La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2024 | LUXEMBOURG | N°93/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 06 juin 2024, 93/24


N° 93 / 2024 pénal du 06.06.2024 Not. 30566/15/CD Numéro CAS-2023-00112 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, six juin deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de la société anonyme SOCIETE1.) (EUROPE), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse au civil, demanderesse en cassation, comparant par Maître Fanny GILLIERS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domi

cile est élu, assistée de Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, en p...

N° 93 / 2024 pénal du 06.06.2024 Not. 30566/15/CD Numéro CAS-2023-00112 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, six juin deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de la société anonyme SOCIETE1.) (EUROPE), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse au civil, demanderesse en cassation, comparant par Maître Fanny GILLIERS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, assistée de Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, en présence du Ministère public et de PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), défendeur au civil, défendeur en cassation, comparant par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 17 mai 2023 sous le numéro 193/23 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation au civil formé par Maître Fanny GILLIERS, avocat à la Cour, au nom de la société anonyme SOCIETE1.) (EUROPE) (ci-après « la société SOCIETE1.) »), suivant déclaration du 16 juin 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 12 juillet 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 14 juillet 2023 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 19 juillet 2023 par PERSONNE1.) à la société SOCIETE1.), déposé le 27 juillet 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Nathalie HILGERT ;

Vu le mémoire intitulé « mémoire complémentaire » signifié le 26 avril 2024 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 29 avril 2024 au greffe de la Cour.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait au civil, en continuation d’un jugement sur accord rendu au pénal par le même Tribunal à l’encontre du défendeur en cassation, dit non fondée la demande en indemnisation de la demanderesse en cassation formulée à l’encontre du défendeur en cassation.

La Cour d’appel a confirmé le jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré du défaut de motifs, au regard de l’article 89 de la Constitution, telle qu’elle était en vigueur au moment où l’Arrêt entrepris fut rendu, correspondant à l’article 109 de la Constitution dans sa forme actuelle, lequel dispose que :

et de l’article 195 du Code de procédure pénale, lequel dispose, quant à lui, que :

circonstances constitutives de l’infraction et citera les articles de la loi dont il est fait application sans en reproduire les termes ».

en ce que, pour rejeter les demandes de la demanderesse en cassation, tendant notamment à se voir indemniser de l’intégralité de son préjudice découlant des nombreuses infractions commises par PERSONNE1.), pour un montant de EUR 475.712,40.-, la Cour d’appel a retenu que les premiers juges étaient à confirmer 2 lorsqu’ils retiennent que la demanderesse en cassation ne rapporterait pas la preuve de l’existence d’un préjudice en lien causal et direct avec les nombreuses infractions réalisées par PERSONNE1.), à faire valoir à l’encontre de ce dernier, au motif que conclus avec certains de ses clients comme preuve de son préjudice.

(…) Il s'ensuit que ces accords transactionnels versés en cause par le mandataire de la société SOCIETE1.) et auxquels PERSONNE1.) n'est pas partie, ne sauraient ni servir de base a une quelconque obligation indemnitaire a charge de PERSONNE1.), ni de preuve d'un préjudice causé par ce dernier. Le tribunal de première instance est donc à confirmer en ce qu'il a retenu que la société SOCIETE1.) ne saurait se prévaloir des accords transactionnels afin d'y asseoir sa demande civile dirigée centre PERSONNE1.).

Les versements opérés par la société SOCIETE1.) en exécution desdits accords transactionnels ne sauraient des lors constituer la preuve ni de l'existence ni de l'ampleur du préjudice subi par la société SOCIETE1.) du fait des agissements de PERSONNE1.) » et que de la société SOCIETE3.) ne résulte pas du jugement sur accord du 19 novembre 2020 que les infractions retenues à charge de PERSONNE1.) en relation avec les prédits comptes aient entrainé une perte au niveau du patrimoine de la société SOCIETE1.). Il appartient donc à la société SOCIETE1.), ayant la charge de la preuve, de rapporter la preuve que les crédits, retraits et versements frauduleux, dont elle se prévaut, lui ont causé un préjudice en découlant directement. Elle omet cependant de verser la moindre preuve afférente, de sorte qu'elle reste en défaut de prouver que les prédites infractions ont entrainé une diminution de son patrimoine lui causant un préjudice en vertu de son obligation de restitution. La juridiction de première instance l'a donc, à bon droit, déboutée de ce chef de sa demande » et que SOCIETE4.) Limited (…) Pour le surplus, il ne résulte pas du jugement sur accord du 19 novembre 2020 que les autres infractions retenues à charge de PERSONNE1.), relatives aux prédits comptes, aient entrainé une perte du patrimoine de la société SOCIETE1.) et cette dernière ne verse aucun élément de preuve en ce sens. La société SOCIETE1.) reste donc en défaut de prouver que les prédites infractions ont entrainé une diminution de son patrimoine lui causant un préjudice en vertu de son obligation de restitution. Il y a dès lors lieu de débouter la société SOCIETE1.) pour le surplus de ce chef de sa demande » 3 et que son principe à hauteur du montant de (248.000 + 9.000 + 3.000) 260.000 euros.

Or, étant donné qu'il est constant en cause que la société SOCIETE1.) a d'ores et déjà été indemnisée à hauteur de 2.000.000 euros par son assurance pour le préjudice causé par les agissements frauduleux de PERSONNE1.), le jugement est à confirmer en ce qu'il a rejeté la demande de la société SOCIETE1.), faute de préjudice à faire valoir à l'encontre de PERSONNE1.) ».

que les juges d’appel n’ont, y compris par les motifs précités, aucunement motivé l’Arrêt en ce qui concerne l’appréciation de l’existence d’un préjudice dans le chef de la demanderesse en cassation, en lien causal et direct avec les nombreuses infractions commises par PERSONNE1.), le tout en violation de l’article 109 (anciennement l’article 89) de la Constitution, respectivement de l’article 195 du Code de procédure pénale ;

qu’il appartenait pourtant à la Cour d’appel de motiver sa décision ;

que, par conséquent, l’Arrêt encourt la cassation en ce qu’il est entaché d’un défaut de motif. ».

Réponse de la Cour Le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme. Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir motivé leur décision par rapport à l’appréciation de l’existence d’un préjudice dans son chef en lien causal direct avec les infractions retenues à charge du défendeur en cassation et de ne pas avoir analysé sa demande sur base des pièces versées par elle pour en justifier le bien-fondé.

En retenant, après avoir énoncé les principes régissant la responsabilité civile délictuelle, sur base des pièces leur soumises par la demanderesse en cassation « La société SOCIETE1.) se prévaut de plusieurs accords transactionnels conclus avec certains de ses clients comme preuve de son préjudice.

Aux termes de l’article 1165 du Code civil, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes, elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans les cas prévus par l’article 1121.

Cet article vise les effets internes des conventions (…) découlant directement des droits et obligations générés par le contrat. Les effets internes d’un contrat ne 4 lient que les parties et un tiers ne peut être tenu d’exécuter une obligation résultant d’un contrat auquel il n’est pas partie. Il ne peut pas non plus réclamer à son profit l’exécution d’un droit résultant d’un tel contrat.

Il s’ensuit que ces accords transactionnels versés en cause par le mandataire [de la demanderesse en cassation] et auxquels [le défendeur en cassation] n’est pas partie, ne sauraient ni servir de base à une quelconque obligation indemnitaire à charge de [ce celui-ci], ni de preuve d’un préjudice causé par [lui]. Le tribunal de première instance est donc à confirmer en ce qu’il a retenu que [la demanderesse en cassation] ne saurait se prévaloir des accords transactionnels afin d’y asseoir sa demande civile dirigée contre [le défendeur en cassation].

(…) La [demanderesse en cassation], étant devenue, en application des articles 1915 et suivants du Code civil, propriétaire des fonds déposés par ses clients auprès d’elle, est tenue d’une obligation de restitution de résultat desdites sommes d’argent.

Il [lui] appartient donc (…) de prouver que les infractions retenues à charge [du défendeur en cassation] ont entraîné une perte de son patrimoine, lui causant ainsi un préjudice en vertu de son obligation de restitution.

Quant aux comptes bancaires de la fondation SOCIETE2.) et de la SOCIETE3.) Il ne résulte pas du jugement sur accord du 19 novembre 2020 que les infractions retenues à charge [du défendeur en cassation] en relation avec les prédits comptes aient entraîné une perte au niveau du patrimoine de la [demanderesse en cassation]. Il appartient donc à [celle-ci], ayant la charge de la preuve, de rapporter la preuve que les crédits, retraits et versements frauduleux, dont elle se prévaut, lui ont causé un préjudice en découlant directement. Elle omet cependant de verser la moindre preuve afférente, de sorte qu’elle reste en défaut de prouver que les prédites infractions ont entraîné une diminution de son patrimoine lui causant un préjudice en vertu de son obligation de restitution. La juridiction de première instance l’a donc, à bon droit, déboutée de ce chef de sa demande.

Concernant le préjudice allégué relatif aux frais de déplacement et d’avocat, la [demanderesse en cassation] ne verse non seulement aucun document prouvant qu’elle ait subi un tel préjudice, mais n’allègue même pas à quel titre elle aurait été obligée d’exposer de tels frais. Elle est donc également à débouter de ce chef de sa demande.

Quant aux comptes bancaires des époux GROUPE1.) et de la société SOCIETE4.) Limited Il ressort du prédit jugement sur accord que [le défendeur en cassation] a retiré le montant de 9.000 euros du compte de la société SOCIETE4.) Limited et qu’il a utilisé cette somme pour acheter des tickets EUROMILLIONS. Ce montant est donc sorti du patrimoine de la [demanderesse en cassation] qui était tenue, en vertu de son obligation de restitution, de rembourser cette somme à son client. [Elle] a donc subi un préjudice à hauteur de 9.000 euros, de sorte qu’il y a lieu de déclarer sa demande 5 de ce chef, contrairement au jugement a quo, fondée en principe pour le montant de 9.000 euros.

Pour le surplus, il ne résulte pas du jugement sur accord du 19 novembre 2020 que les autres infractions retenues à charge [du défendeur en cassation], relatives aux prédits comptes, aient entraîné une perte du patrimoine de la [demanderesse en cassation] et cette dernière ne verse aucun élément de preuve en ce sens. [Elle] reste donc en défaut de prouver que les prédites infractions ont entraîné une diminution de son patrimoine lui causant un préjudice en vertu de son obligation de restitution. Il y dès lors lieu de [la] débouter (…) pour le surplus de ce chef de sa demande.

(…) Au vu de ce qui précède, la demande est fondée en son principe à hauteur du montant de (248.000 + 9.000 + 3.000) 260.000 euros.

Or, étant donné qu’il est constant en cause que la [demanderesse en cassation] a d’ores et déjà été indemnisée à hauteur de 2.000.000 euros par son assurance pour le préjudice causé par les agissements frauduleux [du défendeur en cassation], le jugement est à confirmer en ce qu’il a rejeté la demande (…), faute de préjudice à faire valoir à l’encontre de [celui-ci]. », les juges d’appel ont motivé leur décision sur les points considérés.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré du défaut de base légale par insuffisance de motifs, au regard de l’article 1382 du Code civil, qui dispose que :

celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » et de l’article 3 du Code de procédure pénale, qui dispose que :

juges que l'action publique, à moins que celle-ci ne se trouve éteinte par prescription.

Elle peut aussi l'être séparément ; dans ce cas, l'exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile.

Dans tous les cas, la victime peut saisir la juridiction des référés aux fins de se voir accorder une provision, pour autant que l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

6 Les juridictions de jugement, même lorsqu’elles constatent que le prévenu n’est pas pénalement responsable sur base des dispositions de l’article 71, alinéa , restent compétentes pour connaître de l’action civile dont elles avaient été préalablement et régulièrement saisies.

Si les juridictions d'instruction ordonnent un non-lieu sur base des dispositions de l'article 71, alinéa premier du Code pénal, l'action civile est intentée ou poursuivie devant la juridiction civile.

L’absence de faute pénale de défaut de prévoyance ou de précaution au sens des articles 418 à 422 du Code pénal et des lois spéciales sanctionnant l’homicide ou les lésions corporelles involontaires ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation du dommage en application des règles de droit civil » en ce que, pour rejeter les demandes de la demanderesse en cassation, tendant notamment à se voir indemniser de l’intégralité de son préjudice découlant des nombreuses infractions commises par PERSONNE1.), pour un montant de EUR 475.712,40.-, la Cour d’appel a retenu que les premiers juges étaient à confirmer lorsqu’ils retiennent que la demanderesse en cassation ne rapporterait pas la preuve de l’existence d’un préjudice en lien causal et direct avec les nombreuses infractions réalisées par PERSONNE1.), à faire valoir à l’encontre de ce dernier, au motif que :

conclus avec certains de ses clients comme preuve de son préjudice.

Aux termes de l’article 1165 du Code civil, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes, elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans les cas prévus à l’article 1121.

Cet article vise les effets internes des conventions, c’est-à-dire les effets découlant directement des droits et obligations générés par le contrat. Les effets internes d’un contrat ne lient que les parties et un tiers ne peut être tenu d’exécuter une obligation résultant d’un contrat auquel il n’est pas partie. Il ne peut pas non plus réclamer à son profit l’exécution d’un droit résultant d’un tel contrat.

Il s'ensuit que ces accords transactionnels versés en cause par le mandataire de la société SOCIETE1.) et auxquels PERSONNE1.) n'est pas partie, ne sauraient ni servir de base a une quelconque obligation indemnitaire à charge de PERSONNE1.), ni de preuve d'un préjudice causé par ce dernier. Le tribunal de première instance est donc à confirmer en ce qu'il a retenu que la société SOCIETE1.) ne saurait se prévaloir des accords transactionnels afin d'y asseoir sa demande civile dirigée centre PERSONNE1.).

Les versements opérés par la société SOCIETE1.) en exécution desdits accords transactionnels ne sauraient des lors constituer la preuve ni de l'existence ni de l'ampleur du préjudice subi par la société SOCIETE1.) du fait des agissements de PERSONNE1.).

7 La société SOCIETE1.), étant devenue, en application des articles 1915 et suivants du Code civil, propriétaire des fonds déposés par ses clients auprès d’elle, est tenue d’une obligation de restitution de résultat desdites sommes d’argent. Il appartient donc à la société SOCIETE1.) de prouver que les infractions retenues à charge de PERSONNE1.) ont entrainé une perte de son patrimoine, lui causant ainsi un préjudice en vertu de son obligation de restitution » et que SOCIETE3.) Il ne résulte pas du jugement sur accord du 19 novembre 2020 que les infractions retenues à charge de PERSONNE1.) en relation avec les prédits comptes aient entrainé une perte au niveau du patrimoine de la société SOCIETE1.). Il appartient donc à la société SOCIETE1.), ayant la charge de la preuve, de rapporter la preuve que les crédits, retraits et versements frauduleux, dont elle se prévaut, lui ont causé un préjudice en découlant directement. Elle omet cependant de verser la moindre preuve afférente, de sorte qu'elle reste en défaut de prouver que les prédites infractions ont entrainé une diminution de son patrimoine lui causant un préjudice en vertu de son obligation de restitution. La juridiction de première instance l'a donc, à bon droit, déboutée de ce chef de sa demande » et que SOCIETE4.) Limited (…) Pour le surplus, il ne résulte pas du jugement sur accord du 19 novembre 2020 que les autres infractions retenues à charge de PERSONNE1.), relatives aux prédits comptes, aient entrainé une perte du patrimoine de la société SOCIETE1.) et cette dernière ne verse aucun élément de preuve en ce sens. La société SOCIETE1.) reste donc en défaut de prouver que les prédites infractions ont entrainé une diminution de son patrimoine lui causant un préjudice en vertu de son obligation de restitution. Il y a dès lors lieu de débouter la société SOCIETE1.) pour le surplus de ce chef de sa demande » et que son principe à hauteur du montant de (248.000 + 9.000 + 3.000) 260.000 euros.

Or, étant donné qu'il est constant en cause que la société SOCIETE1.) a d'ores et déjà été indemnisée à hauteur de 2.000.000 euros par son assurance pour le préjudice causé par les agissements frauduleux de PERSONNE1.), le jugement est 8 à confirmer en ce qu'il a rejeté la demande de la société SOCIETE1.), faute de préjudice à faire valoir à l'encontre de PERSONNE1.) ».

que les juges d’appel n’ont, y compris par les motifs précités, pas suffisamment motivé l’Arrêt au regard de la règle de droit applicable, en ce qui concerne la constatation d’un préjudice subi par la demanderesse en cassation, en lien causal et direct avec les nombreuses infractions commises par PERSONNE1.) ;

qu’il s’agit, au contraire, d’une motivation juridiquement inopérante ;

qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a omis de constater les faits nécessaires à l’application de l’article 1382 du Code civil, respectivement de l’article 3 du Code de procédure pénale et a, partant, privé sa décision de base légale ;

que, par conséquent, l’Arrêt encourt la cassation en ce qu’il est entaché d’un défaut de base légale. ».

Réponse de la Cour Le moyen est tiré du défaut de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et 3 du Code de procédure pénale.

L’article 3 du Code de procédure pénale qui régit l’action civile est étranger au grief invoqué qui a trait aux conditions de la responsabilité civile prévues à l’article 1382 du Code civil.

Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

Il résulte des motifs reproduits à la réponse donnée au premier moyen que les juges d’appel ont procédé aux constatations de fait nécessaires à la mise en œuvre de l’article 1382 du Code civil.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, au regard de l’article 1382 du Code civil, qui dispose que :

celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » et de l’article 3 du Code de procédure pénale, qui dispose que :

9 juges que l'action publique, à moins que celle-ci ne se trouve éteinte par prescription.

Elle peut aussi l'être séparément ; dans ce cas, l'exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile.

Dans tous les cas, la victime peut saisir la juridiction des référés aux fins de se voir accorder une provision, pour autant que l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Les juridictions de jugement, même lorsqu’elles constatent que le prévenu n’est pas pénalement responsable sur base des dispositions de l’article 71, alinéa premier du Code pénal, restent compétentes pour connaître de l’action civile dont elles avaient été préalablement et régulièrement saisies.

Si les juridictions d'instruction ordonnent un non-lieu sur base des dispositions de l'article 71, alinéa premier du Code pénal, l'action civile est intentée ou poursuivie devant la juridiction civile.

L’absence de faute pénale de défaut de prévoyance ou de précaution au sens des articles 418 à 422 du Code pénal et des lois spéciales sanctionnant l’homicide ou les lésions corporelles involontaires ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation du dommage en application des règles de droit civil » en ce que, pour rejeter les demandes de la demanderesse en cassation, tendant notamment à se voir indemniser de l’intégralité de son préjudice découlant des nombreuses infractions commises par PERSONNE1.), pour un montant de EUR 475.712,40.-, la Cour d’appel a retenu que les premiers juges étaient à confirmer lorsqu’ils retiennent que la demanderesse en cassation ne rapporterait pas la preuve de l’existence d’un préjudice en lien causal et direct avec les nombreuses infractions réalisées par PERSONNE1.), à faire valoir à l’encontre de ce dernier, au motif que :

que la faute pénale de PERSONNE1.) est acquise et qu'elle ne peut plus être remise en question, le jugement sur accord du 19 novembre 2020 étant coulé en force de chose jugée.

Pour prospérer dans sa demande civile, il appartient à la société SOCIETE1.) d'établir l'existence d'un dommage personnel, causé directement par les infractions mises à charge de PERSONNE1.), la condamnation au pénal de ce dernier n'entrainant pas, ipso facto, le bien-fondé de la demande civile de la société SOCIETE1.).

La société SOCIETE1.) se prévaut de plusieurs accords transactionnels conclus avec certains de ses clients comme preuve de son préjudice.

10 Aux termes de l’article 1165 du Code civil, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes, elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans les cas prévus à l’article 1121.

Cet article vise les effets internes des conventions, c’est-à-dire les effets découlant directement des droits et obligations générés par le contrat. Les effets internes d’un contrat ne lient que les parties et un tiers ne peut être tenu d’exécuter une obligation résultant d’un contrat auquel il n’est pas partie. Il ne peut pas non plus réclamer à son profit l’exécution d’un droit résultant d’un tel contrat.

Il s'ensuit que ces accords transactionnels versés en cause par le mandataire de la société SOCIETE1.) et auxquels PERSONNE1.) n'est pas partie, ne sauraient ni servir de base a une quelconque obligation indemnitaire à charge de PERSONNE1.), ni de preuve d'un préjudice causé par ce dernier. Le tribunal de première instance est donc à confirmer en ce qu'il a retenu que la société SOCIETE1.) ne saurait se prévaloir des accords transactionnels afin d'y asseoir sa demande civile dirigée centre PERSONNE1.).

Les versements opérés par la société SOCIETE1.) en exécution desdits accords transactionnels ne sauraient des lors constituer la preuve ni de l'existence ni de l'ampleur du préjudice subi par la société SOCIETE1.) du fait des agissements de PERSONNE1.).

La société SOCIETE1.), étant devenue, en application des articles 1915 et suivants du Code civil, propriétaire des fonds déposés par ses clients auprès d’elle, est tenue d’une obligation de restitution de résultat desdites sommes d’argent. Il appartient donc à la société SOCIETE1.) de prouver que les infractions retenues à charge de PERSONNE1.) ont entrainé une perte de son patrimoine, lui causant ainsi un préjudice en vertu de son obligation de restitution » et que SOCIETE3.) Il ne résulte pas du jugement sur accord du 19 novembre 2020 que les infractions retenues à charge de PERSONNE1.) en relation avec les prédits comptes aient entrainé une perte au niveau du patrimoine de la société SOCIETE1.). Il appartient donc à la société SOCIETE1.), ayant la charge de la preuve, de rapporter la preuve que les crédits, retraits et versements frauduleux, dont elle se prévaut, lui ont causé un préjudice en découlant directement. Elle omet cependant de verser la moindre preuve afférente, de sorte qu'elle reste en défaut de prouver que les prédites infractions ont entrainé une diminution de son patrimoine lui causant un préjudice en vertu de son obligation de restitution. La juridiction de première instance l'a donc, à bon droit, déboutée de ce chef de sa demande » et que SOCIETE4.) Limited 11 (…) Pour le surplus, il ne résulte pas du jugement sur accord du 19 novembre 2020 que les autres infractions retenues à charge de PERSONNE1.), relatives aux prédits comptes, aient entrainé une perte du patrimoine de la société SOCIETE1.) et cette dernière ne verse aucun élément de preuve en ce sens. La société SOCIETE1.) reste donc en défaut de prouver que les prédites infractions ont entrainé une diminution de son patrimoine lui causant un préjudice en vertu de son obligation de restitution. Il y a dès lors lieu de débouter la société SOCIETE1.) pour le surplus de ce chef de sa demande » et que son principe à hauteur du montant de (248.000 + 9.000 + 3.000) 260.000 euros.

Or, étant donné qu'il est constant en cause que la société SOCIETE1.) a d'ores et déjà été indemnisée à hauteur de 2.000.000 euros par son assurance pour le préjudice causé par les agissements frauduleux de PERSONNE1.), le jugement est à confirmer en ce qu'il a rejeté la demande de la société SOCIETE1.), faute de préjudice à faire valoir à l'encontre de PERSONNE1.) ».

que les juges d’appel n’ont, y compris par les motifs précités, pas valablement examiné si les conditions de la responsabilité civile (et plus spécialement l’existence d’un dommage, dans le chef de la demanderesse en cassation, en lien causal direct avec les agissements frauduleux de PERSONNE1.)), étaient remplies en l’espèce ;

qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil, respectivement l’article 3 du Code de procédure pénale (par refus d’application, sinon par fausse application, sinon encore par fausse interprétation) ;

que, par conséquent, l’Arrêt encourt la cassation pour violation de loi. ».

Réponse de la Cour Le moyen est tiré de la violation des articles 1382 du Code civil et 3 du Code de procédure pénale.

L’article 3 du Code de procédure pénale qui régit l’action civile est étranger au grief invoqué qui a trait aux conditions de la responsabilité civile prévues à l’article 1382 du Code civil.

Sous le couvert du grief tiré de la violation de la prédite disposition, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des faits les ayant amenés à retenir que les conditions régissant la responsabilité civile étaient réunies, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation au civil avec distraction au profit de Maître Jean-Paul NOESEN, sur ses affirmations de droit.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, six juin deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation société anonyme SOCIETE1.) (Europe) c.

PERSONNE1.) en présence du Ministère Public N° CAS-2023-00112 du registre Par déclaration faite le 16 juin 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Fanny GILLIERS, avocat à la Cour, a formé au nom et pour le compte de la société anonyme SOCIETE1.) (Europe) un recours en cassation au civil contre un arrêt n° 193/23 X. rendu le 17 mai 2023 par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 14 juillet 2023 par le dépôt d’un mémoire en cassation, préalablement signifié au défendeur au civil, tel que cela est imposé par l’article 43 alinéa 2 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le pourvoi est partant à déclarer recevable.

Un mémoire en réponse a été signifié par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte du défendeur en cassation, PERSONNE1.), le 19 juillet 2023 et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 27 juillet 2023. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

Faits et rétroactes Par un jugement sur accord du 19 novembre 2020, une chambre correctionnelle du tribunal d'arrondissement de Luxembourg a condamné le défendeur en cassation à une peine d’emprisonnement de trois ans, intégralement assortie d'un sursis à l'exécution, ainsi qu’à une amende de vingt-cinq mille euros du chef de faux, d’usage de faux, d’escroqueries et d’infractions de blanchiment. Le tribunal a encore donné acte à la demanderesse en cassation de sa constitution de partie civile et a renvoyé cette demande devant une chambre civile du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Aucun recours n’a été dirigé contre ce jugement.

Dans le cadre de sa demande civile, la demanderesse en cassation faisait état d’un préjudice, résultant des accords transactionnels conclus avec ses clients, à hauteur de 2.975.712,40 euros.Après indemnisation par son assureur et réalisation d’un gage, elle a fait valoir un préjudice matériel à indemniser par le défendeur en cassation à hauteur de 475.712,40 euros.

Cette demande civile a été déclarée non fondée par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 4 novembre 2022. Après avoir retenu un préjudice matériel en lien causal avec les infractions commises par le défendeur en cassation d’un montant total de 248.000 euros, le tribunal a cependant débouté la demanderesse en cassation de sa demande au motif que cette dernière n’a plus de préjudice à faire valoir à l’encontre du défendeur en cassation en raison de son indemnisation par son assurance à hauteur de 2.000.000 euros et de la réalisation d’un gage souscrit par le défendeur en cassation. Le tribunal s’est encore déclaré incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle formulée par le défendeur en cassation.

Par arrêt du 17 mai 2023, la Cour d’appel a débouté la demanderesse en cassation de son appel au civil et a confirmé le jugement entrepris. Bien que la Cour ait reconnu un préjudice matériel de 257.000 euros, la demande de la demanderesse en cassation est restée non fondée au vu de l’indemnisation d’ores et déjà intervenue de la part de son assureur.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré du défaut de motifs au regard de l’article 89 de la Constitution, telle qu’elle était en vigueur au moment du prononcé de l’arrêt, correspondant à l’actuel article 109 de la Constitution et de l’article 195 du Code de procédure pénale.

Il est reproché aux magistrats d’appel de ne pas avoir motivé leur décision en ce qui concerne l’appréciation de l’existence d’un préjudice en lien causal et direct avec les infractions commises par le défendeur en cassation. Dans le cadre de la discussion du moyen, la demanderesse en cassation précise qu’elle reproche à la Cour d’appel d’avoir écarté purement et simplement et sans aucune justification les pièces et documents versés pour justifier le préjudice sans même avoir procédé à leur analyse préalable et d’avoir déclaré la demande en indemnisation non fondée sous prétexte que la preuve de l’existence du préjudice n’était pas rapportée sans aucune autre justification, ni explication à ce sujet.

Il est de jurisprudence constante qu’en tant que tiré de la violation des articles 89 (actuellement article 109) de la Constitution et 195 du Code de procédure pénale, le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme et qu’une décision est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

La Cour d’appel a motivé comme suit le rejet de la demande en allocation de dommages et intérêts de la demanderesse en cassation :

« Pour prospérer dans sa demande civile, il appartient à la société SOCIETE1.) d’établir l’existence d’un dommage personnel, causé directement par les infractions mises à charge de PERSONNE1.), la condamnation au pénal de ce dernier n’entraînant pas, ipso facto, le bien-

fondé de la demande civile de la société SOCIETE1.).

La société SOCIETE1.) se prévaut de plusieurs accords transactionnels conclus avec certains de ses clients comme preuve de son préjudice.

15 Aux termes de l’article 1165 du Code civil, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes, elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans les cas prévus par l’article 1121.

Cet article vise les effets internes des conventions, c’est-à-dire les effets découlant directement des droits et obligations générés par le contrat. Les effets internes d’un contrat ne lient que les parties et un tiers ne peut être tenu d’exécuter une obligation résultant d’un contrat auquel il n’est pas partie. Il ne peut pas non plus réclamer à son profit l’exécution d’un droit résultant d’un tel contrat.

Il s’ensuit que ces accords transactionnels versés en cause par le mandataire de la société SOCIETE1.) et auxquels PERSONNE1.) n’est pas partie, ne sauraient ni servir de base à une quelconque obligation indemnitaire à charge de PERSONNE1.), ni de preuve d’un préjudice causé par ce dernier. Le tribunal de première instance est donc à confirmer en ce qu’il a retenu que la société SOCIETE1.) ne saurait se prévaloir des accords transactionnels afin d’y asseoir sa demande civile dirigée contre PERSONNE1.).

Les versements opérés par la société SOCIETE1.) en exécution desdits accords transactionnels ne sauraient dès lors constituer la preuve ni de l’existence ni de l’ampleur du préjudice subi par la société SOCIETE1.) du fait des agissements de PERSONNE1.).

La société SOCIETE1.), étant devenue, en application des articles 1915 et suivants du Code civil, propriétaire des fonds déposés par ses clients auprès d’elle, est tenue d’une obligation de restitution de résultat desdites sommes d’argent. Il appartient donc à la société SOCIETE1.) de prouver que les infractions retenues à charge de PERSONNE1.) ont entraîné une perte de son patrimoine, lui causant ainsi un préjudice en vertu de son obligation de restitution.

Quant aux comptes bancaires de la fondation SOCIETE2.) et de la société SOCIETE3.) Il ne résulte pas du jugement sur accord du 19 novembre 2020 que les infractions retenues à charge de PERSONNE1.) en relation avec les prédits comptes aient entraîné une perte au niveau du patrimoine de la société SOCIETE1.). Il appartient donc à la société SOCIETE1.), ayant la charge de la preuve, de rapporter la preuve que les crédits, retraits et versements frauduleux, dont elle se prévaut, lui ont causé un préjudice en découlant directement. Elle omet cependant de verser la moindre preuve afférente, de sorte qu’elle reste en défaut de prouver que les prédites infractions ont entraîné une diminution de son patrimoine lui causant un préjudice en vertu de son obligation de restitution. La juridiction de première instance l’a donc, à bon droit, déboutée de ce chef de sa demande.

Concernant le préjudice allégué relatif aux frais de déplacement et d’avocat, la société SOCIETE1.) ne verse non seulement aucun document prouvant qu’elle ait subi un tel préjudice, mais n’allègue même pas à quel titre elle aurait été obligée d’exposer de tels frais. Elle est donc également à débouter de ce chef de sa demande.

Quant aux comptes bancaires des époux GROUPE1.) et de la société SOCIETE4.) Limited Il ressort du prédit jugement sur accord que PERSONNE1.) a retiré le montant de 9.000 euros du compte de la société SOCIETE4.) Limited et qu’il a utilisé cette somme pour acheter des tickets EUROMILLIONS. Ce montant est donc sorti du patrimoine de la société SOCIETE1.) qui était tenue, en vertu de son obligation de restitution, de rembourser cette somme à son 16 client. La société SOCIETE1.) a donc subi un préjudice à hauteur de 9.000 euros, de sorte qu’il y a lieu de déclarer sa demande de ce chef, contrairement au jugement a quo, fondée en principe pour le montant de 9.000 euros.

Pour le surplus, il ne résulte pas du jugement sur accord du 19 novembre 2020 que les autres infractions retenues à charge de PERSONNE1.), relatives aux prédits comptes, aient entraîné une perte du patrimoine de la société SOCIETE1.) et cette dernière ne verse aucun élément de preuve en ce sens. La société SOCIETE1.) reste donc en défaut de prouver que les prédites infractions ont entraîné une diminution de son patrimoine lui causant un préjudice en vertu de son obligation de restitution. Il y dès lors lieu de débouter la société SOCIETE1.) pour le surplus de ce chef de sa demande.

(…) Conclusion Au vu de ce qui précède, la demande de la société SOCIETE1.) est fondée en son principe à hauteur du montant de (248.000 + 9.000 + 3.000) 260.000 euros.

Or, étant donné qu’il est constant en cause que la société SOCIETE1.) a d’ores et déjà été indemnisée à hauteur de 2.000.000 euros par son assurance pour le préjudice causé par les agissements frauduleux de PERSONNE1.), le jugement est à confirmer en ce qu’il a rejeté la demande de la société SOCIETE1.), faute de préjudice à faire valoir à l’encontre de PERSONNE1.) ».

Les magistrats d’appel ont partant exposé les motifs de leur décision de rejet de la demande en indemnisation de la demanderesse en cassation.

Le moyen manque dès lors en fait, sinon est à rejeter.

Quant au deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation (subsidiaire par rapport au premier) est tiré du défaut de base légale par insuffisance de motifs au regard des articles 1382 du Code civil et 3 du Code de procédure pénale. Il est reproché aux magistrats d’appel de ne pas avoir suffisamment motivé leur décision au regard de la règle de droit applicable et d’avoir omis de constater les faits nécessaires à l’application des articles visés au moyen.

Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

En d’autres termes, il sanctionne une insuffisance des motifs de fait dans le cadre d’appréciations qui relèvent du pouvoir souverain des juges du fond. La circonstance que l’appréciation critiquée relève de ce pouvoir souverain ne constitue donc pas un obstacle à la recevabilité du grief, le cas d’ouverture ayant précisément pour finalité d’assurer le contrôle de ces appréciations. Ce contrôle ne porte, bien entendu, pas sur l’appréciation correcte des faits, qui échappe à la Cour de cassation, mais sur le point de savoir si les juges du fond ont exercé leur pouvoir souverain d’appréciation et s’ils ont à cette fin exposé les faits d’une façoncomplète de façon à permettre à la Cour de s’assurer que ce pouvoir a été exercé. Le contrôle porte donc sur le caractère suffisant de la motivation quel que soit son bien-fondé en fait1.

La demanderesse en cassation critique sous ce rapport la Cour d’appel d’avoir insuffisamment motivé les raisons pour lesquelles elle a conclu à une absence de préjudice indemnisable et de ne pas avoir analysé les pièces versées dont notamment les différents accords transactionnels conclus avec les clients/victimes qui prévoient un mécanisme de subrogation. Elle lui reproche encore de ne pas avoir examiné tous les faits pouvant caractériser l’existence d’un préjudice.

Par la motivation reprise sous le premier moyen, les magistrats d’appel ont retenu qu’il incombe à la demanderesse en cassation d’établir l’existence d’un dommage personnel causé directement par les infractions mises à charge du défendeur en cassation. Ils ont encore expliqué les raisons pour lesquelles les différents accords transactionnels ne sauraient être invoqués, ni comme base d’une obligation indemnitaire à charge du défendeur en cassation, ni comme preuve d’un préjudice subi par la demanderesse en cassation. Pour le surplus, les magistrats d’appel ont déduit des éléments de preuve leur versés (ou plutôt de l’absence de tout élément de preuve leur versé) que la demanderesse en cassation n’a pas établi que les infractions retenues à charge du défendeur en cassation aient entraîné une diminution de son patrimoine. La Cour d’appel a pu valablement en conclure, sans encourir le reproche d’une insuffisance de motifs, que la demanderesse en cassation a échoué à établir la preuve de l’existence et de l’ampleur du préjudice invoqué.

La demanderesse en cassation reste encore actuellement en défaut de préciser quels autres « faits » ou autres éléments de preuve (à part les accords transactionnels) n’auraient pas été suffisamment analysés par la Cour d’appel.

Il en suit que le deuxième moyen de cassation n’est pas fondé.

Quant au troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation (subsidiaire par rapport au premier) est tiré de la violation de la loi au regard des articles 1382 du Code civil et 3 du Code de procédure pénale.

Il est reproché aux magistrats d’appel de ne pas avoir valablement analysé si les conditions de la responsabilité civile, à savoir l’existence d’un dommage en lien causal direct avec les agissements frauduleux du défendeur en cassation étaient remplies en l’espèce.

Or, sous le couvert d’une violation des dispositions visées au moyen, ce moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation par les juges d’appel de l’existence d’un préjudice et d’une relation causale entre celui-ci et les infractions retenues, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de Votre Cour2.

1 Voir conclusions de Monsieur le Procureur général d’Etat adjoint dans le cadre de l’affaire n° CAS-2020-

00080 du registre.

2 Cass., 30 janvier 2014, n° 8/14, n° 3279 du registre ; dans le même sens par rapport au lien de causalité : Cass., 21 avril 2022, n° 55/2022 pénal, n° CAS-2021-00071 du registre ; dans le même sens par rapport au préjudice :

Cass., 23 avril 2020, n° 56/2020 pénal, n° CAS-2019-00044 du registre.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais il est non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, L’avocat général Nathalie HILGERT 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 93/24
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-06-06;93.24 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award