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04/09/2024 | LUXEMBOURG | N°50877

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 septembre 2024, 50877


Tribunal administratif N° 50877 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50877 chambre de vacation Inscrit le 6 août 2024 Audience publique de vacation du 4 septembre 2024 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50877 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 août 2024 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Lu

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Tribunal administratif N° 50877 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50877 chambre de vacation Inscrit le 6 août 2024 Audience publique de vacation du 4 septembre 2024 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50877 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 août 2024 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (République Centrafricaine), de nationalité centrafricaine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 17 juillet 2024 de la transférer vers l’Allemagne, comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 août 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en sa plaidoirie à l’audience publique de vacation de ce jour.

Le 22 mars 2024, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Madame … fut entendue par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il s’avéra à cette occasion dans le cadre d’une recherche effectuée dans la base de données EURODAC que Madame … avait préalablement introduit des demandes de protection internationale au Portugal le 21 avril 2017, en France le 7 juillet 2017 ainsi qu’en Allemagne les 29 octobre 2019 et 14 octobre 2021.

1Le 25 avril 2024, Madame … fut entendue par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Suite à un refus opposé par les autorités allemandes en date du 8 avril 2024 à une première demande de reprise en charge de l’intéressée leur adressée par les autorités luxembourgeoises le 4 avril 2024, les autorités luxembourgeoises réitérèrent le 26 avril 2024 leur demande adressée à leurs homologues allemands en vue de la reprise en charge de l’intéressée sur base de l’article 18, paragraphe (1), d) du règlement Dublin III, demande qui fut finalement acceptée par les autorités allemandes en date du 30 avril 2024 sur base de la même disposition règlementaire.

Par décision du 17 juillet 2024, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée envoyée le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Madame … de sa décision de la transférer dans les meilleurs délais vers l’Allemagne sur base des dispositions de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 18, paragraphe (1), d) du règlement Dublin III, la décision étant libellée comme suit :

« […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 22 mars 2024 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 18(1)d du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transférée vers l'Allemagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 22 mars 2024 et le rapport d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 25 avril 2024.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 22 mars 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez introduit une demande de protection internationale au Portugal en date du 21 avril 2017, une demande en France en date du 7 juillet 2017 et deux demandes en Allemagne en date des 29 octobre 2019 et 14 octobre 2021.

Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 25 avril 2024.

2 Sur cette base, une demande de reprise en charge sur base de l'article 18(1)d du règlement DIII a été adressée aux autorités allemandes en date du 4 avril 2024, demande qui fut acceptée par lesdites autorités allemandes en date du 30 avril 2024.

2. Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l'article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

Dans le cadre d'une reprise en charge, et notamment conformément à l'article 18(1), point d) du règlement DIII, l'Etat responsable de l'examen d'une demande de protection internationale en vertu du règlement est tenu de reprendre en charge - dans les conditions prévues aux art. 23, 24, 25 et 29 - le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre.

Par ailleurs, un Etat n'est pas autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE »).

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, la comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez introduit une demande de protection internationale au Portugal en date du 21 avril 2017, une demande en France en date du 7 juillet 2017 et deux demandes en Allemagne en date des 29 octobre 2019 et 14 octobre 2021.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté votre pays d'origine en avion pour vous rendre au Portugal. Vous auriez quitté le Portugal au bout d'environ deux mois sans attendre de réponse à votre demande de protection internationale parce que vous n'auriez plus bénéficié d'un logement. Vous seriez ensuite allée en France, mais les autorités françaises auraient annoncé votre transfert au Portugal. Vous auriez donc quitté la France pour ne pas être transférée au Portugal et vous vous seriez rendue en Allemagne. Vous déclarez avoir fait l'objet d'une procédure d'asile normale, mais ne pas avoir poursuivi toutes les étapes administratives.

Vous auriez quitté l'Allemagne après une période inconnue et vous vous seriez rendue en 3France où vous auriez passé quelques jours avant d'arriver au Luxembourg en train en date du 22 mars 2024.

Madame, selon vos déclarations, vous auriez quitté l'Allemagne parce que vous auriez été victime d'agressions sexuelles. Vous auriez été violée à deux reprises par deux personnes différentes.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 25 avril 2024, vous mentionnez également que vous auriez été opérée quatre fois. Vous déclarez également souffrir d'une santé mentale fragile.

Il y a cependant lieu de soulever que vous n'avez fourni aucun élément concret sur votre état de santé actuel ou fait état d'autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l'Allemagne qui est l'Etat responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Rappelons à cet égard que l'Allemagne est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que l'Allemagne est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que l'Allemagne profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu'elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière.

Par conséquent, l'Allemagne est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture.

Par ailleurs, il n'existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu'il n'existe aucune recommandation de l'UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l'Allemagne sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

En l'occurrence, vous ne rapportez pas la preuve que votre demande de protection internationale n'aurait pas fait l'objet d'une analyse juste et équitable, ni que vous n'auriez pas les moyens de faire valoir vos droits, notamment devant les autorités judiciaires allemandes.

Vous n'avez fourni aucun élément susceptible de démontrer que l'Allemagne ne respecterait pas le principe de non-refoulement à votre égard et faillirait à ses obligations internationales en vous renvoyant dans un pays où votre vie, votre intégrité corporelle ou votre liberté seraient sérieusement menacées.

4Dans le cadre de la procédure « Dublin », il ne revient pas aux autorités luxembourgeoises d'analyser les risques d'être soumis à des traitements inhumains au sens de l'article 3 CEDH dans votre pays d'origine, mais dans l'Etat de destination, en l'occurrence l'Allemagne. Vous ne faites valoir aucun indice que l'Allemagne ne vous offrirait pas le droit à un recours effectif conformément à l'article 13 CEDH ou que vous n'aviez ou n'auriez pas la possibilité de faire valoir vos droits quant au fond de votre demande devant les juridictions allemandes, notamment en vertu de l'article 46 de la directive « Procédure ».

Madame, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en Allemagne revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv. torture.

Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l'exécution du transfert vers l'Allemagne, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers l'Allemagne, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transférée. Par ailleurs, si cela s'avère nécessaire, la Direction générale de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers l'Allemagne en informant les autorités allemandes conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités allemandes n'ont pas été constatées. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2024, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 17 juillet 2024.

5Etant donné que l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours au fond contre les décisions de transfert visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, telles que la décision litigieuse, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse rappelle les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, tels que passés en revue ci-avant.

En droit, elle reproche en premier lieu au ministre d’avoir refusé l’application de l’article 17 du règlement Dublin III et estime que la décision déférée résulterait d’une appréciation incomplète et erronée de sa situation individuelle, caractérisée notamment par son état de santé précaire, et laquelle s’aggraverait en cas de transfert en Allemagne où elle risquerait d’être exposée à un traitement inhumain et dégradant en violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, désignée ci-après par « la CEDH », et de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, désignée ci-après par « la Charte ».

En second lieu, tout en se prévalant de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III et en admettant que l’état actuel de la jurisprudence ne laisserait pas conclure à l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile en Allemagne, elle estime néanmoins que les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, surtout de ceux provenant de l’Afrique subsaharienne, y seraient inhumaines et dégradantes, la demanderesse citant, dans ce contexte, un rapport de l’organisation non-gouvernementale « Amnesty international » de l’année 2017/2018 sur l’Allemagne faisant état de l’absence d’un mécanisme de plainte indépendant permettant d’examiner des allégations de mauvais traitements de la part des policiers, de contrôles d’identité discriminatoires, d’enquêtes visant des policiers pour un recours illégal à la force pendant des manifestations, de l’abrogation en Rhénanie du Nord-Westphalie de l’obligation du port d’un badge d’identité, ainsi que d’une enquête sur le décès d’un ressortissant de la … décédé dans un incendie dans une cellule à un poste de police en 2005. Elle fait plus particulièrement valoir que les demandeurs de protection internationale seraient souvent enfermés dans des centres situés dans des endroits isolés, méthode qui serait utilisée par les autorités allemandes pour ses effets psychologiques visant à pousser au retour volontaire surtout des demandeurs d’origine africaine. Dans la mesure où la décision déférée n’apporterait aucune garantie qu’elle serait accueillie par les autorités allemandes dans le respect de sa dignité humaine et de son intégrité physique, la demanderesse conclut, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, désignée ci-après par « la CJUE », à une violation de l’article 3, paragraphe 2, alinéa 2 du règlement Dublin III.

La demanderesse invoque ensuite une violation de l’article 32, point 1 du règlement Dublin III, en ce que le ministre n’aurait demandé aucune garantie aux autorités allemandes qu’elle s’y verra apporter « une assistance suffisante tant en matière de soins de santé que pour garantir un accompagnement global dans la poursuite de sa demande de protection internationale et de ses droits fondamentaux en matière d’asile ».

Enfin, la demanderesse estime que le ministre ne lui aurait pas donné de garanties qu’elle ne serait pas, en cas de transfert en Allemagne, éloignée par la suite dans son pays d’origine par les autorités allemandes, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer la décision déférée « sur base d’une application disproportionnée, sinon erronée, sinon fausse » de l’article 28, 6paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, sinon d’une violation de l’article 13 de la CEDH, combiné à l’article 4 du Protocole additionnel n° 4 à la CEDH, désigné ci-après « le Protocole n° 4 », ainsi que l’article 3 de la CEDH et l’article 4 de la Charte.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

En vertu de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise en charge ou la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 18, paragraphe (1), d) du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités allemandes pour reprendre en charge Madame …, prévoit que « L’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: […] d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ».

Il suit de cette disposition que l’Etat responsable du traitement de la demande de protection internationale est celui où le demandeur a déposé une demande de protection internationale laquelle a fait l’objet d’une décision de refus.

Il est constant en cause que la décision de transférer la demanderesse vers l’Allemagne et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 18, paragraphe (1), d) du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale de la demanderesse serait l’Allemagne où elle avait, de manière non contestée, infructueusement déposé une demande de protection internationale et que les autorités allemandes avaient accepté sa reprise en charge le 30 avril 2024, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de la transférer vers ledit Etat membre et de ne pas examiner sa demande de protection internationale.

Il y a tout d’abord lieu de constater que la demanderesse ne conteste pas la compétence de principe de l’Allemagne par application du règlement Dublin III, mais elle soutient que son transfert vers l’Allemagne violerait les articles 3, paragraphe (2), alinéa 2, 17, paragraphe (1) 7et 32, point 1 du règlement Dublin III, l’article 28, paragraphe (1), point 1 de la loi du 18 décembre 2015, les articles 3 et 13 de la CEDH, l’article 4 du Protocole n° 4, ainsi que l’article 4 de la Charte.

Le tribunal précise ensuite que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17, paragraphe (1) du même règlement, accordant au ministre la faculté d’examiner la demande de protection internationale en passant outre la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire.

En ce qui concerne d’abord l’argumentation de la demanderesse quant à l’existence, en Allemagne, de défaillances systémiques, le tribunal rappelle que l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III prévoit ce qui suit : « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ».

Force est au tribunal de constater que cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte – corollaire de l’article 3 de la CEDH.

La situation visée par ledit article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III est celle de l’existence de défaillances systémiques empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers un Etat membre déterminé1.

A cet égard, le tribunal relève que l’Allemagne est tenue au respect, en tant qu’Etat membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions, des droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et dispose a priori d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile, auquel l’Allemagne adhère, a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des 1 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 92.

8Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard2. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants3. Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption – réfragable – que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres, peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées4.

Dans son arrêt du 16 février 2017, la CJUE a, d’ailleurs, expressément réaffirmé l’existence tant de ce principe de confiance mutuelle que de la présomption réfragable s’en dégageant du respect des droits fondamentaux par les Etats participant au système européen commun d’asile5, tout en apportant des précisions quant à l’interprétation de l’article 4 de la Charte et aux obligations en découlant pour les Etats membres.

Le tribunal est également amené à souligner que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés. S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise ou de reprise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que suivant la jurisprudence des juridictions administratives6, reposant elle-même sur un arrêt de la CJUE7, des défaillances systémiques au sens de l’article 3, précité, requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la Charte. Telle est encore la conclusion à laquelle arrive la CJUE dans son arrêt, précité, du 16 février 20178.

Quant à la preuve à rapporter par la demanderesse, il se dégage d’un arrêt de la CJUE du 19 mars 20199 que, pour relever de l’article 4 de la Charte, auquel l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III renvoie, des défaillances existant dans l’Etat membre 2 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S. c. Secretary of State for the Home Department et C-493/10, M.E. et al. c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform, point 78.

3 Ibidem, point. 79 ; voir également : trib. adm., 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm., 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm., 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

4 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

5 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 95.

6 Trib. adm., 26 avril 2016, n° 37591, disponible sur: www.jurad.etat.lu.

7 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

8 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16.

9 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, pt.

91.

9responsable, au sens dudit règlement, doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Aux termes de ce même arrêt, ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine10. Ledit seuil ne saurait donc couvrir des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de la personne concernée, lorsque celles-ci n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant11.

En l’espèce, la demanderesse estime que les défaillances systémiques en Allemagne résulteraient d’un traitement discriminatoire de la part des autorités policières allemandes envers des demandeurs de protection internationale, sous forme d’usage excessif de force et de contrôles d’identité, ainsi que du fait que les demandeurs de protection internationale, en particulier ceux de provenance de l’Afrique, seraient enfermés dans des « centres » situés dans des endroits isolés.

Or, le tribunal constate tout d’abord que le seul rapport versé par la demanderesse à l’appui de ces développements est un rapport de l’organisation non-gouvernementale « Amnesty international » sur la situation en Allemagne en 2017, voire 2018, soit datant d’il y a six à sept ans et n’établissant dès lors pas la situation actuelle en Allemagne.

En ce qui concerne encore la crainte de la demanderesse d’être enfermée dans un « centre » en cas de transfert en Allemagne, le tribunal relève que les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale prévues par la directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte], désignée ci-après par « la directive Accueil », ne s’appliquent, en tout état de cause, qu’aux demandeurs de protection internationale. Comme la demanderesse n’a plus cette qualité depuis le refus définitif de sa demande de protection internationale en Allemagne, elle ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir de ladite directive pour conclure à l’existence de défaillances systémiques en Allemagne, étant encore relevé que lors de son entretien Dublin, elle n’a pas fait état ni d’un tel traitement à son égard, ni d’un traitement discriminatoire de la part des autorités allemandes qu’elle aurait personnellement subi.

Au-delà de cette considération, le tribunal constate que la demanderesse ne produit aucun élément probant, tel que des rapports d’organisations internationales, qui permettrait d’appuyer son argumentation fondée sur l’existence, en Allemagne, de défaillances systémiques au sens de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, qui atteindraient le seuil de gravité tel que décrit ci-avant, de même qu’elle n’invoque aucune jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, désignée ci-après par « la CourEDH », relative à une suspension générale des transferts vers l’Allemagne, voire une demande en ce sens de la part du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 10 Ibid., pt. 92.

11 Ibid., pt. 93.

10dénommé ci-après « l’UNHCR ». La demanderesse ne fait pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis émanant de l’UNHCR, ou d’autres institutions ou organismes internationaux, interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers l’Allemagne dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile allemande qui exposerait les demandeurs de protection internationale à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte.

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que la demanderesse n’a pas rapporté la preuve de l’existence, en Allemagne, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, qui entraîneraient pour elle un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, empêchant tout transfert de demandeurs de protection internationale vers ce pays, étant précisé, tel que relevé ci-avant, que la demanderesse, dont la demande de protection internationale a été traitée par l’Allemagne, ne sera a priori plus considérée, en cas de retour en Allemagne, comme un demandeur de protection internationale, mais comme un étranger en situation irrégulière.

Néanmoins, il convient encore de relever dans ce cadre que si les Etats membres sont dans l’obligation d’appliquer les règlements européens, il ressort de la jurisprudence de la CourEDH que, dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse entraîner un risque de violation de l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, la présomption selon laquelle les Etats participants respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH n’étant en effet pas irréfragable12.

Dans ce contexte, la CJUE a suivi le raisonnement de la CourEDH en décidant que, même en l’absence de raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs dans l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile, le transfert d’un demandeur d’asile dans le cadre du règlement Dublin III ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel et avéré que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte13, et qu’il est indifférent, aux fins de l’application dudit article 4 de la Charte, que ce soit au moment même du transfert, lors de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait, en raison de son transfert vers l’Etat membre responsable, au sens du règlement Dublin III, un risque sérieux de subir un traitement inhumain et dégradant14.

Il appartient dès lors au tribunal de vérifier s’il existe, dans le chef de la demanderesse, un risque de mauvais traitement qui doit atteindre un seuil minimal de gravité, l’examen de ce seuil minimum étant relatif et dépendant des circonstances concrètes du cas d’espèce, telles que la durée du traitement et ses conséquences physiques et mentales et, dans certains cas, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de l’intéressé15.

Or, en l’espèce, il ne se dégage pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que personnellement et concrètement, les droits de la demanderesse n’auraient pas été respectés 12 CourEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12; CourEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09.

13 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16, pts. 65 et 96 14 CJUE, 19 mars 2019, Jawo c/ Bundesrepublik Deutschland, C-163/17.

15 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09.

11en Allemagne dans le cadre de sa demande de protection internationale y introduite. Il ne se dégage pas non plus du dossier qu’au cours de son séjour en Allemagne, ses conditions d’existence dans ce pays aient atteint un degré de pénibilité et de gravité tel qu’elles puissent être qualifiées de traitement inhumain et dégradant ni qu’en cas de transfert, elle serait personnellement exposée au risque que ses besoins existentiels minimaux ne soient pas satisfaits et ce, de manière durable, sans perspective d’amélioration, au point qu’il aurait fallu renoncer à son transfert ou bien demander des garanties individuelles auprès des autorités allemandes avant de la transférer.

Si la demanderesse a encore déclaré dans le cadre de son entretien Dublin III avoir été violée par des personnes privées lors de son séjour en Allemagne, il ne se dégage pas des éléments à la disposition du tribunal qu’elle se serait adressée aux autorités allemandes pour dénoncer les faits en question. Comme la demanderesse n’a pas non plus fait état d’une quelconque expérience négative avec lesdites autorités qui aurait pu la dissuader de s’adresser à elles, aucune inaction ne saurait être reprochée de ce chef aux autorités concernées.

Pour ce qui est ensuite des problèmes de santé mis en avant par la demanderesse, il y a tout d’abord lieu de relever qu’il ne se dégage pas de l’arrêt de la CJUE du 16 février 2017, précité, que l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable pour l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur de protection internationale doit, en tout état de cause et préalablement à la prise d’une décision de transfert et par avis médical, s’assurer automatiquement que le transfert n’entraîne pas une détérioration significative et irrémédiable de l’état de santé de l’intéressé pour toute personne déclarant avoir un quelconque problème de santé.

En effet, dans l’arrêt en question, la CJUE a d’abord mis en évidence le fait, en ce qui concerne les conditions d’accueil et les soins disponibles dans l’Etat membre responsable, que les Etats membres liés par la directive Accueil sont tenus, y compris dans le cadre de la procédure au titre du règlement Dublin III, conformément aux articles 17 à 19 de cette directive, de fournir aux demandeurs d’asile les soins médicaux et l’assistance médicale nécessaires comportant, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies et des troubles mentaux graves : « Dans ces conditions, et conformément à la confiance mutuelle que s’accordent les États membres, il existe une forte présomption que les traitements médicaux offerts aux demandeurs d’asile dans les États membres seront adéquats ». Elle a retenu ensuite que « […] dans des circonstances dans lesquelles le transfert d’un demandeur d’asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d’une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens [de l’article 4 de la Charte]. En conséquence, dès lors qu’un demandeur d’asile produit, en particulier dans le cadre du recours effectif que lui garantit l’article 27 du règlement Dublin III, des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, les autorités de l’État membre concerné, y compris ses juridictions, ne sauraient ignorer ces éléments. Elles sont, au contraire, tenues d’apprécier le risque que de telles conséquences se réalisent lorsqu’elles décident du transfert de l’intéressé ou, s’agissant d’une juridiction, de la légalité d’une décision de transfert, dès lors que l’exécution de cette décision pourrait conduire à un traitement inhumain ou dégradant de celui-ci. […]16 ».

16 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, points 74 et 75.

12 Dans une telle situation, il appartiendra aux autorités concernées « […] d’éliminer tout doute sérieux concernant l’impact du transfert sur l’état de santé de l’intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de cette personne. Dans l’hypothèse où, compte tenu de la particulière gravité de l’affection du demandeur d’asile concerné, la prise desdites précautions ne suffirait pas à assurer que son transfert n’entraînera pas de risque réel d’une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, il incombe aux autorités de l’État membre concerné de suspendre l’exécution du transfert de l’intéressé, et ce aussi longtemps que son état ne le rend pas apte à un tel transfert […]17 ».

Cette jurisprudence vise dès lors l’hypothèse particulière suivant laquelle un demandeur de protection internationale produit des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, hypothèse dans laquelle les autorités de l’Etat membre procédant au transfert doivent prendre les précautions spécifiques afin de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de la personne concernée, telles que, par exemple, l’obtention, de la part de l’Etat membre responsable, de la confirmation que les soins indispensables seront disponibles à l’arrivée18.

La CJUE a encore relevé la coopération entre l’Etat membre devant procéder au transfert et l’Etat membre responsable afin d’assurer que le demandeur d’asile concerné reçoive des soins de santé pendant et à l’issue du transfert, l’Etat membre procédant au transfert devant s’assurer que le demandeur d’asile concerné bénéficie de soins dès son arrivée dans l’Etat membre responsable, les articles 31 et 32 du règlement Dublin III imposant, en effet, à l’Etat membre procédant au transfert de communiquer à l’Etat membre responsable les informations concernant l’état de santé du demandeur d’asile qui sont de nature à permettre à cet Etat membre de lui apporter les soins de santé urgents indispensables à la sauvegarde de ses intérêts essentiels.

Ainsi, ce n’est que dans l’hypothèse où la prise de précautions de la part de l’Etat membre procédant au transfert ne suffirait pas, compte tenu de la gravité particulière de l’affection du demandeur d’asile concerné, à assurer que le transfert de celui-ci n’entraînera pas de risque réel d’une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, qu’il incomberait aux autorités de l’Etat membre concerné de suspendre l’exécution du transfert de cette personne, et ce aussi longtemps que son état ne la rend pas apte à un tel transfert.

Il appartient dès lors au tribunal, compte tenu des développements de la demanderesse à cet égard, de vérifier si l’état de santé de celle-ci présente une gravité telle qu’il ne peut sérieusement être exclu que son transfert entraînerait pour elle un risque réel de traitements inhumains et dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte et de l’article 3 de la CEDH19.

A cet égard, le tribunal constate que la demanderesse reste en défaut d’une part, d’établir qu’elle serait atteinte d’une quelconque pathologie nécessitant un traitement médical, alors qu’aucun certificat médical en ce sens n’est versé par elle et, d’autre part, de verser un 17 Ibidem, points 76 à 85 et point 96.

18 Trib. adm., 8 janvier 2020, n° 43800 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu, ayant repris ces principes.

19 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09.

13quelconque document à l’appui de sa crainte de ne pas pouvoir bénéficier du traitement le cas échéant nécessaire en Allemagne.

Il s’ensuit qu’en ce qui concerne l’état de santé de la demanderesse, celle-ci reste en défaut d’apporter un quelconque élément permettant au tribunal de saisir le diagnostic exact de ses éventuelles maladies, ni le traitement suivi par elle, ni les conséquences d’une absence de traitement desdites maladies dans son chef.

Le tribunal constate d’ailleurs que la demanderesse a elle-même affirmé lors de son entretien Dublin III avoir été opérée plusieurs fois en Allemagne de sorte qu’elle reste en défaut d’établir qu’elle n’aurait pas eu accès en Allemagne à des soins médicaux nécessaires, ni qu’elle n’y aurait pas accès en cas de retour dans ledit pays.

En outre, le tribunal relève qu’il ne se dégage de toute façon d’aucun élément tangible soumis à son appréciation que, de manière générale, les demandeurs de protection internationale, voire les migrants en situation irrégulière en Allemagne n’auraient aucun accès à des traitements médicaux en cas de besoin.

Il convient, par ailleurs, de souligner que si la demanderesse devait estimer que le système d’aide allemand serait à tel point avilissant qu’il impliquerait per se un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 4 de la Charte, respectivement à l’article 3 de la CEDH, il lui appartiendrait de faire valoir ses droits directement auprès des autorités allemandes en usant des voies de droit adéquates, respectivement devant les instances européennes adéquates. Il en va de même si elle devait estimer que le système allemand ne serait pas conforme aux normes européennes auquel cas, il lui appartiendrait de faire valoir ses droits sur base de la directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte], ainsi que de la directive Accueil, directement auprès des autorités allemandes en usant des voies de droit adéquates.

Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à l’autorité ministérielle de ne pas avoir sollicité des autorités allemandes des garanties individuelles quant à une prise en charge médicale « adaptée » de la demanderesse, de sorte que le moyen relatif à une violation de l’article 32, point 1 du règlement Dublin III encourt le rejet.

Au vu de ce qui précède et compte tenu des éléments soumis au tribunal, il y a lieu de conclure que Madame … n’a pas démontré que le transfert vers l’Allemagne l’exposerait à des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH, respectivement 4 de la Charte, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne encore la crainte d’un refoulement vers la République Centrafricaine, il y a tout d’abord lieu de préciser que suivant un arrêt de la CJUE du 30 novembre 202320, la juridiction de l’Etat membre requérant, saisie d’un recours contre une décision de transfert, ne peut examiner s’il existe un risque, dans l’Etat membre requis, d’une violation du principe de non-refoulement auquel le demandeur de protection internationale serait soumis à la suite de son transfert vers cet Etat membre, ou par suite de celui-ci, lorsque, tel que c’est le cas en l’espèce, cette juridiction ne constate pas l’existence, dans l’Etat membre requis, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des 20 CJUE, 30 novembre 2023, affaires jointes C-228/21, C-254/21, C-297/21, C-315/21 et C-328/21 14demandeurs d’une protection internationale. Des divergences d’opinion entre les autorités et les juridictions de l’Etat membre requérant, d’une part, et celles de l’Etat membre requis, d’autre part, en ce qui concerne l’interprétation des conditions matérielles de la protection internationale n’établissent pas l’existence de défaillances systémiques.

Par ailleurs et en tout état de cause, le tribunal se doit de relever que la décision entreprise n’implique pas un retour au pays d’origine, mais désigne uniquement l’Etat membre responsable pour le traitement de la demande de protection internationale, respectivement de ses suites, soit en l’espèce l’Allemagne, ce pays ayant, comme relevé ci-dessus, reconnu sa compétence pour reprendre en charge l’intéressée, ce point n’étant d’ailleurs pas contesté.

Il convient ensuite de constater à cet égard que l’Allemagne respecte a priori - la demanderesse ne fournissant aucun indice tangible permettant au tribunal d’en douter - en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions les droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que, plus particulièrement, le principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève et que l’Allemagne dispose d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés, le règlement Dublin III qualifiant d’ailleurs explicitement, en son considérant 3, les Etats membres comme pays sûrs respectant le principe de non-refoulement (« À cet égard, et sans affecter les critères de responsabilité posés par le présent règlement, les États membres, qui respectent tous le principe de non-refoulement, sont considérés comme des pays sûrs par les ressortissants de pays tiers »).

A cela s’ajoute qu’il n’apparaît pas que la mise en œuvre d’une décision définitive de refus de protection internationale et de renvoi vers le pays d’origine constituerait en soi une violation du principe de non-refoulement, le règlement Dublin III visant précisément à lutter contre les demandes d’asile multiples (« asylum shopping ») en retenant le principe de l’examen de la demande par un seul Etat membre (« one chance only »). Le règlement Dublin III cherche, en effet, à pallier aux mouvements secondaires des demandeurs d’asile qui souhaitent, pour différentes raisons, notamment au vu d’une jurisprudence nationale plus favorable, faire leur demande dans l’Etat membre de leur choix.

Dans ces circonstances et compte tenu des éléments soumis au tribunal, il n’est pas établi que le transfert de la demanderesse vers l’Allemagne exposerait cette dernière à un refoulement en cascade qui serait contraire au principe du non-refoulement, ancré à l’article, non invoqué en l’espèce, 33 de la Convention de Genève et contraire à l’article 4 de la Charte, respectivement à l’article 3 de la CEDH, ou encore à l’article 4 du Protocole n°4.

Enfin, si par impossible les autorités allemandes devaient néanmoins décider d’éloigner la demanderesse, même le cas échéant, comme soutenu, en violation des articles précités, à supposer que l’intéressée soit effectivement exposée à un risque concret et grave en cas de retour en République Centrafricaine, il lui appartiendrait, tous recours internes éventuellement épuisés - la demanderesse devant d’abord faire valoir ses droits directement auprès des autorités allemandes compétentes en usant des voies de droit adéquates21 - de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme et de lui demander, sur base de l’article 39 de son règlement intérieur, 21 Voir article 26 de la directive n°2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.

15de prier les autorités allemandes de surseoir à l’exécution du rapatriement jusqu’à l’issue de la procédure devant cet organe.

Ainsi, force est de constater qu’en l’espèce, outre le constat fait ci-avant que la demanderesse n’a pas établi, personnellement et concrètement, que ses droits n’auraient pas été respectés en Allemagne, elle n’apporte pas la preuve que, dans son cas précis, ses droits ne seraient pas garantis en cas de retour en Allemagne, ni que, de manière générale, les droits des demandeurs d’une protection internationale déboutés en Allemagne ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que ceux-ci n’auraient en Allemagne aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités allemandes en usant des voies de droit adéquates22, étant encore rappelé que l’Allemagne est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève – comprenant le principe de non-refoulement y inscrit à l’article 33 – ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est censée en appliquer les dispositions.

Il ne résulte, de surcroît, d’aucun élément du dossier administratif, ni des pièces versées en cause, que la demanderesse aurait invoqué une autre cause rendant son transfert vers l’Allemagne matériellement impossible.

Les moyens de la demanderesse tenant à une violation de l’article 4 du Protocole additionnel n° 4, ainsi que de l’article 4 de la Charte, respectivement 3 de la CEDH, sont, dès lors, à rejeter.

En ce qui concerne le moyen fondé sur l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, aux termes duquel : « Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. […]. », il y a lieu de relever que la possibilité, pour le ministre, d’appliquer cette disposition du règlement Dublin III relève de son pouvoir discrétionnaire, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres23, le caractère facultatif du recours à la disposition en question ayant encore été souligné dans un arrêt de la CJUE du 16 février 201724.

Un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend toutefois pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge25, le juge administratif étant appelé, en matière de recours en réformation, non pas à examiner si l’administration est restée à l’intérieur de sa marge d’appréciation, une telle démarche s’imposant en matière de recours en annulation, 22 Voir, pour les demandeurs de protection internationale : article 26 de la directive n°2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte].

23 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 65.

24 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, points 88 et 97.

25 Trib. adm., 10 octobre 2007, n° 22641 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 60 (3e volet) et les autres références y citées.

16mais à vérifier si son appréciation se couvre avec celle de l’administration et, dans la négative, à substituer sa propre décision à celle de l’administration26.

En l’espèce, force est au tribunal de rappeler, tel que retenu ci-avant, que la demanderesse reste en défaut d’étayer concrètement tant la gravité de son état de santé, que l’existence dans son chef d’un risque de traitement inhumain au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, sans que d’autres considérations aient été mises en avant par l’intéressée sous cet aspect pour infirmer le constat afférent du tribunal, de sorte que le moyen tiré d’une violation par le ministre de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III est également à rejeter.

En ce qui concerne finalement l’invocation de la part de la demanderesse d’une violation de l’article 13 de la CEDH, ce moyen est également à rejeter faute de développements circonstanciés de la concernée, étant rappelé à cet égard qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties et de rechercher lui-même les développements juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses moyens.

Il s’ensuit que le ministre a à bon droit et sans violer l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, pu décider de transférer la demanderesse vers l’Allemagne, l’Etat responsable pour connaître de sa demande de protection internationale.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut de tout autre moyen, le recours en réformation sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Daniel Weber, vice-président, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 4 septembre 2024 par le vice-président Alexandra Castegnaro en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 26 Cour adm., 23 novembre 2010, n° 26851C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation, n°12 (2e volet) et les autres références y citées.


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 50877
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-09-04;50877 ?

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