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17/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50711

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 juillet 2024, 50711


Tribunal administratif N° 50711 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50711 chambre de vacation Inscrit le 10 juillet 2024 Audience publique du 17 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50711 du rôle et déposée le 10 juillet 2024 au greffe du tribunal admini

stratif par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc...

Tribunal administratif N° 50711 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50711 chambre de vacation Inscrit le 10 juillet 2024 Audience publique du 17 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50711 du rôle et déposée le 10 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Nigéria) et être de nationalité nigériane, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 21 juin 2024, ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Eric SAYS s’étant excusé.

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En date du 27 octobre 2014, Monsieur … introduisit sous le nom de …, né le … à … (Kenya), de nationalité kenyane, une demande de protection internationale auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », entretemps abrogée par la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par décision du 13 février 2015, notifié à l’intéressé par affichage public, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas sa demande de protection internationale et qu’il sera transféré vers l’Espagne en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le même jour, les autorités luxembourgeoises informèrent les autorités espagnoles de la disparition de Monsieur … et, partant, de la prolongation du délai de transfert en vertu de l’article 29, paragraphes (1) et (2) du règlement Dublin III.

Il ressort d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg, ci-après dénommé « CPL », du 13 septembre 2023, que Monsieur … y fut transféré en date du même jour.

Il ressort ensuite d’un acte d’écrou émis par le CPL en date du 13 septembre 2023 que Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois, dont 12 assortis du sursis à exécution, suivant un jugement du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, du 13 janvier 2022 et que le début de l’exécution de la peine a été fixé au 13 septembre 2023 pour prendre fin le 17 janvier 2024.

Il ressort ensuite d’un relevé journalier du CPL du 17 janvier 2024 que Monsieur … fut libéré du CPL à cette date.

Par arrêté du 15 janvier 2024, notifié en mains propres à l’intéressé le 17 janvier 2024, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et lui interdit l’entrée sur ledit territoire pour une durée d’un an.

Par arrêté séparé du même jour, notifié également en mains propres à l’intéressé le 17 janvier 2024, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification, sur le fondement de l’article 120 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ».

En date du 18 janvier 2024, une recherche effectuée dans la base de données EURODAC révéla que Monsieur … avait introduit, outre la demande de protection internationale précitée du 27 octobre 2014 au Luxembourg, des demandes de protection internationales en Norvège le 1er juin 2014 et le 26 février 2015 en Hongrie.

Par courrier du 26 janvier 2024, les autorités hongroises refusèrent la demande de réadmission de Monsieur … leur adressée par les autorités luxembourgeoises en date du 16 janvier 2024 au motif que le titre de séjour de ce dernier avait été révoqué.

Le 30 janvier 2024, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités consulaires nigérianes en vue du rapatriement au Nigéria de Monsieur ….

Le 8 février 2024, l’Unité de Garde et d’Appui Opérationnel (UGAO), Service de Garde et de Protection (SGP), de la police grand-ducale, fut chargée par le ministre d’organiser le départ de Monsieur … vers le Nigéria.

Le 12 février 2024, la police grand-ducale communiqua un plan de vol au ministre, prévoyant comme date d’éloignement pour Monsieur … le 19 mars 2024.

Par décision du 15 février 2024, notifiée en mains propres à l’intéressé le 16 février 2024, le ministre rapporta sa décision de retour du 15 janvier 2024, assortie d’une interdictiond’entrée sur le territoire d’un an tout en prenant une nouvelle décision de retour à l’encontre de Monsieur …, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans.

Par arrêté séparé du même jour, notifié en mains propres à l’intéressé également le 16 février 2024, le ministre ordonna la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 17 février 2024.

Le 19 février 2024, le ministre contacta une agence de voyage luxembourgeoise en vue de l’émission des billets d’avion pour l’éloignement de Monsieur …, tant pour lui que pour les escortes.

Le 7 mars 2024, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une nouvelle demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Par arrêté du 7 mars 2024, notifié en mains propres à l’intéressé le même jour, le ministre prononça la mainlevée de l’arrêté de placement en rétention précitée du 15 janvier 2024 et décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir du jour de l’introduction de la demande de protection internationale sur le fondement de l'article 22, paragraphe (2), points b) et e) de la loi du 18 décembre 2015.

Le recours contentieux introduit en date du 16 avril 2024 à l’encontre de l’arrêté précité du 7 mars 2024 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 24 avril 2024, inscrit sous le numéro 50334 du rôle.

La demande de protection internationale introduite le 7 mars 2024 par Monsieur … fut rejetée par une décision du ministre du 17 mai 2024, notifiée à l’intéressé en mains propres le même jour, dans le cadre d’une procédure accélérée en application de l’article 27, paragraphe (1), points a), g) et h) de la loi du 18 décembre 2015.

Le recours contentieux introduit le 23 mai 2024 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … contre la décision précitée du ministre du 17 mai 2024 portant rejet de sa demande de protection internationale fut déclaré non fondé par un jugement du tribunal administratif du 17 juin 2024, inscrit sous le numéro 50498 du rôle.

Par un arrêté du 7 juin 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre décida la prorogation de la mesure de placement au Centre de rétention de Monsieur … pour une durée de trois mois à compter de la notification de ladite décision. Le recours contentieux introduit le 10 juin 2024 au greffe du tribunal administratif contre le prédit arrêté ministériel du 7 juin 2024 fut rejeté pour être non fondé par un jugement du tribunal administratif du 18 juin 2024, inscrit sous le numéro 50567 du rôle.

Par arrêté du 21 juin 2024, notifié en mains propres à l’intéressé le même jour, le ministre prononça la mainlevée de l’arrêté de placement en rétention précitée du 7 mars 2024 et décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté, lequel est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2002 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

3 Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu mon arrêté de placement en rétention du 7 mars 2024, lui notifié le même jour et mon arrêté du 7 juin 2024, lui notifié le même jour ;

Vu ma décision de rejet du 17 mai 2024, lui notifiée le 21 mai 2024 suite à une demande de protection internationale au Luxembourg introduite par l'intéressé en date du 7 mars 2024 ;

Vu ma décision de retour du 17 mai 2024 ;

Vu ma décision d'interdiction d'entrée sur le territoire de cinq ans du 15 février 2024, lui notifiée le 16 février 2024 ;

Vu le refus de réadmission délivré par les autorités hongroises en date du 26 janvier 2024 ;

Considérant que l'intéressé n'est pas en possession d'un visa en cours de validité ;

Considérant que l'intéressé a présenté sa demande de protection internationale à la seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour ;

Considérant que le rapatriement était prévu en date du 19 mars 2024 ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125 (1), paragraphe (1), points a) b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 juillet 2024, inscrite sous le numéro 50711 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 21 juin 2024 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et quant à la légalité externe de la décision déférée, le demandeur se rapporte à prudence de justice quant à la compétence du ministre pour prendre l’arrêté litigieux.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision déférée, il conclut à une violation de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, en contestant que les démarches nécessaires en vue de son éloignement auraient été effectuées par les autorités luxembourgeoises, en contestant l’existence de tout délit de fuite dans son chef ainsi qu’en affirmant que jusqu’à présent aucune proposition de retour ne lui aurait été faite et aucune date en vue de son extradition ne lui aurait été proposée. A son avis, ni « le manque de démarches nécessaires des autorités, ni l’absence de vols ne saurait justifier une prorogation du placement en rétention ».

Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

C’est de prime abord à tort que le demandeur conteste, par le fait de s’être rapporté à prudence de justice, la compétence du ministre pour prendre une mesure de placement au Centre de rétention, étant donné qu’en vertu de l’article 3, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre visé dans les dispositions de cette loi est le ministre ayant l’asile dans ses attributions, soit conformément à l’annexe B du règlement interne du gouvernement, tel qu’approuvé par arrêté grand-ducal du 27 novembre 2023 portant approbation et publication du règlement interne du Gouvernement, le ministre des Affaires intérieures.

Le moyen de légalité externe afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « (1) Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, ou en vertu d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127, ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.» Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « (3) La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…)».

Force est dès lors de constater que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’estprécisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

S’agissant d’abord des contestations de Monsieur … quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal constate qu’il est constant en cause que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour en date du 15 février 2024 - lui rappelée par décision du ministre du 17 mai 2024 - se trouve en situation de séjour irrégulier au Luxembourg.

Etant donné qu’à cette même date, il a encore fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), numéro 3. de la disposition légale en question.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.

En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre pour procéder à son éloignement, le tribunal précise que dans le cadre de son jugement précité du 18 juin 2024, inscrit sous le numéro 50567 du rôle, il avait retenu qu’aucun manque de diligences n’était à reprocher aux autorités ministérielles notamment, dans la mesure où l’éloignement du demandeur avait pu être organisé pour le 19 mars 2024 et qu’il n’a pu être exécuté en raison du seul fait du dépôt d’une demande de protection internationale par Monsieur … douze jours avant son départ et la nécessité d’attendre l’issue de la procédure y relative avant de pouvoir reprendre l’organisation de l’éloignement du demandeur vers son pays d’origine.

A travers le recours sous examen, le tribunal n’est désormais saisi que de la décision du ministre du 21 juin 2024 ayant ordonné le placement au Centre de rétention de Monsieur …, de sorte qu’il lui appartient uniquement d’examiner la légalité et le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.

A cet égard, il ressort du dossier administratif qu’en date du 21 juin 2024, c’est-à-dire le jour même de la prise de l’arrêté de placement en rétention litigieux, le ministre a demandé à l’UGAO, d’organiser le départ de l’intéressé vers le Nigéria. En date du 3 juillet 2024, un agent ministériel a contacté une agence de voyage luxembourgeoise en vue de l’émission de billets d’avion pour l’éloignement de Monsieur … vers le Nigéria, ainsi que d’une escorte. Le même jour, l’UGAO transmit un plan de vol au ministre prévoyant un vol au nom dudemandeur vers le Nigéria pour le 18 juillet 2024. Par courrier électronique du 4 juillet 2024 un agent ministériel a communiqué les détails du vol réservé au nom de Monsieur … à l’ambassade du Nigéria à Bruxelles, dont un agent a confirmé par retour de courrier électronique du même jour que lesdits détails seraient transmis aux autorités étatiques à Abuja.

Au vu des diligences ainsi accomplies par les autorités ministérielles luxembourgeoises en vue de l’éloignement du demandeur, ayant à ce stade de l’analyse du dossier d’ores et déjà partiellement pu aboutir, dans la mesure où l’éloignement du demandeur a pu être planifié concrètement, aucun reproche tiré d’un manque de diligences ne saurait être formulé à l’égard des autorités luxembourgeoises. Le moyen afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Il en va de même sur base des mêmes considérations en ce qui concerne l’affirmation du demandeur selon laquelle il n’y aurait pas de chances à ce que son éloignement puisse aboutir.

Enfin, et même si le demandeur ne s’y est pas référé, il convient de préciser en ce qui concerne l’existence de mesures moins coercitives qu’un placement en rétention, que les articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 y relatifs sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le demandeur ne fait pas valoir d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. A cet égard, il convient de relever qu’il est constant que le demandeur ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg ni d’une quelconque autre attache. L’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait des « attaches en Italie » est justement de nature à confirmer l’existence d’un risque de fuite dans son chef, étant relevé que le risque de fuite se définit dans ce contexte comme le risque de se soustraire à la mesure d’éloignement. Il n’a, par ailleurs, présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Il ne se dégage dès lors pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal qu’en l’espèce, l’une des mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 aurait pu être efficacement appliquée au demandeur.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 juillet 2024 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Emilie DA CRUZ DE SOUSA, premier juge, en présence du greffier Paulo ANICETO LOPES.

s. Paulo ANICETO LOPES s. Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 50711
Date de la décision : 17/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-17;50711 ?

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