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07/10/2024 | LUXEMBOURG | N°50791

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 octobre 2024, 50791


Tribunal administratif N° 50791 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50791 1re chambre Inscrit le 23 juillet 2024 Audience publique du 7 octobre 2024 Recours formé par Monsieur A, …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50791 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2024 par la société à responsabili

té limitée WH AVOCATS SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des avocats...

Tribunal administratif N° 50791 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50791 1re chambre Inscrit le 23 juillet 2024 Audience publique du 7 octobre 2024 Recours formé par Monsieur A, …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50791 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2024 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B265326, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation 1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 8 juillet 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 août 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le soussigné entendu en son rapport, ainsi que Maître Aminatou KONE, en remplacement de Maître Frank WIES et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 septembre 2024.

Le 28 février 2023, Monsieur A introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur A fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 28 février 2023, un test osseux de Monsieur A fut ordonné par les autorités luxembourgeoises en vue de déterminer l’âge de ce dernier, âge qui fut estimé, selon les 1analyses du Laboratoire de Santé du 9 mars 2023, à un minimum de 25 ans, contrairement aux déclarations de l’intéressé ayant indiqué son âge comme étant 16 ans.

Le 24 mars 2023, Monsieur A fut encore entendu par un agent ministériel en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », alors qu’une recherche effectuée dans la base de données EURODAC avait révélé que l’intéressé avait irrégulièrement franchi la frontière italienne le 11 décembre 2022.

Le 27 mars 2023, les autorités luxembourgeoises adressèrent une demande de prise en charge de Monsieur A aux autorités italiennes, laquelle fut tacitement acceptée par ces dernières en date du 28 mai 2023.

Par courrier du 7 juin 2023, les autorités italiennes informèrent leurs homologues luxembourgeois du fait que l’intéressé serait connu en Italie sous l’alias A1, né le …, de nationalité guinéenne.

Par courrier du 4 janvier 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », entretemps en charge du dossier, informa Monsieur A du fait que le Grand-

Duché du Luxembourg serait devenu responsable de sa demande de protection internationale, sur base de l’article 29 (2) du règlement Dublin III.

Le 12 juin 2024, Monsieur A fut entendu par un agent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 8 juillet 2024, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre informa Monsieur A qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) et c) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 28 février 2023 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Le 28 février 2023, vous vous êtes présenté au Ministère comme vous nommant A2 et être né le … à … en Guinée. A cette date, vous auriez donc été mineur d'âge, à savoir âgé de … ans.

2Le même jour, lors de votre entretien avec le Service de Police Judiciaire, l'officier de police, ayant déjà émis des doutes quant à votre minorité en raison de votre apparence physique, a procédé à la fouille de votre smartphone et a découvert qu'un grand nombre d'applications avaient été effacées. Cependant, votre compte Google a toutefois pu être retracé et a permis de découvrir une date de naissance enregistré, à savoir le 14 octobre 2002 (p.1/4 du rapport de police).

Les autorités luxembourgeoises vous ont dès lors soumis à un examen médical en vue de la détermination de votre âge et vous vous êtes vu remettre, le 28 février 2023, une convocation pour vous présenter à cet examen médico-légal en date du 9 mars 2023.

Le compte rendu réalisé par le Dr. B dispose que votre « âge osseux est à considérer de l'ordre de 25 ans avec une très haute probabilité ». En effet, celui-ci rapporte encore en conclusion que « les différents examens radiographiques montrent un développement osseux complètement achevé au niveau de la main, symétrique et complètement achevé au niveau des clavicules et un développement complètement achevé au niveau de la dentition ».

Pareil constat est tiré par le Laboratoire National de Santé, qui conclut à un « mindestalter von 25 Jahren » en affirmant que « das wahrscheinliche Alter liegt in der Regel deutlich über dem Mindestalter ».

Confronté à ce résultat par l'agent du Service de Police Judiciaire en date du 24 mars 2023, vous avez fini par avouer votre majorité à demi-mesure. En effet, vous affirmez clairement que : « Je ne connais pas mon âge. En tout cas, je n'ai pas vingt-cinq ans mais je ne suis pas capable de dire si je suis mineur ou non. Dans tous les cas, c'est bien possible que j'ai effectivement déjà atteint ma majorité » (p.4/4 du rapport de police). De plus, l'agent de police a contacté votre mère par téléphone qui, elle aussi, a confirmé que vous étiez bel et bien âgé de dix-huit ans.

Il résulte encore du rapport « Eurodac » du 28 février 2023 et du rapport « Dublin III » qui s'est tenu le 24 mars 2023 que vous avez illégalement franchi la frontière italienne en date du 11 décembre 2022.

En date du 27 mars 2023, les autorités luxembourgeoises ont donc adressé une demande de prise en charge aux autorités italiennes conformément aux dispositions du règlement Dublin III. N'ayant reçu aucune réponse de la part des autorités italiennes, elles ont adressé un second courrier en date du 30 mai 2023 informant les autorités italiennes de leur acceptation tacite de prise en charge.

En date du 7 juin 2023, les autorités italiennes ont finalement répondu en informant les autorités luxembourgeoises que vous étiez connu en Italie sous l'alias de A1, né le …, de nationalité guinéenne. Par conséquent, vous auriez été placé dans une structure d'accueil pour mineurs à Foggia, de laquelle vous auriez disparu par la suite.

L'organisation et l'exécution de votre transfert vers l'Italie ayant échoué et le délai de transfert ayant expiré, le Luxembourg est finalement devenu responsable pour traiter et examiner votre demande de protection internationale en date du 4 janvier 2024.

3Dès lors, vous avez été entendu sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale lors d'un entretien avec un agent du Ministère, lequel s'est tenu en date du 12 juin 2024.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Monsieur, lors de l'introduction de votre demande de protection internationale, vous avez déclaré vous nommer A2, être né le …, être de nationalité guinéenne, d'ethnie Peul, de confession musulmane et avoir quitté votre pays d'origine fin 2019 (cf. fiche de données personnelles et rapport de police).

Lors de votre entretien « Dublin III », qui s'est tenu en date du 24 mars 2024, vous avez cependant indiqué avoir quitté votre pays d'origine en octobre 2021. Vous avez également informé l'agent du Ministère que vous n'auriez jamais été en possession d'un quelconque document d'identité ou de voyage et que vous auriez grandi auprès de votre grand-mère (p.3-

4/8 du rapport Dublin).

Lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale du 12 juin 2024, vous déclarez soudainement être né le … en présentant des photos d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance et d'un extrait du registre de transcription des naissances de la commune de …, photos que votre mère vous aurait envoyées.

Vous indiquez encore avoir dernièrement vécu auprès de vos parents et avoir quitté votre pays d'origine en octobre 2021 (p.2,3,6 sur 11 du rapport d'entretien).

En ce qui concerne vos motifs de fuite, vous affirmez, d'une part, auprès de l'agent de police, avoir quitté la Guinée en raison des « grèves (…) je n'ai pas de problèmes personnels là-bas » et, d'autre part, auprès de l'agent en charge de votre audition, avoir quitté la Guinée « parce que je me sens en sécurité ici. C'est calme… ». Vous complétez ces affirmations en indiquant qu'il « y avait des grèves des ethnies. En plus, ma mère me frappait tout le temps » (p.8/11 du rapport d'entretien). De plus, vous élaborez votre crainte en affirmant que plusieurs personnes, des Malinkés, auraient brûlé vos affaires en 2020. Ils auraient également brûlé les magasins aux alentours du garage mécanique dans lequel vous auriez travaillé.

Finalement, vous expliquez ne jamais vous être tourné vers les autorités de votre pays d'origine pour solliciter une quelconque forme de protection contre les actes commis par votre mère, respectivement les actes commis par les personnes d'ethnie Malinké, étant donné que vous auriez été trop jeune et que vous n'auriez pas su comment faire (p.9/11 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

− Une photo d'un extrait du registre de transcription des naissances émis en date du 29 avril 2024;

− une photo d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance du Tribunal de première instance de Mafanco, Conakry émis en date du 18 avril 2024 ;

− une photo d'une ordonnance médicale émise par le généraliste Dr. C, laquelle atteste de plusieurs cicatrices qui sont présentes sur votre corps et lesquelles seraient, selon vos dires, la conséquence des violences subies par votre mère et lors de votre séjour en 4Libye.

3. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que vous tombez sous deux des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

« c) le demandeur a induit en erreur les autorités en ce qui concerne son identité ou sa nationalité, en présentant de fausses indications ou de faux documents ou en dissimulant des informations ou des documents pertinents qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable; » En effet, force est de constater que vous avez menti aux autorités luxembourgeoises lors de votre arrivée au Luxembourg en ce qui concerne votre identité et plus précisément en ce qui concerne votre âge alors que vous avez indiqué avoir seize ans en renseignant une fausse date de naissance, à savoir le 16 juin 2006.

Or, force est de relever que les résultats de votre test osseux sont formels pour dire que votre âge indiqué de seize ans est totalement improbable et que vous êtes largement âgé au-

dessus de la majorité. En effet, selon les rapports officiels du Dr. B et du Laboratoire National de Santé votre âge serait à considérer comme d'au moins 25 ans alors que votre développement osseux serait complètement achevé au niveau de la main, de la clavicule et de la dentition.

Ainsi, force est de soulever que vous avez sciemment menti en ce qui concerne votre âge réel et que vous vous êtes fait passer pour une personne mineure non-accompagnée, sans ne jamais vous efforcez de remettre des documents originaux tels qu'une carte d'identité ou un passeport afin de corroborer votre date de naissance et de facto votre identité.

Au contraire, après confrontation avec les résultats obtenus de votre test osseux, vous avez avoué à demi-mesure votre majorité an affirmant ne pas connaître votre âge et ne pas être capable de dire si oui ou non vous seriez réellement mineur d'âge. Vous dites effectivement qu'il serait très probable que vous ayez déjà atteint la majorité et que vous soyez âgé entre « vingt et vingt-et-un ans ». Or, cette explication ne saurait emporter aucune conviction majeure alors même que vous remettez par la suite, lors de votre audition du 12 juin 2024, deux photos de documents qui prouvent votre majorité puisqu'elles indiquent clairement que vous seriez né le …, de sorte que vous êtes manifestement au courant de votre réelle date de naissance.

Ainsi, force est de conclure que vous étiez donc pertinemment au courant de votre majorité lors de votre arrivée au Luxembourg, majorité que votre mère a d'ailleurs également confirmée auprès de l'agent de police par téléphone, de sorte que vous essayez de profiter d'une prétendue minorité et des avantages procéduraux offerts aux mineurs non-accompagnés dans le but de mettre le plus de chances possibles de votre côté pour vous voir octroyer une protection internationale.

Partant, il est évident que vous avez essayé d'induire les autorités luxembourgeoises en erreur en ce qui concerne votre identité et plus précisément lors de l'ouverture de votre demande de protection internationale en présentant de fausses indications et en dissimulant 5des informations ou des documents pertinents qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable.

« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale ci-dessous développée, il s'avère que le point a) de l'article 27 se trouve également être d'application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Avant tout progrès en cause, il convient tout d'abord de noter que suivant l'article 2 point p) de la Loi de 2015, une demande de protection internationale est à analyser par rapport au pays d'origine du demandeur, c'est-à-dire le pays dont vous possédez la nationalité, ce qui dans votre cas est la Guinée. Les faits de discriminations ou encore de violences qui se seraient déroulés en Libye, lesquels vous mentionnez lors de votre audition, ne sont dès lors pas pris en compte dans l'évaluation de votre demande de protection internationale.

Ensuite, il convient de constater que votre récit est essentiellement vague, ne comportant aucun détail et que vous vous contredisez à quelques reprises, de sorte qu'il peut être retenu que des motifs autres que ceux avancés à l'appui de votre demande de protection internationale ont motivé votre choix de venir en Europe, notamment au Luxembourg.

En effet, force est de rappeler que lors de votre arrivée, tel que détaillez précédemment, vous avez sciemment menti en ce qui concerne votre identité et votre âge, de sorte à mettre considérablement en cause la sincérité de vos dires depuis le début, étant donné que mentir d'emblée sur des informations fondamentales concernant votre personne ne saurait convaincre pour la suite de votre demande.

De plus, en ce qui concerne vos motifs de fuite, il convient de relever que vous avez initialement déclaré auprès de l'agent de police avoir fui votre pays d'origine en raison des « grèves » (p.4/4 du rapport de police) tout en affirmant encore n'avoir aucun problème personnel « là-bas » en parlant de la Guinée. Ainsi, il est curieux de s'interroger pour quelles raisons vous développez ensuite qu'il s'agirait de « bagarre » entre les ethnies pour illustrer votre propos de « grèves » lors de votre audition (p.8/11 du rapport d'entretien), tout en expliquant soudainement qu'en 2020 des personnes d'ethnie Malinké auraient brûlé vos affaires et votre matériel, lequel se serait trouvé dans une tente en face du garage mécanique dans lequel vous auriez travaillé. Ainsi, cela ne correspond aucunement à votre version initialement présentée auprès de l'agent de police selon laquelle vous n'auriez eu aucun problème personnel en Guinée, de sorte qu'il est légitime de s'interroger si ces faits étaient réels ou si vous ne les auriez pas tout simplement inventés dans le but d'ajouter une quelconque lueur de gravité à votre histoire.

6En ce sens, vous vous contredisez également sur la date de départ de votre pays d'origine alors que vous dites, avoir quitté la Guinée, d'une part en 2019 et d'autre part, en octobre 2021. Or, bien qu'on puisse accepter qu'une personne confonde de quelques jours sa date de départ, force est de noter qu'un écart de trois années ne saurait être avéré, d'autant plus qu'il s'agit d'un évènement marquant de votre vie, puisque vous avez manifestement tout laissé derrière vous, à savoir votre famille, votre travail, vos amis et votre pays pour tenter votre chance en Europe.

Selon vos dires, vous auriez également grandi auprès de votre grand-mère et vous n'auriez « pas [été] chez ma mère » (p.3/8 du rapport Dublin), Or, vous dites également à l'agent du Ministère que vous auriez dernièrement vécu auprès de vos parents (p.3/11 du rapport d'entretien), de sorte qu'il convient de s'interroger laquelle de ces deux versions correspondrait donc à la réalité, sachant que vous faites notamment référence à des violences subies par votre mère « tout le temps » (p.8/11 du rapport d'entretien). Ainsi, si vous deviez véritablement avoir grandi auprès de votre grand-mère et ne jamais avoir vécu avec vos parents cette crainte est totalement improbable et non-véridique.

Quoiqu'il en soit et à supposer vos déclarations crédibles, quod non, il échet de constater que vous ne remplissez, ni les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, ni celles pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article lA paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, il convient de rappeler qu'il ressort de votre dossier administratif qu'en cas de retour dans votre pays d'origine vous craindriez d'être exposé à de nouvelles représailles de la part de votre mère, d'une part, respectivement d'être exposé à des « grèves d'ethnies » entre Malinkés et Peuls, d'autre part. En effet, vous ne vous sentiriez pas en sécurité dans votre pays d'origine.

7En ce qui concerne votre première crainte, notamment le fait de subir des violences futures de la part de votre mère en cas de retour en Guinée, force est de remarquer que ces problèmes ne rentrent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève ou de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée clans son pays d'origine en raison de sa race, sa nationalité, sa religion, ses opinions politiques ou son appartenance à un groupe social.

En effet, les violences ainsi subies trouveraient leur origine dans un conflit familial alors que vous dites que votre mère vous aurait frappé tout le temps « parce qu'elle ne m'aime pas » (p.8/11 du rapport d'entretien). Or, un conflit d'ordre familial ne saurait fonder une demande en obtention du statut de réfugié, étant donné que vos craintes ne sont pas en lien avec l'un des cinq motifs de fond du champ d'application des textes précités.

En ce qui concerne la gravité des faits, force est de retenir que vous ne rapportez aucune preuve tangible qui permettrait de corroborer les violences subies par votre mère. La seule ordonnance médicale que vous remettez pour attester des cicatrices sur votre corps et lesquelles vous liez aux violences subies par votre mère ne saurait aucunement prouver le fait que lesdites cicatrices émanent réellement des violences commises par votre mère à votre encontre alors qu'un tel lien est totalement hypothétique et provient de vos seuls dires non-

vérifiables. Ce constat est d'autant plus soutenu par le fait que vous-même dites que certaines des cicatrices seraient également la conséquence des violences subies en Libye (p.9/11 du rapport d'entretien).

De plus, force est de noter que s'agissant d'actes émanant d'une personne privée, ici votre mère, ceux-ci peuvent être considérés comme fondant une crainte légitime uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités guinéennes.

Or, vous n'avez pas porté plainte contre les actes de violences perpétrés par votre mère à votre égard et vous n'avez pas non plus sollicité une quelconque forme d'aide auprès des autorités de votre pays, ce que vous justifiez en avançant que vous auriez été trop « petit » et n'auriez pas su comment vous y prendre (p.9/11 du rapport d'entretien).

Cependant, votre explication ne saurait convaincre dans ce contexte étant donné que les actes de violences commis sur des enfants, ce que vous auriez donc été à l'époque, sont sanctionnés par les lois guinéennes. En effet, l'article 767 du Code de l'Enfant de 2019 dispose que : « Toutes les formes de châtiments corporels, physiques ou verbaux, traitements cruels, inhumains, dégradants ou humiliants sont formellement interdites envers un enfant, que ce soit au sein de la sphère familiale, scolaire, professionnelle, administrative, judiciaire ou autres.

(…)». Dans cette même lignée, l'article 245 du Code pénal guinéen est explicite et sanctionne toutes violences commises sur un enfant.

Vous ne sauriez donc reprocher une quelconque défaillance, respectivement absence d'action des autorités guinéennes compétentes puisqu'en vous abstenant de vous adresser auxdites autorités, vous avez mis ces dernières dans l'impossibilité d'accomplir leurs missions et de vous offrir une protection.

En ce sens, force est encore de noter en ce qui concerne des futures représailles que vous craindriez subir de la part de votre mère qu'il s'agit de craintes purement hypothétiques et qui ne sauraient également pas revêtir un degré de gravité tel à pouvoir être considérées 8comme des actes de persécutions. En effet, vos simples allégations ne sauraient à elles-seules permettre d'établir une quelconque crainte de persécution future dans ce contexte.

A noter que si bien votre mère devrait à nouveau vous violenter, vous pourriez, tel que relevé ci-dessus, vous adresser aux autorités de votre pays, lesquelles sont à même de vous offrir une protection contre cette dernière puisque la loi guinéenne condamne et sanctionne également les violences volontaires commises sur des personnes majeures.

De plus, il convient de relever qu'étant donné que vous êtes désormais majeur, vous n'êtes plus contraint de retourner vivre au domicile de votre mère, de sorte que vous pourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, vous établir par votre propre chef dans une autre ville, respectivement une autre région de la Guinée et reconstruire votre vie.

Finalement, en ce qui concerne votre deuxième crainte selon laquelle il y aurait des grèves entre ethnies Malinkés et Peuls en Guinée, force est de noter que cette crainte ne saurait également pas permettre de vous accorder le statut de réfugié alors que les faits que vous relatez avoir subis dans ce contexte ne revêtent aucun degré de gravité tel à pouvoir être considérées comme des actes de persécutions.

En effet, vous relatez uniquement avoir subi des dégâts matériels que des personnes Malinkés auraient commis, de sorte que concrètement et individuellement il ne vous serait jamais rien arrivé dans votre pays d'origine à cet égard, étant précisé, que si tel devrait être le cas à l'avenir vous avez manifestement la possibilité de requérir la protection des autorités de votre pays d'origine en cas de besoin.

En effet, le constat que vous ne craignez rien dans votre pays d'origine et que vos craintes doivent davantage s'analyser en un sentiment général d'insécurité est finalement confirmé par le fait que vous êtes resté vivre dans votre pays d'origine pendant encore une longue année après lesdits faits, qui se seraient déroulés en 2020 et que pendant toute cette période vous n'avez rencontré aucun souci.

A toutes fins utiles, le fait que votre situation en Guinée n'a pas été si grave que vous ne le prétendez ressort encore du constat que vous n'avez pas introduit de demande de protection internationale, ni en Italie, ni en France, pays dans lesquels vous avez séjourné pendant un certain temps. En effet, vous dites explicitement ne pas avoir voulu introduire une demande de protection en Italie parce que vous auriez été enfermé dans un foyer et que vous auriez eu peur, ni en France, parce que vous ne vous seriez pas senti en sécurité auprès de votre cousin vivant à Paris (p.7/11 du rapport d'entretien). Votre but aurait notamment été de rejoindre le Luxembourg alors que « mon coeur m'a dit qu'il fallait venir ici » (p.4/4 du rapport de police). Or, un tel comportement ne correspond pas à celui qu'on attend d'une personne réellement à risque dans son pays d'origine alors qu'une telle personne aurait introduit une demande dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays 9d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous fondez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié.

En effet, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il échet de relever que vous omettez d'établir qu'en cas de retour en Guinée, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution. Vous laissez également de prouver que vous risqueriez d'être exposé à des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumaines ou dégradantes, étant précisé, tel que relevé ci-dessus, que vous avez la possibilité de requérir la protection des autorités de votre pays d'origine en cas de besoin.

Enfin, vous restez également en défaut d'établir qu'il existerait dans votre chef un risque réel d'être la victime de menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou internationale.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée.

Suivant les dispositions de l'article 34 (2) de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Guinée ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2024, Monsieur A a fait introduire un recours tendant à la réformation (i) de la décision du ministre du 8 juillet 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, (ii) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et (iii) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de 10protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 8 juillet 2024, telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui des trois volets de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, en précisant être de nationalité guinéenne, de confession musulmane et d’ethnie peule.

En droit, et s’agissant d’abord de la décision du ministre de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre lui aurait reproché d’avoir tenté d’induire les autorités luxembourgeoises en erreur en dissimulant son vrai âge. A cet égard, il soulève d’une part, en s’appuyant sur une décision du Conseil constitutionnel français du 21 mars 2019, ainsi que sur un article de presse, que les tests osseux ne constitueraient qu’une preuve relative en ce qu’ils pourraient comporter une marge d’erreur significative et, d’autre part, qu’au regard du contexte familial compliqué et à défaut d’avoir obtenu une éducation scolaire, il ne serait pas surprenant que l’intéressé ignorerait sa date de naissance. La carence de ses parents de l’enregistrer à l’état civil à sa naissance ne saurait lui préjudicier, d’autant plus alors que l’enregistrement des naissances ne serait pas obligatoire en Guinée. Le demandeur affirme encore qu’après obtention de l’acte de naissance de la part de sa mère, il n’existerait plus de doute quant à sa majorité.

Le demandeur conclut que, dans la mesure où il aurait collaboré avec les autorités luxembourgeoises quant à la détermination de son âge, le ministre aurait fait une application erronée de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 en recourant à la procédure accélérée pour traiter sa demande.

A l’appui de son recours dirigé contre la décision de refus de lui accorder le statut de réfugié, le demandeur soutient, en substance, après avoir cité l’article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ainsi que les articles 2, 39 et 42 (2) de la loi du 18 décembre 2015, que ses déclarations ne contiendraient pas d’incohérence, ni concernant les motifs de fuite ni concernant la date de départ du pays d’origine.

Au sujet des motifs à la base de sa demande, le demandeur rappelle qu’il aurait quitté son pays d’origine à la fois en raison des actes de violences subis de la part de sa mère et des « grèves des ethnies » entre les Peuls et les Malinkés. A ce titre, le demandeur se prévaut de diverses publications ayant trait à la situation en Guinée depuis les élections présidentielles du 18 octobre 2020 et émanant d’« Amnesty International », de « Human Rights Watch », de « Monitor civicus » et du « Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides » ainsi que d’articles de presse, documentant un recours excessif à la violence par les forces de l’ordre pour réprimer les manifestants. Dans la mesure où le parti politique au pouvoir se composerait essentiellement de personnes d’ethnie malinké, les répressions des opposants politiques se traduiraient en une répression de la population peule. Il en conclut que les explications qui 11précèdent sur la situation en Guinée étayeraient ses déclarations, de sorte que ce serait à tort que le ministre en aurait déduit des contradictions.

Dans le même ordre d’idées et en raison du fait qu’il ne saurait pas écrire, Monsieur A soutient que le ministre ne saurait valablement lui reprocher qu’une erreur matérielle quant à la date de son départ de la Guinée se serait glissée dans la fiche des données personnelles. Le demandeur fait encore valoir qu’au décès de sa grand-mère, auprès de laquelle il aurait vécu jusque lors, il aurait dû se réfugier chez ses parents où il aurait été frappé par sa mère, ce qui ressortirait également d’un certificat médical versé à l’appui de son recours, de sorte que cette partie de son récit ne contiendrait pas d’incohérence non plus.

Après avoir insisté sur la crédibilité de son récit, le demandeur fait valoir, en substance, qu’il aurait fui la Guinée en raison de l’insécurité y régnante, insécurité qui aurait conduit au coup d’Etat du 5 septembre 2021, le demandeur soulignant, dans ce contexte, que la population peule, en manifestant contre la réélection du président Alpha CONDÉ, serait la cible de violences et d’arrestations arbitraires.

Le demandeur conteste ensuite l’argumentation du ministre selon laquelle son comportement, consistant dans le fait de ne pas avoir déposé de demande de protection internationale en Italie ou en France, mais d’avoir choisi le Luxembourg à cette fin, ne serait pas compatible avec celui d’une personne réellement persécutée et à la recherche d’une protection internationale, étant donné qu’il aurait souhaité déposer sa demande dans un pays sûr, dans lequel la langue française serait parlée.

A l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque, en substance, les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande reconnaissance du statut de réfugié.

Il soutient que les actes invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale seraient d’une gravité suffisante au regard des dispositions de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, tout en soulignant qu’il ne saurait bénéficier de la protection de son pays d’origine, alors que les forces armées malinkés seraient à l’origine de l’insécurité régnant en Guinée.

Finalement, le demandeur sollicite la réformation de la décision portant ordre de quitter le territoire, en tant que conséquence de la réformation de la décision portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale.

A titre subsidiaire, il soutient que l’ordre de quitter le territoire déféré méconnaîtrait l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », au motif qu’un retour dans son pays d’origine l’exposerait à des menaces certaines pour sa vie.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

12 A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient au soussigné de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier de manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

1) Quant au recours visant la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant en premier lieu du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur A dans le cadre d’une procédure accélérée, le soussigné relève que cette dernière décision a été prise sur base des dispositions des points a) et c) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou […] c) le demandeur a induit en erreur les autorités en ce qui concerne son identité ou sa nationalité, en présentant de fausses indications ou de faux documents ou en dissimulant des informations ou des documents pertinents qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable; […] ».

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Le soussigné est dès lors amené à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les 13critiques avancées sont telles qu’il n’est pas permis d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

S’agissant du point c) de l’article 27 (1) précité, le soussigné relève qu’en l’espèce, le ministre reproche à Monsieur A de l’avoir induit en erreur en prétendant à tort être un mineur non accompagné.

A cet égard, force est de constater qu’il ressort du rapport de l’audition du demandeur auprès du service de police judiciaire, que ce dernier a déclaré, lors de l’introduction de sa demande de protection internationale, avoir … ans et être né le …. Il est encore constant en cause pour ressortir du courrier des autorités italiennes du 7 juin 2023, que le demandeur est connu en Italie sous l’alias A1, né le … et qu’il a été enregistré en tant que mineur non accompagné.

Le fait qu’après consultation du téléphone portable du demandeur, il s’est avéré que l’intéressé dispose d’un compte Google indiquant comme date de naissance le 14 octobre 2002 et que sa mère a confirmé par voie téléphonique que Monsieur A est majeur, est de nature à semer un doute considérable sur la réelle identité du demandeur et notamment sur son âge.

La majorité du demandeur a encore été corroborée par une expertise médico-légale du 14 mars 2023, qui s’appuie sur un examen radiographique de la main gauche et des clavicules, un examen dentaire, ainsi qu’un examen physique de l’intéressé, selon laquelle « l’âge osseux est à considérer de l’ordre de 25 ans avec une très haute probabilité » et retenant un « Mindestalter von 25 Jahren », tout en affirmant que « das warscheinliche Alter liegt in der Regel deutlich über dem Mindestalter ».

Force est partant de constater, au vu de ce qui précède, que le demandeur a non seulement induit en erreur les autorités en présentant des fausses indications sur son identité et plus précisément sur son âge, mais encore a-t-il, en prétendant être un mineur non accompagné, dissimulé des informations qui auraient pu influencer la décision du ministre dans un sens défavorable.

Ce constat n’est énervé ni par l’argument du demandeur consistant à affirmer qu’il aurait ignoré sa date de naissance au moment de l’introduction de sa demande de protection internationale, étant donné qu’il a avoué lors de son audition par la police judiciaire que « c’est bien possible que j’ai effectivement déjà atteint ma majorité », de sorte qu’il en était conscient, au moins dans une certaine mesure, ni par le moyen consistant à remettre en question la fiabilité des tests osseux pour la détermination d’âge.

L’invocation d’une seule décision du Conseil constitutionnel français relative à la conformité de l’article 388 du Code civil français à la Constitution en matière de la protection de l’enfant et d’un article de presse luxembourgeois, soit des documents qui sont a priori tous les deux intervenus en dehors d’un contexte médical, ne permet pas de remettre en cause les conclusions dégagées du rapport médico-légal du 14 mars 2023, précité, qui, d’une part, sont basées, non pas de manière isolée sur l’une des analyses y décrites, mais sur la prise en compte conjointe de plusieurs éléments, à savoir un examen radiographique de la main gauche et des clavicules, un examen dentaire, ainsi qu’un examen physique de l’intéressé, conformément aux recommandations de la « Arbeitsgemeinschaft forensische Altersdiagnostik der Deutschen 14Gesellschaft für Rechtsmedizin », et, d’autre part, tiennent justement compte d’une marge d’erreur, étant souligné, sur ce dernier point, qu’aucune des méthodes employées n’a dégagé un âge minimal inférieur à 18 ans, d’autant plus alors que la majorité de Monsieur A est confirmé par l’acte de naissance du 29 avril 2024, indiquant comme date de naissance le 3 janvier 2005, versé par l’intéressé lui-même en cours de procédure.

Force est dès lors au soussigné de constater que la majorité du demandeur est établi et ce contrairement à ce qu’il a déclaré au moment de l’introduction de sa demande de protection internationale.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que le ministre a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée en application du point c) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que le recours, dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est à rejeter pour être manifestement infondé, sans qu’il y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

2) Quant à la décision de refus d’accorder une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder une protection internationale au demandeur, le soussigné relève que l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015 définit la notion de « protection internationale » comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi, comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Aux termes de l’article 2 g) de la loi 18 décembre 2015 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le 15cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ». L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

En outre, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur de protection internationale ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les 16exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

En l’espèce, le demandeur avance comme motifs à la base de sa demande de protection internationale, en substance, (i) une crainte de représailles de la part de sa mère et (ii) une crainte d’être exposé à des « grèves d’ethnies » entre Malinkés et Peuls.

Indépendamment de la question de la crédibilité du récit du demandeur, l’examen des déclarations faites par ce dernier lors de son audition, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène le soussigné à conclure que Monsieur A reste manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécution, respectivement un risque réel de subir des atteintes graves.

En effet, s’agissant tout d’abord de la première crainte invoquée, force est de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

Ainsi, et au-delà du constat que le demandeur n’explique pas, dans sa requête introductive d’instance, dans quelle mesure les faits ainsi invoqués par lui rentreraient dans l’un des critères de l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 ou dans l’une des hypothèses prévues aux points a), b) et c) de l’article 48 de la même loi, force est de noter que l’auteur des violences et menaces alléguées, à savoir la mère de la victime, est une personne privée et ne peut, dès lors, être qualifié comme acteur au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 que dans le cas où les autorités guinéennes ne peuvent ou ne veulent pas accorder à Monsieur A une protection contre les persécutions ou atteintes graves, ou que le demandeur a de bonnes raisons de ne pouvoir ou vouloir se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Or, il ressort du rapport d’entretien du 12 juin 2024 que le demandeur n’a jamais dénoncé les menaces de la part de sa mère à la police et qu’il n’a pas non plus cherché à obtenir une aide auprès d’autres institutions de son pays d’origine. Le soussigné relève à cet égard que si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a pas tenté lui-même formellement d’obtenir une telle protection. Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces et d’actes de violence, communément la forme d’une plainte. Ainsi, à défaut d’avoir déposé une plainte et d’avoir présenté de quelconques éléments probants permettant de retenir qu’une telle démarche aurait été vouée à l’échec, le demandeur ne saurait reprocher aux autorités guinéennes compétentes une absence de protection contre les agissements de sa famille.

Dès lors, le soussigné est amené à conclure que le demandeur n’a manifestement pas établi un défaut de protection de la part des autorités étatiques guinéennes, de sorte qu’au moins l’une des conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie dans son chef, d’autant plus alors 17qu’au vu de sa majorité, rien ne l’obligerait de retourner dans le foyer familial, en cas de retour dans son pays d’origine.

En ce qui concerne encore l’affirmation non autrement circonstanciée du demandeur dans son entretien ainsi que dans son recours suivant laquelle « il y avait des grèves des ethnies », respectivement suivant laquelle « le pays état en proie de graves violences. La population peule, en manifestant contre la réélection du président Alpha Condé était la cible de violences et d’arrestations arbitraires. », il échet de relever que de telles allégations non autrement sous-tendues et sans mise en relation avec sa situation personnelle ne sont manifestement pas de nature à justifier l’octroi d’une protection internationale.

Le seul fait que les affaires du demandeur auraient été brûlées par des personnes non autrement identifiées ne permet pas d’établir à suffisance de droit qu’à l’heure actuelle, le demandeur courrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel de subir de la part de ces mêmes personnes des actes d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves au sens de la loi.

Cette conclusion n’est manifestement pas énervée par les développements du demandeur ayant trait à la situation générale régnant dans son pays d’origine.

En effet, à l’égard de la situation générale en Guinée, la Cour administrative a retenu ce qui suit, dans un arrêt du 24 mars 2022, portant le numéro 46550C du rôle1 : « […] si la question ethnique, exacerbée dans le cadre du débat politique, doit conduire à une certaine prudence dans l’appréciation des demandes de protection internationale formulées par des ressortissants guinéens peuls, qui font l’objet de violences, il n’est toutefois pas permis de conclure que tout membre de la communauté peule serait en raison de sa seule origine ethnique sujet à des persécutions. […] ».

En l’espèce, au vu des pièces soumises à son appréciation, qui ne sont pas de nature à invalider les constats ainsi faits par la Cour administrative quant à la situation sécuritaire régnant en Guinée et, notamment, celle des Peuls, le soussigné fait sienne la conclusion dégagée par la Cour, selon laquelle la situation des Peuls en Guinée n’est pas telle que tout membre de cette ethnie puisse valablement se prévaloir d’une crainte fondée d’être persécuté du seul fait de son appartenance ethnique. Il s’ensuit également que l’appartenance d’un ressortissant guinéen à l’ethnie peule n’est pas à elle seule de nature à l’exposer à un risque réel de subir des atteintes graves dans son pays d’origine.

Au vu de tout ce qui précède, le soussigné arrive à la conclusion que les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile ne sont manifestement pas de nature à justifier l’octroi d’une protection internationale, de sorte que le ministre a valablement pu refuser de faire droit à la demande en question.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que Monsieur A est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire 1 Disponible sur www.jurad.etat.lu.

18En ce qui concerne le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, le soussigné relève qu’aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné qu’il vient d’être retenu que le recours dirigé contre la décision du ministre portant rejet de la demande de protection internationale de Monsieur A est manifestement infondé et qu’un retour du demandeur dans son pays d’origine ne l’expose dès lors ni à des actes de persécutions, ni à des atteintes graves, le ministre a valablement pu assortir sa décision de refus d’un ordre de quitter le territoire, sans violer les dispositions de l’article 129 de la loi du 29 août 2008.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 8 juillet 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 octobre 2024 par le soussigné, Daniel WEBER, vice-président au tribunal administratif, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50791
Date de la décision : 07/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-07;50791 ?

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