N° 56 / 2025 du 27.03.2025 Numéro CAS-2024-00130 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.
Composition:
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le ou les gérant(s), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître David YURTMAN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et la société anonyme SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Christian BOCK, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
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Vu l’arrêt attaqué numéro 82/24-IV-COM rendu le 7 mai 2024 sous le numéro CAL-2023-00968 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 1er août 2024 par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) à la société anonyme SOCIETE2.), déposé le 19 août 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 5 septembre 2024 par la société SOCIETE2.) à la société SOCIETE1.), déposé le 10 septembre 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions de l’avocat général Christian ENGEL ;
Entendu Maître Gwendoline BELLA-TCHOUNGUI FRECH, en remplacement de Maître David YURTMAN, et Maître Luca GOMES, en remplacement de Maître Christian BOCK, en leurs plaidoiries et Madame Joëlle NEIS, avocat général, en ses conclusions.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, avait condamné la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation une certaine somme du chef de factures et de retenues de garantie et avait déclaré non fondée la demande reconventionnelle en indemnisation du chef de vices et malfaçons. La Cour d’appel a confirmé le jugement.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon mauvaise application, sinon mauvaise interprétation de l’article 109 du Code de Commerce Première Branche En ce que l’arrêt attaqué a retenu l’application du principe de la facture acceptée tiré des termes de l’article 109 du Code de Commerce pour confirmer le jugement entrepris et prononcer la condamnation de SOCIETE1.) au paiement des montants réclamés, 2 Alors que les montants réclamés n’étaient pas des soldes de factures impayées mais correspondaient au montant des retenues de garantie opérée conformément aux engagements contractuels pour garantir la parfaite exécution des travaux mis à charge de SOCIETE2.), de sorte que le principe de la facture acceptée ne pouvait pas trouver à s’appliquer.
Seconde Branche En ce que l’arrêt attaqué a retenu que SOCIETE1.) n’invoque pas de contestations précises et circonstanciées dirigées contre les réclamées, survenues dans un bref délai, de sorte que la présomption tirée de l’article 109 du Code de Commerce joue, Alors que dans la mesure où les montants réclamés consistaient en des retenues de garantie, aucune contestation n’avait vocation à intervenir dans un bref délai à réception des factures, mais ne pouvaient intervenir qu’après connaissance par le client du fait que les travaux exécutés ne l’avaient pas été conformément aux règles de l’art. ».
Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies Le moyen, pris en ses deux branches, procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
Les juges d’appel ont retenu « Le décompte de la demanderesse, tel que repris dans le Jugement, s’établit comme suit :
Facture Montant total TTC Retenue de garantie Montant TTC hors retenue de garantie Facture Montant total Retenue de Montant TTC garantie TTC hors retenue de garantie n°NUMERO3.) 50.819,41 4.378,57 46.440,84 n°NUMERO4.) 5.271,32 454,17 4.817,15 n°NUMERO5.) 387,27 / 387,27 n°NUMERO6.) 3.292,31 283,66 3.008,65 n°NUMERO7.) 2.397,31 206,55 2.190,76 3n°NUMERO8.) / 1.118,80 / Total 62.167,62 6.441,75 56.844,67 Se basant sur un courrier de SOCIETE2.) du 5 novembre 2019 à son adresse, comprenant une demande de pour le montant de 63.286 euros, SOCIETE1.) fait grief au Tribunal d’avoir admis que la demande de SOCIETE2.) visait tant des factures impayées que des restitutions de garantie.
Elle entend déduire dudit courrier, en ce qu’il fait uniquement état d’une la preuve du paiement des factures pour le surplus.
En application de l’article 1315 alinéa 2 du Code civil, prétend libéré d’une obligation, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».
La Cour constate que le courrier de SOCIETE1.) du 5 novembre 2019 comporte un relevé des factures visées détaillant les soldes ouverts, ainsi que les retenues de garanties.
Au vu de ces indications précises, c’est à bon droit que le Tribunal a retenu que l’indication, dans le courrier du 5 novembre 2019, que la demande visait la pour le montant total de 63.286.44 euros, était erronée mais ne portait pas à conséquence.
Cette indication erronée ne suffit pas pour établir le paiement intégral des factures, sous la seule réserve des retenues de garanties.
Ce paiement est même contredit par le courriel postérieur de SOCIETE1.) du 13 octobre 2020 promettant que .
C’est dès lors à juste titre que le Tribunal a d’abord analysé la demande en paiement des cinq factures de SOCIETE2.) d’un montant total de 56.844,67 euros (montants ttc hors retenue de garantie).
La Cour fait siens les développements exhaustifs des juges de première instance relatifs au principe de la facture acceptée déduit de l’article 109 du Code de commerce.
SOCIETE1.) n’invoque pas, en instance d’appel, de contestations précises et circonstanciées dirigées contre les factures réclamées, survenues dans un bref délai.
4La présomption simple de créance résultant du principe de la facture acceptée s’applique dès lors.
Cette présomption n’a pas été contredite ni renversée en instance d’appel, SOCIETE1.) soutenant mais n’établissant pas avoir payé les factures qui lui sont réclamées.
Afin d’être complet, la Cour relève la contestation, par l’appelante, du , au motif que cette facture comprend les factures n° 1 à 15 et que la facture n° 15 ne serait dès lors pas due.
Or, dans la mesure où SOCIETE1.) n’établit pas avoir réglé la facture n°15 ni aucune des autres factures qui lui sont réclamées, cette contestation est à rejeter.
C’est dès lors à juste titre que la demande principale du chef de factures impayées a été accueillie en première instance pour le montant de 56.844,67 euros, outre les intérêts à partir de la mise en demeure. ».
Concernant le montant réclamé au titre des retenues de garantie, ils ont retenu « Ainsi que le Tribunal l’a relevé, déjà à l’époque du rapport d’expertise Kintzelé de 2019, les appartements et commerces étaient, en grande partie, occupés, et il résultait de l’assignation en justice introduite le 19 mars 2021 par les copropriétaires contre SOCIETE1.) que chacun avait payé l’intégralité du prix de son appartement et que les clés leur avaient été remises.
A ces faits, de nature à établir la réception des travaux par les copropriétaires, il y a lieu d’ajouter qu’aucun défaut d’achèvement ou vice concret subsistant actuellement, imputable à SOCIETE2.), n’a été démontré ni même invoqué par SOCIETE1.).
Au vu de ces éléments et sans qu’il n’y ait lieu d’ordonner une expertise, la Cour retient que c’est à juste titre que le Tribunal a dit que SOCIETE1.) n’était plus en droit de faire des retenues sur les factures à titre de garantie.
Il y a dès lors lieu de confirmer le Jugement en ce qu’il a fait droit à la demande pour le montant en principal de 6.441,75 euros, outre les intérêts à partir de la mise en demeure. ».
Au vu des éléments de preuve qui leur ont été soumis, les juges d’appel ont souverainement constaté que la défenderesse en cassation réclamait le paiement de deux montants, l’un au titre du paiement de plusieurs factures et l’autre au titre du paiement de retenues de garantie. La demanderesse en cassation n’ayant pas établi avoir contesté les factures dans un bref délai ni les avoir payées, ils ont déclaré la demande en paiement des factures fondée sur base du principe de la facture acceptée.
La demande en paiement des retenues de garantie a ensuite été déclaré fondée, non 5pas sur base du principe de la facture acceptée, mais au motif que la demanderesse en cassation n’avait ni établi ni même invoqué l’existence d’un vice concret ou d’un défaut d’achèvement justifiant le non-paiement des retenues de garantie.
Il s’ensuit que le moyen manque en fait.
Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon mauvaise application, sinon mauvaise interprétation de l’article 1134 du Code Civil En ce que l’arrêt attaqué a appliqué strictement les termes de l’article 109 du Code de Commerce, sans tenir compte des engagements contractuels qui font loi entre les parties, Alors qu’il était constant en cause que les parties étaient liées par un contrat d’entreprise et que SOCIETE2.) s’était engagée à effectuer les travaux requis conformément aux règles de l’art et que pour garantir la bonne exécution desdits travaux, les parties s’étaient entendues sur la rétention d’un pourcentage de 10 % du marché jusqu’à réalisation des travaux suivant les règles de l’art. ».
Réponse de la Cour Il résulte de la réponse donnée au premier moyen que les juges d’appel n’ont pas fait application du principe de la facture acceptée concernant le montant réclamé au titre des retenues de garantie, mais ont, par une appréciation souveraine, retenu que la demanderesse en cassation n’avait pas établi l’existence d’un vice concret ou d’un défaut d’achèvement justifiant le non-paiement des retenues de garantie.
Il s’ensuit que le moyen manque en fait.
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux frais et dépens de l’instance, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à déclarer non fondée.
Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 4.500 euros.
6 PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
rejette la demande de la demanderesse en cassation en paiement d’une indemnité de procédure ;
condamne la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 4.500 euros ;
la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Anita LECUIT et du greffier Daniel SCHROEDER.
7Conclusions du Parquet Général dans le cadre du pourvoi en cassation SOCIETE1.) s.à r.l.
c/ SOCIETE2.) S.A.
(affaire n° CAS-2024-00130 du registre) Le pourvoi de la partie demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 19 août 2024, d’un mémoire en cassation, signifié le 1er août 2024 à la partie défenderesse en cassation, est dirigé contre un arrêt n° 82/24 IV-COM rendu contradictoirement le 7 mai 2024 par la Cour d’appel dans la cause inscrite sous le rôle n° CAL-2023-00968.
Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai1 et la forme2.
Il est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Il s’ensuit que le pourvoi est recevable sous les différents aspects que revêt cette notion.
Sur le litige La société SOCIETE2.) S.A. a réalisé des travaux de chauffage et d’installations sanitaires pour la société SOCIETE1.) s.à r.l. dans le cadre d’un projet immobilier à ADRESSE3.). La société SOCIETE2.) S.A. a réclamé le paiement de factures et de retenues de garantie, pour un total de 76.769,06 euros.
En première instance, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, a condamné, par jugement du 12 juillet 2023, la société SOCIETE1.) s.à r.l. à payer le montant de 63.286,42 euros à la société SOCIETE2.) S.A., avec les intérêts de retard.
La demande reconventionnelle de la société SOCIETE1.) s.à r.l., qui réclamait des dommages et intérêts pour vices et malfaçons à hauteur de 40.617 euros, a été rejetée.
La société SOCIETE1.) s.à r.l. a relevé appel de ce jugement en date du 8 septembre 2023, demandant à être déchargée des condamnations et réitérant sa demande en dommages et intérêts pour vices et malfaçons, tout en l’augmentant au montant de 75.772 euros.
1 Il résulte des pièces versées par la partie demanderesse en cassation que l’arrêt attaqué du 7 mai 2024 lui a été signifié le 20 juin 2024 par la partie défenderesse en cassation.
2 La demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié aux défendeurs en cassation antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités imposées par l’article 10 de la loi précitée de 1885 ont été respectées.
8Dans l’arrêt confirmatif attaqué du 7 mai 2024, la Cour d’appel a constaté que la société SOCIETE1.) s.à r.l. n’avait pas fourni de preuve de paiement des factures réclamées par la société SOCIETE2.) S.A. à hauteur de 56.844,67 euros. Elle a confirmé que les factures (hors retenues de garantie) étaient présumées acceptées par application de l’article 109 du code de commerce et que cette présomption n’avait pas été renversée par la société SOCIETE1.) s.à r.l.
De plus, la Cour a confirmé que les retenues de garantie à hauteur de 6.441,75 euros devaient être libérées, aux motifs que dès le rapport d’expertise Kintzelé de 2019, il était constaté que les appartements et commerces étaient majoritairement occupés, que l’assignation en justice des copropriétaires contre la société SOCIETE1.) s.à r.l., introduite le 19 mars 2021, indiquait que chacun avait payé l’intégralité du prix de son appartement et avait reçu les clés, que ces éléments tendent à prouver la réception des travaux par les copropriétaires et qu’enfin, aucun défaut d’achèvement ou vice concret imputable à la société SOCIETE2.) S.A. n’a été démontré ou même invoqué par la partie demanderesse en cassation. La société SOCIETE1.) s.à r.l.
n’ayant pas réussi à prouver l’existence de vices ou de malfaçons affectant les travaux de la société SOCIETE2.) S.A., la Cour a rejeté sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour vices et malfaçons.
Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 109 du code de commerce, dont dérive le mécanisme de la facture acceptée.
▪ Quant à la première branche Suivant la première branche du premier moyen, l’article 109 du code de commerce se trouverait violé en ce que « l’arrêt attaqué a retenu l’application du principe de la facture acceptée tiré des termes de l’article 109 du Code de Commerce pour confirmer le jugement entrepris et prononcer la condamnation de SOCIETE1.) au paiement des montants réclamés », alors que, selon le moyen, « les montants réclamés n’étaient pas des soldes de factures impayées, mais correspondaient au montant des retenues de garantie opérée conformément aux engagements contractuels pour garantir la parfaite exécution des travaux mis à charge de SOCIETE2.), de sorte que le principe de la facture acceptée ne pouvait pas trouver à s’appliquer ».
Les juges d’appel se sont déterminés à ce sujet comme suit :
− « (…) c’est à bon droit que le Tribunal a retenu que l’indication, dans le courrier du 5 novembre 2019, que la demande visait la “restitution de garantie” pour le montant total de 63.286.44 euros, était erronée, mais ne portait pas à conséquence. Cette indication erronée ne suffit pas pour établir le paiement intégral des factures, sous la seule réserve des retenues de garanties. […] C’est dès lors à juste titre que le Tribunal a d’abord analysé la demande en paiement des cinq factures de SOCIETE2.) d’un montant total de 56.844,67 euros (montants ttc hors retenue de garantie). La Cour fait siens les développements exhaustifs des juges de première instance relatifs au principe de la facture acceptée déduit de l’article 109 du Code de commerce. SOCIETE1.) n’invoque pas, en instance d’appel, de contestations précises et circonstanciées dirigées contre les factures réclamées, survenues dans un bref délai. La présomption simple de créance résultant du principe de la facture acceptée s’applique dès lors. Cette présomption n’a pas été contredite ni renversée en instance d’appel, SOCIETE1.) soutenant, mais n’établissant pas avoir payé les factures qui lui sont réclamées. […] 9C’est dès lors à juste titre que la demande principale du chef de factures impayées a été accueillie en première instance pour le montant de 56.844,67 euros, outre les intérêts à partir de la mise en demeure. (…) » ;
− « S’agissant du montant de 6.441,75 euros réclamé du chef de retenues de garantie, SOCIETE1.) fait valoir que ces retenues, destinées à assurer la bonne exécution des travaux, ne sont libérables qu’après constatation que les travaux ont été achevés suivant les règles de l’art et ne souffrent pas de vices et malfaçons. Elle se prévaut dans ce contexte des deux rapports de l’expert Kintzelé et du rapport SOCIETE3.) pour établir l’absence d’achèvement complet des travaux de SOCIETE2.). L’intimée se réfère à la motivation du Tribunal pour justifier sa demande et, pour autant que de besoin, requiert la nomination d’un expert judiciaire avec la mission de constater que tous les travaux commandés et facturés par SOCIETE2.) ont été exécutés conformément aux règles de l’art. Ainsi que le Tribunal l’a relevé, déjà à l’époque du rapport d’expertise Kintzelé de 2019, les appartements et commerces étaient, en grande partie, occupés, et il résultait de l’assignation en justice introduite le 19 mars 2021 par les copropriétaires contre SOCIETE1.) que chacun avait payé l’intégralité du prix de son appartement et que les clés leur avaient été remises. A ces faits, de nature à établir la réception des travaux par les copropriétaires, il y a lieu d’ajouter qu’aucun défaut d’achèvement ou vice concret subsistant actuellement, imputable à SOCIETE2.), n’a été démontré ni même invoqué par SOCIETE1.). Au vu de ces éléments et sans qu’il n’y ait lieu d’ordonner une expertise, la Cour retient que c’est à juste titre que le Tribunal a dit que SOCIETE1.) n’était plus en droit de faire des retenues sur les factures à titre de garantie. Il y a dès lors lieu de confirmer le Jugement en ce qu’il a fait droit à la demande pour le montant en principal de 6.441,75 euros, outre les intérêts à partir de la mise en demeure (…) ».
La première branche procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
Les juges d’appel appliquent certes, pour confirmer la condamnation de la société SOCIETE1.) s.à r.l. au paiement du montant total de (56.844,67 + 6.441,75 =) 63.286,42 euros, le principe de la facture acceptée, mais uniquement s’agissant du montant de 56.844,67 euros, en retenant à cet égard, dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation, que la société SOCIETE1.) s.à r.l. « n’invoque pas, en instance d’appel, de contestations précises et circonstanciées dirigées contre les factures réclamées, survenues dans un bref délai » et que « SOCIETE1.) soutenant, mais n’établissant pas avoir payé les factures qui lui sont réclamées ».
En revanche, à l’instar de ce qu’avait retenu le jugement de première instance (sub 5., page 15 :
« (…) [a]u vu du fait que le solde impayé correspond au montant des retenues de garantie opérées sur les factures précédemment réglées conformément à la convention des parties, et non au solde des factures impayées, SOCIETE2.) ne saurait invoquer le principe de la facture acceptée pour réclamer le paiement dudit solde. Conformément aux dispositions de l’article 1315 du Code civil, il appartient à SOCIETE2.) qui réclame la libération des retenues de garantie effectuées, de rapporter la preuve que les conditions de la libération des retenues de garanties sont remplies (…) »3), l’arrêt attaqué n’applique pas le principe de la facture acceptée 3 Solution pourtant identique à celle retenue par le jugement cité par la partie demanderesse en cassation à l’appui de son moyen : T. arr. Luxembourg, 12 juillet 2023, n° TAL-2020-05938 du rôle (pièce n° 14) : « (…) Au vu du fait que le solde réclamé correspond au montant des retenues de garantie, opérées par SOCIETE2.) conformément aux stipulations contractuelles liant les parties, et non au solde impayé des factures émises et qu’aucune facture portant sur les retenues de 10s’agissant du montant de 6.441,75 euros réclamé du chef de retenues de garantie, pour retenir qu’« il y a […] lieu de confirmer le Jugement en ce qu’il a fait droit à la demande pour le montant en principal de 6.441,75 euros, outre les intérêts à partir de la mise en demeure » au motif que « SOCIETE1.) n’était plus en droit de faire des retenues sur les factures à titre de garantie ».
Il s’ensuit que la première branche manque en fait.
▪ Quant à la seconde branche La seconde branche du premier moyen critique que l’article 109 du code de commerce se trouverait violé en ce que « l’arrêt attaqué a retenu que SOCIETE1.) n’invoque pas de contestations précises et circonstanciées dirigées contre les “factures” réclamées, survenues dans un bref délai, de sorte que la présomption tirée de l’article 109 du Code de Commerce joue », alors que, selon le moyen, « dans la mesure où les montants réclamés consistaient en des retenues de garantie, aucune contestation n’avait vocation à intervenir dans un bref délai à réception des factures, mais ne pouvaient intervenir qu’après connaissance par le client du fait que les travaux exécutés ne l’avaient pas été conformément aux règles de l’art ».
Il est renvoyé aux citations de l’arrêt attaqué dans le cadre de l’examen de la première branche effectué supra.
La seconde branche manque également en fait. L’arrêt attaqué n’applique pas le principe de la facture acceptée s’agissant du montant de 6.441,75 euros réclamé du chef de retenues de garantie et, dès lors, n’exige pas de « contestation [qui aurait eu] vocation à intervenir dans un bref délai à réception des factures » de la part de la société SOCIETE1.) s.à r.l., mais retient, après une appréciation d’éléments de preuve relevant du pouvoir souverain des juges d’appel, que « SOCIETE1.) n’était plus en droit de faire des retenues sur les factures à titre de garantie ».
Il s’ensuit que la seconde branche n’est pas fondée, tout comme, par voie de conséquence, le premier moyen dans son ensemble.
Sur le second moyen de cassation Le second moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 1134 du code civil, en ce que « l’arrêt attaqué a appliqué strictement les termes de l’article 109 du Code de Commerce, sans tenir compte des engagements contractuels qui font loi entre les parties » alors que, selon le moyen, « il était constant en cause que les parties étaient liées par un contrat d’entreprise et que SOCIETE2.) s’était engagée à effectuer les travaux requis conformément aux règles de l’art et que pour garantir la bonne exécution desdits travaux, les parties s’étaient entendues sur la rétention d’un pourcentage de 10 % du marché jusqu’à réalisation des travaux suivant les règles de l’art ».
Il est encore renvoyé aux citations de l’arrêt attaqué dans le cadre de l’examen de la première branche du premier moyen, effectué supra.
garanties n’ayant été émise, SOCIETE1.) ne saurait invoquer le principe de la facture acceptée pour réclamer le paiement dudit solde (…) ».
11 À l’instar des deux branches formant le premier moyen, le second moyen manque en fait.
L’arrêt attaqué n’applique pas le principe de la facture acceptée s’agissant du montant de 6.441,75 euros réclamé du chef de retenues de garantie, mais retient, après une appréciation d’éléments de preuve qui relève du pouvoir souverain des juges d’appel et sans porter atteinte aux stipulations contractuelles — non versées aux débats, mais dont l’existence est constante — suivant lesquelles, d’après le mémoire en cassation, « les parties s’étaient entendues sur la rétention sur chaque facture d’un montant équivalent à 10 % du montant facturé à titre de retenues de garantie (pour garantir la bonne exécution des travaux confiés à l’entreprise) », que « SOCIETE1.) n’était plus en droit de faire des retenues sur les factures à titre de garantie ».
Il s’ensuit que le second moyen n’est pas non plus fondé.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’État L’avocat général Christian ENGEL 12