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13/06/2024 | LUXEMBOURG | N°101/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 13 juin 2024, 101/24


N° 101 / 2024 du 13.06.2024 Numéro CAS-2023-00142 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, treize juin deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à B-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Vi

rginie BROUNS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et ...

N° 101 / 2024 du 13.06.2024 Numéro CAS-2023-00142 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, treize juin deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à B-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Virginie BROUNS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Claude SPEICHER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué numéro 94/23 - VIII - TRAV rendu le 1er juin 2023 sous le numéro CAL-2022-00967 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 22 août 2023 par PERSONNE1.) à la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) »), déposé le 25 août 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 21 septembre 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 26 septembre 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal du travail de Diekirch avait déclaré non fondée la demande du demandeur en cassation en paiement d’une certaine somme au titre d’arriérés d’heures supplémentaires. La Cour d’appel a confirmé le jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation des articles 437 et 438 du Nouveau Code de Procédure Civile relatifs aux manquements des obligations de l'expert judiciaire André Weil dans l'exécution de sa mission (ci-après ) et de l'article 4 du Règlement (UE) modifié n° 165/2014 du Parlement Européen et du Conseil du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers.

Il est ainsi fait grief à la Cour d'appel d'avoir constaté, à l'instar du tribunal du travail, que l'expert Weil a déclaré avoir écarté les données tachygraphiques pour respecter les observations du salarié sur son projet de rapport et pour tenir compte des renseignements indiqués par le salarié sur son carnet de route, soit sur des fiches dressées unilatéralement par le salarié. En écartant les données tachygraphiques, l'expert a partant tenu compte d'éléments unilatéraux du salarié. Il appert de la comparaison entre les données tachygraphiques et les tableaux mensuels d'activité (carnets de route) établis de façon unilatérale par le salarié que les heures notées manuellement par le salarié sont propices à ce dernier ».

La Cour d'appel a retenu à l'instar du Tribunal de première instance que l'expert judiciaire avait écarté les données tachygraphiques pour respecter les observations du salarié sur son projet de rapport et pour tenir compte des renseignements indiqués par la partie demanderesse en cassation sur son carnet de route soit sur les fiches dressés unilatéralement par Monsieur PERSONNE1.) L'article 437 du NCPC précise que Le technicien commis doit accomplir 2 sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ».

L'article 438 du NCPC dispose que Le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis.

Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties.

Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique ».

Par jugement du 8 mars 2021 portant la référence n°312/21, Monsieur André Weil, demeurant à ADRESSE3.), L-ADRESSE4.) a été désigné en qualité d'expert judiciaire par le Tribunal du Travail de et à Diekirch afin d'accomplir la mission de concilier les parties si faire se peut, sinon dans un rapport écrit et motivé et de déterminer et de calculer, sur base des feuilles d'enregistrement, de la carte conducteur, des données téléchargées, des fiches de salaire, des rapports journaliers ou de tous documents à verser par les parties, la rémunération due à PERSONNE1.) pour la période allant du mois de septembre 2017 au mois de décembre 2019 inclus à titre d'heures normales, d'heures supplémentaires, d'heures prestées les jours fériés, les dimanches et la nuit, et ce en application de la loi et de la convention collective de travail pour le secteur des transports et de la logistique ; de calculer les arriérés de salaire dus, le cas échéant, de ce chef à PERSONNE1.), de dresser le décompte entre parties ».

Dans le cadre de l'exécution de sa mission, Monsieur André Weil avait pour devoir d'analyser les données enregistrées par la carte tachygraphe et reprises dans les relevés tachygraphiques.

La carte de conducteur est un instrument de travail pour le chauffeur. Il s'agit d'une carte à mémoire destinée à être utilisée sur le tachygraphe, qui permet l'identification, par le tachygraphe, du détenteur de la carte et qui permet le transfert et le stockage de données » conformément à la définition de l'article 2, paragraphe 2 d) du Règlement UE modifié n°165/2014 du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 (ci-après ). Toutes les données relatives aux temps de conduite et périodes de repos ainsi qu'aux temps de travail y sont enregistrées.

L'article 2, paragraphe 2 a) du Règlement UE définit encore le tachygraphe comme un appareil de contrôle, destiné à être installé à bord de véhicules routiers pour indiquer, enregistrer, imprimer, stocker et fournir d'une manière automatique ou semi-automatique des données sur la marche de ces véhicules y compris leur vitesse, conformément à l'article 4, paragraphe 3 et des données sur certaines périodes d'activité de leurs conducteurs ».

Les disques du tachygraphe sont de nature à indiquer que le chauffeur du camion a effectué les distances y inscrites et que les trajets aux dates et heures y indiquées ont été accomplis dans le cadre des missions attribuées au chauffeur par l'employeur avec son consentement. Ces pièces, une fois évaluées, par un expert, permettent dès lors de déterminer le nombre d'heures effectivement prestées et ensuite le nombre d'heures supplémentaires.

Cette carte est nécessaire afin de télécharger les données enregistrées par les tachygraphes numériques afin de pouvoir les conserver au siège de la société et 3 de les tenir à disposition des organes de contrôles à l'instar du stockage des feuilles d'enregistrement du tachygraphe analogique.

Tant le tachygraphe que la carte tachygraphe enregistrent des données précises et fiables concernant le conducteur, son activité et le véhicule conformément aux prescriptions de l'article 4, paragraphe 2 du Règlement.

Les tachygraphes numériques enregistrent les données suivantes tel que l'indique l'article 4 paragraphe 3 du Règlement :

• La distance parcourue et la vitesse du véhicule • La mesure du temps • Les emplacements visés à l'article 8, paragraphe 1 • L'identité du conducteur • L'activité du conducteur • Les données relatives au contrôle à l'étalonnage et à la réparation du tachygraphe y compris l'identité de l'atelier • Les évènements et les défaillances.

Le Règlement, qui régit cet appareil, s'applique dans tous les Etats membres de l'Union européenne.

Il échet de relever que depuis la mise en vigueur du Règlement européen n°561/2006 en date du 1er mai 2006, tous les véhicules mis en circulation pour la première fois à partir de cette date sur le territoire de l'Union européenne, il est désormais obligatoire d'équiper les véhicules d'un tachygraphe digital.

Le tachygraphe digital fournit des informations importantes sur le temps de conduite et de repos.

Qu'en l'espèce, l'expert judiciaire a cependant décidé d'écarter de sa mission l'analyse des données des relevés tachygraphiques, en contravention aux dispositions du Règlement et du jugement du 8 mars 2021.

Que les manquements de l'expert judiciaire peuvent être décelés dans les conclusions de son rapport d'expertise du 3 mars 2022.

Qu'à la page 6 de son rapport il écrit, Afin de tenir compte des observations de la demanderesse sur mon projet de rapport, il m’a semblé équitable de ne plus tenir compte des données tachygraphiques et de ne retenir que les heures supplémentaires notées manuellement par Monsieur PERSONNE1.) sur ses tableaux mensuels d’activité (carnet de route), ces documents semblant probants ».

4 Les données des relevés tachygraphiques auraient dû toutefois être examinées et pris en considération dans les conclusions de l’expert.

Que l'expert judiciaire disposait d'un outil informatique pour procéder notamment à l'exploitation des disques tachygraphiques, permettant de déterminer le nombre d'heures effectivement prestées et le nombre d'heures supplémentaires effectuées afin de se prononcer sur le solde redû à la partie demanderesse en cassation.

La carte tachygraphe constitue un outil de pointage du temps de travail obligatoire comme nous l'avons d'ores et déjà relevé. Les données de cette carte tachygraphe ne pouvaient pas être écartées de l'expertise au bon vouloir de l'expert judiciaire.

Que l'analyse desdits relevés tachygraphiques constituaient le fondement de l'expertise judiciaire.

Qu'en l'absence d'examen desdites données, l'expertise judiciaire est tronquée.

Que l'expert judiciaire a ainsi failli à ses obligations légales et a violé les articles 437 et 438 du Nouveau Code de Procédure Civile et l'article 4 du Règlement (UE) modifié n° 165/2014 du Parlement Européen et du Conseil du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers.

Les conclusions de l’expert judiciaire étant entachées d'illégalités, celles-ci auraient dû être rejetées.

Il s'ensuit qu'en faisant siennes les conclusions de l'expert judiciaire, la Cour d'appel a violé les textes susvisés, à savoir les articles 437 et 438 du Nouveau Code de Procédure Civile et l'article 4 du Règlement (UE) modifié n° 165/2014 du Parlement Européen et du Conseil du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiersde sorte que son arrêt encourt la cassation de ce chef. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen vise, d’une part, en tant que tiré de la violation des articles 437 et 438 du Nouveau Code de procédure civile, les obligations imposées à l’expert dans l’exercice de sa mission, et d’autre part, en tant que tiré de la violation de l’article 4 du Règlement (UE) modifié n° 165/2014 du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014, les prescriptions relatives à l’utilisation obligatoire du tachygraphe dans les véhicules de transport sur route, soit deux cas d’ouverture distincts.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

5 Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l'article 438 alinéa 3 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Suivant l'article 438 alinéa 3 du NCPC Le technicien ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique » dans le cadre de sa mission.

A la page 6 de son rapport d'expertise du 3 mars 2022, l'expert judiciaire André Weil écrit ne pas trouver dans ce dossier des éléments justifiant une intervention active de Monsieur PERSONNE1.) lors de l'ensemble des opérations de chargement/déchargement ».

Il poursuit ont été mal calculées par M. PERSONNE1.) en ce qu'il a notamment omis de déduire les temps de pause quotidiens de 0h45, ainsi que les temps de chargement/déchargement, de même que le temps parcouru pour se rendre de son lieu de travail à son domicile dans le camion de l'entreprise. Son tachygraphe ne mentionnant quasiment pas de temps de pause ou de disponibilité, cette particularité laissant présumer, dans la meilleure des hypothèses, un manque de maîtrise dans l'utilisation du tachygraphe et, dans la pire des hypothèses une utilisation volontairement erronée de cet équipement. J'ajoute ne pas trouver dans ce dossier des éléments justifiant une intervention active de Monsieur PERSONNE1.) lors de l'ensemble des opérations de chargement/déchargement.

Il serait donc loisible pour le tribunal de déduire simplement 2 heures par jour de conduite afin d'aboutir à un nombre d'heures supplémentaires réaliste (…) ».

Conformément à la loi, le temps de chargement et déchargement constitue du temps de travail rémunéré. L’article L.214-2 (2) du Code du travail le précise explicitement. Il est en de même de l’article 18 de la Convention collective pour le secteur des transports et de la logistique. Ces dispositions sont suffisamment claires et non sujettes à interprétation.

Les conclusions de l'expert suivant lesquelles il indique qu'il est d'avis qu’aucune rémunération n’est due à Monsieur PERSONNE1.) au titre des opérations de chargement / déchargement dès lors qu’il s’agit de temps de disponibilités, limité à 2 heures par jour de travail, sont erronées pour être contraire à la loi.

Dans son rapport, il peut être encore lu que la participation active de Monsieur PERSONNE1.) aux opérations de chargement et déchargement n’est pas démontrée. Ce qui justifierait selon l'expert judiciaire la déduction d’office de deux heures de travail par jour.

Les conclusions de l'expert sont contradictoires et contraires à l'article 438 du NCPC. Un expert judiciaire ne peut porter d'appréciations juridiques dans le 6 cadre de sa mission. Il est appelé à se prononcer uniquement sur les problématiques techniques qui se posent.

Par ailleurs, si les données tachygraphiques avaient été examinées, l'expert judiciaire aurait pu déterminer si l'encodage des opérations de chargement et de déchargement pouvaient être qualifiées en temps de disponibilité ou de travail. Les données enregistrées sur la carte tachygraphe répondent à ces questions conformément à l'article 4 du Règlement.

L'expert judiciaire poursuit encore à la déduction automatique de deux heures par jour de conduite sans justifier outre mesure.

L'expert judiciaire n'était en effet pas en possession de pièces qui démontreraient l’encodage de deux heures de temps de disponibilité par jour.

L'expert judiciaire ne fournit aucun élément objectif pour justifier la déduction automatique de deux heures de temps de disponibilités.

L'expert judiciaire a ainsi effectué une appréciation juridique du dossier, en violation de sa mission et ses obligations légales.

Il s'ensuit qu'en faisant siennes les conclusions de l'expert judiciaire, la Cour d'appel a violé les textes susvisés, de sorte que son arrêt encourt la cassation de ce chef. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.

Le moyen ne précise ni la partie critiquée de la décision ni en quoi les juges d’appel, qui ont par une motivation propre apprécié juridiquement les faits et éléments de preuve leur soumis, auraient violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Le troisième moyen porte sur la violation des articles L.214-2 (2) et (3) du Code du travail ainsi que l'article 446 du NCPC.

Il est fait grief à la Cour d'appel d'avoir fait une application erronée des articles L.214-2 (2) et (3) du Code du travail, en ce que la Cour d'appel a retenu que Monsieur PERSONNE1.) ne fournissait aucun document relatif aux opérations de changement et de déchargement, de sorte qu'il était impossible de déterminer si les chargements et déchargements ont été effectués par la partie demanderesse en 7 cassation ou ont nécessité sa présence, ou s'il avait reçu de l'employeur, de son représentant, de l'expéditeur ou du destinataire des marchandises des instructions/informations sur la durée prévisible de l'attente.

La Cour d'appel a ainsi qualifié le temps de chargement et de déchargement de temps de disponibilité en l'absence de base légale et a fait sienne les conclusions de l'expert judiciaire André Weil suivant lesquelles deux heures de temps de travail devaient d'office être déduites du temps de travail à titre de temps de disponibilité. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen vise, d’une part, en tant que tiré de la violation des articles L.214-

2 (2) et (3) du Code du travail, les définitions des notions de « temps de travail » et de « temps de disponibilité », et d’autre part, en tant que tiré de la violation de l’article 446 du Nouveau Code de procédure civile, la libre appréciation par le juge des conclusions de l’expert, soit deux cas d’ouverture distincts.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 1.500 euros.

Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

déboute le demandeur en cassation de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

le condamne à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 1.500 euros ;

le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation.

8 Monsieur le Président Thierry HOSCHEIT, qui a participé au délibéré, étant dans l’impossibilité de signer, la minute du présent arrêt est signée, conformément à l’article 82 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, par le conseiller le plus ancien en rang ayant concouru à l’arrêt.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du premier avocat général Sandra KERSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.

9 Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation entre PERSONNE1.) et la société anonyme SOCIETE1.) (n° CAS-2023-00142 du registre) Par un mémoire signifié le 22 août 2023 à la société anonyme SOCIETE1.) et déposé le 25 août 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Virginie BROUNS, avocat à la Cour, a formé, au nom et pour le compte de PERSONNE1.) (ci-après « PERSONNE1.) »), un pourvoi en cassation contre un arrêt rendu contradictoirement le 1er juin 2023 par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2022-00967 du rôle.

En l’absence de pièces documentant la signification de l’arrêt en question au demandeur en cassation et la recevabilité du pourvoi n’ayant pas été remise en cause quant aux délais prévus par la loi par la défenderesse en cassation, il y a lieu de présumer que l’arrêt en question n’a pas été signifié, de sorte que le pourvoi introduit est recevable au regard des délais prévus par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues dans cette loi.

Il est partant recevable.

Un mémoire en réponse a été signifié le 21 septembre 2023 à PERSONNE1.) par Maître Claude SPEICHER, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la défenderesse en cassation, la société anonyme SOCIETE1.), et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 26 septembre 2023. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

10 Sur les faits et rétroactes :

Par un jugement du 11 juillet 2022, le tribunal du travail de Diekirch avait déclaré non fondée la demande de PERSONNE1.), de profession chauffeur-routier international, tendant à voir condamner son employeur, la société anonyme SOCIETE1.), à lui payer une certaine somme au titre d’arriérés d’heures supplémentaires de travail.

La Cour d’appel, par l’arrêt entrepris par le pourvoi, a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré de la violation des articles 437 et 438 du Nouveau code de procédure civile et de l’article 4 du règlement (UE) modifié n° 165/2014 du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers.

L’article 437 du Nouveau code de procédure civile dispose :

« Le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité. » L’article 438 du même code dispose :

« Le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis.

Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties.

Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique. » L’article 4 du règlement (UE) n° 165/2014 du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers, tel que modifié par le règlement (UE) n° 2020/1054 du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 du 15 juillet 2020 dispose :

11 « Prescriptions et données à enregistrer 1. Les tachygraphes, y compris les composants externes, les cartes tachygraphiques et les feuilles d’enregistrement satisfont à des prescriptions très strictes d’ordre technique ou autre, afin que le présent règlement soit dûment mis en œuvre.

2. Les tachygraphes et les cartes tachygraphiques satisfont aux prescriptions suivantes.

Ils:

— enregistrent des données précises et fiables concernant le conducteur, son activité et le véhicule ;

— satisfont aux exigences de sécurité, afin de garantir notamment l’intégrité et la source des données enregistrées et fournies par les unités embarquées et les capteurs de mouvement ;

— respectent l’interopérabilité entre les différentes générations d’unités embarquées et les cartes tachygraphiques ;

— permettent une vérification efficace du respect du présent règlement et d’autres actes juridiques applicables ;

— disposent d’une capacité de mémoire suffisante pour stocker toutes les informations requises en vertu du présent règlement ;

— sont faciles à utiliser.

3. Les tachygraphes numériques enregistrent les données suivantes :

a) la distance parcourue et la vitesse du véhicule ;

b) la mesure du temps ;

c) les emplacements visés à l’article 8, paragraphe 1 ;

d) l’identité du conducteur ;

e) l’activité du conducteur ;

f) les données relatives au contrôle, à l’étalonnage et à la réparation du tachygraphe, y compris l’identité de l’atelier ;

g) les événements et les défaillances.

4. Les tachygraphes analogiques enregistrent au moins les données visées au paragraphe 3, points a), b) et e).

12 5. L’accès aux données stockées dans le tachygraphe et sur la carte tachygraphique peut être accordé à tout moment :

a) aux autorités de contrôle compétentes;

b) aux entreprises de transport concernées, afin qu’elles puissent s’acquitter de leurs obligations légales, notamment les obligations définies aux articles 32 et 33.

6. Le téléchargement des données est effectué dans les plus brefs délais vers les entreprises de transport ou les conducteurs.

7. Les données enregistrées par le tachygraphe susceptibles d’être transmises vers ou depuis le tachygraphe, que ce soit par voie électronique ou sans fil, sont formatées selon des protocoles accessibles publiquement, définis dans les normes ouvertes.

8. Afin de s’assurer que les tachygraphes et les cartes tachygraphiques soient conformes aux exigences et principes du présent règlement, et en particulier du présent article, la Commission arrête, au moyen d’actes d’exécution, les dispositions détaillées qui sont nécessaires à l’application uniforme du présent article, en particulier des dispositions qui prévoient les moyens techniques permettant de remplir ces exigences. Ces actes d’exécution sont adoptés conformément à la procédure d’examen visée à l’article 42, paragraphe 3.

9. Les dispositions détaillées visées au paragraphe 8 se fondent, le cas échéant, sur des normes et garantissent l’interopérabilité et la compatibilité entre les différentes générations d’unités embarquées et toutes les cartes tachygraphiques. » Aux termes de son moyen, il est fait grief à la Cour d’appel d’avoir, par confirmation du jugement de première instance, entériné les conclusions de l’expert commis alors que ce dernier n’aurait pas tenu compte, dans son expertise, des données tachygraphiques de la carte de chauffeur-routier international du demandeur en cassation. En statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel aurait violé les dispositions légales visées au moyen puisque la mission de l’expert, telle que fixée par le tribunal de travail aurait comporté la tâche de se fonder, pour le calcul de la rémunération qui était due au demandeur en cassation, sur les enregistrements tachygraphiques de sa carte conducteur. Le demandeur en cassation fait encore valoir que le règlement (UE) n° 165/2014 prescrirait de façon obligatoire que les véhicules affectés au transport par route de voyageurs ou de marchandises soient équipés de tachygraphes et qu’un tachygraphe fournirait des informations importantes sur les temps de conduite et de 13 repos. Le demandeur en cassation soutient qu’en l’absence de ces données, l’expertise judiciaire aurait été tronquée et il fait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir rejeté pour ce motif les conclusions de l’expert.

A titre principal, il est rappelé que l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose que sous peine d’irrecevabilité du moyen, chaque moyen ou chaque élément du moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture et impose dès lors au demandeur en cassation de n’invoquer qu’un seul grief par branche de moyen et l’oblige à faire autant de branches que de griefs1.

Or, en l’espèce, le moyen articule la violation de trois dispositions légales différentes, dont les deux premières sont en rapport avec l’exercice par l’expert de sa mission et la troisième concerne les prescriptions techniques des tachygraphes et cartes tachygraphiques dont doivent être pourvus les véhicules affectés au transport par route de voyageurs et de marchandises immatriculés dans un Etat membre de l’Union européenne. A l’appui du moyen, le demandeur en cassation formule deux griefs distincts, à savoir, d’une part, que la Cour d’appel aurait entériné le rapport de l’expert qui en écartant les données tachygraphiques n’aurait pas respecté le cadre de la mission judiciaire qui lui a été confiée et, d’autre part, qu’en entérinant ce rapport, la Cour d’appel aurait violé un règlement européen qui prescrirait de façon obligatoire l’utilisation du tachygraphe sur les véhicules de transport routier.

Il en suit qu’à titre principal, le soussigné conclut à voir dire que le moyen est irrecevable pour constituer un moyen complexe.

A titre subsidiaire, il est rappelé que c’est au demandeur en cassation qu’incombe la charge de la preuve de justifier de la recevabilité du moyen qu’il présente, et par conséquent, d’établir son défaut de nouveauté s’il ne résulte pas des énonciations de la décision attaquée ou du dépôt de conclusions devant les juges d’appel.

En l’espèce, il ne résulte ni de l’arrêt entrepris, ni des pièces auxquelles le soussigné peut avoir égard, que le demandeur en cassation ait soulevé devant les juges du fond le moyen de la violation des articles 437 et 438 du Nouveau Code de procédure civile et de l’article 4 du règlement (UE) modifié n° 165/2014 du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 en rapport avec le grief fait à l’expert de ne pas avoir respecté le cadre de la mission tel que fixé par les juges de première instance dans un jugement avant-dire droit du 8 mars 2021, respectivement le grief tiré de la violation 1 P.ex. Cass. 24 juin 2011, n° 2859 du registre.

14 d’un règlement européen qui prescrit l’utilisation obligatoire du tachygraphe dans les véhicules de transport sur route.

Devant les juges d’appel, le demandeur en cassation n’a soulevé le grief fait à l’expert de ne pas avoir tenu compte des données tachygraphiques qu’en rapport avec un moyen fondé sur la violation de l’article 437 du Nouveau code de procédure civile qui impose au technicien d’accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.

Le moyen fondé sur le grief que l’expert, en écartant les données issues d’un tachygraphe, n’aurait pas respecté le cadre de sa mission judiciaire et aurait méconnu un règlement européen qui impose d’équiper les véhicules de transports routiers d’un tachygraphe, violant en cela les dispositions légales visées au moyen, est un grief différent de celui formulé devant les juges d’appel en rapport avec le seul article 437 du Nouveau code de procédure civile.

Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen est nouveau et dans la mesure où il est mélangé de droit et de fait, en ce qu’il comporte un examen des faits à l’effet de déterminer quelle était la mission confiée à l’expert et si le règlement (UE) modifié n° 165/2014 est applicable aux faits de l’espèce, il est à déclarer irrecevable.

A titre plus subsidiaire, il résulte de l’arrêt entrepris que les juges de première instance avaient chargé l’expert de la mission :

« - de déterminer et de calculer, sur base des feuilles d’enregistrement, de la carte conducteur, des données téléchargées, des fiches de salaire, des rapports journaliers ou de tous documents à verser par les parties, la rémunération due à PERSONNE1.) pour la période allant du mois de septembre 2017 au mois de décembre 2019 inclus à titre d’heures normales, d’heures supplémentaires, d’heures prestées les jours fériés, les dimanches et la nuit, et ce en application de la loi et de la convention collective de travail pour le secteur des transports et de la logistique ;

- calculer les arriérés de salaire dus, le cas échéant, de ce chef à PERSONNE1.) ;

- dresser le décompte entre parties ; » Il en résulte que l’expert judiciaire avait pour mission de fixer, conformément à la loi et la convention collective applicables, la rémunération due à PERSONNE1.) pour 15 son service auprès de son employeur au cours de la période considérée. Pour ses calculs, il était expressément permis à l’expert de se fonder sur les feuilles d’enregistrement, la carte conducteur, les données téléchargées, fiches de salaire, rapports journaliers ou de tous documents à verser par les parties2.

L’arrêt entrepris est motivé comme suit sur le point considéré :

« PERSONNE1.) reproche ensuite à l’expert Weil de n’avoir délibérément pas tenu compte des relevés tachygraphiques pour le calcul du salaire.

En l’espèce, l’expert Weil a indiqué à la page cinq de son rapport du 3 mars 2022 qu’: « afin de tenir compte des observations de la demanderesse sur mon projet de rapport, il m’a semblé équitable de ne plus tenir compte des données tachygraphiques et de ne retenir que les heures supplémentaires notées manuellement par Monsieur PERSONNE1.) sur ses tableaux mensuels d’activité (carnet de route), ces données semblant probants ».

La Cour constate, à l’instar du tribunal du travail, que l’expert Weil a déclaré avoir écarté les données tachygraphiques pour respecter les observations du salarié sur son projet de rapport et pour tenir compte des renseignements indiqués par le salarié sur son carnet de route, soit sur des fiches dressées unilatéralement par le salarié. En écartant les données tachygraphiques, l’expert a partant tenu compte d’éléments unilatéraux du salarié. Il appert de la comparaison entre les données tachygraphiques et les tableaux mensuels d’activité (carnets de route) établis de façon unilatérale par le salarié que les heures notées manuellement par le salarié sont propices à ce dernier.

Le rapport d’expertise étant sur ce point en faveur du salarié, le reproche tiré du défaut d’objectivité de l’expert est également à rejeter. » Il en suit que l’expert s’est fondé sur le carnet de route du demandeur en cassation pour effectuer ses calculs et a écarté les données tachygraphiques. Or, dans la mesure où, d’une part, il n’avait pas été prescrit à l’expert de se fonder nécessairement, voire exclusivement sur les données tachygraphiques pour ses calculs et que le carnet de route peut être qualifié de rapport journalier, sinon de document versé par les parties au sens de l’énumération faite par les juges de première instance au titre des moyens auxquels l’expert peut avoir égard pour accomplir sa mission, et, d’autre part, que le règlement (UE) modifié n° 165/2014 ne prescrit pas que pour l’expertise menée en 2 Souligné par le soussigné.

16 cause, il doit nécessairement être tenu compte des données tachygraphiques, les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions visées au moyen en entérinant les conclusion de l’expert, qui pour accomplir ses calculs, s’est fondé sur le carnet de route du demandeur en cassation.

Il en suit qu’à titre plus subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 438, alinéa 3 du Nouveau code de procédure civile qui se lit comme suit :

« Le technicien ne doit jamais porter d’appréciations d’ordre juridique ».

Aux termes de ce moyen, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir entériné les conclusions de l’expert judiciaire alors même que celui-ci aurait, dans le cadre de l’exécution de sa mission, porté des appréciations juridiques, violant en cela la disposition légale visée au moyen.

En l’espèce, il ne résulte ni de l’arrêt entrepris, ni des pièces auxquelles le soussigné peut avoir égard, que la demanderesse en cassation ait soulevé devant les juges du fond le moyen de la violation de l’article 438, alinéa 4 du Nouveau Code de procédure civile en faisant grief à l’expert aurait porté des appréciations d’ordre juridique dans le cadre de l’exécution de sa mission.

Il en suit que le moyen est nouveau et que dans le mesure où il est mélangé de droit et de fait, en ce qu’il comporte un examen des faits à l’effet de déterminer si l’expert a porté des appréciations d’ordre juridique, il est à déclarer irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation des articles L.214-2 (2) et (3) du Code du travail ainsi que de l’article 446 du Nouveau code de procédure pénale.

Aux termes de ce moyen, il est fait grief à la Cour d’appel d’avoir fait une application erronée des dispositions légales visées au moyen, en ce qu’elle a retenu que « PERSONNE1.) ne fournit aucun document concernant les opérations de chargement et de déchargement, de sorte qu’il est impossible de déterminer si les 17 chargements et déchargements ont été effectués par le salarié ou ont nécessité sa présence, ou s’il avait reçu de l’employeur, de son représentant, de l’expéditeur ou du destinataire des marchandises des instructions/informations sur la durée prévisible de l’attente. » En statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel aurait ainsi, selon le demandeur en cassation, « qualifié le temps de chargement et de déchargement de temps de disponibilité en l’absence de base légale » et aurait « fait siennes les conclusions de l’expert judiciaire […] suivant lesquelles deux heures de temps de travail devaient d’office être déduites du temps de travail à titre de temps de disponibilité. » L’article 214-2 (2) du Code de travail, reproduit in extenso dans la motivation de l’arrêt entrepris, définit le temps de travail. Aux termes de cette disposition légale, font partie du temps du travail « le chargement et le déchargement » et « les périodes durant lesquelles le salarié mobile ne peut disposer librement de son temps et est tenu de se trouver à son poste de travail, prêt à entreprendre son travail normal, assurant certaines tâches associées au service, notamment les périodes d’attente de chargement ou de déchargement, lorsque leur durée prévisible n’est pas connue à l’avance, c’est-à-dire soit avant le départ ou juste avant le début effectif de la période considérée, soit selon les conditions générales négociées entre les partenaires sociaux ».

En ce qui concerne précisément ces périodes d’attente de chargement ou de déchargement, l’article 18.1.5 de la convention collective applicable, également reproduit dans l’arrêt entrepris, prévoit que « La durée normalement prévisible, notamment pour une opération de chargement ou de déchargement de marchandises durant laquelle le salarié n’exerce aucune activité reprise ci-dessus, est de 2 heures, et ne sont pas considérées comme heures de travail, sauf si juste avant le début effectif de la période d’attente, le salarié – soit a reçu une instruction ou information autre de la part de son employeur ou, sans préjudice des dispositions du règlement d’ordre interne, de son représentant, du destinataire ou de l’expéditeur des marchandises ou de leur agent, ou de toute autre personne pouvant exercer un pouvoir d’autorité sur le salarié, – soit peut se référer à des informations normalement disponibles. » Les juges d’appel ont encore cité l’article 20.1.5 de la convention collective applicable qui prévoit que fait partie du temps de disponibilité, « les deux premières heures d’une période d’attente lors du chargement et du déchargement, sauf si le salarié a reçu une instruction ou une information de la part de son employeur ou […] de son représentant, du destinataire ou de l’expéditeur des marchandises ou de 18 leur agent, ou de toute autre personne pouvant exercer un pouvoir d’autorité sur le salarié, ou s’il peut se référer à des informations normalement disponibles sur la durée prévisible de l’attente. » En l’espèce, il ressort de l’arrêt entrepris que le demandeur en cassation avait reproché « à l’expert d’avoir effectué le calcul des heures supplémentaires sur base de ses propres carnets de route, soutenant que ce calcul ne saurait être juste, puisqu’il a[urait] enlevé lui-même, à la demande de l’employeur, deux heures par jour. » Le demandeur en cassation avait fait valoir « que ces heures, correspondant à des heures d’attente, constitu[erai]ent cependant du temps de travail, étant donné qu’il n’aurait pas pu disposer librement de son temps et aurait dû rester dans le camion ou le charger/décharger. Aucune réduction des heures ne devrait partant être effectuée à ce titre. » La Cour d’appel avait rejeté ce moyen en considérant que :

« A l’instar de l’expert Weil, la Cour constate que PERSONNE1.) ne fournit aucun document concernant les opérations de chargement et de déchargement, de sorte qu’il est impossible de déterminer si les chargements et déchargements ont été effectués par le salarié ou ont nécessité sa présence, ou s’il avait reçu de l’employeur, de son représentant, de l’expéditeur ou du destinataire des marchandises des instructions/informations sur la durée prévisible de l’attente.

Ainsi, les affirmations de PERSONNE1.) consistant à soutenir que l’employeur aurait exigé de tous les chauffeurs de déduire d’office et au préalable deux heures de leur temps de travail et que, se trouvant dans un lien de subordination, il se serait vu contraint de déduire deux heures de « disponibilité » alors que cette inscription ne correspondait pas à la réalité, ne se trouvent pas établies en cause. Il en est de même de l’affirmation que les chauffeurs routiers se trouveraient rarement dans une situation de « disponibilité » puisque la nature même de la fonction de chauffeur routier impliquerait qu’il soit souvent amené à devoir charger et décharger la marchandise, nettoyer et entretenir le camion et prendre toutes les dispositions nécessaires liées à la sécurité du véhicule. » Par ces motifs, la Cour d’appel a considéré, en application des dispositions de l’article 214-2 (2) du Code de travail et des articles 18.1.5 et 20.1.5 de la convention collective applicable, que le demandeur en cassation ne pouvait se prévaloir de la période de temps en rapport avec les opérations de chargement et de déchargement au titre de temps de travail, alors qu’il n’avait établi ni qu’il avait effectué lui-même les chargements et déchargements, ni que sa présence eusse été nécessaires pour ces 19 opérations, ni qu’il avait reçu de son employeur ou de toute autre personne pouvant exercer un pouvoir d’autorité sur lui, une instruction ou information reçu sur la durée prévisible de l’attente.

Le moyen en ce qu’il fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir reconnu le temps en rapport avec les opérations de chargement et de déchargement au titre de temps de travail du demandeur en cassation, ne tend en réalité qu’à remettre en discussion, sous le couvert du cas d’ouverture de la violation des dispositions légales visées au moyen, l’appréciation par la Cour d’appel des faits et éléments de preuve, en ce qu’elle a considéré que le demandeur en cassation n’avait pas établi, au vu des conditions posées par la loi et la convention collective applicable, que le temps en rapport avec les opérations de chargement et de déchargement était à admettre au titre de temps de travail du demandeur en cassation, cette appréciation relevant du pouvoir souverain des juges du fond qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n’est pas fondé.

Pour le procureur général d’Etat, Le premier avocat général, Marc HARPES 20


Synthèse
Numéro d'arrêt : 101/24
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-06-13;101.24 ?

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