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19/06/2025 | LUXEMBOURG | N°104/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 19 juin 2025, 104/25


N° 104 / 2025 pénal du 19.06.2025 Not. 12962/19/CD Numéro CAS-2024-00103 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Maroc), demeurant à L-

ADRESSE2.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Roby SCHONS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE3.), 2) PERSONNE3.), demeurant à B-ADRESSE4.),

3) PERSONNE4.), demeurant à L-ADRESSE3.), 4) PERSONNE5.), demeurant à L-...

N° 104 / 2025 pénal du 19.06.2025 Not. 12962/19/CD Numéro CAS-2024-00103 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Maroc), demeurant à L-

ADRESSE2.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Roby SCHONS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE3.), 2) PERSONNE3.), demeurant à B-ADRESSE4.), 3) PERSONNE4.), demeurant à L-ADRESSE3.), 4) PERSONNE5.), demeurant à L-ADRESSE3.), représentée par sa mère PERSONNE2.), demandeurs au civil, défendeurs en cassation, 5) la CAISSE NATIONALE DE SANTE, établissement public, établie à L-

ADRESSE5.), défenderesse en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 5 juin 2024 sous le numéro 27/24 Ch. Crim. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière criminelle ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil formé par Maître Roby SCHONS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 3 juillet 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 29 juillet 2024 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), à PERSONNE3.), à PERSONNE4.), à PERSONNE5.), représentée par sa mère PERSONNE2.), et à la CAISSE NATIONALE DE SANTE, déposé le 1er août 2024 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Monique SCHMITZ ;

Entendu Maître Roby SCHONS, qui a eu la parole en dernier, et Madame Simone FLAMMANG, procureur général d’Etat adjoint.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre criminelle du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait, au pénal, condamné le demandeur en cassation du chef d’extorsion par violences et menaces, de faux et d’usage de faux, d’escroqueries, d’abus de confiance et de coups et blessures volontaires, notamment, à une peine de réclusion. Au civil, elle l’avait condamné à dédommager les parties civiles.

La Cour d’appel, par réformation, a notamment rectifié le libellé des infractions, a dit que la circonstance aggravante de l’article 473 du Code pénal n’était pas établie et a réduit la peine de réclusion. Au civil, elle a réduit l’indemnisation de la défenderesse en cassation sub 1) et a confirmé le jugement pour le surplus.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de la loi du 9 décembre 2021 portant modification du Code de procédure pénale et notamment des articles 190-1, ensemble 210 et 211 du Code de procédure pénale (ci-après cpp) en ce sens que la cour d'appel, chambre criminelle, a refusé leur application au profit du demandeur en cassation au cours de l’audience 2 d’appel lors des débats au fond, alors que les lois de procédure, conférant des protections/garanties procédurales en matière répressive, s’appliquent dès leur entrée en vigueur aux affaires en cours, et que le défaut, sinon le refus, d’application, par les magistrats d’appel, des précités articles lors de l’audience d’appel au moment des débats au fond, per se, cause torts et griefs au requérant en cassation, le privant du droit fondamental en matière pénale, de confronter les témoins de l’accusation, droit d’autant plus fondamental alors que le prévenu se dit innocent, sinon conteste les faits. » Réponse de la Cour Il résulte de la discussion consacrée au moyen que le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les dispositions visées au moyen, d’une part, en ce qu’ils ont statué sans avoir procédé à l’audition des témoins de l’accusation, le privant ainsi du droit d’interroger, sinon de confronter ces témoins, partant du droit à un procès équitable, et, d’autre part, en ce qu’ils l’auraient entendu en ses moyens de défense avant le réquisitoire du Ministère public.

Le droit de faire interroger des témoins n’est pas un droit absolu. Il appartient au juge d’apprécier la nécessité d’entendre ou de réentendre un témoin, au regard des circonstances de l’affaire et des raisons avancées à l’appui de la demande d’audition ou de réaudition.

Il ne résulte pas de l’arrêt attaqué que le demandeur en cassation ait demandé à voir réauditionner les témoins de l’accusation en instance d’appel.

Les dispositions visées au moyen n’obligent pas la Cour d’appel à réentendre les témoins entendus en première instance.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé à cet égard.

Concernant l’ordre de parole à l’audience, l’article 210 du Code de procédure pénale tel que modifié par la loi du 9 décembre 2021 portant modification du Code de procédure pénale dispose « (…) la partie ayant relevé appel principal expose sommairement les motifs de son appel, ensuite les autres parties ont la parole dans la forme et dans l’ordre prescrits par l’article 190-1. ».

L’article 190-1, paragraphe 4, dispose « L’instruction à l’audience terminée (…), le ministère public prend ses conclusions et le prévenu et, s’il y a lieu, la personne civilement responsable, présentent leur défense (…). Le prévenu ou son conseil ont toujours la parole en dernier. ».

Il résulte de l’arrêt attaqué que le demandeur en cassation, appelant principal, et son mandataire ont été entendus en leurs explications et moyens de défense. Le Ministère public a ensuite été entendu en son réquisitoire, le mandataire des parties civiles en ses conclusions, et le demandeur en cassation a eu la parole en dernier.

L’ordre de prise de parole en instance d’appel a ainsi été respecté.

Il s’ensuit que le moyen manque en fait à cet égard.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation des articles conventionnels 6 § 1 ensemble 6 § 3 d) en ce sens que la chambre criminelle de la cour d’appel, a refusé leur application au profit du demandeur en cassation lors des débats au fond, alors que l’article 6 § 3 d) confère au prévenu le droit de confronter les témoins de l’accusation, tout particulièrement si sa condamnation par les premiers juges a été fondée sur leurs déclarations uniques sinon de manière déterminante, qu’en conséquences le refus d’audition desdits témoins lors de l’audience en appel rend le procès inéquitable dans son intégralité, » Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les dispositions visées au moyen en ce qu’ils ont statué sans avoir procédé à l’audition des témoins de l’accusation, le privant ainsi du droit d’interroger, sinon de confronter les témoins, partant du droit à un procès équitable.

L’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention ») consacre le droit de toute personne à un procès équitable.

Aux termes de l’article 6, paragraphe 3, point d), de la Convention, toute personne accusée d’une infraction a le droit d’« interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ».

L’article 6 de la Convention ne réglemente pas l’administration des preuves en tant que telle, matière qui relève au premier chef du droit national des Etats membres. La Convention vise à garantir que la procédure, y compris la manière dont les preuves ont été recueillies, a été équitable dans son ensemble.

L’article 6 de la Convention ne reconnaît pas à l’accusé un droit absolu d’obtenir la comparution de témoins devant un tribunal. Il incombe au juge national de décider, au vu de la motivation de la demande d’audition de témoins, si celle-ci est nécessaire ou opportune pour la manifestation de la vérité et le respect des droits de la défense.

Il ne résulte pas de l’arrêt attaqué que le demandeur en cassation ait demandé à voir réauditionner les témoins de l’accusation en instance d’appel.

Les dispositions visées au moyen n’obligent pas la Cour d’appel à réentendre les témoins entendus en première instance.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 23,50 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Christian ENGEL et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) / Ministère Public en présence des parties civiles PERSONNE2.), PERSONNE3.), PERSONNE4.), PERSONNE5.) et la Caisse Nationale de Santé (CNS) affaire n° CAS-2024-00103 du registre Par déclaration faite le 3 juillet 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice, Maître Roby SCHONS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre l’arrêt n° 27/24 Ch. Crim rendu contradictoirement le 5 juin 2024 par la Cour d’appel, Xe chambre, siégeant en matière criminelle.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 1er août 2024 du dépôt au greffe de la Cour supérieure de justice d’un mémoire en cassation, signé par Maître Roby SCHONS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom et pour le compte de PERSONNE1.), signifié le 29 juillet 2024 aux parties civiles PERSONNE2.), PERSONNE3.), PERSONNE4.) et PERSONNE5.) à leur domicile élu en l’étude de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, et à la Caisse Nationale de Santé (CNS).

Le pourvoi respectant les conditions de recevabilité prescrites aux articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, il est recevable en la pure forme.

Quant aux faits et rétroactes :

Aux termes de l’arrêt dont pourvoi, PERSONNE1.) fut condamné au pénal à une peine de réclusion de 12 ans pour des faits qualifiés d’extorsion, de faux et usage de faux, d’escroquerie et d’abus de confiance au préjudice de tierces personnes, dont notamment PERSONNE2.), ainsi que de coups et blessures et blessures volontaires et de menaces. Au civil, il fut condamné à payer à PERSONNE2.), ainsi qu’à des membres de sa famille, des dommages et intérêts.

Remarques préalables :

L'ensemble des développements entrepris par le demandeur en cassation sous les deux moyens de cassation à examiner, tourne autour du seul et unique sujet de l’audition des témoins de l'accusation en instance d’appel. Le grief formulé se comprend dans le sens d’avoir été privé de la faculté de les interroger en instance d’appel.

Le demandeur en cassation entend dégager des dispositions légales visées aux moyens de cassation une obligation d’audition de témoins en instance d’appel. En première instance, le Ministère Public a fait procéder à l’audition d’une ribambelle de témoins1, dont PERSONNE2.) en tant que principale victime des agissements émanant du prévenu.

Lors desdites auditions aux audiences de première instance, le prévenu fut présent et assisté par un interprète assermenté2.

Il y a lieu d’insister sur le fait qu’en instance d’appel le demandeur en cassation n’a à aucun moment soumis à la Cour d’appel une demande formelle tendant à une nouvelle audition des témoins entendus en première instance, voire à l’audition de témoins non entendus en première instance. Les juges d'appel n'ayant pas été requis à se prononcer y relativement, ni l’arrêt dont cassation, ni le plumitif de l’audience d’appel ne mentionnent une telle demande.

En résumé, en instance d’appel la défense a, quant au volet pénal, cantonné ses contestations à la circonstance aggravante de la maladie paraissant incurable prévue à l’article 400 du Code pénal, plus particulièrement au lien causal entre la perte auditive partielle dans le chef de PERSONNE2.) et les coups reçus, et elle s’est concentrée à plaider la réduction de la peine de réclusion. Quant au volet civil, elle a contesté les montants indemnitaires alloués en première instance.

Quant au premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de « la loi du 9 décembre 2021 portant modification du Code de procédure pénale et notamment des articles 190-1, ensemble 210 et 211 du Code de procédure pénale (ci-après cpp) en ce sens que la cour d'appel, chambre criminelle, a refusé leur application au profit du demandeur en cassation au cours de l’audience d’appel lors des débats au fond, alors que les lois de procédure, conférant des protections/garanties procédurales en matière répressive, s’appliquent dès leur entrée en vigueur aux affaires en cours, et que le défaut, sinon le refus, d’application, par les magistrats d’appel, des précités articles lors de l’audience d’appel au moment des débats au fond, per se, cause torts et griefs au requérant en cassation, le privant du droit fondamental en matière pénale, de confronter les témoins de l’accusation, droit d’autant plus fondamental alors que le prévenu se dit innocent, sinon conteste les faits. » Le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir violé les articles 190-1, 210 et 211 du CPP en refusant de les appliquer. Ce refus l’aurait privé de la faculté d’interroger les témoins.

Incriminant l’absence de convocation par le Parquet général de témoins, il aurait incombé à la parte appelante de soumettre aux juges d’appel une demande formelle dans ce sens.

1 cf. p. 3-5 du jugement de première instance LCRI n° 52/2022 du 15 juillet 2022, à savoir les témoins PERSONNE6.), PERSONNE7.), PERSONNE8.), PERSONNE9.), PERSONNE10.), PERSONNE11.), PERSONNE3.), My PERSONNE12.), PERSONNE13.), PERSONNE14.), Marc GLEIS, PERSONNE15.), PERSONNE16.), PERSONNE17.), PERSONNE18.), PERSONNE19.), PERSONNE20.), PERSONNE21.), PERSONNE2.) et PERSONNE22.) ;

2 cf. p. 5 et 6 du jugement de première instance LCRI n° 52/2022 du 15 juillet 2022 ;

N’ayant pas appelés les juges d’appel à procéder à l’audition de témoins, le reproche tiré par le demandeur en cassation d’un refus d’audition, érigé en violation de la loi, ne se conçoit pas.

En ordre principal, le moyen sous examen, en ce qu’il porte sur l’absence d’audition de témoins, est nouveau, une telle demande n’ayant pas été formulée en instance d’appel.

Dans la mesure où il faudrait apprécier l’utilité de ces mesures d’instruction, le moyen est mélangé de fait et de droit, partant irrecevable.

Votre Cour s’est prononcée dans le sens de l’irrecevabilité quant à l’absence d’audition en instance d’appel d’expert par arrêt n° 53/2023 (pénal) rendu le 11 mai 20233, solution transposable quant à toute autre mesure d’instruction, dont l’audition de témoins.

En ordre subsidiaire, en ce que le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel la violation de la loi par refus d’application des articles 190-1, 210 et 211 du CPP, force est de constater que l’article 210 du CPP, tel que modifié par la loi du 9 décembre 2021 portant modification du CPP, en ce qu’il dispose que la partie ayant relevé appel expose sommairement les motifs de son appel et qu’ensuite les autres parties ont la parole dans la forme et dans l’ordre prescrits par l’article 190-1 du même code, vise le seul ordre des plaidoiries des parties, étant entendu que le témoin n’est pas « une autre partie à la procédure ».

Dans la mesure où le grief est tiré de l’absence d’audition de témoins en instance d’appel et de l’impossibilité de les confronter, il est étranger à l’article 210 du CPP. Partant le moyen est encore irrecevable pour autant qu’il vise la violation de l’article 210 du CPP.

Pour le surplus, Votre Cour a eu l’occasion de se prononcer sur la question aux termes du prédit arrêt n° 53/2023 (pénal)4, en ce que l’examen du 1er moyen, libellé dans exactement les mêmes termes que celui sous examen, a conduit Votre Cour à le déclarer non fondé, par la réponse qui suit :

« Le droit de faire interroger des témoins n’est pas un droit absolu. Il appartient au juge d’apprécier la nécessité d’entendre ou de réentendre un témoin, au regard des circonstances de l’affaire et des raisons avancées par la défense.

Les juges d’appel n’étaient partant pas obligés de réentendre les témoins entendus en première instance, de sorte que la Cour d’appel n’a pas violé dispositions visées au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé. » Le demandeur en cassation n’ayant rajouté aux termes des développements du moyen aucun argument de nature à renverser la jurisprudence de la Cour régulatrice, le moyen sous examen n’est pas fondé.

3 n° CAS-2022-00089 du registre, not. 25985/12/CD, sous le 3e moyen, en son 2e volet, p. 30 ;

4 n° CAS-2022-00089 du registre, not. 25985/12/CD, sous le 1er moyen, p. 2-8 ;Quant au deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation des articles « 6 § 1 ensemble 6 § 3 d) en ce sens que la chambre criminelle de la cour d’appel a refusé leur application au profit du demandeur en cassation lors des débats au fond, alors que l’article 6 § 3 d) confère au prévenu le droit de confronter les témoins de l’accusation, tout particulièrement si sa condamnation par les premiers juges a été fondée sur leurs déclarations uniques sinon de manière déterminante, qu’en conséquences le refus d’audition desdits témoins lors de l’audience en appel rend le procès inéquitable dans son intégralité. » Par les développements suivant le libellé du moyen, le demandeur en cassation invoque en substance la violation des articles 6 § 1 et 6 § 3 d) de la CEDH en ce que le juges d’appel auraient refusé d’entendre les témoins de l’accusation en instance d’appel.

En ordre principal, à l’instar du 1ier moyen, le moyen sous examen, en ce qu’il porte également sur l’absence d’audition de témoins en instance d’appel, est nouveau, une telle demande n’ayant pas été formulée en instance d’appel. Dans la mesure où il faudrait apprécier l’utilité de ces mesures d’instruction, le moyen est mélangé de fait et de droit, partant irrecevable.

Pour le surplus et en ordre subsidiaire, Votre Cour a tranché la question aux termes de l’arrêt n° 145/2022 (pénal) rendu le 1er décembre 2022, sous le 3ème moyen5, étant précisé que dans cette affaire le demandeur en cassation appuya son moyen de cassation, également tirée de la violation des articles 6 § 1 ensemble 6 § 3 d) de la CEDH, par une discussion qui était en substance identique à celle articulée à l’appui du moyen sous examen.

« La demanderesse en cassation fait grief à la Cour d’appel d’avoir violé l’article 6, paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au procès équitable, ensemble l’article 6, paragraphe 3, point d), de la Convention, en ce que la possibilité d’interroger, sinon de confronter les témoins de l’accusation, lui aurait été refusée.

Aucune prescription légale n’obligeant la Cour d’appel à réentendre les témoins entendus en première instance et, à défaut par la partie demanderesse en cassation d’avoir demandé en instance d’appel l’audition des témoins entendus en première instance, la Cour d’appel n’a pas violé les dispositions visées au moyen. »6 Votre Cour a encore eu l’occasion de se pencher sur le sujet aux termes de l’arrêt précité n° 53/2023 (pénal), plus précisément sous le 3ème moyen7, libellé dans des termes exactement identiques à ceux du moyen sous examen. Il est toutefois rendu attentif que dans ladite affaire le demandeur en cassation avait demandé en instance d’appel l’audition de témoins et que les juges d’appel, après avoir joint l’incident au fond, n’y ont pas fait droit. Votre Cour a déclaré non fondé le moyen, en se déterminant comme suit :

5 Cass-2022-00027 du registre, not. 32589/18/CD, p.11-20 ;

6 mis en exergue par la soussignée ;

7 Cass-2022-00089 du registre, not. 25985/12/CD, p. 13-31 ; « (…) L’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, (ci-après « la Convention ») consacre le droit de toute personne à un procès équitable.

Aux termes de l’article 6, paragraphe 3, point d), de la Convention, toute personne accusée d’une infraction a le droit d’« interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ».

L’article 6 de la Convention ne réglemente pas l’administration des preuves en tant que telle, matière qui relève au premier chef du droit national des Etats membres. La Convention vise à garantir que la procédure, y compris la manière dont les preuves ont été recueillies, a été équitable dans son ensemble.

L’article 6 de la Convention ne reconnaît pas à l’accusé un droit absolu d’obtenir la comparution de témoins devant un tribunal8. Il incombe au juge national de décider, au vu de la motivation de la demande d’audition de témoins, si celle-ci est nécessaire ou opportune pour la manifestation de la vérité et le respect des droits de la défense. Aucune disposition légale n’interdit aux juridictions répressives de joindre l’incident de procédure soulevé au fond.

Il résulte de l’arrêt attaqué que les juges d’appel ont, dans un premier temps, décidé de joindre l’incident de procédure soulevé par le demandeur en cassation au fond du litige pour, dans un deuxième temps, rejeter par des motifs circonstanciés et pertinents la demande en annulation de la citation à prévenu, en constatant notamment que le prévenu avait, en première instance, été confronté aux témoins de l’accusation. Il n’y a partant pas eu atteinte à l’équité globale du procès.

Il s’ensuit que le moyen en ce qu’il porte sur l’existence d’une obligation légale d’entendre les témoins en instance d’appel n’est pas fondé.

(…) ».

Conformément à la jurisprudence de la CEDH, le caractère équitable de la procédure s’apprécie in concreto en prenant en considération la procédure dans son intégralité. Il faut que l’accusé ait eu la possibilité réelle de faire interroger les témoins au cours de la procédure.

Etant donné qu’en l’occurrence le demandeur en cassation eut la possibilité d’interroger et de confronter tous les témoins lors des audiences devant la juridiction de première instance, il a bénéficié de toutes les garanties prévues aux articles 6§1 et 6§3 d) de la CEDH.

Le demandeur en cassation n’ayant rajouté aux termes des développements du moyen aucun argument de nature à renverser la jurisprudence de la Cour régulatrice, le moyen sous examen n’est pas fondé.

8 mis en exergue par la soussignée ; Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais à rejeter.

Luxembourg, le 25 février 2025 Pour le Procureur Général d’Etat Monique SCHMITZ 1er avocat général 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 104/25
Date de la décision : 19/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2025-06-19;104.25 ?

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