GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50135C ECLI:LU:CADM:2024:50135 Inscrit le 4 mars 2024
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Audience publique du 14 mai 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 24 janvier 2024 (n° 49810a du rôle) en matière de protection internationale
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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 50135C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 4 mars 2024 par la société à responsabilité limitée ETUDE SADLER s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-1611 Luxembourg, 9, avenue de la Gare, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Noémie SADLER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, agissant en sa qualité d’administrateur ad hoc de Monsieur (A), né le …. à … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant à L-… …, …, …., dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 24 janvier 2024, par lequel ledit tribunal l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 30 novembre 2023 statuant dans le cadre d’une procédure accélérée et refusant de faire droit à sa demande de protection internationale tout en lui ordonnant, dans le même acte, de quitter le territoire ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 2 avril 2024 par Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 30 avril 2024.
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A la suite de la nomination d’un administrateur ad hoc à travers une ordonnance du juge aux affaires familiales du 11 août 2022, Monsieur (A), mineur d’âge, introduisit le 20 septembre 2022 auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.
Les 9 et 28 juin 2023, l’intéressé fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
En sa séance du 4 octobre 2023, la commission consultative d’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant émit l’avis suivant lequel il serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant (A) de retourner en Albanie.
Par décision du 30 novembre 2023, notifiée par lettre recommandée expédiée le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après le « ministre », informa Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 21 de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire.
Ainsi, le ministre retint que Monsieur (A) provenait d’un pays d’origine sûr, à savoir l’Albanie, tout en se référant à l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015.
S’agissant de l’octroi d’une protection internationale, le ministre retint que les affirmations de Monsieur (A) selon lesquelles il aurait été victime de menaces en Albanie devraient être mises en doute pour manquer de crédibilité et qu’il aurait manqué de collaborer pour l’établissement des motifs à la base de sa fuite de l’Albanie. Il conclut encore que les faits avancés par Monsieur (A) ne seraient pas empreints d’un des motifs de fond énumérés par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après la « Convention de Genève », et, dans la mesure où ils s’inscriraient dans le cadre d’un conflit purement privé, ils devraient être qualifiés de persécutions uniquement si les autorités albanaises refusaient ou étaient incapables de lui fournir une protection. Or, Monsieur (A) n’aurait pas sollicité l’aide des autorités albanaises.
Par ailleurs, le ministre estima que des raisons de convenance personnelle sous-tendraient la demande de protection internationale de Monsieur (A).
S’agissant de la protection subsidiaire, le ministre estima que Monsieur (A) n’apportait aucun élément pertinent de nature à établir l’existence de sérieuses raisons de croire qu’en cas de retour en Albanie, il courrait un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.
Enfin, s’agissant de l’ordre de quitter le territoire, le ministre déclara se rallier à l’avis de la commission consultative d’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant du 4 octobre 2023, dont il se dégage qu’il serait dans l’intérêt supérieur de Monsieur (A), en tant que mineur, de retourner en Albanie.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2023, Monsieur (A) fit introduire, par l’intermédiaire de son administrateur ad hoc Maître Noémie SADLER, un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 30 novembre 2023 statuant dans le cadre d’une procédure accélérée et ayant refusé de faire droit à sa demande de protection internationale tout en lui ordonnant, dans le même acte, de quitter le territoire.
En application de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, le vice-président siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, par jugement rendu en date du 29 décembre 2023, inscrit sous le numéro 49810 du rôle, après avoir déclaré le recours, pris en son triple volet, recevable, jugea que tant le recours en réformation introduit contre la décision du 30 novembre 2023 de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée que celui dirigé contre le refus d’une protection internationale étaient manifestement infondés, tandis que le recours en réformation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision du 30 novembre 2023 n’était pas manifestement infondé, et renvoya l’affaire en chambre collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours, après avoir débouté le demandeur de sa demande de protection internationale.
Par jugement du 24 janvier 2024, le tribunal administratif, siégeant en formation collégiale, vida le jugement du 29 décembre 2023 et déclara non justifié le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire, tout en condamnant le demandeur aux frais et dépens.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 4 mars 2024, Monsieur (A) a interjeté appel contre le jugement précité du 24 janvier 2024.
La partie étatique soulève l’irrecevabilité de l’appel pour cause de tardiveté.
S’appuyant sur un avis de réception de l’entreprise POST, elle affirme que le jugement prononcé le 24 janvier 2024 aurait été notifié au mandataire de l’appelant en date du 25 janvier 2024. Dès lors que le mandataire de l’appelant aurait accepté la lettre recommandée en date du 25 janvier 2024, la notification serait réputée faite ce même jour. Partant, le délai d’appel d’un mois, tel que prévu par l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 aurait commencé à courrier le 25 janvier 2024 à minuit pour expirer le 26 février 2024 vu que le 25 février 2024 était un dimanche. Par suite, l’appel introduit le 4 mars 2024 serait tardif et par conséquent irrecevable.
La Cour note que la partie appelante n’a pas sollicité de mémoire supplémentaire, au-
delà du mémoire unique prévu à l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2018, pour prendre position sur le moyen d’irrecevabilité soulevé par la partie étatique pour tardiveté. De même, la partie appelante a renoncé à son droit de prendre oralement position lors de l’audience des plaidoiries fixée en date du 30 avril 2024, étant donné qu’elle a consenti à ce que l’appel sous examen soit pris en délibéré sans aucune autre formalité de sa part.
Dans la mesure où le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité de la requête d’appel pour tardiveté, ce moyen doit être examiné par la Cour avant tout autre progrès en cause, cette question étant par ailleurs d’ordre public.
Aux termes de l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 : « Contre les décisions de refus ou de retrait de la demande de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif.
[…] Contre la décision du tribunal administratif, appel peut être interjeté devant la Cour administrative. L’appel doit être interjeté dans le délai d’un mois à partir de la notification par les soins du greffe. Par dérogation à la législation en matière de procédure devant les juridictions administratives, il ne pourra y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête d’appel. ».
En outre, conformément à l’article 34, paragraphes (1), (2) et (4), de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives :
« (1) Le greffier notifie aux parties une copie certifiée conforme du jugement.
(2) La notification s’opère par pli fermé et recommandé à la poste, accompagné d’un avis de réception. Le pli est délivré aux mandataires auprès desquels les parties ont élu domicile. (…).
(…) (4) Si le destinataire accepte la lettre recommandée, l’agent des postes en fait mention sur l’avis de réception qu’il envoie au greffe. Dans ce cas, la notification est réputée faite le jour de la remise de la lettre recommandée au destinataire. ».
Il découle de ces dispositions que le délai d’appel d’un mois court à partir de la date de la notification du jugement dont appel par le greffe de la juridiction de première instance et que la notification est ainsi accomplie à la date de la délivrance du pli recommandé au mandataire de la partie concernée.
Or, en l’espèce, il se dégage effectivement des éléments en cause que le jugement entrepris du 24 janvier 2024 a été notifié par le greffe du tribunal administratif au mandataire de l’appelant par courrier recommandé avec avis de réception à l’adresse de son étude.
Il se dégage plus particulièrement des documents relatifs à l’envoi de ce courrier qu’il a été présenté à l’étude du mandataire de l’appelant le 25 janvier 2024 et que la lettre recommandée a été acceptée par une employée dudit mandataire le même jour.
Par application des dispositions légales susvisées, force est partant de conclure que le délai d’appel a commencé à courir à l’encontre du jugement du 24 janvier 2024 en date du 25 janvier 2024 à minuit et que ce même délai a partant expiré le lundi 26 février 2024, de sorte que la requête d’appel introduite le 4 mars 2024 est manifestement tardive.
Par voie de conséquence, le moyen d’irrecevabilité étatique est justifié, étant donné que la requête d’appel a été introduite après l’expiration du délai pour interjeter appel. L’appel sous examen encourt par suite l’irrecevabilité pour cause de tardiveté.
PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, déclare l’appel du 4 mars 2024 irrecevable, condamne l’appelant aux frais de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu à l’audience publique du 14 mai 2024 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier de la Cour ….
s. … s. SCHROEDER 5