N° 89 / 2024 du 30.05.2024 Numéro CAS-2023-00125 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente mai deux mille vingt-quatre.
Composition:
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre la société anonyme de droit portugais SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à P-ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce de Lisbonne sous le numéroNUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par la société anonyme SCHILTZ & SCHILTZ, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Jean-Louis SCHILTZ, avocat à la Cour, et Maître Moritz GSPANN, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à L-1648 Luxembourg, 20, Place Guillaume II, agissant en sa qualité de curateur ad hoc de la société anonyme SOCIETE2.), établie et ayant eu son siège social à L-
ADRESSE2.), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), déclarée en faillite par jugement du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 27 octobre 2014, défendeur en cassation, comparant par Maître Moritz GSPANN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
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Vu l’arrêt attaqué numéro 32/23 IV - COM rendu le 28 février 2023 sous le numéro CAL-2021-01130 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 11 juillet 2023 par la société anonyme SOCIETE1.) à Maître Moritz GSPANN, agissant en sa qualité de curateur ad hoc de la société anonyme SOCIETE2.) (ci-après « la société SOCIETE2.) »), déposé le 13 juillet 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 8 septembre 2023 par Maître Moritz GSPANN à la société SOCIETE1.), déposé le 11 septembre 2023 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions de l’avocat général Nathalie HILGERT.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, avait, par jugement du 23 décembre 2014, avancé le début de la période de cessation des paiements de la société SOCIETE2.), déclarée en état de faillite par jugement du 27 octobre 2014.
Dans le cadre d’une action introduite par le curateur ad hoc de la société faillie en annulation de paiements effectués par celle-ci, durant la période suspecte étendue, au bénéfice de la société SOCIETE1.) et en restitution des montants versés, la société SOCIETE1.) avait, par conclusions écrites, formé tierce-opposition contre le jugement du 23 décembre 2014. Cette tierce-opposition avait été déclarée irrecevable par le Tribunal.
La Cour d’appel a confirmé le jugement.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution tel qu’applicable au moment de l’arrêt attaqué sinon de l’article 109 de la Constitution tel qu’applicable à la date du présent mémoire, de l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile 2en combinaison avec l’article 587 du même code ainsi que de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, visant le défaut de réponse à conclusions constituant défaut de motifs ;
en ce que la Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance sans avoir répondu au moyen de la demanderesse tiré de l’irrecevabilité de la requête des curateurs qui est à la base du jugement du 23 décembre 2014 ayant irrégulièrement refixé la période suspecte, alors que la demanderesse en cassation avait pourtant libellé ce moyen sous le point II.
de ses conclusions du 16 mai 2022 notamment comme suit :
-
du 18 décembre 2014, alors même que la date de clôture du procès-verbal de vérification des créances a été fixée au 27 novembre 2014, aurait dû être déclarée irrecevable [en application du dernier alinéa de l’article 442 du Code de commerce].
SOCIETE1.), même à supposer qu’elle eût pu former tierce opposition dans la quinzaine du jugement du 23 décembre 2014, quod non, n’aurait jamais pu se prévaloir de cet argument alors que seul le jugement du 23 décembre 2014 a été publié par extraits et que ce jugement ne fait à aucun endroit état de la date du dépôt de la requête des curateurs. Dénier dans ces conditions à SOCIETE1.) le droit d’agir est tout simplement inique : nous sommes en présence d’une requête déposée en dehors du délai légal et le fait de dénier à SOCIETE1.) le droit d’agir équivaut à valider un jugement qui n’a pas tenu compte de la loi par rapport à une requête déposée en dehors du délai prévu par la loi, donc une requête illégalement déposée » (cf. 2e dernier § de la page 7 et suivants). ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir répondu à ses conclusions relatives à l’irrecevabilité de la requête des curateurs de la société SOCIETE2.) en extension de la période suspecte.
En retenant « (…) que les développements factuels par l’appelante au sujet de la restructuration du groupe SOCIETE2.), ses contestations quant à l’absence de de la fixation de la date de cessation de paiement au 18 janvier 2014 ainsi que ceux concernant l’irrecevabilité de la requête des curateurs tendant à voir avancer la date de cessation des paiements motif pris que cette requête a été déposée en dehors du délai légal, ne sont pas pertinents dans le cadre du présent appel alors que la Cour n’est pas saisie de ces questions par l’effet dévolutif de l’acte d’appel », les juges d’appel ont pris position par rapport au moyen d’irrecevabilité soulevé par la demanderesse en cassation.
3 Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 473 du Code de commerce, des articles 612 à 616 du Nouveau Code de procédure civile et des articles 1ier et 51 de la Constitution tels qu’applicables au moment de l’arrêt attaqué sinon des articles 2 et 110 de la Constitution tels qu’applicables à la date du présent mémoire, en ce que la Cour d’appel a retenu que SOCIETE1.) était à considérer comme partie intéressée au sens de l’article 473 du Code de commerce, étant donné qu’outre les créanciers du failli, seraient à considérer comme partie intéressée au sens de l’article précité et que comme SOCIETE1.) a été le bénéficiaire de paiements par le failli, elle devait être considérée comme partie intéressée au sens de l’article précité ;
alors qu’ (première branche) un jugement ayant irrégulièrement refixé l’époque de cessation de paiement (pour avoir été rendu sur base d’une requête déposée hors délai, soit tel que prévu par le dernier alinéa de l’article 442 du Code de commerce) emporte - dans le chef de toute personne impactée ou susceptible d’être impactée - violation du principe de sécurité juridique constituant un principe fondamental du droit de l’Union européenne ; que dans ces circonstances, la personne impactée ou susceptible de l’être ne peut être qualifiée de partie intéressée au sens de l’article 473 du Code de commerce et dès lors l’opposition qu’elle a formée aurait dû être jugée sur base des articles 612 à 616 du Nouveau Code de procédure civile ;
et que (deuxième branche) s’il est exact que peuvent être qualifiées de partie intéressée au sens de l’article 473 du Code de commerce les personnes , la notion de partie intéressée n’englobe pas les personnes qui n’ont ni intérêt dans, ni ne sont concernées par la faillite, tels notamment les anciens créanciers du failli, remboursés régulièrement en dehors de la période suspecte (le cas échéant, régulièrement refixée), pas plus que ne peut être considéré comme intéressé au sens de l’article 473 du Code de commerce celui qui se prévaut de ce que le curateur l’a, à tort, assigné au titre des nullités pour des paiements intervenus au cours de la période suspecte irrégulièrement refixée et dès lors l’opposition qu’elle a formée aurait dû être jugée sur base des articles 612 à 616 du Nouveau Code de procédure civile. ».
4Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de l’avoir considérée comme tiers intéressé au sens de l’article 473 du Code de commerce pour apprécier la recevabilité de sa tierce-opposition, ce en violation du principe de la sécurité juridique.
L’article 473 précité est un texte spécial qui déroge aux articles 612 à 616 du Nouveau Code de procédure civile, lesquels ne s’appliquent pas en l’occurrence.
Les juges d’appel ont retenu, à juste titre, qu’étant la bénéficiaire des paiements litigieux effectués par la société SOCIETE2.) au cours de la période suspecte, la demanderesse en cassation est à qualifier de partie intéressée au sens de l’article 473 du Code de commerce.
L’article 473 du Code de commerce se borne à réglementer des voies de recours contre les jugements de faillite et ceux qui fixent l’époque de la cessation de paiement ; son applicabilité ne dépend pas de la régularité des jugements en question.
Au contraire, une irrégularité éventuelle est à dénoncer dans les conditions de forme et de délai de l’article 473 du Code de commerce.
Aucune violation du principe constitutionnel de l’Etat de droit ni de son corollaire, le principe de sécurité juridique, les deux se rattachant aux articles 1 et 51, paragraphe 1, de la Constitution dans leur rédaction en vigueur au moment de l’arrêt attaqué, n’est caractérisée du seul fait que la demanderesse en cassation a été considérée comme une partie intéressée au sens de l’article 473 du Code de commerce.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
La question de la constitutionnalité de l’article 473 du Code de commerce est examinée dans le cadre de l’examen du quatrième moyen.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation des articles 473 du Code de commerce, ensemble avec l’article 472 du même code ainsi que de l’article 442 du même code et des articles 612 à 616 du Nouveau Code de procédure civile en ce que la Cour d’appel a retenu que le jugement dont opposition a été matière de faillite » et que l’opposition est dès lors à juger au regard de l’article 473 du Code de commerce, ensemble avec l’article 472 du même code 5alors que s’il est exact que sur base de l’article 473 du Code du commerce, ensemble avec l’article 472 du même code, le jugement portant refixation de l’époque de cessation de paiement est susceptible d’opposition par tout intéressé dans les 15 jours de la publication dans les journaux, encore faut-il - pour que lesdites dispositions puissent recevoir application - que le jugement dont question remplisse toutes les conditions d’un jugement , ce qui n’est pas le cas d’un jugement, comme celui en l’espèce, portant refixation de l’époque de cessation de paiement et rendu sur base d’une requête déposée hors délai au sens du dernier alinéa de l’article 442 du Code de commerce - soit - et dès lors l’opposition aurait dû être jugée sur base des articles 612 à 616 du Nouveau Code de procédure civile. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu que le jugement du 23 décembre 2014 avait été rendu en matière de faillite et que la tierce-opposition était à examiner au regard de l’article 473 du Code de commerce, ensemble avec l’article 472 du même code. Elle soutient que ledit jugement, rendu sur base d’une requête déposée hors du délai prévu à l’article 442 du Code de commerce, ne pouvait être considéré comme un jugement rendu en matière de faillite.
Il résulte des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le jugement du 23 décembre 2014 a avancé, par dérogation à l’article 442 du Code de commerce et par application de l’article 17 de l’arrêté grand-ducal du 24 mai 1935 complétant la législation relative aux sursis de paiement, au concordat préventif de la faillite et à la faillite par l’institution du régime de la gestion contrôlée, le début de l’époque de la cessation de paiement initialement fixé par le jugement déclaratif de faillite. Il s’ensuit qu’il doit être qualifié de jugement « qui aura fixé l’époque de la cessation de paiement » au sens de l’article 473 du Code de commerce.
Il résulte de la réponse donnée au deuxième moyen que le régime des voies de recours contre ce type de jugement ne dépend pas de l’irrégularité éventuelle de la fixation de la période suspecte, irrégularité qui doit être dénoncée dans les conditions de forme et de délai fixées par ce texte.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation des articles 1ier et 51 de la Constitution tels qu’applicables au moment de l’arrêt attaqué sinon des articles 2 et 110 de la Constitution tels qu’applicables à la date du présent mémoire, des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) et 13 (droit à un recours 6effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux, en ce que la Cour d’appel retient que le recours de l’article 473 du Code de commerce constitue un recours effectif et que le délai d’opposition court alors même que l’opposant ne pouvait matériellement pas avoir connaissance du jugement ou de sa publication, le délai d’opposition étant, d’après la Cour d’appel, indépendant de toute signification individuelle du jugement ou de la connaissance qu’aurait ou non l’opposant, du jugement ou de sa publication, l’éloignement de l’opposant ne changeant rien pour la Cour d’appel.
alors que l’effectivité du droit d’accès à un tribunal d’une possibilité claire et concrète de contester un acte constituant une ingérence dans ses droits » et , le droit au recours devant pouvoir s’exercer , et il est . ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé ses droits à un procès équitable dans un délai raisonnable et à un recours effectif alors qu’elle ne pouvait matériellement, en raison de son éloignement géographique, avoir connaissance du jugement du 23 décembre 2014 du fait de sa publication dans des quotidiens édités au Luxembourg, faute d’en avoir reçu notification. Elle ajoute, dans la discussion du moyen, qu’il serait « irréaliste de considérer que SOCIETE1.) aurait dû consulter sur base quotidienne, depuis le Portugal, le Luxemburger Wort et le Tageblatt et que le fait de ne pas avoir fait opposition dans les 15 jours depuis la publication dans ces journaux lui serait imputable ».
L’action en annulation de paiements dirigée contre la demanderesse en cassation n’appelle pas la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, de sorte que les dispositions de la Charte sont étrangères au litige.
La demanderesse en cassation entend voir soumettre à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
« 1. L’article 473 du Code de commerce – qui impose à tout intéressé d’introduire opposition dans les 15 jours de la publication dans deux journaux luxembourgeois contre le jugement ayant refixé l’époque de cessation de paiement –, lu ensemble avec l’article 17 de l’arrêté grand-ducal de 1935 complétant la législation relative aux sursis de paiement, au 7concordat préventif de la faillite et à la faillite par l’institution du régime de la gestion contrôlée, est-il conforme aux articles 1ier et 51 de la Constitution tels qu’applicables au moment de l’arrêt attaqué et aux articles 2, 18 et 110 de la Constitution tels qu’applicables à la date du présent mémoire, lus à la lumière des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme tels qu’interprétés notamment par l’arrêt Zavodnik c.
Slovénie, no. 53723/13, 21 mai 2015 de la Cour européenne des droits de l’homme ? ».
La question de constitutionnalité a trait à l’agencement entre l’intérêt général et l’intérêt individuel dans le cadre du respect du droit à un procès équitable dans un délai raisonnable et à un recours effectif.
Le droit d’accès au juge, consacré par les dispositions de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et par le principe constitutionnel de l’Etat de droit rattachable aux articles 1 et 51, paragraphe 1, de la Constitution dans leur rédaction en vigueur au moment de l’arrêt attaqué, n’est pas absolu, les Etats pouvant édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et en fixer les conditions d’exercice, pourvu que ces réglementations aient pour but d’assurer une bonne administration de la justice et qu’un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé existe.
Le système légal mis en place par l’article 473 du Code de commerce aux fins de concilier les objectifs d’efficacité et de rapidité des opérations en matière de faillite ne prévoit pas de notification individuelle aux tiers intéressés par la faillite d’une société ; aucun moyen de publicité ne permettant par ailleurs d’atteindre toutes les personnes susceptibles d’être affectées par cet état de faillite, le législateur fait prévaloir l’intérêt de la collectivité à être fixée sur l’existence d’une faillite ou, par extension, sur le point de départ de la période suspecte, sur celui des créanciers et tiers intéressés individuels.
La réponse à la première question de constitutionnalité soulevée par la demanderesse en cassation, qui a trait au respect du principe de proportionnalité par le législateur à l’occasion de la définition des conditions d’exercice des voies de recours en matière de faillite, est utile à la solution du litige et elle n’est pas dénuée de tout fondement, la Cour constitutionnelle n’ayant, par ailleurs, pas encore statué sur une question ayant le même objet.
Il y a dès lors lieu de saisir la Cour constitutionnelle de la question énoncée au dispositif de l’arrêt.
8Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution tels qu’applicable au moment de l’arrêt attaqué sinon de l’article 109 de la Constitution tel qu’applicable à la date du présent mémoire et de l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile en combinaison avec l’article 587 du même code, qui vaut absence de motifs sinon contradiction de motifs, en ce que (première branche) la Cour d’appel retient que le recours de l’article 473 du Code de commerce constitue un recours effectif ;
alors qu’ en même temps la Cour d’appel omet d’examiner si SOCIETE1.) a pu avoir connaissance de la décision dont opposition, mais retient au contraire que cette connaissance importe peu et que la Cour fait également fi de la règle selon laquelle le droit à un recours effectif comporte le droit de recevoir une notification adéquate respectivement le droit qu’il y ait une publication intégrale de la décision comprenant la requête à la base de celle-ci, en particulier dans le cas où un recours doit être introduit à bref délai, et dès lors l’arrêt attaqué encourt le reproche de l’absence de motifs sinon de contradiction de motifs et en ce que (deuxième branche) la Cour d’appel retient, d’une part, que le recours prévu à l’article 473 du Code de commerce constitue un recours effectif ;
d’autre part que SOCIETE1.) aurait violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux et des articles 1 et 51 de la Constitution » qui ont précisément trait à accorder à toute personne un procès équitable, impliquant nécessairement le droit à un recours effectif ;
alors que la Cour d’appel ne peut sans se contredire elle-même affirmer qu’il y a recours effectif et en même temps reprocher à SOCIETE1.) de ne pas expliquer pourquoi il y aurait violation de son droit à un recours effectif, sachant que SOCIETE1.) a invoqué à la base de son argumentaire les articles 6 § 1 et 13 de la Convention EDH, l’article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux et les articles 1 et 51 de la Constitution et qu’il aurait ainsi appartenu à la Cour d’appel de se prononcer sur base des prédites dispositions, et dès lors l’arrêt d’appel encourt le reproche de la contradiction de motivation, sinon l’absence de motifs. ».
9Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Le moyen de cassation est tiré du défaut de motifs qui est un vice de forme.
Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré, fût-elle incomplète ou viciée.
En retenant que « contrairement aux affirmations de SOCIETE1.), [la demanderesse en cassation] disposait d’un recours effectif contre le jugement du 23 décembre 2014 mais qu’elle ne l’a pas exercé en temps utile », les juges du fond ont motivé leur décision.
Il s’ensuit que la première branche du moyen n’est pas fondée.
Sur la seconde branche du moyen La seconde branche du moyen s’appuie sur le grief tiré de la contradiction de motifs.
Ce grief, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs critiqués sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.
En retenant, d’une part, que la demanderesse en cassation « disposait d’un recours effectif contre le jugement du 23 décembre 2014 mais qu’elle ne l’a pas exercé en temps utile », appréciation qui visait un recours prévu par la loi et en ajoutant, d’autre part, qu’elle n’avait pas expliqué « en quoi il y aurait violation de des articles 6 §1 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux et des articles 1 et 51 de la Constitution », les juges d’appel ne se sont pas contredits.
Il s’ensuit que la seconde branche du moyen n’est pas fondée.
Sur la seconde question préjudicielle La demanderesse entend, en outre, voir soumettre à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
« L’application stricte du délai d’opposition de 15 jours de la publication dans deux journaux luxembourgeois contre le jugement ayant refixé l’époque de cessation de paiement issu de l’article 473 du Code de commerce lu ensemble avec l’article 17 de l’arrêté grand-ducal de 1935 complétant la législation relative aux sursis de paiement, au concordat préventif de la faillite et à la faillite par l’institution du régime de la gestion contrôlée – lorsque le jugement refixant l’époque de cessation de paiement n’a pas d’office soulevé l’irrecevabilité de la requête à la base de la demande pour 10avoir été introduite tardivement en violation d’un délai d’ordre public (à savoir après le jour de la clôture du procès-verbal de vérification des créances tel que prévu par l’article 442 du Code de commerce) – est-elle conforme aux articles 1ier et 51 de la Constitution tels qu’applicables au moment de l’arrêt attaqué et aux articles 2, 18 et 110 de la Constitution tels qu’applicables à la date du présent mémoire, lus à la lumière des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme tels qu’interprétés notamment par l’arrêt Zavodnik c. Slovénie, no. 53723/13, 21 mai 2015 de la Cour européenne des droits de l’homme ? ».
Au vu des réponses données aux deuxième et troisième moyens, la seconde question préjudicielle proposée par la demanderesse en cassation n’est pas pertinente pour la solution du litige.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette les premier, deuxième, troisième et cinquième moyens de cassation ;
quant au quatrième moyen de cassation, défère la question préjudicielle suivante à la Cour constitutionnelle :
« L’article 473 du Code de commerce – qui impose à tout intéressé d’introduire opposition dans les 15 jours de la publication dans deux journaux luxembourgeois contre le jugement ayant refixé l’époque de cessation de paiement – , lu ensemble avec l’article 17 de l’arrêté grand-ducal de 1935 complétant la législation relative aux sursis de paiement, au concordat préventif de la faillite et à la faillite par l’institution du régime de la gestion contrôlée, est-il conforme aux articles 1 et 51 de la Constitution tels qu’applicables au moment de l’arrêt attaqué, lus à la lumière des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme tels qu’interprétés notamment par l’arrêt Zavodnik c. Slovénie, no. 53723/13, 21 mai 2015 de la Cour européenne des droits de l’homme ? » ;
réserve les frais et dépens.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Nathalie HILGERT et du greffier Daniel SCHROEDER.
11Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Société de droit portugais SOCIETE1.) S.A.
c/ Maître Moritz GSPANN, avocat à la Cour, pris en sa qualité de curateur ad hoc de la société anonyme SOCIETE2.) S.A.
(affaire n° CAS-2023-00125 du registre) Le pourvoi de la demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 13 juillet 2023 d’un mémoire en cassation, signifié le 11 juillet 2023 à la partie défenderesse en cassation, est dirigé contre un arrêt n° 32/23-IV-COM rendu contradictoirement en date du 28 février 2023 par la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2021-01130 du rôle.
Le pourvoi est recevable en ce qui concerne la forme1, le délai2 et en ce qu’il attaque un arrêt rendu en dernier ressort qui, en confirmant un jugement ayant déclaré l’opposition irrecevable pour tardiveté, a mis fin à l’instance.
Le mémoire en réponse du défendeur en cassation, signifié à la demanderesse en cassation en son domicile élu le 8 septembre 2023 et déposé au greffe de la Cour le 11 septembre 2023, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.
Les faits et les antécédents procéduraux :
La société anonyme SOCIETE2.) (ci-après « SOCIETE2.) ») a été déclarée en état de faillite sur aveu par jugement du 27 octobre 2014. Maître Alain RUKAVINA et Monsieur Paul LAPLUME ont été nommés aux fonctions de curateurs et la date de la cessation des paiements a été fixée au 27 avril 2014.
Par jugement du 23 décembre 2014, la date de la cessation des paiements a été avancée au 18 janvier 2014. Il a été fait application de l’article 17 de l’arrêté grand-ducal du 24 mai 1935 complétant la législation relative aux sursis de paiement, au concordat 1 La partie demanderesse en cassation a déposé au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire signé par un avocat à la Cour et signifié à la partie adverse antérieurement à son dépôt, de sorte que ces formalités, prévues par l’article 10, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, ont été respectées.
2 L’arrêt attaqué a été signifié à la demanderesse en cassation le 22 mai 2023.
12préventif de la faillite et à la faillite par l'institution du régime de la gestion contrôlée3, aux termes duquel « en cas de faillite du commerçant dans les six mois qui suivent, soit le jugement rejetant la requête, prévu par l'art. 4, al. 1. ou par l'art. 9, soit le jugement approuvant le projet des commissaires, prévu par l'art. 10, l'époque de cessation de paiement pourra, par dérogation à l'art. 442 du Code de commerce, remonter à six mois antérieurement au jour du dépôt de la requête ».
Par jugement du 6 novembre 2017, Maître Moritz GSPANN a été nommé curateur ad hoc de SOCIETE2.) avec la mission d’introduire une procédure pour voir déclarer nulles certaines opérations de paiement réalisées par ladite société pendant la période suspecte étendue en faveur de la société de droit portugais SOCIETE1.) SA (ci-après « SOCIETE1.) ») pour un montant supérieur à 750.000.000 euros.
Dans le cadre de cette procédure, qui a été introduite le 21 janvier 2019 devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, SOCIETE1.) a, par conclusions du 5 mars 2020, formé tierce opposition contre le jugement du 23 décembre 2014 ayant avancé le début de la cessation des paiements. L’opposition était basée principalement sur l’article 613, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile, sinon subsidiairement sur l’article 473 du Code de commerce.
Par jugement contradictoire du 24 mars 2021, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a rappelé que le jugement du 23 décembre 2014 a été rendu en matière de faillite, de telle manière que l’opposition est régie par le seul article 473 du Code de commerce, à l’exclusion des dispositions de droit commun en matière de tierce opposition. Après avoir précisé que le délai d’opposition de quinze jours court à partir de la publication par extraits du jugement dans les journaux, il a déclaré l’opposition irrecevable pour être tardive.
Par arrêt du 28 février 2023, la Cour d’appel a confirmé ce jugement.
Pour statuer ainsi, les magistrats d’appel ont retenu que comme le jugement contre lequel la tierce opposition est dirigée a été rendu en matière de faillite au sens de l’article 473 du Code de commerce, le droit commun de la tierce opposition, régi par les articles 612 à 616 du Nouveau Code de procédure civile, n’était donc pas applicable.
Face à la contestation de SOCIETE1.) de revêtir la qualité d’intéressée au sens de l’article 473 du Code de commerce, les juges d’appel ont rappelé que cette qualification comprend principalement les créanciers du failli ainsi que tous ceux qui ont été en relation juridique avec le commerçant déclaré en faillite.
En tant que bénéficiaire de paiements effectués par SOCIETE2.), SOCIETE1.) a été qualifiée de partie intéressée au sens de l’article 473 du Code de commerce et sa tierce opposition, relevée plus de quinze jours après l’insertion du jugement dans les journaux 3 Cet arrêté grand-ducal a été abrogé par la loi du 7 août 2023 relative à la préservation des entreprises et portant modernisation du droit de la faillite.
13tels que mentionnés à l’article 472 du Code de commerce, a été jugée tardive, conformément à ce qui avait été retenu par les juges de première instance.
Les magistrats d’appel ont statué sur le moyen tiré de la violation du droit de SOCIETE1.) à un recours effectif en constatant que celle-ci disposait d’un tel recours contre le jugement du 23 décembre 2014, mais qu’elle ne l’avait pas exercé en temps utile.
Ils ont finalement relevé que SOCIETE1.) restait en défaut d’expliquer en quoi il y aurait violation des articles 6, paragraphe 1er et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « Convention »), de l’article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et des articles 1 et 51 de la Constitution, ainsi que de tirer une conclusion en droit des violations alléguées.
Le pourvoi est dirigé contre l’arrêt de la Cour d’appel du 28 février 2023.
Sur le premier moyen de cassation :
Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution tel qu’applicable au moment de l’arrêt attaqué (nouvellement article 109 de la Constitution), de la lecture combinée des articles 249 et 587 du Nouveau Code de procédure civile ainsi que de l’article 6 paragraphe 1er de la Convention et vise le défaut de réponse à conclusions constituant un défaut de motifs.
en ce que la Cour d’appel n’a pas répondu au moyen de la demanderesse en cassation tiré de l’irrecevabilité de la requête des curateurs qui est à la base du jugement du 23 décembre 2014, alors que la demanderesse en cassation a libellé ce moyen sous le point II. de ses conclusions du 16 mai 2022.
Il est reproché aux magistrats d’appel ne pas avoir répondu au moyen de la demanderesse en cassation selon lequel la requête des curateurs du 18 décembre 2014 tendant à la refixation de la période suspecte aurait dû être déclarée irrecevable en ce qu’elle a été déposée hors du délai légal prévu par l’article 442 du Code de commerce.
Contrairement à ce qui est critiqué par la demanderesse en cassation, la Cour d’appel a formellement pris position par rapport au moyen comme suit :
« les développements factuels par l’appelante au sujet de la restructuration du groupe SOCIETE2.), ses contestations quant à l’absence de « sériosité » de la fixation de la date de cessation de paiement au 18 janvier 2014 ainsi que ceux concernant l’irrecevabilité de la requête des curateurs tendant à voir avancer la date de cessation 14des paiements motif pris que cette requête a été déposée en dehors du délai légal4, ne sont pas pertinents dans le cadre du présent appel alors que la Cour n’est pas saisie de ces questions par l’effet dévolutif de l’acte d’appel ».
Il en suit que le premier moyen manque en fait.
À titre subsidiaire, il n’est pas fondé. Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs, c’est-à-dire un vice de forme. Une décision judiciaire est régulière en la forme, dès lors qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré, ce qui est le cas en l’espèce.
Sur le deuxième moyen de cassation :
Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 473 du Code de commerce, des articles 612 à 616 du Nouveau Code de procédure civile et des articles 1er et 51 de la Constitution tels qu’applicables au moment de l’arrêt attaqué (nouvellement articles 2 et 110 de la Constitution), en ce que la Cour d’appel a retenu que la demanderesse en cassation était à considérer comme partie intéressée au sens de l’article 473 du Code de commerce, alors que, première branche, un jugement ayant irrégulièrement refixé l’époque de cessation des paiements, emporte dans le chef de toute personne impactée ou susceptible d’être impactée, violation du principe de sécurité juridique constituant un principe général du droit de l’Union européenne et que, dans ces circonstances, la personne impactée ou susceptible de l’être ne peut être qualifiée de partie intéressée au sens de l’article 473 du Code de commerce, et que, deuxième branche, la qualification de partie intéressée n’englobe pas les personnes qui n’ont ni intérêt dans, ni ne sont concernées par la faillite, telles que notamment les anciens créanciers du failli, remboursés régulièrement en dehors de la période suspecte, pas plus que ne peut être considéré comme intéressé au sens de l’article 473 du Code de commerce celui qui se prévaut de ce que le curateur l’a, à tort, assigné au titre des nullités pour des paiements intervenus au cours de la période suspecte irrégulièrement refixée, et dès lors l’opposition formée aurait dû être jugée sur base des articles 612 à 616 du Nouveau Code de procédure civile.
L’article 473 du Code de commerce dispose que :
« Le jugement déclaratif de faillite et celui qui aura fixé l’époque de la cessation de paiement seront susceptibles d’opposition de la part des intéressés qui n’auront pas été parties.
4 Passage souligné par la soussignée.
15L’opposition ne sera recevable que si elle est formée par le failli dans la huitaine et par toute autre partie intéressée dans la quinzaine de l’insertion de ces jugements dans celui des journaux mentionnés à l’article 472 qui s’imprime dans le lieu de plus voisin de leur domicile ».
Aux termes de l’article 612 du Nouveau Code de procédure civile, « une partie peut former tierce opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel, ni elle ni ceux qu’elle représente, n’ont été appelés ».
Les article 1er et 51 de la Constitution, applicables au jour du prononcé de l’arrêt attaqué, étaient de la teneur suivante :
« Le Grand-Duché de Luxembourg est un État démocratique, libre, indépendant et indivisible. » (article 1er), et « Le Grand-Duché de Luxembourg est placé sous le régime de la démocratie parlementaire (…). » (article 51).
L’article 2 de la Constitution, tel qu’en vigueur à partir du 1er juillet 2023, dispose que :
« Le Grand-Duché de Luxembourg est placé sous le régime de la démocratie parlementaire. Il a la forme d’une monarchie constitutionnelle.
Il est fondé sur les principes d’un État de droit et sur le respect des droits de l’Homme ».
L’article 110 de la Constitution, actuellement en vigueur, dispose que :
« La loi garantit l’impartialité du magistrat du siège, le caractère équitable et loyal ainsi que le délai raisonnable des procédures, le respect du contradictoire et des droits de la défense ».
Comme la teneur des articles 2 et 110 de la Constitution en vigueur actuellement n’est pas identique à celle des articles 1er et 51, seuls ces derniers, applicables au moment où l’arrêt litigieux a été rendu, peuvent être invoqués en l’espèce.
Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.
Du fait que le moyen invoque, d’une part, une violation des règles régissant la tierce opposition en matière de faillite, en relation notamment avec la notion de tiers intéressé, et, d’autre part, la violation du principe de sécurité juridique, il pourrait être conclu qu’il mette en œuvre deux cas d’ouverture distincts et serait dès lors irrecevable.
Il reste cependant que la demanderesse en cassation reproche essentiellement aux magistrats d’appel de l’avoir considérée comme tiers intéressé au sens de l’article 473 16du Code de commerce et d’avoir fait application de cette disposition légale, en violation du principe de sécurité juridique, pour apprécier la recevabilité de son opposition.
Sous cet égard, le moyen serait recevable.
En vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation française, l'existence de l'intérêt à agir d’une partie formant tierce opposition est laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond5.
Le moyen, pris en ses deux branches, ne tend ainsi qu’à remettre en question l’appréciation par les juges du fond en vertu de laquelle la demanderesse en cassation est à considérer comme un tiers intéressé au sens de l’article 473 du Code de commerce, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain. Sous cet égard, le moyen ne saurait être accueilli.
Si cependant, par référence à Votre arrêt du 28 janvier 20216, il convient d’analyser le bien-fondé du moyen, il faut constater qu’il part de la prémisse que le jugement du 23 décembre 2014 a irrégulièrement refixé l’époque de cessation des paiements.
Etant donné que ce jugement n’a pas été attaqué par une voie de recours dans le délai légal et qu’aucune décision judiciaire a constaté que l’avancement de l’époque de la cessation des paiements a effectivement été fait en violation de la loi, le jugement du 23 décembre 2014 a autorité.
En effet, et à l’instar du jugement déclaratif de faillite, un jugement qui fixe la date de cessation des paiements, tel que celui du 23 décembre 2014, a effet à l’égard de tous les intéressés, même de ceux qui n’y ont pas été parties, ni représentés, ni appelés7. Il a autorité erga omnes. Il est opposable à tous en tant qu’il crée une situation nouvelle, car elle est d’intérêt général et les personnes appelées à en bénéficier ou à en subir les conséquences vont voir régler leurs droits respectifs. Il s’agit d’une exception à l’article 1351 du Code civil et se justifie en raison du principe de l’unicité et de l’universalité de la faillite. L’autorité erga omnes du jugement de faillite concerne les dispositions relatives à la déclaration et à l’organisation de la faillite8.
Les mesures de publicité de ces jugements sont destinées à l’information des tiers de l’existence de la déclaration de la faillite (respectivement de la décision ayant fixé 5 Cass. fr. 2e ch. civ., 2 juillet 2020, Numéro de pourvoi : 19-13.616 ; Cass. fr. ch. com., 9 octobre 2001, N° 99-10.485 ; JurisClasseur Procédure civile, Encyclopédies, Fasc. 1000-45 :
Tierce opposition, Nature, Conditions de recevabilité, n°122.
6 Cass., 28 janvier 2021, n° 18/2021, n° CAS-2020-00013 du registre : Sous les visas des articles 612 du Nouveau Code de procédure civile et article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il a été analysé le fait de savoir si une partie pouvait se prévaloir de la qualité à agir par tierce opposition.
7 Les Novelles, tome IV, Les Concordats et la Faillite, édition 1985, n° 1290, p. 386.
8 Les Novelles, op. cit., n° 1176, p. 353.
17l’époque de la cessation des paiements) et la publication vaut donc notification collective du jugement à tous les intéressés9.
Il est acquis que l’opposition contre le jugement séparé fixant la date de la cessation des paiements est ouverte à tous les intéressés. Sont visés non seulement le débiteur, les créanciers absents ou présents, mais également les débiteurs du failli et tous les tiers ayant intérêt à ce que les actes qu’ils ont passés avec la failli ne tombent pas dans une période où ils deviendraient vulnérables10.
Dans le cadre de la discussion de la première branche du moyen, la demanderesse en cassation expose qu’à partir du lendemain du jour fixé pour la clôture du procès-verbal de vérification des créanciers, elle pouvait légitimement, et sur base du principe de sécurité juridique, s’attendre à ce que toute requête pour voir fixer l’époque de la cessation des paiements soit d’office déclarée irrecevable en application de l’article 442 du Code de commerce et qu’à partir de cette date elle ne soit plus à qualifier de partie intéressée au sens de l’article 473 du même Code.
Dans le cadre de la discussion de la deuxième branche du moyen, la demanderesse en cassation fait valoir qu’elle n’a jamais pu être considérée comme partie intéressée, sa relation avec la société faillie s’étant régulièrement terminée avant la période suspecte, initialement fixée.
Ces raisonnements ne sauraient tenir en ce qu’ils partent de l’hypothèse erronée que seuls les actes effectués au courant de la période suspecte risquent d’être annulés et que toutes les autres personnes ayant contracté avec le failli en dehors de la période suspecte sont définitivement à l’abri de toute action du curateur et donc non intéressés. Or, aux termes de l’article 448 du Code de commerce, « tous actes ou paiement faits en fraude des créanciers sont nuls, quelle que soit la date à laquelle ils ont eu lieu ». Tout contractant du failli peut être considéré comme partie intéressée. De plus, une personne ne change pas de statut de partie intéressée à partie non intéressée par le simple écoulement du temps.
Il convient finalement de relever que les dispositions de droit commun relatives à la tierce opposition ne sont pas applicables aux jugements visés par l’article 473 du Code de commerce.
En déclarant la tierce opposition irrecevable pour tardiveté, les magistrats d’appel ont fait une correcte application de l’article 473 du Code de commerce et n’ont pas violé le principe de sécurité juridique. Au contraire, les délais de recours visent à sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes entraînant des effets de droit11.
9 Les Novelles, op. cit., n°1157 et n°1163, p. 350 et 351.
10 Les Novelles, op. cit., n° 1291, p. 386.
11 JurisClasseur Europe Traité, Fasc. 191 : Ordre juridique de l’union européenne, Sources non écrites, n° 163 et 164.
18Partant, le deuxième moyen, pris en ses deux branches, est à rejeter.
Sur le troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation des articles 473 du Code de commerce, pris ensemble avec les articles 472 et 442 dudit code et des articles 612 à 616 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel a retenu que le jugement dont opposition a été rendu en matière de faillite et que l’opposition est dès lors à juger au regard de l’article 473 du Code de commerce, pris ensemble avec l’article 472 du même code, alors que s’il est exact que sur la base de l’article 473 du Code du commerce, pris ensemble avec l’article 472 du même code, le jugement portant refixation de l’époque de cessation de paiement est susceptible d’opposition par tout intéressé dans les 15 jours de la publication dans les journaux, encore faut-il – pour que lesdites dispositions puissent recevoir application – que le jugement remplisse toutes les conditions d’un jugement « rendu en matière de faillite », ce qui n’est pas le cas d’un jugement, comme celui en l’espèce, portant refixation de l’époque de cessation de paiement et rendu sur la base d’une requête déposée hors délai au sens du dernier alinéa de l’article 442 du Code de commerce, soit « après le jour de la clôture du procès-verbal de vérification des créances ».
Dans le cadre de la discussion du moyen, la demanderesse en cassation expose que le jugement, en ce qu’il aurait été rendu sur la base d’une requête déposée hors délai légal, ne saurait être considéré comme un jugement rendu en matière de faillite.
Ce raisonnement ne saurait aboutir. Les termes de l’article 473 du Code de commerce sont clairs et non équivoques en ce qu’ils visent « le jugement déclaratif de la faillite et celui qui aura fixé l’époque de la cessation de paiement ». Le jugement contre lequel tierce opposition a été interjeté a fixé l’époque de la cessation des paiements et a été rendu en matière de faillite, de sorte que l’opposition dirigée à son encontre est régie par cette même disposition.
Aux termes de l’article 442 dernier alinéa du Code de commerce12, « aucune demande tendant à faire fixer la cessation de paiement à une époque autre que celle qui résulterait du jugement déclaratif ou d’un jugement ultérieur, ne sera recevable après le jour fixé pour la clôture du procès-verbal de vérification des créances, sans préjudice toutefois à la voie d’opposition ouverte aux intéressés par l’article 473 ».
Même à admettre que le jugement dont il est fait opposition soit sujet à critique et même à admettre qu’il ait dû déclarer la requête irrecevable pour avoir été introduite hors du 12 Dans sa version antérieure à la modification intervenue par la loi précitée du 7 août 2023 relative à la préservation des entreprises et portant modernisation du droit de la faillite.
19délai légal prévu par l’article 442 du Code de commerce13, il reste que, depuis l’expiration du délai d’opposition légalement fixé, ce jugement a acquis force de chose jugée et a autorité erga omnes. Une critique adressée à son égard, quelle que soit sa pertinence, n’entraîne pas une requalification de l’objet de ce jugement.
C’est à juste titre que les magistrats d’appel ont fait application de l’article 473 du Code de commerce.
Partant, le troisième moyen est à rejeter.
Sur le quatrième moyen de cassation :
Le quatrième moyen de cassation est tiré de la violation des articles 1er et 51 de la Constitution tels qu’applicables au moment de l’arrêt attaqué (nouvellement articles 2 et 110 de la Constitution), des articles 6, paragraphe 1er (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable), et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention et de l’article 47 de la Charte, en ce que la Cour d’appel a retenu que le recours de l’article 473 du Code de commerce constitue un recours effectif et que le délai d’opposition court alors même que l’opposant ne pouvait matériellement pas avoir connaissance du jugement ou de sa publication, le délai d'opposition étant, d’après la Cour d’appel, indépendant de toute signification individuelle du jugement ou de la connaissance qu'aurait ou non l'opposant, du jugement ou de sa publication, l’éloignement de l’opposant ne changeant rien pour la Cour d’appel.
alors que l’effectivité du droit d’accès à un tribunal « demande qu’un individu jouisse d’une possibilité claire et concrète de contester un acte constituant une ingérence dans ses droits » et « la réglementation en question, ou l’application qui en est faite, ne devrait pas empêcher le justiciable d’utiliser une voie de recours disponible », le droit au recours devant pouvoir s’exercer « à partir du moment où les intéressés peuvent effectivement connaître les décisions judiciaires qui leur imposent une charge ou pourraient porter atteinte à leurs droits ou intérêts légitimes », et il est « irréaliste de considérer que le requérant aurait dû consulter régulièrement le panneau d’affichage d’un tribunal situé dans une autre ville que la localité où il résidait ou tous les numéros du journal officiel ».
13 La doctrine considère effectivement qu’après la date fixée pour la clôture du procès-verbal de vérification des créances (fixée, en l’espèce, au 27 novembre 2014), plus aucune demande de report de la date de cessation des paiements ne peut être faite et que la fin de non-recevoir tirée de l’article 442 du Code de commerce est d’ordre public et doit donc être soulevée d’office. Il importe peu, à cet égard, que le procès-verbal de vérification des créances n’ait pas été dressé et clôturé ou qu’il ait été clôturé avec retard par rapport à la date fixée (Les Novelles, op. cit., n° 1280 et 1281, p. 384). Le défendeur en cassation, quant à lui, considère, sur base du libellé de l’article 17 de l’arrêté grand-ducal du 24 mai 1935 précité, que l’article 442 du Code de commerce n’était pas applicable, dans son ensemble, dans le cadre de la requête ayant mené au jugement litigieux de décembre 2014.
20 Dans le cadre de la discussion du moyen, la demanderesse en cassation se réfère à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et notamment à l’arrêt Zavodnik c. Slovénie de 2015, pour soutenir qu’elle n’avait pas droit à un recours effectif alors qu’il serait irréaliste de considérer qu’elle aurait dû consulter sur base quotidienne, depuis le Portugal, le Luxemburger Wort et le Tageblatt et que le jugement du 23 décembre 2014 ne lui a pas été notifié. Elle donne encore à considérer que la refixation de la période suspecte la visait exclusivement, sinon du moins principalement.
Aux termes de l’article 47 de la Charte :
« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.
Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ».
Cette Charte s’applique, au regard de son article 51, paragraphe 1er14, aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union européenne. Un tel cas se présente notamment lorsque l’application d’une disposition nationale vise à garantir celle du droit de l’Union européenne. Nonobstant le fait qu’à aucun moment de la procédure litigieuse il n’a été fait référence au Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité15, il reste qu’en tant que texte doté d’un effet direct, il a vocation à s’appliquer. Le grief tiré de l’article 47 de la Charte n’est dès lors pas étranger au litige.
L’article 13 de la Convention garantit à toute personne, dont les droits et libertés reconnus par la Convention ont été violés, un recours effectif devant une instance nationale. Il n’a cependant pas d’existence indépendante et ne peut être appliqué que combiné avec ou au regard d’un ou de plusieurs articles de la Convention16.
14 Article 51, paragraphe 1er, 1re phrase, de la Charte : « Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. » 15 Ce règlement a été abrogé par le Règlement (UE) du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité qui s’applique, selon son article 84, aux procédures d’insolvabilité ouvertes postérieurement au 26 juin 2017.
16 Cass., 21 décembre 2023, n° 153/2023 pénal, n° CAS-2022-00092 du registre.
21En effet, le droit à un recours effectif consacré dans l’article 13 constitue un droit complémentaire, secondaire et accessoire en ce qu’il ne peut être invoqué qu’à l’appui d’un autre droit garanti par la Convention.
En règle générale, l’article 13 n’est pas applicable lorsque la violation alléguée de la Convention a eu lieu dans le cadre d’une procédure judiciaire17. La protection offerte par l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention et les exigences de cette disposition sont plus strictes que celles de l’article 13 qui se trouvent absorbées par elles18. Il n’y a pas d’absorption lorsque le grief est tiré d’une méconnaissance du droit à faire entendre sa cause dans un délai raisonnable, cas cependant non visé en l’espèce.
L’article 6, paragraphe 1er, de la Convention assure aux justiciables un droit d’accès à un tribunal. Il est considéré que le droit d’accès à un tribunal doit être « concret et effectif ». L’effectivité du droit d’accès demande qu’un individu « jouisse d’une possibilité claire et concrète de contester un acte constituant une ingérence dans ses droits ».
Selon Votre jurisprudence, ce droit d’accès au juge n’est cependant pas absolu et les États peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et à en fixer les conditions d’exercice19, pourvu que ces réglementations aient pour but d'assurer une bonne administration de la justice20.
Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que les limitations au droit d’accès à un tribunal doivent poursuivre un but légitime et qu’il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé21.
La réglementation relative aux formalités et aux délais à respecter pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de sécurité juridique. Cela étant, la réglementation en question, ou du moins l’application qui en est faite, ne doit pas empêcher le justiciable d’utiliser une voie de recours disponible. En particulier, il convient de procéder à une appréciation d’espèce à la lumière des particularités de la procédure dont il s’agit. Les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l’équité de la procédure et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois22.
17 Guide sur l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, Droit à un recours effectif, n° 144.
18 Idem, n° 143.
19 Cass., 21 décembre 2023, op. cit.
20 Cass., 1er avril 2021, n°56/2021, n°CAS-2020-00046 du registre.
21 Guide sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, Droit à un procès équitable (volet civil), n° 108.
22 Idem, n° 114.
22En résumé, l’observation de règles formelles de procédure civile, qui permettent aux parties de faire trancher un litige, est utile et importante, car elle est susceptible de limiter le pouvoir discrétionnaire, d’assurer l’égalité des armes, de prévenir l’arbitraire, de permettre qu’un litige soit tranché et jugé de manière effective et dans un délai raisonnable, et de garantir la sécurité juridique et le respect envers le tribunal. Toutefois, le droit d’accès à un tribunal se trouve atteint dans sa substance lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de la « sécurité juridique » et de la « bonne administration de la justice » et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente23.
Dans l’affaire Zavodnik c. Slovénie, citée par la demanderesse en cassation, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, dans un litige en matière de faillites, que la manière dont une audience avait été notifiée au requérant n’était pas adéquate (l’audience portant sur la distribution de l’actif avait été annoncée sur le panneau d’affichage du tribunal et dans le journal officiel), ce qui avait empêché le requérant de contester la répartition de l’actif.
Dans cette affaire, la Cour a retenu qu’au vu du nombre restreint de créanciers concernés et de la possibilité offerte par la législation nationale de publier la date d’audience également dans les médias de masse, il y avait violation du droit du requérant à un procès équitable au sens de l’article 6 paragraphe 1er de la Convention24.
Cet arrêt n’est pas entièrement transposable au cas d’espèce qui se caractérise notamment par le fait que le nombre de parties potentiellement intéressées par le jugement déclaratif et le jugement avançant la période suspecte est inconnu et, étant donné l’envergure de la société faillie, probablement élevée25. Le moyen de la demanderesse en cassation selon lequel la période suspecte aurait spécialement été avancée pour permettre d’attaquer les actes qu’elle a conclus avec la société faillie n’est étayé par aucun élément objectif.
Une notification individuelle, outre le fait qu’elle n’est pas légalement prévue, n’est, dans ces circonstances, pas raisonnablement envisageable.
Force est par ailleurs de constater qu’aucun moyen de publicité ne permet d’atteindre toutes les personnes potentiellement affectées par l’état de faillite d’un commerçant.
Aux termes de l’article 442 alinéa 1er du Code de commerce, tel qu’applicable au moment du jugement litigieux, « le jugement déclaratif de la faillite et celui qui aura fixé ultérieurement la cessation de paiement seront, à la diligence des curateurs et dans les trois jours de leur date, affichés dans l'auditoire du tribunal d’arrondissement siégeant en matière commerciale, où ils resteront exposés pendant trois mois. Ils seront, 23 Idem, n° 115.
24 CourEDH, 7 novembre 2013, recours 36261/08, n° 79-81.
25 Il résulte des termes de la requête du 18 décembre 2014 des curateurs qu’« un très grand nombre de transactions, compensations et autres opérations ont eu lieu entre le mois de 2014 et la date de la requête (tendant à la mise sous gestion contrôlée) ».
23également dans les trois jours, insérés par extraits dans les journaux qui s'impriment dans les lieux ou dans les villes les plus rapprochées des lieux où le failli a son domicile ou des établissements commerciaux, et qui auront été désignés par le tribunal d’arrondissement siégeant en matière commerciale ».
Cette disposition a été modifiée par la loi du 7 août 2023 relative à la préservation des entreprises et portant modernisation du droit de la faillite comme suit : « Le jugement déclaratif de la faillite et celui qui aura fixé ultérieurement la cessation de paiement seront, à la diligence des curateurs et dans les trois jours de leur date, insérés par extraits dans des journaux édités au Grand-Duché de Luxembourg et qui auront été désignés par le tribunal d’arrondissement siégeant en matière commerciale. Le tribunal peut également ordonner la publication par extrait dans des journaux étrangers qu’il désigne ». Le législateur a donc encore récemment confirmé que la publication par la voie de la presse est un mode approprié d’information du public en matière de faillite, tout en offrant aux magistrats la possibilité d’ordonner la publication également dans des journaux étrangers.
À titre d’exemple, la législation belge prévoit que la tierce opposition n'est recevable que si elle est formée dans les quinze jours de la publication du jugement au Moniteur belge26.
Toutes les formes de publication légalement prévues restent forcément tributaires d’une fiction, celle d’atteindre le grand public.
Cela étant dit, il reste que l’affirmation de la demanderesse en cassation, ayant son siège social au Portugal, selon laquelle elle n’a pas eu connaissance du jugement du 23 décembre 2014 avant qu’elle ne soit assignée par le curateur ad hoc en date du 21 janvier 2019, ne peut être sérieusement mise en cause. En effet, il ne résulte d’aucun élément du dossier que la demanderesse en cassation ait été représentée par un avocat au Luxembourg avant l’assignation précitée ou ait pu avoir été informée de ce jugement par d’autres voies.
Dans le cas concret de la demanderesse en cassation, il pourrait ainsi être considéré que son droit d’accès à un juge, garanti par l’article 6 paragraphe 1er de la Convention, a été restreint.
Or, il ne faut pas perdre de vue que le litige se meut en matière de faillite et que, de ce fait, il ne peut être assimilé à un litige ordinaire entre deux particuliers.
Comme relevé ci-dessus, les jugements visés par l’article 473 du Code de commerce sont opposables à tous en tant qu’ils créent une situation nouvelle. Cette situation nouvelle est d’intérêt général et les personnes appelées à en bénéficier ou à en subir les 26 Article XX.108 du Code de droit économique belge.
24conséquences voient régler leurs droits respectifs alors qu’elles n’ont pas entre elles de liens contractuels27.
Une faillite entraîne des conséquences juridiques importantes, parmi lesquelles notamment le dessaisissement du failli/des organes de représentation, la nomination d’un curateur avec la mission de représenter tant le failli que les créanciers regroupés en masse des créanciers, l’arrêt du cours des intérêts, la naissance d’une situation de concours avec son corolaire le principe d’égalité des créanciers. Une telle situation doit, à un moment donné, être définitivement arrêtée et il serait néfaste en termes de sécurité juridique qu’un état de faillite puisse être contesté des semaines, voire des mois après le prononcé de la faillite.
Dans ce sens, la limitation de la période pendant laquelle un jugement déclaratif de faillite peut être attaqué par la voie de l’opposition28 trouve sa justification dans la célérité nécessaire en la matière29. Il ne peut être admis que l’état de faillite puisse être remis en cause pendant un délai prolongé.
S’il est vrai que la présente affaire ne concerne pas le jugement déclaratif de faillite, mais exclusivement celui ayant fixé la période suspecte, il n’en demeure pas moins que la tierce opposition dirigée contre ces deux sortes de jugements est régie par la même disposition légale.
Juger que la forclusion, tirée de l’expiration du délai de recours légalement prévu n’est pas opposable à une partie intéressée en raison de son éloignement et de l’impossibilité de consulter des journaux luxembourgeois, ouvre potentiellement la voie à des contestations similaires en matière de tierce opposition à des jugements déclaratifs de faillites.
Cela porterait sérieusement atteinte aux principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice, principes qui doivent, en matière de faillite, de l’avis de la soussignée, être considérés comme d’une valeur supérieure à l’intérêt d’un créancier individuel. En cette matière, l’intérêt de la collectivité à être fixée sur l’existence ou non d’une faillite devrait primer celui d’un créancier individuel30.
Il en suit que le moyen est non fondé.
27 Les Novelles, op. cit., n°1176, p. 354.
28 Le délai d’appel contre un jugement déclaratif de faillite court, à défaut de disposition légale spécifique, à compter de la signification du jugement.
29 Les Novelles, op. cit., n° 1230, p.368.
30 Il peut être ajouté de façon surabondante que la tierce opposition, qui a été formée par voie de conclusions, serait, sur la base de la doctrine et de la jurisprudence pertinentes, irrecevable quant à la forme. En effet, il est admis qu’une tierce opposition ne peut être formée, selon les hypothèses, que par voie de requête ou selon la forme d’un acte introductif d’instance (voir Th.
HOSCHEIT, Le droit judiciaire privé au Grand- Duché de Luxembourg, 2e édition, p. 732, n° 1373 et 1374 ; Cour d’appel, 27 mai 2015, n° 41517 du rôle).
25Sur le cinquième moyen de cassation :
Le cinquième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution tel qu’applicable au moment de l’arrêt attaqué (nouvellement article 109 de la Constitution) et de l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile en combinaison avec l’article 587 du même code, qui vaut absence de motifs, sinon contradiction de motifs, en ce que (première branche) la Cour d’appel a retenu que le recours de l’article 473 du Code de commerce constitue un recours effectif, alors qu’en même temps la Cour d’appel a omis d’examiner si la demanderesse en cassation a pu avoir connaissance de la décision dont il est fait opposition, mais a retenu au contraire que cette connaissance importe peu et que la Cour a également fait fi de la règle selon laquelle le droit à un recours effectif comporte le droit de recevoir une notification adéquate respectivement le droit qu’il y ait une publication intégrale de la décision comprenant la requête à la base de celle-ci, en particulier dans le cas où un recours doit être introduit à bref délai, et dès lors l’arrêt attaqué encourt le reproche de l’absence de motifs, sinon de contradiction de motifs, et en ce que (deuxième branche) la Cour d’appel a retenu, d’une part, que le recours prévu à l’article 473 du Code de commerce constitue un recours effectif et, d’autre part, que la demanderesse en cassation « reste en défaut d’expliquer en quoi il y aurait violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 47 de la Charte et des articles 1 et 51 de la Constitution » qui ont précisément trait à accorder à toute personne un procès équitable, impliquant nécessairement le droit à un recours effectif ;
alors que la Cour d’appel n’a pu, sans se contredire elle-même, affirmer qu’il y a eu recours effectif et en même temps reprocher à la demanderesse en cassation de ne pas expliquer pourquoi il y aurait violation de son droit à celui-ci, sachant que la demanderesse en cassation a invoqué à la base de son argumentaire les articles 6 paragraphe 1er et 13 de la Convention, l’article 47 de la Charte et les articles 1 et 51 de la Constitution et qu’il aurait ainsi appartenu à la Cour d’appel de se prononcer sur la base de telles dispositions, et dès lors que l’arrêt d’appel encourt le reproche de la contradiction de motivation, sinon de l’absence de motifs.
Dans le cadre de la discussion de la première branche du moyen, la demanderesse en cassation reproche aux magistrats d’appel de ne pas avoir examiné si le droit à un recours effectif comporte le droit de recevoir une notification adéquate respectivement le droit à une publication intégrale de la décision visée, surtout s’agissant d’un recours devant être introduit à bref délai.
Dans le cadre de la discussion de la deuxième branche du moyen, la demanderesse en cassation fait valoir qu’il aurait appartenu à la Cour d’appel de se prononcer sur les dispositions supranationales et constitutionnelles expressément invoquées et qui se 26réfèrent clairement au droit à un procès équitable impliquant le droit à un recours effectif.
Le moyen, pris dans sa première branche, invoque, à titre principal, le défaut de motifs et, à titre subsidiaire, la contradiction de motifs tandis que le moyen, pris en sa deuxième branche, invoque la contradiction de motifs à titre principal.
L’article 89 de la Constitution sanctionne l’absence de motifs qui est un vice de forme pouvant revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusions.
Un jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif, exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il, sur le point considéré31.
Dans le cadre de son appel, la demanderesse en cassation a conclu ce qui suit en relation avec la violation de son droit à un recours effectif :
« C’est à tort que les premiers juges ont retenu qu’il n’y aurait en l’espèce pas violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après la « Convention »). La Convention prévoit en son article 6 paragraphe (1) que toute personne a droit à ce que « […]sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ([…] ».
Dénier à SOCIETE1.) – au vu de ce qui a été dit sub II.- le droit de faire tierce opposition reviendrait à lui dénier, en violation de l’article 6 paragraphe 1, de l’article 13 de la Convention et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – le droit à un recours effectif et partant violerait le principe de l’Etat de droit tel qu’interprété par la Cour constitutionnelle (arrêt n°00146 du 28 mai 2019).
Tous droits – dont notamment celui de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme – demeurent réservés dans ce contexte ».
Les magistrats d’appel ont confirmé le jugement entrepris qui a déclaré l’opposition irrecevable pour être tardive au vu de l’article 473 du Code de commerce.
Ils poursuivent comme suit :
« Afin d’être complet il convient encore d’examiner le moyen de SOCIETE1.) basé sur la violation de son droit à un recours effectif.
31 J. et L. Boré, La cassation en matière civile, 6ème édition 2023/2024, n°77.41, p. 415.
27La Cour constate que contrairement aux affirmations de SOCIETE1.), l’appelante disposait d’un recours effectif contre le jugement du 23 décembre 2014 mais qu’elle ne l’a pas exercé en temps utile.
Le moyen soulevé est donc à rejeter comme non fondé.
SOCIETE1.) reste en défaut d’expliquer en quoi il y aurait violation des articles 6 §1 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux et des articles 1 et 51 de la Constitution. Elle reste de même en défaut de tirer une conclusion en droit des violations alléguées.
L’arrêt de la Cour constitutionnelle du 28 mai 2019 qu’elle invoque n’est pas pertinent pour le cas d’espèce alors qu’il concerne des dispositions légales ayant explicitement exclu tout recours contre une décision administrative ».
Le moyen invoqué en appel par la demanderesse en cassation n’a pas été étayé par des reproches concrets et le renvoi à ce qui a été exposé « sub II », sans autre détail, ne permet pas non plus de déceler avec la précision requise en quoi la violation des dispositions invoquées consisterait. Or, il n’incombe pas aux magistrats d’appel de suppléer la carence des parties à cet égard. Au contraire, il aurait appartenu à la demanderesse en cassation de préciser qu’à défaut d’avoir reçu une notification adéquate de la décision et à défaut d’une publication intégrale de la décision litigieuse, elle considérait que son droit à un recours effectif avait été violé. Ces précisions ne sont fournies pour la première fois de façon expresse que dans le cadre de son pourvoi en cassation.
Le moyen tiré de l’absence de motivation est partant à rejeter en ce qui concerne les deux branches.
Quant au moyen tiré de la contradiction de motifs, il résulte de Votre jurisprudence que « le grief de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision »32.
S’agissant d’un vice de forme, « l’appréciation du juge doit se faire, en la matière, sans examiner le dossier de fond ; il doit uniquement apprécier la cohérence formelle et externe des motifs, sans apprécier leur bien fondé »33.
La contradiction doit affecter la pensée même du juge. Elle ne doit pas être le résultat d’une simple erreur de plume ou de langage. La contradiction de motifs doit être réelle et profonde c’est-à-dire qu’il faut qu’il existe entre les deux motifs incriminés une 32 Cass., 16 février 2017, n° 17/2017, n°3740 du registre ; Cass., 17 novembre 2022, n° 137/2022, n° CAS-2022-00015 du registre.
33 Boré, ouvrage précité, n° 77.102, p. 422.
28véritable incompatibilité. Le moyen doit préciser les termes de l’arrêt qui seraient en contradiction34. La contradiction doit finalement avoir exercé une influence sur la décision préjudiciant au demandeur en cassation.
Comme la demanderesse en cassation n’a pas expliqué en quoi la violation des dispositions invoquées consisterait concrètement et n’a pas tiré de conclusion juridique de cette violation alléguée, les magistrats d’appel ont pu constater, sans contradiction et d’après leur propre analyse de ce moyen, qu’elle disposait d’un recours contre la décision litigieuse mais qu’elle ne l’a pas exercé à temps.
Partant, le cinquième moyen, en ses deux branches, est à rejeter.
Quant aux questions préjudicielles :
La demanderesse en cassation demande encore que Votre Cour soumette les questions suivantes à la Cour constitutionnelle :
« 1. L’article 473 du Code de commerce – qui impose à tout intéressé d’introduire opposition dans les 15 jours de la publication dans deux journaux luxembourgeois contre le jugement ayant refixé l’époque de cessation de paiement –, lu ensemble avec l'article 17 de l'arrêté grand-ducal de 1935 complétant la législation relative aux sursis de paiement, au concordat préventif de la faillite et à la faillite par l’institution du régime de la gestion contrôlée, est-il conforme aux articles 1ier et 51 de la Constitution tels qu’applicables au moment de l’arrêt attaqué et aux articles 2, 18 et 110 de la Constitution tels qu’applicables à la date du présent mémoire, lus à la lumière des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme tels qu’interprétés notamment par l’arrêt Zavodnik c. Slovénie, no. 53723/13, 21 mai 2015 de la Cour européenne des droits de l’homme ? 2. L’application stricte du délai d’opposition de 15 jours de la publication dans deux journaux luxembourgeois contre le jugement ayant refixé l’époque de cessation de paiement issu de l’article 473 du Code de commerce lu ensemble avec l'article 17 de l'arrêté grand-ducal de 1935 complétant la législation relative aux sursis de paiement, au concordat préventif de la faillite et à la faillite par l’institution du régime de la gestion contrôlée – lorsque le jugement refixant l’époque de cessation de paiement n’a pas d’office soulevé l’irrecevabilité de la requête à la base de la demande pour avoir été introduite tardivement en violation d’un délai d’ordre public (à savoir après le jour de la clôture du procès-verbal de vérification des créances tel que prévu par l’article 442 du Code de commerce) – est-elle conforme aux articles 1ier et 51 de la Constitution tels qu’applicables au moment de l’arrêt attaqué et aux articles 2, 18 et 110 de la Constitution tels qu’applicables à la date du présent mémoire, lus à la lumière des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme tels qu’interprétés 34 Boré, ouvrage précité, n° 77.112 et 77.113, p. 422 et 423.
29notamment par l’arrêt Zavodnik c. Slovénie, no. 53723/13, 21 mai 2015 de la Cour européenne des droits de l’homme ? ».
L’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle dispose que :
« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.
Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que:
a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement;
b) la question de constitutionnalité soulevée est dénuée de tout fondement ;
c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet […] » Comme il a été précisé ci-dessus, seuls les articles 1er et 51 de la Constitution, applicables au moment où l’arrêt litigieux a été rendu, peuvent être invoqués en l’espèce.
Si la demande de renvoi préjudiciel peut être liée aux deuxième et quatrième moyens de cassation, il reste que la demanderesse en cassation la formule de façon indépendante et n’explique pas en quoi l’article 473 du Code de commerce serait contraire aux articles 1er et 51 de la Constitution qui disposent que le Grand-Duché de Luxembourg est un État démocratique, libre, indépendant et indivisible et est placé sous le régime de la démocratie parlementaire.
Or, il résulte de Votre jurisprudence que « les juridictions ne sont pas tenues de saisir la Cour constitutionnelle si la réponse à la question soulevée est dénuée de tout fondement. Il appartient à la partie qui entend voir déférer une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle de motiver dans quelle mesure la question est susceptible d’être fondée »35.
Partant, la demande peut encourir un rejet à ce titre.
Il peut par ailleurs être retenu que les questions soulevées ne sont pas nécessaires pour permettre à Votre Cour de rendre un arrêt. Comme relevé ci-dessus dans le cadre des deuxième et quatrième moyens, l’article 473 du Code de commerce ne porte non seulement pas atteinte au principe de sécurité juridique, mais il en est le garant en matière de faillites.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
35 Cass., 21 décembre 2023, n° 152/2023 pénal, n°CAS-2022-00093 du registre.
30 Pour le Procureur général d’Etat l’avocat général Nathalie HILGERT 31