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17/06/2024 | LUXEMBOURG | N°50498

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 juin 2024, 50498


Tribunal administratif N° 50498 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50498 2e chambre Inscrit le 23 mai 2024 Audience publique du 17 juin 2024 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre deux décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50498 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 mai 2024 par Maître Eric Says, avocat Ã

  la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieu...

Tribunal administratif N° 50498 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50498 2e chambre Inscrit le 23 mai 2024 Audience publique du 17 juin 2024 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre deux décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50498 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 mai 2024 par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Nigéria), de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel tendant à la réformation 1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 17 mai 2024 portant refus d’un statut de protection internationale et 2) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 mai 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le vice-président, présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yves Huberty en sa plaidoirie à l’audience publique du 10 juin 2024, Maître Eric Says s’étant excusé et rapporté à ses écrits.

Il se dégage du dossier administratif qu’en date du 27 octobre 2014, Monsieur … introduisit une première demande de protection internationale au Luxembourg sur le fondement de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. Lors de l’introduction de cette demande de protection internationale, l’intéressé se présenta sous l’alias de …, déclarant être né … à … au Kenya et être de nationalité kényane.

Il ressortit également des recherches effectuées le même jour dans la base de données EURODAC et du procès-verbal d’audition réalisé le lendemain en vertu du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », que l’intéressé avait franchi illégalement la frontière espagnole le 19 mars 2014 et introduit une demande de protection internationale en Norvège le 1er juin 2014.

Il se dégage ensuite du dossier administratif que par décision du 13 février 2015, qui avait été notifiée à l’intéressé par affichage public, les autorités luxembourgeoises l’avaient informé, d’une part, que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas responsable pour examiner sa demande de protection internationale et, d’autre part, qu'il serait transféré vers l’Espagne en vertu du règlement Dublin III. Le même jour, les autorités luxembourgeoises s’étaient rendues compte de sa disparition et en avaient informé les autorités espagnoles.

Il ressort ensuite d’un acte d’écrou du 13 septembre 2023 que suivant un jugement du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 13 janvier 2022, siégeant en matière correctionnelle, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois, dont 12 avec sursis pour trafic de stupéfiants.

Par arrêté du 15 janvier 2024, le séjour de l’intéressé sur le territoire luxembourgeois fut déclaré comme étant irrégulier et il lui fut ordonné de quitter ledit territoire sans délai. Une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée d’un an fut également émise. Par arrêté séparé du même jour, Monsieur … fut placé au Centre de rétention sur le fondement de l’article 120 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », en vue de son éloignement. Les deux arrêtés lui furent notifiés le 17 janvier 2024, lors de sa libération du Centre pénitentiaire de Luxembourg.

Le 18 janvier 2024, une recherche effectuée dans la base de données EURODAC en vue de la comparaison de ses empreintes digitales aux fins de l’application du règlement Dublin III révéla que l’intéressé avait, outre ses demandes de protection internationale en Norvège et au Luxembourg, introduit encore une autre demande en Hongrie le 26 février 2015, de sorte qu’une demande de réadmission fut adressée aux autorités hongroises, lesquelles rejetèrent celle-ci en date du 26 janvier 2024 au motif que le titre de séjour qui avait été accordé de Monsieur … en tant que membre de famille avait été révoqué.

Le 30 janvier 2024, les autorités luxembourgeoises informèrent les autorités nigérianes du rapatriement de l’intéressé vers le Nigéria, suite à quoi, le 8 février 2024, l’Unité de garde et de l’appui opérationnel de la police grand-ducale fut chargée d’organiser son départ et un plan de vol fut communiqué le 12 février 2024 avec comme date d’éloignement le 19 mars 2024.

Le 15 février 2024, une nouvelle décision de retour, annulant et remplaçant celle du 15 janvier 2024, fut prise à l’encontre de Monsieur …, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans. Le même jour, son placement au Centre de rétention fut prorogé pour une durée d’un mois.

Le 7 mars 2024 Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une nouvelle demande de protection internationale, au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par arrêté du même jour, la mainlevée de l’arrêté de placement en rétention pris sur le fondement de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 fut prononcée et il fut placé au Centre de rétention pour une durée de trois mois sur le fondement de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015.

Le 21 mars 2024, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa deuxième demande de protection internationale.

Par décision du 17 mai 2024, notifiée à l’intéressé en mains propres le 21 mai 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), points a), g) et h) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre nouvelle demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite en date du 7 mars 2024 au Centre de rétention sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort des éléments de votre dossier administratif que vous avez introduit une première demande de protection internationale au Luxembourg en date du 27 octobre 2014.

Lors de l'introduction de cette demande de protection internationale, vous vous êtes présenté sous l'alias de … et avez déclaré être né le … à … au Kenya et être de nationalité kenyane.

Il ressort également des rapports « Eurodac » du 27 octobre 2014 et « Dublin III » du 28 octobre 2014 que lors de votre première demande de protection internationale vous avez franchi illégalement la frontière espagnole le 19 mars 2014 et que vous avez introduit une demande de protection internationale en Norvège le 1er juin 2014. Selon vos propos, vous auriez quitté le territoire norvégien alors que lesdites autorités vous auraient informé de votre transfert vers l'Espagne, pays responsable pour traiter votre demande de protection internationale selon les dispositions prévues par le règlement (UE) n° 604/20131 (ci-après « règlement Dublin III »). Vous auriez alors décidé de tenter votre chance au Luxembourg en introduisant votre demande de protection internationale le 27 octobre 2014.

Par décision du 13 février 2015, qui vous a été notifiée par affichage public, les autorités luxembourgeoises vous ont informé, d'une part, que le Grand-Duché de Luxembourg n'était pas responsable pour examiner votre demande de protection internationale et, d'autre part, que vous seriez transféré vers l'Espagne en vertu du règlement Dublin III. Le même jour, les autorités luxembourgeoises se sont rendues compte de votre disparition et ont informé les autorités espagnoles de celle-ci.

Il ressort ensuite d'un acte d'écrou du 13 septembre 2023 que suivant un jugement du Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle le 13 janvier 2022, vous avez été condamné à une peine d'emprisonnement de 18 mois, dont 12 avec sursis pour trafic de stupéfiants.

Par arrêté du 15 janvier 2024, votre séjour sur le territoire luxembourgeois a été déclaré comme étant irrégulier et on vous a ordonné de quitter le territoire sans délai accompagné d'une interdiction d'entrée sur le territoire pour une durée d'un an. Par arrêté séparé du même jour, vous avez été placé au Centre de rétention sur le fondement de l'article 120 de la loi modifiée du 29 août 2008, en vue de votre éloignement. Les deux arrêtés vous ont été notifiés le 17 janvier 2024, lors de votre libération du centre pénitentiaire de Luxembourg (ci-après « CPL »).

Le 18 janvier 2024, la recherche effectuée dans la base de données « Eurodac » en vue de la comparaison de vos empreintes digitales aux fins de l'application du règlement Dublin III a révélé que vous aviez, outre votre demande de protection internationale en Norvège et au Luxembourg, introduit encore une autre demande de protection internationale en Hongrie le 26 février 2015. Une demande de réadmission a alors été adressé aux autorités hongroises, qui, en date du 26 janvier 2024 ont rejeté cette demande au motif que le titre de séjour qui vous avez été accordé en tant que membre de famille était révoqué.

Le 30 janvier 2024, l'agent en charge de votre dossier auprès de la Direction générale de l'Immigration a informé les autorités nigérianes de votre rapatriement vers le Nigeria.

L'Unité de Garde et d'Appui Opérationnel (ci-après « UGAO ») de la police grand-ducale a été chargée, le 8 février 2024, d'organiser votre départ et un plan de vol a été communiqué le 12 février 2024 avec comme date d'éloignement le 19 mars 2024.

Le 15 février 2024, une nouvelle décision de retour, annulant et remplaçant celle du 15 janvier 2024, a été prise à votre encontre, assortie d'une interdiction sur le territoire de cinq ans. Le même jour, votre placement au Centre de rétention a été prorogé.

Finalement, vous avez décidé de présenter une demande de protection internationale en date du 7 mars 2024 depuis le Centre de rétention. Par arrêté du même jour, la mainlevée de l'arrêté de placement en rétention sur le fondement de l'article 120 de la loi modifiée du 29 août 2008 a été prononcée et vous avez été placé au Centre de rétention pour une durée de trois mois sur le fondement de l'article 22 de la loi du 18 décembre 2015.

Le 21 mars 2024, vous avez été entendu par un agent du Ministère concernant les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Le 16 avril 2024, vous avez introduit par le biais de votre mandataire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l'annulation de la mesure de placement prise à votre égard en date du 7 mars 2024. Le 24 avril 2024, le Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg, 4e chambre, a déclaré le recours non justifié et vous avez été débouté.

A toutes fins utiles, vous êtes égaiement connu au Luxembourg par les autorités policières, alors que, d'une part, vous avez fait l'objet de nombreux contrôles dans le quartier de la gare au cours de ces dernières années (2019-2023) et que d'autre part, vous avez été condamné à 18 mois d'emprisonnement avec 12 mois de sursis, comme évoqué ci-avant, pour trafic de stupéfiants.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Monsieur, lors de votre première demande de protection internationale au Luxembourg, laquelle vous aviez déclaré vous appeler …, être né le … à … au Kenya et être de nationalité kényane. Vous aviez également indiqué avoir quitté votre pays d’origine à l’âge de … ans en exposant brièvement vos motifs de fuite, à savoir : « I left Kenya because I don’t have anybody that can take of me. I don’t have mother and I don’t have father ».

Lors de votre deuxième demande de protection internationale au Luxembourg, votre version est totalement contradictoire. En effet, d’une part, vous avez déclaré vous nommer …, être né le … à … au Nigéria, être de nationalité nigériane, de confession chrétienne, d’ethnie Igbo et avoir dernièrement vécu dans … dans la ville de « … » (p.5/58 du rapport d’entretien).

D’autre part, vous avez avancé des motifs de fuite liés à la guerre du Biafra au Nigéria.

En ce sens vous avez déclaré que votre vie serait en danger en cas de retour dans votre pays d’origine étant donné que la situation au Nigéria serait dangereuse et que vous ne pourriez pas y vivre sereinement, alors que vous seriez membre du « IPOB Biafra ».

Lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection vous détaillez vos propos en affirmant être un membre actif du groupe séparatiste « Indigenous People of Biafra » (ci-après « IPOB ») et être engagé dans le combat pour l’indépendance de la région du Biafra (p.23/58 du rapport d’entretien). Votre père, leader du groupe IPOB de votre village aurait également déjà été engagé pour la même cause, tout comme votre frère (p.13/58 du rapport d’entretien).

En 2013, votre père aurait été tué par les autorités nigérianes et vous auriez par conséquent décidé, avec votre frère, de quitter votre pays d’origine alors que vous auriez été à risque de subir le même traitement, à savoir la mort. De votre côté, vous auriez réussi à rejoindre l’Europe, contrairement à votre frère, qui serait retourné au Nigéria. A son sujet, vous expliquez qu’il aurait, en 2017, été assassiné par les autorités nigérianes lors d’un rassemblement organisé par le groupe IPOB (p.14/58 et p.28/58 du rapport d’entretien).

Finalement, vous affirmez avoir participé à plusieurs rassemblements en Europe, qui médiatisent en faveur de l’indépendance de la région du Biafra, notamment à deux reprises en Hongrie et à une seule reprise au Luxembourg en 2021 (p.49-50/58 du rapport d’entretien). A cet égard, vous expliquez qu’en 2019, vous auriez été victime de menaces de la part de nombreuses personnes non-identifiées via votre compte Facebook en raison de vos participations auxdits rassemblements (p.55/58 du rapport d’entretien).

A l’appui de votre nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg, vous remettez votre passeport nigérian, qui a été émis par l’ambassade du Nigéria à La Haye en date du 14 août 2020. Vous remettez également une copie d’un « Biafra certificate membership » qui a été émis à Metz en date du 22 avril 2019.

3. Quant à l’application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que vous tombez sous trois des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

« g) le demandeur ne présente une demande qu'afin de retarder ou d'empêcher l'exécution d'une décision antérieure ou imminente qui entraînerait son éloignement; » Force est de relever qu'il existe des raisons valables de penser que vous avez introduit votre demande de protection internationale dans le seul but de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour pris initialement dans votre chef en date du 15 janvier 2024, puis prorogé en date du 15 février 2024.

En effet, à votre sortie du centre pénitentiaire, le 17 janvier 2024, vous avez été placé en rétention en vue de l'organisation de votre éloignement vers votre pays d'origine, lequel avait été planifié et confirmé pour la date du 19 mars 2024. Or, vous avez subitement et sans aucune raison valable et convaincante décidé de déposer une demande de protection internationale douze jours avant la date fixée de votre départ, en l'occurrence le 7 mars 2024, et alors même que vous aviez déjà eu à maintes reprises la possibilité d'accéder à la procédure de protection internationale, soit tout au long de votre séjour au CPL à savoir entre 2022 et 2023, soit depuis le début de votre placement au Centre de rétention.

Ce constat s'impose d'autant plus, alors qu'il ressort de votre dossier administratif que vous vous trouviez sporadiquement sur le territoire luxembourgeois déjà bien en amont, notamment à partir de 2019, alors que selon le rapport de police vous avez fait l'objet de plusieurs contrôles de police dans le quartier de la gare. Or, vous n'avez depuis tout ce laps de temps pas jugé utile de déposer une demande de protection internationale.

Ainsi, il est évident et non équivoque que le fait de déposer une deuxième demande de protection internationale à douze jours de votre éloignement n'est qu'une pure machination de votre part dont le seul but est d'éviter, de retarder ou encore d'empêcher votre éloignement vers le Nigéria, lequel était prévu et confirmé pour le 19 mars 2024 en exécution de la décision de retour du 15 février 2024.

A toutes fins utiles, force est de retenir que vous n'avez également à aucun moment jugé utile d'introduire un recours contentieux contre votre décision de retour pris premièrement en date du 15 janvier 2024, puis deuxièmement en date du 15 février 2024, de sorte qu'il est implicite que vous aviez accepté que l'on vous retourne dans votre pays d'origine.

Dès lors, il est manifeste que vous avez attendu le dernier moment pour introduire votre nouvelle demande de protection internationale, notamment lorsque votre éloignement était imminent.

« h) le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire et, sans motif valable, ne s'est pas présenté aux autorités ou n'a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée; » En effet, comme développé ci-avant, force est de constater que vous ne vous êtes pas présenté aux autorités luxembourgeoises et que vous n'avez pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de votre entrée sur le territoire. En effet, vous vous trouviez manifestement déjà sur le territoire luxembourgeois à partir de 2022 et sporadiquement à partir de 2019.

Or, Monsieur, à nouveau, il convient de rappeler que vous n'avez jamais, depuis tout ce temps, jugé nécessaire de déposer une demande de protection internationale. Au contraire, vous avez attendu que votre éloignement vers le Nigéria soit imminent avant de déposer votre demande, à savoir le 7 mars 2024.

« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale ci-dessous développée, il s'avère que le point a) de l'article 27 se trouve également être d'application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Avant tout autre développement, il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits ainsi que des craintes d'être victime de persécutions ou d'atteintes par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre les autorités en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.

Dès lors, la sincérité de vos propos et la gravité de votre situation dans votre pays d'origine doit être réfutée pour les raisons suivantes.

Premièrement, force est de relever que le comportement dont vous avez fait preuve depuis votre arrivée en Europe est totalement incompatible avec celui d'une personne réellement persécutée dans son pays d'origine et réellement à la recherche d'une protection internationale dans un pays européen sûr.

En effet, après être illégalement entré en Espagne le 19 mars 2014, vous n'avez pas jugé nécessaire d'introduire une demande de protection internationale dans ledit pays et avez préféré errer en Europe jusqu'à atteindre la Norvège pour y tenter votre chance en introduisant une demande le 1er juin 2014. Sans attendre l'issue de la procédure, vous avez subitement quitté la Norvège pour tenter votre chance dans un autre pays européen, à savoir le Luxembourg, où vous avez introduit votre demande de protection internationale le 27 octobre 2014 et où vous avez reproduit le même schéma qu'en Norvège. En effet, alors que vous n'auriez manifestement pas souhaité être transféré en Espagne selon le règlement Dublin III vous avez subitement disparu du territoire luxembourgeois à partir du 13 février 2015.

Il convient ensuite de relever que selon le rapport « Eurodac » du 8 mars 2024, vous avez introduit encore une autre demande de protection internationale en Hongrie en date du 26 février 2015, pays qui vous a finalement accordé une autorisation de séjour en tant que membre de famille, alors que vous vous seriez marié avec une femme de nationalité hongroise.

Selon vos dires, alors que vous auriez perdu votre travail en Hongrie à cause de la crise de la Covid-19 vous avez décidé de faire des allers-retours entre la France et la Hongrie pour vous y établir (p.11/58 du rapport d'entretien), toujours sans introduire une demande de protection internationale en France.

Finalement, force est de noter que vous êtes revenu au Luxembourg à partir de 2019, où vous avez été appréhendé en séjour irrégulier, placé au CPL, puis au Centre de rétention, toujours, sans ne jamais décidé d'introduire une demande de protection internationale. Au contraire, uniquement lorsque votre retour vers votre pays d'origine était imminent, vous avez décidé d'introduire une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg, à savoir en date du 7 mars 2024.

Or, Monsieur, votre comportement est totalement désinvolte, alors qu'une personne réellement en danger dans son pays d'origine n'aurait manifestement pas erré à travers toute l'Europe comme vous l'avez fait en choisissant le pays d'origine sûr qui lui conviendrait le mieux. En effet, on peut attendre d'une personne réellement persécutée qu'elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et ce dans les plus brefs délais sans avoir recours abusivement à la procédure d'asile, ce qui est pourtant manifestement votre cas en l'espèce.

Deuxièmement, votre manque manifeste de crédibilité se traduit encore par le fait que vous avez utilisé au Luxembourg, d'une part, deux identités différentes et d'autre part, des motifs de fuite totalement contradictoires, de sorte qu'il est permis de constater que vous vous jouez ostentatoirement des autorités luxembourgeoises en changeant d'identité et de récit comme bon vous semble.

En effet, lors de votre première demande de protection internationale au Luxembourg vous avez indiqué être de nationalité kenyane et avoir fui le Kenya pour des raisons d'ordre privé et personnel, alors que lors de votre deuxième demande de protection internationale vous avez indiqué être de nationalité nigériane et avoir des craintes concrètes en rapport avec la guerre du Biafra au Nigéria. Pour appuyer vos déclarations vous remettez également un passeport national nigérian, qui vous a été émis par l'ambassade du Nigéria à La Haye en date du 14 août 2020 (p.7/58 du rapport d'entretien).

Or, force est de conclure que vous avez ouvertement menti lors de l'introduction de votre première demande de protection internationale, de sorte qu'on ne saurait plus quoi croire venant de vous concernant votre deuxième demande de protection internationale. En effet, vous vous jouez officieusement des autorités luxembourgeoises et cela dans un but unique de régulariser coûte que coûte votre situation en Europe.

Votre explication, selon laquelle le passeur vous aurait conseillé de ne pas révéler votre véritable identité nigériane dans le but de ne pas vous faire renvoyer dans votre pays d'origine (p.3-4/58 du rapport d'entretien) n'en est pas moins dérisoire et ne saurait aucunement contrebalancer le fait que vous avez ouvertement menti aux autorités luxembourgeoises et que vous êtes de mauvaise foi depuis votre arrivée en Europe et plus précisément au Luxembourg.

Troisièmement, il y a lieu de soulever qu'il se dégage à la lecture de votre entretien que vous dites tout et son contraire et que vos réponses sont de manière générale très incohérentes, de sorte qu'il est difficile de se faire une idée concrète de votre prétendu vécu.

En effet, il ressort de votre rapport d'entretien que vous vous montrez très peu coopératif, alors que l'agent ministériel doit vous reprendre à plusieurs reprises afin que vous répondiez concrètement aux questions posées. En ce sens, vous n'êtes également pas capable d'exposer clairement et linéairement vos craintes principales, alors qu'il convient de remarquer que vous vous perdez dans vos propres affirmations, à tel point que votre ancien mandataire, Maître DIASSY, ait été obligé d'intervenir à de nombreuses reprises en vous suggérant la réponse.

Or, un tel comportement prouve indéniablement un désintérêt évident par rapport à votre demande de protection internationale et ne fait que confirmer votre mauvaise foi et le fait que vous avez introduit cette deuxième demande de protection internationale uniquement dans le but de retarder votre éloignement vers le Nigéria, déjà prévu et planifié.

Dans cette même lignée, force est de retenir que vous essayez par tous les moyens de greffer un motif de fond politique à votre récit afin d'augmenter la probabilité de vous voir accorder une protection internationale. En effet, vous affirmez, d'une part, être un membre actif des IPOB en produisant une copie d'un certificat d'appartenance, lequel a été émis à Metz en 2019 et expliquez brièvement, d'autre part, sans donner aucun détail, la cause dans laquelle vous seriez engagée. Or, force est de retenir à cet égard que, certes, vous semblez avoir quelques notions, mais que, la manière superficielle, vague et condensée de vos déclarations' ne sauraient emporter aucune conviction pour donner un brin de crédibilité à votre engagement en tant qu'IPOB et vos craintes liées. Cela est d'autant plus vrai, alors que vous déclarez également être venu en Europe « to look for a better life, to work and live my life » (p.17/58 du rapport d'entretien).

De plus, force est de constater que vous n'apportez aucune preuve concrète pour corroborer vos affirmations, notamment en ce qui concerne l'appartenance de votre père et de votre frère au groupe séparatiste des IPOB ou encore le fait que leurs décès seraient liés à des représailles subies par les autorités nigérianes. Pareil constat s'impose pour vos propres craintes, alors que vous n'êtes pas capable de prouver que vous auriez déjà été membre des IPOB lorsque vous vous trouviez au Nigéria en vous bornant à affirmer qu'au les cartes de membres n'existeraient pas, ce qui est totalement faux.

Pareil constat doit encore être fait, alors que vous n'êtes pas capable d'expliquer concrètement les faits qui vous seraient arrivés au Nigéria, lesquels vous aurait poussé à quitter votre pays d'origine. En effet, vous faites uniquement de simples suppositions, en affirmant qu'étant donné que votre père serait décédé vous auriez égaiement été en proie de subir les mêmes répercussions au regard de votre lien de parenté. Or, vous n'évoquez aucun acte individuel, réel ou encore concret, qui permettrait de soutenir lesdites suppositions, de sorte que vous émettez donc principalement de simples hypothèses non-convaincantes. En effet, tel qu'il ressort de votre entretien, ni vous, ni votre frère, ni le reste de votre famille auriez officiellement été recherché par les autorités nigérianes après le décès de votre père : « But officially, you never got the information that they would come and look after you ? We never get the information that they will come (…) » (p.54/58 du rapport d'entretien).

Toujours en ce sens, force est également de relever que vous avez volontairement et en toute connaissance de cause été faire un passeport auprès de l'ambassade du Nigéria à La Haye, chose qui n'est aucunement en accord avec le comportement d'une personne persécutée et qui craindrait les autorités nigérianes du fait de son appartenance au groupe séparatiste des IPOB. En effet, une telle personne n'aurait vraisemblablement jamais osé approcher les autorités nigérianes ou encore ne serait-ce tenté de les approcher si cette dernière avait réellement été recherchée comme vous le prétendez. Or, vous avez manifestement effectué lesdites démarches, de sorte qu'il convient sérieusement de s'interroger sur vos réelles craintes en tant que membre du groupe IPOB en cas de retour dans votre pays d'origine par rapport aux autorités nigérianes. En effet, si les autorités nigérianes avaient réellement su que vous appartiendriez au groupe des IPOB, comme vous le prétendez, et que vous auriez été engagé dans la cause du Biafra, ces dernières ne vous auraient manifestement pas émis un passeport aussi facilement et laissé repartir sans que vous ne soyez inquiété d'une quelconque manière.

Ce constat est d'autant plus vrai alors que vous répétez avec conviction que les autorités nigérianes seraient à votre recherche étant donné qu'elles seraient au courant que vous seriez un membre actif de la cause (p.37/58 et p.55/58 du rapport d'entretien).

Finalement et ce qui ne joue d'ailleurs toujours pas en faveur de la crédibilité de votre récit, c'est le fait que tout au long de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous vous bornez à affirmer que le gouvernement nigérian serait à l'origine des atrocités commises envers les personnes appartenant au groupe séparatiste des IPOB, lequel se serait principalement défendu en essayant le plus possible d'agir de manière passive. Or, vos affirmations ne sont pas crédibles et témoignent manifestement en faveur du fait que vous essayez d'aggraver votre situation dans votre pays d'origine et de vous faire passer pour une victime.

En effet, force est de constater qu'il s'agit d'une guérilla et que le groupe séparatiste est autant impliqué activement dans les représailles commises que les autorités nigérianes. A cet égard, les IPOB ont notamment également commis de nombreuses atrocités envers les civils nigérians ou encore envers les autorités nigérianes officielles. En effet, d'une part, « Initially, the agitations for self-rule were largely peaceful but have taken a violent turn » et d'autre part « The call for violence by both domestic and foreign sponsors is a vital driver of the region's bloodshed. For example, Simeon Ekpa, the leader of a faction of the IPOB, has repeatedly advocated for violent repercussions for persons who disobey the sit-at-home order in the region. Other abroad-based agitators openly incite violence on social media ». Toujours dans cette même lignée : « (…) Individuals believed to be associated with the Eastern Security Network, the armed wing of the separatist group the Indigenous People of Biafra, staged attacks on security personnel, civilians, and government offices, including police stations in the South East region. (…) Authorities attempted to investigate and prosecute such actions ».

A titre d'exemples non-exhaustifs, remettant une énième fois en doute la sincérité de vos propos et par conséquent de vos craintes, il convient de relever que vous répétez et parlez à plusieurs reprises du leader des « IPOB », le dénommé « … » (p.4, p.23, p.24, p.29-31, p.36, p.42, p.45 et p.52 du rapport d'entretien), alors que selon les informations suffisamment vérifiées de votre pays d'origine cette personne se prénommerait « … ». Or, Monsieur, pour une personne qui se prétend être fervent combattant pour la cause du Biafra depuis toujours et dont, d'une part, le père aurait déjà été engagé et d'autre part, le frère aurait été tué, il est irréprochable de connaître au moins la dénomination exacte du leader de la branche des IPOB.

Ainsi, Monsieur, au vu des développements qui précèdent, il est indéniable que vous avez présenté une demande de protection internationale au dernier moment afin de retarder votre retour dans votre pays d'origine et que vous essayez d'aggraver votre situation dans votre pays d'origine dans le seul but d'obtenir une protection internationale. Or, un tel comportement ne saurait aucunement être accepté de votre part, alors que vos craintes sont non-crédibles et purement hypothétiques en cas de retour dans votre pays d'origine.

A toutes fins utiles, il convient de souligner concernant la situation sécuritaire dans votre pays d'origine, que le seul fait d'être originaire du Nigéria n'est pas suffisant pour se voir octroyer une quelconque protection internationale. En effet, la situation au Nigeria n'est pas d'une gravité telle que chaque individu y risquerait sa vie, voire risquerait d'y subir des atteintes graves du fait de sa seule présence sur ledit territoire. En effet, selon la « Country Guidance Nigéria » publiée par l'Agence de l'Union européenne pour l'asile en octobre 2021, les incidents sécuritaires dans …, qui correspond à votre région de provenance, sont très faibles, alors que « Looking at the indicators, it can be concluded that in the state of Abia there is, in general, no real risk for a civilian to be personally affected within the meaning of Article 15(c) QD ». Dans cette même lignée, selon plusieurs autres sources, … n'a enregistré que très peu d'incidents sécuritaires ou encore de victimes sur la période de janvier 2022 à décembre 2022, de sorte que vous ne craignez manifestement rien en cas de retour dans votre région et cela alors que vous ne rapportez aucun élément individuel qui permettrait d'infirmer les constats effectués ci-avant.

Partant, votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne saurait vous être accordée.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée. […]».

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. […] ».

Il convient de prime abord de relever qu’encore que le courrier ministériel du 17 mai 2024 contienne trois volets décisionnels et que suivant l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, Monsieur … n’a pas dirigé son recours contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que la soussignée n’a pas à statuer sur le bien-fondé de ce volet de la décision du 17 mai 2024, la soussignée s’abstenant, par ailleurs, de soulever les conséquences à tirer de cette omission par rapport au volet de la décision ministérielle ayant notamment dénié toute pertinence aux questions soulevées par l’intéressé au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Quant au recours dirigé contre la décision ministérielle refusant la protection internationale et l’ordre de quitter le territoire, étant donné que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prise dans le cadre d’une procédure accélérée et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les deux décisions du ministre du 17 mai 2024, telles que déférées, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui des deux volets de son recours et en fait, le demandeur explique que s’il avait dû quitter le Nigéria ce serait parce qu’en raison de la « guerre du Biafra » régnant dans ce pays et du fait qu’il serait un membre actif du groupe séparatiste « Indigenious People of Biafra » (« IPOB »), sa vie serait en danger dans son pays d’origine. Il précise à cet égard que son père, de même que son frère auraient été tués par les autorités nigérianes respectivement en 2013 et en 2017 en raison de leur appartenance audit groupe. Il estime donc risquer de subir le même sort que son père et son frère s’il était amené à retourner dans son pays d’origine. Le demandeur fait encore valoir que la situation actuelle au Nigéria serait alarmante en raison des conditions de sécurité imprévisibles qui régneraient sur l’ensemble du territoire et de « l’important risque d’actes terroristes et criminels, d’affrontements intercommunautaires, d’attaques à main armée et d’enlèvements ». A cela viendraient s’ajouter « des conflits ethnique et régionaux entre des groupes militants et qui auraient entraîné un accroissement des troubles et des actes de violence par le passé ». Ainsi, le niveau de criminalité serait élevé dans l’ensemble du Nigéria.

En droit, s’agissant du recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant refus de lui octroyer le statut de réfugié, il conteste que les faits qu’il a exposés à la base de sa demande de protection internationale puissent être considérés comme n’étant pas crédibles, tout en reprochant au ministre de n’avoir fondé son appréciation à ce sujet sur aucun élément objectif. Il conteste, par ailleurs, le reproche ministériel suivant lequel il ne ferait que dramatiser sa situation dans son pays d’origine tout en se faisant passer pour une victime en induisant les autorités luxembourgeoises en erreur. Ce serait encore à tort qu’il lui était reproché de ne pas rapporter des éléments clés afin d’appuyer « sa parole ». Il aurait, au contraire, clairement expliqué les faits l’ayant conduit à fuir le Nigéria et notamment sa crainte d’être incarcéré et torturé en cas de retour dans ce pays du fait qu’il serait recherché par les autorités nigérianes. Il aurait également expliqué qu’en raison de son appartenance au groupe IPOB, il risquerait de subir le même sort que son père et son frère en cas de retour dans son pays d’origine. Au vu de ces considérations, ce serait à tort que le bénéfice du statut de réfugié lui a été refusé.

Le demandeur ajoute que même à admettre qu’il ne remplisse pas les conditions pour se voir octroyer le statut de réfugié, il devrait à tout le moins se voir reconnaître le statut conféré par la protection subsidiaire.

Finalement, le demandeur conclut à la réformation de l’ordre de quitter le territoire et ce, au motif qu’au vu des développements qui précèdent, il devrait être admis qu’il ne se trouve pas en séjour illégal sur le territoire luxembourgeois, puisqu’il aurait, au contraire, le droit de bénéficier de l’un des statuts conférés par la protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 35, paragraphe (2), alinéa 2 de la loi du 18 décembre 2015 : « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Avant tout autre progrès en cause, la soussignée se doit de relever que contrairement à ce que soutient le délégué du gouvernement et à ce que laisse suggérer la conclusion reprise à la dernière page de la décision ministérielle, le refus ministériel d’octroyer au demandeur l’un des statuts conférés par la protection internationale n’est pas uniquement motivé par une absence de crédibilité de son récit dans sa globalité. En effet, si le ministre a certes remis en cause la sincérité du demandeur en raison notamment du comportement adopté par celui-ci depuis son arrivée au Luxembourg et de son manque de coopération lors de son audition, il n’en reste pas moins qu’il a également procédé à une analyse au fond non seulement des motifs de fuite invoqués en relation avec l’affiliation du demandeur au groupe IPOB, mais également de ceux en relation avec la situation sécuritaire au Nigéria, avant de venir à la conclusion que, faute d’être sous-tendues par des éléments suffisamment cohérents et concrets venant corroborer leur caractère réel et sérieux, ses craintes de faire l’objet de persécutions, respectivement d’atteintes graves de ce chef en cas de retour dans son pays d’origine seraient « non crédibles et purement hypothétiques ».

Ensuite, s’agissant du recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’octroyer au demandeur l’un des statuts conférés par la protection internationale, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2, point b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « demande de protection internationale » se définit comme correspondant à une demande visant à obtenir le statut de réfugié, respectivement celui conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Force est à la soussignée de constater que la notion de « réfugié » implique nécessairement des persécutions ou à tout le moins un risque de persécution dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse de la soussignée devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, indépendamment des considérations relatives à la crédibilité du récit du demandeur, l’examen des déclarations faites par celui-ci lors de son audition, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène la soussignée à conclure que l’intéressé reste manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015.

En effet, pour ce qui est de la crainte du demandeur de faire l’objet de persécutions dans son pays d’origine en raison de sa qualité de membre actif du groupe séparatiste IPOB, donc en relation avec ses opinions politiques, la soussignée est amenée à rejoindre le ministre dans son constat que celle-ci doit à l’évidence s’analyser comme étant purement hypothétique pour n’être sous-tendue par aucun élément tangible.

Ainsi, si le demandeur affirme être depuis 2019 un membre actif du groupe IPOB, il n’a toutefois soumis ni au ministre ni à la soussignée un quelconque élément concret permettant de sous-tendre sa crainte de subir des mauvais traitements de la part des autorités nigérianes, voire même d’être tué en raison de cette affiliation et plus particulièrement en raison de sa participation à plusieurs rassemblements en Europe qui auraient eu pour but de médiatiser en faveur de la région du Biafra au Nigéria. La soussignée se doit d’ailleurs, à cet égard, de relever qu’alors même que le ministre a clairement réfuté la gravité de sa situation dans son pays d’origine, respectivement le caractère réel et sérieux des craintes mises en avant à ce sujet par le demandeur faute pour celui-ci d’avoir été capable de corroborer ses affirmations en relation avec cette crainte, voire parce qu’il n’a fait que des déclarations vagues et incohérentes à ce sujet, l’intéressé n’a pas jugé utile de soumettre à l’appui du recours sous analyse des éléments susceptibles d’éclairer la soussignée au sujet des craintes mises en avant par lui, notamment en versant de la documentation venant appuyer ses craintes en relation avec « la guerre du Biafra » au Nigéria ou bien dont il se dégagerait que tout membre du groupe séparatiste IPOB doit craindre de subir, au Nigéria, des persécutions au sens de la Convention de Genève en raison de sa seule appartenance à ce groupe. Le constat de l’absence de caractère réel et sérieux des craintes mises en avant par le demandeur s’impose d’autant plus à la soussignée que l’intéressé s’est rendu à l’ambassade du Nigéria à La Haye qui lui a émis un nouveau passeport en date du 14 août 2020, attitude qui n’est à l’évidence, tel que l’ont mis à bon droit en exergue le ministre et la partie étatique, pas en concordance avec le comportement d’une personne se disant être recherchée par les autorités de son pays d’origine et craindre réellement de faire l’objet de persécutions de la part de celles-ci en raison de son affiliation au groupe IPOB.

La soussignée relève, dans ce même contexte, que l’affirmation du demandeur suivant laquelle son père et son frère auraient été tués respectivement en 2013 et en 2017 par les autorités nigérianes en raison de leur seule appartenance au groupe IPOB reste à l’état de pure allégation pour n’être sous-tendue par aucun élément objectif du dossier, le demandeur ne faisant d’ailleurs, tel que relevé à bon droit par le ministre, que des suppositions à cet égard, étant relevé que ses seules déclarations pour le moins confuses suivant lesquelles des soldats auraient intentionnellement mis une arme dans la voiture de son père afin qu’il puisse l’accuser d’être un terroriste et le tuer, respectivement que des soldats auraient probablement tué son frère ensemble avec une cinquantaine d’autres personnes s’étant trouvées dans une maison avec le leader du groupe IPOB, manquent, en tout état de cause, de convaincre. Comme des faits non personnels mais vécus par d’autres personnes ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières et qu’une telle preuve n’est toutefois à l’évidence pas rapportée en l’espèce, la crainte du demandeur de subir le même sort que son père et son frère doit s’analyser davantage en un sentiment général d’insécurité qui n’est toutefois à lui seul manifestement pas suffisant pour justifier dans son chef l’octroi du statut de réfugié.

En tout état de cause, en l’absence d’autres explications et précisions, les déclarations vagues et non autrement étayées du demandeur suivant lesquelles il ne pourrait pas retourner au Nigéria au risque d’y subir des persécutions en raison de la « guerre du Biafra », respectivement de son affiliation au groupe IPOB ne sauraient à l’évidence justifier dans son chef une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève, respectivement de la loi du 18 décembre 2015.

Au vu des considérations qui précèdent, la soussignée est amenée à conclure que les éléments mis en avant par le demandeur à la base de sa demande de protection internationale ne sauraient manifestement justifier dans son chef l’octroi du statut de réfugié.

Quant au refus ministériel d’octroyer au demandeur le statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 précités de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de la protection subsidiaire.

La soussignée constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Pour ce qui est des craintes du demandeur de retourner dans son pays d’origine en raison de la « guerre du Biafra », respectivement de son affiliation au groupe IPOB, tel que la soussignée l’a retenu dans le cadre de l’analyse de motifs invoqués à la base de la demande d’octroi du statut de réfugié, les déclarations vagues et non autrement sous-tendues du demandeur y relatives doivent être considérées comme n’étant à l’évidence pas non plus de nature à justifier dans son chef une crainte fondée de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015.

En ce qui concerne enfin la situation sécuritaire générale au Nigéria telle qu’également évoquée par le demandeur, il ne ressort manifestement pas des éléments soumis à l’appréciation de la soussignée, - qui se résument à des données issues de recherches effectuées sur la page internet du gouvernement du Canada contenant des conseils aux voyageurs canadiens pour le Nigéria -, que toute personne, du seul fait de sa présence sur le territoire nigérian, court un risque réel et sérieux d’y subir des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une situation correspondant à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit interne ou international au sens de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015.

Ce constat s’impose d’autant plus qu’il se dégage de la décision ministérielle, sources internationales à l’appui, que les incidents sécuritaires dans … dont est originaire le demandeur, sont très faibles, sans que ce dernier, auquel il appartient d’étayer ses dires, n’ait apporté le moindre élément individuel permettant d’infirmer ce constat. En effet, le renvoi sans autre précision ni discussion à un lien vers un article publié en ligne par BBC News Afrique le 10 janvier 2023, intitulé « La quête du Biafra alimente le conflit au Nigeria : Trop peur pour se marier et enterrer les corps », n’est à l’évidence pas suffisant à cet égard, étant relevé qu’il n’appartient certainement pas à la soussignée d’analyser de son propre chef des documents ou articles pour y déceler d’éventuels éléments susceptibles de plaider en faveur de la thèse du demandeur. En effet, il convient de manière générale de relever que, conformément à la jurisprudence, le renvoi, sans autre précision, à des documents, sans indication des passages pertinents, sans adaptation du contenu de ces documents à la situation particulière du demandeur et sans aucune discussion de leur contenu, n’est pas à prendre en considération, étant donné qu’il n’appartient pas à la soussignée de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher elle-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, en procédant indépendamment des moyens effectivement soutenus par la partie demanderesse à un réexamen général et global de la situation de la partie demanderesse1.

Au vu des considérations qui précèdent, la soussignée est amenée à retenir que les éléments mis en avant par le demandeur à la base de sa demande de protection internationale ne sauraient manifestement pas non plus justifier l’octroi dans son chef du statut conféré par la protection subsidiaire.

Dans ces circonstances et au vu des faits et moyens invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de son audition ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, la soussignée est amenée à conclure que l’intéressé ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, de sorte que le recours contre la décision ministérielle de refus d’un statut de protection internationale est à déclarer comme manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

2) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, la soussignée relève qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du 1 Trib. adm. 11 février 2015, n° 35704 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le vice-président, présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 17 mai 2024 portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces deux décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 juin 2024 par la soussignée, Alexandra Castegnaro, vice-président au tribunal administratif, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 juin 2024 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50498
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-06-17;50498 ?

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