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26/08/2024 | LUXEMBOURG | N°50893

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 août 2024, 50893


Tribunal administratif N° 50893 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50893 Inscrit le 7 août 2024 Audience publique du 26 août 2024 Requête en instauration d’un sursis à exécution sinon d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux Publics, département de la mobilité et des transports, en matière de permis de conduire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 50893 du rôle

et déposée le 7 août 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Annie ELFASSI, avoc...

Tribunal administratif N° 50893 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50893 Inscrit le 7 août 2024 Audience publique du 26 août 2024 Requête en instauration d’un sursis à exécution sinon d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux Publics, département de la mobilité et des transports, en matière de permis de conduire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 50893 du rôle et déposée le 7 août 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Annie ELFASSI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assistée de Maître Kyllian TALBOURDET, avocat, inscrit à la liste II du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’obtention du sursis à exécution sinon à l’instauration de mesures de sauvegarde par rapport à une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux Publics datée du 8 mai 2024 portant à sa connaissance l’information que quatre points lui ont été retirés du capital de points dont est doté son permis de conduire, un recours en annulation dirigé contre la même décision, inscrit sous le numéro du rôle 50892 ayant été introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’acte déféré ;

Maître Kyllian TALBOURDET ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 août 2024.

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Le ministre du Développement durable et des Infrastructures adressa en date du 27 novembre 2018 un courrier à Monsieur … pour l’informer du retrait de deux points du capital dont est doté son permis de conduire suite au paiement de la taxe d’un avertissement taxé dressé à son encontre pour « Usage d’un véhicule routier non couvert par un certificat de contrôle technique valable » en date du 22 octobre 2018.

Par courrier du 16 juillet 2020, Monsieur … se vit adresser un courrier du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », l’informant du retrait de deux points du capital dont est doté son permis de conduire suite au paiement de la taxe d’un avertissement taxé pour « Fait pour le conducteur utilisant un équipement téléphonique de lâcher le volant ou le guidon d’une main autrement que pour les opérations de mise en service ou d’arrêt de cet équipement, dès que le véhicule conduit est en mouvement » en date du 9 juillet 2020.

1 Le 11 juin 2021, Monsieur … se vit encore adresser un courrier du ministre l’informant à nouveau du retrait de deux points du capital dont est doté son permis de conduire suite au paiement de la taxe d’un avertissement taxé pour « Usage d’un véhicule routier non couvert par un certificat de contrôle technique valable » en date du 4 juin 2021.

Le 19 août 2022, le ministre informa Monsieur … du retrait de deux points supplémentaires du capital dont est doté son permis de conduire suite au paiement de la taxe d’un avertissement taxé dressé à son encontre pour « Usage d’un véhicule routier non couvert par un certificat de contrôle technique valable » en date du 10 août 2022.

Enfin, par décision du 8 mai 2024, Monsieur … fut informé par le ministre du retrait de quatre points du capital dont est doté son permis de conduire, dans les termes suivants :

« […] Conformément aux dispositions légales régissant le permis à points, je tiens à vous informer que 4 points ont été retirés du capital dont est doté votre permis de conduire pour les infractions suivantes au Code de la Route :

Libellé de l’infraction :

Inobservation par le conducteur d’un véhicule qui n’est pas en stationnement ou en parcage de l’interdiction d’utiliser, de tenir en main ou de manipuler un appareil électronique mobile doté d’un écran Nombre de points déduits : 4 Date du fait : 8 mars 2024 14 :35 Lieu du fait : Luxembourg – B4, Date du paiement : 30 avril 2024 HOLLERICH […] Nombre de points restants : 0 La présente est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif, à exercer par ministère d’avocat à la Cour endéans les trois mois à partir du jour de la notification de la présente. […] ».

Par arrêté même jour, le ministre suspendit pour douze mois le droit de conduire un véhicule automoteur de Monsieur ….

Par requête déposée le 7 août 2024, inscrite sous le numéro 50892 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre la décision du ministre du 8 mai 2024 portant à sa connaissance l’information que quatre points lui ont été retirés du capital de points dont est doté son permis de conduire, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 50893 du rôle, il a encore introduit un recours tendant à voir ordonner le sursis à exécution sinon des mesures de sauvegarde par rapport à la même décision.

Le requérant, après avoir repris les faits et rétroactes à la base de la décision litigieuse, indique en premier lieu qu’aucune des décisions de retrait de points de son permis de conduire ne lui aurait été notifiée, tout en soulignant que plus de la moitié des points lui auraient été retirés pour l’usage d’un véhicule routier non couvert par un certificat de contrôle technique valable, situation, qu’il aurait immédiatement régularisée.

2 Il décrit ensuite sa situation personnelle et professionnelle en soulignant qu’il exercerait la profession d’avocat à la Cour au Luxembourg et serait amené dans le cadre de cette activité de se déplacer régulièrement en voiture. Il serait, par ailleurs, père de famille et le seul membre de son foyer titulaire d’un permis de conduire, de sorte que son droit de conduire serait primordial notamment pour accompagner son enfant à la crèche et le ramener en fin de journée.

Il devrait encore se rendre régulièrement en … pour les besoins de la succession de son père décédé il y a peu. Enfin, le requérant souligne être dépendant de son droit de conduire pour se rendre régulièrement avec sa famille à … chez sa belle-mère, laquelle serait en situation de handicap. La décision litigieuse le placerait ainsi dans une situation dramatique tant sur le plan personnel que professionnel et lui ferait encourir de nombreux frais pour subvenir aux besoins de sa famille.

En doit, au titre du risque de préjudice grave et définitif, le requérant fait valoir que suite à la suspension de son droit de conduire, il devrait recourir, à ses frais, à des taxis et exposer davantage de frais que d’ordinaire pour ses déplacements, situation qui ferait peser sur lui une charge considérable pour pouvoir répondre aux besoins de son entourage et de ses clients. Le préjudice que la décision lui causerait serait partant non seulement établi car déjà existant mais également définitif et susceptible de s’aggraver si aucune mesure de sauvegarde ne serait ordonnée.

En ce qui concerne le sérieux des moyens invoqués, le requérant se réfère aux divers moyens invoqués dans le cadre de son recours au fond, tout en soulignant que le caractère sérieux de l’ensemble de ces moyens serait indéniable.

Dans ce contexte, et après avoir cité l’article 2bis, paragraphes 1er et 3 de loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ainsi que la jurisprudence en la matière, le requérant fait de nouveau valoir ne jamais avoir été informé des conséquences autres que pécuniaires des faits ayant donné lieu aux différents avertissements taxés, et n’aurait, ainsi, jamais été informé, ni du nombre de points retirés, ni du nombre de points restants, ni de son droit aux recours contre ces décisions, ni encore de son droit à la récupération de certains points. Ce manque d’information serait d’autant plus flagrant, alors que la plupart des points de son permis de conduire lui aurait été retirée en raison de l’usage d’un véhicule routier non couvert par un certificat de contrôle technique, circonstance qu’il aurait immédiatement régularisée, ce qui démontrerait sa volonté de se mettre en conformité avec les exigences légales.

Il souligne également ne poser aucun danger pour la société, de sorte qu’une suspension de son droit de conduire serait disproportionnée eu égard à son « attitude », alors qu’aucune des infractions constatées en six ans ne constituerait « un danger pour les usagers de la route ».

Il souligne également avoir acquis un nouveau véhicule en date du 30 septembre 2022, l’obligeant à passer pour la première fois le contrôle technique en septembre 2026, c’est-à-dire postérieurement à l’échéance de la suspension de son droit de conduire de douze mois, de sorte que la « finalité » de la suspension de son droit de conduire n’aurait aucun objet. La mesure de retrait administratif ne serait dès lors pas une mesure qui aurait pour effet de protéger, pour le futur, les autres usagers de la route, mais aurait comme but de sanctionner son omission de procéder au contrôle technique de son véhicule.

3A l’audience publique des plaidoiries, le requérant fait encore valoir que certaines décisions ministérielles portant retrait de points du capital dont est doté son permis de conduire figurant au dossier administratif en tant que pièces 1, 3 et 4, ne porteraient pas de signature, de sorte qu’elles ne seraient pas valables.

Le délégué du gouvernement soutient quant à lui que les conditions requises pour l’institution d’un sursis à exécution ne seraient pas remplies en l’espèce, tout en estimant que le moyen du requérant relatif à la signature de trois décisions ministérielles constituerait un moyen nouveau non présenté dans le cadre de sa requête, de sorte qu’il serait à déclarer irrecevable.

En vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Or, en vertu de l’article 11, paragraphe (2) de la loi du 21 juin 1999, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

Il échet de constater que l’affaire au fond a été introduite le 7 août 2024 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

En ce qui concerne la condition du préjudice grave et définitif tel qu’invoqué, il convient de rappeler qu’un préjudice est grave au sens de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. Il est définitif lorsque le succès de la demande présentée au fond ne permet pas ou ne permet que difficilement un rétablissement de la situation antérieure à la prise de l’acte illégal, la seule réparation par équivalent du dommage qui se manifeste postérieurement à son annulation ou sa réformation ne pouvant être considérée à cet égard comme empêchant la réalisation d’un préjudice définitif.

4 Par ailleurs, il y a lieu de relever que la demande de sursis à exécution, voire en institution d’une mesure de sauvegarde, a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif ; les effets du sursis à exécution, voire d’une mesure de sauvegarde, étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue. Comme le sursis à exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde, doit rester une procédure exceptionnelle, puisqu’il constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Il en résulte qu’un sursis à exécution, respectivement une mesure de sauvegarde, ne sauraient être ordonnés que si le préjudice invoqué par le requérant résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué : en d’autres termes, le préjudice doit découler directement de l’exécution régulière de l’acte attaqué et non d’autres actes étrangers au recours1.

En l’espèce, il se dégage de la lecture de la requête en instauration d’un sursis à exécution sinon d’une mesure de sauvegarde, que le requérant argue d’un préjudice financier et moral consistant dans le fait de ne pas pouvoir conduire un véhicule pendant douze mois.

Dans ce contexte, la soussignée constate qu’il se prévaut plus particulièrement des frais engagés pour se déplacer en taxi et des difficultés rencontrées pour accompagner son enfant à la crèche, pour se rendre en … pour les besoins de la succession de son père et pour se rendre à … chez sa belle-mère.

Il se dégage ensuite de ladite requête, ainsi que du recours au fond, que le requérant dirige cependant son recours exclusivement contre la décision ministérielle du 8 mai 2024 l’informant du retrait de quatre points du capital dont est doté son permis de conduire.

Or, il appert que la seule décision dont le juge du provisoire se trouve formellement saisi à travers la saisine des juges du fond, à savoir la décision ministérielle informant le requérant que quatre points lui ont été retirés du capital de points dont est doté son permis de conduire, n’a pas pour objet la suspension de son droit de conduire, mais uniquement le retrait de quatre points de son permis de conduire.

A cet égard, et sur question afférente de la soussignée à l’audience publique des plaidoiries, le litismandataire du requérant a confirmé qu’il s’agit bien de l’arrêté ministériel du 8 mai 2024 portant suspension du droit de conduire un véhicule automoteur du requérant, qui serait à l’origine du préjudice invoqué dans la requête sous analyse, arrêté qui ferait l’objet d’un recours contentieux sous peu.

Le préjudice mis en avant par le requérant ne résulte dès lors pas directement de la décision litigieuse et est par conséquent étranger à celle-ci.

Le requérant est partant à débouter de sa demande en instauration d’un sursis à exécution sinon d’une mesure de sauvegarde sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les 1Trib. adm. (prés.) 13 août 2009, n° 25975, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 701, et les autres références y citées.

5conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Par ces motifs, la soussignée, premier juge au tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et des magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette la demande en sursis à exécution sinon en instauration d’une mesure de sauvegarde ;

condamne le requérant aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 août 2024 par Géraldine Anelli, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Géraldine Anelli Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 août 2024 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50893
Date de la décision : 26/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-08-26;50893 ?

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