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17/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50728

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 juillet 2024, 50728


Tribunal administratif N° 50728 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50728 Chambre de vacation Inscrit le 12 juillet 2024 Audience publique du 17 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, connu sous un autre alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50728 du rôle et déposée le 12 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maro...

Tribunal administratif N° 50728 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50728 Chambre de vacation Inscrit le 12 juillet 2024 Audience publique du 17 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, connu sous un autre alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50728 du rôle et déposée le 12 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, alias …, né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 26 juin 2024 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Philippe STROESSER n’ayant été ni présent, ni représenté, ni excusé.

Il ressort d’un rapport n° … de la police grand-ducale de la région Capitale, Commissariat …, dit « Fremdennotiz », du 5 avril 2021, qu’en date du même jour, Monsieur …, connu sous un autre alias, à savoir …, désigné ci-après par « Monsieur … », fut interpellé à la suite d’un incident ayant eu lieu dans le quartier … de la Ville de Luxembourg, sans être en possession de documents d’identité valables.

Suivant relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 13 juillet 2021, Monsieur … y fut placé en détention préventive le même jour pour des faits de vol à l’aide de violences.

Une recherche effectuée en date du 20 juillet 2021 dans la base de données EURODAC révéla que Monsieur … avait déposé une demande de protection internationale en Espagne, le 30 mai 2018, au Danemark, le 7 juillet 2018, en Suède, le 4 septembre 2018, en Allemagne, le 20 juin 2019, aux Pays-Bas le 1er novembre 2019 et en Suisse, le 17 mars 2020.

1Il ressort de l’acte d’écrou du 22 août 2022 que par arrêté de la Cour supérieure de Justice à Luxembourg du 10 mai 2022, n° …, Monsieur … fut condamné à 48 mois d’emprisonnement, dont 12 avec sursis, peine ayant commencé à courir le 13 juillet 2021 pour s’achever le 27 juin 2024.

Par courrier de son mandataire du 16 mai 2024, Monsieur … fit part au ministre des Affaires intérieures, désigné ci-après par « le ministre », de sa volonté d’être rapatrié, à l’issue de sa détention, en Suisse, pays dans lequel il aurait introduit une demande de protection internationale avant son arrestation au Luxembourg.

En date du 22 mai 2024, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités suisses en vue d’obtenir des informations concernant Monsieur … sur base de l’article 34 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III » et en date du 31 mai 2024, les autorités suisses leur repondèrent qu’étant donné que Monsieur … quitta la Suisse le 19 avril 2021, sa demande de protection internationale fut classée sans suite.

Dès lors, le ministre informa le mandataire du concerné par courrier électronique du 31 mai 2024 qu’il sera rapatrié, à sa sortie du prison, vers le Maroc.

Par arrêté ministériel du 26 juin 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à son encontre.

Par un arrêté ministériel séparé du même jour, également notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification du prédit arrêté, sur base des motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu ma décision de retour du 26 juin 2024, comportant une interdiction de territoire de 5 ans ;

Vu que l’intéressé constitue un danger pour l’ordre public ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

2Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 26 juin 2024.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique.

Or, cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.

Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il reproche au ministre que malgré l’indication dans son arrêté de placement que « les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais », aucune perspective d’éloignement vers son pays d’origine, sinon vers le pays de toutes ses attaches familiales n’existerait à l’heure actuelle, de sorte qu’il y aurait lieu de s’interroger sur les chances de succès de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et, en toute circonstance, avant l’écoulement de la durée maximale de la mesure de sa rétention.

Il donne encore à considérer qu’aucun risque de fuite n’existerait dans son chef dans la mesure où il serait disposé d’être rapatrié en Suisse dans les meilleurs délais possibles, compte tenu d’un « SuissePass » et d’un « Livret pour étrangers » lui délivré par ce pays.

Le demandeur ajoute que son maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.

Au vu des circonstances de l’espèce et de son comportement, le demandeur estime que son placement au Centre de rétention serait disproportionné et que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, auraient pu être prises à son égard sur le fondement de l’article 125 de la loi du 29 août 2008.

3 Il en conclut à l’absence du caractère justifié de son maintien au Centre de rétention et à la réformation en découlant de l’arrêté ministériel du 26 juin 2024 dans le sens d’une assignation à résidence dans un lieu à fixer par le ministre.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision – le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de 4l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité déplacer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il est, en l’espèce, constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour comportant une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans, ont été prises à son encontre le 26 juin 2024, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qu’il ne dispose ni d’un passeport, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers (…) est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur … de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est, toutefois, resté en défaut de faire. Au contraire, l’argumentation du demandeur selon laquelle il serait disposé à répartir en Suisse, pays dont il détient un « SuissPass », ainsi qu’un « Livret pour étrangers », est de nature à corroborer le risque de fuite présumé dans son chef, alors que le risque de fuite visé à l’article 120 de la loi du 29 août 2008 n’est pas à considérer comme le risque qu’un étranger quitte le territoire luxembourgeois pour un autre pays mais comme le risque de se soustraire à sa mesure d’éloignement.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention et maintenir ce placement afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la 7 loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « (1) Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des 5garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que 8 prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi.

Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.

6En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. Il est, par ailleurs, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg ni d’une quelconque autre attache dans le pays, le demandeur affirmant lui-même disposer d’une adresse en Suisse. Il n’a, par ailleurs, présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes prévues par cet article s’impose.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement celles visées aux point a) et b) de ladite disposition légale, préconisées par le demandeur, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce et l’arrêté ministériel de prorogation de la mesure de placement en rétention initiale, tel que déféré, ne saurait être considéré comme étant disproportionné par rapport au but recherché. Les contestations afférentes du demandeur sont, dès lors, à écarter.

En ce qui concerne les démarches entreprises par le ministre en vue de permettre son éloignement dans les meilleurs délais, force est de constater qu’il ressort du dossier administratif que par courrier du 27 juin 2024 envoyé par courrier électronique, soit le jour même de la notification de la décision déférée à l’intéressé, les autorités luxembourgeoises ont contacté le Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège en vue de l’identification du demandeur et de la délivrance d’un laissez-passer dans son chef, tout en y joignant un jeu d’empreintes digitales ainsi qu’une photo d’identité.

Au regard des diligences ainsi accomplies à ce jour par le ministre, actuellement tributaire de la collaboration des autorités marocaines – étant relevé qu’il ne saurait être nui aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels leur adressés – le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est en cours, et qu’il est encore poursuivi avec la diligence légalement requise.

Il est, par ailleurs, rappelé qu’il ne s’agit, dans le cas présent, que de la première mesure du placement de Monsieur …, le législateur ayant expressément prévu la possibilité de proroger un placement en rétention jusqu’à un cinquième, voire un sixième mois, au cas où les autorités étrangères tardent à identifier un étranger en séjour irrégulier et à émettre le document de voyage requis, de sorte que le reproche du demandeur tenant à l’absence de perspective d’éloignement avant l’écoulement du délai maximal d’une rétention administrative est à ce stade dénoué de fondement.

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

7reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 juillet 2024 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président Carine REINESCH, premier juge, Anna CHEBOTARYOVA, attachée de justice déléguée, en présence du greffier Paulo ANICETO LOPES.

s. Paulo ANICETO LOPES s. Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 50728
Date de la décision : 17/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-17;50728 ?

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