N° 107 / 2025 pénal du 19.06.2025 Not. 15201/13/CD Numéro CAS-2025-00071 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, l'arrêt qui suit sur la demande en révision de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (Pays-Bas), demeurant à NL-
ADRESSE2.), comparant par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, demande dont la Cour a été saisie par le Procureur général d’Etat,
___________________________________________________________________
Vu la requête en révision de PERSONNE1.) adressée le 12 août 2024 au Ministère de la Justice ;
Vu l’ordre exprès de la Ministre de la Justice du 16 décembre 2024 au Procureur général d’Etat ;
Vu le réquisitoire du Procureur général d’Etat du 4 avril 2025 ;
Vu les actes de procédure ;
Entendu en audience publique :
1) Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, qui a eu la parole en dernier ;
2) Madame le premier avocat général Monique SCHMITZ ;
Vu les articles 443, 444, 446 et 447 du Code de procédure pénale et l’article 53 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Par jugement numéro 3520/2017 du 21 décembre 2017, le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné PERSONNE1.) du chef d’infractions à la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie à une peine d’emprisonnement de six ans et à une amende de 7.500 euros.
Par arrêt numéro 233/19 du 25 juin 2019, la Cour d'appel avait, par réformation partielle, ramené la condamnation à la peine d’emprisonnement à trois ans et l’amende à 5.000 euros.
Par arrêt numéro 114/2020 pénal du 23 juillet 2020 rendu sous le numéro CAS-2019-00100 du registre, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi de PERSONNE1.).
Par arrêt du 14 mars 2024 (requête numéro 6732/21), la Cour européenne des droits de l’homme a dit que l’impossibilité pour PERSONNE1.) de répondre aux conclusions du Parquet général prises devant la Cour de cassation constituait une méconnaissance de son droit à une procédure contradictoire, de sorte qu’il y avait eu violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention »).
Le Ministère public conclut, à titre principal, à l’irrecevabilité de la demande en révision de PERSONNE1.) au motif que la demande en révision d’un arrêt de la Cour de cassation n’entre pas dans les prévisions de l’article 443, point 5, du Code de procédure pénale tel que retenu par un précédent arrêt de la Cour de cassation (arrêt 14/2025 du 23 janvier 2025, n° CAS-2024-00137 du registre).
En ordre subsidiaire, le Ministère public conclut à ce qu’il soit fait droit à la demande dans la mesure de la violation du droit au procès équitable au cours de la procédure devant la Cour de cassation.
L’article 443, point 5, du Code de procédure pénale dispose « La révision peut être demandée, quelle que soit la juridiction qui ait statué, au bénéfice de toute personne reconnue auteur d’un crime ou d’un délit par une décision définitive rendue en premier ou en dernier ressort.
(…) 5° lorsqu’il résulte d’un arrêt de la cour européenne des Droits de l’Homme rendu en application de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales qu’une condamnation pénale a été prononcée en violation de cette Convention. ».
Lorsque la demande en révision est fondée sur une violation de la Convention constatée par un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme imputable aux juges du fond et non corrigée par arrêt de la Cour de cassation, l’annulation de ladécision de condamnation des juges du fond sur recours en révision par la Cour de cassation représente une réponse adéquate à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.
Il en va différemment lorsque l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme a constaté une violation de la Convention commise en cours de procédure devant la Cour de cassation. Dans cette hypothèse, seule la rétractation de l’arrêt de la Cour de cassation est de nature à remédier à la violation constatée par la Cour européenne des droits de l’homme et est, par conséquent, nécessaire à cette fin.
La révision dans l’hypothèse de l’article 443, point 5, est de droit.
Il s’ensuit que la demande en révision est recevable et fondée dans la prédite mesure.
Il convient, par conséquent, de procéder à la rétractation de l’arrêt de la Cour de cassation du 23 juillet 2020 et d’ordonner que la procédure postérieure à la communication des conclusions du Parquet général du 21 avril 2020 sera reprise devant la Cour de cassation autrement composée.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation reçoit la demande en révision ;
rétracte l’arrêt rendu le 23 juillet 2020 sous le numéro 114/2020 pénal par la Cour de cassation ;
remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées postérieurement à la communication des conclusions du Parquet général du 21 avril 2020 et les renvoie devant la Cour de cassation autrement composée ;
met les frais de l’instance en révision et de la décision rétractée à charge de l’Etat.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Christian ENGEL et du greffier Daniel SCHROEDER.