Tribunal administratif N° 50756R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:50756R Inscrit le 16 juillet 2024 Audience publique du 25 juillet 2024 Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, contre des décisions du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat et du ministre de la Digitalisation en matière de discipline
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 50756 du rôle et déposée le 16 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Virginie BROUNS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur …, rédacteur, demeurant à L-…, tendant à voir ordonner le sursis à exécution 1) d’une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 6 décembre 2023 ayant prononcé à son égard la sanction disciplinaire de la révocation prévue à l’article 47 sub 10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ainsi que 2) d’un arrêté du Ministre de la Digitalisation du 13 décembre 2023 ayant entériné la prédite décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, jusqu’à ce qu’une décision au fond soit intervenue concernant le recours en réformation, sinon en annulation, déposé le 6 mars 2024, inscrit sous le numéro 50152 du rôle ;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées et notamment les décisions déférées ;
Maître Melissa PENA PIRES, en remplacement de Maître Virginie BROUNS, pour le requérant, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Anne-Catherine LORRANG entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 juillet 2024.
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Monsieur … entra au service de l’Etat le 1er juin 2007 et fut nommé rédacteur le 1er janvier 2009.
En 2018, alors qu’il était affecté auprès de …, il fit l’objet d’une première procédure disciplinaire, laquelle aboutit, en date du 12 février 2019, à une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline », prononçant cumulativement son encontre, les sanctions disciplinaires de la rétrogradation prévue à l’article 47 sub 7 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après désignée par « le statut général », consistant dans le classement de celui-ci au grade 8, et de celles prévues à l’article 47 sub 5 et sub 6 du statut général, le Conseil de discipline ayant fixé à un an la suspension des biennales, ainsi qu’à une 1année le délai dans lequel aucune nouvelle promotion ou aucun nouvel avancement ne pourra intervenir.
Le 10 mai 2019, Monsieur … introduisit un recours contentieux contre la prédite décision du Conseil de discipline du 12 février 2019 et, en date du 13 mai 2019, la partie étatique introduisit également un recours contentieux contre cette même décision.
Par jugement du 29 juin 2021, numéros 42823 et 42829 du rôle, le tribunal joignit ces deux affaires et infligea, par réformation partielle de ladite décision du Conseil de discipline, le déplacement par changement d’administration tel que prévu à l'article 47 sub 4 du statut général à Monsieur …, tout en confirmant la rétrogradation de celui-ci au grade 8 et la suspension dans son chef des biennales pour une durée d'un an, jugement qui fut confirmé par arrêt de la Cour administrative du 13 janvier 2022, numéro 46338C du rôle.
Le 11 mai 2023, le ministre délégué à la Digitalisation saisit le commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, ci-après « le commissaire du gouvernement », en application de l’article 56, paragraphe 2 du statut général, aux fins de procéder à une nouvelle instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur …, courrier de la teneur suivante :
« […] Conformément à l'article 56 paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, je vous saisis aux fins de procéder à une instruction à l'encontre de Monsieur …, rédacteur au …, classé à la date actuelle au grade 9, échelon 10.
En effet, et comme détaillé dans le rapport, il a été constaté que la personne concernée a manqué à ses obligations statutaires pour avoir :
1) Manqué aux ordres de ses supérieurs hiérarchiques et fait des erreurs récurrentes dans l'accomplissement de ses tâches Depuis son affectation au … le 03 octobre 2022, Monsieur … est affecté au service « … » auprès de la division « … ».
Les missions qui lui ont été attribuées sont d'assurer :
− la gestion opérationnelle de la sécurité − la gestion des demandes d'accès et de service − les relations avec les clients Le premier mois de son intégration, Monsieur … était disponible, à l'écoute, motivé et a effectué progressivement ces tâches du service. Son intégration, tant du point de vue professionnelle que dans l'équipe, était très satisfaisante, comme le démontre l'entretien individuel réalisé le 21.10.2022 entre Monsieur … et Monsieur …, son supérieur hiérarchique.
Cependant, au fur et à mesure des jours et semaines suivantes, Monsieur … a montré une absence de rigueur et a commencé à faire d'énormes erreurs et manquer d'attention. Sa qualité de travail s'est détériorée et ce de façon considérable. A plusieurs reprises, Monsieur … a été sollicité verbalement d'exécuter ses tâches correctement, consciencieusement et de respecter les procédures internes. Ses collègues de travail ont souvent dû corriger ses fautes.
2 Malgré ces rappels à l'ordre, Monsieur … a continué d'effectuer ses tâches de manière irresponsable, sans respecter les procédures internes et a même transmis des emails à des clients externes dont le contenu n'était pas écrit de manière très professionnelle. De même, en lui interdisant d'effectuer certaines tâches biens précises, Monsieur … n'a pas respecté les ordres de son supérieur hiérarchique et a continué de les traiter de manière non professionnelle.
D’un point de vue travail, Monsieur … n'est pas consciencieux dans l'exécution de ses tâches, il manque énormément d'attention et sa résistance par rapport au stress n'est pas compatible avec le travail qu'il doit effectuer.
Il faut savoir que la gestion des accès est un domaine sensible et que les agents doivent travailler de manière méticuleuse.
Les faits qui sont reprochés à l'agent sont susceptibles de constituer des manquements graves à :
L'obligation de se conformer aux ordres de service de ses supérieurs suivant l'art 9.1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat;
L'obligation d'exécuter de manière responsable l'exécution de ses tâches qui lui sont confiées suivant l'art. 9.2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat;
L'obligation d'éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ses fonctions, donner lieu à scandale et compromettre les intérêts du service suivant l'art 10.1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat.
Par ce comportement, le concerné s'est disqualifié professionnellement et moralement et a de ce fait irrémédiablement compromis la confiance nécessaire à son maintien en fonction.
2) Fait preuve d'un comportement non professionnel envers ses collègues de travail Au début de son affectation et de manière générale, les échanges entre Monsieur … et ses supérieurs hiérarchique étaient toujours sains et n'ont relevé aucune anomalie.
Par contre, les échanges au sein du bureau et de l'équipe étaient moins professionnels et Monsieur … a fait preuve d'un comportement non professionnel, via des propos et approches déplacés et insultants.
Notamment deux conflits considérables ce sont produits le jeudi 15 décembre 2022 et le jeudi 26 janvier 2023.
15.12.2022 :
Dans le cadre de la gestion des accès, une collègue de travail a voulu attirer l'attention à Monsieur … qu'il avait commis certaines fautes et lui réexpliquer gentiment les procédures internes à appliquer. Monsieur … a prétendu que ces procédures ne lui ont 3jamais été montrées ni expliquées. Sa collègue lui a expliqué ne pas être de son avis et a voulu réexpliquer les procédures que Monsieur … s'est emporté et son comportement vis-à-
vis de sa collègue s'est considérablement dégradé. Un autre collègue de travail, présent au bureau au moment des faits, était scandalisé par ce comportement absurde et insensé de Monsieur ….
Afin d'éviter tout conflit, la collègue de travail concernée, choquée du comportement anormal de Monsieur …, a quitté les lieux. Après s'être calmé, Monsieur … s'est excusé auprès de sa collègue et tous deux ont décidé d'oublier cet incident.
26.01.2023 :
Lors de cet incident, seule sa collègue et Monsieur … étaient présents au bureau.
Monsieur … avait été demandé (verbalement et via email), de rédiger un article spécifique afin d'y être ajouté aux procédures pour les demandes d'accès physique. Dans ce cadre, la collègue voulait réexpliquer, en détail, la tâche que Monsieur … devait réaliser ainsi que les procédures internes. Monsieur … n'avait, comme les fois précédentes, pas l'intention de se faire des notes et voulait faire enregistrer les explications de sa collègue sur son portable. Ce que la collègue a gentiment refusée.
Sur ce, Monsieur … a estimé ne pas vouloir être traité comme un écolier et qu'il n'avait pas envie de faire ce travail. Après que sa collègue lui ait expliqué que ce travail doit tout de même être effectué, Monsieur … s'est brutalement énervé, crié « NEE » et lancé à sa collègue, je cite « Ech hunn daat net néideg ».
La collègue voulait quitter le bureau, mais Monsieur … s'est placé à côté d'elle, a gesticulé de manière violente et a affirmé que ceci ne serait pas son Job.
Très choquée et perturbée par ce comportement, la collègue s'est installée dans un autre bureau afin de ne plus travailler avec Monsieur ….
Les faits qui sont reprochés à l'agent sont susceptibles de constituer un manquement à :
− L'obligation de se comporter avec dignité et civilité dans ses rapports avec ses collègues qu'il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination suivant l'art 10.1 de la loi modifiée du 16 avri1 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat.
Ces faits sont graves et inacceptables alors que le comportement de Monsieur … a perturbé gravement le bon fonctionnement du service pendant plusieurs semaines, et provoquant le scandale de ses collègues.
3) Eté absent sans autorisation le jeudi 13 avril 2023 Monsieur … était en congé pour raisons de santé pour la période du 30 janvier 2023 au 12 avril 2023 inclus. Sa reprise était donc prévue pour le jeudi 13 avril 2023. Cependant, ni une excuse via email ni un appel téléphonique ne sont parvenus au secrétariat de direction ou au supérieur hiérarchique.
4 Or, conformément à nos procédures internes, toutes les absences pour raison de santé doivent être signalées le jour même de l'absence avant 9h00 :
• au secrétariat de direction par e-mail • au supérieur hiérarchique par e-mail ou téléphone Cette instruction relative à nos procédures internes a bien été transmise à Monsieur … en date du 03 octobre 2022, le jour de son entrée au ….
Suivant l'art. 12, paragraphe 1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat « le fonctionnaire ne peut s'absenter de son service sans autorisation ».
Le … a de ce fait informé Monsieur … de sa décision d'appliquer l'art. 12, paragraphe 3 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat et de réduire son traitement pour 1 jour d'absence non excusée à raison d'1/30 par jour d'absence.».
Par un courrier recommandé avec accusé de réception du 19 septembre 2023, le commissaire du gouvernement informa Monsieur … qu’il envisageait de transmettre le dossier au Conseil de discipline conformément à l’article 56, paragraphe (5) du statut général, sans préjudice du droit de ce dernier de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction.
Suite aux observations de Monsieur …, le commissaire du gouvernement dressa un rapport d’instruction complémentaire qui fut transmis à l’intéressé par courrier du 12 octobre 2023, avec l’information qu’il avait décidé de transmettre le dossier au Conseil de discipline pour attribution, conformément à l’article 56, paragraphe (5) du statut général.
Par décision du 6 décembre 2023, le Conseil de discipline décida de prononcer à l’encontre de Monsieur … la sanction disciplinaire de la révocation, ladite décision étant libellée comme suit :
« […] Vu l'instruction diligentée à l'encontre de … par le commissaire du Gouvernement adjoint, ci-après le commissaire, régulièrement saisi par une lettre de saisine datée au 11 mai 2023, dûment signée par le Ministre délégué à la Digitalisation en application de l'article 56 § 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après le statut général, et transmise pour attribution au Conseil de discipline, ci-après le Conseil, par courrier du 12 octobre 2023.
Vu le rapport d'instruction du 19 septembre 2023 et son complément du 12 octobre 2023.
A l'audience publique du Conseil du mercredi 22 novembre 2023, après rapport oral du président du Conseil conformément à l'article 65, alinéa 2 du statut général, …, assisté de Monsieur …, représentant syndical, a été entendu en ses explications et moyens de défense et la déléguée du gouvernement en ses conclusions.
5Les faits reprochés à … se dégagent de la lettre de saisine datée au 11 mai 2023 où il lui est reproché, en substance, d'avoir commis des erreurs récurrentes dans l'accomplissement de ses tâches, de ne pas avoir respecté les instructions reçues de ses collègues de travail et d'avoir été absent sans autorisation le 13 avril 2023.
Plus particulièrement la lettre énonce :
« Depuis son affectation au … le 03 octobre 2022, Monsieur … est affecté au service « … » auprès de la division - la gestion opérationnelle de la sécurité - la gestion des demandes d'accès et de service - les relations avec les clients Le premier mois de son intégration, Monsieur … était disponible, à l'écoute, motivé et a effectué progressivement ces tâches du service. Son intégration, tant du point de vue professionnelle que dans l’équipe, était très satisfaisante, comme le démontre l'entretien individuel réalisé le 21.10.2022 entre Monsieur … et Monsieur …, son supérieur hiérarchique [pièce 005-36-23].
Cependant, au fur et à mesure des jours et semaines suivantes, Monsieur … a montré une absence de rigueur et a commencé à faire d'énormes erreurs et manquer d'attention. Sa qualité de travail s'est détériorée et ce de façon considérable. A plusieurs reprises, Monsieur … a été sollicité verbalement d'exécuter ses tâches correctement consciencieusement et de respecter les procédures internes. Ses collègues de travail ont souvent dû corriger sers fautes.
Malgré ces rappels à l'ordre, Monsieur … a continué d'effectuer ses tâches de manière irresponsable, sans respecter les procédures internes.
De même, en lui interdisant d'effectuer certaines tâches bien précises, Monsieur … n'a pas respecté les ordres de son supérieur hiérarchique et a continué de les traiter de manière non professionnelle.
D'un point de vue travail, Monsieur … n'est pas consciencieux dans l'exécution de ses tâches, il manque énormément d'attention et sa résistance par rapport au stress n'est pas compatible avec le travail qu'il doit effectuer.
Il faut savoir que la gestion des accès est un domaine sensible et que les agents doivent travailler de manière méticuleuse.
Monsieur … était en congé pour raisons de santé pour la période du 30 janvier 2023 au 12 avril 2023 inclus. Sa reprise était donc prévue pour le jeudi 13 avril 2023. Cependant, ni une excuse via email ni un appel téléphonique ne sont parvenus au secrétariat de direction ou au supérieur hiérarchique.
Or, conformément à nos procédures internes, toutes les absences pour raison de santé doivent être signalées le jour même de l'absence avant 9h00 :
• au secrétariat de direction par e-mail 6• au supérieur hiérarchique par e-mail ou téléphone Cette instruction relative à nos procédures internes a bien été transmise à Monsieur … en date du 03 octobre 2022, le jour de son entrée au ….
Les faits qui sont reprochés à l'agent sont susceptibles de constituer des manquements graves à :
- L'obligation de se conformer aux ordres de service de ses supérieurs suivant l'art 9.1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat.
- L'obligation d'exécuter de manière responsable l'exécution de ses tâches qui lui sont confiées suivant l'art. 9.2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat ;
- L'obligation d'éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ses fonctions, donner lieu à scandale et compromettre les intérêts du service suivant l'art 10.1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat ;
- L'obligation de ne pas s'absenter de son service sans autorisation suivant l'art. 12, paragraphe 1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat.
Par ce comportement, le concerné s'est disqualifié professionnellement et moralement et a de ce fait irrémédiablement compromis la confiance nécessaire à son maintien en fonction. […] ».
Au cours de l'instruction disciplinaire … n'a contesté :
- ni la liste non exhaustive des erreurs commises, lesquelles, pour la seule période s'étalant du 17 octobre au 29 décembre 2022 s'élèvent à 83, - ni d'avoir manqué aux instructions reçues de la part de ses collègues de service … et …, - ni d'avoir, par la formulation reprise dans des courriels envoyés notamment le 27 octobre et 10 novembre 2022 à des clients externes, manqué de respect à l'égard de son interlocuteur et de professionnalisme pour avoir donné une fausse information, - ni de s'être emporté, notamment le 15 décembre 2022 et le 26 janvier 2023, et d'avoir adopté un comportement inacceptable et non professionnel envers sa collègue de travail …, - ni son absence non justifiée pour la journée du 13 avril 2023 alors qu'il avait oublié de prévenir de son absence ayant envoyé le certificat de maladie par voie postale.
À l'audience du Conseil, …, par l'entremise de Monsieur …, renvoie aux explications fournies lors de son audition devant le commissaire. Il donne à considérer que même si les erreurs commises ne pourraient être minimisées, toujours serait-il qu'il n'aurait pas obtenu une formation appropriée et n'aurait pas été adéquatement encadré. S'il lui est effectivement arrivé de s'emporter, il n'aurait en aucun cas proféré des insultes ou affiché un comportement agressif envers sa collègue de travail, s'étant limité à élever sa voix. Aussi son 7absence du 13 avril 2023 devrait être nuancée au vu des circonstances, sans oublier qu'il s'agirait d'un incident isolé. … estime que les reproches s'inscrivent dans le contexte particulier de son état de santé mentale fragile. Pas plus tard que le 14 novembre 2023, la Commission des pensions l'aurait, eu égard à ses capacités résiduelles constatées par le médecin du travail, déclaré hors d'état de continuer son service à temps plein et lui aurait accordé, jusqu'à réexamen, un temps partiel pour raisons de santé à raison de 50% d'une tâche complète. Le Conseil ne devrait ainsi pas sévir et lui laisser une chance pour être réintégré dans une autre administration.
La déléguée du gouvernement a relevé que les manquements détaillés dans la lettre de saisine, amplement documentés par les pièces versées et les attestations testimoniales recueillies, ne seraient pas contestés par … et seraient constitutifs d'une violation des articles 9§2, 10§1 et 12 du statut général.
Elle rappelle que bien avant la première affaire disciplinaire, … aurait déjà fait le tour des services au …, puis avait été affecté à …, mais qu'à chaque fois, au bout d'un certain temps, il avait réussi à envenimer les relations de travail. Il serait particulièrement décevant de noter que la première affaire disciplinaire, ayant pris fin suite aux sanctions prononcées par l'arrêt de la Cour administrative du 13 janvier 2022, n'aurait pas eu le don de déclencher en … un retour à de meilleurs sentiments. Au contraire, au lieu de s'amender, il aurait rapidement adopté un comportement identique que celui qui venait d'être sanctionné. Son manque d'introspection serait patent alors qu'il tenterait, aussi dans cette nouvelle affaire disciplinaire, à se décharger sur ses collègues de travail insinuant notamment ne pas avoir été adéquatement pris en charge. Le contraire se dégagerait pourtant de toutes les déclarations recueillies. … aurait été encadré, des dossiers simples lui auraient été remis pour se familiariser avec les procédures, des instructions précises lui auraient été fournies, ces instructions auraient encore pu être consultées dans la « … », ses collègues de travail auraient été à l'écoute, ils auraient été bienveillants et surtout ils n'auraient pas eu d'attentes irréalistes. Tous les efforts entrepris pour tendre la main à … se seraient soldés par un échec net alors que ce dernier ne souhaiterait pas entendre raison, son manque d'assiduité et son comportement intempestif seraient le fil rouge conducteur de tout son parcours professionnel.
Une parfaite illustration constituerait, une fois confronté avec les erreurs grossières commises et face à une ultime tentative de lui expliquer les procédures adéquates, le fait de ne toujours pas prendre de notes écrites remarquant ne pas vouloir « sech Schoulmeeschteren lossen ». La déléguée du gouvernement souligne la similitude des manquements par rapport à la dernière affaire disciplinaire en rajoutant que cette fois-ci, au bout de deux mois seulement, … aurait à nouveau été à l'origine d'une perturbation du bon déroulement d'un service et d'une ambiance de travail tendue. Elle poursuit que l'état de santé mental de …, connu depuis des années, ne serait pas de nature à pouvoir expliquer les manquements et encore moins à les justifier. … aurait certes bénéficié d'une réduction du temps de travail de 50% prononcée par la Commission des pensions le 14 novembre 2023, mais il devrait toujours satisfaire pendant son temps de travail aux obligations inhérentes à son statut de fonctionnaire, dont l'obligation de ne pas être absent de son travail sans autorisation, de ne pas porter atteinte à la dignité de ses fonctions, de ne pas compromettre les intérêts du service public et de se comporter avec dignité et civilité dans ses rapports avec ses supérieurs et ses collègues. Au vu de la persévérance par … dans un comportement contraire au statut général nonobstant un antécédent disciplinaire, il se serait caractérisé par son insuffisance professionnelle, le préjudice causé serait donc évident, et son maintien dans la fonction publique ne se justifierait plus alors que la confiance placée en lui serait définitivement ébranlée. Ainsi, face à un antécédent disciplinaire sanctionné par le 8déplacement, la rétrogradation et la suspension des biennales, la déléguée du gouvernement fait valoir que la sanction de la révocation serait la seule sanction proportionnée au comportement affiché par ….
Le Conseil relève que … ne conteste pas les faits incriminés, mais il entend les expliquer par son état de santé mental, une formation d'initiation aux tâches considérée comme « intermittente » et des phases de sous-occupation momentanée l'impactant négativement.
Il est évident que l'absence non autorisée du 13 avril 2023 ne peut s'expliquer par l'un des arguments de défense ci-dessus. L'argumentation du cas isolé n'est pas non plus de nature à convaincre, alors qu'il est légitime d'attendre de …, déjà condamné dans le cadre de sa première affaire disciplinaire pour des absences non autorisées, de respecter scrupuleusement les procédures afférentes dont il n'est pas contesté qu'elles aient été portées à sa connaissance. Il en est de même de son comportement déplacé envers sa collègue de travail …, manquant, nonobstant un antécédent disciplinaire, à nouveau au devoir de dignité et de civilité, constat qui s'impose aussi par rapport au contenu des courriers précités et adressés à des clients externes.
Pour ce qui est des erreurs manifestes commises, si le Conseil ne fait abstraction des pathologies documentées de nature à pouvoir influer sur le bien-être du concerné, toujours est-il que jusqu'à présent la Commission des pensions, en possession des documents médicaux renfermant des renseignements sur l'état de santé de …, lui a toujours reconnu des capacités résiduelles de nature à pouvoir exécuter la tâche qui est la sienne, même si elle vient d'être réduite, par décision du 14 novembre 2023, de moitié. Il résulte, par ailleurs, des déclarations sans équivoque des collègues de travail consignées au dossier d'instruction, qu’il n'y avait pas d'attentes irréalistes de la part de l'équipe vis-à-vis de …, mais que ce dernier se distinguait par son désintérêt manifesté ouvertement à l'occasion des explications lui fournies sur son travail où il ne daignait même pas prendre des notes écrites. Toujours selon ces témoins, … n'a fait qu'à sa guise, ne sollicitant pas d'aide, outrepassant même les consignes fournies et acceptant ainsi délibérément que cette façon de procéder puisse générer de multiples erreurs. Un des devoirs élémentaires du fonctionnaire consiste à avoir un comportement digne en toutes circonstances, dans l'exercice comme en dehors du service, et à s'assurer que la réputation de l'administration soit préservée.
Sur ce point, à l'instar des développements tenus par la déléguée, le Conseil relève que …, intransigeant, a, encore une fois, par son comportement parfaitement indigne et irrespectueux adopté vis-à-vis de ses collègues de travail profondément dégradé le climat de travail, sans oublier les multiples erreurs grossières provoquées tant par son attitude non professionnelle que par son désintérêt manifeste pour son travail.
Il tombe par ailleurs sous le sens qu'il ne saurait être toléré qu'un fonctionnaire, sous prétexte d'un état de santé mental fragile à l'origine, d'après lui, de débordements émotionnels, puisse s'affranchir de cette argumentation pour justifier l'adoption d'un comportement non professionnel, préjudiciable à l'administration, et le recours systématique dans ses échanges avec ses collègues de travail à des paroles déplacées, irrespectueuses et même vexatoires.
Les faits reprochés à … constituent manifestement des manquements à l'article 9, paragraphe 2, en vertu duquel le fonctionnaire est responsable de l'exécution des tâches qui 9lui sont confiées, à l'article 10, paragraphe 1er, en vertu duquel le fonctionnaire doit, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public et en vertu duquel il est encore tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés, que dans ses rapports avec les usagers de son service qu'il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination ainsi qu'à l'article 12 du statut général qui dispose que le fonctionnaire ne peut s'absenter de son service sans autorisation.
Aux termes de l'article 53 du statut général, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.
Il importe de préciser que … a un antécédent disciplinaire pour avoir été sanctionné par un arrêt du 13 janvier 2022 (CA n° 46338C) de la Cour administrative, ayant confirmé le jugement du Tribunal administratif du 29 juin 2021 jonction des rôles TA n° 42823 et 42829) en prononçant le déplacement de … (changement d'administration), sa rétrogradation et la suspension des biennales pour la durée d'un an.
Les manquements retenus à charge de … sont d'une gravité indubitable, renforcée par l'existence de cet antécédent disciplinaire pour des faits similaires, de sorte que même l'ancienneté de …, qui est entré en service le ter juin 2007 et tient sa nomination au 1er janvier 2009, n'est pas de nature à pouvoir motiver et encore moins à justifier le recours à une sanction autre que celle proposée par la déléguée du gouvernement, à savoir la révocation.
Compte tenu de tous les éléments d'appréciation, le Conseil prononce donc à l'égard de …, conformément à l'article 53 du statut général la sanction de la révocation, sanction prévue à l’article 47 sub 10 du statut général. […].
Par arrêté du 13 décembre 2023, le ministre de la Digitalisation, ci-après « le ministre », appliqua la sanction disciplinaire de la révocation à Monsieur …, ledit arrêté étant libellé comme suit :
« Vu la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat et notamment ses articles 51,52, 53, 54, 58 et 70 ;
Considérant que Monsieur …, rédacteur auprès du … à Luxembourg, a fait l’objet d’une instruction disciplinaire conformément à l’article 56 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ;
Vu le dossier relatif à l’instruction disciplinaire transmis au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en date du 12 octobre 2023 par Monsieur le Commissaire du Gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire ;
Vu la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 06 décembre 2023 ;
Arrête :
10Art. 1er.- La sanction disciplinaire de la révocation, prévue à l’article 47 sub 10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat est prononcée par le Conseil de discipline, est appliquée à l’encontre de Monsieur … (num.id.nat. : …), rédacteur auprès du … à Luxembourg. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 mars 2024, inscrite sous le numéro 50152 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la susdite décision du Conseil de discipline du 6 décembre 2023 et contre l’arrêté ministériel du 13 décembre 2023 ayant arrêté sa révocation, et par requête séparée déposée le 16 juillet 2024, inscrite sous le numéro 50756 du rôle, il sollicite le sursis à exécution par rapport à ces deux décisions.
A l’appui de son recours, le requérant expose d’abord les rétroactes de la présente affaire, tout en rappelant qu’il aurait acquis le statut de fonctionnaire d'Etat le 1er janvier 2009 et qu’il aurait occupé le poste de rédacteur auprès du …, d'abord au service … de 2009 à 2016, puis au service … à partir de 2016.
Le 28 septembre 2022, il aurait été informé d'un changement d'administration dans son chef, le requérant précisant avoir été affecté au service « … » auprès de la division … au …, ci-après désigné par « le … », sous la responsabilité de Monsieur …, chef de division et de Monsieur …, chef de service, en tant que ….
Par décision ministérielle du même jour, il aurait été nommé rédacteur au grade 8 auprès du …, et ce avec effet au 1er octobre 2022.
Le requérant explique ensuite que dans le cadre de ses fonctions, il aurait été amené à assurer les missions relatives à la gestion opérationnelle de la sécurité, la gestion des demandes d'accès et de service ainsi que les relations avec les clients. En ce qui concerne les modalités et la durée de son temps de travail, il explique avoir dû prester 8 heures par jour sans que ces heures ne puissent dépasser les 10 heures et donc 48 heures la semaine.
Il affirme ensuite s’être toujours montré disponible, efficace, dévoué et assidu dans son travail, ce qui aurait d’ailleurs été confirmé par le Conseil de discipline dans la décision litigieuse. Cette attitude se reflèterait également dans la prise, par le ministre, d’une décision en date du 30 septembre 2022, le promouvant et le nommant rédacteur au grade 9 auprès du …, décision qui aurait annulé et remplacé celle du 28 septembre 2022.
Après avoir expliqué que l'ambiance au travail se serait quelque peu dégradée au fil du temps, il précise s’être vu adresser, en date du 17 avril 2023, un courrier par le directeur du …, ci-après désigné par « le directeur », dans lequel une absence injustifiée le 13 avril 2023 lui aurait été reprochée. Le 20 avril 2023, le directeur l’aurait informé que dans la mesure où il n’aurait pas contesté cette absence injustifiée, il serait fait application de l’article 12, paragraphe (3) du statut général. Parallèlement une procédure disciplinaire aurait été diligentée à son encontre, laquelle aurait abouti aux décisions litigieuses.
Après avoir cité la décision du Conseil de discipline du 6 décembre 2024, et avoir énuméré certains constats y repris, dont les erreurs qu’il aurait commises dans l’exécution de ses tâches et son absence injustifiée, le requérant met en exergue qu’il serait atteint d’un trouble bipolaire associé à une accentuation de certains traits de sa personnalité en rapport avec des comportements de type impulsif et explosif, le requérant se référant à cet égard à 11deux rapports de son médecin psychiatre datant respectivement du 14 mars et du 13 septembre 2023. Cet état de santé l’aurait d’ailleurs amené à saisir la Commission des pensions en date du 28 mars 2023.
Il fait ensuite valoir que les erreurs qu’il aurait commises devraient être minimisées en raison de son état de santé pré décrit, tout en soutenant qu’il ne se serait pas vu dispenser une formation spécifique et adaptée à son état de santé et qu’il n’aurait, en outre, pas été encadré.
Il ajoute que même s’il lui était arrivé de s’emporter, il n’aurait jamais proféré des insultes ou affiché un comportement agressif envers ses collègues de travail.
En ce qui concerne l’absence non justifiée lui reprochée, le requérant estime que cet incident isolé devrait être nuancé vu son état de santé. Le reproche ne serait par ailleurs pas justifié alors qu’il aurait envoyé son certificat médical couvrant son incapacité de travail du 13 avril au 11 mai 2023, le jour de son émission, à savoir le 12 avril 2023.
En raison de son état de santé fragile, les reproches à son encontre devraient dès lors être nuancés. Le 14 novembre 2023, la Commission des pensions l’aurait d’ailleurs déclaré hors d’état de continuer son service à plein temps en raison de ses capacités résiduelles constatées par le médecin du travail et lui aurait accordé, jusqu'à réexamen, un temps partiel pour raisons de santé à raison de 50 % d'une tâche complète, le requérant donnant encore à considérer que cette décision serait intervenue à peine deux semaines avant sa révocation.
En droit, et après avoir cité l’article 11, paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999, le requérant se prononce sur les conditions d’octroi d’un sursis à exécution. Il fait ainsi valoir que le recours qu’il aurait introduit au fond ne serait pas en état d’être plaidé à brève échéance ce qui aurait un impact important sur sa situation financière et familiale, le concerné précisant être dépourvu de tout revenu financier et avoir … enfants à sa charge.
Il fait ensuite plaider que les décisions critiquées risqueraient de lui causer un préjudice grave et définitif alors qu’il se serait retrouvé du jour au lendemain sans aucune source de revenu. Il devrait ainsi faire face à une situation financière très précaire, le requérant mettant à cet égard encore en exergue qu’il serait la seule source de revenu de son ménage composé de … personnes, dont … enfants. Il ajoute qu’il ne serait plus en mesure de rembourser ses prêts bancaires et que sa situation financière et familiale serait dès lors gravement en péril.
Le requérant conclut encore au caractère sérieux des moyens invoqués au fond, lesquels seraient, tant dans leur nombre que dans leur motivation de nature à entraîner la réformation sinon l’annulation des décisions litigieuses.
A cet égard, il se remet en premier lieu à prudence de justice quant à la compétence de l’auteur de l’acte, se réservant le droit de pouvoir se prévaloir d'un tel chef d'annulation en cours d'instance.
Il reproche ensuite aux décisions litigieuses de ne pas détailler en fait et en droit la motivation qui les sous-tend, en violation du principe de motivation des actes et décisions administratives, ainsi que de l'article 2 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, dénommée ci-après « loi du 1er décembre 1978 », et de l'article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les 12administrations relevant de l'Etat et des communes, ci-après dénommé le « règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 ».
Il donne, à cet égard, à considérer que les auteurs respectifs desdites décisions se seraient limités à le révoquer sans pour autant justifier cette sanction outre mesure. Ainsi, le ministre se serait abstenu de définir en quoi consisterait la faute grave lui reprochée, ainsi que le comportement inacceptable susceptible de justifier sa révocation.
Le Conseil de discipline, de son côté, se serait limité à formuler des reproches généraux pour conclure qu’il aurait fait preuve d’un comportement irrespectueux vis-à-vis de ses collègues, tout en faisant état, sans autre précision, de multiples erreurs grossières, et à se référer au dossier relatif à l’instruction disciplinaire.
Lesdites décisions, en se limitant à faire référence à des écrits et en ne fournissant pas assez d’éléments permettant de comprendre les faits lui reprochés, manqueraient partant de motivation et devraient encourir la réformation, sinon l’annulation de ce chef.
Il conclut ensuite à un excès de pouvoir et une violation de la loi, toujours au motif que les décisions déférées ne seraient pas suffisamment motivées et ce en violation des articles 1er et 2 de la loi du 1er décembre 1978 et de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, à défaut d’indiquer une norme légale précisant la faute grave invoquée et justifiant la sanction disciplinaire prononcée à son égard.
Le requérant conclut encore à une violation du principe de proportionnalité et à une erreur manifeste d’appréciation.
A cet égard, il fait plaider que les prétendues fautes lui reprochées ne sauraient être qualifiées de « motifs graves qui rendent un maintien des relations de travail impossible ». Il donne plus particulièrement à considérer que le Conseil de discipline aurait opté pour la mesure la plus sévère prévue à l’article 47 du statut général, mesure qui entraînerait des conséquences drastiques dans son chef alors qu’il serait dépourvu de toutes ressources financières et de tout droit à des indemnités de chômage, ainsi que de toute perspective de pouvoir intégrer de nouveau un poste de fonctionnaire, le requérant rappelant être âgé de 51 ans et avoir … enfants à sa charge.
Il est également d’avis que tant le Conseil de discipline que le ministre auraient dû tenir compte de son état de santé, le requérant se prévalant à cet égard de l’article 32 du statut général. Il donne plus particulièrement à considérer que le …, de même que le … auraient été au courant de ses problèmes de santé, de sorte qu’il leur aurait appartenu de s’interroger sur son inaptitude au service et de saisir la Commission des pensions afin d’aménager son temps de travail et ses conditions de travail. En s’abstenant de prendre les mesures visant à promouvoir l’amélioration de sa sécurité et de sa santé, l’administration aurait commis une faute engageant sa responsabilité.
Après avoir encore relevé que la sanction de la révocation serait d’autant plus disproportionnée alors que la Commission des pensions l’aurait déclaré hors état de continuer sa tâche à plein temps le requérant conclut au caractère sérieux des moyens invoqués au fond et au bien-fondé de sa demande en obtention d’un sursis à exécution.
13Le délégué du gouvernement, de son côté, conclut d’abord à l’irrecevabilité de la requête en obtention d’un sursis à exécution en arguant que celle-ci aurait perdu son objet dans la mesure où les décisions litigieuses auraient été pleinement exécutées, la partie étatique se référant à cet égard à une ordonnance du président du tribunal administratif du 7 mai 2024, numéro 50271R du rôle.
Il fait ensuite valoir que les conditions légalement prévues pour ordonner un sursis à exécution ne seraient pas remplies en l’espèce, le délégué du gouvernement contestant tant l’existence d’un préjudice grave et définitif que le sérieux des moyens invoqués, tout en affirmant encore que compte tenu du fait que le mémoire en duplique serait déposé dans les jours qui viennent, l’affaire serait en état d’être plaidée à brève échéance.
En ce qui concerne plus particulièrement le préjudice grave et définitif mis en avant par le requérant le délégué du gouvernement fait plaider que celui-ci ne serait pas prouvé à suffisance, alors que le concerné ne verserait pas de détail sur sa situation financière, notamment en ce qui concerne les prêts auxquels il devrait faire face et les ressources financières éventuelles dont il disposerait en sus de son traitement. Il met encore en exergue que le requérant ne remettrait aucune pièce qui pourrait laisser conclure qu’il est seul à contribuer aux besoins financiers de son ménage ni qu’il serait à la recherche d’un nouvel emploi afin de remédier au préjudice financier grave dont il ferait état.
Il conteste encore le caractère définitif dudit préjudice, en faisant plaider que si le requérant devait obtenir gain de cause au fond, il serait replacé dans sa situation initiale et pourrait, sans perte de traitement, retrouver son poste.
Toujours dans ce même contexte, le délégué du gouvernement met encore en exergue que le requérant aurait attendu plus de six mois avant d’introduire une requête en obtention d’un sursis à exécution, ce qui laisserait également douter de l’existence du préjudice grave et définitif mis en avant par ce dernier.
Il conteste ensuite le caractère sérieux des moyens du requérant.
A cet égard, il fait d’abord plaider que les décisions litigieuses seraient motivées à suffisance. Ainsi, la décision du conseil de discipline reprendrait en détail, sur plusieurs pages, les raisons pour lesquelles la sanction de la révocation aurait été prononcée et énoncerait les dispositions légales à sa base.
Quant à la décision ministérielle critiquée, le délégué du gouvernement explique que le ministre aurait une compétence liée en la matière, de sorte qu’il lui appartiendrait uniquement d’appliquer la sanction disciplinaire décidée par le Conseil de discipline. Il ajoute que la décision ministérielle litigieuse ferait, par ailleurs, état des dispositions légales à sa base.
Pour les mêmes raisons, la partie étatique rejette les développements du requérant quant à un excès de pouvoir et une violation de la loi.
Le délégué du gouvernement réfute par ailleurs le caractère disproportionné des décisions litigieuses en relevant d’abord que le requérant serait en aveu des faits lui reprochés, de sorte que ceux-ci devraient être considérés comme établis. Il continue en affirmant que le concerné essaierait de minimiser ces mêmes faits et ce en dépit du fait que 14ces manquements seraient graves et continus et qu’il n’aurait pas changé de comportement depuis sa première affaire disciplinaire.
Il fait encore plaider, en ce qui concerne l’état de santé du requérant, que la Commission des pensions ne l’aurait jamais déclaré inapte à travailler. Il fait, par ailleurs, valoir que lors de son entretien individuel ayant eu lieu au début de sa relation de travail, le requérant n’aurait jamais demandé à travailler à mi-temps, ni même demandé la saisine de la Commission des pensions et qu’il n’aurait personnellement procédé à la saisine de celle-ci qu’en mars 2023 afin d’obtenir un service à temps partiel pour des raisons de santé.
Il relève par ailleurs, que l’état de santé de Monsieur … ne serait pas de nature à minimiser les faits lui reprochés, respectivement à excuser son comportement violent, tout en soutenant encore que l’intéressé aurait fait preuve d’une négligence manifeste dans l’exécution de ses tâches.
Finalement, et en ce qui concerne l’argumentation du requérant basée sur l’article 32 du statut général, le délégué du gouvernement fait encore valoir que le … n’aurait eu aucune obligation se saisir la Commission des pensions, alors qu’une telle saisine ne serait obligatoire qu’en cas de maladie de longue durée de l’agent, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.
Il conclut partant au rejet de la demande en obtention d’un suris à exécution.
A titre liminaire, et en ce qui concerne les développements de la partie étatique relatifs au fait que la requête sous analyse aurait perdu son objet compte tenu de l’exécution des décision litigieuses, il convient de souligner que le président du tribunal administratif, respectivement son remplaçant, statuant au provisoire, doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il ne saurait se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande en sursis à exécution.
En l’espèce, il appert toutefois que se pose directement la question de la recevabilité même de la mesure de sursis à exécution, alors que la partie étatique fait en effet valoir que celle-ci serait entretemps dépourvue d’objet.
Force est de constater que pour arriver à cette conclusion, la partie étatique se base exclusivement sur une ordonnance du président du tribunal administratif du 7 mai 2024 numéro 50271R du rôle.
Or, les faits et la situation d’espèce différent fondamentalement de ceux repris dans ladite ordonnance.
En effet, dans le cadre de cette même ordonnance le juge du provisoire était amené à statuer sur une demande en obtention d’un sursis à exécution d’un employé d’Etat par rapport à une décision du Conseil de discipline ayant prononcé à son égard la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office. Dans la mesure où seule la décision du Conseil de discipline avait été déférée au tribunal administratif, à l’exclusion de la décision de résiliation de l’autorité de nomination, laquelle avait d’ores et déjà produit ses effets à la date de 15l’enrôlement de la requête en obtention d’un sursis à exécution, le juge du provisoire a -sur base de la considération qu’il est de jurisprudence constante que la relation existante entre un employé de l’Etat et son employeur est fondée sur un contrat, lequel, à travers la décision de résiliation avec effet immédiat, doit être considéré comme rompu - retenu que la décision de résiliation doit être considérée comme ayant été entièrement exécutée et que partant la demande en obtention d’une mesure provisoire avait perdu son objet et qu’elle devait être déclarée irrecevable.
Or, en l’espèce, la relation entre le requérant et l’Etat n’est pas basée sur un quelconque contrat de travail qui aurait été résilié par l’autorité de nomination, alors que le requérant avait non pas le statut d’employé de l’Etat, mais bien celui de fonctionnaire, de sorte qu’il a été recruté et est entré en fonctions conformément aux dispositions des articles 2 et 3 du statut général. A fortiori il n’y a eu aucune résiliation d’un contrat de travail en l’espèce, un tel contrat n’existant pas. Il s’ensuit que les conclusions retenues dans l’ordonnance invoquée par le délégué du gouvernement ne sont pas transposables en l’espèce.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par les affirmations du délégué du gouvernement selon lesquelles l’employé de l’Etat concerné par la prédite ordonnance aurait eu une ancienneté de service de plus de dix ans de sorte que le régime disciplinaire des fonctionnaires de l’État lui aurait été applicable, alors que cette circonstance est sans incidence sur le fait que la relation de travail existante entre ce dernier et son employeur reste, en tout état de cause, fondée sur un contrat.
Il s’ensuit que l’argumentation de la partie étatique relative au fait que la requête sous analyse aurait perdu son objet est à rejeter pour ne pas être fondée.
Il convient ensuite de rappeler qu’en vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, tandis que le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
Si, en principe, et tel que relevé par la parte étatique, une affaire est en état d’être plaidée à brève échéance dès lors que la partie défenderesse a déposé son mémoire en réponse, il convient toutefois, au-delà de ce principe tout théorique, de tenir compte des délais effectifs de fixation de la juridiction, alors que le pouvoir du président du tribunal, respectivement de son remplaçant d’ordonner une mesure provisoire ne s’épuise pas toujours dès lors que l’affaire au fond est en état théorique d’être plaidée. En effet, la disposition faisant interdiction au président du tribunal, respectivement à son remplaçant, d’ordonner une mesure provisoire au cas où l’affaire est en état d’être plaidée s’inscrit étroitement dans le contexte du risque d’un préjudice grave et définitif, dans ce sens qu’en général, un tel préjudice ne risque pas de se produire au cas où l’affaire peut être plaidée au fond dans un délai rapproché. Il en découle cependant qu’il y a lieu d’excepter l’hypothèse dans laquelle un préjudice grave et définitif risque de se réaliser intégralement avant le jugement au fond1, hypothèse perdurant d’autant plus que les délais de fixation et de prononcé devant les juges du fond sont, tels qu’actuellement, importants.
1 Voir trib. adm. (prés.) 5 novembre 2001, n° 14107 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 800.
16 Pour l’appréciation du caractère définitif du dommage, il n’y a toutefois a priori pas lieu de prendre en considération le dommage subi pendant l’application de l’acte illégal et avant son annulation ou sa réformation, puisqu’admettre le contraire reviendrait à remettre en question le principe du caractère immédiatement exécutoire des actes administratifs, car avant l’intervention du juge administratif, tout acte administratif illégal cause en principe un préjudice qui, en règle, peut être réparé ex post par l’allocation de dommages et intérêts. Ce n’est que si l’illégalité présumée cause un dommage irréversible dans le sens qu’une réparation en nature, pour l’avenir, ou qu’un rétablissement de la situation antérieure, ne seront pas possibles, que le préjudice revêt le caractère définitif tel que prévu par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 19992. Un préjudice est ainsi définitif lorsque le succès de la demande présentée au fond ne permet pas ou ne permet que difficilement un rétablissement de la situation antérieure à la prise de l’acte illégal, la seule réparation par équivalent du dommage qui se manifeste postérieurement à son annulation ou sa réformation ne pouvant être considérée à cet égard comme empêchant la réalisation d’un préjudice définitif.
Il est grave lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.
Si un préjudice de nature essentiellement pécuniaire n’est pas, en soi, grave et difficilement réparable, pour être, en principe, compensable par l’allocation de dommages et intérêts, il en est différemment lorsque le requérant établit l’existence d’une circonstance particulière rendant le préjudice pécuniaire grave ou difficilement réparable, étant souligné toutefois qu’il incombe au requérant de démontrer concrètement non seulement l’envergure de la dépense, mais aussi les répercussions graves risquant de le placer dans une situation financière intenable, le requérant devant apporter des éléments concrets et précis propres au cas d’espèce3 et préciser ainsi sa situation financière, tandis que la seule allégation d’un préjudice, non autrement précisé et étayé, est insuffisante, l’exposé du préjudice grave et définitif ne pouvant se limiter à un exposé théorique, se cantonner à la seule évocation de précédents ou encore consister en des considérations générales, étant relevé que dans un souci de garantir le caractère contradictoire des débats, le juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience4.
En l’espèce, force est toutefois de constater que dans sa requête en obtention d’un sursis à exécution, le requérant ne prend pas position de manière concrète par rapport au prétendu risque de préjudice grave et définitif que les décisions litigieuses entraîneraient dans son chef, et se borne à affirmer, de façon non autrement circonstanciée, qu’il aurait été la seule source de revenu du ménage, ce qui est d’ailleurs remis en cause par la partie étatique, et qu’il serait « tenu à certaines obligations financières envers des établissements bancaires » obligations auxquelles il ne saurait plus faire face « dans la mesure où il a perdu le bénéfice de l’intégralité de son salaire ». Or, une telle motivation stéréotypée, transposable indéfiniment à ce genre de litiges ne permet pas de cerner concrètement le caractère grave et définitif du préjudice allégué.
2 Trib. adm. (prés.) 8 février 2006, n° 20973 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 687.
3 Voir trib. adm. (prés.) 18 novembre 2022, n° 48148 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 689.
4 Trib. adm. (prés.) 5 mars 2021, n° 45711 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.
17Tel que relevé ci-avant, il aurait en effet appartenu au requérant de documenter clairement sa situation financière, pièces à l’appui, et de procéder à une mise en perspective de ses dettes par rapport à sa situation patrimoniale. En l’espèce, le requérant s’est toutefois contenté de verser des extraits bancaires qui laissent non seulement apparaître des soldes positifs à la fin des mois concernés, et ne permettent en outre pas de renseigner la soussignée à suffisance sur les dépenses mensuelles récurrentes auxquelles il devrait effectivement faire face. En effet, si le requérant devait effectivement rembourser des prêts immobiliers, voire d’autres prêts contractés auprès de divers établissements bancaires tel qu’il l’affirme dans sa requête, il aurait facilement pu verser les contrats de prêts afférents, ce qu’il a toutefois omis de faire. A cet égard, il convient encore de noter que si l’extrait bancaire de décembre 2023 laisse certes apparaître un virement de … euros sur un autre compte bancaire du requérant avec la communication « traitement et mensualités prêt hypothécaire », un tel virement n’apparaît plus sur les extraits bancaires des mois subséquents, de sorte qu’il n’est pas établi que le requérant serait encore tenu du remboursement d’un quelconque prêt immobilier ou autre. De même, il ne fait pas état de loyer qu’il devait payer ou encore d’autres charges mensuelles concrètes.
Faute de toute information détaillée y relative, le risque d’un préjudice grave et définitif n’est par conséquent pas justifié à suffisance de droit, conclusion qui s’impose d’autant plus que la révocation du requérant date de décembre 2023 et que ce n’est qu’en juillet 2024, c’est-à-dire sept mois plus tard qu’il a déposé une requête en obtention d’un sursis à exécution en avançant subir un tel préjudice. De même, il ne ressort en aucune façon de ses développements que le requérant aurait ne serait-ce qu’essayé de retrouver un autre emploi.
Le requérant est partant resté en défaut de démontrer l’existence d’une circonstance particulière rendant le préjudice pécuniaire qui aurait, selon lui, été entraîné par les décisions litigieuses grave ou difficilement réparable et est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, la soussignée, premier vice-président du tribunal administratif, agissant en remplacement du président du tribunal administratif légitimement empêché, statuant contradictoirement et en audience publique ;
rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution ;
condamne le requérant aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 juillet 2024 par Thessy Kuborn, premier vice-président du tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn 18Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 19