Tribunal administratif N° 47317 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47317 4e chambre Inscrit le 14 avril 2022 Audience publique du 20 septembre 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Fonction publique en matière de résiliation de contrat d’employé de l’Etat
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 47317 du rôle et déposée le 14 avril 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…., tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique du 25 janvier 2022 portant résiliation de son contrat de travail ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2022 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2022 par Maître Jean-Marie BAULER, préqualifié, pour le compte de son mandant ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2022 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mars 2024.
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Par courrier du 30 juillet 2020, le ministre délégué à … retint la candidature de Monsieur … au poste d’électricien de maintenance, groupe de traitement C1, sous-groupe scientifique et technique, vacant auprès de la division « … » du …, ci-après désignée par « le … ».
En date du 26 août 2020, Monsieur … fut engagé, avec effet au 1er septembre 2020, au …, par un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’employé de l’État.
Par arrêté du 15 septembre 2020, le ministre de la Fonction publique, ci-après dénommé « le ministre », fixa le classement de Monsieur … et lui accorda une réduction de la période d’initiation de 12 mois.
Le 25 janvier 2021, un ordre de justification fut adressé à Monsieur … par le directeur du …, afin qu’il s’explique sur son comportement lors d’une rencontre en date du 15 janvier 2021 avec son responsable hiérarchique, alors qu’il lui serait reproché d’y avoir agicontrairement aux devoirs résultant de l’article 10, paragraphe 1, alinéa 1er de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’État, ci-après désigné par « le statut général », dans la mesure où il aurait sensiblement haussé le ton et se serait laissé emporter par la colère en prononçant des insultes envers ses coéquipiers et critiqué de manière indigne le travail effectué par ceux-ci, ainsi que le travail réalisé par ses prédécesseurs, les services livrés par les sociétés auxquelles il aurait à faire dans le cadre de ses missions et il aurait en sus manqué de respect à la direction en déclarant n’être guère impressionné par leur convocation à l’entretien du 15 décembre 2020 pour des problèmes similaires en assurant ne pas être disposé à changer d’attitude.
Le 4 février 2021, Monsieur … présenta ses observations par rapport à l’ordre de justification du 25 janvier 2021.
Le 28 juillet 2021, à l’occasion de son entretien d’appréciation mené dans le cadre de sa période d’initiation, Monsieur … se vit attribuer le niveau de performance professionnelle 1.
Le 10 août 2021, Monsieur … présenta ses observations par rapport au prédit entretien d’appréciation.
Par courrier du 23 août 2021, le directeur du … saisit le ministre délégué à … afin qu’il entame la procédure de résiliation du contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur … auprès du ministre compétent au motif que ce dernier, au cours de sa période d’initiation du 1er septembre 2020 au 30 août 2021, s’était vu attribuer un niveau de performance 1.
Par courrier du 26 août 2021, le directeur du … confirma à Monsieur … que le niveau de performance 1 avait été arrêté à son égard.
Par courrier du 12 octobre 2021, remis à l’intéressé en mains propres à la même date, le ministre délégué à … informa Monsieur … de son intention de résilier son contrat de travail, dans les termes suivants :
« (…) Par décision du 30 juillet 2020, nous avons retenu votre candidature pour le poste d'électricien de maintenance auprès du …. Cet engagement à partir du 1er septembre 2020, en tant qu'employé de l'Etat du groupe d'indemnité C1 concernait un contrat à durée indéterminé.
Lors de l'entretien d'appréciation avec votre supérieur hiérarchique en date du 28 juillet 2021 vous vous êtes vu attribuer un niveau d'appréciation 1, ce qui correspond à une appréciation de « ne répond pas aux attentes ».
Or, dans son article 7 (paragraphe 1) la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'Etat prévoit que : « Le contrat de travail à durée indéterminé de l'employé……..peut être résilié par le ministre ou par le ministre du ressort soit pour des raisons dûment motivées, soit lorsque l'employé s'est vu attribuer un niveau de performance 1 par l'application de l'article 4 bis de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat. » C'est pourquoi je me dois de vous informer que j'ai l'intention de résilier votre contrat de travail en raison de cette appréciation professionnelle insuffisante. (…) ».
Par courrier du directeur du … du 12 octobre 2021, remis à l’intéressé en mains propres à la même date, Monsieur … fut dispensé de service avec effet immédiat et jusqu’à nouvel ordre.
Par courrier de son litismandataire du 19 octobre 2021, Monsieur … sollicita une entrevue.
Par courrier du 12 novembre 2021, le ministre délégué à … saisit le ministre afin qu’il entame la procédure de résiliation du contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur ….
Par courrier du 23 novembre 2021, le ministre informa le litismandataire de Monsieur … que l’entretien sollicité avait été fixée au 1er décembre 2021.
Par courrier de son litismandataire du 29 novembre 2021, Monsieur … sollicita la communication de son dossier administratif et souleva certains moyens auprès du ministre, lequel fit suite à ces demandes par voie de courriel du même jour.
Suite à l’entrevue au sein du ministère de la Fonction publique, ci-après dénommé « le ministère », en date du 1er décembre 2021, le litismandataire de Monsieur … protesta contre le formalisme suivi lors de la tenue de ladite entrevue, par le biais d’un courrier du 3 décembre 2021.
Par un courrier du 25 janvier 2022, le ministre résilia le contrat de travail de Monsieur … dans les termes suivants :
« (…) En référence au courrier du 12 octobre 2021 par lequel il vous a été fait part de l'intention de résilier votre contrat de travail, je vous adresse ma décision y relative.
Sur votre demande, une entrevue au sujet de la décision envisagée a eu lieu en date du 1er décembre 2021 en présence de représentants du Ministère … et du …. Lors de cette entrevue, vous avez réitéré les observations écrites que vous aviez déjà faites dans le cadre du rapport d'appréciation, tout en confirmant les reproches, notamment au niveau comportemental, que le rapport soulève.
Vos tentatives de les minimiser ainsi que les différents moyens de défense que vous avez soulevés lors de l'entretien ne changent rien à ce constat :
1) Vous avez soulevé que la suspension du 12 octobre 2021 serait illégale et qu'elle vicierait la procédure de résiliation de votre contrat de travail.
Permettez-moi de vous dire que je ne partage pas votre opinion. Tout d'abord, il convient de noter qu'il ne s'agit pas d'une suspension, mais d'une dispense de service prévue à l'article 19quater, point 7°du statut général des fonctionnaires de l'Etat. Le fait de décider une telle dispense de service ne saurait d'ailleurs vicier la procédure de résiliation de votre contrat de travail.
2) Par le biais de votre mandataire vous avez argumenté que les faits de l'espèce ne permettraient pas l'attribution d'un niveau d'appréciation 1 et que de toute façon il y aurait absence de preuves matérielles.
3 De nouveau, je ne partage pas votre opinion. Lors de l'entrevue du mercredi, 1er décembre 2021, vous avez vous-même contredit ce moyen en avouant les comportements qui vous sont reprochés, tels que notamment :
- Le comportement agressif envers vos collègues, vos supérieurs et certains fournisseurs ;
- Les problèmes de collaboration avec les collègues, les supérieurs et les fournisseurs ;
- L'emprunt de matériel pour des besoins privés ;
- -etc… 3) Toujours par le biais de votre mandataire, vous avez argumenté que vos comportements n'auraient suscité aucune plainte de la part d'un administré et que vos agissements relèveraient exclusivement de la sphère professionnelle ce qui en atténuerait la gravité.
Permettez-moi de vous dire que vous vous trompez et que tel n'est pas le cas.
Il ressort ainsi du rapport d'appréciation que vos supérieurs ont été confrontés à des réclamations de la part de collaborateurs et d'entreprises-
fournisseurs qui se plaignaient de votre comportement.
4) Vous estimez que la résiliation de votre contrat de travail serait une sanction disproportionnée alors que les reproches qui vous sont faits ne porteraient que sur votre comportement, mais non sur vos compétences et dateraient tous des cinq premiers mois de votre engagement. Depuis lors, la situation se serait améliorée.
Permettez-moi de vous dire que je réfute également ce volet de votre argumentation.
Tout d'abord, sachez que l'appréciation des compétences professionnelles, telle qu'elle est prévue à l'article 4bis du statut général des fonctionnaires de l'Etat s'étale sur une période de référence qui commence à votre entrée en service et qui se termine une année plus tard, de sorte que toute cette période doit être appréciée. Il ressort d'ailleurs clairement du rapport d'appréciation que vous n'avez pas amendé votre comportement et ce malgré des rappels à l'ordre de vos supérieurs. Ensuite, l'appréciation des compétences professionnelles comporte d'après l'article 4bis aussi bien les compétences techniques que les compétences comportementales. Ces dernières sont mêmes considérées comme particulièrement importantes.
Finalement, la loi est claire et sans équivoques lorsqu'elle précise à l'article 7, paragraphe 1er de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'Etat que le contrat de travail de l'employé de l'Etat peut être résilié « lorsque l'employé s'est vu attribuer un niveau de performance 1 par application de l'article 4bis de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat ».
5) Finalement, vous estimez que la procédure de résiliation de votre contrat de travail serait viciée par le fait qu'à l'entrevue que vous aviez demandée 4 dans le cadre de la procédure administrative non-contentieuse ont participé Madame … du …, Madame … du Ministère … et Monsieur … du Ministère de la Fonction publique. Vous considérez l'intervention de ces personnes comme un « jury » et estimez que cette façon de procéder violerait l'article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes.
De nouveau, je ne partage pas votre approche. Dans le cadre de la résiliation de votre contrat de travail, vous avez demandé à être entendu par votre employeur, l'Etat. Vous avez donc été reçu par les représentants étatiques mentionnés ci-dessus, non pas par un jury tel que vous le suggérez, et vous avez pu exposer votre situation sous tous les aspects pendant plus d'une heure.
L'emploi du terme « jury » me paraît particulièrement inapproprié. D'après le dictionnaire de l'académie française, un jury signifie soit « un groupe de citoyens n'appartenant pas à la magistrature et appelés par tirage au sort à participer au jugement des crimes en cour d'assises », voire « une juridiction composée en tout ou en partie de magistrats non professionnels », soit « une commission chargée de juger des candidats à un examen, un concours, etc. ». Tel n'est décidément pas le cas en l'espèce.
Je ne vois par ailleurs pas en quoi cette intervention vicierait la procédure.
Ainsi, considérant le résultat de votre entretien d'appréciation, à savoir un niveau de performance 1, et comme la procédure d'appréciation a bien été respectée, j'ai le regret de vous informer que votre contrat de travail est résilié, sur base de l'article 7, paragraphe 1 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'Etat. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 avril 2022, inscrite sous le numéro 47317 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre du 25 janvier 2022 portant résiliation de son contrat de travail.
Aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat, ci-après désignée par « la loi du 25 mars 2015 », « Les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif, statuant comme juge du fond.
Le délai de recours est de trois mois à partir de la notification de la décision. ».
En ce qui concerne la compétence ratione materiae du tribunal, force est de relever qu’en vertu de l’article 10, alinéa 1er, précité, de la loi du 25 mars 2015, le tribunal administratif statue comme juge du fond pour connaître des contestations résultant du contrat d’emploi des employés de l’Etat, parmi lesquelles sont comprises celles relatives à sa résiliation1, de sorte 1 Trib. adm., 2 mai 1998, n° 10266 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n°684 et les autres références y citées.que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision déférée.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Le tribunal relève cependant que se pose en l’espèce une question de compétence du tribunal en ce qui concerne la demande figurant au dispositif de la requête introductive d’instance tenant à voir ordonner la « réintégration » de Monsieur ….
Force est en effet de relever que si le tribunal dispose en l’espèce d’un pouvoir de réformation, c’est-à-dire qu’il est en principe appelé à remplacer la décision viciée, dans les limites de l’objet du recours, par une décision nouvelle, conforme à la loi, il se trouve cependant dans l’impossibilité d’ordonner la réintégration du demandeur à défaut de base légale l’autorisant à formuler des injonctions à l’égard de l’employeur2, de sorte qu’il doit se déclarer incompétent pour ce volet du recours.
A l’audience publique des plaidoiries du 19 mars 2024, la partie gouvernementale souleva encore l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur … en ce qu’il aurait dirigé sa requête introductive d’instance contre la seule décision de résiliation du contrat de travail du 25 janvier 2022 sans avoir expressément attaqué la décision du chef d’administration ayant retenu le niveau de performance 1 dans son chef, Il échet de préciser que le tribunal tient compte dudit moyen formé oralement, malgré le caractère essentiellement écrit de la procédure devant les juridictions administratives, compte tenu du caractère d’ordre public du moyen dans le cadre duquel il a été présenté3.
Le litismandataire de Monsieur … conteste le moyen d’irrecevabilité formulé en soutenant que s’il eut fallu attaquer la décision du directeur du … ayant arrêté un niveau de performance 1 dans son chef, afin de pouvoir contester la résiliation de son contrat de travail, les garanties de la procédure administrative ne constitueraient qu’un simulacre de garanties. Il estime que la décision faisant grief serait la décision ministérielle du 25 janvier 2022 ayant résilié son contrat de travail.
Le tribunal relève que l’intérêt conditionne la recevabilité d’un recours contentieux. En matière de contentieux administratif, portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut en tirer un avantage corrélatif de la sanction de la décision par le juge administratif4 Force est au tribunal de relever que l’intérêt à agir dans le chef de Monsieur … n’est pas sérieusement contestable en ce qu’il est destinataire de la décision litigieuse qui lui cause manifestement grief pour avoir comme effet direct la fin de sa relation de travail avec l’Etat notamment au motif de s’être vu attribuer un niveau de performance 1, motivation susceptible d’être contestée dans le cadre de la décision litigieuse de résiliation de son contrat de travail.
2 Trib. adm., 26 mai 2020, n° 41893 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n°701.
3 En ce sens : Trib. adm., 8 décembre 2004, n° 17982 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 491 et les autres références y citées.
4 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse n° 2 et les autres références y citées.Dès lors, le moyen d’irrecevabilité afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.
En ce qui concerne la recevabilité du recours pour le surplus, force est au tribunal de constater que le recours principal en réformation est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur reprend les rétroactes gisant à la base de la décision déférée.
A titre liminaire, le tribunal relève qu’il n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent5.
En droit, quant aux formes destinées à protéger les intérêts privés, le demandeur invoque d’abord une atteinte à ses droits de la défense précontentieux en ce que le ministère aurait violé le principe de collaboration procédurale prévue à l’article 1er, alinéa 2 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, ci-après dénommée « la loi du 1er décembre 1978 », ainsi qu’à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-
après dénommé « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en ce qu’il aurait fixé un délai extrêmement court entre la convocation et l’entretien et lui aurait communiqué le dossier administratif moins de 48 heures avant l’entretien, ce qui ne lui aurait pas permis de préparer utilement une défense efficiente de ses intérêts en tant qu’administré.
Le demandeur insiste encore, dans ce cadre, sur la circonstance que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 imposerait un délai d’au moins 8 jours pour que la partie concernée puisse prendre position par rapport à la décision envisagée, tout en précisant que le courrier d’information de l’autorité administrative devrait déjà contenir tous les éléments factuels et juridiques amenant cette dernière à agir.
Au regard de ce délai extrêmement court, ainsi que de la circonstance que l’autorité administrative en question ne communiquerait pas systématiquement le dossier administratif à la base de la décision envisagée, l’administré concerné opterait fréquemment pour être entendu en personne. Il serait, dans ce contexte contradictoire, d’un côté, de devoir respecter un délai d’au moins 8 jours entre la lettre d’intention et la prise de position de l’administré, et, d’un autre côté, de ne pas respecter un délai d’au moins 8 jours entre la convocation à l’entrevue, la communication du dossier, et l’entrevue elle-même, mettant ainsi l’administré concerné dans l’impossibilité de préparer utilement la défense de ses intérêts.
Le demandeur fait encore répliquer que le courrier de convocation du 23 novembre 2021 n’aurait été réceptionné par lui qu’en date du 26 novembre 2021, soit un vendredi, l’informant que l’entrevue aurait lieu le 1er décembre 2021, à savoir 3 jours ouvrables plus tard, et qu’il n’aurait reçu communication du dossier administratif que par courriel du 29 novembre 2021, soit moins de 48 heures avant ladite entrevue, de sorte que le délai de 3 ou plutôt 2 jours à partir de la communication du dossier administratif aurait été trop court pour respecter les 5 trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 528 et les autres références y citées.droits de la défense et le principe du contradictoire, cette attitude du ministre démontrant qu’il ferait fi des droits des administrés et considérerait ces garanties comme une simple formalité inutile et contraignante.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen pour être dépourvu de fondement.
Quant aux développements du demandeur ayant trait à une violation du principe de collaboration procédurale, le tribunal relève en premier lieu que la référence faite, dans ce contexte, à l’article 1er, alinéa 2 de la loi du 1er décembre 1978 doit être écartée, étant donné qu’un recours contentieux basé sur la seule violation dudit article 1er de la loi du 1er décembre 1978, à défaut d’établir la violation de l’une quelconque des dispositions de son règlement d’exécution, à savoir le règlement grand-ducal du 8 juin 1979, est à rejeter pour manquer de fondement, alors qu’il se dégage du libellé de la loi du 1er décembre 1978 en général et de son article 1er en particulier que le législateur n’a pas entendu disposer lui-même des intérêts qu’il entend régler, mais qu’il a uniquement tracé les règles de base et le cadre tout en investissant le pouvoir réglementaire de fixer le détail.6 En vertu de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 « Sauf s 'il y a péril en la demeure, l'autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d'office pour l'avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d'une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l'amènent à agir.
Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d'au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.
Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne.
L'obligation d'informer la partie concernée n'existe que pour autant que l'autorité compétente est à même de connaître son adresse. Les notifications sont valablement faites à l'adresse indiquée par la partie ou résultant de déclarations officielles. ».
L’article 9 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 a pour objet d’instaurer une procédure contradictoire destinée à protéger les droits de la défense de l’administré, lorsque l’administration se propose de prendre, d’une part, des décisions de révocation ou de modification d’office pour l’avenir de décisions qui ont créé ou reconnu des droits et, d’autre part, des décisions en dehors d’une initiative de la partie concernée, c’est-à-dire sans avoir été saisie d’une demande préalable de l’administré concerné.
Force est de prime abord au tribunal de constater que la décision déférée a eu pour objet de modifier une décision antérieure de même qu’elle a été prise en dehors de l’initiative de l’administré, de sorte que l’article 9 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est applicable en l’espèce.
6 Trib. adm., 17 février 2000, n° 11547 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 5 et les autres références y citées.Quant à l’interprétation à donner aux termes de ladite disposition réglementaire, il y a lieu de rappeler que les formalités procédurales inscrites audit article, si elles ont certes trait aux droits de la défense, ne constituent pas pour autant une fin en soi, mais consacrent des garanties visant à ménager à l’administré concerné une possibilité de prendre utilement position par rapport à la décision projetée, de sorte que dans l’hypothèse où il est établi que cette finalité est atteinte, la question du respect de toutes les étapes procédurales préalables prévues afin de permettre d’atteindre cette finalité devient sans objet7.
Il faut cependant qu’un vrai dialogue ait été engagé entre l’autorité administrative et l’administré afin que les deux puissent exposer, en connaissance de cause et après réflexion faite, leur point de vue avant que la décision projetée ne soit prise. En effet, l’idée fondamentale de cette disposition est celle que l’administré est en droit de prendre effectivement connaissance des éléments sur lesquels l’autorité administrative est susceptible de baser la décision projetée et de lui faire part de ses observations après qu’elle ait eu le temps de préparer sa réponse.
Or, en l’espèce, le demandeur reste en défaut d’établir de quelle manière ses droits de la défense auraient été violés. Force est en effet, dans ce contexte, de constater que le demandeur a été informé des motifs à la base de l’intention de résilier son contrat de louage de service par courrier du ministre délégué à … du 12 octobre 2021, de la possibilité de présenter ses observations dans un délai de 8 jours, ainsi que de son droit d’être entendu en personne.
Suite à ce courrier, lequel fait d’ailleurs expressément référence à l’article 9 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, le demandeur a su présenter ses observations par rapport à la décision envisagée à deux reprises, à savoir d’une part, à travers son courrier adressé au ministre le 19 octobre 2021, et, d’autre part, lors de son entretien personnel au ministère le 1er décembre 2021, étant encore précisé que le demandeur, par le biais d’un courrier de son litismandataire du 3 décembre 2021, a encore pris position suite au prédit entretien en faisant valoir qu’il y aurait été confronté à un organisme collégial consultatif.
Il y a encore lieu de relever, dans ce contexte, que le demandeur reste en défaut, d’une part, d’invoquer une quelconque disposition légale imposant un délai minimum entre la convocation à l’entretien et la tenue de ce dernier, le délai de 8 jours de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne visant que la durée minimale à accorder à l’administré concerné afin de pouvoir prendre position par rapport à la décision envisagée par l’autorité administrative, et, d’autre part, de mettre en avant, dans le cadre du présent recours, un quelconque élément juridique, respectivement factuel dont il aurait été privé de se prévaloir lors du prédit entretien du 1er décembre 2021, voire avant la prise de la décision litigieuse du 25 janvier 2022.
Le tribunal doit finalement rejeter l’argumentation de la partie demanderesse consistant à soutenir que le ministre délégué à … serait resté en défaut de lui communiquer, dans le cadre de la procédure précontentieuse de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, le dossier administratif ensemble avec son courrier du 12 octobre 2021, étant donné qu’il n’existe pas d’obligation légale de ce faire pesant sur le ministre, lequel ne devait que lui communiquer les éléments factuels et juridiques l’amenant à agir, la communication du dossier administratif 7 Trib. adm., 10 août 2016, n° 36975 et 37233 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n°127 et les autres références y citées.supposant une demande afférente de la partie concernée, conformément à l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Au vu des considérations qui précèdent les droits de la défense du demandeur n’ont pas été affectés en l’espèce, de sorte que le moyen relatif à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est à rejeter pour ne pas être fondé, étant encore précisé, dans ce contexte, que, d’une part, contrairement à l’affirmation du demandeur, le délai entre la convocation à l’entretien, le 23 novembre 2021, et l’entretien le 1er décembre 2021, à savoir une semaine, constitue un délai raisonnable, et, d’autre part, le demandeur avait connaissance de la procédure de résiliation de son contrat de travail depuis au moins le 12 octobre 2021, ce qui lui a nécessairement permis de préparer sa défense pendant plus de six semaines jusqu’à l’entretien.
Le demandeur conclut encore à la réformation de la décision déférée pour violation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en relevant, tout d’abord, que la loi du 25 mars 2015 ne prévoirait pas d’entretien préalable en cas de licenciement d’un employé, mais qu’en vertu de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, la personne concernée par une décision susceptible d’être prise, devrait être entendue, lorsqu’elle en ferait la demande, par l’autorité se proposant de prendre ladite décision. Or, le demandeur considère qu’il aurait, en l’espèce, été entendu en date du 1er décembre 2021 par trois agents, dont un représentant du ministère, un représentant du ministère … et un représentant du …, qui seraient, selon lui, à considérer « de facto et de jure comme un jury ou une commission disciplinaire » et à requalifier comme constituant un « organisme consultatif collégial » au sens de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Dans la mesure où il se serait ainsi trouvé face à un jury, le demandeur estime que cet organisme consultatif collégial aurait dû émettre un avis motivé qui aurait dû être annexé à la décision ministérielle litigieuse de même que ledit avis aurait dû énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels il se serait basé, sa composition et le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis exprimé, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.
En se référant encore aux travaux préparatoires relatifs à l’article 4 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979, le demandeur argumente qu’il aurait dû, en vertu de l’article 9 du même règlement, être entendu par l’autorité se proposant de prendre la décision litigieuse, à savoir le ministre, les personnes présentes lors de son entrevue du 1er décembre 2021 ne pouvant, selon Monsieur …, pas être considérées comme étant les représentants légalement habilités, respectivement les fondés de pouvoir dudit ministre.
Ainsi, si pour des raisons d’organisation le ministre avait délégué l’entrevue du 1er décembre 2021 à un de ses conseillers, ce dernier aurait dû lui faire un rapport écrit avant la prise de décision, rapport qui aurait également dû être communiqué au demandeur en vertu des règles de transparence administrative et des droits de la défense. A défaut de ce faire, l’entrevue ne serait qu’une simple formalité sans véritable utilité.
Dans ce cadre, le demandeur argumente encore que son entrevue du 1er décembre 2021, aurait été menée par un jury, une quasi-juridiction composée de magistrats non professionnels, lequel participerait à la prise de décisions éminemment attentatoires aux droits des administrés, de sorte à devoir établir un rapport écrit et motivé de ladite entrevue, lequel devrait être communiqué selon les garanties prévues par l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, ce qui n’aurait cependant pas été fait en l’espèce, de sorte que la décision déférée du 25janvier 2022 devrait encourir, dans le cadre du recours en réformation sous analyse, l’annulation de ce chef.
Dans son mémoire en réplique, Monsieur … insiste sur le fait que si le ministre pouvait déléguer cette tâche à un fonctionnaire, une telle délégation devrait être formalisée dans un acte intitulé « délégation de compétence », en citant des jugements du tribunal administratif des 2 février 2004 et 27 octobre 2008, inscrits sous les numéros 17340, respectivement 24069 du rôle. Dans l’hypothèse qu’une telle délégation de pouvoir ou de compétence formelle ne serait pas requise, le demandeur fait encore relever qu’outre la présence du représentant du ministère à son entrevue du 1er décembre 2021, celle du représentant du ministère … et celle du représentant du … n’entreraient dans aucune prescription légale ou réglementaire, de sorte à rendre ladite entrevue illégale et donc nulle.
Le demandeur relève enfin l’importance des garanties de l’article 4 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 dans son cas d’espèce, le demandeur estimant être en droit de savoir ce que cet organisme collégial consultatif aurait dit au ministre pour que ce dernier décide de résilier son contrat, en ce que le mémoire en réponse de la partie gouvernementale indique qu’il aurait, lors de l’entrevue du 1er décembre 2021, « par son comportement qu’il y a[urait] affiché, (…) confirmé les constats reproches formulés par le rapport d’appréciation », avant de citer plusieurs jurisprudences du tribunal administratif relatives audit article 4.
Le délégué du gouvernement conclut également au rejet de ce moyen basé sur une violation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 pour manquer de fondement.
Aux termes de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 « Les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent.
Lorsqu’il s’agit d’un organisme collégial, l’avis doit indiquer la composition de l’organisme, les noms des membres ayant assisté à la délibération et le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis exprimé. Les avis séparés éventuels doivent être annexés, sans qu’ils puissent indiquer les noms de leurs auteurs. » L’article 4, précité, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 a trait aux « avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision » et vise les cas prévus par la loi dans lesquels une décision administrative ne peut intervenir qu’après avis donné par un organisme indépendant, l’instruction par un organe impartial constituant une garantie pour l’administré contre l’arbitraire du pouvoir.
Force est de constater que l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’est pas applicable en l’espèce alors que l’entretien dont se prévaut le demandeur intervient sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, au cours duquel ce dernier est entendu en ses explications dans le contexte de l’intention du ministre de résilier son contrat de travail et non point dans le contexte d’un avis que le ministre aurait sollicité, respectivement aurait dû solliciter à un organisme consultatif préalablement à la prise d’une décision au sens de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
En effet, il échet de constater que l’entretien du 1er décembre 2021 a eu lieu sur initiative du demandeur qui en a fait la demande, au sens du prédit article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et le seul fait que trois agents ministériels aient assisté à l’entretien et aient entendule demandeur en ses explications et non point un seul, ne saurait énerver cette conclusion, étant donné notamment que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne fait qu’imposer que l’administré doit pouvoir être entendu en ses explications, sans pour autant imposer des formalités ou modalités pour un tel entretien, de sorte que la question du nombre d’agents ministériels ayant assisté audit entretien n’est a priori pas pertinente dans le contexte de l’application dudit article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, étant encore relevé, dans ce contexte, que les personnes présentes lors dudit entretien étaient, d’une part, une personne ayant représenté le ministre, et, d’autre part, des personnes ayant représenté le ministère à l’initiative de la procédure de résiliation du contrat du demandeur, à savoir le ministère …, ainsi que l’entité publique au sein de laquelle le demandeur travaillait avant sa résiliation, en l’occurrence le …, placé sous l’autorité du prédit ministère ….
L’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’étant pas applicable en l’espèce, le moyen afférent est à rejeter pour manquer de fondement.
Le demandeur conclut encore à la réformation de la décision litigieuse du 25 janvier 2022 pour défaut de délégation de pouvoir, respectivement de compétence dans le chef de trois personnes présentes lors de son entrevue du 1er décembre 2021.
Il considère que Monsieur …, conseiller au ministère, ayant présidé l’entretien, serait censé représenter le ministre et à l’issue de l’entretien lui faire un rapport oral. Sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 selon lequel il aurait eu le droit d’être entendu en personne par l’autorité publique amenée à prendre une décision à son égard, à savoir le ministre, tout en s’appuyant sur le jugement précité du tribunal administratif du 2 février 2004, duquel il ressortirait qu’aucun mandat ni délégation de compétences ne pourrait être consenti par une autorité au profit d’une autre en dehors des prévisions légales ou réglementaires en la matière, le demandeur critique la circonstance que des personnes, autres que le représentant du ministre, Monsieur …, provenant du ministère …, ainsi que du …, ayant été à l’origine de la procédure de résiliation de son contrat, auraient été présentes lors de son entretien du 1er décembre 2021, ce qui constituerait, à ses yeux, un vice de procédure. Il s’interroge encore, dans ce contexte, sur l’utilité de la présence de ces personnes, si ce n’aurait été que pour l’intimider, alors que lesdites personnes ne participeraient pas au processus décisionnel relatif à la résiliation de son contrat de travail et plus particulièrement au rapport oral fait au ministre par son représentant.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen pour manquer de fondement.
Le tribunal doit, tout d’abord, relever que l’entretien de Monsieur … du 1er décembre 2021 s’inscrit dans le cadre, d’une part, de la procédure prévue aux articles 5 et 7, paragraphe (1) de la loi du 25 mars 2015 ayant trait à la résiliation d’un contrat de travail d’un employé de l’Etat, procédure initiée par le ministre du ressort dans lequel l’employé concerné est actif, la décision de résiliation relevant du ministre et, d’autre part, de l’article 9, précité, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dont l’objectif est, tel que relevé ci-avant, de consacrer des garanties afin que l’administré concerné ait la possibilité de prendre utilement position par rapport à la décision projetée, impliquant qu’un véritable dialogue soit engagé entre l’autorité administrative et l’administré afin que les deux puissent exposer, en connaissance de cause et après réflexion faite, leur point de vue avant que la décision projetée ne soit prise.
Force est de constater qu’en l’espèce, le fait que Monsieur … ait obtenu un entretien le 1er décembre 2021, préalablement à la prise de la décision ministérielle litigieuse du 25 janvier2022, entretien ayant eu lieu avec un représentant du ministère de la Fonction publique, un représentant du ministère … et un représentant du …, ne prête pas à critique, alors que lesdites personnes y ont représenté les autorités publiques impliquées, de premier plan, dans la procédure de résiliation du contrat de travail de Monsieur …, à savoir le … où il était affecté et qui a pour ministre du ressort le ministre délégué à …, ayant été l’autorité à l’initiative de ladite procédure et le ministre en tant qu’autorité devant finalement prendre la décision de résiliation.
Par ailleurs, lesdits représentants sont a priori les mieux placés afin, d’une part, fournir à Monsieur … des explications sur les éléments juridiques et factuelles ayant amené l’autorité publique à agir en l’espèce et, d’autre part, de réceptionner la prise de position du demandeur et d’en faire état au ministre.
Il y a finalement lieu de rejeter l’argumentation du demandeur fondé sur un défaut de délégation de pouvoir, respectivement de compétence dans le chef des personnes ayant assisté à son entretien du 1er décembre 2021, étant donné que, mis à part le fait que Monsieur … reste en défaut d’invoquer, dans le cadre dudit moyen, une quelconque disposition légale, respectivement réglementaire ayant été violée en l’espèce, l’objectif dudit entretien n’a pas été une prise de décision, respectivement, tel que le tribunal vient de le retenir ci-avant, de fournir un avis sur base duquel le ministre devait prendre sa décision, mais de permettre au demandeur de pouvoir prendre position par rapport aux éléments factuels et juridiques mis en avant par l’autorité publique l’amenant à envisager la résiliation du contrat de travail litigieux et d’obtenir, le cas échéant, des précisions par rapport auxdits éléments, conformément à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, de sorte à ne pas impliquer une délégation de pouvoir, respectivement de compétence.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen du demandeur fondé sur un défaut de délégation de pouvoir, respectivement de compétence dans le chef des personnes ayant assisté à son entretien du 1er décembre 2021 encourt le rejet pour être dépourvu de fondement.
Quant à la légalité interne, le demandeur conclut, en s’appuyant sur trois jugements du tribunal administratif du 27 octobre 2004, inscrits sous les numéros 17634, 17635, 17636 du rôle, selon lesquels que « la nature des relations existant entre l’Etat et son partenaire contractuel se réclamant de la qualité d’employé de l’Etat [serait] à examiner au regard du droit du travail auquel renvoie l’article 4 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 », à une violation de l’ancien article 10bis, actuellement l’article 15, paragraphe (1) de la Constitution au motif que la décision litigieuse constituerait un licenciement avec effet immédiat, du fait de ne lui avoir accordé qu’un délai de six jours entre celle-ci et sa prise d’effet, alors que, selon les règles de droit commun du droit du travail et compte tenu de son ancienneté, il aurait pu prétendre à un préavis de deux mois, censé lui permettre de chercher un nouvel emploi après son congédiement. Par ailleurs, il n’aurait pas pu bénéficier d’un revenu de remplacement d’autant plus que la décision litigieuse l’aurait empêché, de facto et de jure, de postuler à un autre emploi public au regard de l’article 2, paragraphe 1, alinéa 4 du statut général. En se prévalant d’un arrêt n° 73/12 du 7 décembre 2012 de la Cour constitutionnelle, le demandeur estime qu’il serait indéniable que les employés de l’Etat et les salariés de droit privé se trouveraient dans une situation comparable et qu’il existerait une différence de traitement manifeste entre eux du fait que le salarié de droit privé pourrait être licencié avec préavis, alors que l’employé de l’Etat serait toujours licencié avec effet immédiat.
Le demandeur propose encore au tribunal de céans, en cas de doute sur la conformité de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 25 mars 2015 avec l’ancien article 10bis, actuellementl’article 15, paragraphe (1) de la Constitution, de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle libellée dans les termes suivants : « L’article 7§1 de la loi du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat, en tant qu’il ne prévoit pas de préavis pour résilier le contrat d’un employé de l’Etat contrairement au régime applicable aux salariés de droit privé dans une situation similaire, est-il conforme à l’article 10bis de la Constitution ? ».
Dans le cadre de son mémoire en réplique, le demandeur critique la partie étatique d’avoir nié l’applicabilité du droit du travail compte tenu de la nature des relations existant entre l’Etat et son partenaire contractuel se réclamant de la qualité d’employé de l’Etat, en s’appuyant, à cet égard, sur un arrêt de la Cour administrative du 10 juin 1999, inscrit sous le numéro 11199C du rôle. Ce serait encore à tort que la partie étatique nierait la comparabilité entre un employé de l’Etat et un salarié au service de l’Etat sur le fondement d’un jugement du tribunal administratif du 4 mars 2020, inscrit sous le numéro 41715 du rôle, en rétorquant que l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle du 7 décembre 2012 aurait retenu que la situation des salariés de droit privé et celles des employés de l’Etat serait comparable notamment sous l’aspect de dépendance nécessitant la protection légale afférente. Or, il revendique une telle protection légale, à savoir un délai de préavis au moins égal à celui prévu pour un salarié de droit privé travaillant au service de l’Etat-employeur, alors que les employés et les salariés seraient manifestement dans des situations comparables. Le demandeur estime qu’il appartiendrait dès lors à la partie étatique de soulever une éventuelle cause objective susceptible de justifier la différence de traitement, ce qui ne serait pas le cas.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet dudit moyen pour être dépourvu de fondement.
L’ancien article 10bis, paragraphe (1), actuellement l’article 15, paragraphe (1) de la Constitution dispose que « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi », étant relevé que l’article 15, paragraphe (1) de la Constitution, telle que modifiée, dispose actuellement que « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi.
La loi peut prévoir une différence de traitement qui procède d’une disparité objective et qui est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but. », le tribunal saisi d’un recours en réformation est tenu de tenir compte de la situation de droit et de fait au moment où il statue.
La règle constitutionnelle de l’égalité devant la loi est interprétée d’une manière générale par la jurisprudence pertinente de la Cour constitutionnelle en ce sens que sa mise en œuvre suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable et que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que la différence instituée procède de disparités objectives et qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but.8 Or, en ce qui concerne le moyen tiré d’une violation de la règle constitutionnelle de l’égalité devant la loi, force est de retenir que c’est à bon droit que la partie gouvernementale a retenu que la situation d’un employé privé et celle d’un employé de l’État, régi par deux 8 Cour const. 13 novembre 2020, n° 00159 du rôlerégimes distincts, ne sauraient être comparables au sens du principe de non-discrimination érigé par ledit article de la Constitution.
En effet, selon une jurisprudence constante, les employés de l’Etat bénéficient d’un statut propre, s’inspirant à la fois du régime légal des employés privés et de celui des fonctionnaires de l’État, en ce sens que l’engagement est régi par contrat entre l’Etat et les intéressés, mais que ces derniers bénéficient, sous des conditions nettement déterminées, de certains attributs réservés aux fonctionnaires de l’Etat.9 Ainsi, bien que la relation existant entre un employé de l’Etat et son employeur est fondée sur un contrat et que le Code du travail régit, sur base du renvoi opéré par l’article 4 de la loi du 25 mars 2015, les formes et les modalités de l’engagement des employés de l’Etat, il convient de préciser, en ce qui concerne le cadre légal applicable à la décision de résiliation, que les articles 5, 6 et 7, paragraphe (1) de la loi du 25 mars 2015, traitant de la résiliation du contrat d’engagement, ne comportent aucun renvoi aux dispositions de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, ni du Code du travail, de sorte que la décision de licenciement d’un employé de l’Etat est d’abord soumise au régime spécifique de la loi du 25 mars 2015 et ensuite aux prescriptions générales de la réglementation de la procédure administrative non contentieuse, applicable aux employés de l’Etat. Ainsi, le Code du travail n’a pas vocation à s’appliquer à la résiliation du contrat d’un employé de l’Etat.
En conséquence et contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, ce dernier en tant qu’agent engagé sous le statut d’un employé de l’Etat, ne saurait faire l’objet d’un licenciement avec effet immédiat, le concept visant à différencier entre licenciement avec préavis pour faute « simple » et licenciement avec effet immédiat pour faute grave, telle que cette différenciation ressort du Code du travail, n’étant pas applicable aux agents ayant un statut d’employé de l’Etat.
Ainsi, nonobstant le fait que la loi du 25 mars 2015 ne prévoit pas de délai de préavis en cas de résiliation et que la lettre de résiliation litigieuse se limite à fixer une date de prise d’effet à trois semaines, la résiliation du contrat du demandeur ne saurait être, de ce fait, considérée comme un licenciement pour faute grave, respectivement avec effet immédiat au sens du Code du travail. En effet, la résiliation d’un contrat de travail d’un employé de l’Etat ne s’apparente ni à un licenciement avec effet immédiat, ni à un licenciement avec préavis, la loi n’offrant aucun choix à l’autorité compétente qui ne peut pas respecter un préavis10 du fait que les règles y relatives du Code du travail ne sont pas applicables aux employés de l’Etat.
Ainsi, son exclusion de l’allocation de chômage, à laquelle le demandeur fait référence pour souligner l’impact de la décision déférée, ne saurait se justifier par le constat qu’un employé de l’Etat aurait été licencié avec un délai de préavis négligeable, quelle que soit d’ailleurs la gravité de ses fautes.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les reproches relatifs à l’applicabilité du droit du travail en l’espèce laissent d’être établis et sont à rejeter pour ne pas être fondés, sans qu’il n’y ait de discrimination par rapport aux salariés de droit privé, même travaillant pour l’Etat, se trouvant manifestement dans une situation non comparable à celle des employés de l’Etat, de sorte qu’il n’y a pas lieu de soumettre une question préjudicielle y 9 Trib. adm., 23 décembre 1997, n° 9938 du rôle, conf. Cour adm., 14 juillet 1998,. Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n° 704 et les autres références y citées.
10 Trib. adm. 23 octobre 2013, n° 31455 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n° 671 et les autres références y citées.afférente à la Cour constitutionnelle laquelle manque de pertinence du fait qu’elle est dénuée de tout fondement au sens de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, ci-après désignée par « la loi du 27 juillet 1997 », en vertu duquel :
« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.
Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :
- une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ;
- la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;
- la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet. (…) ».
Le demandeur se prévaut ensuite d’une violation du principe non bis in idem en ce qu’il aurait d’ores et déjà été sanctionné, pour les mêmes faits pour avoir fait l’objet d’une dispense de service le 12 octobre 2021 qu’il considère comme étant illégale pour n’être fondée sur aucune disposition légale et ce en violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, ni sur aucune justification d’ordre factuel, en ce que le fait de s’être vu attribuer un niveau de performance 1 ne saurait engendrer une perte de confiance, selon le demandeur. Ce ne serait qu’à l’occasion de la décision litigieuse que le fondement de l’article 19quater, point 7 du statut général aurait été révélé, malgré des demandes insistantes du demandeur lors de son entretien du 1er décembre 2021, lequel n’aurait pas été adopté, selon le demandeur, pour permettre au chef d’administration d’entamer une procédure de résiliation du contrat de travail d’un employé de l’Etat, mais pour permettre aux fonctionnaires de solliciter une dispense de service dans certains cas exceptionnels y énumérés, ce qui ressortirait également d’un avis du Conseil d’Etat concernant le projet de loi relatif à cette disposition légale. Le demandeur insiste, dans ce cadre, sur le fait qu’il ne ressortirait ni de l’article 19quater, point 7 du statut général ni des travaux parlementaires relatifs à ce dernier que le législateur aurait voulu prévoir une dispense de service comme une mesure conservatoire dans l’attente d’une autre mesure, le cas échéant disciplinaire. Il fait encore relever qu’au-delà de cette illégalité fondamentale, cette façon de faire démontrerait que la partie gouvernementale, de concert avec le ministre de la Fonction publique, aurait entendu, quoi qu’il arrive, se débarrasser de lui.
Le demandeur argumente ensuite que cette dispense manifestement illégale correspondrait à la sanction disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions prévue à l’article 47, paragraphe 8 du statut général, de sorte qu’il y aurait non seulement lieu de qualifier cette suspension illégale de sanction disciplinaire déguisée, mais aussi de constater la violation du principe non bis in idem du fait que cette sanction aurait été préalable à la résiliation de son contrat de travail. Il suggère en outre, après avoir rappelé la jurisprudence en matière de qualification juridique des faits, que la mesure litigieuse de dispense de service serait susceptible de cacher ainsi deux sortes de décisions, à savoir, d’une part, une mesure conservatoire de suspension conformément à l’article 48, paragraphe 1 du statut général, et, d’autre part, une sanction disciplinaire cachée correspondant à l’exclusion temporaire des fonctions de l’article 47, paragraphe 8 du statut général. En s’appuyant sur un arrêt de la Cour administrative du 3 juillet 2014, inscrit sous le numéro 33840C du rôle, le demandeur explique que la mesure de dispense de service aurait été prise au motif que les faits ayant conduit à une appréciation professionnelle insuffisante auraient engendré une perte de confiance de la part de son employeur en sa personne, de sorte que le demandeur se rapporte à la sagesse du tribunal quant à la qualification juridique de ladite mesure.
Dans le cadre de son mémoire en réplique, le demandeur critique la partie gouvernementale pour avoir affirmé que pendant sa dispense de service, il serait resté chez lui en conservant l’intégralité de sa rémunération et que son absence de service aurait été assimilée à du temps de travail, alors que cette assertion ne contredirait ni le fait que la dispense serait illégale ni le fait que cette dispense illégale viendrait sanctionner les mêmes faits que ceux sanctionnés par la résiliation, étant relevé que la dispense litigieuse aurait été motivée par une perte de confiance du fait de l’appréciation professionnelle insuffisante.
Le délégué du gouvernement estime qu’aucune violation du principe non bis in idem ne serait vérifiée en l’espèce.
Le principe non bis in idem a été repris tant par l’article 4 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH », respectivement « le Protocole n° 7 », dont le paragraphe (1) est libellé comme suit : « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat » que par l’article 14-7 du Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, dénommé ci-après « le Pacte », en vertu duquel « Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ».
Il échet de conclure de ces textes de droit international qu’il s’agit d’un principe consacré dans les grands systèmes internationaux de protection des droits de l’homme. Ce principe répond à une exigence de justice et de sécurité juridique et fait obstacle à ce que l’administration puisse sanctionner deux fois la même personne en raison des mêmes faits. Il s’ensuit qu’en matière de contentieux disciplinaire, une même faute commise par un fonctionnaire ne peut être sanctionnée qu’une seule fois sur le plan disciplinaire.
En l’espèce, il échet tout d’abord de relever que le demandeur estime qu’il aurait fait l’objet d’une dispense de travail illégale, non prévue par le statut général, à requalifier comme la sanction disciplinaire de l’exclusion temporaire de ses fonctions au sens de l’article 47, paragraphe (8) du statut général, de sorte qu’il se serait, d’ores et déjà, vu infliger une sanction disciplinaire déguisée pour les mêmes faits, violant le principe non bis in idem.
Or, s’il n’est pas contesté que le demandeur a bénéficié d’une dispense de service en date du 12 octobre 2021, force est cependant de constater que le demandeur n’a subi aucun préjudice à la suite de cette invitation de rester chez lui, celle-ci étant restée sans conséquence aucune sur ses droits statutaires.
Comme le principe non bis in idem ne peut trouver application qu’au cas où il existe deux ou plusieurs sanctions disciplinaires définitives, le tribunal est amené à constater que ce principe ne saurait trouver application en l’espèce en l’absence d’une quelconque sanction disciplinaire prise à l’encontre du demandeur, étant relevé que même à considérer que la dispense de service serait à qualifier de suspension de l’exercice des fonctions, telle que prévue par l’article 48 du statut général, prise à l’encontre d’un agent, cette mesure n’a qu’un caractère conservatoire et en tout état de cause temporaire, ordonnée pendant le cours d’une procédure disciplinaire jusqu’à la décision définitive.
D’ailleurs, en ce qui concerne la question de la qualification, respectivement de la légalité de la dispense de service, respectivement de la suspension de Monsieur …, force est de constater que le tribunal n’est pas saisi, dans le cadre de la présente instance visant exclusivement la décision de résiliation du contrat de travail de Monsieur …, de l’examen de la légalité de la décision de dispense de service du 12 octobre 2021, de sorte qu’il ne lui appartient pas d’examiner ou de qualifier, dans le cadre de la présente instance, cette décision au regard d’une éventuelle sanction disciplinaire déguisée. Par ailleurs, il échet de souligner que cette décision, comme toute décision administrative individuelle, bénéficie d’une présomption de légalité. Force est en outre de constater que le demandeur reste d’ailleurs en défaut de faire valoir un quelconque indice susceptible de mener à la conclusion que la dispense de service dont il a bénéficié, voire la suspension de travail constitueraient une sanction disciplinaire déguisée.
Au vu des conclusions qui précèdent, et à défaut d’éléments permettant de retenir que le demandeur ait déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire auparavant pour les mêmes faits, le moyen fondé sur une violation du principe non bis in idem est également à rejeter comme étant non fondé.
Concernant ensuite la motivation de la résiliation de son contrat de travail, le demandeur invoque d’abord une violation de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 25 mars 2015 en ce qu’il se serait vu résilier son contrat de travail tant pour des raisons dûment motivées que pour s’être vu attribuer un niveau de performance 1, ce qui devrait entraîner la réformation de la décision litigieuse, avant de remettre en cause le caractère proportionné de la résiliation du contrat de travail, le demandeur reprochant au ministre une erreur manifeste d’appréciation des faits.
Dans ce contexte, il y a tout d’abord lieu de rappeler que le tribunal est en l’espèce saisi d’un recours en réformation, de sorte qu’il est amené à apprécier la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité, avec le pouvoir d’y substituer sa propre décision, impliquant que cette analyse s’opère au moment où il est appelé à statuer.
En ce qui concerne le fond de la décision déférée, il échet de relever que la résiliation du contrat de travail avec préavis du demandeur est basé non seulement sur l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 25 mars 2015 disposant que « (1) Le contrat de travail à durée indéterminée de l’employé ne peut plus être résilié, lorsqu’il est en vigueur depuis dix ans au moins, sauf à titre de mesure disciplinaire ainsi que pour l’application de la procédure d’amélioration des prestations professionnelles et de la procédure d’insuffisance professionnelle. Pendant la période précédant cette échéance, il peut être résilié par le ministre ou par le ministre du ressort soit pour des raisons dûment motivées, soit lorsque l’employé s’est vu attribuer un niveau de performance 1 par application de l’article 4bis de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat. », mais également sur l’article 2, paragraphe (3), alinéa 5 du statut général prévoyant que « Le stage est résiliable. La résiliation du stage est prononcée soit pour motifs graves, soit lorsque le stagiaire s’est vu attribuer une appréciation professionnelle insuffisante par application des dispositions de l’article 4bis. Sauf dans le cas d’une résiliation pour motifs graves, le stagiaire a droit à un préavis d’un mois à compter du premier jour du mois qui suit celui de la constatation de l’insuffisance professionnelle. ».
L’article 4bis du statut général dispose quant à lui que « (…) 2. Le système d’appréciation comprend les critères d’appréciation, les niveaux de performance, l’entretien d’appréciation et les effets.
L’appréciation est faite sur base des critères d’appréciation suivants a) la pratique professionnelle comprenant les compétences techniques et les compétences comportementales qui sont définies dans la description de fonction, b) la réalisation du plan de travail individuel.
Le résultat de l’appréciation est exprimé en niveaux de performance qui sont définis comme suit:
a) le niveau de performance 4 équivaut à «dépasse les attentes», b) le niveau de performance 3 équivaut à «répond à toutes les attentes», c) le niveau de performance 2 équivaut à «répond à une large partie des attentes», d) le niveau de performance 1 équivaut à «ne répond pas aux attentes».
(…) Lors de l’entretien, les performances du fonctionnaire par rapport aux critères d’appréciation définis ci-dessus sont discutées et appréciées sur base d’une proposition d’appréciation élaborée par le supérieur hiérarchique. A l’issue de l’entretien, le supérieur hiérarchique soumet par écrit au chef d’administration une proposition d’appréciation motivée, renseignant également les observations du fonctionnaire. Le chef d’administration arrête le résultat de l’appréciation en connaissance des observations du fonctionnaire. La décision motivée du chef d’administration est communiquée par écrit au fonctionnaire.
(…) 3. Pour le stagiaire, l’appréciation des performances professionnelles se fait au cours des trois derniers mois de la période de référence. Lorsque la dernière période de référence est inférieure à un semestre, il ne sera pas procédé à une nouvelle appréciation.
Les conditions et critères d’appréciation sont ceux fixés conformément au paragraphe 2 ci-dessus, sous réserve des dispositions suivantes :
- lors de l’entretien d’appréciation, le stagiaire peut se faire accompagner par son patron de stage ou par un autre agent de son administration - les effets des niveaux de performance ne s’appliquent pas au stagiaire.
Lorsque le stagiaire obtient un niveau de performance 1, il se voit appliquer les dispositions prévues à l’article 2, paragraphe 3, alinéa 5.
En cas d’impossibilité d’effectuer l’entretien d’appréciation au cours des trois derniers mois de la période de référence en raison de l’absence du stagiaire, la période de référence et, s’il y a lieu, le stage sont prolongés jusqu’au jour de la constatation du résultat de l’appréciation. Cette constatation doit être effectuée au cours des deux premiers mois de son retour. » En ce qui concerne d’abord le moyen du demandeur concernant la motivation de la résiliation de son contrat de travail, force est de constater qu’il ressort de la décision litigieuse qu’elle se base sur le constat que le demandeur s’est vu attribuer un niveau de performance 1 par application de l’article 4bis du statut général, de sorte qu’en application l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 25 mars 2015, tel que précité, son contrat « peut être résilié par le 19 ministre ou par le ministre du ressort (…) lorsque l’employé s’est vu attribuer un niveau de performance 1 par application de l’article 4bis de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ». Le contrat de travail n’ayant pas été résilié pour des raisons dûment motivées, le moyen du demandeur encourt d’ores et déjà le rejet, étant, par ailleurs, souligné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions, alors que le demandeur est resté en défaut de préciser dans quelle mesure il y aurait eu cumul des procédures de résiliation du contrat de travail prévues à l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 25 mars 2015.
Force est ensuite au tribunal de relever que comme le demandeur se trouvait toujours en période d’initiation au jour de l’attribution du niveau de performance 1, il tombe en tant qu’employé de l’Etat, dans le champ d’application de l’article 4bis, paragraphe 3, alinéa 3 du statut général en vertu de l’article 1er, paragraphe 5 du même texte, disposant à l’époque de la résiliation que « Lorsque le stagiaire obtient un niveau de performance 1, il se voit appliquer les dispositions prévues à l’article 2, paragraphe 3, alinéa 5. », l’article 2, paragraphe 3, alinéa 5 du statut général prévoyant, quant à lui, que « [l]e stage est résiliable. La résiliation du stage est prononcée soit pour motifs graves, soit lorsque le stagiaire s’est vu attribuer une appréciation professionnelle insuffisante par application des dispositions de l’article 4bis.
Sauf dans le cas d’une résiliation pour motifs graves, le stagiaire a droit à un préavis d’un mois à compter du premier jour du mois qui suit celui de la constatation de l’insuffisance professionnelle. ».
Or, étant donné que par sa formulation « la résiliation est prononcée » « lorsque le stagiaire s’est vu attribuer une appréciation professionnelle insuffisante », et qu’il ressort du dossier soumis au tribunal que le demandeur s’est vu attribuer en date du 23 août 2021 un niveau de performance 1, signifiant que l’agent ne répond pas aux attentes, l’article 2, paragraphe 3, alinéa 5 du statut général ne laisse aucune marge de manœuvre au ministre qui a dès lors a priori à bon droit décidé de résilier le contrat de travail du demandeur au vu de cette appréciation professionnelle insuffisante et ce, nonobstant d’autres motifs éventuellement invocables.
Quant aux constatations du demandeur relatives à l’attribution d’un niveau de performance 1, force est d’abord de relever qu’il a notamment été retenu lors de l’entretien d’appréciation litigieux du 28 juillet 2021 que « (…) Appréciation des activités régulières - L'agent intervient généralement de manière rapide et exécute les tâches dues. Il reconnait bien les travaux à faire et s'engage à les réaliser.
- L'agent travaille individuellement à sa propre façon et ne travaille pas en équipe.
- Occasionnellement, l'agent réalise des travaux non sollicités sans informer ou demander l'autorisation de sa hiérarchie. Il agit de manière trop hâtive et parfois avec un manque de réflexion.
Appréciation des autres activités L'agent n'est pas engagé dans d'autres activités en dehors de son domaine d'activité régulière.
4. Appréciation de la pratique professionnelle 20 Appréciation des compétences techniques L'agent comprend les différentes installations électriques, groupes électrogènes et CVC (chauffage, ventilation et climatisation).
La coordination avec les entreprises pour les travaux de maintenance et les travaux d'intervention fonctionne bien. Il met régulièrement en cause les choix des entreprises.
La communication verbale et par échange e-mail est difficile et peut donner à confusion.
Certains travaux ont été exécutés par l'agent avec un manque de soin ou un manque d'application des règles de l'art, comme la manipulation non conforme d'un dispositif de sécurité.
Il affiche un manque de patience ayant tendance d'agir avec force et des mouvement brusques.
Appréciation des compétences comportementales L'agent a de nombreuses fois enfreint aux règles du … (agressions verbales, non-
respect des règles de sécurité, code de conduite). Il affiche fréquemment un comportement d'agressivité envers ses collègues, entreprises et sa hiérarchie.
L'agent collabore mal avec ses collègues d'équipe.
L'agent ne respecte pas les règles de conduite dans ses échanges e-mails.
L'agent a pris certaines libertés (emprunt de matériel pour besoins privés).
5. Proposition d'appréciation motivée des performances professionnelles retenues par le supérieur hiérarchique suite à l'entretien d'appréciation Niveau d'appréciation proposé 1 (…) ne répond pas aux attentes (…) Motivation :
Le comportement de l'agent et sa façon d'agir et de travailler ne sont pas compatibles avec son environnement et ne permettent pas un travail d'équipe efficace.
Nous avons reçu de multiples témoignages et rapports de plaintes de différents collaborateurs du … suites à des comportements non appropriés de l'agent. En conséquence, il a été convoqué auprès de la direction avec ordre de justification.
La situation ne s'est pas améliorée malgré les efforts que l'agent voulait faire ou semble vouloir faire. Son comportement et son attitude envers des règles de sécurité ont considérablement diminués notre confiance en l'agent. (…) ».
Si le compte rendu de l’appréciation reste nécessairement assez succinct, il n’en demeure pas moins que les reproches émis à l’encontre du demandeur y sont décrits avec suffisamment de précision, étant encore relevé, à cet égard, que lesdits reproches ont été discutés avec l’intéressé au cours de son entretien d’appréciation du 28 juillet 2021, tout en lui permettant de présenter ses observations y relativement, ce qu’il a d’ailleurs fait par courrier du 10 août 2021 où il prend position de manière détaillée par rapport à chaque reproche émis à son encontre.
Par ailleurs, force est au tribunal de constater que conformément à l’article 4bis, paragraphe 2, alinéa 2 du statut général, « L’appréciation [des performances professionnelles] est faite sur base des critères d’appréciation suivants a) la pratique professionnelle 21 comprenant les compétences techniques et les compétences comportementales qui sont définies dans la description de fonction, b) la réalisation du plan de travail individuel. », de sorte que la pratique professionnelle est évaluée tant sur le niveau des compétences techniques que sur celui des compétences comportementales de l’agent, chacune desdites compétences pouvant entraîner l’attribution d’un niveau de performance 1.
Il s’ensuit que c’est à tort que le demandeur a affirmé que seuls des reproches d’ordre professionnel technique et pratique seraient susceptibles d’entraîner l’attribution d’un niveau de performance 1 dans le chef d’un agent.
Quant au caractère disproportionné de la décision litigieuse, notamment du fait que le demandeur estime que les faits de l’espèce ne permettraient pas l’attribution d’un niveau de performance 1, le demandeur entend remettre en cause la matérialité des faits lui reprochés, en soutenant que lesdits reproches ne comporteraient ni circonstances de lieu, ni circonstances de temps, que les reproches seraient antérieurs à l’ordre de justification du 25 janvier 2021 et qu’il n’aurait donc pendant 9 mois plus eu aucun reproche d’ordre comportemental, tout en relevant qu’il aurait bénéficié d’une réduction de stage d’une année, qu’il bénéficierait d’une expérience professionnelle de 12 années dans le secteur privé dans le domaine de la maintenance et que son chef de service au … aurait accepté de faire partie de ses « références » dans le cadre de sa recherche d’un emploi, Monsieur … précisant encore que la perte de son emploi aurait eu des conséquences très graves sur son avenir professionnel du fait qu’il serait actuellement âgé de 42 ans.
Il réplique, en outre, que le dossier administratif communiqué ne comprendrait aucune description de fonction en violation de l’article 4bis du statut général, de sorte que l’ensemble des reproches relatifs à son comportement, qui seraient formellement contestés, ne relèveraient pas de l’évaluation des performances professionnelles, mais d’éventuels « raisons dûment motivées » qui constitueraient la première option de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 25 mars 2015, reproche qu’il y a d’emblée lieu de rejeter au regard de la conclusion ci-avant retenue que la résiliation du contrat du demandeur est exclusivement fondée sur l’attribution d’un niveau de performance 1.
Or, contrairement aux contestations du demandeur, la matérialité des faits lui reprochés, à savoir des défaillances comportementales du fait d’avoir fait preuve d’agressivité verbale envers ses collègues, les entreprises fournisseurs et sa hiérarchie, ne saurait être remise en cause, ce dernier ayant, dans le cadre de ses observations, lui-même reconnu avoir eu « un comportement de frustration, d’énervement et un soupçon d’agressivité » au cours de sa période d’initiation, de sorte que les reproches émis à son encontre ainsi que les conclusions de l’entretien du 28 juillet 2021 sont à considérer comme avérés, sans que les éléments invoqués par le demandeur soient de nature à remettre en cause ce constat, ceux-ci n’ayant aucune incidence sur la réalité des faits lui reprochés, étant encore précisé à cet égard que l’évaluation professionnelle du demandeur s’étend sur la période de référence, à savoir entre le 1er septembre 2020 jusqu’au 31 août 2021, l’ordre de justification du 25 janvier 2021 ne faisant, pour le surplus, que corroborer l’existence de défaillances comportementales dans son chef au cours de la période de référence.
Force est encore de retenir que le reproche du demandeur quant à l’absence d’une description de fonction ne saurait tenir alors que le délégué du gouvernement verse non seulement un plan de travail individuel du demandeur pour la période de référence, mais aussi de l’annonce du poste vacant en tant qu’électricien de maintenance publiée sur le site InternetGovjobs contenant une description de fonction, ainsi que la description du poste d’agent de maintenance au sein de la Fonction publique, de sorte que le moyen afférent tenant à une violation de l’article 4bis du statut général est à rejeter pour manquer de fondement.
Il suit de toutes ces considérations que le moyen relatif au caractère disproportionné de la résiliation de son contrat de travail par le ministre en date du 25 janvier 2022 est également à rejeter.
S’agissant de la demande en communication du dossier administratif formulée par le demandeur au dispositif de son recours, le tribunal constate que la partie étatique a déposé ensemble avec son mémoire en réponse et en duplique, le dossier administratif de Monsieur …, de sorte que, dans la mesure où ces pièces correspondent au dossier administratif relatif à la résiliation de son contrat de travail en l’espèce et à défaut d’éléments permettant de retenir que le dossier ainsi versé ne soit pas complet, la demande afférente qui tend à ordonner la communication du dossier administratif encourt le rejet.
En l’absence d’autres moyens, le recours encourt le rejet dans son intégralité.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas non plus lieu de faire droit à la demande de la partie demanderesse en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Il suit de toutes ces considérations et en l’absence d’autres moyens que le recours est à déclarer non fondé en tous ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en communication du dossier administratif comme étant devenue sans objet ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur … ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 septembre 2024 par :
Paul Nourissier, premier vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, Anna Chebotaryova, attachée de justice déléguée, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 24