N° 121 / 2024 pénal du 11.07.2024 Not. 13365/22/CD Numéro CAS-2023-00171 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, onze juillet deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Nigéria), demeurant à F-
ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 25 octobre 2023 sous le numéro 353/23 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 16 novembre 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation déposé le 7 décembre 2023 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions de l’avocat général Anita LECUIT.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné le demandeur en cassation du chef d’infractions à la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis partiel et à une amende. La Cour d’appel a confirmé le jugement quant aux peines.
Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 626 alinéa 2 du Code de procédure pénale, En ce que la décision attaquée a décidé que PERSONNE1.) ne bénéficierait que d’un sursis de 12 mois sur la peine d’emprisonnement de 24 mois prononcée dans les liens des infractions aux articles 8.1.a) et 8.1.b) de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, Aux motifs qu’aucune évolution au niveau des aveux de PERSONNE1.) ne serait intervenue, que le sursis partiel de 12 mois sanctionnerait de manière adéquate les faits, Selon les conditions de l’article 626 alinéa 2 du Code de procédure pénale concernant le sursis à l’exécution des peines, est exclue le sursis à l’égard des personnes physiques si, avant le fait motivant sa poursuite, le délinquant a été l’objet d’une condamnation devenue irrévocable, à une peine d’emprisonnement correctionnel ou à une peine plus grave du chef d’infraction de droit commun, Que PERSONNE1.) n’a pas encore subi, jusqu’à ce jour, de condamnation excluant le sursis à l’exécution des peines, Que les juges d’appel n’ont pas tenu compte du fait que PERSONNE1.) fait actuellement preuve d’un repentir actif et sincère, qu’il a été libéré provisoirement depuis plus de 20 mois et que pendant ce temps, aucune nouvelle infraction n’a été commise, Qu’une nouvelle détention serait , de sorte qu’un sursis intégral serait la peine adéquate eu l’espèce, Que c’est à tort que les juges d’appel ont retenu qu’une peine d’emprisonnement assortie du sursis intégral n’est pas suffisante pour mettre fin aux agissements délictuels et qu’une peine d’emprisonnement de 24 mois dont 12 mois de sursis sanctionnerait de manière adéquate les faits, Que l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».
2 Réponse de la Cour La disposition visée au moyen, qui ne prévoit pas un droit au sursis intégral, concerne les cas dans lesquels le sursis à l’exécution des peines est exclu. Elle est étrangère au grief formulé, le demandeur en cassation ayant bénéficié d’un sursis partiel.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 4 euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, onze juillet deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du premier avocat général Serge WAGNER et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre Ministère Public (CAS-2023-00171 du registre) Par déclaration faite le 16 novembre 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre un arrêt n°353/23 X rendu contradictoirement le 25 octobre 2023 par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle.
Cette déclaration de recours a été suivie le 7 décembre 2023 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour.
Le pourvoi, dirigé contre un arrêt qui a statué de façon définitive sur l’action publique, a été déclaré dans la forme et le délai de la loi. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans la forme et le délai y imposés.
Il en suit que le pourvoi est recevable.
Faits et rétroactes Par jugement numéro n°863/2023, du 23 mars 2023, rendu contradictoirement par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, PERSONNE1.) a été condamné au pénal du chef d’infractions aux articles 8.1 a), 8.1 b) et 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, à une peine d’emprisonnement de 24 mois dont 12 mois assortis du sursis intégral, à une peine d’amende de 1.500,- EUR, àla confiscation de différents objets ayant servi à commettre l’infraction ainsi qu’aux frais de sa poursuite pénale.
Sur appel de PERSONNE1.) et du procureur d’Etat de Luxembourg, la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en chambre correctionnelle a, par arrêt n°353/23 X rendu le 25 octobre 2023, reçu les appels en la forme, dit l’appel de PERSONNE1.) non fondé, dit l’appel du ministère public partiellement fondé, rectifié le libellé de l’infraction sub 3) conformément à la motivation de l’arrêt, et, pour le surplus, confirmé le jugement entrepris.
Quant à l’unique moyen de cassation tiré de la « violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 626 alinéa 2 du Code de procédure pénale , En ce que la décision attaquée a décidé que PERSONNE1.) ne bénéficierait que d’un sursis de 12 mois sur la peine d’emprisonnement de 24 mois prononcée dans les liens des infractions aux articles 8.1.a) et 8.1.b) de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, Aux motifs qu’aucune évolution au niveau des aveux de PERSONNE1.) ne serait intervenue, que le sursis partiel de 12 mois sanctionnerait de manière adéquate les faits, Selon les conditions de l’article 626 alinéa 2 du code de procédure pénale concernant le sursis à l’exécution des peines, est exclu le sursis à l’égard des personnes physiques si, avant le fait motivant sa poursuite, le délinquant a été l’objet d’une condamnation devenue irrévocable, à une peine d’emprisonnement correctionnel ou à une peine plus grave du chef d’infraction de droit commun, Que PERSONNE1.) n’a pas encore subi, jusqu’à ce jour, de condamnation excluant le sursis à l’exécution des peines, Que les juges d’appel n’ont pas tenu compte du fait que PERSONNE1.) fait actuellement preuve d’un repentir actif et sincère, qu’il a été libéré provisoirement depuis plus de 20 mois et que pendant ce temps, aucune nouvelle infraction n’a été commise, Qu’une nouvelle détention serait « contreproductive », de sorte qu’un sursis intégral serait la peine adéquate eu l’espèce, Que c’est à tort que les juges d’appel ont retenu qu’une peine d’emprisonnement assortie du sursis intégral n’est pas suffisante pour mettre fin aux agissements délictuels et qu’une peine d’emprisonnement de 24 mois dont 12 mois de sursis sanctionnerait de manière adéquate les faits, 5 Que l’arrêt entrepris encourt la cassation » A titre liminaire, la soussignée entend relever que la lecture du moyen ne permet pas de déceler aisément quel est précisément, au regard de l’article 626 alinéa 2 du Code de procédure pénale, le reproche adressé à la Cour d’appel. Autrement exprimé, le moyen, tel que présenté, ne permet pas de saisir de manière univoque en quoi les magistrats du fond auraient violé l’article 626 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
Au vu de ces considérations, la soussignée se rapporte à la sagesse de votre Cour en ce qui concerne l’exigence de précision du premier moyen de cassation.
Si Votre Cour déclare le moyen recevable d’un point de vue formel, il est proposé de dégager la quintessence du grief formulé.
A bien comprendre, le demandeur en cassation semble considérer que, dans la mesure où le sursis n’était pas exclu à son égard, les juges du fond auraient dû tenir compte de ce qu’il aurait « fait preuve d’un repentir actif et sincère», qu’il aurait été « libéré provisoirement depuis plus de 20 mois et que pendant ce temps, aucune nouvelle infraction n’aurait été commise » et «qu’une nouvelle détention serait « contreproductive » », pour en venir à la conclusion « qu’un sursis intégral serait la peine adéquate eu l’espèce ».
C’est donc à partir de l’article 626 alinéa 2 du Code de procédure pénale, que le demandeur en cassation reproche, en substance, à la Cour d’appel de ne pas avoir assorti sa peine d’emprisonnement d’un sursis intégral, alors même qu’elle en aurait légalement eu la possibilité et que, d’après lui, ce choix aurait été plus adapté et plus juste au regard de la personnalité, du comportement et de la situation du prévenu.
L’article 626 alinéa 2 du code de procédure pénale dispose que «le sursis est exclu à l’égard des personnes physiques si, avant le fait motivant sa poursuite, le délinquant a été l’objet d’une condamnation devenue irrévocable, à une peine d’emprisonnement correctionnel ou à une peine plus grave du chef d’infraction de droit commun ».
Il découle des termes clairs de l’article 626 alinéa 2 du Code de procédure pénale que cette disposition détermine les conditions auxquelles l’octroi d’un sursis est exclu.
Dans la mesure où le demandeur en cassation ne tombe cependant pas sous ces conditions, que le sursis n’était pas exclu dans son cas, que sa peine d’emprisonnement a d’ailleurs été assortie d’un sursis, la disposition visée est étrangère au grief formulé au moyen.
Il en suit que le moyen est irrecevable.
A titre subsidiaire on pourrait cependant tout aussi bien considérer que le moyen manque en fait.
Cette analyse se fonde sur le constat qu’à la lecture du moyen on comprend que le demandeur en cassation fait valoir que les juges du fond auraient confirmé le jugement de première instance en retenant « qu’aucune évolution au niveau des aveux de PERSONNE1.) ne serait intervenue, que le sursis partiel de 12 mois sanctionnerait de manière adéquate les faits ». En effet, les deuxième et troisième paragraphes du moyen sont non équivoques à cet égard au vu des termes employés, « En ce que la décision attaquée a décidé que […], Aux motifs qu’aucune évolution […] » Or, ce que le demandeur en cassation critique au titre de la motivation des juges d’appel, est en réalité l’argumentation tenue par le Ministère Public qui a été reproduite par les juges du fond, mais que ces derniers n’ont pas repris à leur compte dans le cadre de la motivation de leur arrêt.
Ainsi, la Cour d’appel a d’abord exposé les arguments du Ministère Public et du prévenu en ces termes, « […] Son mandataire expose qu’appel a été interjeté en raison de la peine. Il explique que son mandant ferait actuellement preuve d’un repentir actif et sincère, qu’il aurait été libéré provisoirement depuis plus de 20 mois, qu’une nouvelle détention serait « contreproductive », de sorte qu’il y aurait lieu d’assortir la peine d’emprisonnement prononcée du sursis intégral.
Le représentant du ministère public conclut à la confirmation du jugement entrepris, étant donné qu’aucune évolution au niveau des aveux du prévenu ne serait intervenue.
La peine d’emprisonnement de 24 mois dont 12 mois de sursis sanctionnerait de manière adéquate les faits ».1 La Cour d’appel a ensuite motivé sa décision comme suit, « C’est à bon droit et pour de justes motifs, que la juridiction de première instance a retenu que compte tenu de la multiplicité des faits, de l’absence de prise de conscience, de repentir sincère et du risque de récidive résultant de l’absence d’occupation professionnelle rémunérée du prévenu, une peine d’emprisonnement assortie du sursis intégral n’est pas suffisante pour mettre fin à ses agissements délictuels et qu’un sursis partiel a été prononcé. »2 1 Arrêt attaqué, page 12, paragraphes 4 et 5 2 Arrêt attaqué, page 13, paragraphe 5Le moyen procède dès lors d’une mauvaise lecture de l’arrêt entrepris, de sorte qu’il manque en fait.
A titre plus subsidiaire on pourrait encore admettre qu’en vérité, sous couvert du grief tiré de l’article 626 alinéa 2 du Code de procédure pénale, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion la décision de la Cour d’appel d’avoir, par confirmation du jugement de première instance, condamné le demandeur en cassation à une peine d’emprisonnement de 24 mois, dont 12 mois assortis du sursis, décision qui relève cependant du pouvoir d’appréciation souverain des juges du fond et échappe au contrôle de Votre Cour.
Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.
Conclusion Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Anita Lecuit 8