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14/08/2024 | LUXEMBOURG | N°50742

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 août 2024, 50742


Tribunal administratif N° 50742 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50742 chambre de vacation Inscrit le 15 juillet 2024 Audience publique du 14 août 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50742 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 juillet 2024 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Guinée) et être de nationalité...

Tribunal administratif N° 50742 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50742 chambre de vacation Inscrit le 15 juillet 2024 Audience publique du 14 août 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50742 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 juillet 2024 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Guinée) et être de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 3 juillet 2024 ayant déclaré sa deuxième demande de protection internationale irrecevable sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire et à « accorder la demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 août 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elena FROLOVA, en remplacement de Maître Michel KARP, et Madame le délégué du gouvernement Charline RADERMECKER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 août 2024.

Le 31 mai 2022, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par une décision du 8 décembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile rejeta comme non fondée la demande de protection internationale de Monsieur …, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Le recours contentieux introduit le 28 décembre 2022 contre cette décision fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 19 janvier 2023, inscrit sous le numéro 48327 du rôle.

1Par courrier du 14 février 2023, Monsieur … fut convoqué à un entretien au ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, pour le 23 février 2023 en vue de l’organisation d’un retour volontaire dans son pays d’origine, ce qu’il refusa lors dudit entretien.

Le 21 février 2023, Monsieur … introduisit, par l’intermédiaire de son mandataire, une demande de report à l’éloignement, laquelle fut refusée par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 mars 2023.

Le 6 mai 2024, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Le 17 mai 2024, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa deuxième demande de protection internationale.

Par décision du 3 juillet 2024, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », déclara la deuxième demande de protection internationale de Monsieur … irrecevable sur base de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015. Ladite décision est libellée comme suit :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre deuxième demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite en date du 6 mai 2024 auprès du service compétent du Ministère des Affaires intérieures sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Il convient de rappeler que vous avez introduit une première demande de protection internationale au Luxembourg en date du 31 mai 2022, qui a été refusée par la décision ministérielle du 8 décembre 2022 dans le cadre d'une procédure accélérée.

Lors de votre première demande de protection internationale, la crédibilité de votre identité, de votre récit et des pièces y afférentes a substantiellement été remise en cause en raison de vos déclarations mensongères et contradictoires ainsi qu'en raison de votre comportement incongru envers les autorités luxembourgeoises.

Les craintes que vous avez initialement évoquées lors de votre première demande de protection internationale reposaient sur des raisons politiques alors que vous auriez été un sympathisant de l'Union des forces démocratiques en Guinée et que vous y seriez poursuivi en raison de votre participation à des manifestations. A cet égard, vous avez également expliqué avoir été détenu en prison pendant deux mois, être sorti de prison moyennant une contrepartie financière et avoir fui votre pays d'origine. Vous auriez ensuite ultérieurement été informé qu'un mandat d'arrêt aurait été émis à votre encontre, de sorte que vous auriez craint d'être emprisonné, respectivement tué en cas de retour dans votre pays d'origine.

Par l'intermédiaire de votre mandataire, vous avez, en date du 28 décembre 2022, introduit un recours contre la décision ministérielle précitée.

2En date du 19 janvier 2023, vous avez été définitivement débouté de cette première demande de protection internationale suivant jugement du Tribunal administratif (n° 48327 du rôle) au motif que : « la crédibilité générale du récit de Monsieur … est manifestement ébranlée, de sorte qu'il est évident que l'intéressé ne saurait valablement prétendre à l'octroi d'un statut de protection internationale, sur base de ce même récit ».

Le Tribunal conclut donc que « le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale ».

Le Tribunal a en outre précisé en ce qui concerne les pièces remises à l'appui de votre première demande que « compte tenu du fait que la carte d'identité du demandeur, dont le caractère falsifié est établi à suffisance de droit au vu des considérations qui précèdent, porte la même signature et le même tampon que l'avis de recherche versé par Monsieur …, le ministre a valablement pu remettre en cause l'authenticité dudit avis de recherche, ce d'autant plus que les explications du demandeur quant aux circonstances dans lesquelles il aurait obtenu le document en question sont pour le moins confuses et peu plausibles ». Dans cette même lignée, le Tribunal suit également le raisonnement du Ministre selon lequel « c'est manifestement à juste titre que le ministre a remis en cause l'authenticité dudit document » alors que « le mandat d'arrêt produit par Monsieur … diffère du modèle officiel d'un mandat d'arrêt guinéen publié sur le site internet de la justice guinéenne, non seulement en ce qui concerne son libellé — étant relevé, dans ce contexte, que la pièce sous analyse comporte des erreurs grossières (…), mais aussi en ce qui concerne la base légale y indiquée, celle mentionnée dans la pièce versée par le demandeur concernant, non pas les mandats d'arrêts, mais les gardes à vue ».

Le Tribunal retient également en ce qui concerne votre récit que celui-ci « comporte de nombreuses incohérences et contradictions » et que « l'intéressé a successivement présenté plusieurs versions différentes de son vécu », de sorte que « Monsieur … n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ».

Finalement, le Tribunal développe que « le demandeur a versé des documents dont l'authenticité a valablement pu être remise en cause par le ministre, en ce compris sa carte d'identité, de sorte que son identité réelle n'est pas établie » et que « le récit de l'intéressé présente de nombreuses incohérences et contradictions qui concernent des éléments clefs de ce dernier et qui n'ont pas pu être expliquées de manière plausible dans le cadre de la procédure contentieuse », de sorte que « dans la mesure où, de manière générale, les déclarations du demandeur faites au cours de son audition par un agent du ministère sont essentiellement vagues, lacunaires et évasives, le soussigné arrive à la conclusion que la crédibilité du récit de Monsieur … est manifestement ébranlée dans son ensemble ».

Le 15 février 2023 vous avez été convoqué auprès de la Direction générale de l'immigration en vue d'un retour volontaire vers votre pays d'origine, la Guinée, rendez-vous auquel vous vous êtes présenté le 23 février 2023 et lors duquel vous avez refusé cette proposition de retourner.

Le 21 février 2023, votre mandataire a introduit une demande de report à l'éloignement, laquelle a été refusée en date du 28 mars 2023.

Tout en étant en séjour irrégulier et sous le coup d'une obligation de quitter le territoire, vous avez continué à résider dans votre foyer. Or, lorsque vous auriez été notifié de devoir 3quitter le foyer, votre mandataire, Maître Michel KARP, vous aurait conseillé d'introduire une deuxième demande de protection internationale, conseil que vous avez manifestement suivi, puisque vous avez finalement introduit une deuxième demande de protection internationale au Luxembourg en date du 6 mai 2024.

En mains, votre fiche de motifs établie lors de l'introduction de votre deuxième demande, le rapport du Service de Police Judiciaire du 6 mai 2024, le rapport d'entretien du 17 mai 2024 sur votre deuxième demande de protection internationale ainsi que l'ensemble des éléments composant votre dossier administratif.

Monsieur, il ressort de votre dossier administratif que vous avez introduit une nouvelle demande de protection internationale au motif que vous auriez un mandat d'arrêt à votre encontre dans votre pays d'origine, de sorte que vous craindriez d'être emprisonné, respectivement tué par les autorités guinéennes (fiche de motifs remplie lors de l'ouverture de votre deuxième demande).

Vous précisez lors de votre entretien mené en date du 17 mai 2024 que vous n'auriez aucun nouvel élément à ajouter depuis l'introduction de votre première demande étant donné que « c'est la même chose que la première fois. J'ai tout dit la première fois (…) » (p.5/8 du rapport d'entretien). En ce sens, vous auriez introduit cette deuxième demande parce que « c'est mon avocat qui m'a dit de faire une deuxième demande, car je ne sais pas où aller depuis que j'ai eu mon refus ici (…) » (p.5/8 du rapport d'entretien). Finalement, vous dites ne pas savoir ce que vous craindriez concrètement en cas de retour dans votre pays alors que vous répondez à l'agent ministériel : « je sais pas, je sais pas. Peut-être je vais mourir » (p.5/8 du rapport d'entretien) en clamant également avoir dit toute la vérité depuis le début.

A l'appui de votre nouvelle demande de protection internationale, vous versez un document intitulé « Guinée Justice : deux opposants activement recherchés », article qui a été publié sur le site internet « aminata.com » en date du 16 février 2024 (p.5/8 du rapport d'entretien).

Monsieur, je suis au regret de vous informer qu'en vertu des articles 28 (2), point d) et 32 de la Loi de 2015, votre nouvelle demande de protection internationale est irrecevable pour les raisons étayées ci-après.

Il y a tout d'abord lieu de rappeler qu'en vertu des articles 28 (2), point d) et 32 de la Loi de 2015, le Ministre peut déclarer irrecevable une demande ultérieure sans vérifier si les conditions d'octroi de la protection internationale sont réunies, dans le cas où le demandeur n'invoque aucun élément ou fait nouveau relatif à l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d'une protection internationale.

Saisi d'une telle demande ultérieure, le ministre effectue un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en question. L'examen de la demande n'est poursuivi que si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et à condition que le demandeur concerné ait été, sans faute de sa part, dans l'incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. Dans le cas contraire, la demande est déclarée irrecevable.

4Il s'ensuit que la recevabilité d'une demande ultérieure est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir, premièrement, que le demandeur invoque des éléments ou des faits nouveaux, deuxièmement, que les éléments ou les faits nouveaux présentés augmentent de manière significative la probabilité qu'il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et, troisièmement, qu'il ait été, sans faute de sa part, dans l'incapacité de se prévaloir de ces éléments ou de ces faits nouveaux au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

Monsieur, il ressort des éléments de votre dossier que vous avez introduit votre nouvelle demande de protection internationale le 6 mai 2024, soit après avoir été définitivement débouté de votre première demande de protection internationale introduite le 31 mai 2022, de sorte que votre demande de protection internationale faisant l'objet de la présente analyse doit être qualifiée comme constituant une demande ultérieure au sens de l'article 32, paragraphe (1) de la Loi de 2015.

En ce qui concerne les faits invoqués à la base de votre deuxième demande de protection internationale, force est de constater que ceux-ci ont d'ores et déjà été exposés à l'appui de votre première demande de protection internationale, de sorte qu'ils ne sauraient dans aucun cas être considérés comme éléments ou faits nouveaux. En effet, vous développez tout simplement dans le cadre de votre entretien du 17 mai 2024 les mêmes motifs de fuite qui étaient déjà à la base de votre première demande de protection internationale alors que vous le dites explicitement : « C'est la même chose que la première fois. J'ai tout dit la première fois (…) » (p.5/8 du rapport d'entretien).

Même s'il devait s'agir d'éléments ou faits nouveaux, quod non, encore faut-il que ces derniers augmentent de manière significative la probabilité que vous remplissez les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et que vous ayez été dans l'incapacité de faire valoir ces éléments au cours de la précédente procédure ou au cours de la phase contentieuse, or, ceci n'est pas le cas en l'espèce.

En effet, il s'avère que vos motivations sont les mêmes que celles exposées lors de votre première demande, de sorte qu'elles ne sauraient augmenter de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour une protection internationale, étant encore rappelé que l'ensemble de vos déclarations faites à l'appui de votre première demande avaient été rejetées pour manifestement manquer de toute crédibilité. Ainsi, votre seule affirmation actuellement avancée aux termes de laquelle vous auriez dit la vérité dès le départ ne saurait aucunement invalider les conclusions retenues dans ce contexte. Pareil constat s'impose concernant l'article de journal que vous avez remis lors de votre deuxième demande de protection internationale pour appuyer vos craintes en cas de retour dans votre pays d'origine alors que cet article ne saurait corroborer vos craintes et infirmer votre manque de crédibilité retenu lors de votre première demande.

A toutes fins utiles, il convient de remarquer qu'il ressort d'un rapport d'incident dressé par les agents de votre structure d'accueil en date du 1er juin 2024 que vous avez insulté et blessé un autre habitant de votre foyer alors que vous étiez fortement alcoolisé. Ainsi, votre comportement non-exemplaire ajouté au fait que vous auriez uniquement introduit une deuxième demande parce que « c'est mon avocat qui m'a dit de faire une deuxième demande » (p.5/8 du rapport d'entretien) prouve indéniablement que vous tentez par tout moyen de vous maintenir en Europe, respectivement au Luxembourg, en abusant des procédures de protection internationale pour ainsi arriver à vos fins.

5 Votre nouvelle demande en obtention d'une protection internationale est dès lors déclarée irrecevable au sens de l'article 28 (2), point d), de la Loi de 2015. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2024, inscrite sous le numéro 50742 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 3 juillet 2024 ayant déclaré irrecevable sa deuxième demande de protection internationale.

Etant donné que la décision attaquée est fondée sur l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 et que l’article 35, paragraphe (3) de ladite loi prévoit un recours en annulation en matière de demandes de protection internationale déclarées irrecevables sur base dudit article 28, paragraphe (2), un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle du 3 juillet 2024.

Ledit recours est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A cet égard, il échet de souligner que dans la mesure où le tribunal n’est, en l’espèce, saisi que d’un recours en annulation dirigé contre une décision d’irrecevabilité d’une deuxième demande de protection internationale et non d’un recours au fond dirigé contre une décision ayant statué sur le mérite au fond d’une demande de protection internationale, se pose la question, soulevée d’office par le tribunal à l’audience publique des plaidoiries, de la recevabilité de la demande d’accorder un statut de protection internationale au demandeur, telle que formulée au dispositif de la requête introductive d’instance.

A l’audience des plaidoiries, le litismandataire du demandeur a soutenu qu’il sollicite, à titre subsidiaire, la réformation de la décision litigieuse en ce que son mandant devrait se voir octroyer un statut de protection internationale.

Le délégué du gouvernement n’a, quant à lui, pas pris position par rapport à cette demande.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « […] le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies […] », de sorte que, dans le cadre d’une décision prise sur base dudit article, le ministre ne fait pas d’analyse concernant le bien-fondé d’une demande de protection internationale.

Etant donné que le tribunal est saisi dans les limites de la décision qui lui est déférée, de sorte à n’être saisi, en l’espèce, que de la décision du 3 juillet 2024 en ce qu’elle déclare irrecevable la deuxième demande de protection internationale introduite par le demandeur, il ne saurait que se prononcer, dans le cadre du recours en annulation dont il est saisi, sur la légalité de la seule décision d’irrecevabilité dans la limite des moyens dont il est saisi. Il s’ensuit que la demande lui adressée par le demandeur en vue de se voir accorder un statut de protection internationale doit être déclarée irrecevable, alors qu’elle dépasse le cadre du litige actuel.

6A l’appui de son recours, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes tels que retranscrits ci-avant, en donnant à considérer qu’il aurait fui son pays d’origine le 30 décembre 2020, alors qu’il craindrait d’y être emprisonné, voire tué par les autorités guinéennes. Il renvoie, à cet égard, à ses développements faits au cours de la procédure contentieuse relative à sa première demande de protection internationale, en rappelant plus particulièrement qu’un avis de recherche aurait été émis par les autorités guinéennes à son encontre le 10 février 2020 pour « […] Trouble à l’Ordre Public, Organisation des réunions ou meeting non autorisés. Atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat lors des évènements tragiques du FNDC contre le troisième Mandat de Pr Alpha CONDE. Membre du mouvement de la Jeunesse de I’U.F.D.G de Wanindara Commune de Ratoma […] ».

Il verse à l’appui de sa requête introductive d’instance un acte de naissance délivré par la commune de … en Guinée, une attestation testimoniale de son épouse, Madame …, aux termes de laquelle il aurait été emprisonné pendant six mois par les autorités guinéennes pour des « délits d’organisations de meetings interdits et manifestation contre le 36e mandat de l’ancien président Alpha Condé », ainsi que des photos montrant les sévices lui infligées par des coups de fouets lors de son emprisonnement à Conakry en Guinée.

En droit, le demandeur se prévaut d’abord d’une violation de l’article 37, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015 en ce que le ministre aurait omis de prendre en considération tous les faits pertinents concernant son pays d’origine, en ce compris les lois et règlements en vigueur et la manière dont ils seraient appliqués, au moment où il aurait pris sa décision.

Dans ce contexte, le demandeur expose la situation politique en Guinée et notamment la manière dont le colonel Mamady DOUMBOUYA serait arrivé au pouvoir suite au coup d’Etat militaire du 5 septembre 2021. Il donne à considérer que la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) aurait tenu une session extraordinaire à New York, en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 22 septembre 2022 pour prendre des sanctions diplomatiques, économiques et financières à l’encontre de la Guinée suite au rapport alarmant de son médiateur. Ainsi, le ministre aurait omis de prendre en considération le fait que la junte militaire au pouvoir continuerait les persécutions de l’ancien régime, l’instrumentalisation de la justice, l’interdiction de manifester et la dissolution des associations, faits qui justifieraient, de par leur nature et leur gravité, l’octroi du statut de réfugié, sinon du statut conféré par la protection subsidiaire dans son chef.

En se prévalant ensuite des articles 28, paragraphe (2), point d) et 32 de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur fait valoir qu’il aurait, contrairement à ce qu’aurait retenu le ministre dans la décision attaquée, transmis de nouveaux éléments à l’appui de sa deuxième demande de protection internationale, à savoir, tel que relevé ci-dessus, un acte de naissance, une attestation testimoniale de son épouse, ainsi que des photos montrant les blessures qu’il aurait subies lors de son emprisonnement à … en Guinée, et estime que ces nouveaux éléments permettraient de réfuter les doutes émis par le ministre quant à sa véritable identité.

Le demandeur estime, dès lors, avoir établi une crainte fondée de subir des persécutions dans son pays d’origine au sens de l’article 1er, section 1, paragraphe (2) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ainsi que des articles 41 et 42 de la loi du 18 décembre 2015, respectivement une crainte de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour dans son pays d’origine, et 7notamment des traitements inhumains et dégradants, tout en relevant, par ailleurs, qu’il ne pourrait prétendre à aucune protection de la part des autorités guinéennes.

Il se prévaut encore d’une violation de l’article 37, paragraphe (5), point c) de la loi du 18 décembre 2015 pour reprocher au ministre de ne pas avoir procédé à une évaluation individuelle de sa demande de protection internationale, tout en se référant de nouveau à l’article 37, paragraphe (3), point a) de la même loi pour affirmer que la situation géopolitique en Guinée aurait dû être à la base d’un avis motivé du ministre.

Il conclut de l’ensemble de ces considérations que les faits nouveaux qu’il aurait invoqués augmenteraient de façon significative la probabilité qu’il remplisse les conditions pour bénéficier d’une protection internationale, en argumentant qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il serait immédiatement arrêté du fait de son activisme politique et de sa fuite d’un régime dictatorial.

L’ensemble des faits décrits par lui constitueraient une atteinte grave aux droits de l’Homme, de sorte que ses craintes de persécutions seraient fondées et le refus de lui accorder le statut de réfugié relèverait d’une erreur manifeste d’appréciation.

Sur le fondement de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après désignée par la « CEDH », et de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », le demandeur fait finalement valoir qu’il aurait fait état d’un risque réel et personnel de faire l’objet de traitements contraires à ces dispositions qui poseraient un principe « absolu » d’interdiction de refoulement ou d’extradition d’une personne vers un pays où elle risque de faire l’objet de traitements contraires à ces dispositions.

En conclusion, le demandeur soutient que le ministre aurait tiré de mauvaises conclusions, sinon des conclusions « actives et non motivées », n’aurait pas analysé à suffisance son cas et tenterait de faire croire qu’il n’existerait aucun danger pour lui d’être renvoyé en Guinée, de sorte que la décision litigieuse devrait encourir l’annulation.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours.

Il échet tout d’abord de relever qu’encore que le demandeur invoque en l’espèce un défaut de motivation, en reprochant au ministre d’avoir tiré des conclusions « actives et non motivées », ses contestations visent en réalité le bien-fondé et l’existence des motifs à la base de la décision ministérielle déférée déclarant irrecevable sa deuxième demande de protection internationale, examen qui sera fait ci-après.

En ce qui concerne ensuite le moyen du demandeur tiré d’une violation de l’article 37, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015, en ce que le ministre aurait omis de prendre en considération tous les faits pertinents concernant son pays d’origine, ledit article prévoit ce qui suit : « Le ministre procède à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants :

a) tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués ; […] ».

8Si l’article 37, paragraphe (3), point a), précité, de la loi du 18 décembre 2015 impose que la demande de protection internationale fasse l’objet d’une évaluation individuelle, en tenant compte de tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, force est au tribunal de constater qu’en l’espèce, le ministre a pris position de façon détaillée quant aux motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa deuxième demande de protection internationale en analysant si les éléments soumis à la base de cette dernière sont à qualifier de faits ou éléments nouveaux au sens de l’article 32 de la loi du 18 décembre 2015 et en appréciant si les pièces soumises sont de nature à augmenter de manière significative la probabilité qu’il remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Par ailleurs, il ne résulte d’aucun élément soumis en cause que le ministre n’aurait pas procédé à un examen complet, rigoureux et actualisé des informations sur lesquelles il s’est fondé pour prendre la décision litigieuse, et notamment qu’il n’aurait pas pris en compte la situation générale en Guinée, tel que le fait plaider le demandeur.

Si le demandeur critique encore le ministre en ce qu’il n’aurait pas suffisamment pris en considération la situation politique en Guinée, ainsi que le risque encouru en cas de retour dans son pays d’origine et qu’il n’aurait pas cité des rapports internationaux, le tribunal relève que le ministre a déclaré irrecevable la demande de protection internationale de Monsieur … sur base de l’article 28, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, qui énumère les hypothèses dans lesquelles « […] le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies […] ». Il s’ensuit qu’à supposer justifié le recours à cette dernière disposition légale – question relevant de l’appréciation du bien-fondé de la décision déférée – le ministre n’était précisément pas tenu de vérifier si le demandeur remplit ou non les conditions d’octroi d’une protection internationale.

Dans ces circonstances, le moyen tiré d’une violation de l’article 37, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015 encourt le rejet.

Quant au bien-fondé de la décision déférée, il y a d’abord lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 28, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « […] le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants : […] d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale […] ».

Aux termes de l’article 32 de la même loi, « (1) Constitue une demande ultérieure une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel le ministre a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 23, paragraphes (2) et (3).

(2) Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure, ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure sont examinés dans le cadre de l’examen de la demande antérieure par le ministre ou, si la décision du ministre fait l’objet d’un recours juridictionnel en réformation, par la juridiction saisie.

9(3) Le ministre procède à un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en vertu de l’article 28, paragraphe (2), point d). Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien.

(4) Si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, l’examen de la demande est poursuivi, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. […] ».

Il ressort de ces dispositions que le ministre peut déclarer irrecevable une demande ultérieure – c’est-à-dire une demande de protection internationale introduite après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure émanant de la même personne, y compris, notamment, le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande –, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans le cas où le demandeur n’invoque aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale. Saisi d’une telle demande ultérieure, le ministre effectue un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en question. L’examen de la demande n’est poursuivi que si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et à condition que le demandeur concerné ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. Dans le cas contraire, la demande est déclarée irrecevable.

Il s’ensuit que la recevabilité d’une demande ultérieure est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir que (i) le demandeur invoque des éléments ou des faits nouveaux, (ii) les éléments ou les faits nouveaux présentés augmentent de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et (iii) le demandeur ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir de ces éléments ou de ces faits nouveaux au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

Il appartient dès lors au tribunal de procéder à l’analyse des éléments soumis en cause par le demandeur afin de vérifier le caractère nouveau de ces éléments ainsi que leur susceptibilité d’augmenter de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour l’obtention de la protection internationale, le caractère nouveau des éléments avancés en cause s’analysant notamment par rapport à ceux avancés dans le cadre de la précédente procédure laquelle doit, aux termes de l’article 32, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, avoir fait l’objet d’une décision finale.

En l’espèce, il ressort du dossier administratif que la demande de protection internationale du demandeur faisant l’objet de la décision actuellement déférée a été introduite le 6 mai 2024, soit après le rejet définitif de sa première demande de protection internationale par le jugement du tribunal administratif du 19 janvier 2023, inscrit sous le numéro 48327 du rôle, de sorte que la demande actuellement litigieuse doit être qualifiée de demande ultérieure au sens de l’article 32, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, précité.

10S’agissant ensuite de la question de savoir si les éléments soumis par le demandeur dans le cadre de la demande nouvelle peuvent être qualifiés de nouveaux au sens des articles 28 et 32, précités, de la loi du 18 décembre 2015, il échet d’abord de souligner qu’il doit s’agir d’éléments qui, d’une part, sont postérieurs à la décision ministérielle de rejet de la demande initiale et à la procédure contentieuse afférente, et, d’autre part, doivent comporter des indications sérieuses d’une crainte fondée de persécution, le demandeur devant, par ailleurs, avoir été dans l’incapacité – sans faute de sa part – de se prévaloir de ces nouveaux éléments au cours de la procédure précédente en ce compris la procédure contentieuse1, étant, à cet égard, encore relevé qu’une demande de protection internationale fondée sur les mêmes faits que ceux produits dans le cadre d’une première demande d’asile ne contient pas des éléments ou faits nouveaux et ne saurait dès lors fonder une nouvelle demande de protection internationale sous peine de heurter l’autorité de chose jugée dont est revêtue la première décision judiciaire ayant débouté le demandeur de sa demande de protection internationale2.

En l’espèce, il ressort de la lecture du jugement du tribunal administratif du 19 janvier 2023, prémentionné, que dans le cadre de sa précédente demande de protection internationale, le demandeur s’est, en substance, prévalu de son activisme politique, et notamment de sa participation à différentes manifestations sévèrement réprimées par le pouvoir politique en place, ce qui lui aurait valu d’être emprisonné et torturé par les autorités guinéennes.

Le tribunal constate ensuite que, dans le cadre de sa deuxième demande de protection internationale, le demandeur se prévaut explicitement de ces mêmes faits, celui-ci ayant expressément déclaré dans le cadre de son entretien auprès du ministère en date du 17 mai 2024 que « C’est la même chose que la première fois. J’ai tout dit la première fois, je n’ai rien à vous cacher, je dis la vérité. »3, tout en versant de nouveaux documents en cause, visant essentiellement à établir son identité et la crédibilité de son récit, à savoir (i) un acte de naissance délivré par la commune de … en Guinée, (ii) une attestation testimoniale de son épouse, Madame …, et (iii) des photos montrant les blessures qu’il aurait subies lors de sa détention à la « prison centrale de … ».

Or, indépendamment de la question de la force probante desdits documents et de leur pertinence par rapport aux autres conditions de recevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale, force est de constater que le demandeur reste en défaut d’établir qu’il aurait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de présenter les documents en question au cours de la procédure relative à sa première demande de protection internationale, y compris pendant la phase contentieuse.

En effet, d’une part, les documents en question ne comportent aucune indication quant à la date à laquelle ils ont été émis ou transmis au demandeur et, d’autre part, celui-ci n’invoque aucun élément pour justifier les raisons pour lesquelles il n’aurait pas été en mesure de faire part de ces documents lors de la précédente procédure devant le tribunal administratif, siégeant, par ailleurs, dans le cadre d’un recours en réformation, de sorte qu’il y a lieu de conclure que le demandeur est resté en défaut de démontrer qu’il a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir de ces éléments lors de la procédure précédente, étant encore souligné que la charge de la preuve de cette condition pèse sur le demandeur.

1 Trib. adm., 6 décembre 2006, n° 22137 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 91 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 13 septembre 2006, n° 21849 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 88 et l’autre référence y citée.

3 Page 5 du rapport d’entretien du 17 mai 2024.

11Le tribunal relève encore que l’ensemble de ces nouveaux documents versés à l’appui du présent recours ne sont, au vu de l’ensemble des incohérences ayant ébranlé la crédibilité du récit du demandeur, telles que relevées par le tribunal dans son jugement du 19 janvier 2023, prémentionné, pas de nature à augmenter de manière significative la probabilité pour ce dernier d’obtenir une protection internationale.

Le tribunal constate, par ailleurs, que dans le cadre de la phase précontentieuse relative à sa deuxième demande de protection internationale, le demandeur s’est prévalu d’un article intitulé « Guinée Justice : deux opposants activement recherchés », publié sur le site internet « aminata.com » et mis à jour le 15 février 2024. A cet égard, même à admettre que ledit article ait été publié postérieurement au rejet définitif de la demande de protection internationale initiale du demandeur, soit postérieurement au jugement du tribunal administratif, prémentionné, du 19 janvier 2023, ce qui ne ressort toutefois pas dudit document, l’article en question n’est, à lui seul et à défaut de toute mise en relation avec la situation personnelle du demandeur, pas de nature à augmenter de manière significative la probabilité que celui-ci remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la deuxième demande de protection internationale introduite par le demandeur irrecevable en application de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’invocation par le demandeur des dispositions de l’article 37, paragraphe (5), point c) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « (5) Lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres, ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque les conditions suivantes sont remplies : […] c) les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande ; […] » et, plus généralement, du principe du bénéfice du doute, alors que cette présomption ne saurait jouer qu’en présence d’un récit cohérent, ce qui n’est, tel que relevé ci-dessus, pas le cas en l’espèce.

En ce qui concerne finalement les développements du demandeur fondés sur les articles 3 de la CEDH et 129 de la loi du 29 août 2009, il y a lieu de les rejeter pour être étrangers au cadre du présent litige, le ministre n’ayant, à travers la décision déférée du 3 juillet 2024, pas pris de décision comportant un ordre de quitter le territoire à l’égard du demandeur, un tel ordre de quitter le territoire ayant toutefois figuré dans la décision de refus de protection internationale du 8 décembre 2022, confirmée par jugement du tribunal administratif du 19 janvier 2023.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

12déclare irrecevable la demande d’« accorder la demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire » ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 14 août 2024 par :

Marc Sünnen, président, Michèle Stoffel, vice-président, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 août 2024 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 50742
Date de la décision : 14/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-08-14;50742 ?

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