Tribunal administratif N° 50643 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50643 2e chambre Inscrit le 25 juin 2024 Audience publique du 23 septembre 2024 Recours formé par Monsieur (A1) et consorts, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50643 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 juin 2024 par Maître Lukman ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A1), né le … à … (Kosovo), et de Madame (A2), née le … à … (Kosovo), agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leur enfant mineur (A3), née le … à … (Kosovo), demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 6 juin 2024 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 juillet 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Nazirou Mouhamad THIAM, en remplacement de Maître Lukman ANDIC, et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 septembre 2024.
Le 30 mai 2024, Monsieur (A1) et Madame (A2) accompagnés de leur enfant mineur (A3), ci-après désignés par « les consorts (A) », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A1) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
En date du 3 juin 2024, Monsieur (A1) et Madame (A2) furent entendus, de manière séparée, par un agent du ministère sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.
Par décision du 6 juin 2024, notifiée aux intéressés en mains propres le 11 juin 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à leur demande de protection internationale pour les motifs suivants :
« […] J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites en date du 30 mai 2024 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-
après dénommée « la Loi de 2015 ») en votre nom et pour le compte de votre fille mineure (A3), née le … à …/Kosovo, de nationalité kosovare.
Je suis dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Monsieur, vous signalez être de nationalité kosovare, être officiellement célibataire et originaire de …, où vous auriez dernièrement vécu avec votre compagne et votre fille. Vous avez introduit une demande de protection international parce que votre compagne ne se sentirait pas en sécurité au Kosovo. Il y a environ treize ans, elle aurait vécu seule dans la maison de ses parents, où elle aurait été menacée et violée par un groupe d’hommes cagoulés.
Depuis, elle souffrirait de traumatismes et prendrait des antidépresseurs. Actuellement, votre compagne craindrait toujours pour sa vie alors que des personnes lui auraient encore envoyé en 2023 des menaces sur son compte Facebook ; des menaces de mort qui seraient également dirigées contre vous. Vous supposeriez qu’il s’agirait des mêmes personnes que celles qui l’auraient violée. A cela s’ajoute que les élèves se moqueraient de votre fille à l’école parce qu’ils seraient au courant de l’histoire de sa mère, voire, parce qu’elle ne saurait pas lire ou écrire. Enfin, vous expliquez que votre compagne aurait tellement peur d’être seule que vous ne pourriez pas aller travailler. Vous n’auriez pas disposé de moyens suffisants pour vivre « comme il faut » (p. 4 de votre rapport d’entretien, Monsieur) et auriez dû emprunter de l’argent. En cas de retour au Kosovo, vous craindriez que vous et votre compagne ne soyez tués.
Madame, vous confirmez les dires de votre compagnon. Vous auriez quitté le Kosovo parce que vous y craindriez pour votre sécurité. En 2012 ou 2013, après que vous vous seriez « getrennt » (p. 5 de votre rapport d’entretien) de vos enfants, vous auriez tous les jours été violée, frappée et extorquée par un voisin, un dénommé (B) à 21.20 heures précise. Cette personne serait entretemps décédée. Vous auriez par la suite rencontré votre compagnon et déménagé à … où vous auriez vécu les prochaines neuf années. Or, vous n’y auriez toujours pas trouvé de sécurité alors que des gens se seraient approchés de vos fenêtres et auraient jeté des pierres. Vers 2021, vous auriez décidé de retourner vivre à …, mais vous y auriez aussitôt « wieder die gleichen Menschen gesehen, die uns angesehen haben » (p. 2 de votre rapport d’entretien, Madame). Vous ajoutez que ces mêmes personnes -, des consommateurs de drogues selon vos estimations - auraient souvent frappé à votre porte et disparu au moment où vous l’auriez ouverte. Ils sauraient toujours où vous vous trouveriez. En cas de retour au Kosovo, vous craindriez pour votre sécurité alors que « Vielleicht würden sie mich noch einmal vergewaltigen » (p. 6 de votre rapport d’entretien, Madame).
Le 25 mai 2024, « fatigué de demander de l’argent pour vivre aux gens » (p. 6 de votre rapport d’entretien, Monsieur) vous auriez décidé de quitter le Kosovo à bord d’un bus à destination de la Suisse. Après deux jours passés dans un hôtel, vous auriez passé une nuit dans un hôtel en France avant de prendre le train pour venir introduire des demandes de protection internationale au Luxembourg.
A l’appui de vos demandes de protection internationale, vous présentez vos cartes d’identité kosovares et vos passeports kosovars, tous émis en 2023. […] ».
Le ministre informa ensuite les consorts (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2024, les consorts (A) ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 6 juin 2024 d’opter pour la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à leur demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire.
Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 6 juin 2024, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui des trois volets de leur recours, les demandeurs exposent les faits et rétroactes gisant à la base des décisions déférées, en précisant que les motifs à la base de leur demande de protection internationale seraient liés à un viol dont Madame (A2) aurait été victime, ainsi qu’à des menaces dont ils feraient tous les deux l’objet de la part d’un groupe de personnes non identifié, craignant, à cet égard, de subir des atteintes graves ou d’être tués en cas de retour dans leur pays d’origine.
En ce qui concerne la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, les demandeurs lui reprochent d’examiner systématiquement les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée fondée sur le point a) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et ce, alors même qu’aux termes de cette disposition, le ministre ne pourrait statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée uniquement s’il apparaissait que les faits exposés seraient sans pertinence au regard de l’examen des critères d’éligibilité au statut de réfugié sinon au statut conféré par la protection subsidiaire.
En basant la décision litigieuse sur le point a) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 du fait qu’ils seraient originaires d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de cette même loi, le ministre méconnaîtrait l’article 4 c) de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.
Les demandeurs estiment, en outre, que la crédibilité du récit de Madame (A2) ne saurait pas être remise en cause, alors qu’elle aurait fait état du viol qu’elle aurait subi tant sur la fiche de motifs que lors de son entretien avec un agent ministériel, récit qui aurait, d’ailleurs, été confirmé par Monsieur (A1). Ce serait également à tort que le ministre aurait considéré que ledit viol ne constituerait pas un acte de persécution, étant donné qu’il ressortirait du document de l’UNHCR du 8 juillet 2008, intitulé « Principes directeurs sur la protection internationale :
La persécution liée au genre dans le cadre de l’article 1A (2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au Statut des réfugiés » que le viol serait assimilé à une forme de persécution et que l’article 60 (1) de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique disposerait que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre devrait être comprise, conformément à l’article 3 de cette convention, comme une violation des droits humains et une forme de discrimination à l’égard des femmes, de sorte à devoir être reconnu comme une forme de persécution au sens de l’article 1 A (2) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, désignée ci-après par « la Convention de Genève ». Les demandeurs en concluent que le ministre aurait essayé par tout moyen de traiter leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée afin de pouvoir la rejeter de manière systématique, au lieu d’évaluer les informations pertinentes lui soumises. Leur demande de protection internationale, fondée sur le viol subi par Madame (A2) ainsi que sur les menaces dont serait victime Monsieur (A1) qui tenterait de la protéger « de ses bourreaux », devrait être accueillie favorablement, de sorte qu’ils devraient se voir accorder le statut de réfugié, sinon le statut conféré par la protection subsidiaire.
En ce qui concerne le bien-fondé de leur demande de protection internationale et plus particulièrement le statut de réfugié, après s’être référés aux articles 2 f), 42 et 39 de la loi du 18 décembre 2015, les demandeurs estiment qu’en suivant les principes directeurs de l’UNHCR de 2008, prémentionnés, les actes de persécution subis par Madame (A2) devraient être considérés comme étant suffisamment graves du fait de leur nature et de leur caractère répété pour constituer une violation du droit à sa vie privée et à son intégrité physique et morale « pouvant l’affecter gravement dans sa vie quotidienne ». Pour appuyer leurs dires, les demandeurs renvoient à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») du 11 juin 2024, affaire K, L contre Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, C-646/21.
Ils ajoutent que Monsieur (A1) aurait, d’ailleurs, indiqué à l’agent ministériel les termes des menaces que lui et son épouse auraient reçues, à savoir « on va vous tuer si tu ne fais pas cet acte sexuel ». Il lui aurait encore déclaré que « depuis qu’il y a ce viol. Elle ne se sent pas en sécurité. », de sorte qu’ils craindraient avec raison d’être persécutés sans pouvoir recourir à une protection effective des autorités kosovares, la police les ayant informés qu’elle ne pourrait « rien faire avec un faux compte ».
Les demandeurs indiquent qu’en application de l’article 24 (2) de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », et de l’article 3 (1) de la Convention internationale des droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, l’intérêt supérieur de l’enfant devrait non seulement être pris en compte dans l’appréciation au fond des demandes concernant des enfants, mais également influer sur le processus décisionnel conduisant à cette appréciation.
Les demandeurs font ensuite valoir qu’en leur refusant le statut conféré par la protection subsidiaire sur base de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre aurait procédé à une analyse manifestement erronée de leur situation, alors qu’en effet, le risque d’être exposés, en cas de retour au Kosovo, à des atteintes graves émanant de personnes qui les menaceraient, ne pourrait pas être écarté avec certitude. Selon les demandeurs, il existerait donc un risque réel et élevé d’être victimes d’atteintes graves au sens de l’article 48 b), sinon c) de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour dans leur pays d’origine.
Enfin, tout en relevant qu’il serait constant en cause que l’ordre de quitter le territoire n’est que la conséquence directe de la décision de refus d’une demande de protection internationale, les demandeurs insistent cependant sur le fait que le Grand-Duché de Luxembourg aurait ratifié un certain nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme pour en tirer la conclusion que s’ils se voyaient refuser tant le statut de réfugié que le statut conféré par la protection subsidiaire, ils devraient néanmoins pouvoir bénéficier de la protection contre l’éloignement vers le Kosovo, pays dans lequel ils encourraient un risque réel et suffisamment grave pour leurs vies et intégrités physiques et morales sous la forme de traitements inhumains et dégradants. Le principe de non-refoulement, tel que prévu à l’article 33 de la Convention de Genève serait, d’ailleurs, un « principe de protection cardinal (…) ne tolérant aucune réserve. ». Les demandeurs estiment également que l’application de la procédure accélérée pour traiter une demande de protection internationale ne dispenserait pas un Etat membre de ses obligations lui incombant en vertu de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », tel que cela ressortirait d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (« CourEDH »), T.I. c. Royaume-Uni. Ainsi, la mise à exécution de l’ordre de quitter le territoire pris à leur encontre emporterait une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, respectivement du principe de non-refoulement.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.
Aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.
Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.
Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.
Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».
Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé et, dans la négative de renvoyer le recours devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et b) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; […] ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.
La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par les demandeurs à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par eux ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.
(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.
Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.
La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre. ».
Il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 a désigné le Kosovo comme pays d’origine sûr1 et il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que les consorts (A) ont tous la nationalité kosovare.
1 Article 1er du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 : « (1) Sont considérés comme pays d'origine sûrs au sens de l'article 21 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection: […] -
la République du Kosovo ».
Il convient toutefois de relever qu’au vu du libellé de l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.
Pour l’examen de la question de savoir si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, seule la condition, commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 392 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 403 de la même loi est susceptible d’être pertinente, de sorte que l’examen de la situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.
Il convient ensuite de rappeler que l’une des conditions d’octroi d’une protection internationale est celle de la preuve, à fournir par le demandeur de protection internationale, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.
Il y a partant lieu d’analyser si les demandeurs ont soumis, conformément à l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, des raisons sérieuses permettant de penser que le Kosovo n’est pas un pays sûr compte tenu de leur situation personnelle.
2 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».
3 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.
(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».
En l’espèce, la soussignée constate que les demandeurs omettent à l’évidence d’établir l’existence, dans leur chef, de raisons sérieuses permettant de penser que le Kosovo ne serait pas un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale, telles que décrites ci-avant. Il ne se dégage, en effet, ni des rapports d’audition dressés lors des entretiens par un agent du ministère ni des éléments soumis à l’appréciation de la soussignée que les demandeurs ne pourraient pas obtenir une protection adéquate de la part des autorités kosovares.
La soussignée relève, à cet égard, que les demandeurs n’ont avancé aucune raison valable permettant de penser que leurs droits les plus élémentaires seraient bafoués en cas de retour dans leur pays d’origine, sans que les autorités de ce pays ne puissent, respectivement ne veuillent leur fournir une protection appropriée.
Par ailleurs, il convient de relever que pour qu’un défaut de protection au pays d’origine puisse être retenu, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir cette protection pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut.
L’essentiel est, en effet, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée.
Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, – ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou atteintes graves – cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.
En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.
A cet égard, il convient encore de souligner l’importance de rechercher la protection des autorités du pays d’origine puisqu’à défaut d’avoir au moins tenté de solliciter une forme quelconque d’aide, un demandeur de protection internationale ne saurait reprocher aux autorités étatiques une inaction volontaire ou un refus de l’aider.
En effet, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a lui-même pas tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence d’un viol et de menaces, communément la forme d’une plainte.
En l’espèce, force est d’abord de constater que tant la requête introductive d’instance que les rapports d’audition des demandeurs ne fournissent manifestement aucun élément de nature à pouvoir conclure à une absence de protection au Kosovo.
Bien au contraire, il ressort des explications fournies par Madame (A2) que suite aux viols qu’elle aurait subis de la part de son voisin en 2012 et 2013, elle aurait une fois contacté la police auprès de laquelle elle aurait passé, pour sa propre sécurité, une nuit avant que les agents de police l’aient raccompagnée chez elle. Le soir même un homme avec un masque se serait rapproché d’elle, de sorte qu’elle aurait appelé la police qui se serait rendue sur les lieux sans toutefois pouvoir retrouver cet homme4. Elle aurait déposé plainte ce soir-là. Selon les déclarations de Madame (A2), elle n’aurait ensuite plus déposé de plainte ni même lorsqu’elle aurait été menacée, au motif que « Ich war ja mit (A1) »5.
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que lorsque Madame (A2) s’est adressée à la police, (i) elle a pu passer une nuit au commissariat afin d’être en sécurité, (ii) les agents de police l’ont raccompagnée à la maison et (iii) ils se sont rendus sur place quand elle les a appelés et ils ont recherché la personne l’ayant menacée, le fait qu’ils ne l’aient pas retrouvée ne pouvant suffire à conclure à une absence de protection de la part des autorités kosovares, de sorte qu’il n’est pas établi que les policiers seraient restés inactifs.
Quant à Monsieur (A1), il déclare qu’en ce qui concerne les viols subis par sa compagne, celle-ci aurait « porté plainte au moment des faits »6. Il ajoute qu’ils n’auraient toutefois pas porté plainte contre les personnes exerçant des menaces à leur égard, au motif qu’elles avaient été envoyées depuis de « faux comptes Facebook », de sorte qu’ils estimeraient qu’il ne serait pas possible d’en trouver les auteurs. Il change ensuite de version en disant qu’ils auraient déposé plainte contre les auteurs des menaces et que la police les aurait informés qu’elle ne saurait rien faire au vu du fait que les menaces avaient été envoyées par de « faux comptes Facebook »7. A la fin de son entretien avec l’agent ministériel, Monsieur (A1) change une énième fois de version en indiquant qu’ils n’auraient pas porté plainte au motif que les menaces provenaient de « faux comptes Facebook »8.
Il suit de ce qui précède que si, certes, il existe des incohérences dans le récit de Monsieur (A1) quant à un éventuel dépôt de plainte auprès des autorités kosovares au sujet des menaces subies par un groupe de personnes non identifié, il y a toutefois lieu de constater qu’il confirme lui-même qu’il était impossible aux autorités kosovares de trouver les auteurs de ces menaces au motif que celles-ci avaient été envoyées depuis de « faux comptes Facebook ».
Il suit de ce qui précède que les moyens présentés par les demandeurs afin d’établir que les autorités kosovares ne seraient pas disposées, respectivement seraient dans l’incapacité de leur fournir une protection, sont manifestement infondés.
4 Page 5 du rapport d’audition de Madame (A2).
5 Page 6 du rapport d’audition de Madame (A2).
6 Page 4 du rapport d’audition de Monsieur (A1).
7 Page 4 du rapport d’audition de Monsieur (A1).
8 Page 5 du rapport d’audition de Monsieur (A1).
La soussignée constate encore, dans ce contexte, qu’il ressort des explications du délégué du gouvernement que le cadre légal en matière de protection des droits humains et droits fondamentaux au Kosovo correspond de manière générale aux standards européens – tel que cela ressort également du rapport de la Commission européenne sur le Kosovo du 8 novembre 2023 – et qu’un accord de stabilisation et d’association a été signé entre l’Union européenne et le Kosovo s’agissant d’un « comprehensive agreement that provides a framework for political dialogue and covers cooperation in a wide variety of sectors. […] It outlines priority actions in the fields of good governance, rule of law, competitiveness, investment, sustainable development, employment, education and health », et est entré en vigueur le 1er avril 2016.
Il ressort encore de ses explications qu’il existe des instances supérieures auxquelles la population peut s’adresser dans l’hypothèse où la police ne montre pas la réactivité escomptée, et plus particulièrement l’Inspectorat de la police du Kosovo s’occupant de plaintes en raison de mauvais comportements de la police, ainsi que l’Ombudsman.
Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure qu’il ne ressort manifestement pas des déclarations des demandeurs, ni des éléments soumis à l’appréciation de la soussignée à travers la requête introductive d’instance, ni des pièces du dossier – les demandeurs n’ayant versé en cause aucune pièce à ce propos – que les autorités kosovares compétentes aient refusé ou aient été dans l’incapacité de fournir une protection quelconque contre les agissements dont ils déclarent avoir été victimes, voire qu’ils redoutent en cas de retour dans leur pays d’origine et que, de la sorte, le Kosovo ne serait pas à considérer comme un pays d’origine sûr compte tenu de leur situation particulière.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours des demandeurs, dans la mesure où ils tendent à la réformation de la décision du ministre d’analyser leur demande d’octroi d’une protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’ils ont présentés pour établir que le Kosovo ne serait pas à considérer comme pays sûr dans leur chef sont visiblement dénués de tout fondement.
Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé, sans qu’il ne soit nécessaire de procéder à l’analyse du point a) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.
Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’accorder une protection internationale La soussignée relève qu’aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, précités, de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-
avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précités, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.
Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.
Force est encore de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.
Or, indépendamment de la qualification des faits invoqués à l’appui de la demande de protection internationale, respectivement de la gravité des faits avancés, les demandeurs n’ont manifestement pas établi que les autorités de leur pays d’origine seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas leur fournir une protection appropriée par rapport aux agissements dont ils déclarent avoir été victimes, respectivement dont ils craignent d’être victimes en cas de retour dans leur pays d’origine, étant relevé que dans le cadre du présent recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée ne s’est pas vue soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion. En effet, l’affirmation péremptoire des demandeurs contenue dans leur requête introductive d’instance suivant laquelle il ne serait pas possible d’écarter « avec certitude » et « de manière raisonnable qu’en cas de retour au Kosovo, [ils] ne seraient pas exposés à des atteintes graves émanant des personnes qui les menaçaient » et d’encourir dès lors « un risque réel et élevé d’être victimes d’atteintes graves » au sens de l’article 48 c) la loi du 18 décembre 2015 est manifestement dénuée de tout fondement, puisque, de manière non contestée, il n’existe actuellement aucun conflit armé caractérisé par des violences aveugles au Kosovo. Au vu de ce qui précède, il doit dès lors être conclu que l’une des conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie en l’espèce.
Dans ces circonstances, la soussignée conclut que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que les demandeurs sont à débouter de leur demande de protection internationale.
Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a a priori également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
En ce qui concerne le principe de non-refoulement, ainsi que les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte invoqués par les demandeurs, il échet de constater en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus par les demandeurs en cas de retour au Kosovo, que la soussignée a conclu ci-avant à l’existence, dans leur chef, d’une possibilité de protection suffisante de la part des autorités de leur pays, de sorte que la soussignée ne saurait actuellement pas se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion.
Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH9, la soussignée n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi des demandeurs au Kosovo soit dans ces circonstances incompatible avec les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, voire avec le principe de non-refoulement.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.
9 CourEDH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2003, point 59.
Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 6 juin 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours en réformation contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute les demandeurs de leur demande de protection internationale ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 septembre 2024, par la soussignée, Annemarie THEIS, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Paulo ANICETO LOPES.
s. Paulo ANICETO LOPES s. Annemarie THEIS Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 14