension, qu’il n’y a aucune faute pénale commise par lui ;
qu’en dépit de l’acquittement du demandeur en cassation au pénal, la Cour d’appel, après avoir déclaré les appels interjetés par les parties civiles non fondés, a néanmoins confirmé pour le surplus le jugement de 2016 condamnant le prévenu à payer des dommages-intérêts conséquents aux parties civiles ainsi que les frais d’instance liées à ces demandes ;
20 et que, par conséquent, la Cour d’appel a violé la présomption d’innocence garantie par l’article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales en confirmant purement et simplement, nonobstant l’innocence du demandeur en cassation et l’absence de toute faute pénale ou civile dans son chef, le jugement de 2016 alors que, pour éviter toute contradiction entre son arrêt pénal et le jugement de 2016, la Cour aurait dû statuer à nouveau et vérifier si elle était toujours compétente pour connaître des prétentions formulées par les parties civiles et, dans l’affirmative, si les demandes civiles étaient recevables et fondées, quod non au vu de l’acquittement au pénal du demandeur en cassation. ».
L’article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales protège le droit de toute personne à être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Considérée comme une garantie procédurale dans le cadre du procès pénal lui-même, la présomption d’innocence impose des conditions concernant notamment la charge de la preuve6; les présomptions de fait et de droit7; le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination 8 ; la publicité pouvant être donnée à l’affaire avant la tenue du procès9; la formulation par le juge du fond ou toute autre autorité publique de déclarations prématurées quant à la culpabilité d’un prévenu10.
Compte tenu toutefois de la nécessité de veiller à ce que le droit garanti par l’article 6 § 2 soit concret et effectif, la présomption d’innocence revêt aussi un autre aspect. Son but général, dans le cadre de ce second volet, est d’empêcher que des individus qui ont bénéficié d’un acquittement ou d’un abandon des poursuites soient traités par des agents ou autorités publics comme s’ils étaient en fait coupables de l’infraction qui leur avait été imputée.
La Cour formule comme suit le principe de la présomption d’innocence dans ce contexte : la présomption d’innocence signifie que si une accusation en matière pénale a été portée et que les poursuites ont abouti à un acquittement, la personne ayant fait l’objet de ces poursuites est considérée comme innocente au regard de la loi et doit être traitée comme telle. Dans cette mesure, dès lors, la présomption d’innocence subsiste après la clôture de la procédure pénale, ce qui permet de faire respecter l’innocence de l’intéressé relativement à toute accusation dont le bien-fondé n’a pas été prouvé.
C’est le second aspect de la protection offerte par l’article 6 § 2 qui est en jeu dans le cas d’espèce.
La Cour européenne des droits de l’homme a déjà eu à se pencher sur l’application de l’article 6 § 2 à des décisions judiciaires rendues consécutivement à une procédure pénale close par 6 Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne, 6 décembre 1988, § 77, série A no 146, et Telfner c. Autriche, no 33501/96, § 15, 20 mars 2001 7 Salabiaku c. France, 7 octobre 1988, § 28, série A no 141-A, et Radio France et autres c. France, no 53984/00, § 24, CEDH 2004-II 8 Saunders c. Royaume-Uni, 17 décembre 1996, § 68, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, et Heaney et McGuinness c. Irlande, no 34720/97, § 40, CEDH 2000-XII 9 Akay c. Turquie (déc.), no 34501/97, 19 février 2002, et G.C.P. c. Roumanie, no 20899/03, § 46, 20 décembre 2011 10 Allenet de Ribemont, précité, §§ 35-36, et Nešťák c. Slovaquie, no 65559/01, § 88, 27 février 2007l’abandon des poursuites ou par une décision d’acquittement, notamment dans des procédures qui concernaient l’obligation civile d’indemniser la victime11.
Chaque fois que la question de l’applicabilité de l’article 6 § 2 se pose dans le cadre d’une procédure ultérieure, la Cour retient que le requérant doit démontrer l’existence d’un lien entre la procédure pénale achevée et l’action subséquente, propre à justifier la mise en jeu de l’article 6 § 2 de la Convention. Pareil lien peut être présent, par exemple, lorsque l’action ultérieure nécessite l’examen de l’issue de la procédure pénale et, en particulier, lorsqu’elle oblige la juridiction concernée à analyser le jugement pénal, à se livrer à une étude ou à une évaluation des éléments de preuve versés au dossier pénal, à porter une appréciation sur la participation du requérant à l’un ou à l’ensemble des événements ayant conduit à l’inculpation, ou à formuler des commentaires sur les indications qui continuent de suggérer une éventuelle culpabilité de l’intéressé12.
En l’espèce, la situation est différente des cas, dont la Cour a déjà eu à connaître, étant donné que l’action civile et l’action pénale sont menées d’une manière parallèle devant une même juridiction et toisées dans le cadre d’une même décision, sans pour autant que la juridiction saisie soit investie des mêmes pouvoirs pour apprécier le volet civil et le volet pénal du dossier.
Au vu des effets de l’appel interjeté par la seule partie civile, analysés dans le cadre des deux premiers moyens, la juridiction d’appel n’était, en effet, plus autorisée à se prononcer sur le principe de la responsabilité civile de PERSONNE1.), tandis que le volet pénal du dossier lui était dévolu dans son ensemble. On se doit de souligner que cette situation inhabituelle était due au fait que les recours exercés par le prévenu contre le volet civil de la décision de première instance avaient été déclarés irrecevables.
Dans une approche stricte de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg on pourrait dès lors arriver à la conclusion que dans la mesure où la Cour d’appel n’avait plus à se prononcer sur le principe de la responsabilité et par conséquent sur la faute commise sur base des éléments du dossier pénal, l’article 6 § 2 ne saurait jouer.
À supposer que le lien entre action civile et pénale se dégage du fait même qu’une même juridiction a toisé les deux volets dans une même décision, il y a lieu de noter que l’examen de la jurisprudence de la Cour concernant l’article 6 § 2 fait apparaître qu’il n’existe pas une manière unique de déterminer les circonstances dans lesquelles il y a violation de cette disposition. La conclusion dépend largement de la nature et du contexte de la procédure dans le cadre de laquelle la décision litigieuse a été adoptée.
11 Ringvold c. Norvège, no 34964/97, § 36, CEDH 2003‑II, Y c. Norvège, no 56568/00, § 39, CEDH 2003‑II, Orr, précité, §§ 47-49, Erkol c. Turquie, no 50172/06, §§ 33 et 37, 19 avril 2011, Vulakh et autres c. Russie, no 33468/03, § 32, 10 janvier 2012, Diacenco c. Roumanie, no 124/04, § 55, 7 février 2012, Lagardère c. France, no 18851/07, §§ 73 et 76, 12 avril 2012, et Constantin Florea c. Roumanie, no 21534/05, §§ 50 et 52, 19 juin 2012) ; Vella c. Malta, no. 69122/10, § 44, 11 février 2014; N.A. c. Norvège, no. 27473/11, § 42, 18 décembre 2014; Fleischner c. Allemagne, no. 61985/12, § 62, 3 octobre 2019 ;.
Pasquini c. Saint Marin (no 2), no 23349/17, 20 octobre 2020 et Rigolio c.
Italie, no 20148/09, 9 mars 2023.
12 Arrêt de principe Allen c. Royaume Uni ([GC], no 25424/09, § 104, 12 juillet 2013La Cour rappelle par ailleurs qu’en matière de respect de la présomption d’innocence, les termes employés par l’autorité qui statue revêtent une importance cruciale lorsqu’il s’agit d’apprécier la compatibilité avec l’article 6 § 2 de la décision et du raisonnement suivi13.
Application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme au cas d’espèce :
Pour ce qui est du contexte procédural, ainsi que l’étendue de la saisine de la Cour il est renvoyé aux développements sous la rubrique « faits et rétroactes » ainsi que sous les deux premiers moyens de cassation.
En ce qui concerne le volet civil du litige, la Cour a retenu dans son arrêt ce qui suit :
« (…) La Cour d’appel constate qu’elle n’est pas saisie, pour ce qui concerne le jugement par défaut du 28 avril 2016, d’un appel au civil de la part du prévenu, de sorte qu’il ne saurait être question, dans le cadre de la présente décision, de remettre en cause les demandes civiles qui ont été toisées en faveur des parties civiles, celles-ci sollicitant à cet égard la confirmation du jugement entrepris. Ce constat s’impose même en présence des acquittements qui ont été prononcés dans le cadre du jugement entrepris du 19 janvier 2022, ainsi que dans le présent arrêt. Il faut en déduire que le volet civil de ce jugement est à confirmer purement et simplement.
Concernant les prétentions que les parties civiles réitèrent par réformation du jugement entrepris du 28 avril 2016 et celles qu’elles augmentent dans le cadre de la présente instance, la Cour d’appel constate, au vu de l’issue du litige au pénal, qu’elle est incompétente pour connaître de ces prétentions. » Il ressort de l’analyse de la motivation citée ci-dessus, que la juridiction d’appel n’y fait référence ni à la culpabilité pénale du demandeur en cassation, ni à une quelconque faute pénale de PERSONNE1.).
La confirmation du volet civil du jugement du 19 janvier 2022, exprimée dans des termes qui ne peuvent raisonnablement être interprétés comme l’imputation au demandeur en cassation d’une responsabilité pénale, ne saurait donc être considérée comme une méconnaissance du principe de la présomption d’innocence.
Le moyen est dès lors à déclarer non fondé.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’État le premier avocat général Sandra KERSCH 13 Arrêt de principe Allen c. Royaume Uni ([GC], no 25424/09, § 126, 12 juillet 2013 23